SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  1
Télécharger pour lire hors ligne
L’ECHO MARDI 3 NOVEMBRE 2015 7
Économie&Politique
Monde
ÉLODIE PERRODIL
À ISTANBUL
C’est le résultat d’une contre-attaque
de la part de l’homme fort de la Tur-
quie, le président Erdogan et de son
parti de la Justice et du Développe-
ment (AKP), qui avait perdu en juin
dernier la majorité absolue dont il
disposait au parlement turc depuis
2002.L’AKP,partiislamo-conservateur
fondéparM.Erdogan,disposed’une
baseélectoralesolide,s’appuyantsur
deux blocs: la nouvelle classe
moyennesunnite,ainsiquelespopu-
lationsruralesanatoliennesquisere-
connaissent dans ses valeurs reli-
gieuses. Pour Ersin KalaycioSlu, pro-
fesseur de politique à l’Université
Sabanci d’Istanbul, l’AKP a bénéficié
dusoutiendesélecteursdupartid’ac-
tion nationaliste (MHP) ainsi que
d’un nombre important de Kurdes
trèspratiquants,déçusdel’alternative
proposéeparlepartipro-kurdeHDP.
1.Une stratégie politique
de la peur par les
dirigeants de l’AKP pour
revenir au pouvoir?
Ces élections législatives se sont
déroulées sous haute tension. Au
total, près de 2.000 personnes, civils
et militaires, ont perdu la vie depuis
le précédent scrutin, lors des affron-
tements entre l’armée et la police
turques et les combattants du Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK)
et lors d’attentats imputés à l’Etat
islamique.
L’opposition a accusé le pouvoir
en place d’avoir laissé s’installer sur
le sol turc des groupuscules apparte-
nant à l’Etat islamique. «Erdogan a
joué la carte nationaliste et la tactique
de la peur. Il a fait feu de tout bois. La
population a pris peur et cela a payé»,
souligne le politologue Cengiz
Aktar, de l’université de Bahçesehir à
Istanbul. En retour, une majorité des
électeurs s’est tournée vers l’AKP,
seule formation digne à leurs yeux
de rétablir la stabilité et de former
ungouvernementcapabledediriger
le pays.
2. Le processus électoral
était-il transparent
et équitable?
Non. Les observateurs de
l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE) ont
d’ailleurs déploré lundi le climat de
«violence» de la campagne et repro-
ché au gouvernement ses pressions
sur la presse indépendante. Les
observateurs ont jugé que ces vio-
lences avaient «entravé les capacités
des candidats à mener une campagne
libre», notamment dans le sud-est à
majorité kurde du pays. L’OSCE a
parailleurscondamné«desinterven-
tions dans l’autonomie éditoriale des
médias» de la part du régime
islamo-conservateur du président
Recep Tayyip Erdogan. Pour Ersin
KalaycioSlu, Erdogan a outrepassé
ses pouvoirs en pesant de tout son
poids sur la campagne, alors que la
constitution lui impose un devoir
de neutralité lors des élections.
3. Le président Erdogan
va-t-il en profiter pour
modifier la constitution?
Une réforme constitutionnelle par
voie uniquement parlementaire
semble être compromise, car il fau-
drait alors 367 voix pour l’obtenir,
contre 316 sièges acquis à l’AKP
actuellement. Par contre, une
réforme constitutionnelle par réfé-
rendum est envisageable. «Je pense
qu’il va profiter de son momentum
pour le faire», affirme le politologue
