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JAMT, Volume 23, Série 5,
Novembre 2023,
Email : manuscrit.tma@gmail.com
ISSN :95979871
1
2
Editions Comerci, ‘Journal Of African Management Trends’
Directeur de Publication
Pr. Dr. Alain Ndedi
Secrétariat scientifique de rédaction :
Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun
Pr. Dr Paulin Mbecke
Pr. Dr. Francis Kemegue
Comité éditorial :
Pr. Dr. Nurudeen Oyekola, BoT Chair, Global Confederation of Certified
Entrepreneurship and Innovation Institutes (GCCEI)/Registrar Institute
of Classic Entrepreneurship (ICEnt)
Dr. Bamidele Wale-Oshinowo, University of Lagos, Nigeria
Pr. Dr. Rose Ikelle, ESSEC, Université de Douala, Cameroun
Pr Dr Jules Banaken, Banque de Développement des Etats de l'Afrique
Centrale
Pr Dr Pierre-Joubert Nguetse Tegoum, Ministère de l’économie et de la
Planification, Cameroun
Pr. Dr. Alain Ndedi, International Council for Family Business /Prime
Light University
Pr. Dr. Francis Kemegue, Boston Insights and Analytics, USA
Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun, Université de Johannesburg
/Tshwane University of Technology, RSA
Pr. Dr Paulin Mbecke, Université du Moyen Lualaba, DRC
Dr Polycarpe Feussi, Université de Johannesburg, RSA
Pr Dr Essombe Edimo Jean Roger, Université de Yaoundé II-
Soa, Cameroun
Pr Dr Tchouassi Gérard, Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun
Pr Dr Thierry Levy Tadjine, Université Paris 8, France
Pr Dr Mantsie Rufin W., Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville
Dr Kok Lawrence, University of Johannesburg, RSA
Pr Dr Makosso Bethuel, Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville
Dr Florence Nisabwe, President and CEO, Rise and Shine.
Volume 23, Série 5, Novembre 2023,
Email : manuscrit.tma@gmail.com
ISSN : 95979871
3
4
5
TABLE DES MATIERES
P. 7
INTRODUCTION
P. 13
Les BRICS, un cas d’école des modèles d’émergence économiques achevés
Dr Onguene Ateba Julien Grégoire
Abdoulaye Bengaly
P.43
Contribution de la délégation des services publics à la qualité perçue des
usagers citoyens dans les collectivités territoriales décentralisées
Béninoises
Dr. Nakou Zinsou Daniel
Dr. Faladjou Iloranwo Hortence
M. Couton Sèhouénou Sévérin
Pr. Simen Nana Serge Francis
P. 78
Baisse des tarifs douaniers du Cycle de DOHA et filière céréale du
Cameroun : Une opportunité à saisir dans la ZLECAF
Dr Onguene Ateba Julien Grégoire
P. 107
Effet des microcrédits alloués aux femmes pour leur développement
social dans la ville d’Uvira en RDC
Furaha Kazinguvu
P. 127
The advent of green marketing principles to curb environmental pollution
in Chad
Mr. Djekoundayom Bemba
P.140
The importance of Early warning responses in response to the Boko
Haram insurgencies in the Lake Chad Basin
Mr Satadjim Succès Noel
6
P. 151
Impact de la digitalisation sur la conformité Bancaire en zone CEMAC :
Tentative de construction d’un modèle
Mr Bonny Matanda Adrien Sylvain
P. 158
La place de l’intelligence artificielle (IA) dans l’industrie pétrolière de la
République du Congo
Mr Prince Herauld Mombouli Ebama
7
INTRODUCTION
Déjà le numéro 5 du volume 23 du Journal of African Management Trends
(JAMT) du mois de novembre 2023. Une brève introduction du concept
BRICS.
Cette série arrive après les évènements du Gabon avec le coup d’état dans
ce pays stable d’Afrique Centrale. Bien sûr, on a connu une année très
mouvementée en Afrique ; les coups d’état au Niger, la réunion du BRICS
en Afrique du Sud, et depuis le 17 Novembre, la défaite du président
sortant Libérien à l’élection présidentielle de 2023. Coup de chapeau au
président sortant, George Weah Manneh. L’Afrique émergente te tire un
coup de chapeau ! en tant qu’ancien sportif de haut niveau, tu as fait
preuve de sportivité.
Qu’est c’est que le BRICS ? En 2001, la banque Goldman Sachs publie un
rapport pour alerter sur la rapide croissance économique de quatre pays
non membres du G7, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (BRIC)
qui, selon elle, vont accéder aux premières places de l’économie mondiale.
La remarque de Goldman Sachs voit la nécessité de réformer le G7 pour y
incorporer ces quatre pays. Cette remarque restera lettre morte. La Russie
lance, en 2006, en marge de l’assemblée générale des Nations-Unies, le
processus de création d’un groupe de coopération et d’échange avec la
Chine, le Brésil et l’Inde, groupe appelé BRIC. Les chefs d’État de ces pays
se réunissent pour la première fois à Ekaterinbourg (Russie), le 16 juin
2009 au cours duquel ces quatre pays déclarent vouloir développer leur
coopération pour faire advenir un monde multipolaire ‘plus démocratique
et plus juste,’ en réclamant notamment la réforme des institutions de
Breton Woods (Banque mondiale et Fonds Monétaire International) et leur
plus grande ouverture aux économies émergentes. Depuis lors, les BRICS
réitèrent leurs demandes et affinent le rôle qu’ils entendent voir jouer par
leur groupe dans tous les champs des relations internationales avec les
Nations Unies comme point central. Ils présentent leur stratégie comme
une volonté de réforme de l’existant ; Russie et Chine sont membres
permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies et plaident pour y
faire accéder entre autres pays l’Inde, plutôt que de remplacement. Pour
cela, ils s’organisent afin de coordonner leurs positions dans les réunions
et organisations internationales et mettre en place des coopérations
sectorielles entre eux.
Cette année, le sommet des pays émergents des BRICS (Brésil, Russie,
Inde, Chine, Afrique du Sud) s'est déroulé à Johannesburg avec, au
centre des discussions, l'élargissement du bloc qui veut étendre son
influence politique et économique mondiale.
8
Une quarantaine de nations ont demandé leur adhésion ou manifesté
leur intérêt pour rejoindre le ‘club des cinq’, qui produit plus du quart
de la richesse mondiale et rassemble 42% de la population du globe.
Pour ce mois de Novembre, notre série 5 du volume 23 est très riche et
regorge des articles qui traitent des problèmes contemporains du
continent noir.
L’article de Dr Onguene Ateba Julien Grégoire et
Mr Abdoulaye Bengaly sur les BRICS a pour objectif de démontrer que
les pays émergents actuels sont un exemple à s’inspirer pour les pays
africains pré-émergents. Ces pays doivent intégrer le postulat selon lequel
l’atteinte de l’émergence économique a pour conséquence l’amélioration
de la structure économique d’un pays et le bien-être des populations. A
cet effet, l’article analyse les fondements sur lesquels l’itinéraire de
l’émergence économique de l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud
s’est bâtie. La particularité de la Russie, autrefois connue sous le nom
URSS qui est un paradoxe d’émergence économique, car longtemps
classée comme une superpuissance avant de chuter à la suite sa la
dislocation en 1991 interroge davantage. Loin d’être une étude
comparative entre pays des BRICS, ces modèles inspirent notre analyse en
lien avec les pays pré-émergents africains qui aspirent à être émergents.
L’article de Dr. Nakou Zinsou Daniel, Dr. Faladjou Iloranwo Hortence,
M. Couton Sèhouénou Sévérin et Pr. Simen Nana Serge Francis sur la
délégation des services publics à la qualité perçue des usagers citoyens
dans les collectivités territoriales décentralisées Béninoises. Cette
recherche vise à analyser l’influence de la délégation des services publics
sur la qualité perçue des usagers-citoyens dans les collectivités
territoriales décentralisées béninoises. A cet effet, les auteurs ont procédé
à une recherche quantitative hypothético-déductive basée sur un
questionnaire auprès de 200 usagers-citoyens dans deux collectivités
décentralisées (Parakou et Bohicon) béninoises dont les données ont été
présentées et traitées dans le logiciel SPSS 26.0. Les résultats de cette étude
ont indiqué d’une part que les usagers-citoyens sont satisfaits de la
délégation des services publics sur les plans de la serviabilité et de la
communication et d’autre part, cette recherche propose la priorisation des
actions de la délégation en fonction du poids de serviabilité, de la
communication et de la connaissance sur la satisfaction des usagers-
citoyens dans les collectivités décentralisées béninoises.
9
La Baisse des tarifs douaniers du Cycle de DOHA et filière céréale du
Cameroun : Une opportunité à saisir dans la ZLECAF est rédigé par Dr
Onguene Ateba Julien Grégoire. Le cycle de libéralisation commerciale
lancé en novembre 2001 à Doha avait pour ambition d’améliorer l’accès
aux marchés des produits agricoles amorcé en 1986 dans le cycle de
l’Uruguay connue sous le nom de l’Uruguay Round. Ces négociations sont
bloquées à ce jour dans un contexte de crise alimentaire et inflationniste
mondiale. Cet article est basé sur une analyse empirique en statistique
comparative à l’aide de Agricultural Trade Policy Simulation Model
(ATPSM), un modèle d’équilibre partiel montre que la réduction
multilatérale des tarifs douaniers sur les produits céréaliers est favorable
en faible proportion pour le bien-être dans la filière céréalière au
Cameroun. En effet, la réduction des tarifs douaniers entraîne une légère
baisse des prix à la consommation, une baisse de la production locale et
une hausse des recettes tarifaires. Elle accroît les importations au
détriment des exportations. Les gains de surplus des consommateurs et
de l’Etat qui en résultent sont insuffisants pour compenser la baisse du
surplus du producteur. Cette baisse est d’autant plus élevée que
l’ambition de réduction multilatérale des tarifs douaniers sur les produits
céréaliers est grande. Pour éviter une baisse des revenus des producteurs,
le Gouvernement camerounais doit améliorer la production locale et saisir
les opportunités qu’offre la ZLECAF. Car, ATPSM montre que malgré le
fait qu’accroître la production intérieure entraine une baisse des recettes
tarifaires et de bien-être national, elle permet une nette amélioration du
surplus des consommateurs et des producteurs camerounais grâce à une
nouvelle baisse du prix à la consommation et une augmentation des
exportations.
La contribution intitulée Effet des microcrédits alloués aux femmes pour
leur développement social dans la ville d’Uvira en RDC de Madame
Furaha Kazinguvu
Mr. Djekoundayom Bemba on the development of green marketing
principles as a response to the problem of healthy environment in Chad
aims to position green practices usages at the heart of the Chadian
economy. In today’s changing business environment, companies are
facing environmental issues that negatively influence all human
endeavours consequent upon which green issues that are incorporated
into companies marketing strategies. In a society concerned with the
degradation of the natural environment, academics and professionals in
10
marketing are becoming more responsive through their research in one
hand for academics, and innovative strategies for professionals to address
customers’ concerns. In Chad, because of consistent failure of the central
government to provide portable water, there is proliferation of companies
supplying bottled/sachet water outfits to satisfy customers’ needs. This
move for the past ten years is leading to an increased consumption of
water related products and the throwing away of plastic empties
packaging in the nature thereby causing uncontrollable environmental
pollution. The present article unpacks the dependant and independent
variables under this study, namely green marketing and environmental
pollution. Through interviews and library research with a view to finding
out whether if green marketing principles can be seen as a solution to the
problem. The paper establishes that green marketing if properly exploited
can serve as environmental pollution in volatile business environment in
which we find ourselves. At the end, some recommendations are tabled
for Chadian officials to create a conductive environment for an eco-
friendly and free of bottled/sachet water production in Chad. The paper
urges the Chadian government to develop seminars and workshops to
train the general public and reorient their citizenry on the importance of
proper refuse disposal and the littering of the country environment with
disposable plastics containers.
Mr Satadjim Succès Noel discusses the Role of Early warning responses
to curb the Boko Haram insurgency in the Lake Chad Basin. For decades,
the four Lake Chad Basin (LCB) countries have grappled with various
forms of insecurity including banditry, abduction, highway robbery and
cattle rustling among other challenges. In addition, the most significant
security challenges confronting the LCB remain the Boko Haram crisis. In
this regard, Cameroon, Chad, Niger and Nigeria have all been impacted
by violent extremism that impedes State functionality and its capacity and
willingness to provide human security. The focus on conflict dynamics in
the LCB must therefore been seen as a critical issue and look at a wide
spectrum of actors, structures and processes that spawn insecurity in the
region while still centring the Boko Haram phenomenon and its
connections with other conflict or security dynamics. The article based on
an empirical research was carried out in the eight
provinces/states/regions directly affected by the Boko Haram
insurgency: Far North and North regions (Cameroon), Hadjer Lamis and
11
Lac provinces (Chad), Diffa region (Niger), Adamawa, Borno and Yobe
states (Nigeria) with the aim to understand if early warning systems are
fully used and implemented. The findings show that there is not enough
use of early warning systems to combat Boko Haram insurgencies. This
article intends to fill that gap by bringing forward strategies to deal with
this crisis.
L’article de Mr Bonny Matanda aborde la question de la question de la
conformité bancaire en zone CEMAC. Les risques de conformité générés
par les développements technologiques et l'évolution rapide du
comportement des clients ont braqué les projecteurs sur le cadre actuel de
la conformité bancaire et le rôle de la digitalisation. La maîtrise des risques
en zone CEMAC est une condition essentielle de croissance financière et
bancaire. Concevoir et animer un dispositif adéquat de maîtrise des
risques ou encore un modèle est donc un facteur clé de succès pour tout
acteur économique, qu’il soit public ou privé. Ceci nécessite une excellente
connaissance de son organisation, mais également du cadre réglementaire
spécifique où ses activités sont exercées. Cet article tentera d’atteindre cet
objectif.
Avec l’article de Mr Prince Herauld MOMBOULI EBAMA, l’auteur
relève les défis auxquels fait face l’industrie pétrolière congolaise sont
ceux que rencontrent tous les États producteurs des hydrocarbures et
toutes les compagnies pétrolières transnationales d’une manière générale
et celles opérant sur le territoire congolais en particulier. En effet, devant
la faiblesse constante des prix, les coûts élevés et la complexité́ croissante
des activités, les sociétés pétrolières et minières doivent plus que jamais
chercher à apporter des solutions nouvelles et efficaces à leurs problèmes.
Cet impératif d’innovation d’après l’auteur, est donc une réalité́
largement acceptée dans le secteur du pétrole et du gaz dont la réponse la
plus évidente réside dans l’intelligence artificielle. C’est dans cet optique
le concept d’IA qui repose sur des algorithmes très performants, capables
d’apprendre, de raisonner, et d’accomplir des tâches qu’a priori seule
l’intelligence humaine peut accomplir se présente comme un instrument
ou encore un outil de management indispensable à la survie de
l’organisation. Plus simplement, l’IA peut se concevoir alors
fondamentalement comme un ensemble de techniques de prédiction qui
consistent à́ associer á une information une action destinée à́ atteindre
12
un objectif prédéterminé́ par l’homme. Cette article monstre
l’importance de l’AI dans l’industrie pétrolière du Congo.
Au nom du comité éditorial, mes sincères remerciements à tous les
contributeurs et à leurs institutions respectives, et une bonne lecture à
tous.
Nous vous remercions de bien vouloir envoyer vos contributions au plus
tard le 31 Décembre 2023 et commentaires par courriel aux adresses
suivantes:
ndediaa@gmail.com et manuscrit.tma@gmail.com (secrétariat)
Prof. Dr. Alain Ndedi
13
Les BRICS, un cas d’école des modèles d’émergence économiques
achevés
Dr Onguene Ateba Julien Grégoire
Economiste / Logisticien des transports,
Expert en Douane et Transit,
Enseignant agrée à la Sorbonne Institut de paris
Enseignant vacataire à l’Université de Bertoua et de Douala
Tel : (237) 699 260 367 / (237) 676 531 537
E-mail: alandesstyles2016@gmail.com
Abdoulaye Bengaly
Doctorant à l’Institut de
Pédagogie Universitaire (IPU)
Faculté des Sciences
Economiques et de Gestion (FSEG)
Centre Universitaire de Recherche Economique
et Sociale (CURES) de Bamako-Mali,
E-mail :bembus130@yahoo.fr
Cite l’article : Onguene Ateba, J, G. et Bengaly, A, (2023), Les BRICS, un cas d’école
d’un mod-le d’émergence économique achevé. Journal of African Management Trends.
Volume 23, Série 5, Novembre 2023. P.p : 12-41.
RESUME :
L’objectif de ce papier est de démontrer que les pays émergents actuels
sont un exemple à s’inspirer pour les pays africains pré-émergents. Ces
pays doivent intégrer le postulat selon lequel l’atteinte de l’émergence
économique a pour conséquence l’amélioration de la structure
économique d’un pays et le bien-être des populations. A cet effet, ce
papier analyse les fondements sur lesquels l’itinéraire de l’émergence
économique de l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud s’est bâtie. La
particularité de la Russie qui est un paradoxe d’émergence économique,
car longtemps classée comme une superpuissance avant de chuter à la
suite sa la dislocation en 1991 interroge davantage. Loin d’être une étude
comparative entre pays des BRICS, ces modèles inspirent notre analyse en
lien avec les pays pré-émergents africains qui aspirent à être émergents.
Mots clés : Pays pré-émergents, Pays émergents, modèle, émergence
économique, bien-être.
14
INTRODUCTION
Le 24 Août 2023 à Johannesburg marque un tournant dans l'histoire des
BRICS. Ils ont accepté 06 autres pays. Il semble logique que les BRICS
deviennent dorénavant BRICS+6 ou ce qu’on pourrait appeler COPPEE
(Communauté des pays pré-émergents et émergents avec l'entrée dès
janvier 2024 des pays tels que : Argentine, Ethiopie, Égypte, Iran, Arabie
Saoudite, Emirats Arabes Unis. On pourrait alors arriver aux BRICS+30
d'ici 2050. Le BRICS+6 bascule donc à près de 43% de la population
mondiale, environ 33% de l'économie, et près de 30% du territoire
mondial. L'entrée de certains pays africains semble interroger plusieurs
acteurs. Pour les pays d'Afrique noire francophone, on pourrait croire à
un syndrome de malédiction de l'Afrique noire francophone. Les seuls
pays qui sortent du lot sont le Sénégal, la Côte d'Ivoire, Cameroun, Congo.
Malheureusement moins lotis que l'Égypte et l'Éthiopie qui ont fait leur
entrée dans le Top 11 des BRICS+6. Plus de 20 pays ont officiellement
demandé à rejoindre les BRICS.
C'est depuis près de quarante ans que les pays émergents travaillent. Ils
ont maturé leurs politiques d'émergence économique et sont des cas
d'écoles des modèles d'émergences économiques achevés. Ce sont des
pays qui ont axé leur décollage par le facteur travail et les réformes
structurelles sur le plan économique avec une ouverture vers les échanges
internationaux. C'est le cas de la Chine qui a bénéficié du charisme de
Mao-Tsé-Toung (Mao Zedong). L'Inde a expérimenté un modèle pro-
affaires versus pro-marché pour permettre à l'Etat et ses hommes
d'affaires de contribuer au développement via la construction de certaines
infrastructures physiques, énergétiques, numériques et autres. Le Brésil a
bénéficié d'un modèle assis sur la puissance démographique et agricole à
travers des fermes familiales qui ont boosté l'émergence économique. La
Russie est le paradoxe des pays émergents, car superpuissance hier, elle a
été victime de la dislocation de l'ex-URSS avec la détérioration de son
économie et s'est relevée dès le début des années 2000 avec des nouvelles
réformes de marché suite au chao créé par les oligarques russes. L'Afrique
du Sud est un laboratoire minier et industriel, c'est l'un des leviers de son
émergence à côté des réformes économiques postapartheid et la
reconfiguration spatiale.
15
1. REVUE DE LA LITERATURE
Il y'a un fait c'est que tous ces BRICS avaient hier dans leurs élans des
dénominateurs communs: Modèle politique de rigueur, le facteur travail
comme facteur d'émergence, la puissance géographique, démographique,
agricole et autres.
1.1 Le modèle d’émergence économique Indochinois
L’effectivité de l’émergence économique Indochinoise est d’autant plus
spectaculaire que ces deux pays n’ont plus le même visage que celui qu’ils
avaient dans les années 1960. Ils convoquent un regard original, qui
permet en retour de questionner les approches d’économie comparée du
développement. Cette sous-section introduit des questions avec une
analyse d’histoire économique, et pose un regard sur la trajectoire de ces
pays, de par les variables explicatives qui ont été actionnées.
1.1.1 Le modèle d’émergence économique chinois
L'émergence économique de la Chine pose un problème d'adaptation
difficile à certaines puissances mondiales. Si les autorités chinoises se
plaisent à rappeler que la Chine est toujours en voie de développement,
avec en particulier un revenu par tête parmi les plus faibles au monde, son
poids économique est pourtant déjà celui de la deuxième puissance
économique mondiale depuis le 2e trimestre 2010, avec un taux de
croissance de l'ordre de 10 % par an, qui s'est maintenu pendant 25 ans.
Mais, il faut dire que c’est en début du XXIe siècle que le poids dans
l’économie mondiale de la Chine augmente selon (O'Neill, 2001).
Quatre facteurs expliquent l’émergence économique de la Chine. Ce sont
la stabilité, la technologie et l'éducation, l'industrialisation et le travail. Le
pays a pris la voie vers l'émergence en mettant fin à la révolution culturelle
qui a duré dix ans. A ce propos, cette révolution a été un désastre national.
Pour Madisson (1998, 2007), il semble que la Chine ait été plus pauvre ces
années-là qu'au début du XIXe siècle.
