onscient de la gravité de la situation et du dysfonctionnement des sous-systèmes politique, économique, social et culturel, le Président de la République a décidé, le 27 mars 2018, de convoquer les Etats Généraux Sectoriels de la Nation (EGSN) en créant deux structures : un Comité de Pilotage et un Secrétariat Technique en charge de conduire le processus de consultation nationale. Les EGSN constituent un Grand Forum National qui doit aboutir à deux textes :
Un Document de diagnostic par secteur ;
Un Pacte pour la réforme institutionnelle et le progrès économique et social.
Discours Installation Luis Abinader Corona 16 out 2020
Etats Généraux Sectoriels de la Nation (EGSN) d'Haiti: Rapport d'étape de Décembre 2018
1. ETATS GENERAUX SECTORIELS DE LA NATION
(EGSN)
RAPPORT D’ETAPE DE DECEMBRE 2018
I. MISE EN CONTEXTE
Plus d’une trentaine d’année après l’effondrement du régime de Duvalier, Haïti se trouve
encore dans une situation de crise systémique qui affecte profondément tous les secteurs de la
société. Pour redresser la situation, une nouvelle Constitution a été promulguée en 1987, plus
d’une demi-douzaine de Documents-cadres de stratégies de développement d’Haïti ont été
adoptés. Ces initiatives, à la fois citoyennes et étatiques, n’ont pas donné les résultats escomptés.
Conscient de la gravité de la situation et du dysfonctionnement des sous-systèmes
politique, économique, social et culturel, le Président de la République a décidé, le 27 mars 2018,
de convoquer les Etats Généraux Sectoriels de la Nation (EGSN) en créant deux structures : un
Comité de Pilotage et un Secrétariat Technique en charge de conduire le processus de
consultation nationale. Les EGSN constituent un Grand Forum National qui doit aboutir à deux
textes :
Un Document de diagnostic par secteur ;
Un Pacte pour la réforme institutionnelle et le progrès économique et social.
Figure 1: SEM Jovenel Moise
SEM Jovenel Moïse a annoncé le lancement des États Généraux Sectoriels de la Nation lors de
la commémoration du 214e anniversaire de l’indépendance d’Haïti en disant :
« [...] c'est pour construire cette croyance supérieur qui va cimenter la société, la fortifier que
nous lançons les États Généraux Sectoriels de la Nation après la consultation de tous les
secteurs de la vie nationale au cours des trois derniers mois.
Grace à ces assises nous recueillerons les témoignages, nous trouverons le chemin critique qui
permettra d'arriver à la volonté de faire route ensemble.
2. Faire route ensemble pour une société c'est apprendre à s'autolimiter pour se donner les moyens
de contenir la démesure. Les pulsions destructrices qui bouillonnent dans l'inconscience de toute
communauté humaine».
Figure 2 : Création des EGSN le 27 mars 2018 par SEM Jovenel Moise
Mais, à partir du mois de juillet 2018, la situation politique économique et sociale a connu une
dégradation accélérée dont la crise actuelle est l’aboutissement.
Figure 3 Séance de travail des membres du Comité de Pilotage et du Secrétariat Technique des EGSN
Il y a eu d’abord la hausse du prix des produits pétroliers et la flambée de violence qu’elle a
provoqué les 6, 7 et 8 juillet 2018 dans les principales villes.
3. Ensuite, il y a eu le relais du défi PetroCaribe, culminant avec une manifestation massive dans la
capitale le 17 octobre 2018. Enfin, le 18 novembre a été l’occasion d’une mobilisation
ouvertement hostile, réclamant le départ du Chef de l’Etat. Il s’en est suivi plusieurs jours de
paralysie de toute activité économique ou sociale. Ce qui nécessita un ajustement des activités
des EGSN.