Cengiz Aktar. Ersin KalaycioSlu est
moins catégorique. «Cette réforme
n’était pas à l’agenda électoral de
l’AKP et plusieurs obstacles s’y oppo-
sentencore.Maistoutestpossibledans
les semaines ou les mois qui viennent».
4. Après ce vote décisif,
où va la Turquie?
Le pays confirme son virage à
droite. «Nous allons vers un système à
la Poutine. La Turquie se moyen-orien-
talise à toute vitesse. Elle devient un
pays à problème du Moyen-Orient,
complément coupé de l’Europe», ana-
lyse Cengiz Aktar. Avec 25% des
sièges au parlement, la gauche
laïque aura bien du mal à se faire
entendre. Une scission pourrait se
produire au sein même de la majo-
rité, entre le Premier ministre
Ahmet DavutoSlu et le président
Recep Tayyip Erdogan. Selon des
proches du gouvernement, le
Premier ministre a l’intention
d’exercer un mandat indépendant,
et pourrait vouloir prendre ses dis-
tances vis-à-vis du président
Erdogan. «Comment cela va-t-il être
perçu par le président, nous l’igno-
rons», souligne de son côté Ersin
KalaycioSlu. Pour ce dernier, il est
impératif que le pays s’engage dans
des réformes en vue de sa démocra-
tisation. Il se dit aussi déçu de l’atti-
tude de l’Union européenne, enga-
gée dans un «marchandage machia-
vélien» avec le président Erdogan
pour régler la crise des migrants.
«LaTurquiesedirige
versunsystème‘àlaPoutine’»
L’AKP a remporté 23 millions de voix sur 57 millions d’électeurs inscrits, une victoire sans précédent
pour le parti du président Recep Tayyip Erdogan. © AFP
LE RÉSUMÉ
Le parti du président revient
en force au parlement, une
victoire sans précédent qui
pourrait encourager
ce dernier à modifier
la Constitution.
Ses relations avec
le Premier ministre Ahmet
Davutoglu seront
déterminantes
pour l’avenir du pays.
D
eux semaines après
une décision favora-
ble de la High Court
en faveur d’Uber,
dont l’application n’a pas été
classifiée comme un taximètre
et peut donc être utilisée par ses
chauffeurs sans être soumise à
la réglementation des autres
taxis, «The Knowledge Point» a
annoncé qu’elle allait fermer
ses portes. Cette institution lon-
donienne créée au début des
années 80 formait les apprentis
chauffeurs à la gestion adminis-
trative et aux conditions spéci-
fiques de conduite en tant que
taxis. Les futurs Black Cabs de-
vaient notamment apprendre
par cœur la carte du Greater
London, soit plus de 25.000
rues. Le fondateur de cette
école, Malcolm Linskey, ex-
plique cette fermeture par l’ar-
rivée sur le marché d’Uber:
«Nous allons être marginalisés. La
demande s’est effondrée depuis
l’arrivée d’Uber. Habituellement,
nous avions 350 étudiants par an,
l’année dernière, 200 seulement.»
À Londres comme dans
toutes les grandes villes où
Uber est présent, l’essentiel des
nouveaux chauffeurs se lancent
désormais directement sur le
marché en tant que VTC où la
réglementation est minimale et
où aucune acquisition de li-
cence n’est nécessaire.
Au-delà de la concurrence
vis-à-vis des taxis classiques, qui
appartiennent à des sociétés lo-
cales soumises aux impôts et
aux charges, Uber dérange de
plus en plus en raison de la na-
ture véritable de son business
model. Alors que la société cali-
