8. Du côté du Chinon…
• « Je scay où est Chinon et la Cave
Paincte aussi, j’y ai bu maints verres
de vin frais » Pantagruel, 1532
• « - Compagnon, à boire! A toi, ami,
de bon cœur, de bon cœur!
• - Là, là, là! Tout est bâfré. O Lacryma
Christi! C’est de la Devinière. C’est du
vin de raisins pineaux.
• - O le gentil vin blanc! Sur mon âme,
ce n’est que du vin de taffetas.
• - Heu! Heu! Il est à une oreille, bien
drapé et de bonne laine. »
Gargantua, 1534
9. … à propos du Vouvray
• « L’inconvénient du vin de Vouvray,
monsieur, est de ne pouvoir se servir ni
comme vin ordinaire, ni comme vin
d’entremets; il est trop généreux, trop
fort. »
• « Buvez un verre de vin, vous le méritez
bien. Il faut vous mettre du velours sur
l’estomac, si vous voulez entretenir
convenablement votre margoulette.
Monsieur, le vin de Vouvray, bien
conservé, c’est un vrai velours. »
• Balzac, L’Illustre Gaudissart, 1833
16. Légende ligérienne
• Baudri de Bourgueil (1046-1130), écrivant à la
Comtesse Adèle de Blois:
• « la Loire: nulle rivière n’est plus plaisante; et
nulle eau n’est plus saine.
• L’eau de la Loire, versée sur de jeunes filles,
après les avoir lavées, rend leur corps plus
blanc. »
17. Mais vous êtes prévenus!
• « Il ne faudrait jamais regarder la Loire, c’est
une chose fatale: après on ne sait plus faire
que ça, et le reste est sans importance.
• Elle dépose son sable dans vos veines, et
grippe volonté, ambition, orgueil, tous les
moteurs d’une virile agitation ».
– Alix de Saint-André, L’Ange et le réservoir de liquide
à frein, 1994
19. Relation d’un voyage de Paris en Limousin, La Fontaine
• La Loire est donc une rivière
• Arrosant un pays favorisé des Cieux,
• Douce quand il lui plaît, quand il lui plaît si fière
• Qu’à peine arrête-t-on son cours impérieux.
• Vous croyez bien qu’étant sur ces rivages,
• Nos gens et moi ne manquâmes pas
• De promener à l’entour notre vue :
• Coteaux riants y sont des deux côtés;
• Coteaux non pas si voisins de la nue
• Qu’en Limousin, mais coteaux enchantés,
• Belles maisons, beaux parcs, et bien plantés,
• Prés verdoyants dont ce pays abonde,
• Vignes et bois, tant de diversité
• Qu’on croit d’abord être en un autre monde.
20. Un poète converti, Max Jacob (1876-1944, Drancy)
• Les Pénitents en maillots roses, 1925
• Saint-Benoît-de-Vieille-Vigne
• Polinge en Orléanais
• Ta plaine calme et ta Loire bénigne
• Me feront oublier Paris et ses attraits.
• J’attends la paix du soir dans tes plaines
fertiles,
• Orléanais! Faucille oubliée sur les champs
• La Loire est l’éternel emblème des durs
travaux d’Adam.
22. Charles Péguy (Orléans 1873- 1914)
• Le long du coteau courbe et des nobles vallées
• Les châteaux sont semés comme des reposoirs,
• Et dans la majesté des matins et des soirs
• La Loire et ses vassaux s’en vont par ces allées.
• Cent vingt châteaux lui font une suite courtoise,
• Plus nombreux, plus nerveux, plus fins que des palais.
• Ils ont nom Valençay, Saint-Aignan et Langeais,
• Chenonceaux et Chambord, Azay, le Lude, Amboise.
• Et moi j’en connais un dans les châteaux de Loire
• Qui s’élève plus haut que le château de Blois (…)
• Et c’est le souvenir qu’a laissé sur ces bords
• Une enfant qui menait son cheval vers le fleuve (…).
