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NOTE CRITIQUE DU PROJET DE LOI 13/13 SUR
LE DROIT D’ACCES A L’INFORMATION
Au Maroc
28 Septembre 2015
A/ Contexte
A l’occasion de la célébration de la journée mondiale du droit d’accès à l’information
le 28 septembre 2015, le Centre for Media
Freedom-CMF), a publié un rapport critique sur le projet de loi que le gouvernement
marocain a déposé au Parlement.
Ledit projet a constitué une réponse aux revendications de la société civile depuis
2005. L’intégration de l’article 27 sur le droit à l’accès à l’information dans la
Constitution de Juillet 2011 a constitué le premier pas dans ce processus qui allait
confirmer «l’exception marocaine». Aujourd’hui, 4 ans après l’adoption de la nouvelle
constitution, la mise en marche de l’article 27 n’avance pas au rythme voulu. Alors
que plusieurs pays dans le monde ont déjà une loi établie.
Le projet de loi est passé, malheureusement, par un processus manquant de
transparence et a été un sujet de désaccord entre le gouvernement et l’opposition
parlementaire. En outre il n’a pas été soumis à une consultation publique en
contradiction avec la Constitution et le règlement en vigueur.
Nonobstant, la dernière version vient d’arriver au parlement. L’implication et
l’engagement des différents acteurs concernés par cette loi sont fortement souhaités.
Cela concerne particulièrement la société civile, médias, entreprises privées et
chercheurs universitaires qui doivent faire preuve de plus d’engagement pour aboutir
à l’amélioration de cette loi qui présente dans sa forme actuelle plusieurs lacunes.
B/ Les recommandations du CMF
- Un projet de loi sans préambule
Il est surprenant de constater que la version définitive du projet de loi a rayé le
préambule que contenait la seconde version du projet. Le préambule n’est pas sans
importance. Il rappelle selon la tradition juridictionnelle des valeurs et références qui
l’inspirent et précise en conséquence l’esprit dans lequel la loi doit être lue et
interprétée.
Le CMF recommande aux membres du Parlement de considérer l’inclusion dans le
texte un exposé des motifs qui considère le droit à l’accès à l’information comme un
droit universel des droits de l’Homme reconnu par l’article 19 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques ; qui encourage l’institutionnalisation d’une culture de réédition de compte
et d’intégrité ainsi que la transparence dans les administrations publiques, y compris
en dénonçant la corruption, la participation à la gestion des affaires publiques, et la
réalisation des autres droits et libertés garantis par la constitution.
- Les institutions couvertes par la loi
Le CMF recommande que la liste des institutions couvertes par la loi soit
étendue aux entreprises privées et autres organisations comme suit:
• Toute information détenue par une entreprise privée qui peut aider dans
l’exercice ou la protection d’un droit de l’Homme ;
• Toute association, fondation, parti politique ou syndicat qui reçoit des fonds
publics dans la mesure des activités conduites pour la réalisation des projets
financés par ces fonds.
- La primauté de la loi
Le CMF recommande le rajout d’un article qui souligne que la présente loi s’applique
à l’exclusion de toute autre disposition contenue dans d’autres lois et règlements qui
peuvent limiter l’accès à l’information.
- Qui peut exercer le droit à l’accès à l’information ?
Le projet de loi, contrairement à la seconde version, limite l’exercice du droit d’accès
à l’information aux citoyens et citoyennes (article 3) et les étrangers résidants au
Maroc sous des conditions qui ne sont pas définies (article 4). Le CMF recommande
l’amendement de ces deux dispositions en soulignant que ce droit est garanti à toute
personne physique ou morale quelque soit sa nationalité ou son lieu de résidence,
comme l’ont recommandé le Comité des droits de l’homme des Nations unies et le
rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression.
- L’obligation de justifier le besoin de l’information
Le CMF considère que l’obligation faite dans l’article 14 au demandeur de justifier le
besoin de l’information est contraire aux standards internationaux et à la pratique
dans la majorité des pays qui ont adopté ces lois. Il recommande l'abrogation de cet
article et le remplacer par un autre qui assure que personne n’est obligé de donner
des raisons que ce soit lors de la demande de l’information.