1.1.2 Emergence économique par les reformes de la transition
économique
A la mort de Mao Zedong en 1976, une lutte féroce entre prétendants fait
rage au sommet de l'État. L'ex-secrétaire général du Parti communiste
Deng Xiaoping parvient finalement au pouvoir en 1978. Il met en place les
réformes économiques, introduisant les principes d'une économie de
marché en deux étapes. La première étape, à la fin des années 1970 et au
16
début des années 1980, voit la décollectivisation de l'agriculture,
l'ouverture du pays aux investissements étrangers et l'autorisation pour
les entrepreneurs de se lancer dans des affaires. Cependant, la plupart des
industries sont restées des propriétés de l'État. La deuxième étape de la
réforme, à la fin des années 1980 et 1990, voit la privatisation et la sous-
traitance de nombreuses industries d'État et la levée du contrôle des prix,
des politiques protectionnistes et des régulations de l'économie, bien que
l'État chinois conserve le monopole de certains secteurs tels que la banque
et le pétrole.
La Chine étant désormais définie comme une économie socialiste de
marché, elle connaît alors progressivement une phase de forte croissance.
En 1984, les régions chinoises acquièrent davantage d'autonomie et
peuvent être libres de leurs investissements.
A son retrait de la vie politique en 1992, Deng Xiaoping met en œuvre une
politique fréquemment désignée sous le nom d'économie socialiste de
marché, dans la mesure où elle marie des éléments de l'époque maoïste1
et un certain libéralisme économique. Cette synthèse idéologique permet
à la Chine d'ouvrir progressivement son économie tout en conservant son
régime politique
Depuis les années 1990 et 2000, l'économie de la Chine connaît une
croissance de plus en plus rapide, supérieure à 8-9 % par an, en raison du
bas coût de la main-d'œuvre et des possibilités d'échange offertes par les
technologies. Madisson (2007) démontre que sans la stabilité, la Chine
n'aurait pas connu de développement. La situation du chaos a été changée
et le pays a pris la voie de la modernisation, la priorité à l'éducation
obligatoire, qui a fourni un soutien intellectuel pour les réformes
entreprises. La Chine compte 260 millions d'élèves, soit 20% de la
population. Le taux d'analphabétisme en Chine en 2011, était de 1,8%. En
1999 le rythme de l'enseignement supérieur a été accéléré. En 2003, il
y’avait 34,608 millions élèves et étudiants, soit près de 35% du taux de
scolarisation, contre 5% en 1987. La population active est estimée à 900
millions de personnes.
Pour Pairault (2008), la Chine est donc passée de pays fort d'humains, à
un pays fort de ressources humaines, rejoignant le modèle de Lucas (1988)
sur le rôle du capital humain sur la croissance économique a relevé. Le
secteur privé a augmenté remarquablement, il représentera en effet près
de 70 % du produit intérieur brut chinois en 2005. De 1978 à 2013, une
1Contrôle politique autoritaire de l'économie, plans volontaristes d'industrialisation et
de grands travaux
17
croissance sans précédent a lieu, l'économie enregistrant une croissance
de 9,5 % par an.
1.1.3 Emergence économique par l’ouverture au commerce international
Selon Pairault (2008), deux orientations-clés expliquent cette croissance
ultra-rapide et continue : tout d'abord la décision de convertir la Chine à
l'économie de marché prise à la fin des années 1970 par Deng Xiaoping, et
concrétisée par la nouvelle constitution de 1982; ensuite, l'adhésion de la
Chine à l'Organisation mondiale du commerce au début de l'année 2002,
qui couronne vingt années de réformes économiques et légales
soigneusement planifiées, et quinze ans de difficiles négociations. C'est
cette deuxième étape, ardemment attendue par les dirigeants chinois, qui
a ouvert le marché mondial à la Chine, et fait d'elle le premier but des
investisseurs étrangers.
Depuis les années 1980, la Chine connaît une industrialisation massive et
est ainsi peu à peu devenue un acteur majeur dans les industries de main-
d'œuvre, les industries textiles et les objets manufacturés de basse qualité.
Grâce à une main-d'œuvre nombreuse et bon marché ainsi qu'à un taux
de change très compétitif, elle peut exporter de très grandes quantités à
des prix très bas. L'industrialisation volontariste renforce ses capacités
productives et exportatrices d'année en année, ce qui vaut au pays le
surnom d'« atelier du monde ». L'ouverture économique internationale de
la Chine repose quant à elle sur les Zones économiques spéciales (ZES),
qui couvrent aujourd'hui la quasi-intégralité du littoral chinois. Offrant
des conditions de travail à bas coût et des avantages fiscaux aux firmes
multinationales, elles les contraignent toutefois à rendre publiques leurs
technologies en cas de délocalisation des usines. Les autorités chinoises
ont adopté une stratégie d'ouverture très progressive, qui n'a commencé
à se concrétiser que dans les années 1990 pour des secteurs-clés comme les
banques ou les assurances. Cette ouverture parcimonieuse, synonyme
d'arrivée de capitaux étrangers, lui a permis de quasiment ignorer la crise
asiatique de 1997.
Symbole de son insertion progressive dans le système économique
international, la Chine adhère à l'Organisation mondiale du commerce
(OMC) le 11 décembre 2001 après une cérémonie de signature à Doha le
11 novembre, pour devenir officiellement membre de l'organisation au 1er
janvier 2002. Cette adhésion, officiellement demandée par la République
populaire de Chine le 10 juillet 1986, couronne vingt ans d'un travail de
réformes économiques soigneusement planifiées et fait suite à quinze ans
de dures négociations. Les négociations permettant cette adhésion ont
18
abouti le 17 septembre 2001. Comme prévu lors des négociations, la
République populaire de Chine s'engage à libéraliser son économie et doit
en particulier : Accorder un traitement non discriminatoire à tous les
membres de l'OMC, ne pas pratiquer de contrôle des prix à des fins de
protection des producteurs ou fournisseurs de service locaux ; refondre sa
législation intérieure, présente et future, pour la mettre en accord avec
l'accord conclu avec l'OMC ; dans les trois ans suivant l'adhésion, donner
le droit à toutes les entreprises d'importer, d'exporter et de commercer
librement avec l'étranger, avec un nombre limité d'exceptions ; ne pas
maintenir ou accorder de subventions à l'exportation sur ses produits
agricoles.
1.1.4 Les défis du modèle d’émergence économique Chinois
Selon Bobin (2005), entre 1980 et 2010, on observe deux tendances
majeures : une nette baisse de la pauvreté absolue, et une forte
augmentation des inégalités. La Chine a connu la plus importante et la
plus rapide réduction de pauvreté de l'histoire. Le taux de pauvreté
absolue, définie par un revenu inférieur à un dollar par jour (en PPA),
concernait 74 % de la population au début de la réforme en 1981 pour
atteindre 15 % en 2004. Les conditions de vie se sont aussi grandement
améliorées depuis les années 1970 alors que l'indice de développement
humain du pays s'est bonifié de 46 % en 32 ans. Cependant en 2003, 30
millions de personnes sur plus de 1300 millions vivaient encore avec
moins de 77 dollars par an. En effet, 21,5 millions d'habitants en région
rurale survivent avec moins de 90 dollars par année et un autre 35,5
millions d'entre eux vivant avec environ 125 dollars. Ce qui pose
d’énormes défis pour la convergence vers un pays totalement développé.
1.1.5 Défis liés à l’accroissement des inégalités sociales
Selon la banque mondiale (2014), l'indice de Gini, serait passé de 33 à 47
entre 1985 et 2004, ce qui indique une plus forte concentration des revenus.
Selon ces mesures, toujours assez imprécises, les différences sociales
atteindraient un niveau équivalent en Chine et aux États-Unis2. Les
familles les plus riches, qui représentent 8,6 % de la population totale,
détiennent 60 % du capital financier]. Différentes études indiquent que les
10 % les plus pauvres de la population ont connu une détérioration très
forte de leurs conditions de vie tandis que les 10 % les plus riches ont vu
2Le Census Bureau donne un indice de 46,6 en 2004 pour les États-Unis. Données
collectées par le World Insitute for Development Economic Reasearch.
19
leurs revenus et leur patrimoine exploser. En effet, actuellement, les 10 %
de la population les mieux payés en Chine le sont vingt fois plus que les
10 % les moins payés. Le nombre de milliardaires chinois en dollars est
passé de 3 en 2004 à 106 en 20073. L'écart de revenu entre les populations
urbaines et rurales est notable alors qu'une majorité de chinois vivent
encore en milieu rural. Les inégalités entre les villes et la campagne sont
particulièrement fortes. Selon les statistiques officielles, les grandes
agglomérations sont trois fois plus riches par habitant que les espaces
ruraux.
Boillot (2013)4 démontre que 57 % de la population chinoise vit dans un
milieu rural, un citadin gagnera en moyenne 3,33 fois le salaire d'un
habitant de la campagne. Le taux de chômage est aussi plus important en
milieu rural alors qu'on estime qu'il atteindrait 9 % contre 4,3 % dans le
reste du pays. Selon la Banque Mondiale (2014), la pauvreté toucherait
près d'un Chinois sur quatre avec 350 millions d'individus vivant sous le
seuil de la pauvreté qui est de moins de 1 dollar par jour. Pour 2012, selon
une étude de l'Université de Pékin, un pour cent des ménages les plus
riches en Chine contrôle plus d'un tiers des richesses du pays, tandis que
25% des ménages les plus pauvres en contrôlent juste 1%. Les
programmes de planification gouvernementaux de grande envergure aux
côtés des caractéristiques du marché ont réduit la pauvreté, tandis que les
revenus et les inégalités de revenus ont augmenté. L'accroissement des
inégalités est attribué à la disparition de l'État-providence et les
différences entre les provinces côtières5 et intérieures, rurales.
1.1.6 Défis liés à l’insertion dans le système économique international
Boillot (2013) estime que la Chine a développé un modèle fréquemment
nommé « économie socialiste de marché », qui fait se côtoyer un secteur
public toujours omniprésent et un certain libéralisme économique, ainsi
qu'une ouverture progressive de son marché intérieur. Depuis les années
1980, le pays a connu une croissance économique particulièrement
soutenue, dépassant les 10% certaines années et ne se montrant que peu
sensible aux chocs conjoncturels - notamment la crise des subprimes et la
crise de la dette dans la zone euro. De 2000 à 2010, la Chine a fourni 33 %
de la croissance mondiale en valeur absolue.
3Newsweek, 12 novembre 2007
4 Membre du club du CEPII dont il anime le cycle « pays émergents » depuis 2007,
Auteur du concept Chindiafrique,
5Représentant le pôle économique et industriel du pays
20
Cependant, la population reste relativement pauvre : en parité de pouvoir
d'achat, on évalue le PIB par habitant en 2013 à 9 800 dollars par habitant,
ce qui place la Chine au 121e rang mondial. Le fort excédent commercial
provoqué par les exportations industrielles a permis au pays de se
constituer de grandes réserves de change qui ont atteint 3 820 milliards de
dollars au 1er janvier 2014, soit les plus importantes jamais enregistrées.
Ces réserves donnent au pays une puissance financière considérable sur
la scène internationale. La finance chinoise connaît cependant des
difficultés liées à l'explosion du shadow banking, finance non
conventionnelle et non régulée, que le pouvoir politique ne parvient pas à
endiguer et que l'agence de notation Moody's estime à 4 800 milliards de
dollars début 2014. Sans oublier les dévaluations compétitives dont lui
reprochent les USA au regard de sa politique commerciale qui elle-même
est très dépendante des exportations avec un léger essoufflement en 2008.
1.2 Le modèle d’émergence économique indien
Racine (2010) dans son analyse affirme que l’Inde n’est pas encore une
grande puissance, mais elle devient un acteur sur le grand théâtre du
monde. Le monde commence à changer sa vision de l’Inde. Cette
perception est nouvelle. Elle est devenue commune depuis quelques
années, quand le taux de croissance indien a dépassé les 8 % en 2003, puis
les 9 % en 2005, trois ans de suite. Même après la crise, qui ralentit sa
croissance en 2008, l’Inde en transition est bien un pays émergent selon
(Kohli, 2011). La dimension économique du mouvement n’est toutefois
pas la seule, même si elle définit les fondations de l’Inde nouvelle.
Pour Kohli (2011), l’accélération de la croissance économique indienne
résulte davantage d’un basculement ‘pro affaires’ dès les années 1980 –
priorité de l’État au capital indien – que de la libéralisation ‘pro marché’
amorcée en 1991, dont l’impact s’est avéré limité, voire négatif. Plus
étatique est asiatique que néolibéral anglo-saxon. Donc, le modèle suivi
par l’Inde n’en a pas moins accru les inégalités et généré une démocratie
à deux vitesses.
1.2.1 L’émergence par un modèle ‘pro-affaires’
Pour (Rifkin, 2004 ; Khilnani, 2005 ; Kohli, 2011), ce qui a provoqué un
changement de direction de la croissance de l’économie indienne aux
alentours de 1980 a sans nul doute été l’adoption lente, mais inexorable,
d’un nouveau modèle de développement. À la place du modèle de
développement étatiste et nationaliste renforcé dans les années 1970 par
le gouvernement, les politiques économiques indiennes se sont
21
acheminées aux alentours de 1980, vers une alliance entre l’État et les
milieux d’affaires en vue de dynamiser la croissance économique.
Jaffrelot (2005) estime que cette évolution n’a pas explicitement été
annoncée, voire a souventété ignorée par de nombreux intellectuels. A peu
près éloignée des objectifs de redistribution pour donner davantage la
priorité à la croissance économique ; elle a cherché à s’allier avec le monde
des affaires ; a adopté une attitude peu favorable au monde du travail ; a
freiné la croissance des industries du secteur public ; et a réduit le rôle de
la planification économique et de la commission du plan. Tout aussi
importante a été la réaction des principaux acteurs économiques en Inde
qui ont montré toute leur satisfaction en investissant davantage, ce qui a
contribué, en retour, à améliorer la performance de la croissance indienne.
Pour Rodrick (2004), il s’agit d’un soutien public aux milieux des affaires
de part une série de réformes politiques pro-affaires. Premièrement, le
gouvernement allégea certaines contraintes qui empêchaient les secteurs
économiques importants de s’étendre et incita ces derniers à pénétrer des
domaines réservés au secteur public. En mettant fin au système des
licences et en autorisant les grosses firmes privées à s’immiscer dans des
industries de base (produits chimiques, céramiques, cimenterie, etc.),
jusque-là réservées aux entreprises publiques. Parallèlement, le
gouvernement encourageait le secteur privé à s’insérer dans des domaines
tels que l’énergie. Si ces mesures n’ont pas toujours réjoui les petites et
moyennes entreprises, en revanche, les grandes entreprises les ont
accueillies avec un grand enthousiasme.
1.2.2 Intervention « pro-marché » versus « pro-affaires »
Les rares expériences de croissance économique rapide et soutenue dans
le monde en développement suscitent le débat dans le monde
académique. Les questions sous-jacentes que ces expériences soulèvent
sont connues : comment un pays A ou B (disons, la Corée du Sud ou la
Chine) a-t-il trouvé le chemin d’une forte croissance ? L’expérience de A
ou B fournit-elle un modèle ou, du moins, des leçons pour les autres ? Les
grandes lignes de ce débat nous sont également familières : la forte
croissance résulte-telle de l’adoption par l’État d’une stratégie pro-
marché, à savoir, un mouvement allant vers une intervention limitée de
l’État et une plus grande ouverture économique ; ou cette croissance est-
elle plutôt le résultat d’un État interventionniste prônant une
collaboration étroite avec le monde des affaires dans le but de dynamiser
la croissance.
22
Pour Kohli (2011), il est évident que le discours populaire sur le
développement a tendance à traiter tous les gouvernements « pro-affaires
» comme des gouvernements pro-marché. Même certains spécialistes ne
font pas cette distinction, en évacuant soit des questions analytiques
fondamentales, voire – ce qui est pire – en recouvrant d’un voile
idéologique ce qui apparaît clairement comme un problème de classe.
Avant d’interpréter la récente croissance de l’Inde, il est donc utile de
distinguer stratégies d’intervention pro-marché et pro-affaires Ces
stratégies de développement se différencient en effet du point de vue des
choix politiques faits en amont, des logiques qui les sous-tendent, des
politiques effectivement mises en œuvre et des résultats escomptés en
aval.
Alors qu’une stratégie pro-marché encourage l’entrée de nouveaux
opérateurs et l’émergence de nouveaux consommateurs, une stratégie
pro-affaires cible essentiellement les producteurs établis (Rodrik and
Subramanian, 2004). La stratégie pro-marché repose sur l’idée que le libre
jeu des marchés débouche sur une allocation optimale des ressources et
une amélioration de la compétitivité, ce qui stimule en retour la
production et la croissance. Cette idée, somme toute simple, mais
respectable, a inspiré le consensus de Washington sur le développement
pendant les années 1980 et 1990 (Williamson, 1990). Dépouillée de toute
complexité, cette orthodoxie du développement consiste en une poignée
d’arguments clés.
1.2.3 Les Limites du modèle d’émergence économique Indien
Pour le CEPII (2010), l'Inde doit surmonter un certain nombre de
difficultés afin de pouvoir prétendre au statut de superpuissance. Il s’agit
de la surpopulation (ressources insuffisantes…), la pauvreté, la
Corruption, les problèmes infrastructurels, les Écarts croissants entre les
riches et les pauvres. Malgré tout, un constat s’impose : la croissance
industrielle dans les années 1990 et suivantes n’était significativement pas
meilleure que dans les années 1980. Et la croissance de la productivité
totale dans la période post-réformes a été légèrement inférieure à celle des
années 1980. La hausse des exportations demeurait inférieure au nombre
croissant des importations et les investissements publics avaient diminué
tandis que la part de la dette publique dans le PIB n’a cessé de croître.
Comme on pouvait s’y attendre, leurs partisans expliquèrent, pour
justifier un tel bilan, que ces réformes n’avaient pas été menées assez en
profondeur (Ahluwalia, 2002) ou, à l’inverse, qu’elles avaient été trop
rapides et trop profondes (Patnaik, 1999 ; Chaudhuri, 2002).
23
1.2.4 Du dynamisme des investissements privés au déclin des
investissements publics
D’après Kohli (2011), ce qui surprend c’est que ces réformes ne semblent
pas, au niveau global du moins, avoir eu d’impact, positif ou négatif, sur
la croissance économique. Comment l’expliquer ? Là encore, il nous faut
nous intéresser à la question du taux d’investissement et du taux de
productivité, en gardant à l’esprit que ni l’un ni l’autre n’a connu une forte
hausse suite aux réformes. Les investissements privés, y compris les
investissements des entreprises, sont pour la plupart restés constants
après les réformes, même si les investissements publics ont, de leur côté,
diminué. L’investissement des entreprises privées a d’abord connu une
forte hausse pour atteindre un pic ultime au milieu des années 1990.
Depuis, le taux de croissance de l’investissement des entreprises a décliné
même s’il s’est généralement maintenu à un niveau supérieur aux
périodes antérieures. En revanche, la formation du capital dans les
ménages a enregistré une croissance rapide depuis le milieu des années
1990. La poussée des investissements privés doit certes être imputée aux
réformes en matière de politiques industrielles introduites après 1991.
Mais le fait que cette soudaine augmentation ait principalement concerné
les secteurs enregistrés, tout particulièrement dans la seconde moitié des
années 1990 (Nagaraj, 2003) appelle deux observations : premièrement, les
politiques de réformes avaient été initialement plus favorables aux
grandes entreprises qu’aux petites ; et deuxièmement, ces grandes
entreprises se sont généralement bien accommodées de cette lente
ouverture de l’économie, du moins jusqu’à la fin des années 1990, lorsque
l’importation de biens par les investisseurs étrangers a commencé à
susciter des récriminations et à décourager les investissements.
1.2.5 Des freins connexes à la croissance
S’il est vrai que, dans les années 1980, l’État indien s’est reposé sur le
secteur privé pour dynamiser la croissance à l’instar des pays d’Asie de
l’Est, reste que l’Inde n’est ni la Corée du Sud ni Taiwan. Elle n’a pas fait
assez pour améliorer l’efficacité de l’économie industrielle privée et les
conditions de vie des plus pauvres. Tout d’abord, l’état déplorable de
l’infrastructure en Inde a engendré de nouveaux coûts pour l’industrie
privée.
Deuxièmement, bien qu’il soit souvent question d’améliorer les conditions
de travail, les efforts entrepris dans ce sens sont restés limités, tout comme
24
n’est guère spécifié le modèle sous-jacent à un tel changement. Si l’on se
tourne à nouveau vers les pays à croissance rapide de l’Asie de l’Est, on
remarquera que le régime du travail combine à la fois sécurité de l’emploi,
formations, perfectionnement continu des compétences et discipline
stricte assortie de menaces répressives.
Pour autant, ce modèle n’est ni entièrement désirable, ni entièrement
applicable en Inde. Ensuite, l’Inde aurait dû aussi faire bien plus pour
permettre à son économie de combler son retard technologique. Les
importations de technologies étrangères ont eu quelques retombées
positives, mais avec la diminution des investissements en recherche et
développement dans le secteur privé et le rétrécissement continu du rôle
du secteur public, la tendance s’est pratiquement inversée.
Quatrièmement, les efforts pour améliorer le sort du capital humain de
l’Inde ont été médiocres. Enfin, les incitants et les pressions destinés à
accroître les exportations du secteur privé sont restées insuffisantes.
Toutes ces actions, qui n’ont pas été menées faute de capacités politiques
ou d’imagination, considérées dans leur globalité, nous permettent peut-
être de comprendre pourquoi la croissance de la productivité de
l’économie industrielle de l’Inde ne s’est pas améliorée dans la période qui
a suivi les réformes.
2. LE MODELE D’EMERGENCE ECONOMIQUE RUSSO-BRESILIEN
Gaulard (2011) estime que pour comprendre les fondements du modèle
d’émergence du Brésil, il faut remonter aux années 1980 où un
retournement de la situation a poussé à restreindre les dépenses
publiques. Pour le cas de la Russie qui est un modèle assez paradoxal
d’émergence économique, Benaroya (2006) démontre que c’est de
l’affaiblissement de la Russie aux débuts des années 1990 au redémarrage
entre 1999 et 2005, la Russie a connu une croissance économique moyenne
supérieure à 6,7 %. Cet indicateur cache donc des leviers sur lesquels se
sont appuyées les politiques publiques, l’objet de cette sous-section sera
de les identifier au même titre que ceux du brésil.