• Car celle qui venait du pays tourangeau,
• C’était la même enfant qui quelques jours plus tard,
• Gouvernant d’un seul mot le rustre et le soudard,
• Descendait vers Meung ou montait vers Jargeau.
23. Un anarchiste patoisant à Beaugency , Gaston Couté
(1880-1911)
• La chanson d’un gâs qua mal tourné
• I’ fait bon c’souèr, en r’venant des champs…
• La rout’ devient grise et l’jour va mouri,
• Sous les ombrag’s ros’s et doux du couchant,
• Comme un vieux au bas des guigniers fleuris.
• Mais tout d’un coup… teuf! Teuf! Teuf! Un
vacarme
• Déchir’ brutal’ment l’drap fin du silence.
• Teuf! Teuf!... Et v’la l’vent qu’est d’eun’
pestilence
• A vous fée’ jurer: ça, c’est les gendarmes!
• C’est pas les gendarm’s! C’est des gâs d’la ville
• Qu’ont mis, sans excus’s, mon rêve en déroute ;
• C’est des bourgeouésieaux dans leu’ tomobile
• Qu’ont failli m’bocquer au tournant d’la route!
24. Un poète en prison: Meung sur Loire
• « Ecrit l’ai l’an soixante et un,
• Que le bon roi me délivra
• De la dure prison de Meun, et que vie
me recouvra,
• Dont suis, tant que cueur vivra,
• Tenu vers lui m’humilier,
• Ce que ferai tant qu’il mourra:
• Bienfait ne se peut oublier »
• François Villon, Le Testament, 1461
25. Le roman de la rose, de Guillaume de Loris
et Jean de Meung (1237-1280)
26. Un Parisien en vacances: Proust à Illiers-
Combray
• « Combray, de loin, à dix lieues à la ronde, vu du
chemin de fer quand nous y arrivions la dernière
semaine après Pâques, ce n’était qu’une église
résumant la ville, la représentant, parlant d’elle
et pour elle aux lointains, et quand on
approchait, tenant serrés autour de sa haute
mante sombre, en pleins champ, contre le vent,
comme une pastoure ses brebis, les dos laineux
et gris des maisons rassemblées qu’un reste du
moyen-âge cernait ça et là d’un trait aussi
parfaitement circulaire qu’une petite ville dans
un tableau primitif. » Du Côté de chez Swann,
1913
28. Le chant d’un exilé: Charles d’Orléans,
1394-1465 (Amboise)
• En tirant d’Orleans à Blois,
• L’autre jour par eaue venoye.
• Si rencontré, par plusieurs foiz,
• Vaisseaux, ainsi que je passoye,
• Qui singloient leur droicte voye
• Et aloient legierement,
• Pour ce qu’en eurent, comme veoye,
• A plaisir et a gré le vent.
• Les nefz dont cy devant parloye
• Montoient, et je descendoye
• Contre les vagues de Tourment;
• Quand il lui plaira, Dieu m’envoye
• A plaisir et a gré le vent.
29. Du Vendômois à Tours, Ronsard (1524-1585)
• (Amours de Cassandre, 1552)
• Ville de Blois, naissance de ma Dame,
• Séjour des Rois et de ma volonté,
• Où jeunes d’ans je me vis surmonté
• Par un œil brun qui m’outre perça l’âme,
• Chez toi je pris cette première flamme,
• Chez toi j’appris que peut la cruauté,
• Chez toi je vis cette fière beauté,
• Dont la mémoire encore me renflamme.
• Habite Amour en ta ville à jamais,
• Et son carquois, ses lampes et ses traits,
• Pendent en toi, le temple de sa gloire.
• Puisse-t-il toujours tes murailles couver
• Dessous son aile, et nu toujours
• Laver son chef crépu dans les eaux de ton Loire.