fornienne est en déficit d’ex-
ploitation depuis trois ans, le
million de chauffeurs actifs qui
utilisent son application sont
voués à être progressivement
soumis à la concurrence dé-
loyale des voitures autonomes.
Le directeur général d’Uber,
Travis Kalanick, n’a en effet ja-
mais fait mystère de sa volonté
de remplacer ses chauffeurs par
des algorithmes. Uber, dont le
premier partenaire financier est
Google, a ouvert un centre de
recherche à Pittsburg en février,
engagé des dizaines de cher-
cheurs spécialisés dans les voi-
tures autonomes, et procède à
des expérimentations grandeur
nature dans les rues de la ville
depuis le mois de mai.
ÉPINGLÉ
JOHANN HARSCOËT
ÀLondres,laplusgrandeécole
detaxisfermesesportes
Uber n’a jamais
fait mystère
de sa volonté
de remplacer
ses chauffeurs par
des algorithmes.
«Si l’Arabie saoudite
cesse ses
ingérences à propos
des grandes
questions
régionales, nous
pourrons régler
beaucoup
de problèmes.»
HASSAN ROHANI
Le fonds souverain chinois China
InvestmentCorporation(CIC) «se-
rait prêt à engager un milliard d’eu-
ros»d’investissementdansleprojet
pour le Grand Paris, en coopéra-
tion avec la Caisse des dépôts et
consignations (CDC), a annoncé
lundi François Hollande.
Le Grand Paris est un projet
d’aménagement de l’aggloméra-
tion parisienne dans une optique
durable.«Le fondssouverainchinois
CIC serait prêt à engager 1 milliard
d’euros sur des opérations, notam-
mentimmobilièresetdansledomaine
des infrastructures» pour le Grand
Paris, accompagné dans cet inves-
tissement par la Caisse des Dépôts
dédiéeauxinvestissementsdirects
en partenariat avec des fonds sou-
verainsoudesinvestisseursinstitu-
tionnelsinternationaux,est-ilindi-
quédansunelisted’accordssignés
à Pékin à l’occasion de la visite de
François Hollande en Chine (lire
aussi ci-contre).
Laguérillacolombiennedel’Armée
nationale de libération (ELN), qui
est en pourparlers avec Bogota en
vuedel’ouvertureéventuelled’un
processusdepaixformel,aproposé
uncessez-le-feubilatéral.
«Nous proposons avec insistance
uncessez-le-feubilatéral,qui,parallè-
lementàl’ouvertured’unephasedené-
gociationspubliques,créeraituneam-
biance favorable»,adéclarélecom-
mandement central de l’ELN sur
Twitter. Le gouvernement colom-
bien et l’ELN ont depuis 2014 des
discussionsexploratoiresenvuede
lamiseenplacedenégociationsde
paixformelles,sansrésultatconcret
àcejour.L’ELN,deuxièmeguérilla
deColombieavec2.500hommes,a
revendiqué une attaque menée le
26 octobre contre une patrouille
dans le département de Boyaca
(centredelaColombie).
LaChineprête
àinvestir1milliard
d’eurosàParis
L’ELNpropose
uncessez-le-feu
bilatéralMICHELLE OBAMA
FRANCE/CHINE
COLOMBIE
Michelle Obama a appelé lundi
à remettre en cause les nom-
breuses «croyances culturelles»
qui constituent des obstacles à
l’accès des filles à l’éducation,
avant d’entamer un voyage
d’une semaine au Moyen-
Orient centré sur ce thème.
Le président iranien demande
à l’Arabie saoudite de cesser ses
«ingérences» dans la région.
La déclaration sino-française
signée hier à Pékin pose les bases
d’un accord sur le climat selon
François Hollande, hôte
de la conférence mondiale
à la fin du mois.