2.1 Le modèle d’émergence économique brésilien
A la suite des travaux de Gaulard (2011), plusieurs auteurs ont analysé les
fondements de l’émergence économique du Brésil. Après avoir présenté
ces derniers et leur pertinence, le cap sera mis aux limites de ce modèle
quant à sa capacité de propulser le Brésil vers un développement intégral.
25
Estrada (2014)6 démontre que depuis les années 1980, sa croissance
s'envole en comparaison à ses voisins comme l'Argentine dont le PIB
représente 1/5 de celui du Brésil. Pour Droulers (2013)7, le Brésil est la
6ème puissance économique mondiale en 2011 avec un PIB de 2 400
milliards de dollars, alors qu'en 2008 il était la 8ème puissance, toujours
en termes de PIB. Certes la conjoncture, notamment le prix du soja ou
l'évolution du dollar jouent un rôle, mais le Brésil, contrairement à une
idée reçue, fait déjà partie de la cour des grands. Néanmoins, le PIB par
habitant n’est encore qu’à 12 000 dollars par an (contre 44 000 en France).
Aujourd'hui, le Brésil devient une puissance influente qui commence à
gêner certains pays, ce qui est de nature à provoquer un questionnement
sur les piliers qui fondent cette émergence économique.
2.1.1 L’émergence par la stabilité démographique et la puissance
agricole
Droulers (2011) démontre que l'émergence peut avoir un sens socio-
économique dans une perspective historique. Depuis 2005, les pays
classiquement dits émergents connaissent une croissance économique
accélérée et un ralentissement démographique qui améliore leur PIB par
habitant. Si le Brésil s’est distingué par un boom démographique ces
cinquante dernières années8, le taux de natalité se stabilise néanmoins.
Source : Questions internationales (2012)
6Analyste politique du CERI et de l’Observatoire Politique de l’Amérique Latine et des
Caraïbes.
7Géographe, directrice de recherche au CNRS, membre du CREDAL.
8En 1940, le Brésil avait le même nombre d'habitants que la France avec 40 millions
d’habitants, contre 200 millions en 2010.
Tableau 1 : Rang mondial par rapport au
PIB
Tableau 2 : Rang mondial par rapport au taux de croissance
26
Les tableaux 1 & 2 démontrent que la performance du taux de croissance
du Brésil en 2009 contraste avec le PIB/habitant qui a une corrélation
négative avec le niveau élevé de la population, ce qui fonde à suffisance la
motivation du modèle Brésilien pour la stabilité de la natalité. Pour
Veillard (2013), lorsque l’on évoque l’agriculture brésilienne, la dualité est
sans doute la caractéristique la plus souvent avancée : dualité entre, d’une
part, une agriculture agro-industrielle exportatrice concentrée sur
quelques monocultures et génératrice de devises, et, d’autre part, une
agriculture familiale diversifiée à composante sociale beaucoup plus forte,
notamment en termes d’emplois. Longtemps ignorée et marginalisée,
l’agriculture familiale brésilienne bénéficie aujourd’hui d’un soutien
spécifique de l’État au travers de toute une série de dispositifs d’action
publique complexes et diversifiés.
Estrado (2014) quant lui estime que l’utilisation de ses atouts climatiques
grâce à sa diversité et le type d'agriculture font du Brésil un des premiers
exportateurs mondial de soja, de sucre, de café, café, jus d'oranges etc...La
recherche agronomique est très poussée, et constitue un levier de cette
agriculture. L'agriculture reste un secteur clé, il y’a une dichotomie entre
l’agriculture familiale et l’agrobusiness. L’un des points forts de l’approche
brésilienne est son pragmatisme. Ainsi, l’institutionnalisation de la dualité
agricole, par la séparation des dispositifs de gouvernance entre les formes
familiales et les formes patronales / entrepreneuriales de l’agriculture, se
sont révélées être opérationnelles (Veillard, 2013). Chacune a ainsi pu
clairement définit ses fonctions, socio environnementales pour la
première, contribution à l’équilibre de la balance des paiements pour la
seconde.
Cette séparation a également permis de mieux cibler les interventions
publiques, en fonction de chaque agriculture (notamment en termes de
diversité des exploitations familiales), le tout en apaisant le dialogue social
entre l’État et les agriculteurs familiaux. Enfin, le gouvernement a
réellement tenté de contrebalancer le pouvoir traditionnel des élites
locales, en mettant en place des dispositifs de gouvernance territoriale au
niveau municipal. Autre force, le caractère innovant de certaines mesures,
notamment le recours au ciblage des instruments (différenciation des
publics et des lieux), ainsi que l’introduction de mécanismes de
coordination : entre les différents niveaux de gouvernance mais aussi
entre secteurs différenciés (social, éducation, infrastructure,
27
développement agricole, etc.). Un autre élément d’innovation, même s’il
n’est pas spécifique à l’agriculture familiale, est d’avoir érigé la
participation comme mécanisme fondateur de la coordination entre l’État
et les agriculteurs familiaux (en lien avec l’histoire des mouvements
sociaux au Brésil).
2.1.2 L’Energie, Industrie et Commerce international
Selon Estrada (2014), le Brésil produit son électricité, et en exporte même.
Aujourd'hui plus de 70% de l'énergie du pays est hydraulique. Le pays est
par ailleurs auto-suffisant en pétrole; d'ici une dizaine d'années, le Brésil
sera le premier exportateur de pétrole et surpassera le Venezuela. Il
construit des puits off-shore et des raffineries. L’équation énergétique
demeure alors cruciale. Le Brésil possède du pétrole off-shore, alors que
jusque dans les années 1980, le Brésil importait l'ensemble du pétrole
consommé sur son territoire. Quinze raffineries de pétrole ont été créées
en l’espace de trente ans. De nombreuses zones sont encore à exploiter. Si
37% des ressources énergétiques sont pétrolières, 15% de la balance
énergétique vient de l'hydroélectricité avec le site emblématique d'Itaipu
et le débat actuel de créer de nouveaux barrages.
Cette industrie énergétique est une corrélation de la puissance industrielle
et tertiaire ; C'est une puissance industrielle également avec plus de 3,5
millions de voitures produites par an. Chiffre plus important que celui de
la Corée du Sud. Le Brésil est aussi leader dans l’industrie navale et dans
l’aéronautique où il est le troisième constructeur mondial, avec une forte
capacité d’innovation. Le Brésil possède aussi des multinationales :
banques, alimentation, BTP… La Recherche-Développement est
également en plein essor ; il existe par exemple un programme de
coopération avec la France concernant les métadonnées au niveau d’un
supercalculateur. C’est le cinquième pays (avec les Etats-Unis, le
Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à disposer de cette technologie.
La forte croissance économique jusqu’à 7,5% par an issue des points
précédents, a permis l'émergence d'une classe moyenne qui réduit les
disparités entre les classes sociales brésiliennes (Estrada, 2014). Cette
croissance a ainsi conduit à l'entrée de ces classes moyennes dans le
marché de la consommation en plein essor et exportateur. Si l’agriculture
est souvent mise au premier plan, 38% du PIB vient de l'industrie : premier
producteur mondial de fer (mines de Carajas reliées par une voie ferrée à
l'Océan Atlantique), 4ème producteur mondial d'avion, etc. La liste des
productions industrielles est longue.
28
Pour (Bellefontaine, 2016 ; Estrada, 2014), la puissance commerciale du
Brésil s’impose comme une puissance via son ouverture internationale,
notamment par les réseaux de la gouvernance mondiale. Le Brésil fait
partie de différents regroupements : le BRIC, le Mercosur. Si le Mercosur
est le plus connu, des partenariats avec l'Afrique se développent
notamment par l’envoi de médicaments.
2.1.3 Les Limites du modèle Brésilien
Stiglitz (2005) déplore que l’économie Brésilienne n'ait pas opté pour « une
politique plus agressive, avec un changement de la structure économique
pour rendre le pays moins dépendant des capitaux extérieurs », car selon
lui un pilotage économique, faisant tout pour obtenir une inflation faible
et un excédent budgétaire élevé, ne garantit ni la croissance ni la réduction
des inégalités sociales. Les taux d'intérêts, bien qu'ayant amorcé une
baisse importante ces dernières années restent élevés et se situent à 9,5 %
en mai 2010. Le Brésil est entré dans un cercle économique vertueux avec
des taux d'inflation et d’intérêts bas (en comparaison avec le passé récent),
un fort taux de croissance, un chômage en baisse et des revenus réels en
hausse. Cependant, en 2011 l'économie brésilienne ralentit et la croissance
décline fortement pour s'établir à 2,7 %, dans un contexte de crise
mondiale.
2.1.4 Les défis liés à la politique agricole
Pour Veillard (2013), les politiques brésiliennes d’appui à l’agriculture
familiale se distinguent par leur caractère différencié vis-à-vis des
politiques de l’agriculture patronale/entrepreneuriale et l’utilisation
d’instruments et de référentiels spécifiques. Cette reconnaissance de la
dualité de l’agriculture brésilienne a permis d’éviter le piège de la
modernisation volontariste de l’agriculture familiale, avec son cortège
d’externalités négatives (endettement, exode, dégradation de
l’environnement, etc.). Néanmoins, on pourrait comparer cette stratégie
aux politiques de conservation en matière d’environnement : pour
caricaturer, d’un côté des réserves d’agriculture familiale, génératrices
d’emploi et de diversité des modèles agricoles, et de l’autre, des déserts
agro-industriels tournés vers l’exportation. Un tel modèle présente de
nombreux risques de dépendance aux ressources financières étatiques et
aux politiques agricoles de soutien à l’agriculture familiale, politiques qui
au Brésil, comme on l’a vu, ne sont pas encore totalement
institutionnalisées.
29
2.1.5 Limites des inégalités sociales
La politique fiscale du Brésil est agressive les impôts sont lourds, ils
représentent 35% du PIB (Estrada, 2014). De plus, le pays est seulement
83ème en terme d’IDH, et les inégalités Nord/ Sud sont très importantes à
l’intérieur du pays. La pauvreté est toujours très présente, mais a
cependant diminué de façon importante depuis les années 1990, puis sous
la présidence de Lula à partir de 2003 ; en 10 ans la « bolsa familia » a
contribué à sortir 30 millions de personnes de la pauvreté, et la classe
moyenne a augmenté de 20millions de personnes. L’obligation d’être
soigné et d’aller à l’école, a aidé au développement d’un marché. Mais
avec la crise, qui touche réellement depuis 2012 la croissance chinoise en
baisse, a produit le même effet sur le Brésil. Les transferts vers la classe
moyenne sont alors en baisse.
Sa situation est moins favorable ; puisqu'en 2010, le taux croissance de
l'économie était de 7,5% par an, et aujourd'hui il s'élève entre seulement 1
et 5%. Cependant, le pouvoir d'achat continue à augmenter. De plus, le
Brésil a un dilemme: faut-il continuer à privilégier les matières premières,
quitte à se spécialiser dans un seul secteur d’exportation, ou approfondir
davantage la RD et l’industrie dans le cadre de la mondialisation ?
(Veillard, 2014 ; Bellefontaine, 2016) affirment que parmi les fragilités,
certains produits non transformés prennent de la place dans les
exportations, en opposition aux voitures. Parmi les autres défis, il faut
souligner la difficile maîtrise urbaine, la lutte contre la pauvreté, la
question du vieillissement de la population, l'éducation avec un
développement attendu des formations supérieures.
2.2 Le paradoxe du modèle d’émergence économique russe
Pour Hooper (2009), la Fédération de Russie a souvent été décrite comme
une potentielle future superpuissance émergente au XXIe siècle, souvent
aux côtés des États-Unis et de la République populaire de Chine. Selon
Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013), avec l’effondrement de
l’URSS en 1991, la Russie fait le constat d’une économie exsangue, ayant
pris près d’une trentaine d’années de retard sur la Chine et son économie
ouverte au monde. Prête à tout pour rattraper le retard accumulé sous l’ère
soviétique, la Russie va entreprendre « une thérapie de choc » afin de
bouleverser son économie se jetant ainsi dans des réformes économiques
majeures. Cette transition brutale semble très loin de la voie moyenne
adoptée par la Chine à la même période, ce qui peut justifier les
fondements de son modèle paradoxal.
30
Pourquoi le paradoxe du modèle Russe ? En effet, c’est une
superpuissance d’hier qui devient indépendante en 1991, et a vu certains
indicateurs de son économie régresser jusqu’au rang des Pays à revenu
intermédiaire et qui devait redécoller pour se situer au rang de pays
émergent. Tout se passerait comme si la Russie était un pays sous-
développé en 1991. (Sapir, 1996 ; Hooper, 2009) affirment qu’elle doit alors
faire face à plusieurs problèmes, comme le chômage inexistant sous
l'URSS, mais montant très rapidement dans les premières années
d'indépendance, les inégalités grandissantes rapidement, la corruption, la
mafia, et la mortalité prenant le pas sur la natalité. Elle doit également
rembourser les dettes de l'URSS, et n'arrive plus à gérer ses dépenses, ce
qui conduit à un krach financier dans le pays en 1998.
2.2.1 Les reformes brutales vers le capitalisme
Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013) démontrent que la nécessité
de réformer le système économique russe apparait déjà en 1985. Dès lors,
trois conceptions9 des transformations économiques et politiques
s’opposent : D’abord les partisans d’une évolution conservatrice et
technocratique prônent le maintien du système planifié et l’amélioration
de son efficacité au travers de nouvelles technologies de planification et
de gestion. L’introduction d’entreprises privées sous contrôle renforcé de
l’Etat est même envisagée. Ensuite, les partisans de transformations
progressives et graduelles prônent un modèle économique à deux secteurs
avec la coexistence d’une économie planifiée en parallèle de laquelle se
développeraient des relations marchandes, solutionnant ainsi le problème
de l’incitation au travail. Enfin, les partisans des méthodes radicales de
transition vers une économie de marché, affirmant que « l’on franchit un
précipice en un saut, pas deux ».
Avec le démantèlement de l’URSS, ce sont les méthodes radicales qui vont
être favorisées. En effet, l’économie russe est exsangue, en 1991 la
production chute de 15 à 20%, le déficit budgétaire atteint 20 à 30% du
PNB, les exportations chutent de 40%, et la seule solution pour un retour
à une situation moins préoccupante apparait être la « thérapie de choc ».
Ainsi, l’économie planifiée en vigueur en URSS depuis des décennies
s’effondre, faisant place petit à petit à une économie aux méthodes
occidentales. Pour Geronimo (2011)10, il s’agit d’une « spécificité russe
9 Sapir J., Nekipelov A., Ivanter V., Kouvaline D., La transition russe, vingt ans après,
édition des Syrtes, 2012, 229 pages.
10 Geronimo J. La pensée stratégique russe. Guerre tiède sur l’échiquier eurasien,
Editions SIGEST, 2011, 173 pages.
31
comme entité socio-économique à la recherche d’une troisième voie entre
le socialisme planifié et le libéralisme de marché » car pour lui « la pensée
stratégique russe oscille entre un passé soviétique en pleine inertie et une
nécessaire réforme ». L’année 1992 démarre ainsi sous le signe de la
libéralisation la plus importante possible ; la « thérapie de choc » est en
marche vers une libéralisation et stabilisation financière de la Russie. Cette
politique ultralibérale repose sur quatre piliers que sont la liberté des prix,
l’ouverture à l’économie mondiale, les restrictions financières et les
privatisations.
Pour Sapir (1996)11, ce sont les bases qui ont mené vers le chaos de la
Russie. Loin d’améliorer la situation en Russie, la période est marquée par
une explosion des prix, avec une hausse de 160% en 1991, atteignant
jusqu’à 2500% en 1992, puis 840% en 1993 et 215% en 1994. Dans la même
période, le PIB de la Russie diminue de 34,6%.12 Malgré le
mécontentement de la population, les partisans de la thérapie de choc
estiment qu’il n’y a pas d’autres voies pour établir une économie de
marché dans le pays. Pour Vercueil (2012)13, l’ouverture de la Russie trop
rapide à ce type d’économie a été trop importante et surtout
compromettante pour l’économie russe. Pour lui, la Russie s’est jetée dans
un grand bain. Il considère ainsi que, au vu de l’héritage soviétique et la
manière dont la l’ouverture s’est opérée, le gouvernement a précipité le
pays vers la « catastrophe » avec des mesures phares de la thérapie de choc
qui a eu des conséquences.
2.2.2 Les quatre principaux piliers de la réforme : D’une grande
économie planifiée qui ne fonctionnait pas bien à une petite économie
de marché qui fonctionne mal 14
Pour Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013), la première réforme a
été de libéraliser les prix, comme le souhaitaient la Banque Mondiale et le
FMI, entrainant une poussée inflationniste extrêmement importante entre
1991 et 1994. Le deuxième axe de réforme a porté sur l’ouverture
économique de la Russie, dans le but d’éviter l’inflation par l’entrée de la
compétition d’autres pays. Cette ouverture s’est faite trop rapidement et
11Sapir J., Le chaos russe. Désordres économiques, conflits politiques, décomposition
militaire, éditions La Découverte,
12Courrier international : Egor Gaïdar, la thérapie de choc l’a tué.
13 Vercueil J., entretien
14 Ivanter V. in Sapir J., Nekipelov A., Ivanter V. Kouvaline D., La transition russe,
vingt ans après, édition des Syrtes, 2012, 229 pages.
32
que le choc brutal a entrainé une logique de « compétition destructrice15»
participant au chaos économique de la transition. Le troisième axe n’est
donc pas des moindres puisqu’il s’agit du processus de privatisations de
masse.
Ce processus est la clef de voûte de la transition du pays vers une
économie libérale, tranchant avec les principes communistes. La
population se voit offrir des coupons leur permettant d’acheter des actions
dans des entreprises privatisées ou de les revendre. La seconde étape est
la mise aux enchères de participations dans certaines entreprises dans des
secteurs clés comme l’énergie, afin de combler le déficit grandissant du
budget fédéral. Cela s’opère comme un « immense jeu de Monopoly »16 ,
profitant à un petit groupe privé au pouvoir. Certains gestionnaires
d’entreprises en ont tiré leur épingle du jeu en devenant propriétaires,
d’autres ont négligé cet aspect et ont dû céder leur place. Les conséquences
de ces privatisations sont désastreuses pour l’économie du pays
entrainant fuite des capitaux, spéculation et collusion auprès des instances
dirigeantes.
Kharchenko-Dorbec (2006)17 note que “les travaux empiriques (Stiglitz,
2001) confirment que les pays qui ont connu une privatisation très rapide,
sans prêter attention aux questions d’organisation de la gouvernance et de
transparence des entreprises nouvellement privatisées, ont eu une
croissance significativement affaiblie. Au lieu de créer les conditions de la
croissance du bien-être social, la privatisation a abouti à la dispersion des
actifs et à la destruction de la richesse.” Cette troisième mesure participe
donc comme les deux précédentes à la création d’un chaos économique de
transition. La dernière mesure phare de cette « thérapie de choc » concerne
les restrictions budgétaires nécessaires pour diminuer le déficit budgétaire
et le ralentissement de la création de monnaie. Cela a donné lieu à une
sorte de séquestration budgétaire des régions et de certaines entreprises.
Certains pans entiers de l’économie ont été négligés, laissant dans la
misère certains pans de la société, d’autant plus que l’épargne des
ménages a été détruite et consommée par l’Etat. Le déficit est de ce fait
ramené de 20% du PNB en 1991 à 6% du PNB en 1992, mais les
conséquences de ces réformes sont catastrophiques sur l’économie.
15 Sapir J., Le chaos russe. Désordres économiques, conflits politiques, décomposition
militaire, éditions La Découverte
16Idem
17 Kharchenko-Dorbec A., La transition russe : une interprétation en termes
d’incertitude keynésienne, Strates, 12/2006
33
Les réformes fiscales jettent également les bases d’une économie de
marché. La fin des années 1990 est caractérisée, dans l’ensemble du
monde, par la reprise en main des économies par les Etats grâce à une «
reconstruction des capacités »18 des Etats, comme expliqué par Vercueil
(2006). Souffrant d’un manque crucial d’intervention de l’Etat au début
des années 1990, la Russie amorce une série de réformes fiscales
permettant de redonner à l’Etat les capacités financières nécessaires à sa
reprise. En Russie, les années 1990 ont été caractérisées par des
modifications importantes du cadre législatif et réglementaire destinées à
jeter les fondements d’une économie de marché19.
On assiste ainsi le 1er janvier 1992 à l’adoption de la TVA, qui vient
augmenter le budget de l’Etat. S’y ajoutent l’adoption d’un système
déclaratif des résultats pour les entreprises, une administration
modernisée de l’impôt et la formation accrue de personnel spécialisé dans
le domaine fiscal suite à la création du Service fiscal d’Etat en 1991. En
effet, au temps de la Russie soviétique, le prélèvement fiscal était géré au
sein de chaque ministère, notamment pour les entreprises (industrie,
commerce…), encadré par deux ministères tentaculaires : ceux du Plan et
de l’Economie20, la création du Service fiscal d’Etat en 1991 marque une
coupure avec le Ministère des finances et la prise d’autonomie de la
fiscalité. L’effacement des structures antérieures, voire leur disparition, a
conduit à procéder à un reversement massif de fonctionnaires sur la
nouvelle administration fiscale.
La transformation de la fiscalité va donc permettre à l’Etat russe de
recouvrer ses fonctions dans un cadre de croissance recouvrée, à l’abri
d’abord de la dévaluation, et ensuite favorisée par le fait que le secteur
énergétique et des matières premières bénéficie de l’augmentation du prix
du pétrole selon Vercueil (2006).
Par ailleurs, le système bancaire russe est trop fragile pour supporter une
économie ayant besoin de ressources financières importantes. L’Etat ne
prête pas attention à la restructuration du secteur financier et ne prend pas
de mesures pour assainir les banques. Aussi, les problèmes structurels
s’aggravent. Certaines entreprises, pour sortir de ce système imposé, vont
développer des méthodes annexes comme le crédit interentreprises ou le
système de troc qui nuiront également à l’économie du pays. La Russie a
voulu projeter et appliquer des formes réputées modernes empruntées à
18 Vercueil J., entretien
19 Rapport de synthèse de l’OCDE de 2011 intitulé « Etudes économiques de l’OCDE :
Fédération de Russie ».
