SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  13
Télécharger pour lire hors ligne
Le financement participatif : atouts, risques et conditions
de succès
Stéphane Onnée, Sophie Renault
Dans Gestion 2013/3 (Vol. 38),pages 54 à 65
Éditions HEC Montréal
ISSN 0701-0028
DOI 10.3917/riges.383.0054
Distribution électronique Cairn.info pour HEC Montréal.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Article disponible en ligne à l’adresse
https://www.cairn.info/revue-gestion-2013-3-page-54.htm
Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...
Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
54
Résumé
À l’heure où l’internaute devient de plus en plus actif, le financement participatif
connaît une véritable montée en puissance. Face aux atermoiements d’une économie
en crise, il permet à des particuliers ou à des organisations de s’appuyer sur le soutien
financier de la foule pour concrétiser des projets de toutes natures : jeu vidéo, film,
musique, création d’entreprise, etc. S’appuyant sur des cas concrets, cet article des-
sine les contours du financement participatif, en décrit les principaux atouts mais aussi
les faiblesses. Des recommandations sont également apportées afin d’éclairer les pra-
ticiens sur ce mode de financement de projets.
Stéphane Onnée est professeur des universités à l’IAE
de l’Université d’Orléans et membre du laboratoire VALLOREM,
stephane.onnee@univ-orleans.fr.
Sophie Renault est maître de conférences à l’IAE de l’Université
d’Orléans et membre du laboratoire VALLOREM,
sophie.renault@univ-orleans.fr.
Le financement participatif :
atouts, risques et conditions de succès1
Par Stéphane Onnée et Sophie Renault
Dossier : La gestion de la créativité
Le financement participatif : atouts, risques et conditions de succès
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
55
Trouver des sources de financement est un problème récur-
rent pour les porteurs de projets. Dans un contexte de crise,
les banques s’avèrent en effet particulièrement prudentes face
au financement des projets en phase d’amorçage. C’est dans
ce contexte que sont apparues sur la Toile depuis les années
2000 des plateformes dédiées au financement participatif
(crowdfunding). En nous appuyant sur une synthèse de la litté-
rature2
, nous proposons la définition suivante du financement
participatif : il consiste pour un porteur de projet (quel que
soit son statut : particulier, organisation marchande ou non
marchande, etc.) à avoir recours aux services d’une plateforme
de financement (généraliste ou spécialisée) afin de proposer
un projet (finalisé ou non) auprès d’une communauté (large
ou ciblée) de contributeurs qualifiés de soutiens (backers)
en échange éventuellement de contreparties préalablement
définies. L’encadré 1 illustre une campagne de financement
réussie sur la plateforme américaine Kickstarter.
Le financement participatif est un phénomène en pleine
expansion. Début 2013, le site www.crowdsourcing.org dénom-
brait 308 plateformes à travers le monde, 95% d’entre elles
étant concentrées en Europe et en Amérique du Nord. En
2012, ces plateformes ont permis à plus d’un million de projets
d’être financés et de récolter 2 milliards d’euros. Le potentiel
de croissance du financement participatif est jugé important,
comme l’indique une récente étude du cabinet Deloitte (2012),
qui estime à 3 milliards d’euros les fonds qui seront récoltés en
2013 par l’intermédiaire du financement participatif. Parmi
les pays leaders en matière de financement participatif, on
comptait, début 2012, 7 pays qui disposaient de plus de 10
plateformes, à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne, les
Pays-Bas, la France, l’Allemagne, l’Espagne et le Canada.
En dépit de la popularité croissante du financement par-
ticipatif, la littérature universitaire et professionnelle en est à
ses balbutiements. Dès lors, plusieurs questions de recherche
attirent notre attention et suscitent l’intérêt des praticiens
qui observent ce phénomène sans en saisir nécessairement
tous les contours : comment fonctionnent les plateformes
de financement participatif? Quels sont les avantages, les
limites et les risques pour les porteurs de projets? Quelles sont
les conditions de succès d’une campagne de financement?