DELPHINE DENUIT
À PARIS
Alors que Paris enregistre un nou-
veaupicdepollution,c’estenChine
que le président François Hollande
estallénégocierunengagementfort
en faveur du climat. La République
populaire est, il est vrai, le premier
pollueurmondial,àl’originede25%
des émissions de gaz carbonique.
À un mois de la Conférence des Na-
tions unies sur le climat (COP21) à
Parissouslaprésidencefrançaise,le
présidentchinoisXiJinpings’esten-
gagéhiersurleprinciped’«unaccord
ambitieux et juridiquement contrai-
gnant». Dans une déclaration com-
mune avec la France, Pékin évoque
pourlapremièrefoislamiseenœu-
vrede«mécanismesdesuividesenga-
gements», lesquels feront l’objet
d’une «revue complète tous les cinq
ans».
Cette clause de révision quin-
quennale constitue un point straté-
gique,lepréalableincontournableà
toutaccordauxyeuxdeParis.Enac-
ceptantsonprincipe,Pékinfranchit
«unpasmajeurversunaccordsurlecli-
mat», a précisé hier François Hol-
lande. Un pas que l’on considère
commeessentielenFranceoùl’onne
se fait déjà guère d’illusions sur le
contenu même de l’accord qui s’an-
noncedécevant(siaccordilya),mi-
santdavantagesursesajustementsà
venir.End’autrestermes,silaCOP21
ne devrait pas rester dans les mé-
moires, l’accord de Paris, aussi sym-
bolique soit-il, devrait en revanche
ouvrir la porte à des objectifs quin-
quennauxpluscontraignants,indis-
pensables pour tenir l’engagement
de limiter à + 2 degrés seulement le
réchauffementdelaplanèted’iciàla
fin du siècle (au lieu des + 5 atten-
dus). Un autre pas important est
passérelativementinaperçuhier.La
déclarationsino-françaisefaitétatde
«mécanismes de suivi des engage-
ments»,cequilaisseprésagerqueles
paysquinetiendraientpasleurpro-
messe pourraient être sanctionnés.
Pékin pose sa condition
En contrepartie, la République po-
pulaireaprissoindeprotégersesar-
rières. Le document de onze para-
graphes signé hier conditionne en
effetlaréductiondesémissionspol-
luantes «à un rythme compatible avec
une croissance forte». Or, justement
cette année, la croissance chinoise
s’esteffondrée,atteignant,avec6,9%
au troisième trimestre, son plus bas
niveau depuis la crise financière de
2009.
Versunaccordrévisable
touslescinqanspourleclimat
La République
populaire de Chine
est le premier pollueur
mondial, à l’origine
de 25% des émissions
de gaz carbonique.
BELGIQUE
LE PARTI D’ERDOGAN
GRAND GAGNANT
Le Parti de la justice et du
développement (AKP), qui a
remporté haut la main les
élections législatives en Tur-
quie, a obtenu 69,40% des
55.423 votes exprimés en
Belgique, a annoncé l’agence
de presse o,icielle Anadolu.
En Belgique, où 132 bureaux
avaient été ouverts, le parti a
obtenu 38.462 votes, très loin
devant le pro-kurde Parti dé-
mocratique des peuples HDP
(6.256, 11,29%), le social-dé-
mocrate Parti républicain du
peuple CHP (5.554, 10,02%) et
le Parti de l’action nationaliste
MHP (4.080, 7,36%). L’AKP a
donc nettement amélioré
son score des dernières
élections en Belgique
(62,93%). Ses trois principaux
concurrents ont, eux, tous
reculé. En juin, le HDP avait
obtenu 13,1% des voix, le CHP
10,97% et le MHP 9,11%.
©EPA
©REUTERS
SFONTENOY@HOTMAIL.COM - 726349-001