II. PROCESSUS
Le Secrétariat Technique a œuvré conjointement avec le Comité de Pilotage pour finaliser
les orientations méthodologiques et le Plan d’opération. Ce cadre de travail a permis de réaliser :
plus d’une trentaine de rencontres avec les secteurs et groupes organisés à Port-au-
Prince,
un forum national préparatoire à l’Arcahaie,
cinq forums départementaux (Nord-Ouest, Nord-Est, Nord, Sud-Est, Nippes)
et un forum de la diaspora haïtienne d’Europe et d’Afrique tenu à Paris le 8
décembre 2018.
plus de 600 organisations et une quarantaine de partis et regroupements politiques
ont été consultés, parmi eux l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), la Fusion des
Sociaux-Démocrates, la Plateforme VERITE, le Parti Renmen Haïti, le parti Ligue
Alternative pour le Progrès et l’Emancipation d’Haïti (LAPEH).
la participation de plus de deux mille personnes issues des secteurs représentatifs de la
société.
Le forum national préparatoire des EGSN à l'Arcahaie
4. NB : Le Secrétariat Technique a dû revoir son plan opérationnel à cause de certaines contraintes
(retard de décaissement, situation politique dans le pays, et autres.). Un bilan détaillé se trouve
en annexe.
Séances de travail du Comité de Pilotage et du Secrétariat Technique
Séances de travail du Comité de Pilotage et du Secrétariat Technique
5. Les rencontres avec les secteurs et groupes organisés à Port-au-Prince
Figure 4: Rencontre avec le secteur universitaire
7. Figure 6: rencontre avec le secteur culturel
Figure 7: Rencontre avec la presse
8. Cinq forums (foras) départementaux : Nord-Ouest, Nord-Est, Nord, Sud-Est, Nippes
Figure 8 Dr. Louis Naud Pierre, Directeur Exécutif des EGSN
Figure 9 Rencontre préparatoire dans le Nord
9. Figure 10 Pamphlets publics présentés par les délégations communales
Figure 11 Discussion entre les membres des délégations des sections communales
10. Figure 12: Discussions entre les délégations communales du Nord
Figure 13: Forum départemental des EGSN au Cap-Haitien
11. Figure 14: Forum départemental des EGSN dans le Sud-Est
Figure 15 Discussion des délégations communales dans le Sud-Est
12. Figure 16 Discussion des délégations communales dans le Sud-Est
Figure 17 Le débarcadère de Miragoane dans le département des Nippes
13.
14. Figure 18 Débat dans le forum préparatoire des Nippes
Figure 19 Des délégations communales durant les débats
15. Figure 20 Les délégations communales au forum préparatoire départemental des Nippes
Figure 21: Pamphlet public des délégations
16. Figure 22 Préparation du forum des EGSN de la Diaspora au Canada
Figure 23 Participants au forum des EGSN de la Diaspora à Paris, en France
17. NB : Le Secrétariat Technique a dû revoir son plan opérationnel à cause de certaines contraintes
(retard de décaissement, situation politique dans le pays, et autres.). Un bilan détaillé se trouve
en annexe.
Figure 24 Séance de travail du Comité de Pilotage et du Secrétariat Technique
CE QUI RESTE A FAIRE :
Les 5 autres forums départementaux et les 4 forums de la diaspora (Miami, New York,
Montréal, et Santiago/République dominicaine) ;
18. Les forums communaux (les communes seront regroupées par arrondissement) dans les
10 départements.
le Grand Forum National (entre 4 et 8 semaines) qui adoptera le Pacte et le Document de
diagnostic par secteur (prévision du début des séances le 07 février 2019) ;
NB : Les EGSN pourraient éventuellement lancer une campagne de promotion des
documents, dans le cas où le Président de la République, SEM Jovenel Moise, le jugerait
nécessaire de lancer une conférence nationale.