20 Girault Y., L’ambition de la réforme fiscale dans les Etats en transition
34
des sociétés considérées comme plus avancées21 au lieu de réutiliser et
adapter ses formes traditionnelles.
Le nouveau système doit s’appuyer sur l’ancien, la Russie n’a pas voulu
admettre cet adage et a appliqué sans recul des schémas théoriques
inadaptés à sa situation, la menant à une situation chaotique sur le plan
économique. La capacité de production a été divisée par deux entre 1991
et 1995, les inégalités sont croissantes dans la société entre misère et élites
économiques nées de la transition, la mafia s’établit petit à petit dans le
pays et le PIB a chuté de 7,5% par an en moyenne entre 1990 et 1998, alors
que dans ce même temps, dans une situation similaire de transition, la
Chine connait 10% de croissance par an en moyenne. Après une baisse
brutale de son PIB durant les années 1990, entre 1999 et 2005, la Russie a
connu une croissance économique moyenne supérieure à 6,7 %. Grâce aux
prix de plus en plus élevés de l'énergie qui assure une rente en devise, la
demande intérieure se développe rapidement et une croissance du PIB de
l'ordre de 6 à 8 % par an se maintient jusqu'en 2008.Le FMI(2007) tablait
sur le maintien de la croissance russe dans les années à venir. Cependant,
la crise économique mondiale née aux États-Unis en 2008, a entraîné une
courte période de récession (-7,8%) en 2009, avant un retour de la
croissance (Tableau3) l'année suivante (+4%) en 2010.
Tableau 3 : Evolution de la Croissance du PIB Russe
Source : FMI & Institut fédéral des statistiques russes (2012)
2.2.2.1 Les défis du modèle d’émergence économique Russe
L'économie de la Russie reste défaillante avec une exportation basée
principalement sur les matières premières et sur l'industrie de l'armement.
Selon le FMI (2012), celle-ci est au 9e rang mondial avec un produit
national brut nominal estimé à 1 954 milliards de dollars américains ;
tandis que le problème de la diminution de la population n'est pas
totalement réglé où des réformes très importantes vont-être mises en
application. (Benaroya, Hooper ; 2006) affirment également que si la
Russie veut revenir à jouer un rôle international fort, il sera nécessaire de
passer par une série de réformes internes profondes, notamment une
meilleure transparence économique. De plus, la corruption dans le pays
21Sapir J., Retour sur l’URSS, Economie, société, histoire, édition L’Harmattan,
collection « Pays de l’Est », 1997, 252 pages.
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
1,4 -5,3 6,5 10,0 5,1 4,7 7,3 7,2 6,4 8,2 8,5 5,6 -7,8 4,0 4,8
35
équivaut à la moitié du PIB russe, plaçant la Russie parmi les pays les plus
corrompus du monde, à la 146e place sur 180 en 2010.
2.2.2.2 Un modèle basé sur une économie de rente
Outre la politique de diversification lancée en 2003, la Russie conserve une
grosse dépendance par rapport à la rente de ses matières premières,
représentant 80% de ses exportations (Bali, Brison, Guigo, Marlier,
Senhadji ; 2013). On pensera principalement aux dérivés de produits
pétroliers, mais aussi au bois et à la sidérurgie. Le cas du pétrole est assez
illustratif. Premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel,
troisième producteur et second exportateur de pétrole, représentant près
de 70% des exportations, ils représentent la source de revenu principal de
la Russie. La transition de l’économie Russe après la chute de régime
soviétique a mis la Russie dans une situation de crise financière. La
réponse du gouvernement a été une restructuration de son industrie,
centrée sur différents programmes de privatisation. L’une d’entre elle fut
la privatisation partielle de l’entreprise Gazprom (part de l’Etat : 51%),
possédant le monopole de l’industrie gazière russe, de l’extraction à la
distribution. Cette privatisation a permis non seulement d’acquérir des
fonds pour son développement, mais aussi d’acquérir une certaine
crédibilité auprès des investisseurs.
Le gouvernement russe, quant à lui, y retrouve une source de revenus au
travers des différentes taxes d’export sur les dérivés pétroliers, négociées
avec chacun des pays importateurs. On retrouve ce schéma de semi-
privatisation pour favoriser l’investissement combiné à une protection
étatique chez la quasi-intégralité des grands industriels russes, laissant de
côté les politiques d’ouvertures à l’international ou au développement de
la compétitivité. Sapir (2007) en commentant l’omniprésence de l’Etat
aussi bien au niveau des investissements et des banques qu’au niveau de
la direction des entreprises affirme: ‘ Même les plus libéraux des russes
(…) ont compris qu’il valait mieux se poser la question de comment
rationaliser l’intervention de l’Etat que (…) de la réduire (l’intervention de
l’Etat). Suivant ce modèle, la Russie arrive à tirer profit de ses ressources.’
A titre indicatif, les recettes de Gazprom, seules, ont contribué à plus de
25% des recettes du gouvernement sur la période 2007-2008. En
élargissant cela à l’intégralité du secteur pétrolier, ce programme ayant été
accompagné par une hausse du prix des hydrocarbures (et des matières
premières en général) sur la période 1999-2008, les exportations de
produits pétroliers ont représenté plus de 50% des recettes de l’Etat sur
cette période.
36
Ainsi, la Russie a non seulement été capable d’éponger la crise post-
transition de 1998, de créer un fond souverain russe pour les
investissements futurs mais a également su tirer assez de bénéfices pour
limiter les effets de la crise financière de 2009. Le fond souverain
fonctionne de la manière suivante : lorsque le prix du baril de pétrole est
supérieur à 91$, tout l’excédent est transféré au fond souverain. Bien
qu’ayant été une méthode très efficace pour rétablir la situation financière
de la Russie, la majorité des bénéfices liés à la rente des matières premières
est réinvestie dans le même secteur, l’exploitation de nouveaux gisements
ayant été privilégiée à l’innovation. On remarquera d’ailleurs que
l’industrie pétrolière russe est sujette à beaucoup de critiques en termes
de conformité environnementale, la Russie ayant signé le protocole de
Kyoto, utilise toujours des procédés vieux de 30 ans pour le raffinage.
Face à la crise de la zone Euro, la Russie utilise son fond souverain. Elle
continue à garder des fonds pour les années à venir : plus de 40 milliards
de dollars ont été mis de côté, et cela, uniquement pour la période 2012-
2013. Pour dresser un bilan sur l’économie de rente russe, nous dirons
qu’elle est extrêmement profitable, si bien qu’elle permet au pays de se
protéger de la crise et de continuer à investir. Cependant, le modèle atteint
ses limites de par son unilatéralité envers le secteur pétrolier et son
développement concentré uniquement sur l’exploitation, au sens brut, des
ressources. Un très bon exemple des limites du modèle de l’économie de
rente de la Russie est l’exportation du bois. La Russie détient plus d’un
quart des réserves du bois mondial et elle en est le premier exportateur.
Sapir (2007) soulève le fait intéressant suivant : « Si vous achetez un
meuble chez IKEA, vous avez deux chances sur trois que ce soit fait avec
du bois russe (…) Comment se fait-il qu’il n’y ait pas une industrie des
meubles russes ? ». Tout le problème est là, la Russie continue à vendre du
bois à IKEA, qui va fabriquer les meubles à l’étranger, pour ensuite les
revendre en Russie, plutôt que d’innover et de développer le reste de la
chaîne de valeur.
2.2.2.3 La dépendance aux hydrocarbures: L’hypothèse d’un ‘’syndrome
hollandais’’
Plus qu’une source de revenue, les hydrocarbures sont une véritable arme
ainsi qu’un facteur important du maintien de la paix sociale au sein du
pays. Dans cette optique, il est légitime de se demander si le modèle
économique actuel permet une certaine sérénité quant à l’avenir social et
économique du pays. Le secteur gazier fait également face à de nouveaux
défis. Confrontée à des concurrences nouvelles, la part du gaz russe dans
37
la production mondiale tend à décroître depuis 1995. Si Gazprom est
protégé, à court terme, par la durée de ses contrats, la baisse des revenus
gaziers est inéluctable. La Russie a de plus en plus de difficultés à exploiter
les réserves, et que leurs recherches se concentrent maintenant sur des
zones beaucoup plus difficiles d’accès, zones au sein desquelles les
technologies d’extraction russes atteignent leurs limites.
Sapir (2007) évoque le combat contre une économie unilatérale la Russie a
tout à fait conscience du grand manque de diversification de son industrie.
Le tout s’articulant autour de trois principes qui sont la création
d’entreprises à cycle complet de production, la mise en place de
productions à forte composante scientifique et la création de nouveaux
emplois. On compte parmi ces secteurs le nucléaire, la défense, l’énergie,
l’aéronautique mais aussi les médias et la télévision. On soulignera que la
définition de ces secteurs est difficile et que l’on compte certains secteurs
indéniablement stratégiques à l’échelle mondiale comme manquant dans
cette liste, comme par exemple l’industrie logicielle. Des tentatives de
diversification de l’industrie russe ont été faites par le passé. On pensera
notamment à l’agriculture avec le plus grand espace cultivable de la
planète, bien qu’ayant des conditions climatiques difficiles à gérer
(sécheresse, froid…). Cependant, l’histoire a joué son rôle et le goût de
l’agriculture s’en est allé de la population Russe depuis l’assaut de Staline
contre les paysans. Au moment où Gorbatchev s'apprête à prendre le
pouvoir, les activités agricoles, axées principalement sur la filière céréale-
viande-lait, occupent toujours des superficies gigantesques et emploient
le quart de la population active. Poussés par le pouvoir à imiter
l'agrobusiness américain, kolkhozes et sovkhozes donnent hélas des
résultats aussi décevants qu'ils sont eux-mêmes mal tenus. Le potentiel de
la Russie pour l’agriculture est cependant bien réel et attire de plus en plus
de capitaux étrangers. La Russie se retrouve encore une fois dans une
situation où ils vont faire office de fournisseur de matière première pour
ensuite importer des produits provenant de leurs propres terres.
Sapir (2007) nous donne un exemple à ce sujet, celui des yaourts Danone
qui sont faits avec du lait russe et des levures russes, mais fabriqués à
l’étranger et ensuite vendus dans les supermarchés russes. La Russie
aurait la capacité de subvenir aux besoins de première nécessité de sa
population mais elle préfère vendre les matières premières à l’état brut,
laisser les groupes étrangers contrôler le reste de la chaîne de valeur et
ensuite réimporter les produits finis. Un autre secteur à aborder est le luxe,
spécialement au niveau de l’industrie du textile luxe, très présente dans
les zones urbaines comme Moscou et St Petersburg. Ces zones
38
représentent un marché plus que profitable pour les grandes enseignes du
luxe, mais un problème apparaît comme nous le témoigne Sapir (2007) :
les prix sont 30% supérieurs au prix du pays dans lequel les marques sont
établies, à cause des différents coûts d’entrée en territoire russe. Les clients
visés par ces marques, représentant les classes aisées Russes, ont
largement les moyens de payer le déplacement dans les pays d’origine de
ces marques et c’est ce qu’ils font. Ils vont faire leurs achats en France ou
en Italie, profitant ainsi d’un tarif préférentiel et privent l’économie russe
de tout prélèvement de taxes sur des volumes et des sommes conséquents.
Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013) estime enfin que même si la
Russie dispose d’autres industries que l’industrie pétrolière, son hyper
dépendance vis-à-vis du pétrole lui empêche d’en tirer un réel profit. Cette
Maladie Hollandaise explique comment la vente en grands volumes des
ressources du pays nuit à l’industrie manufacturière. Pour le cas de la
Russie, Vercueil (2010) estime que c’est la vente d’énormes volumes de
matières premières dans une période où leur prix est en hausse. Ces
ventes, qui sont en fait des exportations, vont faire entrer un gros montant
en devises étrangères, ici, le dollar, chez les exportateurs qui vont ensuite
voir la banque centrale russe pour récupérer des roubles. La banque
centrale a donc à faire à un afflux de devises étrangères. La conséquence
de tout cela va être une augmentation du taux de change de la monnaie
locale face à une demande croissante, sans augmentation de productivité,
ni du secteur pétrolier, ni des autres secteurs.
Au final, les entreprises des autres secteurs que celui des matières
premières se retrouvent face à un taux de change très élevé, qui, sans
augmentation de leur productivité se traduit par une baisse de leur
compétitivité. A cela s’ajoute l’apparition de deux phénomènes négatifs
sur le reste de l’économie russe. Tout d’abord, la chute de l’attractivité des
autres secteurs pour les capitaux étrangers (ou phénomène de
basculement de ressources). En effet, puisque les hydrocarbures
représentent un investissement plus que profitable, ce secteur se retrouve
privilégié par les capitaux étrangers, au détriment des secteurs moins
rentables ou en cours de développement tels que le textile ou l’automobile.
L’autre phénomène à étudier se situe au niveau interne, puisque la rente
des hydrocarbures entraîne une hausse des salaires dans l’ensemble du
pays, limitant encore une fois la compétitivité des autres secteurs si elle
n’est pas accompagnée d’une hausse de productivité.
Pour conclure sur l’hyper dépendance de la Russie vis-à-vis de l’industrie
pétrolière, nous dirons qu’en plus de mettre en danger pour l’avenir, son
principal argument de négociation, elle met en danger le futur de
39
l’ensemble de son économie, aussi bien au niveau de la compétitivité de
ses autres industries qu’au niveau de la période « après-pétrole » pour
laquelle, productivité, réactivité et innovation seront les maîtres-mots
pour accéder à un marché déjà compétitif.
CONCLUSION
Il ressort de cette étude que les modèles achevés d’émergence économique
que sont les BRIC ont des fondements plus ou moins variés. Même si l’on
peut noter des dénominateurs communs liés à certains modèles tels que
les reformes vers l’économie de marché, l’ouverture au commerce
international, l’agriculture, la maitrise de la population ; certains modèles
tels que la Russie ont eu du mal à basculer vers la transition économique
ce qui est de nature à rétablir la pertinence des théories libérales qui ont
été critiquées par la CEPAL. Cependant des modèles tels que ceux du
Brésil ne sont pas loin du modèle structurel de Lewis ou encore le
basculement de la Chine au commerce international qui confirme la
pertinence du modèle ricardien et smithien sur le commerce international.
Que dire de l’Inde qui a mis en place un modèle dualiste d’investissement
Etat-Privé d’une part et investisseurs étrangers d’autres part ; ce qui est en
phase avec les théories néoclassiques de Solow, mais également des
auteurs de la croissance endogène. Ces modèles d’émergence économique
achevés sont-ils des cas d’école au regard des modèles qui sont
expérimentés en Afrique? Les africains doivent-ils s’en inspirer ou non ?
Tiennent-ils compte des spécificités endogènes de l’Afrique? Le cas du
Nigeria qui n’a pas été retenu lors du sommet de Johannesburg en Août
2023 peut paraître paradoxal. Première économie d'Afrique noire en 2022,
soit la 29ème économie mondiale, il n'est pas seulement question
d'économie. Il y'a ce qu'il est convenu d'appeler les indicateurs
d'émergence qui donnent un statut. À savoir la puissance militaire,
géographique, démographique, industrielle, pétrolière. La technologie,
innovation et recherche, agriculture, éducation, numérique, énergie. Si
vous capitaliser dans la globalité ces indicateurs, vous êtes admis. Le
Nigeria, certes est la première économie Africaine en 2022 en termes de
PIB avec 477 milliards de dollars, devant l'Égypte (475 milliards de dollars
de PIB), l'Afrique du Sud (406 milliards de dollars de PIB). L'économie
seule ne suffit pas, il y'a d'autres indicateurs qui fragilisent le Nigeria et il
devra s’inspirer du modèle des BRICS pour actualiser ces autres
indicateurs.
40
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développement Banque mondiale. Washington.
Reardon T., Timmer C., (2014), Five inter-linked transformations in the
Asian agrifood economy: Food security implications. Global Food
Security, 3, 108-117.
Rodrik D., Subramanian A., Trebbi F., (2002), Institutions rule: the primacy
of institutions over geography and integration on economic development,
NBER Working Papers, 9305.
Sachs J., Warner A., (1995), «Economic convergence and Economic
Smith A., (1776), Recherches sur la nature et les causes de la richesse de nations,
extraits des chap. 1 & 3, in Les classiques de l’économie, éd. par S.
Longuet (1991), Paris, Presses Pocket, coll. Agora.
World Bank., (2005), World Development Report – Economic Growth in the
1990s: Learning from a Decade of Reform, Washington, introduction.
43
Contribution de la délégation des services publics à la qualité perçue
des usagers citoyens dans les collectivités territoriales décentralisées
Béninoises
Dr. Nakou Zinsou Daniel
Docteur en Sciences de Gestion, Université Cheikh Anta Diop (UCAD),
Ecole Supérieure Polytechnique (ESP), Laboratoire de recherche
Entreprise et Développement (LAED), Equipe de recherche GRH,
Organisation et Stratégies/Entreprenariat, PME et Développement Local,
Email :nakou.zdaniel@gmail.com/dnakou1982@gmail.com
Dr. Faladjou Iloranwo Hortence
Docteure en Sciences de Gestion, Université de Parakou, Faculté des
Sciences Economiques et de Gestion, Benin, Laboratoire de recherche en
Marketing et Bien-être du Consommateur (LAREMBEC),
Email : faladjouhortence@gmail.com
M. Couton Sèhouénou Sévérin
Doctorant en Sciences de Gestion, Université Cheikh Anta Diop (UCAD),
Dakar, Sénégal, Ecole Supérieure Polytechnique (ESP), Laboratoire de
recherche Entreprise et Développement (LAED), Dakar, Sénégal, Equipe
de recherche en GRH, Organisation et Stratégies/ Entreprenariat, PME et
Développement Local, Dakar, Sénégal, Laboratoire de Recherche en
Gouvernance des Organisations (LARGO), Cotonou, Bénin,
Email : sehouenouseverin@yahoo.fr
Pr. Simen Nana Serge Francis
Professeur Titulaire, Agrégé des Universités en Sciences de gestion,
Université Cheikh Anta Diop (UCAD), Ecole Supérieure Polytechnique
(ESP), Laboratoire de recherche Entreprise et Développement (LAED),
Equipe de recherche GRH, Organisation et Stratégies/Entreprenariat,
PME et Développement Local,
Email : serge.simen@gmail.com/fsnana@yahoo.fr
Cite cet article : Nakou Zinsou; Faladjou Iloranwo; Couton Sèhouénou et Simen Nana,
(2023), Contribution de la délégation des services publics à la qualité perçue des
usagers citoyens sans les collectivités territoriales décentralisées Béninoises. Journal of
African Management Trends, Volume 23, Serie 5. Pp: 42-76.
44
RESUME
Cette recherche vise à analyser l’influence de la délégation des services
publics sur la qualité perçue des usagers-citoyens dans les collectivités
territoriales décentralisées béninoises. A cet effet, nous avons procédé à
une recherche quantitative hypothético-déductive basée sur un
questionnaire auprès de 200 usagers-citoyens dans deux collectivités
décentralisées (Parakou et Bohicon) béninoises dont les données ont été
présentées et traitées dans le logiciel SPSS 26.0. Nos résultats ont indiqué
d’une part que les usagers-citoyens sont satisfaits de la délégation des
services publics sur les plans de la serviabilité et de la communication et
d’autre part, cette recherche propose la priorisation des actions de la
délégation en fonction du poids de serviabilité, de la communication et de
la connaissance sur la satisfaction des usagers-citoyens dans les
collectivités décentralisées béninoises.
Mots-clés : Délégation, services publics, qualité perçue, usagers-citoyens,
collectivités décentralisées.
INTRODUCTION
Les organisations publiques mondiales sont entrées dans une ère de
transformations, de restructurations et de remises en cause et rares sont
les pays qui n’ont pas, peu ou prou, modifié leur mode de fonctionnement
et d’organisation. Elles sont, en conséquence, confrontées à de nouveaux
défis de mouvances et de transformations internes (Chatagny, 2015). Dans
cet élan, on peut observer que les organisations des services publics
béninois ont été fortement mises à l’épreuve. C’est pourquoi, elles ont été
amenées à reconsidérer le statut de l’usager-citoyen et à s’inspirer des
méthodes managériales qui lui donnent une place prépondérante
(Sabadie, 2003). Dorénavant, les attentes et exigences des usagers-citoyens
sont de plus en plus élevées et ont inéluctablement changé (Bartoli, 2009).
Par ailleurs, de nombreux services publics, industriels ou commerciaux,
sont aujourd’hui fournis à la population non pas directement par les
autorités publiques, mais par l’intermédiaire d’entreprises privées. Grâce
au système de la gestion déléguée s’organise ainsi, à la frontière du public
et du privé, toute une série d’activités marchandes. Alors, la plus grande
efficacité technique des entreprises, la baisse des coûts, la hausse de la
qualité de service et la plus grande souplesse juridique de la
contractualisation, sont devenues les arguments principaux en faveur de
la délégation.