Contenu connexe

En vedette (10)

Orações subordinadas adverbiais 2013
Orações subordinadas adverbiais 2013Orações subordinadas adverbiais 2013
Orações subordinadas adverbiais 2013
 
K to 12 Bread and Pastry Learning Module
K to 12 Bread and Pastry Learning ModuleK to 12 Bread and Pastry Learning Module
K to 12 Bread and Pastry Learning Module
 
Presseinfo FZ ESL-Helligkeit.pdf
Presseinfo FZ ESL-Helligkeit.pdfPresseinfo FZ ESL-Helligkeit.pdf
Presseinfo FZ ESL-Helligkeit.pdf
 
Examen iiitrimestre
Examen iiitrimestreExamen iiitrimestre
Examen iiitrimestre
 
Mobile Lead Developer in Berlin
Mobile Lead Developer in BerlinMobile Lead Developer in Berlin
Mobile Lead Developer in Berlin
 
Plakátek den matek a5 dvojka
Plakátek den matek a5 dvojkaPlakátek den matek a5 dvojka
Plakátek den matek a5 dvojka
 
LAC06b: Hooke-02
LAC06b: Hooke-02LAC06b: Hooke-02
LAC06b: Hooke-02
 
Examen iiitrimestre
Examen iiitrimestreExamen iiitrimestre
Examen iiitrimestre
 
Mario
MarioMario
Mario
 
2012-13 Gr4 Supplies
2012-13 Gr4 Supplies2012-13 Gr4 Supplies
2012-13 Gr4 Supplies
 

Plus de Stephanie Fontenoy (11)

YassinAlHajSaleh-OpinionL'echo
YassinAlHajSaleh-OpinionL'echoYassinAlHajSaleh-OpinionL'echo
YassinAlHajSaleh-OpinionL'echo
 
JFPérouse-ITVL'Echo
JFPérouse-ITVL'EchoJFPérouse-ITVL'Echo
JFPérouse-ITVL'Echo
 
Lejeudi-Ataturk
Lejeudi-AtaturkLejeudi-Ataturk
Lejeudi-Ataturk
 
sur la route de Montauk
sur la route de Montauksur la route de Montauk
sur la route de Montauk
 
0336_Week_end_Istanbul
0336_Week_end_Istanbul0336_Week_end_Istanbul
0336_Week_end_Istanbul
 
ReportageReyhanli-ASL
ReportageReyhanli-ASLReportageReyhanli-ASL
ReportageReyhanli-ASL
 
CengizAktar-OpinionL'Echo
CengizAktar-OpinionL'EchoCengizAktar-OpinionL'Echo
CengizAktar-OpinionL'Echo
 
Gaziantep-Lecho2
Gaziantep-Lecho2Gaziantep-Lecho2
Gaziantep-Lecho2
 
Gaziantep_Lecho1
Gaziantep_Lecho1Gaziantep_Lecho1
Gaziantep_Lecho1
 
1WTC-L'Echo
1WTC-L'Echo1WTC-L'Echo
1WTC-L'Echo
 
Efficientphilanthropie-LEcho
Efficientphilanthropie-LEchoEfficientphilanthropie-LEcho
Efficientphilanthropie-LEcho
 

