Article sur le festival Chorus publié dans La Croix le 6 avril 2013
Article sur la fermeture de la librairie Chapitre de Boulogne-sur-Mer publié dans La Croix le 25 avril 2013
1. 26 Autrement dit jeudi 25 avril 2013
mes enfants », confie-t-elle. « Mon entou-
rage me porte, je me recentre sur mes
propres valeurs. Comme
tout le monde ici. » Après
avoir expliqué la situation
à ses enfants de 7 et
11 ans, elle a été soulagée
par l’arrivée des vacances.
« C’était très dur pour eux
à l’école, tous les enfants
venaient les voir pour savoir ce qui se pas-
sait », soupire-t-elle.
Des enfants, Cathy Malfoi, vendeuse
au rayon papeterie, en a quatre, âgés de
2 à 14 ans. « Mon mari travaille au ma-
gasin Auchan de Calais, mais nous ne
pouvons pas les élever avec un seul salaire,
glisse-t-elle, amère. J’attends de voir avec
quelles indemnités nous allons partir pour
chercher un autre travail. » « Nous sommes
tous nés ici, nous savons bien que ce qui
nous attend ce n’est pas le paradis, lâche
encore Cécile Jore. Il n’y a pas de travail
dans le coin, on ne se fait pas d’illusions. »
Claude Allan, premier adjoint au maire
et Boulonnais de naissance, s’inquiète
comme tout le monde de la désertification
des commerces du centre-ville. « À une
époque, nous avions quatre librairies. Le
Furet du Nord, puis Majuscule ont fermé,
et maintenant c’est au tour de Chapitre,
se désole cet ancien bibliothécaire. Nous
avons également appris la fermeture de
deux boutiques de vêtements, et des bruits
inquiétants circulent concernant d’autres
commerces. La mairie ne va pas laisser
faire. »
À Boulogne-sur-Mer, Chapitre est à la
fois le symbole de ce marasme local et
d’une culture qui devient accessoire dans
une ville où les activités qui ont forgé son
identité, la pêche et le transport maritime
vers la Grande-Bretagne, sont en crise.
« On va laisser crever tout le monde si on
ne fait rien, tempête encore l’élu. Nous
voulons relancer l’économie locale en in-
citant les 600 000 visiteurs annuels de
l’aquarium Nausicaa à passer du temps
à Boulogne. Mais pour cela, il nous faut
des commerces en ville. »
Boulogne-sur-Mer souffre de la mau-
vaise réputation des villes du Nord
Boulogne-sur-Merneveutpas
tournerlapageChapitre
BOULOGNE-SUR-MER (Pas-de-Calais)
De notre envoyée spéciale
Il est 10 heures. Le rideau se lève devant
une dizaine de personnes attendant l’ou-
verture de leur librairie. Combien de
temps encore les employés répéteront-ils
ce geste? Ils n’en savent rien. Actissia, le
groupe propriétaire de la chaîne de ma-
gasins culturels Chapitre, leur a annoncé
par téléphone, le 9 avril, un tomber de
rideau définitif. Après le choc, voici l’in-
compréhension. Nul ne sait quand ni
pourquoi ce magasin, parmi les dix plus
rentables de la marque, devra fermer.
Contactée, la direction générale d’Actissia
refuse de s’exprimer, elle qui se targue de
compter, pour Chapitre et Chapitre.com,
1,6 million de clients en France, et qui
affiche un réseau de 57 librairies à cette
enseigne, « fortement implantées dans la
vie culturelle locale ».
En attendant, peut-être, les explications,
les employés s’efforcent de faire bonne
figure. L’exercice est difficile, alors que
règne l’incertitude et que les clients de-
mandent des renseignements que per-
sonne ne peut fournir… « Il y en a de deux
sortes, sourit André Vasseur, doyen des
vendeurs, au rayon DVD, les rapaces, qui
nous demandent si on va tout solder, et
les inquiets, qui nous soutiennent et cher-
chent à comprendre. Dans les deux cas,
on ne peut leur répondre, nous n’avons
aucune information. C’est le plus dur: ne
rien savoir… » Quand les clients ne de-
mandent pas son aide, seul derrière son
comptoir, il ne peut s’empêcher de se
perdre dans ses pensées à imaginer l’ave-
nir.
Tous ses collègues partagent le même
désarroi. « Quand notre directrice Cécile
Jore a reçu le coup de fil,
elle nous a aussitôt réunis,
raconte Julie Ricouart,
vendeuse d’une vingtaine
d’années. Nous avons tous
fondu en larmes, et avons
dû fermer pour le reste de
la journée. Nous n’étions
pas en état de recevoir les clients. »
Inquiète, la directrice fait toujours ré-
gulièrement le tour de son magasin. Non
plus pour distribuer des sourires et véri-
fier que les clients se sentent bien, mais
pour soutenir ceux qu’elle appelle sa
« deuxième famille ». « Régulièrement des
vendeurs craquent, se mettent à pleurer.
Je veux être là pour les réconforter et leur
éviter de faire un mauvais geste », explique
celle qui a renoncé à une semaine de
vacances avec ses enfants pour rester
avec ses employés. « Je suis le capitaine
du navire, il faut que je prenne soin de
tout le monde quand le bateau sombre… »
En bon marin, Cécile Jore maintient le
cap pour ses deux familles. « Je me dis
que j’ai l’essentiel en voyant mon mari et
La directrice fait toujours
régulièrement le tour
de son magasin pour
soutenir ceux qu’elle appelle
sa « deuxième famille ».
Les employés de la librairie Chapitre s’efforcent de faire bonne figure mais ne comprennent pas cette décision brutale.
CLAIREBAROIS
repères
Un plan privilégiant la vente en ligne
P Boulogne-sur-Mer, Calais, Cannes, Dax,
Évreux, Grenoble, Lyon, Nancy, Narbonne,
Belfort, Colmar, Toulouse…
Les librairies Chapitre de ces villes fermeront
toutes leurs portes, selon le plan annoncé
par le groupe américain Actissia.
P Avec ces fermetures, 271 suppressions
de postes sont prévues, sur les 1 200 salariés
que comptent les 57 librairies du groupe.
P Les librairies restantes devront pour leur part
diversifier leurs activités: crèmes de beauté
et compléments alimentaires seront
désormais disponibles à côté
de la presse, des livres, CD et DVD.
P Ce plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)
montre surtout la décision d’Actissia,
actuel numéro deux de la distribution
de livres en France, d’axer son activité
sur le commerce en ligne.
REPORtaGELe groupe américain Actissia veut fermer 12 de ses 57 librairies Chapitre en France.
22 employés de l’enseigne à Boulogne-sur-Mer sont sous le choc de cette annonce incompréhensible
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