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JAMT VOL 23 SERIE 5

  • 1. 0 JAMT, Volume 23, Série 5, Novembre 2023, Email : manuscrit.tma@gmail.com ISSN :95979871
  • 2. 1
  • 3. 2 Editions Comerci, ‘Journal Of African Management Trends’ Directeur de Publication Pr. Dr. Alain Ndedi Secrétariat scientifique de rédaction : Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun Pr. Dr Paulin Mbecke Pr. Dr. Francis Kemegue Comité éditorial : Pr. Dr. Nurudeen Oyekola, BoT Chair, Global Confederation of Certified Entrepreneurship and Innovation Institutes (GCCEI)/Registrar Institute of Classic Entrepreneurship (ICEnt) Dr. Bamidele Wale-Oshinowo, University of Lagos, Nigeria Pr. Dr. Rose Ikelle, ESSEC, Université de Douala, Cameroun Pr Dr Jules Banaken, Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale Pr Dr Pierre-Joubert Nguetse Tegoum, Ministère de l’économie et de la Planification, Cameroun Pr. Dr. Alain Ndedi, International Council for Family Business /Prime Light University Pr. Dr. Francis Kemegue, Boston Insights and Analytics, USA Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun, Université de Johannesburg /Tshwane University of Technology, RSA Pr. Dr Paulin Mbecke, Université du Moyen Lualaba, DRC Dr Polycarpe Feussi, Université de Johannesburg, RSA Pr Dr Essombe Edimo Jean Roger, Université de Yaoundé II- Soa, Cameroun Pr Dr Tchouassi Gérard, Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun Pr Dr Thierry Levy Tadjine, Université Paris 8, France Pr Dr Mantsie Rufin W., Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville Dr Kok Lawrence, University of Johannesburg, RSA Pr Dr Makosso Bethuel, Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville Dr Florence Nisabwe, President and CEO, Rise and Shine. Volume 23, Série 5, Novembre 2023, Email : manuscrit.tma@gmail.com ISSN : 95979871
  • 4. 3
  • 5. 4
  • 6. 5 TABLE DES MATIERES P. 7 INTRODUCTION P. 13 Les BRICS, un cas d’école des modèles d’émergence économiques achevés Dr Onguene Ateba Julien Grégoire Abdoulaye Bengaly P.43 Contribution de la délégation des services publics à la qualité perçue des usagers citoyens dans les collectivités territoriales décentralisées Béninoises Dr. Nakou Zinsou Daniel Dr. Faladjou Iloranwo Hortence M. Couton Sèhouénou Sévérin Pr. Simen Nana Serge Francis P. 78 Baisse des tarifs douaniers du Cycle de DOHA et filière céréale du Cameroun : Une opportunité à saisir dans la ZLECAF Dr Onguene Ateba Julien Grégoire P. 107 Effet des microcrédits alloués aux femmes pour leur développement social dans la ville d’Uvira en RDC Furaha Kazinguvu P. 127 The advent of green marketing principles to curb environmental pollution in Chad Mr. Djekoundayom Bemba P.140 The importance of Early warning responses in response to the Boko Haram insurgencies in the Lake Chad Basin Mr Satadjim Succès Noel
  • 7. 6 P. 151 Impact de la digitalisation sur la conformité Bancaire en zone CEMAC : Tentative de construction d’un modèle Mr Bonny Matanda Adrien Sylvain P. 158 La place de l’intelligence artificielle (IA) dans l’industrie pétrolière de la République du Congo Mr Prince Herauld Mombouli Ebama
  • 8. 7 INTRODUCTION Déjà le numéro 5 du volume 23 du Journal of African Management Trends (JAMT) du mois de novembre 2023. Une brève introduction du concept BRICS. Cette série arrive après les évènements du Gabon avec le coup d’état dans ce pays stable d’Afrique Centrale. Bien sûr, on a connu une année très mouvementée en Afrique ; les coups d’état au Niger, la réunion du BRICS en Afrique du Sud, et depuis le 17 Novembre, la défaite du président sortant Libérien à l’élection présidentielle de 2023. Coup de chapeau au président sortant, George Weah Manneh. L’Afrique émergente te tire un coup de chapeau ! en tant qu’ancien sportif de haut niveau, tu as fait preuve de sportivité. Qu’est c’est que le BRICS ? En 2001, la banque Goldman Sachs publie un rapport pour alerter sur la rapide croissance économique de quatre pays non membres du G7, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (BRIC) qui, selon elle, vont accéder aux premières places de l’économie mondiale. La remarque de Goldman Sachs voit la nécessité de réformer le G7 pour y incorporer ces quatre pays. Cette remarque restera lettre morte. La Russie lance, en 2006, en marge de l’assemblée générale des Nations-Unies, le processus de création d’un groupe de coopération et d’échange avec la Chine, le Brésil et l’Inde, groupe appelé BRIC. Les chefs d’État de ces pays se réunissent pour la première fois à Ekaterinbourg (Russie), le 16 juin 2009 au cours duquel ces quatre pays déclarent vouloir développer leur coopération pour faire advenir un monde multipolaire ‘plus démocratique et plus juste,’ en réclamant notamment la réforme des institutions de Breton Woods (Banque mondiale et Fonds Monétaire International) et leur plus grande ouverture aux économies émergentes. Depuis lors, les BRICS réitèrent leurs demandes et affinent le rôle qu’ils entendent voir jouer par leur groupe dans tous les champs des relations internationales avec les Nations Unies comme point central. Ils présentent leur stratégie comme une volonté de réforme de l’existant ; Russie et Chine sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies et plaident pour y faire accéder entre autres pays l’Inde, plutôt que de remplacement. Pour cela, ils s’organisent afin de coordonner leurs positions dans les réunions et organisations internationales et mettre en place des coopérations sectorielles entre eux. Cette année, le sommet des pays émergents des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s'est déroulé à Johannesburg avec, au centre des discussions, l'élargissement du bloc qui veut étendre son influence politique et économique mondiale.
  • 9. 8 Une quarantaine de nations ont demandé leur adhésion ou manifesté leur intérêt pour rejoindre le ‘club des cinq’, qui produit plus du quart de la richesse mondiale et rassemble 42% de la population du globe. Pour ce mois de Novembre, notre série 5 du volume 23 est très riche et regorge des articles qui traitent des problèmes contemporains du continent noir. L’article de Dr Onguene Ateba Julien Grégoire et Mr Abdoulaye Bengaly sur les BRICS a pour objectif de démontrer que les pays émergents actuels sont un exemple à s’inspirer pour les pays africains pré-émergents. Ces pays doivent intégrer le postulat selon lequel l’atteinte de l’émergence économique a pour conséquence l’amélioration de la structure économique d’un pays et le bien-être des populations. A cet effet, l’article analyse les fondements sur lesquels l’itinéraire de l’émergence économique de l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud s’est bâtie. La particularité de la Russie, autrefois connue sous le nom URSS qui est un paradoxe d’émergence économique, car longtemps classée comme une superpuissance avant de chuter à la suite sa la dislocation en 1991 interroge davantage. Loin d’être une étude comparative entre pays des BRICS, ces modèles inspirent notre analyse en lien avec les pays pré-émergents africains qui aspirent à être émergents. L’article de Dr. Nakou Zinsou Daniel, Dr. Faladjou Iloranwo Hortence, M. Couton Sèhouénou Sévérin et Pr. Simen Nana Serge Francis sur la délégation des services publics à la qualité perçue des usagers citoyens dans les collectivités territoriales décentralisées Béninoises. Cette recherche vise à analyser l’influence de la délégation des services publics sur la qualité perçue des usagers-citoyens dans les collectivités territoriales décentralisées béninoises. A cet effet, les auteurs ont procédé à une recherche quantitative hypothético-déductive basée sur un questionnaire auprès de 200 usagers-citoyens dans deux collectivités décentralisées (Parakou et Bohicon) béninoises dont les données ont été présentées et traitées dans le logiciel SPSS 26.0. Les résultats de cette étude ont indiqué d’une part que les usagers-citoyens sont satisfaits de la délégation des services publics sur les plans de la serviabilité et de la communication et d’autre part, cette recherche propose la priorisation des actions de la délégation en fonction du poids de serviabilité, de la communication et de la connaissance sur la satisfaction des usagers- citoyens dans les collectivités décentralisées béninoises.
  • 10. 9 La Baisse des tarifs douaniers du Cycle de DOHA et filière céréale du Cameroun : Une opportunité à saisir dans la ZLECAF est rédigé par Dr Onguene Ateba Julien Grégoire. Le cycle de libéralisation commerciale lancé en novembre 2001 à Doha avait pour ambition d’améliorer l’accès aux marchés des produits agricoles amorcé en 1986 dans le cycle de l’Uruguay connue sous le nom de l’Uruguay Round. Ces négociations sont bloquées à ce jour dans un contexte de crise alimentaire et inflationniste mondiale. Cet article est basé sur une analyse empirique en statistique comparative à l’aide de Agricultural Trade Policy Simulation Model (ATPSM), un modèle d’équilibre partiel montre que la réduction multilatérale des tarifs douaniers sur les produits céréaliers est favorable en faible proportion pour le bien-être dans la filière céréalière au Cameroun. En effet, la réduction des tarifs douaniers entraîne une légère baisse des prix à la consommation, une baisse de la production locale et une hausse des recettes tarifaires. Elle accroît les importations au détriment des exportations. Les gains de surplus des consommateurs et de l’Etat qui en résultent sont insuffisants pour compenser la baisse du surplus du producteur. Cette baisse est d’autant plus élevée que l’ambition de réduction multilatérale des tarifs douaniers sur les produits céréaliers est grande. Pour éviter une baisse des revenus des producteurs, le Gouvernement camerounais doit améliorer la production locale et saisir les opportunités qu’offre la ZLECAF. Car, ATPSM montre que malgré le fait qu’accroître la production intérieure entraine une baisse des recettes tarifaires et de bien-être national, elle permet une nette amélioration du surplus des consommateurs et des producteurs camerounais grâce à une nouvelle baisse du prix à la consommation et une augmentation des exportations. La contribution intitulée Effet des microcrédits alloués aux femmes pour leur développement social dans la ville d’Uvira en RDC de Madame Furaha Kazinguvu Mr. Djekoundayom Bemba on the development of green marketing principles as a response to the problem of healthy environment in Chad aims to position green practices usages at the heart of the Chadian economy. In today’s changing business environment, companies are facing environmental issues that negatively influence all human endeavours consequent upon which green issues that are incorporated into companies marketing strategies. In a society concerned with the degradation of the natural environment, academics and professionals in
  • 11. 10 marketing are becoming more responsive through their research in one hand for academics, and innovative strategies for professionals to address customers’ concerns. In Chad, because of consistent failure of the central government to provide portable water, there is proliferation of companies supplying bottled/sachet water outfits to satisfy customers’ needs. This move for the past ten years is leading to an increased consumption of water related products and the throwing away of plastic empties packaging in the nature thereby causing uncontrollable environmental pollution. The present article unpacks the dependant and independent variables under this study, namely green marketing and environmental pollution. Through interviews and library research with a view to finding out whether if green marketing principles can be seen as a solution to the problem. The paper establishes that green marketing if properly exploited can serve as environmental pollution in volatile business environment in which we find ourselves. At the end, some recommendations are tabled for Chadian officials to create a conductive environment for an eco- friendly and free of bottled/sachet water production in Chad. The paper urges the Chadian government to develop seminars and workshops to train the general public and reorient their citizenry on the importance of proper refuse disposal and the littering of the country environment with disposable plastics containers. Mr Satadjim Succès Noel discusses the Role of Early warning responses to curb the Boko Haram insurgency in the Lake Chad Basin. For decades, the four Lake Chad Basin (LCB) countries have grappled with various forms of insecurity including banditry, abduction, highway robbery and cattle rustling among other challenges. In addition, the most significant security challenges confronting the LCB remain the Boko Haram crisis. In this regard, Cameroon, Chad, Niger and Nigeria have all been impacted by violent extremism that impedes State functionality and its capacity and willingness to provide human security. The focus on conflict dynamics in the LCB must therefore been seen as a critical issue and look at a wide spectrum of actors, structures and processes that spawn insecurity in the region while still centring the Boko Haram phenomenon and its connections with other conflict or security dynamics. The article based on an empirical research was carried out in the eight provinces/states/regions directly affected by the Boko Haram insurgency: Far North and North regions (Cameroon), Hadjer Lamis and
  • 12. 11 Lac provinces (Chad), Diffa region (Niger), Adamawa, Borno and Yobe states (Nigeria) with the aim to understand if early warning systems are fully used and implemented. The findings show that there is not enough use of early warning systems to combat Boko Haram insurgencies. This article intends to fill that gap by bringing forward strategies to deal with this crisis. L’article de Mr Bonny Matanda aborde la question de la question de la conformité bancaire en zone CEMAC. Les risques de conformité générés par les développements technologiques et l'évolution rapide du comportement des clients ont braqué les projecteurs sur le cadre actuel de la conformité bancaire et le rôle de la digitalisation. La maîtrise des risques en zone CEMAC est une condition essentielle de croissance financière et bancaire. Concevoir et animer un dispositif adéquat de maîtrise des risques ou encore un modèle est donc un facteur clé de succès pour tout acteur économique, qu’il soit public ou privé. Ceci nécessite une excellente connaissance de son organisation, mais également du cadre réglementaire spécifique où ses activités sont exercées. Cet article tentera d’atteindre cet objectif. Avec l’article de Mr Prince Herauld MOMBOULI EBAMA, l’auteur relève les défis auxquels fait face l’industrie pétrolière congolaise sont ceux que rencontrent tous les États producteurs des hydrocarbures et toutes les compagnies pétrolières transnationales d’une manière générale et celles opérant sur le territoire congolais en particulier. En effet, devant la faiblesse constante des prix, les coûts élevés et la complexité́ croissante des activités, les sociétés pétrolières et minières doivent plus que jamais chercher à apporter des solutions nouvelles et efficaces à leurs problèmes. Cet impératif d’innovation d’après l’auteur, est donc une réalité́ largement acceptée dans le secteur du pétrole et du gaz dont la réponse la plus évidente réside dans l’intelligence artificielle. C’est dans cet optique le concept d’IA qui repose sur des algorithmes très performants, capables d’apprendre, de raisonner, et d’accomplir des tâches qu’a priori seule l’intelligence humaine peut accomplir se présente comme un instrument ou encore un outil de management indispensable à la survie de l’organisation. Plus simplement, l’IA peut se concevoir alors fondamentalement comme un ensemble de techniques de prédiction qui consistent à́ associer á une information une action destinée à́ atteindre
  • 13. 12 un objectif prédéterminé́ par l’homme. Cette article monstre l’importance de l’AI dans l’industrie pétrolière du Congo. Au nom du comité éditorial, mes sincères remerciements à tous les contributeurs et à leurs institutions respectives, et une bonne lecture à tous. Nous vous remercions de bien vouloir envoyer vos contributions au plus tard le 31 Décembre 2023 et commentaires par courriel aux adresses suivantes: ndediaa@gmail.com et manuscrit.tma@gmail.com (secrétariat) Prof. Dr. Alain Ndedi
  • 14. 13 Les BRICS, un cas d’école des modèles d’émergence économiques achevés Dr Onguene Ateba Julien Grégoire Economiste / Logisticien des transports, Expert en Douane et Transit, Enseignant agrée à la Sorbonne Institut de paris Enseignant vacataire à l’Université de Bertoua et de Douala Tel : (237) 699 260 367 / (237) 676 531 537 E-mail: alandesstyles2016@gmail.com Abdoulaye Bengaly Doctorant à l’Institut de Pédagogie Universitaire (IPU) Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FSEG) Centre Universitaire de Recherche Economique et Sociale (CURES) de Bamako-Mali, E-mail :bembus130@yahoo.fr Cite l’article : Onguene Ateba, J, G. et Bengaly, A, (2023), Les BRICS, un cas d’école d’un mod-le d’émergence économique achevé. Journal of African Management Trends. Volume 23, Série 5, Novembre 2023. P.p : 12-41. RESUME : L’objectif de ce papier est de démontrer que les pays émergents actuels sont un exemple à s’inspirer pour les pays africains pré-émergents. Ces pays doivent intégrer le postulat selon lequel l’atteinte de l’émergence économique a pour conséquence l’amélioration de la structure économique d’un pays et le bien-être des populations. A cet effet, ce papier analyse les fondements sur lesquels l’itinéraire de l’émergence économique de l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud s’est bâtie. La particularité de la Russie qui est un paradoxe d’émergence économique, car longtemps classée comme une superpuissance avant de chuter à la suite sa la dislocation en 1991 interroge davantage. Loin d’être une étude comparative entre pays des BRICS, ces modèles inspirent notre analyse en lien avec les pays pré-émergents africains qui aspirent à être émergents. Mots clés : Pays pré-émergents, Pays émergents, modèle, émergence économique, bien-être.
  • 15. 14 INTRODUCTION Le 24 Août 2023 à Johannesburg marque un tournant dans l'histoire des BRICS. Ils ont accepté 06 autres pays. Il semble logique que les BRICS deviennent dorénavant BRICS+6 ou ce qu’on pourrait appeler COPPEE (Communauté des pays pré-émergents et émergents avec l'entrée dès janvier 2024 des pays tels que : Argentine, Ethiopie, Égypte, Iran, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis. On pourrait alors arriver aux BRICS+30 d'ici 2050. Le BRICS+6 bascule donc à près de 43% de la population mondiale, environ 33% de l'économie, et près de 30% du territoire mondial. L'entrée de certains pays africains semble interroger plusieurs acteurs. Pour les pays d'Afrique noire francophone, on pourrait croire à un syndrome de malédiction de l'Afrique noire francophone. Les seuls pays qui sortent du lot sont le Sénégal, la Côte d'Ivoire, Cameroun, Congo. Malheureusement moins lotis que l'Égypte et l'Éthiopie qui ont fait leur entrée dans le Top 11 des BRICS+6. Plus de 20 pays ont officiellement demandé à rejoindre les BRICS. C'est depuis près de quarante ans que les pays émergents travaillent. Ils ont maturé leurs politiques d'émergence économique et sont des cas d'écoles des modèles d'émergences économiques achevés. Ce sont des pays qui ont axé leur décollage par le facteur travail et les réformes structurelles sur le plan économique avec une ouverture vers les échanges internationaux. C'est le cas de la Chine qui a bénéficié du charisme de Mao-Tsé-Toung (Mao Zedong). L'Inde a expérimenté un modèle pro- affaires versus pro-marché pour permettre à l'Etat et ses hommes d'affaires de contribuer au développement via la construction de certaines infrastructures physiques, énergétiques, numériques et autres. Le Brésil a bénéficié d'un modèle assis sur la puissance démographique et agricole à travers des fermes familiales qui ont boosté l'émergence économique. La Russie est le paradoxe des pays émergents, car superpuissance hier, elle a été victime de la dislocation de l'ex-URSS avec la détérioration de son économie et s'est relevée dès le début des années 2000 avec des nouvelles réformes de marché suite au chao créé par les oligarques russes. L'Afrique du Sud est un laboratoire minier et industriel, c'est l'un des leviers de son émergence à côté des réformes économiques postapartheid et la reconfiguration spatiale.