Turquie-Analyserésultats-LEcho

  • 1. L’ECHO MARDI 3 NOVEMBRE 2015 7 Économie&Politique Monde ÉLODIE PERRODIL À ISTANBUL C’est le résultat d’une contre-attaque de la part de l’homme fort de la Tur- quie, le président Erdogan et de son parti de la Justice et du Développe- ment (AKP), qui avait perdu en juin dernier la majorité absolue dont il disposait au parlement turc depuis 2002.L’AKP,partiislamo-conservateur fondéparM.Erdogan,disposed’une baseélectoralesolide,s’appuyantsur deux blocs: la nouvelle classe moyennesunnite,ainsiquelespopu- lationsruralesanatoliennesquisere- connaissent dans ses valeurs reli- gieuses. Pour Ersin KalaycioSlu, pro- fesseur de politique à l’Université Sabanci d’Istanbul, l’AKP a bénéficié dusoutiendesélecteursdupartid’ac- tion nationaliste (MHP) ainsi que d’un nombre important de Kurdes trèspratiquants,déçusdel’alternative proposéeparlepartipro-kurdeHDP. 1.Une stratégie politique de la peur par les dirigeants de l’AKP pour revenir au pouvoir? Ces élections législatives se sont déroulées sous haute tension. Au total, près de 2.000 personnes, civils et militaires, ont perdu la vie depuis le précédent scrutin, lors des affron- tements entre l’armée et la police turques et les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et lors d’attentats imputés à l’Etat islamique. L’opposition a accusé le pouvoir en place d’avoir laissé s’installer sur le sol turc des groupuscules apparte- nant à l’Etat islamique. «Erdogan a joué la carte nationaliste et la tactique de la peur. Il a fait feu de tout bois. La population a pris peur et cela a payé», souligne le politologue Cengiz Aktar, de l’université de Bahçesehir à Istanbul. En retour, une majorité des électeurs s’est tournée vers l’AKP, seule formation digne à leurs yeux de rétablir la stabilité et de former ungouvernementcapabledediriger le pays. 2. Le processus électoral était-il transparent et équitable? Non. Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont d’ailleurs déploré lundi le climat de «violence» de la campagne et repro- ché au gouvernement ses pressions sur la presse indépendante. Les observateurs ont jugé que ces vio- lences avaient «entravé les capacités des candidats à mener une campagne libre», notamment dans le sud-est à majorité kurde du pays. L’OSCE a parailleurscondamné«desinterven- tions dans l’autonomie éditoriale des médias» de la part du régime islamo-conservateur du président Recep Tayyip Erdogan. Pour Ersin KalaycioSlu, Erdogan a outrepassé ses pouvoirs en pesant de tout son poids sur la campagne, alors que la constitution lui impose un devoir de neutralité lors des élections. 3. Le président Erdogan va-t-il en profiter pour modifier la constitution? Une réforme constitutionnelle par voie uniquement parlementaire semble être compromise, car il fau- drait alors 367 voix pour l’obtenir, contre 316 sièges acquis à l’AKP actuellement. Par contre, une réforme constitutionnelle par réfé- rendum est envisageable. «Je pense qu’il va profiter de son momentum pour le faire», affirme le politologue Cengiz Aktar. Ersin KalaycioSlu est moins catégorique. «Cette réforme n’était pas à l’agenda électoral de l’AKP et plusieurs obstacles s’y oppo- sentencore.Maistoutestpossibledans les semaines ou les mois qui viennent». 4. Après ce vote décisif, où va la Turquie? Le pays confirme son virage à droite. «Nous allons vers un système à la Poutine. La Turquie se moyen-orien- talise à toute vitesse. Elle devient un pays à problème du Moyen-Orient, complément coupé de l’Europe», ana- lyse Cengiz Aktar. Avec 25% des sièges au parlement, la gauche laïque aura bien du mal à se faire entendre. Une scission pourrait se produire au sein même de la majo- rité, entre le Premier ministre Ahmet DavutoSlu et le président Recep Tayyip Erdogan. Selon des proches du gouvernement, le Premier ministre a l’intention d’exercer un mandat indépendant, et pourrait vouloir prendre ses dis- tances vis-à-vis du président Erdogan. «Comment cela va-t-il être perçu par le président, nous l’igno- rons», souligne de son côté Ersin KalaycioSlu. Pour ce dernier, il est impératif que le pays s’engage dans des réformes en vue de sa