Article sur le festival Chorus publié dans La Croix le 6 avril 2013
Claire barroislacroixinvalides
1. samedi 20, dimanche 21 avril 2013
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roman
Les Saisons et les jours
de Caroline Miller
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michèle Valencia
Belfond, 438 p., 19 €
« Le plus grand livre sur le Sud et ses habitants », écrivit
Margaret Mitchell, l’auteur d’Autant en emporte le vent,
à propos de ce classique américain méconnu en France,
prix Pulitzer 1934. Caroline Miller avait, pour l’écrire,
accompli un travail quasi ethnographique, collectant les
témoignages des paysans de la Géorgie, pionniers trop
pauvres pour posséder terres et esclaves. Sous sa plume, avec une précision
touchante, renaissent les objets, les gestes, les croyances, les représentations
du monde d’hommes et de femmes qui ont vécu, aimé, souffert au début du
XIXe
siècle. La toute jeune Cean vient d’être mariée à Lonzo qui, sur une char-
rette, l’emmène loin de ses parents et de ses frères dans la maison de rondins
dorés qu’il a construite de ses mains. Intimidé, le jeune couple est à l’aube d’une
vie à inventer. Caroline Miller décrit magistralement leur quotidien de labeur
rythmé par les naissances, les joies, les drames. Rarement l’humilité a été si
puissante. Le récit plonge le lecteur dans un univers ressuscité jusqu’à paraître
terriblement familier. Au point que refermer le livre donne l’impression de
s’éloigner de l’amie intime qu’est devenue Cean.
CORINNE RENOU-NATIVEL
poésie
Cellulairement
de Paul Verlaine
(suivi de « Mes prisons »
Poésie/Gallimard, 388 p., 9,90 €.)
Incarcéré à Bruxelles et Mons de
juillet 1873 à janvier 1875 pour avoir
tiré deux coups de feu sur Rimbaud,
Verlaineyécriranombredepoèmes.Ils
seront publiés dans différents recueils
épars, avant que le manuscrit de Cel-
lulairement soit retrouvé, classé trésor
national depuis 2005: à cette date, le
Musée des lettres et manuscrits l’ac-
quiert,etilyestaujourd’huiexposé (1).
La poésie de Verlaine
y traduit le quotidien
delaprison(ainsique
les prisons multiples
qui enferment mo-
ralement le poète),
et tend vers la grâce
et le dialogue avec le
Christ. Dans Mes prisons, Verlaine re-
late ses discussions théologiques avec
Mgr Gaume (qui le convainquent peu)
et, littéralement, sa « conversion », jeté
hors de son lit et porté à se prosterner
« en larmes, en sanglots, aux pieds du
Crucifix (…) ». Le fac-similé du manus-
critdeCellulairementestprésentédans
ce même volume, témoignant, par la
régularitédel’écritureetquelquesrares
ratures, de la fulgurance d’un génie.
SABINE AUDRERIE
(1) Exposition « Verlaine emprisonné »,
jusqu’au 5 mai, Musée des lettres et ma-
nuscrits (Paris 7e
). ReNS. : 01.42.22.48.48.
et www.museedeslettres.fr (Lire La Croix
du 16 février).
Bande Dessinée
Au bord de l’eau
(Intégrale en coffret)
Éditions Fei,
30 livrets de 3 744 p., en tout, 79 €
Auborddel’eauestl’undesgrands
romans de la littérature chinoise.
Il a été mis en images dans les an-
nées 1950 dans les petits livrets de
bande dessinée, les lianhuanhua,
aujourd’huiéditéspourlapremière
fois en français. L’histoire ? Celle de bandits, aventuriers et repris de justice qui se
révoltent contre la corruption et l’injustice de leur gouvernement. Le principe ?
Une image par page, soulignée d’une légende. Le résultat ? Une fresque épique
au graphisme d’une incroyable finesse, dans un coffret magnifique. Exotique,
étonnant, époustouflant !
YAËL ECKERT
Culture
PP Le Jour des corneilles
Rares sont les longs métrages qui allient de façon aussi har-
monieuse le merveilleux et le réel, la peinture et le dessin,
les images et le son. Le Jour des corneilles, film d’animation
français de Jean-Christophe Dessaint, est de ceux-là. Il nous
emmène au fin fond d’une forêt peu-
plée de bêtes sauvages et de
spectres à tête animale. Un
sauvageon de 10 ans, le Fils
Courge, y vit avec son père,
un colosse tyrannique à la
barbe géante, qui lui interdit
de sortir du bois.