Afin de répondre à ces questions, et ainsi de démystifier les
enjeux du financement participatif, nous nous basons sur les
résultats d’une recherche qualitative (voir l’encadré 2). Tout
d’abord, nous décrivons de manière simple ce processus de
financement, pour ensuite traiter de ses atouts et de ses limites.
Enfin, nous listons les conditions à respecter pour optimiser
les retombées d’une campagne de financement participatif.
Tout au long de l’article, des exemples réels sont proposés.
Le fonctionnement
du financement participatif
Dans cette partie, nous présentons la diversité des modèles
de financement participatif, puis le processus de collecte de
fonds et enfin la diversité des porteurs de projets.
La diversité des modèles de financement
participatif
En référence à trois rapports publiés en 2012 par les sites
crowdsourcing.org, crowdfundingframework.eu et par le
Fonds des médias du Canada3
, nous mettons en évidence le
fait que les plateformes de financement participatif se fondent
sur quatre modèles de financement : les modèles basés sur
le don, sur la contrepartie, sur l’investissement et sur le prêt
(voir le schéma 1).
Le jeu vidéo Castle Story financé sur la plateforme Kickstarter
L’emblématique plateforme Kickstarter contribue au lancement de projets dans des domaines variés. Les projets
canadiens et québécois en particulier sont présents sur la plateforme américaine. Sauropod Studio, établi à
Montréal depuis 2010, y a ainsi, en juillet 2012, présenté le projet de jeu vidéo Castle Story. Ce projet a connu
une réussite foudroyante, parvenant à amasser en moins de cinq heures les 80 000$ escomptés. À la fin de la
campagne, en août 2012, le résultat indiquait 702 516$, soit 878% de l’objectif. Sur la plateforme, l’instigateur
du projet ne manque pas de remercier les soutiens et de marquer son étonnement, en indiquant dès le premier
jour de la campagne de financement : «Nous n’arrivons pas à croire que nous avons réussi notre campagne de
financement en moins de cinq heures.»
Encadré 1
À propos de l’étude
Dans une démarche qualitative exploratoire, nous avons étudié 18 plateformes de financement participatif
françaises : 2 plateformes généralistes dédiées à toutes les industries, 3 plateformes dédiées aux industries
culturelles et créatives dans leur ensemble et 13 autres plateformes spécialisées dans un seul secteur d’activité.
Ces plateformes comptent parmi les plus anciennes ou les plus robustes. Cette étude a été complétée par l’analyse
de quatre projets à partir de sources secondaires et primaires. Nous avons ainsi mené quatre entretiens semi-
directifs de septembre 2012 à janvier 2013 avec chacun des porteurs de projets et procédé à une analyse du contenu
thématique de ces entretiens. Enfin, une revue de la documentation internationale a enrichi notre démarche.
Encadré 2
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
56
Le modèle basé sur le don. Ce modèle est utilisé pour
financer des causes dans des domaines aussi variés que le
sport, la culture ou l’humanitaire. Sur les plateformes valo-
risant ce modèle, les internautes trouveront les projets de
nombreuses associations qu’ils peuvent décider de soutenir
par le versement d’un don. La plateforme peut prendre la
forme juridique d’une fondation (Razoo) ou être un site fai-
sant l’intermédiaire entre les internautes et les associations
(Easycoz, Crowdrise et Mailforgood).
Les plateformes proposent aux internautes de faire un don
le plus souvent au moyen d’un paiement par carte bancaire.
La plateforme Mailforgood suggère également aux inter-
nautes de faire un «don minute» en regardant une vidéo
publicitaire, ce qui permet de reverser quelques centimes
pour une association.
Afin d’être viables économiquement, certaines plateformes
incitent les donateurs à leur verser un «pourboire» pour le
service fourni, à l’instar de Mailforgood, qui indique ceci sur
son site : «L’intégralité de votre don est reversée à l’association,
Mailforgood ne prend pas de commission. Pour continuer
à faire vivre le site, vous pouvez nous laisser un pourboire
du montant de votre choix.» Afin de compléter ces revenus
issus des pourboires, Mailforgood conserve également 30%
des revenus publicitaires générés lors du visionnement des
publicités.