- Les exceptions au droit
Le projet de loi affiche dans l’article 7 une longue liste d’informations qui sont le sujet
d’une interdiction absolue de divulgation. Les standards internationaux
recommandent l’application d’un test de préjudice à toutes les exceptions, ce qui
n’est pas le cas de ce projet de loi.
Le CMF recommande ainsi d’ajouter aux exceptions le teste de préjudice réel sur les
intérêts protégées par la loi de façon à ce que l’information soit fournie lorsque
l’intérêt général prédomine sur le préjudice. De plus, les informations doivent être
divulguées, sans test de préjudice, dans deux cas majeurs, les informations sur les
grosses violations des droits de l’homme tels que définies par le droit international et
la corruption. Enfin, il faut explicitement inscrire dans la loi le principe selon lequel les
restrictions au droit d'accès à l’information doivent recevoir une interprétation
restrictive
- Sur l’utilisation et la réutilisation de l’information
Le CMF est étonné de voir que l’utilisation ou la réutilisation de l’information reçue
par le demandeur est soumise à des contraintes contraires aux standards et
pratiques au niveau international. L’article 6 du projet de loi ne permet pas
l’utilisation ou la réutilisation de l’information dans des conditions où celles-ci portent
atteinte à ‘l’intérêt général’ ou ‘les droits d’autrui’. Cette disposition ne donne aucune
définition des objets des restrictions ce qui peut imposer d’autres limitations sur la
liberté d’expression. En outre, aucune disposition ne régule la réutilisation de
l’information publique pour des finalités commerciales.
En outre, l’article 29 du projet déclare que toute falsification du contenu de
l’information divulguée qui résulte d’un dommage à l’institution concernée ou dont
l’utilisation ou la réutilisation résulte d’un préjudice à l’intérêt général est puni selon
l’article 360 du code pénal qui prévoit jusqu’à trois ans de prison.
Le CMF considère que ces sanctions sont graves car d’une part la notion d’intérêt
général est imprécise et peut résulter en des dérivations en cas d'emploi abusif et
conduire à une limitation de la libre exploitation de l’information à des fins pour
demander par exemple des comptes à une administration publique ou pour dénoncer
la corruption. Le CMF recommande l’annulation de cet article.
Divulgation proactive de l’information et des données
Le régime de la divulgation proactive de l’information (article 10) est prometteur.
Mais, il pourra être plus solide s’il inclut d’autres information comme :
• La conception et la mise en œuvre de tous les programmes de subvention
avec des fonds publics aux associations et autres organisations non
gouvernementales ou privées, y compris les montants attribués et déboursés,
les critères d’accès à la subvention et les bénéficiaires ;
• Toutes les informations fournies aux demandeurs dans le cadre de loi sur
l’accès à l’information ;
• Information sur les revenus et le patrimoine des agents publics élus et cadres
supérieurs ;
Le CMF recommande aussi, comme c’est la pratique dans les pays démocratiques,
que la Commission du droit d’accès à l’information se charge de déterminer, de
mettre à jour et de contrôler la liste des documents à publier proactivement par les
institutions couvertes par la loi.
- La Commission de l’information
Le CMF considère que la commission de l'information du projet comporte des
défaillances au niveau de son indépendance et ses prérogatives (article 22) ainsi
que sa composition (article 23) qu’il faut amender.
La commission est rattachée au chef du gouvernement ce qui pose des questions
sur son indépendance. Les standards internationaux recommandent l’indépendance
des commissions de l’information du pouvoir exécutif. La Constitution marocaine
déclare aussi dans son article 159 que les instances chargées de la bonne
gouvernance sont indépendantes.
Le CMF recommande que la Commission prévue d’installer soit sous la seule
autorité du président de la Commission de la protection des données à caractère
personnelle, comme c’est la pratique dans de nombreux pays, en particulier en
Europe. Et que c’est au Président de la commission de choisir son personnel qu’il
juge compétent.
En outre, la constitution de la commission exclue la société civile et n’exige pas
expressément de ses membres une qualification appropriée dans le domaine du droit
d’accès à l’information.
