En 2006, Chris Anderson publie « The Long Tail », un livre qui a fait date dans le monde de l’e-commerce. Selon Anderson, sa théorie de la longue traîne peut s’appliquer à toute entreprise de vente sur Internet, moyennant certaines conditions. Mais qu’en est-il réellement cinq ans plus tard en Belgique ? Est-ce que cette théorie est applicable et appliquée ? Est-ce que les consommateurs y adhèrent ? Est-ce que les e-commerçants y voient réellement une source de revenu et de profit ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans ce travail.
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Application de la long tail dans le e commerce belge
1. La Théorie de la Longue Traîne est-elle applicable et appliquée
dans le e-Commerce en Belgique ?
En 2006, Chris Anderson publie « The Long Tail » qui change radicalement la vue
que la distribution peut avoir sur la problématique de la profondeur
d’assortiment. Alors que jusque-là, la bonne pratique dans le commerce
traditionnel était de limiter l’assortiment aux meilleurs vendeurs pour des
raisons de contraintes de places, de rotations et de coûts de stock ; Anderson
affirme qu’Internet permet d'offrir un assortiment de produits beaucoup plus
profond qu'un détaillant physique ne peut le faire, et que moyennant certaines
conditions cet accroissement drastique de l’assortiment est rentable pour le
commerçant en ligne.
Sa théorie se construit sur un certain nombre de changements apportés par Internet tant du côté de la
demande que de l’offre : extension de la zone de chalandise, centralisation ou dématérialisation des
stocks, augmentation de la variété dans la production et demande pour des biens personnalisés,
démocratisation des moyens de distribution, facilité de connecter la demande et l’offre. Il affirme que
la loi des 80/20 n’est plus d’application dans le commerce en ligne et que la traîne est rentable.
Figure 1 – Evolution de la loi des 80/20 [Anderson, 2008]
Bien que sa théorie ait été globalement bien accueillie, nous avons relevé quelques objections dans la
littérature : les best-sellers ne sont pas morts et représentent toujours une place prépondérante dans
les ventes, Internet ne favorise pas systématiquement la traîne au dépend des best-sellers, et sa
transposition en dehors des produits culturels (qui forment la base de l’étude d’Anderson) est loin
d’être évidente. Enfin, nous avons montré que si tous les commerçants appliquaient sa théorie, elle
deviendrait de facto moins intéressante.
Une demande du consommateur ?
Une revue de la littérature nous a convaincu que le consommateur ne préfère pas systématiquement
un assortiment plus profond. En effet, faire un choix parmi un grand assortiment lui demande un plus
grand effort cognitif. Qu’il soit prêt à faire cet effort ou non, dépend de critères personnels, des
circonstances et de la catégorie de produit.
Auteur : Fabrice Goffinet Novembre 2011
Promoteur : Hugues Rey -1/2-
2. La réalité dans le e-commerce belge
Présentée par Anderson comme la panacée pour développer le e-commerce de manière rentable, la
longue traîne tient-elle vraiment ses promesses ? Une analyse terrain nous a montré que cinq ans plus
tard le principe de longue traîne n’était pas uniformément appliqué dans le e-commerce belge.
Certains l’appliquent, d’autres commencent, enfin d’autres encore s’en tiennent résolument éloignés.
Quant à savoir si c’est rentable, là aussi les réalités et les avis divergent ; de clairement rentable à pas
rentable. Au niveau des perspectives, certains vont continuer et allonger la traîne alors que d’autres
vont la réduire, et que les derniers ne pensent pas changer la taille de leur assortiment.
La Longue Traîne, une stratégie à suivre ?
S’il est certain que Internet facilite la mise en application de la longue traîne par rapport au commerce
traditionnel; nous voyons néanmoins que la longue traîne n’est pas automatiquement synonyme de
succès ni de rentabilité pour le e-commerce.
Sur base de la théorie et des cas pratiques des e-tailers belges, nous avons pu déterminer un certain
nombre de conditions pour pouvoir mettre en pratique la longue traîne de façon rentable :
En ligne avec la stratégie : la profondeur d’assortiment doit être un des axes de la stratégie et
du positionnement. En fonction de l’environnement concurrentiel, il sera opportun ou pas de
se positionner sur le choix. Nous avons vu que si tout le monde applique la longue traîne, celle-
ci perd de son intérêt. Il faut trouver son « océan bleu » par une offre originale, la longue traîne
peut être cet élément de différenciation.
La question des stocks doit absolument être résolue : stocks idéalement dématérialisés, ou
portés par les fournisseurs, sinon avec une faible valeur et des longues dates de validité. Un
autre aspect pratique à résoudre est le référencement des articles dans les systèmes
opérationnels. Celui-ci doit être extrêmement productif ou également exécuté par les
fournisseurs.
La masse critique : la zone de chalandise et le potentiel de chiffre d’affaires doivent être assez
grands pour que la fin de la traîne se vende.
La catégorie de produits : le consommateur est demandeur de plus de choix dans certaines
catégories, typiquement celles évaluées subjectivement et dans lesquelles le consommateur
s’implique émotionnellement, ou encore celles ayant un faible degré de substitution.
Le site : il doit être construit pour permettre au consommateur de trouver facilement ce qui lui
convient (diminuer son effort cognitif). La structuration, les outils de filtre ou de recherche et
les outils collaboratifs (p.ex : commentaires, évaluations des autres internautes) sont autant
d’éléments qui permettent au consommateur de profiter de la profondeur d’assortiment tout
en en limitant les inconvénients.
En conclusion, Internet facilite la mise en application de la longue traîne par rapport au commerce
traditionnel. Pour les sites de vente en ligne de produits, la longue traîne peut s’avérer être un
vecteur de revenus et de profits moyennant la rencontre de conditions énoncées ci-dessus. Dans la
pratique, elle n’est que partiellement appliquée (et applicable) par les sites de e-commerce belges.
Pour plus d’information ou pour avoir l’étude complète : goffinet.fabrice@gmail.com
Auteur : Fabrice Goffinet Novembre 2011
Promoteur : Hugues Rey -2/2-