  • 16. 15 1. REVUE DE LA LITERATURE Il y'a un fait c'est que tous ces BRICS avaient hier dans leurs élans des dénominateurs communs: Modèle politique de rigueur, le facteur travail comme facteur d'émergence, la puissance géographique, démographique, agricole et autres. 1.1 Le modèle d’émergence économique Indochinois L’effectivité de l’émergence économique Indochinoise est d’autant plus spectaculaire que ces deux pays n’ont plus le même visage que celui qu’ils avaient dans les années 1960. Ils convoquent un regard original, qui permet en retour de questionner les approches d’économie comparée du développement. Cette sous-section introduit des questions avec une analyse d’histoire économique, et pose un regard sur la trajectoire de ces pays, de par les variables explicatives qui ont été actionnées. 1.1.1 Le modèle d’émergence économique chinois L'émergence économique de la Chine pose un problème d'adaptation difficile à certaines puissances mondiales. Si les autorités chinoises se plaisent à rappeler que la Chine est toujours en voie de développement, avec en particulier un revenu par tête parmi les plus faibles au monde, son poids économique est pourtant déjà celui de la deuxième puissance économique mondiale depuis le 2e trimestre 2010, avec un taux de croissance de l'ordre de 10 % par an, qui s'est maintenu pendant 25 ans. Mais, il faut dire que c’est en début du XXIe siècle que le poids dans l’économie mondiale de la Chine augmente selon (O'Neill, 2001). Quatre facteurs expliquent l’émergence économique de la Chine. Ce sont la stabilité, la technologie et l'éducation, l'industrialisation et le travail. Le pays a pris la voie vers l'émergence en mettant fin à la révolution culturelle qui a duré dix ans. A ce propos, cette révolution a été un désastre national. Pour Madisson (1998, 2007), il semble que la Chine ait été plus pauvre ces années-là qu'au début du XIXe siècle. 1.1.2 Emergence économique par les reformes de la transition économique A la mort de Mao Zedong en 1976, une lutte féroce entre prétendants fait rage au sommet de l'État. L'ex-secrétaire général du Parti communiste Deng Xiaoping parvient finalement au pouvoir en 1978. Il met en place les réformes économiques, introduisant les principes d'une économie de marché en deux étapes. La première étape, à la fin des années 1970 et au
  • 17. 16 début des années 1980, voit la décollectivisation de l'agriculture, l'ouverture du pays aux investissements étrangers et l'autorisation pour les entrepreneurs de se lancer dans des affaires. Cependant, la plupart des industries sont restées des propriétés de l'État. La deuxième étape de la réforme, à la fin des années 1980 et 1990, voit la privatisation et la sous- traitance de nombreuses industries d'État et la levée du contrôle des prix, des politiques protectionnistes et des régulations de l'économie, bien que l'État chinois conserve le monopole de certains secteurs tels que la banque et le pétrole. La Chine étant désormais définie comme une économie socialiste de marché, elle connaît alors progressivement une phase de forte croissance. En 1984, les régions chinoises acquièrent davantage d'autonomie et peuvent être libres de leurs investissements. A son retrait de la vie politique en 1992, Deng Xiaoping met en œuvre une politique fréquemment désignée sous le nom d'économie socialiste de marché, dans la mesure où elle marie des éléments de l'époque maoïste1 et un certain libéralisme économique. Cette synthèse idéologique permet à la Chine d'ouvrir progressivement son économie tout en conservant son régime politique Depuis les années 1990 et 2000, l'économie de la Chine connaît une croissance de plus en plus rapide, supérieure à 8-9 % par an, en raison du bas coût de la main-d'œuvre et des possibilités d'échange offertes par les technologies. Madisson (2007) démontre que sans la stabilité, la Chine n'aurait pas connu de développement. La situation du chaos a été changée et le pays a pris la voie de la modernisation, la priorité à l'éducation obligatoire, qui a fourni un soutien intellectuel pour les réformes entreprises. La Chine compte 260 millions d'élèves, soit 20% de la population. Le taux d'analphabétisme en Chine en 2011, était de 1,8%. En 1999 le rythme de l'enseignement supérieur a été accéléré. En 2003, il y’avait 34,608 millions élèves et étudiants, soit près de 35% du taux de scolarisation, contre 5% en 1987. La population active est estimée à 900 millions de personnes. Pour Pairault (2008), la Chine est donc passée de pays fort d'humains, à un pays fort de ressources humaines, rejoignant le modèle de Lucas (1988) sur le rôle du capital humain sur la croissance économique a relevé. Le secteur privé a augmenté remarquablement, il représentera en effet près de 70 % du produit intérieur brut chinois en 2005. De 1978 à 2013, une 1Contrôle politique autoritaire de l'économie, plans volontaristes d'industrialisation et de grands travaux
  • 18. 17 croissance sans précédent a lieu, l'économie enregistrant une croissance de 9,5 % par an. 1.1.3 Emergence économique par l’ouverture au commerce international Selon Pairault (2008), deux orientations-clés expliquent cette croissance ultra-rapide et continue : tout d'abord la décision de convertir la Chine à l'économie de marché prise à la fin des années 1970 par Deng Xiaoping, et concrétisée par la nouvelle constitution de 1982; ensuite, l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce au début de l'année 2002, qui couronne vingt années de réformes économiques et légales soigneusement planifiées, et quinze ans de difficiles négociations. C'est cette deuxième étape, ardemment attendue par les dirigeants chinois, qui a ouvert le marché mondial à la Chine, et fait d'elle le premier but des investisseurs étrangers. Depuis les années 1980, la Chine connaît une industrialisation massive et est ainsi peu à peu devenue un acteur majeur dans les industries de main- d'œuvre, les industries textiles et les objets manufacturés de basse qualité. Grâce à une main-d'œuvre nombreuse et bon marché ainsi qu'à un taux de change très compétitif, elle peut exporter de très grandes quantités à des prix très bas. L'industrialisation volontariste renforce ses capacités productives et exportatrices d'année en année, ce qui vaut au pays le surnom d'« atelier du monde ». L'ouverture économique internationale de la Chine repose quant à elle sur les Zones économiques spéciales (ZES), qui couvrent aujourd'hui la quasi-intégralité du littoral chinois. Offrant des conditions de travail à bas coût et des avantages fiscaux aux firmes multinationales, elles les contraignent toutefois à rendre publiques leurs technologies en cas de délocalisation des usines. Les autorités chinoises ont adopté une stratégie d'ouverture très progressive, qui n'a commencé à se concrétiser que dans les années 1990 pour des secteurs-clés comme les banques ou les assurances. Cette ouverture parcimonieuse, synonyme d'arrivée de capitaux étrangers, lui a permis de quasiment ignorer la crise asiatique de 1997. Symbole de son insertion progressive dans le système économique international, la Chine adhère à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) le 11 décembre 2001 après une cérémonie de signature à Doha le 11 novembre, pour devenir officiellement membre de l'organisation au 1er janvier 2002. Cette adhésion, officiellement demandée par la République populaire de Chine le 10 juillet 1986, couronne vingt ans d'un travail de réformes économiques soigneusement planifiées et fait suite à quinze ans de dures négociations. Les négociations permettant cette adhésion ont
  • 19. 18 abouti le 17 septembre 2001. Comme prévu lors des négociations, la République populaire de Chine s'engage à libéraliser son économie et doit en particulier : Accorder un traitement non discriminatoire à tous les membres de l'OMC, ne pas pratiquer de contrôle des prix à des fins de protection des producteurs ou fournisseurs de service locaux ; refondre sa législation intérieure, présente et future, pour la mettre en accord avec l'accord conclu avec l'OMC ; dans les trois ans suivant l'adhésion, donner le droit à toutes les entreprises d'importer, d'exporter et de commercer librement avec l'étranger, avec un nombre limité d'exceptions ; ne pas maintenir ou accorder de subventions à l'exportation sur ses produits agricoles. 1.1.4 Les défis du modèle d’émergence économique Chinois Selon Bobin (2005), entre 1980 et 2010, on observe deux tendances majeures : une nette baisse de la pauvreté absolue, et une forte augmentation des inégalités. La Chine a connu la plus importante et la plus rapide réduction de pauvreté de l'histoire. Le taux de pauvreté absolue, définie par un revenu inférieur à un dollar par jour (en PPA), concernait 74 % de la population au début de la réforme en 1981 pour atteindre 15 % en 2004. Les conditions de vie se sont aussi grandement améliorées depuis les années 1970 alors que l'indice de développement humain du pays s'est bonifié de 46 % en 32 ans. Cependant en 2003, 30 millions de personnes sur plus de 1300 millions vivaient encore avec moins de 77 dollars par an. En effet, 21,5 millions d'habitants en région rurale survivent avec moins de 90 dollars par année et un autre 35,5 millions d'entre eux vivant avec environ 125 dollars. Ce qui pose d’énormes défis pour la convergence vers un pays totalement développé. 1.1.5 Défis liés à l’accroissement des inégalités sociales Selon la banque mondiale (2014), l'indice de Gini, serait passé de 33 à 47 entre 1985 et 2004, ce qui indique une plus forte concentration des revenus. Selon ces mesures, toujours assez imprécises, les différences sociales atteindraient un niveau équivalent en Chine et aux États-Unis2. Les familles les plus riches, qui représentent 8,6 % de la population totale, détiennent 60 % du capital financier]. Différentes études indiquent que les 10 % les plus pauvres de la population ont connu une détérioration très forte de leurs conditions de vie tandis que les 10 % les plus riches ont vu 2Le Census Bureau donne un indice de 46,6 en 2004 pour les États-Unis. Données collectées par le World Insitute for Development Economic Reasearch.
  • 20. 19 leurs revenus et leur patrimoine exploser. En effet, actuellement, les 10 % de la population les mieux payés en Chine le sont vingt fois plus que les 10 % les moins payés. Le nombre de milliardaires chinois en dollars est passé de 3 en 2004 à 106 en 20073. L'écart de revenu entre les populations urbaines et rurales est notable alors qu'une majorité de chinois vivent encore en milieu rural. Les inégalités entre les villes et la campagne sont particulièrement fortes. Selon les statistiques officielles, les grandes agglomérations sont trois fois plus riches par habitant que les espaces ruraux. Boillot (2013)4 démontre que 57 % de la population chinoise vit dans un milieu rural, un citadin gagnera en moyenne 3,33 fois le salaire d'un habitant de la campagne. Le taux de chômage est aussi plus important en milieu rural alors qu'on estime qu'il atteindrait 9 % contre 4,3 % dans le reste du pays. Selon la Banque Mondiale (2014), la pauvreté toucherait près d'un Chinois sur quatre avec 350 millions d'individus vivant sous le seuil de la pauvreté qui est de moins de 1 dollar par jour. Pour 2012, selon une étude de l'Université de Pékin, un pour cent des ménages les plus riches en Chine contrôle plus d'un tiers des richesses du pays, tandis que 25% des ménages les plus pauvres en contrôlent juste 1%. Les programmes de planification gouvernementaux de grande envergure aux côtés des caractéristiques du marché ont réduit la pauvreté, tandis que les revenus et les inégalités de revenus ont augmenté. L'accroissement des inégalités est attribué à la disparition de l'État-providence et les différences entre les provinces côtières5 et intérieures, rurales. 1.1.6 Défis liés à l’insertion dans le système économique international Boillot (2013) estime que la Chine a développé un modèle fréquemment nommé « économie socialiste de marché », qui fait se côtoyer un secteur public toujours omniprésent et un certain libéralisme économique, ainsi qu'une ouverture progressive de son marché intérieur. Depuis les années 1980, le pays a connu une croissance économique particulièrement soutenue, dépassant les 10% certaines années et ne se montrant que peu sensible aux chocs conjoncturels - notamment la crise des subprimes et la crise de la dette dans la zone euro. De 2000 à 2010, la Chine a fourni 33 % de la croissance mondiale en valeur absolue. 3Newsweek, 12 novembre 2007 4 Membre du club du CEPII dont il anime le cycle « pays émergents » depuis 2007, Auteur du concept Chindiafrique, 5Représentant le pôle économique et industriel du pays
  • 21. 20 Cependant, la population reste relativement pauvre : en parité de pouvoir d'achat, on évalue le PIB par habitant en 2013 à 9 800 dollars par habitant, ce qui place la Chine au 121e rang mondial. Le fort excédent commercial provoqué par les exportations industrielles a permis au pays de se constituer de grandes réserves de change qui ont atteint 3 820 milliards de dollars au 1er janvier 2014, soit les plus importantes jamais enregistrées. Ces réserves donnent au pays une puissance financière considérable sur la scène internationale. La finance chinoise connaît cependant des difficultés liées à l'explosion du shadow banking, finance non conventionnelle et non régulée, que le pouvoir politique ne parvient pas à endiguer et que l'agence de notation Moody's estime à 4 800 milliards de dollars début 2014. Sans oublier les dévaluations compétitives dont lui reprochent les USA au regard de sa politique commerciale qui elle-même est très dépendante des exportations avec un léger essoufflement en 2008. 1.2 Le modèle d’émergence économique indien Racine (2010) dans son analyse affirme que l’Inde n’est pas encore une grande puissance, mais elle devient un acteur sur le grand théâtre du monde. Le monde commence à changer sa vision de l’Inde. Cette perception est nouvelle. Elle est devenue commune depuis quelques années, quand le taux de croissance indien a dépassé les 8 % en 2003, puis les 9 % en 2005, trois ans de suite. Même après la crise, qui ralentit sa croissance en 2008, l’Inde en transition est bien un pays émergent selon (Kohli, 2011). La dimension économique du mouvement n’est toutefois pas la seule, même si elle définit les fondations de l’Inde nouvelle. Pour Kohli (2011), l’accélération de la croissance économique indienne résulte davantage d’un basculement ‘pro affaires’ dès les années 1980 – priorité de l’État au capital indien – que de la libéralisation ‘pro marché’ amorcée en 1991, dont l’impact s’est avéré limité, voire négatif. Plus étatique est asiatique que néolibéral anglo-saxon. Donc, le modèle suivi par l’Inde n’en a pas moins accru les inégalités et généré une démocratie à deux vitesses. 1.2.1 L’émergence par un modèle ‘pro-affaires’ Pour (Rifkin, 2004 ; Khilnani, 2005 ; Kohli, 2011), ce qui a provoqué un changement de direction de la croissance de l’économie indienne aux alentours de 1980 a sans nul doute été l’adoption lente, mais inexorable, d’un nouveau modèle de développement. À la place du modèle de développement étatiste et nationaliste renforcé dans les années 1970 par le gouvernement, les politiques économiques indiennes se sont
  • 22. 21 acheminées aux alentours de 1980, vers une alliance entre l’État et les milieux d’affaires en vue de dynamiser la croissance économique. Jaffrelot (2005) estime que cette évolution n’a pas explicitement été annoncée, voire a souventété ignorée par de nombreux intellectuels. A peu près éloignée des objectifs de redistribution pour donner davantage la priorité à la croissance économique ; elle a cherché à s’allier avec le monde des affaires ; a adopté une attitude peu favorable au monde du travail ; a freiné la croissance des industries du secteur public ; et a réduit le rôle de la planification économique et de la commission du plan. Tout aussi importante a été la réaction des principaux acteurs économiques en Inde qui ont montré toute leur satisfaction en investissant davantage, ce qui a contribué, en retour, à améliorer la performance de la croissance indienne. Pour Rodrick (2004), il s’agit d’un soutien public aux milieux des affaires de part une série de réformes politiques pro-affaires. Premièrement, le gouvernement allégea certaines contraintes qui empêchaient les secteurs économiques importants de s’étendre et incita ces derniers à pénétrer des domaines réservés au secteur public. En mettant fin au système des licences et en autorisant les grosses firmes privées à s’immiscer dans des industries de base (produits chimiques, céramiques, cimenterie, etc.), jusque-là réservées aux entreprises publiques. Parallèlement, le gouvernement encourageait le secteur privé à s’insérer dans des domaines tels que l’énergie. Si ces mesures n’ont pas toujours réjoui les petites et moyennes entreprises, en revanche, les grandes entreprises les ont accueillies avec un grand enthousiasme. 1.2.2 Intervention « pro-marché » versus « pro-affaires » Les rares expériences de croissance économique rapide et soutenue dans le monde en développement suscitent le débat dans le monde académique. Les questions sous-jacentes que ces expériences soulèvent sont connues : comment un pays A ou B (disons, la Corée du Sud ou la Chine) a-t-il trouvé le chemin d’une forte croissance ? L’expérience de A ou B fournit-elle un modèle ou, du moins, des leçons pour les autres ? Les grandes lignes de ce débat nous sont également familières : la forte croissance résulte-telle de l’adoption par l’État d’une stratégie pro- marché, à savoir, un mouvement allant vers une intervention limitée de l’État et une plus grande ouverture économique ; ou cette croissance est- elle plutôt le résultat d’un État interventionniste prônant une collaboration étroite avec le monde des affaires dans le but de dynamiser la croissance.
  • 23. 22 Pour Kohli (2011), il est évident que le discours populaire sur le développement a tendance à traiter tous les gouvernements « pro-affaires » comme des gouvernements pro-marché. Même certains spécialistes ne font pas cette distinction, en évacuant soit des questions analytiques fondamentales, voire – ce qui est pire – en recouvrant d’un voile idéologique ce qui apparaît clairement comme un problème de classe. Avant d’interpréter la récente croissance de l’Inde, il est donc utile de distinguer stratégies d’intervention pro-marché et pro-affaires Ces stratégies de développement se différencient en effet du point de vue des choix politiques faits en amont, des logiques qui les sous-tendent, des politiques effectivement mises en œuvre et des résultats escomptés en aval. Alors qu’une stratégie pro-marché encourage l’entrée de nouveaux opérateurs et l’émergence de nouveaux consommateurs, une stratégie pro-affaires cible essentiellement les producteurs établis (Rodrik and Subramanian, 2004). La stratégie pro-marché repose sur l’idée que le libre jeu des marchés débouche sur une allocation optimale des ressources et une amélioration de la compétitivité, ce qui stimule en retour la production et la croissance. Cette idée, somme toute simple, mais respectable, a inspiré le consensus de Washington sur le développement pendant les années 1980 et 1990 (Williamson, 1990). Dépouillée de toute complexité, cette orthodoxie du développement consiste en une poignée d’arguments clés. 1.2.3 Les Limites du modèle d’émergence économique Indien Pour le CEPII (2010), l'Inde doit surmonter un certain nombre de difficultés afin de pouvoir prétendre au statut de superpuissance. Il s’agit de la surpopulation (ressources insuffisantes…), la pauvreté, la Corruption, les problèmes infrastructurels, les Écarts croissants entre les riches et les pauvres. Malgré tout, un constat s’impose : la croissance industrielle dans les années 1990 et suivantes n’était significativement pas meilleure que dans les années 1980. Et la croissance de la productivité totale dans la période post-réformes a été légèrement inférieure à celle des années 1980. La hausse des exportations demeurait inférieure au nombre croissant des importations et les investissements publics avaient diminué tandis que la part de la dette publique dans le PIB n’a cessé de croître. Comme on pouvait s’y attendre, leurs partisans expliquèrent, pour justifier un tel bilan, que ces réformes n’avaient pas été menées assez en profondeur (Ahluwalia, 2002) ou, à l’inverse, qu’elles avaient été trop rapides et trop profondes (Patnaik, 1999 ; Chaudhuri, 2002).
  • 24. 23 1.2.4 Du dynamisme des investissements privés au déclin des investissements publics D’après Kohli (2011), ce qui surprend c’est que ces réformes ne semblent pas, au niveau global du moins, avoir eu d’impact, positif ou négatif, sur la croissance économique. Comment l’expliquer ? Là encore, il nous faut nous intéresser à la question du taux d’investissement et du taux de productivité, en gardant à l’esprit que ni l’un ni l’autre n’a connu une forte hausse suite aux réformes. Les investissements privés, y compris les investissements des entreprises, sont pour la plupart restés constants après les réformes, même si les investissements publics ont, de leur côté, diminué. L’investissement des entreprises privées a d’abord connu une forte hausse pour atteindre un pic ultime au milieu des années 1990. Depuis, le taux de croissance de l’investissement des entreprises a décliné même s’il s’est généralement maintenu à un niveau supérieur aux périodes antérieures. En revanche, la formation du capital dans les ménages a enregistré une croissance rapide depuis le milieu des années 1990. La poussée des investissements privés doit certes être imputée aux réformes en matière de politiques industrielles introduites après 1991. Mais le fait que cette soudaine augmentation ait principalement concerné les secteurs enregistrés, tout particulièrement dans la seconde moitié des années 1990 (Nagaraj, 2003) appelle deux observations : premièrement, les politiques de réformes avaient été initialement plus favorables aux grandes entreprises qu’aux petites ; et deuxièmement, ces grandes entreprises se sont généralement bien accommodées de cette lente ouverture de l’économie, du moins jusqu’à la fin des années 1990, lorsque l’importation de biens par les investisseurs étrangers a commencé à susciter des récriminations et à décourager les investissements. 1.2.5 Des freins connexes à la croissance S’il est vrai que, dans les années 1980, l’État indien s’est reposé sur le secteur privé pour dynamiser la croissance à l’instar des pays d’Asie de l’Est, reste que l’Inde n’est ni la Corée du Sud ni Taiwan. Elle n’a pas fait assez pour améliorer l’efficacité de l’économie industrielle privée et les conditions de vie des plus pauvres. Tout d’abord, l’état déplorable de l’infrastructure en Inde a engendré de nouveaux coûts pour l’industrie privée. Deuxièmement, bien qu’il soit souvent question d’améliorer les conditions de travail, les efforts entrepris dans ce sens sont restés limités, tout comme
  • 25. 24 n’est guère spécifié le modèle sous-jacent à un tel changement. Si l’on se tourne à nouveau vers les pays à croissance rapide de l’Asie de l’Est, on remarquera que le régime du travail combine à la fois sécurité de l’emploi, formations, perfectionnement continu des compétences et discipline stricte assortie de menaces répressives. Pour autant, ce modèle n’est ni entièrement désirable, ni entièrement applicable en Inde. Ensuite, l’Inde aurait dû aussi faire bien plus pour permettre à son économie de combler son retard technologique. Les importations de technologies étrangères ont eu quelques retombées positives, mais avec la diminution des investissements en recherche et développement dans le secteur privé et le rétrécissement continu du rôle du secteur public, la tendance s’est pratiquement inversée. Quatrièmement, les efforts pour améliorer le sort du capital humain de l’Inde ont été médiocres. Enfin, les incitants et les pressions destinés à accroître les exportations du secteur privé sont restées insuffisantes. Toutes ces actions, qui n’ont pas été menées faute de capacités politiques ou d’imagination, considérées dans leur globalité, nous permettent peut- être de comprendre pourquoi la croissance de la productivité de l’économie industrielle de l’Inde ne s’est pas améliorée dans la période qui a suivi les réformes. 2. LE MODELE D’EMERGENCE ECONOMIQUE RUSSO-BRESILIEN Gaulard (2011) estime que pour comprendre les fondements du modèle d’émergence du Brésil, il faut remonter aux années 1980 où un retournement de la situation a poussé à restreindre les dépenses publiques. Pour le cas de la Russie qui est un modèle assez paradoxal d’émergence économique, Benaroya (2006) démontre que c’est de l’affaiblissement de la Russie aux débuts des années 1990 au redémarrage entre 1999 et 2005, la Russie a connu une croissance économique moyenne supérieure à 6,7 %. Cet indicateur cache donc des leviers sur lesquels se sont appuyées les politiques publiques, l’objet de cette sous-section sera de les identifier au même titre que ceux du brésil. 2.1 Le modèle d’émergence économique brésilien A la suite des travaux de Gaulard (2011), plusieurs auteurs ont analysé les fondements de l’émergence économique du Brésil. Après avoir présenté ces derniers et leur pertinence, le cap sera mis aux limites de ce modèle quant à sa capacité de propulser le Brésil vers un développement intégral.