Il serait aussi souhaitable de prendre en considération, l’article 18 de la Constitution
qui déclare que « Les pouvoirs publics œuvrent à assurer une participation aussi
étendue que possible des marocains résidants à l’étranger, aux instituions
consultatives et de bonne gouvernance crées par la Constitution ou par la loi. »
- Sur les prérogatives de la Commission, le CMF recommande de renforcer ses
pouvoirs, en particulier les suivants :
• La décision de la Commission de divulguer l’information au plaintif doit avoir
une force exécutoire sur les administrations couvertes par la loi ;
• La surveillance de l’application des dispositions de la loi auprès des instituions
couvertes, en particulier au niveau des informations à publier proactivement ;
• Lancer des campagnes de sensibilisation du public au droit d’accès à
l’information et fournir toute l’information nécessaire sur son site pouvant
aider le public à comprendre la loi et son utilisation.
• Exige des institutions couvertes par la loi de lui transmettre des rapports
annuels sur la mise en œuvre de la loi, incluant le nombre de demandes
reçues, celles qui ont été satisfaites et les autres non satisfaites (avec
justification) ainsi que la nature des informations publiées proactivement ;
• Décide des nouvelles institutions qui doivent être couvertes par la loi.
- Les sanctions
Le projet de loi prévoit deux types de sanctionsà l’encontre du chargé d’information.
Une sanction lors du refus de divulguer l’information au demandeur (article 27) et une
autre pour la divulgation d’une information qui rentre dans la catégorie du secret
professionnel (article 28).
Le CMF considère que la sanction disciplinaire pour refus de délivrer l’information
doit aussi contenir tout acte de destruction des documents, en dehors de ceux
prévus par la loi sur les archives, ou falsification des documents pour induire en
erreur le demandeur ou pour protéger un acte de corruption ou de mauvaise gestion.
Dans ces cas, les types de mesures disciplinaires ou autres doivent être clairement
définis.
En ce qui concerne les sanctions pour violation du secret professionnel, (article 18 de
la loi sur la fonction publique), le projet de loi ne considère pas la divulgation de
l’information de bonne foi et dans l’intérêt du public. Le chargé d’information est
protégé par la loi comme dénonciateur des actes répréhensibles par exemple de
corruption qui sont punis par la loi.

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  • 1. NOTE CRITIQUE DU PROJET DE LOI 13/13 SUR LE DROIT D’ACCES A L’INFORMATION Au Maroc 28 Septembre 2015
  • 2. A/ Contexte A l’occasion de la célébration de la journée mondiale du droit d’accès à l’information le 28 septembre 2015, le Centre for Media Freedom-CMF), a publié un rapport critique sur le projet de loi que le gouvernement marocain a déposé au Parlement. Ledit projet a constitué une réponse aux revendications de la société civile depuis 2005. L’intégration de l’article 27 sur le droit à l’accès à l’information dans la Constitution de Juillet 2011 a constitué le premier pas dans ce processus qui allait confirmer «l’exception marocaine». Aujourd’hui, 4 ans après l’adoption de la nouvelle constitution, la mise en marche de l’article 27 n’avance pas au rythme voulu. Alors que plusieurs pays dans le monde ont déjà une loi établie. Le projet de loi est passé, malheureusement, par un processus manquant de transparence et a été un sujet de désaccord entre le gouvernement et l’opposition parlementaire. En outre il n’a pas été soumis à une consultation publique en contradiction avec la Constitution et le règlement en vigueur. Nonobstant, la dernière version vient d’arriver au parlement. L’implication et l’engagement des différents acteurs concernés par cette loi sont fortement souhaités. Cela concerne particulièrement la société civile, médias, entreprises privées et chercheurs universitaires qui doivent faire preuve de plus d’engagement pour aboutir à l’amélioration de cette loi qui présente dans sa forme actuelle plusieurs lacunes. B/ Les recommandations du CMF - Un projet de loi sans préambule Il est surprenant de constater que la version définitive du projet de loi a rayé le préambule que contenait la seconde version du projet. Le préambule n’est pas sans importance. Il rappelle selon la tradition juridictionnelle des valeurs et références qui l’inspirent et précise en conséquence l’esprit dans lequel la loi doit être lue et interprétée. Le CMF recommande aux membres du Parlement de considérer l’inclusion dans le texte un exposé des motifs qui considère le droit à l’accès à l’information comme un droit universel des droits de l’Homme reconnu par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; qui encourage l’institutionnalisation d’une culture de réédition de compte et d’intégrité ainsi que la transparence dans les administrations publiques, y compris en dénonçant la corruption, la participation à la gestion des affaires publiques, et la réalisation des autres droits et libertés garantis par la constitution.