Cerécitinitiatiqueprenddes
allures de conte pour narrer
de la plus belle des manières
l’histoired’unenfantenquête
de l’amour de son père.
Profondément poignante,
cette histoire est magnifiée
par un traitement pictural
de l’animation. S’inspirant
de la palette d’un Claude
Monet et de la fluidité d’un
Hayao Miyazaki (Le Voyage de
Chihiro), Le Jour des corneilles est une expérience
sensorielle que l’extraordinaire travail sur le son vient rendre
plus puissante encore.
STÉPHANE DREYFUS
19,99 € le Blu-ray et le DVD. France Télévisions Distribution
à voir-DVD
PP Rebelle
Sortiensallesaumoisdenovembre 2012,Rebelleestlequatrième
longmétraged’uncinéastequébécoisinjustementméconnuen
France, Kim Nguyen, à qui l’on doit aussi Le Marais, La Truffe
et La Cité. Ce film, salué dans plusieurs festivals internationaux
– dont celui
de Berlin, où
il a obtenu
une mention
spéciale du
juryœcumé-
nique et sa
comédienne
principale,le
prix d’inter-
prétation –
évoque le
destin de deux adolescents enfants-soldats tentant de s’extir-
per des atrocités de la guerre. Attirés l’un vers l’autre par un
sentiment qu’ils ne peuvent ni réprimer ni vivre pleinement,
Komona, enceinte, et Le Magicien, guerrier albinos, n’aspirent
qu’à fuir les atrocités dont ils ont été témoins, ou qu’ils ont
commises, et à trouver un peu de douceur. En appui de cette
fable bouleversante et terrible, entre violence du réel et beauté
onirique, le DVD contient un entretien avec le réalisateur, et un
autre avec le grand reporter de guerre Alain Louyot.
ARNAUD SCHWARTZ
Éd. Blaq Out, 20 € le DVD
dd Le spectacle en 3D créé
l’an dernier a été enrichi
pour conter l’histoire
de ce lieu illustre.
La Nuit aux Invalides
nous fait découvrir une fa-
cette méconnue de l’hôpital
militaire un peu austère que
sont les Invalides. Lumière
et musique font appel aux
sens des visiteurs, alors
qu’ils écoutent l’histoire du
lieu. « Le commentaire fait
part d’anecdotes qui permet-
tent à la petite histoire d’in-
carner la grande, explique
François Nicolas, le président de la so-
ciété organisatrice du spectacle,
Amaclio. Les spectateurs doivent repar-
tir en se disant : “J’ai appris, j’ai été ému,
c’était beau”. Le son et lumière doit servir
l’histoire mais nous restons exigeants sur
le contenu des commentaires. » Pédago-
gique, le texte conté par les acteurs
André Dussollier, Jean Piat et Céline
Duhamel s’adresse à tous et reste com-
préhensible pour les enfants.
Le spectacle a été conçu de manière
à satisfaire les passionnés d’histoire et
à instruire ceux qui n’y connaissent
rien. Il mêle le merveilleux et l’épopée
aux éléments réels : « Pour que les en-
fants parviennent à situer Louis XIV,
Napoléon et Charles de Gaulle dans le
temps, nous racontons l’histoire en sui-
vant la chronologie, raconte François
Nicolas. Nous sommes là pour faire
apprendre sans s’en rendre compte, grâce
aux émotions. » Et pour
émouvoir, le plus gros spec-
tacle d’infographie du
monde a des moyens : 17 vi-
déoprojecteurs illuminent
plus de 4 000 m2
de façades.
Si l’architecture du lieu est
mise en valeur par la scéno-
graphie, le commentaire
attire l’attention des specta-
teurs sur les détails dès leur
entrée dans la cour d’hon-
neur : « On admire son dôme,
on respecte sa magistrale et
austère façade et sa frappante
longueur ; on se tait lorsque
l’on passe ses portes, com-
mente la voix qui accueille les visi-
teurs. Vous êtes ici au cœur du monu-
ment. » Libre à ceux qui le souhaitent
de prolonger le spectacle dans le dôme
où sont conservées, entre autres, les
cendres de Napoléon. L’atmosphère
sacrée y est renforcée par la scénogra-
phie.
CLAIRE BARROIS
Rens. : www.lanuitauxinvalides.fr
LaNuitauxInvalides,
uneautreimagedumonument
en famille
Plus de 4 000 m2
de façades sont illuminés.
M.HattuduVehu
À lire
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