  • 26. 25 Estrada (2014)6 démontre que depuis les années 1980, sa croissance s'envole en comparaison à ses voisins comme l'Argentine dont le PIB représente 1/5 de celui du Brésil. Pour Droulers (2013)7, le Brésil est la 6ème puissance économique mondiale en 2011 avec un PIB de 2 400 milliards de dollars, alors qu'en 2008 il était la 8ème puissance, toujours en termes de PIB. Certes la conjoncture, notamment le prix du soja ou l'évolution du dollar jouent un rôle, mais le Brésil, contrairement à une idée reçue, fait déjà partie de la cour des grands. Néanmoins, le PIB par habitant n’est encore qu’à 12 000 dollars par an (contre 44 000 en France). Aujourd'hui, le Brésil devient une puissance influente qui commence à gêner certains pays, ce qui est de nature à provoquer un questionnement sur les piliers qui fondent cette émergence économique. 2.1.1 L’émergence par la stabilité démographique et la puissance agricole Droulers (2011) démontre que l'émergence peut avoir un sens socio- économique dans une perspective historique. Depuis 2005, les pays classiquement dits émergents connaissent une croissance économique accélérée et un ralentissement démographique qui améliore leur PIB par habitant. Si le Brésil s’est distingué par un boom démographique ces cinquante dernières années8, le taux de natalité se stabilise néanmoins. Source : Questions internationales (2012) 6Analyste politique du CERI et de l’Observatoire Politique de l’Amérique Latine et des Caraïbes. 7Géographe, directrice de recherche au CNRS, membre du CREDAL. 8En 1940, le Brésil avait le même nombre d'habitants que la France avec 40 millions d’habitants, contre 200 millions en 2010. Tableau 1 : Rang mondial par rapport au PIB Tableau 2 : Rang mondial par rapport au taux de croissance
  • 27. 26 Les tableaux 1 & 2 démontrent que la performance du taux de croissance du Brésil en 2009 contraste avec le PIB/habitant qui a une corrélation négative avec le niveau élevé de la population, ce qui fonde à suffisance la motivation du modèle Brésilien pour la stabilité de la natalité. Pour Veillard (2013), lorsque l’on évoque l’agriculture brésilienne, la dualité est sans doute la caractéristique la plus souvent avancée : dualité entre, d’une part, une agriculture agro-industrielle exportatrice concentrée sur quelques monocultures et génératrice de devises, et, d’autre part, une agriculture familiale diversifiée à composante sociale beaucoup plus forte, notamment en termes d’emplois. Longtemps ignorée et marginalisée, l’agriculture familiale brésilienne bénéficie aujourd’hui d’un soutien spécifique de l’État au travers de toute une série de dispositifs d’action publique complexes et diversifiés. Estrado (2014) quant lui estime que l’utilisation de ses atouts climatiques grâce à sa diversité et le type d'agriculture font du Brésil un des premiers exportateurs mondial de soja, de sucre, de café, café, jus d'oranges etc...La recherche agronomique est très poussée, et constitue un levier de cette agriculture. L'agriculture reste un secteur clé, il y’a une dichotomie entre l’agriculture familiale et l’agrobusiness. L’un des points forts de l’approche brésilienne est son pragmatisme. Ainsi, l’institutionnalisation de la dualité agricole, par la séparation des dispositifs de gouvernance entre les formes familiales et les formes patronales / entrepreneuriales de l’agriculture, se sont révélées être opérationnelles (Veillard, 2013). Chacune a ainsi pu clairement définit ses fonctions, socio environnementales pour la première, contribution à l’équilibre de la balance des paiements pour la seconde. Cette séparation a également permis de mieux cibler les interventions publiques, en fonction de chaque agriculture (notamment en termes de diversité des exploitations familiales), le tout en apaisant le dialogue social entre l’État et les agriculteurs familiaux. Enfin, le gouvernement a réellement tenté de contrebalancer le pouvoir traditionnel des élites locales, en mettant en place des dispositifs de gouvernance territoriale au niveau municipal. Autre force, le caractère innovant de certaines mesures, notamment le recours au ciblage des instruments (différenciation des publics et des lieux), ainsi que l’introduction de mécanismes de coordination : entre les différents niveaux de gouvernance mais aussi entre secteurs différenciés (social, éducation, infrastructure,
  • 28. 27 développement agricole, etc.). Un autre élément d’innovation, même s’il n’est pas spécifique à l’agriculture familiale, est d’avoir érigé la participation comme mécanisme fondateur de la coordination entre l’État et les agriculteurs familiaux (en lien avec l’histoire des mouvements sociaux au Brésil). 2.1.2 L’Energie, Industrie et Commerce international Selon Estrada (2014), le Brésil produit son électricité, et en exporte même. Aujourd'hui plus de 70% de l'énergie du pays est hydraulique. Le pays est par ailleurs auto-suffisant en pétrole; d'ici une dizaine d'années, le Brésil sera le premier exportateur de pétrole et surpassera le Venezuela. Il construit des puits off-shore et des raffineries. L’équation énergétique demeure alors cruciale. Le Brésil possède du pétrole off-shore, alors que jusque dans les années 1980, le Brésil importait l'ensemble du pétrole consommé sur son territoire. Quinze raffineries de pétrole ont été créées en l’espace de trente ans. De nombreuses zones sont encore à exploiter. Si 37% des ressources énergétiques sont pétrolières, 15% de la balance énergétique vient de l'hydroélectricité avec le site emblématique d'Itaipu et le débat actuel de créer de nouveaux barrages. Cette industrie énergétique est une corrélation de la puissance industrielle et tertiaire ; C'est une puissance industrielle également avec plus de 3,5 millions de voitures produites par an. Chiffre plus important que celui de la Corée du Sud. Le Brésil est aussi leader dans l’industrie navale et dans l’aéronautique où il est le troisième constructeur mondial, avec une forte capacité d’innovation. Le Brésil possède aussi des multinationales : banques, alimentation, BTP… La Recherche-Développement est également en plein essor ; il existe par exemple un programme de coopération avec la France concernant les métadonnées au niveau d’un supercalculateur. C’est le cinquième pays (avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à disposer de cette technologie. La forte croissance économique jusqu’à 7,5% par an issue des points précédents, a permis l'émergence d'une classe moyenne qui réduit les disparités entre les classes sociales brésiliennes (Estrada, 2014). Cette croissance a ainsi conduit à l'entrée de ces classes moyennes dans le marché de la consommation en plein essor et exportateur. Si l’agriculture est souvent mise au premier plan, 38% du PIB vient de l'industrie : premier producteur mondial de fer (mines de Carajas reliées par une voie ferrée à l'Océan Atlantique), 4ème producteur mondial d'avion, etc. La liste des productions industrielles est longue.
  • 29. 28 Pour (Bellefontaine, 2016 ; Estrada, 2014), la puissance commerciale du Brésil s’impose comme une puissance via son ouverture internationale, notamment par les réseaux de la gouvernance mondiale. Le Brésil fait partie de différents regroupements : le BRIC, le Mercosur. Si le Mercosur est le plus connu, des partenariats avec l'Afrique se développent notamment par l’envoi de médicaments. 2.1.3 Les Limites du modèle Brésilien Stiglitz (2005) déplore que l’économie Brésilienne n'ait pas opté pour « une politique plus agressive, avec un changement de la structure économique pour rendre le pays moins dépendant des capitaux extérieurs », car selon lui un pilotage économique, faisant tout pour obtenir une inflation faible et un excédent budgétaire élevé, ne garantit ni la croissance ni la réduction des inégalités sociales. Les taux d'intérêts, bien qu'ayant amorcé une baisse importante ces dernières années restent élevés et se situent à 9,5 % en mai 2010. Le Brésil est entré dans un cercle économique vertueux avec des taux d'inflation et d’intérêts bas (en comparaison avec le passé récent), un fort taux de croissance, un chômage en baisse et des revenus réels en hausse. Cependant, en 2011 l'économie brésilienne ralentit et la croissance décline fortement pour s'établir à 2,7 %, dans un contexte de crise mondiale. 2.1.4 Les défis liés à la politique agricole Pour Veillard (2013), les politiques brésiliennes d’appui à l’agriculture familiale se distinguent par leur caractère différencié vis-à-vis des politiques de l’agriculture patronale/entrepreneuriale et l’utilisation d’instruments et de référentiels spécifiques. Cette reconnaissance de la dualité de l’agriculture brésilienne a permis d’éviter le piège de la modernisation volontariste de l’agriculture familiale, avec son cortège d’externalités négatives (endettement, exode, dégradation de l’environnement, etc.). Néanmoins, on pourrait comparer cette stratégie aux politiques de conservation en matière d’environnement : pour caricaturer, d’un côté des réserves d’agriculture familiale, génératrices d’emploi et de diversité des modèles agricoles, et de l’autre, des déserts agro-industriels tournés vers l’exportation. Un tel modèle présente de nombreux risques de dépendance aux ressources financières étatiques et aux politiques agricoles de soutien à l’agriculture familiale, politiques qui au Brésil, comme on l’a vu, ne sont pas encore totalement institutionnalisées.
  • 30. 29 2.1.5 Limites des inégalités sociales La politique fiscale du Brésil est agressive les impôts sont lourds, ils représentent 35% du PIB (Estrada, 2014). De plus, le pays est seulement 83ème en terme d’IDH, et les inégalités Nord/ Sud sont très importantes à l’intérieur du pays. La pauvreté est toujours très présente, mais a cependant diminué de façon importante depuis les années 1990, puis sous la présidence de Lula à partir de 2003 ; en 10 ans la « bolsa familia » a contribué à sortir 30 millions de personnes de la pauvreté, et la classe moyenne a augmenté de 20millions de personnes. L’obligation d’être soigné et d’aller à l’école, a aidé au développement d’un marché. Mais avec la crise, qui touche réellement depuis 2012 la croissance chinoise en baisse, a produit le même effet sur le Brésil. Les transferts vers la classe moyenne sont alors en baisse. Sa situation est moins favorable ; puisqu'en 2010, le taux croissance de l'économie était de 7,5% par an, et aujourd'hui il s'élève entre seulement 1 et 5%. Cependant, le pouvoir d'achat continue à augmenter. De plus, le Brésil a un dilemme: faut-il continuer à privilégier les matières premières, quitte à se spécialiser dans un seul secteur d’exportation, ou approfondir davantage la RD et l’industrie dans le cadre de la mondialisation ? (Veillard, 2014 ; Bellefontaine, 2016) affirment que parmi les fragilités, certains produits non transformés prennent de la place dans les exportations, en opposition aux voitures. Parmi les autres défis, il faut souligner la difficile maîtrise urbaine, la lutte contre la pauvreté, la question du vieillissement de la population, l'éducation avec un développement attendu des formations supérieures. 2.2 Le paradoxe du modèle d’émergence économique russe Pour Hooper (2009), la Fédération de Russie a souvent été décrite comme une potentielle future superpuissance émergente au XXIe siècle, souvent aux côtés des États-Unis et de la République populaire de Chine. Selon Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013), avec l’effondrement de l’URSS en 1991, la Russie fait le constat d’une économie exsangue, ayant pris près d’une trentaine d’années de retard sur la Chine et son économie ouverte au monde. Prête à tout pour rattraper le retard accumulé sous l’ère soviétique, la Russie va entreprendre « une thérapie de choc » afin de bouleverser son économie se jetant ainsi dans des réformes économiques majeures. Cette transition brutale semble très loin de la voie moyenne adoptée par la Chine à la même période, ce qui peut justifier les fondements de son modèle paradoxal.
  • 31. 30 Pourquoi le paradoxe du modèle Russe ? En effet, c’est une superpuissance d’hier qui devient indépendante en 1991, et a vu certains indicateurs de son économie régresser jusqu’au rang des Pays à revenu intermédiaire et qui devait redécoller pour se situer au rang de pays émergent. Tout se passerait comme si la Russie était un pays sous- développé en 1991. (Sapir, 1996 ; Hooper, 2009) affirment qu’elle doit alors faire face à plusieurs problèmes, comme le chômage inexistant sous l'URSS, mais montant très rapidement dans les premières années d'indépendance, les inégalités grandissantes rapidement, la corruption, la mafia, et la mortalité prenant le pas sur la natalité. Elle doit également rembourser les dettes de l'URSS, et n'arrive plus à gérer ses dépenses, ce qui conduit à un krach financier dans le pays en 1998. 2.2.1 Les reformes brutales vers le capitalisme Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013) démontrent que la nécessité de réformer le système économique russe apparait déjà en 1985. Dès lors, trois conceptions9 des transformations économiques et politiques s’opposent : D’abord les partisans d’une évolution conservatrice et technocratique prônent le maintien du système planifié et l’amélioration de son efficacité au travers de nouvelles technologies de planification et de gestion. L’introduction d’entreprises privées sous contrôle renforcé de l’Etat est même envisagée. Ensuite, les partisans de transformations progressives et graduelles prônent un modèle économique à deux secteurs avec la coexistence d’une économie planifiée en parallèle de laquelle se développeraient des relations marchandes, solutionnant ainsi le problème de l’incitation au travail. Enfin, les partisans des méthodes radicales de transition vers une économie de marché, affirmant que « l’on franchit un précipice en un saut, pas deux ». Avec le démantèlement de l’URSS, ce sont les méthodes radicales qui vont être favorisées. En effet, l’économie russe est exsangue, en 1991 la production chute de 15 à 20%, le déficit budgétaire atteint 20 à 30% du PNB, les exportations chutent de 40%, et la seule solution pour un retour à une situation moins préoccupante apparait être la « thérapie de choc ». Ainsi, l’économie planifiée en vigueur en URSS depuis des décennies s’effondre, faisant place petit à petit à une économie aux méthodes occidentales. Pour Geronimo (2011)10, il s’agit d’une « spécificité russe 9 Sapir J., Nekipelov A., Ivanter V., Kouvaline D., La transition russe, vingt ans après, édition des Syrtes, 2012, 229 pages. 10 Geronimo J. La pensée stratégique russe. Guerre tiède sur l’échiquier eurasien, Editions SIGEST, 2011, 173 pages.
  • 32. 31 comme entité socio-économique à la recherche d’une troisième voie entre le socialisme planifié et le libéralisme de marché » car pour lui « la pensée stratégique russe oscille entre un passé soviétique en pleine inertie et une nécessaire réforme ». L’année 1992 démarre ainsi sous le signe de la libéralisation la plus importante possible ; la « thérapie de choc » est en marche vers une libéralisation et stabilisation financière de la Russie. Cette politique ultralibérale repose sur quatre piliers que sont la liberté des prix, l’ouverture à l’économie mondiale, les restrictions financières et les privatisations. Pour Sapir (1996)11, ce sont les bases qui ont mené vers le chaos de la Russie. Loin d’améliorer la situation en Russie, la période est marquée par une explosion des prix, avec une hausse de 160% en 1991, atteignant jusqu’à 2500% en 1992, puis 840% en 1993 et 215% en 1994. Dans la même période, le PIB de la Russie diminue de 34,6%.12 Malgré le mécontentement de la population, les partisans de la thérapie de choc estiment qu’il n’y a pas d’autres voies pour établir une économie de marché dans le pays. Pour Vercueil (2012)13, l’ouverture de la Russie trop rapide à ce type d’économie a été trop importante et surtout compromettante pour l’économie russe. Pour lui, la Russie s’est jetée dans un grand bain. Il considère ainsi que, au vu de l’héritage soviétique et la manière dont la l’ouverture s’est opérée, le gouvernement a précipité le pays vers la « catastrophe » avec des mesures phares de la thérapie de choc qui a eu des conséquences. 2.2.2 Les quatre principaux piliers de la réforme : D’une grande économie planifiée qui ne fonctionnait pas bien à une petite économie de marché qui fonctionne mal 14 Pour Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013), la première réforme a été de libéraliser les prix, comme le souhaitaient la Banque Mondiale et le FMI, entrainant une poussée inflationniste extrêmement importante entre 1991 et 1994. Le deuxième axe de réforme a porté sur l’ouverture économique de la Russie, dans le but d’éviter l’inflation par l’entrée de la compétition d’autres pays. Cette ouverture s’est faite trop rapidement et 11Sapir J., Le chaos russe. Désordres économiques, conflits politiques, décomposition militaire, éditions La Découverte, 12Courrier international : Egor Gaïdar, la thérapie de choc l’a tué. 13 Vercueil J., entretien 14 Ivanter V. in Sapir J., Nekipelov A., Ivanter V. Kouvaline D., La transition russe, vingt ans après, édition des Syrtes, 2012, 229 pages.
  • 33. 32 que le choc brutal a entrainé une logique de « compétition destructrice15» participant au chaos économique de la transition. Le troisième axe n’est donc pas des moindres puisqu’il s’agit du processus de privatisations de masse. Ce processus est la clef de voûte de la transition du pays vers une économie libérale, tranchant avec les principes communistes. La population se voit offrir des coupons leur permettant d’acheter des actions dans des entreprises privatisées ou de les revendre. La seconde étape est la mise aux enchères de participations dans certaines entreprises dans des secteurs clés comme l’énergie, afin de combler le déficit grandissant du budget fédéral. Cela s’opère comme un « immense jeu de Monopoly »16 , profitant à un petit groupe privé au pouvoir. Certains gestionnaires d’entreprises en ont tiré leur épingle du jeu en devenant propriétaires, d’autres ont négligé cet aspect et ont dû céder leur place. Les conséquences de ces privatisations sont désastreuses pour l’économie du pays entrainant fuite des capitaux, spéculation et collusion auprès des instances dirigeantes. Kharchenko-Dorbec (2006)17 note que “les travaux empiriques (Stiglitz, 2001) confirment que les pays qui ont connu une privatisation très rapide, sans prêter attention aux questions d’organisation de la gouvernance et de transparence des entreprises nouvellement privatisées, ont eu une croissance significativement affaiblie. Au lieu de créer les conditions de la croissance du bien-être social, la privatisation a abouti à la dispersion des actifs et à la destruction de la richesse.” Cette troisième mesure participe donc comme les deux précédentes à la création d’un chaos économique de transition. La dernière mesure phare de cette « thérapie de choc » concerne les restrictions budgétaires nécessaires pour diminuer le déficit budgétaire et le ralentissement de la création de monnaie. Cela a donné lieu à une sorte de séquestration budgétaire des régions et de certaines entreprises. Certains pans entiers de l’économie ont été négligés, laissant dans la misère certains pans de la société, d’autant plus que l’épargne des ménages a été détruite et consommée par l’Etat. Le déficit est de ce fait ramené de 20% du PNB en 1991 à 6% du PNB en 1992, mais les conséquences de ces réformes sont catastrophiques sur l’économie. 15 Sapir J., Le chaos russe. Désordres économiques, conflits politiques, décomposition militaire, éditions La Découverte 16Idem 17 Kharchenko-Dorbec A., La transition russe : une interprétation en termes d’incertitude keynésienne, Strates, 12/2006
  • 34. 33 Les réformes fiscales jettent également les bases d’une économie de marché. La fin des années 1990 est caractérisée, dans l’ensemble du monde, par la reprise en main des économies par les Etats grâce à une « reconstruction des capacités »18 des Etats, comme expliqué par Vercueil (2006). Souffrant d’un manque crucial d’intervention de l’Etat au début des années 1990, la Russie amorce une série de réformes fiscales permettant de redonner à l’Etat les capacités financières nécessaires à sa reprise. En Russie, les années 1990 ont été caractérisées par des modifications importantes du cadre législatif et réglementaire destinées à jeter les fondements d’une économie de marché19. On assiste ainsi le 1er janvier 1992 à l’adoption de la TVA, qui vient augmenter le budget de l’Etat. S’y ajoutent l’adoption d’un système déclaratif des résultats pour les entreprises, une administration modernisée de l’impôt et la formation accrue de personnel spécialisé dans le domaine fiscal suite à la création du Service fiscal d’Etat en 1991. En effet, au temps de la Russie soviétique, le prélèvement fiscal était géré au sein de chaque ministère, notamment pour les entreprises (industrie, commerce…), encadré par deux ministères tentaculaires : ceux du Plan et de l’Economie20, la création du Service fiscal d’Etat en 1991 marque une coupure avec le Ministère des finances et la prise d’autonomie de la fiscalité. L’effacement des structures antérieures, voire leur disparition, a conduit à procéder à un reversement massif de fonctionnaires sur la nouvelle administration fiscale. La transformation de la fiscalité va donc permettre à l’Etat russe de recouvrer ses fonctions dans un cadre de croissance recouvrée, à l’abri d’abord de la dévaluation, et ensuite favorisée par le fait que le secteur énergétique et des matières premières bénéficie de l’augmentation du prix du pétrole selon Vercueil (2006). Par ailleurs, le système bancaire russe est trop fragile pour supporter une économie ayant besoin de ressources financières importantes. L’Etat ne prête pas attention à la restructuration du secteur financier et ne prend pas de mesures pour assainir les banques. Aussi, les problèmes structurels s’aggravent. Certaines entreprises, pour sortir de ce système imposé, vont développer des méthodes annexes comme le crédit interentreprises ou le système de troc qui nuiront également à l’économie du pays. La Russie a voulu projeter et appliquer des formes réputées modernes empruntées à 18 Vercueil J., entretien 19 Rapport de synthèse de l’OCDE de 2011 intitulé « Etudes économiques de l’OCDE : Fédération de Russie ». 20 Girault Y., L’ambition de la réforme fiscale dans les Etats en transition
  • 35. 34 des sociétés considérées comme plus avancées21 au lieu de réutiliser et adapter ses formes traditionnelles. Le nouveau système doit s’appuyer sur l’ancien, la Russie n’a pas voulu admettre cet adage et a appliqué sans recul des schémas théoriques inadaptés à sa situation, la menant à une situation chaotique sur le plan économique. La capacité de production a été divisée par deux entre 1991 et 1995, les inégalités sont croissantes dans la société entre misère et élites économiques nées de la transition, la mafia s’établit petit à petit dans le pays et le PIB a chuté de 7,5% par an en moyenne entre 1990 et 1998, alors que dans ce même temps, dans une situation similaire de transition, la Chine connait 10% de croissance par an en moyenne. Après une baisse brutale de son PIB durant les années 1990, entre 1999 et 2005, la Russie a connu une croissance économique moyenne supérieure à 6,7 %. Grâce aux prix de plus en plus élevés de l'énergie qui assure une rente en devise, la demande intérieure se développe rapidement et une croissance du PIB de l'ordre de 6 à 8 % par an se maintient jusqu'en 2008.Le FMI(2007) tablait sur le maintien de la croissance russe dans les années à venir. Cependant, la crise économique mondiale née aux États-Unis en 2008, a entraîné une courte période de récession (-7,8%) en 2009, avant un retour de la croissance (Tableau3) l'année suivante (+4%) en 2010. Tableau 3 : Evolution de la Croissance du PIB Russe Source : FMI & Institut fédéral des statistiques russes (2012) 2.2.2.1 Les défis du modèle d’émergence économique Russe L'économie de la Russie reste défaillante avec une exportation basée principalement sur les matières premières et sur l'industrie de l'armement. Selon le FMI (2012), celle-ci est au 9e rang mondial avec un produit national brut nominal estimé à 1 954 milliards de dollars américains ; tandis que le problème de la diminution de la population n'est pas totalement réglé où des réformes très importantes vont-être mises en application. (Benaroya, Hooper ; 2006) affirment également que si la Russie veut revenir à jouer un rôle international fort, il sera nécessaire de passer par une série de réformes internes profondes, notamment une meilleure transparence économique. De plus, la corruption dans le pays 21Sapir J., Retour sur l’URSS, Economie, société, histoire, édition L’Harmattan, collection « Pays de l’Est », 1997, 252 pages. 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 1,4 -5,3 6,5 10,0 5,1 4,7 7,3 7,2 6,4 8,2 8,5 5,6 -7,8 4,0 4,8
  • 36. 35 équivaut à la moitié du PIB russe, plaçant la Russie parmi les pays les plus corrompus du monde, à la 146e place sur 180 en 2010. 2.2.2.2 Un modèle basé sur une économie de rente Outre la politique de diversification lancée en 2003, la Russie conserve une grosse dépendance par rapport à la rente de ses matières premières, représentant 80% de ses exportations (Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji ; 2013). On pensera principalement aux dérivés de produits pétroliers, mais aussi au bois et à la sidérurgie. Le cas du pétrole est assez illustratif. Premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel, troisième producteur et second exportateur de pétrole, représentant près de 70% des exportations, ils représentent la source de revenu principal de la Russie. La transition de l’économie Russe après la chute de régime soviétique a mis la Russie dans une situation de crise financière. La réponse du gouvernement a été une restructuration de son industrie, centrée sur différents programmes de privatisation. L’une d’entre elle fut la privatisation partielle de l’entreprise Gazprom (part de l’Etat : 51%), possédant le monopole de l’industrie gazière russe, de l’extraction à la distribution. Cette privatisation a permis non seulement d’acquérir des fonds pour son développement, mais aussi d’acquérir une certaine crédibilité auprès des investisseurs. Le gouvernement russe, quant à lui, y retrouve une source de revenus au travers des différentes taxes d’export sur les dérivés pétroliers, négociées avec chacun des pays importateurs. On retrouve ce schéma de semi- privatisation pour favoriser l’investissement combiné à une protection étatique chez la quasi-intégralité des grands industriels russes, laissant de côté les politiques d’ouvertures à l’international ou au développement de la compétitivité. Sapir (2007) en commentant l’omniprésence de l’Etat aussi bien au niveau des investissements et des banques qu’au niveau de la direction des entreprises affirme: ‘ Même les plus libéraux des russes (…) ont compris qu’il valait mieux se poser la question de comment rationaliser l’intervention de l’Etat que (…) de la réduire (l’intervention de l’Etat). Suivant ce modèle, la Russie arrive à tirer profit de ses ressources.’ A titre indicatif, les recettes de Gazprom, seules, ont contribué à plus de 25% des recettes du gouvernement sur la période 2007-2008. En élargissant cela à l’intégralité du secteur pétrolier, ce programme ayant été accompagné par une hausse du prix des hydrocarbures (et des matières premières en général) sur la période 1999-2008, les exportations de produits pétroliers ont représenté plus de 50% des recettes de l’Etat sur cette période.