31. L’écrivain tourangeau par
excellence, Balzac
• « Jadis, il existait dans le Cloître, du côté de la Grand’rue,
plusieurs maisons réunies par une clôture, appartenant
à la Cathédrale et où logeaient quelques dignitaires du
Chapitre. Depuis l’aliénation des biens du clergé, la ville
a fait du passage qui sépare ces maisons une rue,
nommée rue de la Psalette, et par laquelle on va du
Cloître à la Grand’rue. Ce nom indique suffisamment
que là demeurait autrefois le grand Chantre, ses écoles
et ceux qui vivaient sous sa dépendance. Le côté gauche
de cette rue est rempli par une seule maison dont les
murs sont traversés par les arcs-boutants de Saint-
Gatien qui sont implantés dans son petit jardin étroit, de
manière à laisser en doute si la Cathédrale fut bâtie
avant ou après cet antique logis. Mais en examinant les
arabesques et la forme des fenêtres, le cintre de la
porte, et l’extérieur de cette maison brunie par le temps,
un archéologue voit qu’elle a toujours fait partie du
monument magnifique avec lequel elle est mariée. Un
antiquaire, s’il y en avait à Tours, une des villes les moins
littéraires de France, pourrait même reconnaître, à
l’entrée du passage dans le Cloître, quelques vestiges de
l’arcade qui formait jadis le portail de ces habitations
ecclésiastiques et qui devait s’harmonier au caractère
général de l’édifice. »
• Le Curé de Tours, 1832
32. Balzac et Le Lys dans la vallée (1835)
• « l’amour infini, je le trouvais exprimé par ce
long ruban d’eau qui ruisselle au soleil entre
deux rives vertes, par ces lignes de peupliers qui
parent de leurs dentelles mobiles ce val
d’amour, par les bois de chênes qui s’avancent
entre les vignobles sur des coteaux que la rivière
arrondit toujours différemment. Si vous voulez
voir la nature belle et vierge comme une
fiancée, allez par là un jour de printemps; si
vous voulez calmer les plaies saignantes de
votre cœur, revenez-y par les derniers jours de
l’automne. Ne me demandez plus pourquoi
j’aime la Touraine. Je ne l’aime ni comme on
aime son berceau, ni comme on aime une oasis
dans le désert; je l’aime comme un artiste aime
l’art; je l’aime moins que je ne vous aime, mais
sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus. »
33.
34. Un des grands Romantiques, Alfred
de Vigny (1797, Loches – 1863)
35. La Devinière, près Chinon, terre natale de
François Rabelais(entre 1482 et 1494 - 1553
37. Un célèbre angevin, Du Bellay (1522-1560)
• (L’Olive, 1549)
• O fleuve heureux, qui as sur ton rivage
• De mon amour la tant douce racine,
• De ma douleur la seule médecine,
• Et de ma soif le désiré breuvage!
• O roc feutré d’un vert tapis sauvage!
• O de mes vers la source cabaline!
• O belles fleurs! O liqueur cristalline!
• Plaisirs de l’œil qui me tient en servage
• Je ne suis pas sur votre aise envieux,
• Mais si j’avais pitoyables les Dieux,
• Puis que le ciel de mon bien vous honore,
• Vous sentiriez aussi ma flamme vive,
• Ou comme vous, je serais fleuve et rive,
• Roc, source, fleur, et ruisselet encore.
38. Souvenirs de débâcle: Aragon en 1942
• « La Loire aux Ponts-de-Cé », Les Yeux
d’Elsa, 1942
• J’ai traversé les Ponts-de-Cé
• C’est là que tout a commencé
• Une chanson des temps passés
• Parle d’un chevalier blessé
• D’une rose sur la chaussée
• Et d’un corsage délacé
• La Loire emporte mes pensées
• Avec les voitures vercées
• Et les larmes désamorcées
• Et les larmes mal effacées
• O ma France, ô ma délaissée
• J’ai traversé les Ponts-de-Cé.