démocra- tisation. Il se dit aussi déçu de l’atti- tude de l’Union européenne, enga- gée dans un «marchandage machia- vélien» avec le président Erdogan pour régler la crise des migrants. «LaTurquiesedirige versunsystème‘àlaPoutine’» L’AKP a remporté 23 millions de voix sur 57 millions d’électeurs inscrits, une victoire sans précédent pour le parti du président Recep Tayyip Erdogan. © AFP LE RÉSUMÉ Le parti du président revient en force au parlement, une victoire sans précédent qui pourrait encourager ce dernier à modifier la Constitution. Ses relations avec le Premier ministre Ahmet Davutoglu seront déterminantes pour l’avenir du pays. D eux semaines après une décision favora- ble de la High Court en faveur d’Uber, dont l’application n’a pas été classifiée comme un taximètre et peut donc être utilisée par ses chauffeurs sans être soumise à la réglementation des autres taxis, «The Knowledge Point» a annoncé qu’elle allait fermer ses portes. Cette institution lon- donienne créée au début des années 80 formait les apprentis chauffeurs à la gestion adminis- trative et aux conditions spéci- fiques de conduite en tant que taxis. Les futurs Black Cabs de- vaient notamment apprendre par cœur la carte du Greater London, soit plus de 25.000 rues. Le fondateur de cette école, Malcolm Linskey, ex- plique cette fermeture par l’ar- rivée sur le marché d’Uber: «Nous allons être marginalisés. La demande s’est effondrée depuis l’arrivée d’Uber. Habituellement, nous avions 350 étudiants par an, l’année dernière, 200 seulement.» À Londres comme dans toutes les grandes villes où Uber est présent, l’essentiel des nouveaux chauffeurs se lancent désormais directement sur le marché en tant que VTC où la réglementation est minimale et où aucune acquisition de li- cence n’est nécessaire. Au-delà de la concurrence vis-à-vis des taxis classiques, qui appartiennent à des sociétés lo- cales soumises aux impôts et aux charges, Uber dérange de plus en plus en raison de la na- ture véritable de son business model. Alors que la société cali- fornienne est en déficit d’ex- ploitation depuis trois ans, le million de chauffeurs actifs qui utilisent son application sont voués à être progressivement soumis à la concurrence dé- loyale des voitures autonomes. Le directeur général d’Uber, Travis Kalanick, n’a en effet ja- mais fait mystère de sa volonté de remplacer ses chauffeurs par des algorithmes. Uber, dont le premier partenaire financier est Google, a ouvert un centre de recherche à Pittsburg en février, engagé des dizaines de cher- cheurs spécialisés dans les voi- tures autonomes, et procède à des expérimentations grandeur nature dans les rues de la ville depuis le mois de mai. ÉPINGLÉ JOHANN HARSCOËT ÀLondres,laplusgrandeécole detaxisfermesesportes Uber n’a jamais fait mystère de sa volonté de remplacer ses chauffeurs par des algorithmes. «Si l’Arabie saoudite cesse ses ingérences à propos des grandes questions régionales, nous pourrons régler beaucoup de problèmes.» HASSAN ROHANI Le fonds souverain chinois China InvestmentCorporation(CIC) «se- rait prêt à engager un milliard d’eu- ros»d’investissementdansleprojet pour le Grand Paris, en coopéra- tion avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), a annoncé lundi François Hollande. Le Grand Paris est un projet d’aménagement de l’aggloméra- tion parisienne dans une optique durable.«Le fondssouverainchinois CIC serait prêt à engager 1 milliard d’euros sur des opérations, notam- mentimmobilièresetdansledomaine des infrastructures» pour le Grand Paris, accompagné dans cet inves- tissement par la Caisse des Dépôts dédiéeauxinvestissementsdirects en partenariat avec des fonds sou- verainsoudesinvestisseursinstitu- tionnelsinternationaux,est-ilindi- quédansunelisted’accordssignés à Pékin à l’occasion de la visite de François Hollande en Chine (lire aussi ci-contre). Laguérillacolombiennedel’Armée nationale de libération (ELN), qui est en pourparlers avec Bogota en vuedel’ouvertureéventuelled’un processusdepaixformel,aproposé uncessez-le-feubilatéral. «Nous proposons avec insistance uncessez-le-feubilatéral,qui,parallè- lementàl’ouvertured’unephasedené- gociationspubliques,créeraituneam- biance