  • 37. 36 Ainsi, la Russie a non seulement été capable d’éponger la crise post- transition de 1998, de créer un fond souverain russe pour les investissements futurs mais a également su tirer assez de bénéfices pour limiter les effets de la crise financière de 2009. Le fond souverain fonctionne de la manière suivante : lorsque le prix du baril de pétrole est supérieur à 91$, tout l’excédent est transféré au fond souverain. Bien qu’ayant été une méthode très efficace pour rétablir la situation financière de la Russie, la majorité des bénéfices liés à la rente des matières premières est réinvestie dans le même secteur, l’exploitation de nouveaux gisements ayant été privilégiée à l’innovation. On remarquera d’ailleurs que l’industrie pétrolière russe est sujette à beaucoup de critiques en termes de conformité environnementale, la Russie ayant signé le protocole de Kyoto, utilise toujours des procédés vieux de 30 ans pour le raffinage. Face à la crise de la zone Euro, la Russie utilise son fond souverain. Elle continue à garder des fonds pour les années à venir : plus de 40 milliards de dollars ont été mis de côté, et cela, uniquement pour la période 2012- 2013. Pour dresser un bilan sur l’économie de rente russe, nous dirons qu’elle est extrêmement profitable, si bien qu’elle permet au pays de se protéger de la crise et de continuer à investir. Cependant, le modèle atteint ses limites de par son unilatéralité envers le secteur pétrolier et son développement concentré uniquement sur l’exploitation, au sens brut, des ressources. Un très bon exemple des limites du modèle de l’économie de rente de la Russie est l’exportation du bois. La Russie détient plus d’un quart des réserves du bois mondial et elle en est le premier exportateur. Sapir (2007) soulève le fait intéressant suivant : « Si vous achetez un meuble chez IKEA, vous avez deux chances sur trois que ce soit fait avec du bois russe (…) Comment se fait-il qu’il n’y ait pas une industrie des meubles russes ? ». Tout le problème est là, la Russie continue à vendre du bois à IKEA, qui va fabriquer les meubles à l’étranger, pour ensuite les revendre en Russie, plutôt que d’innover et de développer le reste de la chaîne de valeur. 2.2.2.3 La dépendance aux hydrocarbures: L’hypothèse d’un ‘’syndrome hollandais’’ Plus qu’une source de revenue, les hydrocarbures sont une véritable arme ainsi qu’un facteur important du maintien de la paix sociale au sein du pays. Dans cette optique, il est légitime de se demander si le modèle économique actuel permet une certaine sérénité quant à l’avenir social et économique du pays. Le secteur gazier fait également face à de nouveaux défis. Confrontée à des concurrences nouvelles, la part du gaz russe dans
  • 38. 37 la production mondiale tend à décroître depuis 1995. Si Gazprom est protégé, à court terme, par la durée de ses contrats, la baisse des revenus gaziers est inéluctable. La Russie a de plus en plus de difficultés à exploiter les réserves, et que leurs recherches se concentrent maintenant sur des zones beaucoup plus difficiles d’accès, zones au sein desquelles les technologies d’extraction russes atteignent leurs limites. Sapir (2007) évoque le combat contre une économie unilatérale la Russie a tout à fait conscience du grand manque de diversification de son industrie. Le tout s’articulant autour de trois principes qui sont la création d’entreprises à cycle complet de production, la mise en place de productions à forte composante scientifique et la création de nouveaux emplois. On compte parmi ces secteurs le nucléaire, la défense, l’énergie, l’aéronautique mais aussi les médias et la télévision. On soulignera que la définition de ces secteurs est difficile et que l’on compte certains secteurs indéniablement stratégiques à l’échelle mondiale comme manquant dans cette liste, comme par exemple l’industrie logicielle. Des tentatives de diversification de l’industrie russe ont été faites par le passé. On pensera notamment à l’agriculture avec le plus grand espace cultivable de la planète, bien qu’ayant des conditions climatiques difficiles à gérer (sécheresse, froid…). Cependant, l’histoire a joué son rôle et le goût de l’agriculture s’en est allé de la population Russe depuis l’assaut de Staline contre les paysans. Au moment où Gorbatchev s'apprête à prendre le pouvoir, les activités agricoles, axées principalement sur la filière céréale- viande-lait, occupent toujours des superficies gigantesques et emploient le quart de la population active. Poussés par le pouvoir à imiter l'agrobusiness américain, kolkhozes et sovkhozes donnent hélas des résultats aussi décevants qu'ils sont eux-mêmes mal tenus. Le potentiel de la Russie pour l’agriculture est cependant bien réel et attire de plus en plus de capitaux étrangers. La Russie se retrouve encore une fois dans une situation où ils vont faire office de fournisseur de matière première pour ensuite importer des produits provenant de leurs propres terres. Sapir (2007) nous donne un exemple à ce sujet, celui des yaourts Danone qui sont faits avec du lait russe et des levures russes, mais fabriqués à l’étranger et ensuite vendus dans les supermarchés russes. La Russie aurait la capacité de subvenir aux besoins de première nécessité de sa population mais elle préfère vendre les matières premières à l’état brut, laisser les groupes étrangers contrôler le reste de la chaîne de valeur et ensuite réimporter les produits finis. Un autre secteur à aborder est le luxe, spécialement au niveau de l’industrie du textile luxe, très présente dans les zones urbaines comme Moscou et St Petersburg. Ces zones
  • 39. 38 représentent un marché plus que profitable pour les grandes enseignes du luxe, mais un problème apparaît comme nous le témoigne Sapir (2007) : les prix sont 30% supérieurs au prix du pays dans lequel les marques sont établies, à cause des différents coûts d’entrée en territoire russe. Les clients visés par ces marques, représentant les classes aisées Russes, ont largement les moyens de payer le déplacement dans les pays d’origine de ces marques et c’est ce qu’ils font. Ils vont faire leurs achats en France ou en Italie, profitant ainsi d’un tarif préférentiel et privent l’économie russe de tout prélèvement de taxes sur des volumes et des sommes conséquents. Bali, Brison, Guigo, Marlier, Senhadji (2013) estime enfin que même si la Russie dispose d’autres industries que l’industrie pétrolière, son hyper dépendance vis-à-vis du pétrole lui empêche d’en tirer un réel profit. Cette Maladie Hollandaise explique comment la vente en grands volumes des ressources du pays nuit à l’industrie manufacturière. Pour le cas de la Russie, Vercueil (2010) estime que c’est la vente d’énormes volumes de matières premières dans une période où leur prix est en hausse. Ces ventes, qui sont en fait des exportations, vont faire entrer un gros montant en devises étrangères, ici, le dollar, chez les exportateurs qui vont ensuite voir la banque centrale russe pour récupérer des roubles. La banque centrale a donc à faire à un afflux de devises étrangères. La conséquence de tout cela va être une augmentation du taux de change de la monnaie locale face à une demande croissante, sans augmentation de productivité, ni du secteur pétrolier, ni des autres secteurs. Au final, les entreprises des autres secteurs que celui des matières premières se retrouvent face à un taux de change très élevé, qui, sans augmentation de leur productivité se traduit par une baisse de leur compétitivité. A cela s’ajoute l’apparition de deux phénomènes négatifs sur le reste de l’économie russe. Tout d’abord, la chute de l’attractivité des autres secteurs pour les capitaux étrangers (ou phénomène de basculement de ressources). En effet, puisque les hydrocarbures représentent un investissement plus que profitable, ce secteur se retrouve privilégié par les capitaux étrangers, au détriment des secteurs moins rentables ou en cours de développement tels que le textile ou l’automobile. L’autre phénomène à étudier se situe au niveau interne, puisque la rente des hydrocarbures entraîne une hausse des salaires dans l’ensemble du pays, limitant encore une fois la compétitivité des autres secteurs si elle n’est pas accompagnée d’une hausse de productivité. Pour conclure sur l’hyper dépendance de la Russie vis-à-vis de l’industrie pétrolière, nous dirons qu’en plus de mettre en danger pour l’avenir, son principal argument de négociation, elle met en danger le futur de
  • 40. 39 l’ensemble de son économie, aussi bien au niveau de la compétitivité de ses autres industries qu’au niveau de la période « après-pétrole » pour laquelle, productivité, réactivité et innovation seront les maîtres-mots pour accéder à un marché déjà compétitif. CONCLUSION Il ressort de cette étude que les modèles achevés d’émergence économique que sont les BRIC ont des fondements plus ou moins variés. Même si l’on peut noter des dénominateurs communs liés à certains modèles tels que les reformes vers l’économie de marché, l’ouverture au commerce international, l’agriculture, la maitrise de la population ; certains modèles tels que la Russie ont eu du mal à basculer vers la transition économique ce qui est de nature à rétablir la pertinence des théories libérales qui ont été critiquées par la CEPAL. Cependant des modèles tels que ceux du Brésil ne sont pas loin du modèle structurel de Lewis ou encore le basculement de la Chine au commerce international qui confirme la pertinence du modèle ricardien et smithien sur le commerce international. Que dire de l’Inde qui a mis en place un modèle dualiste d’investissement Etat-Privé d’une part et investisseurs étrangers d’autres part ; ce qui est en phase avec les théories néoclassiques de Solow, mais également des auteurs de la croissance endogène. Ces modèles d’émergence économique achevés sont-ils des cas d’école au regard des modèles qui sont expérimentés en Afrique? Les africains doivent-ils s’en inspirer ou non ? Tiennent-ils compte des spécificités endogènes de l’Afrique? Le cas du Nigeria qui n’a pas été retenu lors du sommet de Johannesburg en Août 2023 peut paraître paradoxal. Première économie d'Afrique noire en 2022, soit la 29ème économie mondiale, il n'est pas seulement question d'économie. Il y'a ce qu'il est convenu d'appeler les indicateurs d'émergence qui donnent un statut. À savoir la puissance militaire, géographique, démographique, industrielle, pétrolière. La technologie, innovation et recherche, agriculture, éducation, numérique, énergie. Si vous capitaliser dans la globalité ces indicateurs, vous êtes admis. Le Nigeria, certes est la première économie Africaine en 2022 en termes de PIB avec 477 milliards de dollars, devant l'Égypte (475 milliards de dollars de PIB), l'Afrique du Sud (406 milliards de dollars de PIB). L'économie seule ne suffit pas, il y'a d'autres indicateurs qui fragilisent le Nigeria et il devra s’inspirer du modèle des BRICS pour actualiser ces autres indicateurs.
  • 41. 40 REFERENCES Aghion., Philippe., Howitt., Peter., (1992), « A Model of Growth through Creative Destruction » Econometrica, Econometric Society, vol. 60(2), pages 323-51 Aglietta M., (1976), Régulation et crise du capitalisme, Calmann-Levy. Ahrens J., Mengeringhaus P., (2006), « Institutional Change and Economic Transition: Market-enhancing Governance, Chinese style », The European Journal of Comparative Economics, 3 (1), pp. 75-102. Banerjee A., Duflo E., (2009), « Lʼapproche expérimentale en économie du développement», Revue d’économie politique, n°5, 691-726. Banque Mondiale., (2007), Doing Business. Banque Mondiale., (1997), Rapport sur le développement dans le monde : L’Etat dans un monde en mutation, Washington D.C., Banque Mondiale. Banque Mondiale., (2000/2001), Rapport sur le développement dans le monde : Attacking poverty, Washington D.C., Banque mondiale. Banque Mondiale.,(2004),Rapport sur le développement dans le monde : Des services pour les pauvres, Paris, Editions ESKA. Banque Mondiale., (2006), Equité et développement : rapport sur le développement dans le monde, Paris, Editions ESKA. Banque Mondiale., (2008), World development report: Agriculture for Development, Washington D.C., Banque mondiale Barro R., (1990), « Government spending in a simple model of endogenous growth » [Article] // Quarterly Journal of Economics. - 2 : Vol. 106. Barro R., (1996), « Determinants of Economic Growth: A cross-country empirical study » [Rapport]. - [s.l.] : NBER Working Paper. - pp. 1-118. Barro R., (1991), « Economic Growth in a Cross Section of Countries » [Article] // Quarterly Journal of. - 1991. - 106. - 2. - pp. 407-433. Barro R.J., (1990), Government Spending in a simple model of endogenous growth, Journal of Political economy, vol 98, n°5, pp. S103-S125. Barro R. J., (1991), Economic Growth in a Cross Section of Countries Barro R. J. & Sala-i-Martin X., (1992), Convergence. Journal of Political Economy. Vol. 100, n°2, 1992 Baumol W. J. (1986), Productivity Growth, Convergence and Welfare, What the Long-Run data show. American Economic Review, 76(5), P. 1073-85 Bella H., (2009), Agriculture et croissance économique au Cameroun, Mémoire de fin de formation, ISSEA-Cameroun
  • 42. 41 Bensidoun I., Gaulier G., Lemoine, Ünal D., (2009), Les pays émergents dans le commerce international de l’UE Problèmes Economiques 2984, Décembre 9. Berg A., et al.,(1999), « The Evolution of Output in Transition Economies: Explaining the Differences » [Rapport]. - Washington: International Monetary Fund. Berg A., Ostry J., Zettelmeyer J., (2011), « What makes growth sustained? » [Report]. - [s.l.]: EBRD. Berg A., Ostry J., Zettelmeyer J., (2008), « What makes growth sustained? » [Report]. - [s.l.] : EBRD. Bernanke Ben., Gertler M., (1995),« Inside the black box: the credit channel of monetary policy » [Article] // Journal of Economic Perspectives. - 4 : Davis B., P. Winters., T. Reardon et K. Stamoulis., (2009), Rural nonfarm employment and farming: household-level linkages. Agricultural Economics 40(2), 119-123. Davis L. E., D. C. North et C. Smorodin., (1971), Institutional change and American economic growth. Cambridge: Cambridge University Press. Deininger K., (2011), Challenges posed by the new wave of farmland investment. The Journal of Peasant Studies 38(2), 217-247. Dieye M., Abdoulaye., (2017), « Cross-sectional analysis of case studies of selected African countries experience towards emergence: Stock- taking, lessons learned, and way forward », Second International Conference on the Emergence of Africa, (ICEA II), Abidjan, Côte D’Ivoire, March 28-30. Dollar D., (1980), Globalisation, Inequality, and Poverty since, Rapport, The World Bank. 2001. Lucas P. L., A. Dagnachew G., A. F. Hof., (2017), Towards Universal Electricity Access in Sub-Saharan Africa: A Quantitative Analysis of Technology and Investment Requirements. La Haye : PBL Netherlands Environmental Assessment Agency. Lucas R., (1988), On the Mechanics of Economic Development. Journal of Monetary Economics. n° 22. 1988: PP 3-42 Maddison A., (2003), The World Economy: Historical statistics. 2003. OCDE Maillet P., Rollet P., (1998), La croissance économique, PUF, Que sais-je ?141 Malthus R., (1798), An essay on the principle of population, (réimpression, Cambridge Press, 1992) Marx K., (1867), Le capital (Réimpression, Editions Sociales, 8 vol, 1978)
  • 43. 42 Ngoa H., (2017), Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) au Cameroun : Comment atteindre une croissance à deux chiffres ? Cameroun, Afrédit Ostrom E., (2005), Understanding Institutional Diversity, Princeton, Princeton University Press. Piveteau A., Rougier E., (2007), « Nouveau discours expert et politique publique : L’exemple du mémorandum économique pays de la Banque mondiale sur le Maroc », XXIIIe journées du développement de l’association tiers-monde : L’État malgré tout ? Acteurs publics et développement, Mons, mai 2007. Ravaillon., (2001), Pro-Poor Growth: A Primer. Groupe de recherche sur le développement Banque mondiale. Washington. Reardon T., Timmer C., (2014), Five inter-linked transformations in the Asian agrifood economy: Food security implications. Global Food Security, 3, 108-117. Rodrik D., Subramanian A., Trebbi F., (2002), Institutions rule: the primacy of institutions over geography and integration on economic development, NBER Working Papers, 9305. Sachs J., Warner A., (1995), «Economic convergence and Economic Smith A., (1776), Recherches sur la nature et les causes de la richesse de nations, extraits des chap. 1 & 3, in Les classiques de l’économie, éd. par S. Longuet (1991), Paris, Presses Pocket, coll. Agora. World Bank., (2005), World Development Report – Economic Growth in the 1990s: Learning from a Decade of Reform, Washington, introduction.
  • 44. 43 Contribution de la délégation des services publics à la qualité perçue des usagers citoyens dans les collectivités territoriales décentralisées Béninoises Dr. Nakou Zinsou Daniel Docteur en Sciences de Gestion, Université Cheikh Anta Diop (UCAD), Ecole Supérieure Polytechnique (ESP), Laboratoire de recherche Entreprise et Développement (LAED), Equipe de recherche GRH, Organisation et Stratégies/Entreprenariat, PME et Développement Local, Email :nakou.zdaniel@gmail.com/dnakou1982@gmail.com Dr. Faladjou Iloranwo Hortence Docteure en Sciences de Gestion, Université de Parakou, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Benin, Laboratoire de recherche en Marketing et Bien-être du Consommateur (LAREMBEC), Email : faladjouhortence@gmail.com M. Couton Sèhouénou Sévérin Doctorant en Sciences de Gestion, Université Cheikh Anta Diop (UCAD), Dakar, Sénégal, Ecole Supérieure Polytechnique (ESP), Laboratoire de recherche Entreprise et Développement (LAED), Dakar, Sénégal, Equipe de recherche en GRH, Organisation et Stratégies/ Entreprenariat, PME et Développement Local, Dakar, Sénégal, Laboratoire de Recherche en Gouvernance des Organisations (LARGO), Cotonou, Bénin, Email : sehouenouseverin@yahoo.fr Pr. Simen Nana Serge Francis Professeur Titulaire, Agrégé des Universités en Sciences de gestion, Université Cheikh Anta Diop (UCAD), Ecole Supérieure Polytechnique (ESP), Laboratoire de recherche Entreprise et Développement (LAED), Equipe de recherche GRH, Organisation et Stratégies/Entreprenariat, PME et Développement Local, Email : serge.simen@gmail.com/fsnana@yahoo.fr Cite cet article : Nakou Zinsou; Faladjou Iloranwo; Couton Sèhouénou et Simen Nana, (2023), Contribution de la délégation des services publics à la qualité perçue des usagers citoyens sans les collectivités territoriales décentralisées Béninoises. Journal of African Management Trends, Volume 23, Serie 5. Pp: 42-76.
  • 45. 44 RESUME Cette recherche vise à analyser l’influence de la délégation des services publics sur la qualité perçue des usagers-citoyens dans les collectivités territoriales décentralisées béninoises. A cet effet, nous avons procédé à une recherche quantitative hypothético-déductive basée sur un questionnaire auprès de 200 usagers-citoyens dans deux collectivités décentralisées (Parakou et Bohicon) béninoises dont les données ont été présentées et traitées dans le logiciel SPSS 26.0. Nos résultats ont indiqué d’une part que les usagers-citoyens sont satisfaits de la délégation des services publics sur les plans de la serviabilité et de la communication et d’autre part, cette recherche propose la priorisation des actions de la délégation en fonction du poids de serviabilité, de la communication et de la connaissance sur la satisfaction des usagers-citoyens dans les collectivités décentralisées béninoises. Mots-clés : Délégation, services publics, qualité perçue, usagers-citoyens, collectivités décentralisées. INTRODUCTION Les organisations publiques mondiales sont entrées dans une ère de transformations, de restructurations et de remises en cause et rares sont les pays qui n’ont pas, peu ou prou, modifié leur mode de fonctionnement et d’organisation. Elles sont, en conséquence, confrontées à de nouveaux défis de mouvances et de transformations internes (Chatagny, 2015). Dans cet élan, on peut observer que les organisations des services publics béninois ont été fortement mises à l’épreuve. C’est pourquoi, elles ont été amenées à reconsidérer le statut de l’usager-citoyen et à s’inspirer des méthodes managériales qui lui donnent une place prépondérante (Sabadie, 2003). Dorénavant, les attentes et exigences des usagers-citoyens sont de plus en plus élevées et ont inéluctablement changé (Bartoli, 2009). Par ailleurs, de nombreux services publics, industriels ou commerciaux, sont aujourd’hui fournis à la population non pas directement par les autorités publiques, mais par l’intermédiaire d’entreprises privées. Grâce au système de la gestion déléguée s’organise ainsi, à la frontière du public et du privé, toute une série d’activités marchandes. Alors, la plus grande efficacité technique des entreprises, la baisse des coûts, la hausse de la qualité de service et la plus grande souplesse juridique de la contractualisation, sont devenues les arguments principaux en faveur de la délégation.