1. Le salon apparaît de prime abord comme une entité neutre, et
très souvent dépeinte comme le lieu physique de la rencontre
d’exposants et visiteurs ayant en commun l’appartenance à
un secteur d’activité. Ainsi, le salon comme entité détenant une
existence et une identité propre s’est longtemps effacée au pro-
fit d’une valorisation de l’identité professionnelle du secteur en
question. Mais finalement, le salon n’aurait-il pas une âme ?
De plus en plus les salons prennent position dans le sens où ces
derniers sortent progressivement de leur rôle d’intermédiaire
auquel ils sont assignés pour s’adresser directement à un ou
des publics.
La prise de position
des salons
2. L Le discours de la prise de position
Plus que le discours c’est le narratif qui nous impor-
tera. En effet, les outils comme les réseaux sociaux
doivent être des vecteurs d’une prise de position
pensée comme une stratégie plurielle (qui se sert de
langages différents et contenus divers, de l’informa-
tion Twitter, au ludique éphémère de Snapshat, en
passant par l’animation de communauté Facebook et
l’émotion esthétisée d’Instagram), une stratégie au
service d’un projet. Cette fluidité qu’offre le passage
d’outil en outil n’est possible que si un travail préa-
lable sur les valeurs du salon a été mené. Le narratif
est ici compris comme un alignement parfait entre la
façon de penser le salon, la manière de le réaliser et
les messages qui y sont véhiculés.
La relation avec un public
La réflexion portant sur la fonction du Salon comme
média se doit de prendre en considération le rapport
qui est établi avec le public (qu’il s’agisse de profes-
sionnels, de particuliers, ou d’une sphère média-
tique qui tourne autour d’eux). En effet, si la relation
était auparavant asymétrique : le Salon s’adresse
au public, il semble que celle-ci se voit aujourd’hui
recomposée. Le public a désormais un moyen de
réponse, notamment grâce aux réseaux sociaux, et
perd de son caractère flou. Par ailleurs, tel que le
souligne Sonia Livingstone, « le public implique
aussi une certaine orientation vers une action col-
lective et consensuelle » ainsi la mutation des Salons
en modèles empruntés à l’univers des médias pose
la question de qui compose le public et déplace le
chantier vers le rôle que le Salon se doit d’adopter en
face de son public. Enfin, il semble que plus qu’in-
former le public ou de véhiculer des informations sur
soi, le Salon devra, à l’image d’une marque, proposer
au travers d’un positionnement un marqueur d’ap-
partenance collective qui soit caractéristique d’une
identité et d’un style de vie partagés à la fois par le
Salon que le public en question.
Prendre position est une manière pour les salons
d’exister, au-delà de leur contenu strict et de la
forme ponctuelle que ces derniers peuvent prendre,
il s’agit d’exister en soi, il s’agit d’avoir une identité
propre et assumée qui se décline en un projet qui dé-
passe largement le cadre du Salon et qui fait du pu-
blic un acteur à part entière.
*Sonia Livingstone, « Du rapport entre audiences et publics », Réseaux
2004/4 (no 126), p. 17-55.
a posture comme prise de position
On oublie trop souvent que le Salon résulte de l’or-
ganisation d’individus détenant eux-mêmes des opi-
nions plus ou moins tranchées sur les thématiques
qui traversent l’événement. Le choix d’affirmer sa
posture répond à un double impératif. Le premier,
de plus en plus prégnant, celui de salon comme
marque en propre, consiste à véhiculer des informa-
tions et partager ce qui fait la singularité, l’identité
propre du Salon. D’autre part, le deuxième impé-
ratif est bien celui de se positionner. C’est une né-
cessité impérieuse pour exister demain. Cela passe
le plus souvent dans des préoccupations de l’ordre
de l’éthique, tel que proposer des solutions écolo-
giques et durables par exemple, ou encore de revalo-
riser le local (en opposition à la frénésie de la globali-
sation) ou encore de pousser des choix et décisions à
contre-courant ou en avant-garde afin de provoquer
le questionnement et le changement au sein d’une
filière. C’est ainsi, au travers de ces deux choix de
posture, que le salon sort de sa neutralité pour se do-
ter de caractéristiques propres.
Les outils de la prise de position
Les moyens utilisés par les Salons afin de communi-
quer sont aussi des choix clairs de positionnement.
Il ne s’agit finalement pas tant des plateformes uti-
lisées (Twitter, Facebook, Instagram, YouTube,
Snapchat, entre autres) que la manière dont celles-ci
sont appréhendées. En effet, si Facebook permet,
notamment au travers de ses fonctionnalités commu-
nautaires, d’éveiller l’appartenance de groupe, Ins-
tagram permet d’entretenir un rapport plus person-
nalisé au public, mais aussi plus interactif et moins
formel que YouTube, par exemple. Il s’agit parfois
aussi de repenser profondément les manières de
travailler en incluant certains acteurs de ces réseaux
dans la production du salon et de ses messages. C’est
ce qu’a fait par exemple Who’s Next qui a mobilisé
des acteurs de différents horizons (influenceurs et
influenceuses, créateurs et créatifs de la mode et du
design, entre autres) dans une campagne célébrant
tout ce qu’il y a de participatif et optimiste dans la
mode et ses sphères, partant du postulat que les nou-
velles économies et le digital forment des experts
dans des lieux inopinés. Ainsi, le collaboratif est mis
en avant comme un mode de production des salons
innovant et prometteur, il s’agit en effet d’une ap-
proche bottom-up qui élargit aussi les contours de la
filière et de la profession.