III. PREMIERS RÉSULTATS DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES
Les premières données tirées des témoignages des participants aux travaux préparatoires
sont très encourageantes. Elles ont permis de mieux appréhender les raisons de l’échec des
Stratégies de Développement mises en œuvre au cours des trente dernières années. Ces
témoignages mettent en évidence l’existence de faits sociaux considérés comme des obstacles à
l’atteinte des objectifs visés. Ce sont notamment des : valeurs, attitudes, pratiques,
comportements porteurs de tensions, d’antagonismes, de conflits et de violence. Ces éléments
anomiques ont empêché et empêchent encore l’efficacité des institutions, le bon déroulement des
échanges politiques, économiques et sociaux. Bref, ils ont entravé la gouvernance politique,
économique et socioculturelle.
Sur le plan politique, trois obstacles fondamentaux peuvent être retenus :
Le premier obstacle est l’institution par la Constitution de 1987 d’un Exécutif bicéphale
(article 133) : d’un côté, un Président de la République, élu au suffrage universel (article
134), qui ne gouverne pas ; de l’autre côté, un Premier Ministre, chef du gouvernement,
est choisi par le Président de la République au sein du Parti majoritaire au Parlement
(article 137, sans aucune précision au cas où deux partis seraient majoritaires
19. respectivement au Sénat et à la Chambre des Députés), ou, à défaut de majorité, en
concertation avec les présidents des deux chambres.
(Discussion des EGSN avec les partis politiques)
Au Premier Ministre, qui n’est pas élu, la charge de définir et de conduire la politique de
la nation (article 156). Et, il n’a de compte à rendre qu’au Parlement qui profite de cette
20. position pour influencer la formation du Gouvernement et le recrutement d’agents publics
dans tous les secteurs et à tous les niveaux ; il n’est pas responsable devant le Président
de la République de qui le peuple attend la réalisation de ses promesses de campagne.
Cette disposition constitutionnelle est une source de conflits entre les deux têtes de
l’Exécutif.
Le deuxième obstacle met en exergue l’absence de mécanismes transparents de
financement des activités politiques ainsi que la faiblesse et la trop grande quantité de
partis politiques. Cela a pour effet à la fois de favoriser la corruption du jeu politique et
d’empêcher la constitution de majorité au Parlement capable de soutenir l’action
gouvernementale.
Enfin, le non-respect des règles de l’alternance politique crée une situation où l’Exécutif
et l’opposition se livrent à un jeu d’affrontement permanent, mettant le pays dans une
situation de crise politique chronique.
21. Sur le plan économique, on peut noter quatre principaux obstacles :
Figure 25: Rencontre avec le Directeur du Bureau des Mines et de son équipe
Le premier est la situation de monopole, la très forte préférence pour les investissements
immédiatement rentables dans le commerce ou dans l’immobilier et la forte orientation
du crédit à l’importation de biens.
Figure 26: Des participants à la rencontre sur le secteur des affaires
22. Ce qui favorise le développement d’une économie de comptoir, très dépendante des
importations et des transferts de fonds internationaux pour soutenir la consommation des
ménages, au détriment du développement et de la diversification de l’appareil productif
national et local.
Le deuxième obstacle concerne l’absence de moyen de financement pour les petites,
moyennes et micro-entreprises de production et de transformation dynamiques et
innovantes. Ce qui empêche à ces entreprises de se développer et de devenir
compétitives, donc entrave la dynamique de croissance et de création d’emplois.
Le troisième obstacle met en exergue le manque d’accès des producteurs locaux aux
circuits de distribution formels. En effet, les magasins existants sont réservés à
l’écoulement de produits importés, la production locale n’ayant d’autres débouchés que le
marché en plein air associé à l’économie informelle. En plus, de nombreux obstacles se
dressent contre toutes initiatives d’intégration de cette production dans le circuit formel
de l’économie. C’est un frein à la production nationale.
Figure 27 Forum à la BRH sur le financement du tourisme et des pôles de développement
Enfin, la perte de maîtrise de la gestion des douanes empêche à l’Etat de contrôler les
rentrées de produits sur le territoire, de lutter contre la contrebande et les autres trafics
illicites transfrontaliers, de maximiser ses recettes douanières.
Figure 28 Deux représentants du secteur des syndicats du transport routier
23. Par voie de conséquence, le pays s’enferme dans une spirale d’appauvrissement accru :
phénomène qui constitue une menace très importante pour la stabilité et le
développement du pays.