favorable»,adéclarélecom- mandement central de l’ELN sur Twitter. Le gouvernement colom- bien et l’ELN ont depuis 2014 des discussionsexploratoiresenvuede lamiseenplacedenégociationsde paixformelles,sansrésultatconcret àcejour.L’ELN,deuxièmeguérilla deColombieavec2.500hommes,a revendiqué une attaque menée le 26 octobre contre une patrouille dans le département de Boyaca (centredelaColombie). LaChineprête àinvestir1milliard d’eurosàParis L’ELNpropose uncessez-le-feu bilatéralMICHELLE OBAMA FRANCE/CHINE COLOMBIE Michelle Obama a appelé lundi à remettre en cause les nom- breuses «croyances culturelles» qui constituent des obstacles à l’accès des filles à l’éducation, avant d’entamer un voyage d’une semaine au Moyen- Orient centré sur ce thème. Le président iranien demande à l’Arabie saoudite de cesser ses «ingérences» dans la région. La déclaration sino-française signée hier à Pékin pose les bases d’un accord sur le climat selon François Hollande, hôte de la conférence mondiale à la fin du mois. DELPHINE DENUIT À PARIS Alors que Paris enregistre un nou- veaupicdepollution,c’estenChine que le président François Hollande estallénégocierunengagementfort en faveur du climat. La République populaire est, il est vrai, le premier pollueurmondial,àl’originede25% des émissions de gaz carbonique. À un mois de la Conférence des Na- tions unies sur le climat (COP21) à Parissouslaprésidencefrançaise,le présidentchinoisXiJinpings’esten- gagéhiersurleprinciped’«unaccord ambitieux et juridiquement contrai- gnant». Dans une déclaration com- mune avec la France, Pékin évoque pourlapremièrefoislamiseenœu- vrede«mécanismesdesuividesenga- gements», lesquels feront l’objet d’une «revue complète tous les cinq ans». Cette clause de révision quin- quennale constitue un point straté- gique,lepréalableincontournableà toutaccordauxyeuxdeParis.Enac- ceptantsonprincipe,Pékinfranchit «unpasmajeurversunaccordsurlecli- mat», a précisé hier François Hol- lande. Un pas que l’on considère commeessentielenFranceoùl’onne se fait déjà guère d’illusions sur le contenu même de l’accord qui s’an- noncedécevant(siaccordilya),mi- santdavantagesursesajustementsà venir.End’autrestermes,silaCOP21 ne devrait pas rester dans les mé- moires, l’accord de Paris, aussi sym- bolique soit-il, devrait en revanche ouvrir la porte à des objectifs quin- quennauxpluscontraignants,indis- pensables pour tenir l’engagement de limiter à + 2 degrés seulement le réchauffementdelaplanèted’iciàla fin du siècle (au lieu des + 5 atten- dus). Un autre pas important est passérelativementinaperçuhier.La déclarationsino-françaisefaitétatde «mécanismes de suivi des engage- ments»,cequilaisseprésagerqueles paysquinetiendraientpasleurpro- messe pourraient être sanctionnés. Pékin pose sa condition En contrepartie, la République po- pulaireaprissoindeprotégersesar- rières. Le document de onze para- graphes signé hier conditionne en effetlaréductiondesémissionspol- luantes «à un rythme compatible avec une croissance forte». Or, justement cette année, la croissance chinoise s’esteffondrée,atteignant,avec6,9% au troisième trimestre, son plus bas niveau depuis la crise financière de 2009. Versunaccordrévisable touslescinqanspourleclimat La République populaire de Chine est le premier pollueur mondial, à l’origine de 25% des émissions de gaz carbonique. BELGIQUE LE PARTI D’ERDOGAN GRAND GAGNANT Le Parti de la justice et du développement (AKP), qui a remporté haut la main les élections législatives en Tur- quie, a obtenu 69,40% des 55.423 votes exprimés en Belgique, a annoncé l’agence de presse o,icielle Anadolu. En Belgique, où 132 bureaux avaient été ouverts, le parti a obtenu 38.462 votes, très loin devant le pro-kurde Parti dé- mocratique des peuples HDP (6.256, 11,29%), le social-dé- mocrate Parti républicain du peuple CHP (5.554, 10,02%) et le Parti de l’action nationaliste MHP (4.080, 7,36%). L’AKP a donc nettement amélioré son score des dernières élections en Belgique (62,93%). Ses trois principaux concurrents ont, eux, tous reculé. En juin, le HDP avait obtenu 13,1% des voix, le CHP 10,97% et le MHP 9,11%. ©EPA ©REUTERS SFONTENOY@HOTMAIL.COM - 726349-001