  • 3. - Les institutions couvertes par la loi Le CMF recommande que la liste des institutions couvertes par la loi soit étendue aux entreprises privées et autres organisations comme suit: • Toute information détenue par une entreprise privée qui peut aider dans l’exercice ou la protection d’un droit de l’Homme ; • Toute association, fondation, parti politique ou syndicat qui reçoit des fonds publics dans la mesure des activités conduites pour la réalisation des projets financés par ces fonds. - La primauté de la loi Le CMF recommande le rajout d’un article qui souligne que la présente loi s’applique à l’exclusion de toute autre disposition contenue dans d’autres lois et règlements qui peuvent limiter l’accès à l’information. - Qui peut exercer le droit à l’accès à l’information ? Le projet de loi, contrairement à la seconde version, limite l’exercice du droit d’accès à l’information aux citoyens et citoyennes (article 3) et les étrangers résidants au Maroc sous des conditions qui ne sont pas définies (article 4). Le CMF recommande l’amendement de ces deux dispositions en soulignant que ce droit est garanti à toute personne physique ou morale quelque soit sa nationalité ou son lieu de résidence, comme l’ont recommandé le Comité des droits de l’homme des Nations unies et le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression. - L’obligation de justifier le besoin de l’information Le CMF considère que l’obligation faite dans l’article 14 au demandeur de justifier le besoin de l’information est contraire aux standards internationaux et à la pratique dans la majorité des pays qui ont adopté ces lois. Il recommande l'abrogation de cet article et le remplacer par un autre qui assure que personne n’est obligé de donner des raisons que ce soit lors de la demande de l’information. - Les exceptions au droit Le projet de loi affiche dans l’article 7 une longue liste d’informations qui sont le sujet d’une interdiction absolue de divulgation. Les standards internationaux recommandent l’application d’un test de préjudice à toutes les exceptions, ce qui n’est pas le cas de ce projet de loi. Le CMF recommande ainsi d’ajouter aux exceptions le teste de préjudice réel sur les intérêts protégées par la loi de façon à ce que l’information soit fournie lorsque l’intérêt général prédomine sur le préjudice. De plus, les informations doivent être divulguées, sans test de préjudice, dans deux cas majeurs, les informations sur les
  • 4. grosses violations des droits de l’homme tels que définies par le droit international et la corruption. Enfin, il faut explicitement inscrire dans la loi le principe selon lequel les restrictions au droit d'accès à l’information doivent recevoir une interprétation restrictive - Sur l’utilisation et la réutilisation de l’information Le CMF est étonné de voir que l’utilisation ou la réutilisation de l’information reçue par le demandeur est soumise à des contraintes contraires aux standards et pratiques au niveau international. L’article 6 du projet de loi ne permet pas l’utilisation ou la réutilisation de l’information dans des conditions où celles-ci portent atteinte à ‘l’intérêt général’ ou ‘les droits d’autrui’. Cette disposition ne donne aucune définition des objets des restrictions ce qui peut imposer d’autres limitations sur la liberté d’expression. En outre, aucune disposition ne régule la réutilisation de l’information publique pour des finalités commerciales. En outre, l’article 29 du projet déclare que toute falsification du contenu de l’information divulguée qui résulte d’un dommage à l’institution concernée ou dont l’utilisation ou la réutilisation résulte d’un préjudice à l’intérêt général est puni selon l’article 360 du code pénal qui prévoit jusqu’à trois ans de prison. Le CMF considère que ces sanctions sont graves car d’une part la notion d’intérêt général est imprécise et peut résulter en des dérivations en cas d'emploi abusif et conduire à une limitation de la libre exploitation de l’information à des fins pour demander par exemple des comptes à une administration publique ou pour dénoncer la corruption. Le CMF recommande l’annulation de cet article. Divulgation proactive de l’information et des données Le régime de la divulgation proactive de l’information (article 10) est prometteur. Mais, il pourra être plus solide s’il inclut d’autres information comme : • La conception et la mise en œuvre de tous les programmes de subvention avec des fonds publics aux associations et autres organisations non gouvernementales ou privées, y compris les montants attribués et déboursés, les critères d’accès à la subvention et les bénéficiaires ; • Toutes les informations fournies aux demandeurs dans le cadre de loi sur l’accès à l’information ; • Information sur les revenus et le patrimoine des agents publics élus et cadres supérieurs ; Le CMF recommande aussi, comme c’est la pratique dans les pays démocratiques, que la Commission du droit d’accès à l’information se charge de déterminer, de mettre à jour et de contrôler la liste des documents à publier proactivement par les institutions couvertes par la loi.