Dans le domaine social et culturel, trois séries d’obstacles apparaissent :
La première série concerne le système éducatif. A ce propos, les principaux obstacles
identifiés sont : la politisation des mécanismes de recrutement du personnel à tous les
niveaux ; le développement d’un système éducatif à plusieurs vitesses en raison de la
faiblesse des dispositifs de financement, d’harmonisation des curricula et de certification
des établissements scolaires ; la défaillance des mécanismes de contrôle de la
qualification et de l’intégrité des acteurs du système.
Figure 29: Des membres du Comité de Pilotage et du Secrétariat Technique
La deuxième série se rapporte au système de santé. À ce propos, l’accent est mis sur les
faits suivants : la politisation du processus de recrutement du personnel à tous les
niveaux ; le manque d’accès aux soins de santé du fait de l’absence d’une couverture
sanitaire adéquate ; la dégradation du système de santé liée à la défaillance des
mécanismes aussi bien de contrôle de la qualification et de l’intégrité du personnel de
santé que de normalisation du fonctionnement des infrastructures sanitaires et des
services hospitaliers.
24. Figure 30: Séance des membres du Comité de Pilotage et du Secrétariat technique
Figure 31: Des participants à la rencontre sur les sages-femmes
25. La troisième série met en exergue l’identité et l’intégration sociale :
Figure 32: Participants à la rencontre sur les personnes à mobilite reduite
Dans cet ordre d’idée, un ensemble de problèmes a été évoqué. Certains sont liés au
dysfonctionnement du système de gestion de l’état civil : un nombre important d’Haïtiens
ne peuvent pas jouir pleinement de leurs droits, à cause d’un état civil défaillant.
Figure 33: Participants à la rencontre sur les questions sociales
26. D’autres sont associés au manque d’appropriation des symboles communs de la nation,
notamment : le drapeau, l’emblème et le sceau de la République, les bâtiments publics, la
devise et l’hymne national, le patrimoine culturel et historique (tangible et intangible)
avec en corollaire la prédominance des préjugés sociaux et de couleur, les clivages entre
les catégories sociales.
Figure 34: Participants aux rencontres sur les questions sociales et culturelles
La mise en évidence de ces obstacles est une avancée considérable. Elle permet de mieux
cibler les réformes institutionnelles à opérer dans le cadre de la gouvernance politique,
économique et socioculturelle :
27. Figure 35: Séance de travail du Comité de Pilotage et du Secrétariat Technique
a) Le Document de diagnostic par secteur, devra être axé sur les obstacles identifiés par
les participants. La réponse à ces obstacles constitue un impératif absolu.
b) Le Pacte comportera, de la part de l’État mais aussi des citoyens et des secteurs, un
certain nombre d’engagements acceptés par consensus.
IV. NOUVEAUX APPELS AU DIALOGUE
Aujourd’hui, le pays vit sous tension. Certains quartiers échappent au contrôle de
l’autorité publique. Pour aboutir à un dégel de cette situation politique, des propositions fusent de
toutes parts. On parle de « Grand Dialogue National », de « Conférence Nationale Souveraine »,
de « Grandes Assises Nationales ». En réalité, toutes ces propositions signifient qu’il y a une
demande généralisée pour un cadre de dialogue axé sur les enjeux d’intérêt national. C’est une
démarche pour aboutir à un Pacte.
Les EGSN peuvent apporter une contribution essentielle à ce dialogue particulièrement
dans son aspect structurel ; et ceci compte tenu de son orientation technique et méthodologique
qui les met au-dessus des parties en présence et des différents secteurs de la société.
V. RECOMMANDATIONS
A partir des leçons tirées des travaux réalisés dans le cadre de ces Etats Généraux, et tenant
compte de la conjoncture, les EGSN ont envoyé un certain nombre de recommandations au
Président de la République, SEM Jovenel Moise.
Port-au-Prince, le 01-01- 2019