  • 5. - La Commission de l’information Le CMF considère que la commission de l'information du projet comporte des défaillances au niveau de son indépendance et ses prérogatives (article 22) ainsi que sa composition (article 23) qu’il faut amender. La commission est rattachée au chef du gouvernement ce qui pose des questions sur son indépendance. Les standards internationaux recommandent l’indépendance des commissions de l’information du pouvoir exécutif. La Constitution marocaine déclare aussi dans son article 159 que les instances chargées de la bonne gouvernance sont indépendantes. Le CMF recommande que la Commission prévue d’installer soit sous la seule autorité du président de la Commission de la protection des données à caractère personnelle, comme c’est la pratique dans de nombreux pays, en particulier en Europe. Et que c’est au Président de la commission de choisir son personnel qu’il juge compétent. En outre, la constitution de la commission exclue la société civile et n’exige pas expressément de ses membres une qualification appropriée dans le domaine du droit d’accès à l’information. Il serait aussi souhaitable de prendre en considération, l’article 18 de la Constitution qui déclare que « Les pouvoirs publics œuvrent à assurer une participation aussi étendue que possible des marocains résidants à l’étranger, aux instituions consultatives et de bonne gouvernance crées par la Constitution ou par la loi. » - Sur les prérogatives de la Commission, le CMF recommande de renforcer ses pouvoirs, en particulier les suivants : • La décision de la Commission de divulguer l’information au plaintif doit avoir une force exécutoire sur les administrations couvertes par la loi ; • La surveillance de l’application des dispositions de la loi auprès des instituions couvertes, en particulier au niveau des informations à publier proactivement ; • Lancer des campagnes de sensibilisation du public au droit d’accès à l’information et fournir toute l’information nécessaire sur son site pouvant aider le public à comprendre la loi et son utilisation. • Exige des institutions couvertes par la loi de lui transmettre des rapports annuels sur la mise en œuvre de la loi, incluant le nombre de demandes reçues, celles qui ont été satisfaites et les autres non satisfaites (avec justification) ainsi que la nature des informations publiées proactivement ; • Décide des nouvelles institutions qui doivent être couvertes par la loi. - Les sanctions Le projet de loi prévoit deux types de sanctionsà l’encontre du chargé d’information. Une sanction lors du refus de divulguer l’information au demandeur (article 27) et une
  • 6. autre pour la divulgation d’une information qui rentre dans la catégorie du secret professionnel (article 28). Le CMF considère que la sanction disciplinaire pour refus de délivrer l’information doit aussi contenir tout acte de destruction des documents, en dehors de ceux prévus par la loi sur les archives, ou falsification des documents pour induire en erreur le demandeur ou pour protéger un acte de corruption ou de mauvaise gestion. Dans ces cas, les types de mesures disciplinaires ou autres doivent être clairement définis. En ce qui concerne les sanctions pour violation du secret professionnel, (article 18 de la loi sur la fonction publique), le projet de loi ne considère pas la divulgation de l’information de bonne foi et dans l’intérêt du public. Le chargé d’information est protégé par la loi comme dénonciateur des actes répréhensibles par exemple de corruption qui sont punis par la loi.