Les plateformes qui fonctionnent selon ce modèle délivrent
aux donateurs un reçu qui atteste de leur don, ce qui peut,
sous certaines conditions, leur faire bénéficier d’une réduc-
tion fiscale.
Les quatre modèles de financement participatif
Récompense matérielle
ou intangible
Participation aux bénéfices
Préachat
Modèles du
financement
participatif
Contrepartie
Investissement
Prêt
Microcrédit
Prêt entre particuliers
Club
Holding
Don
Schéma 1
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
57
Le modèle basé sur la contrepartie. Dans ce modèle, les
internautes versent une contribution pour soutenir un projet
présenté sur une plateforme en échange d’une contrepar-
tie préalablement définie. Cette contrepartie peut prendre
diverses formes allant de la simple récompense à une partici-
pation aux bénéfices. On distingue trois catégories de contre-
parties. Dans la première catégorie, les individus sollicités
effectuent des versements dans l’attente d’une récompense
matérielle ou intangible (remerciements, invitations, T-shirts,
etc.). Dans la deuxième catégorie, les contributeurs attendent
comme contrepartie un exemplaire du produit qu’ils ont
permis de financer; le financement participatif prend alors
la forme d’un préachat. Enfin, dans la troisième catégorie, il
y a une participation aux bénéfices; devenus coproducteurs
ou coéditeurs, les individus espèrent un retour financier.
Les plateformes qui fonctionnent selon le modèle basé
sur la contrepartie peuvent adopter l’une ou l’autre de ces
trois catégories, voire les combiner, à l’instar de My Major
Company (voir l’encadré 3).
Le modèle basé sur l’investissement. Les plateformes qui
adoptent ce modèle proposent aux internautes de financer des
projets présélectionnés par un comité d’experts et de devenir
des actionnaires de la société qui sollicite des fonds. Cette
société peut être existante ou en cours de création. Ce modèle
recouvre deux pratiques : le modèle du club et le modèle du
holding. Le modèle du club suppose le recrutement par les
plateformes de personnes fortunées susceptibles d’investir
dans des projets; il s’agit de créer un club fermé. Quant au
modèle du holding, il implique la création par la plateforme
d’un holding de financement. Il s’agit alors de collecter des
fonds auprès des individus et de les rassembler au cœur du
holding qui les réinvestit dans des projets porteurs.
Le modèle basé sur le prêt. En échange de leur apport, les
soutiens attendent un remboursement à une échéance conve-
nue avec ou sans le versement d’intérêts. À titre d’exemple,
la plateforme Prêt d’Union rémunère les prêts accordés,
tandis que la plateforme Hellomerci ne verse aucun intérêt
et ne rembourse que le capital. Ce modèle se rapproche de la
microfinance, à savoir le microcrédit qui passe par l’intermé-
diaire d’un établissement bancaire, ou le financement peer-
to-peer qui met en relation directe des individus en quête de
financement et des prêteurs.
En référence aux données fournies par le site
crowdfunding.cmf-fmc.ca, il est intéressant d’observer que
les modèles basés sur le don ou sur la contrepartie demeu-
raient à fin de 2012 les modèles de financement participatif
les plus actifs à l’échelle mondiale, représentant près de 52%
de tous les fonds récoltés en 2012 et environ 77% de toutes les
campagnes de financement réussies. Vient ensuite le modèle
basé sur le prêt avec environ 44% de tous les fonds amassés et
22% de toutes les campagnes réussies. Enfin, le modèle basé
sur l’investissement demeure assez marginal, représentant
4,5% de tous les fonds amassés à l’échelle mondiale en 2012
et moins de 1% de toutes les campagnes réussies au cours
de la même année.
La croissance plus lente du modèle basé sur les fonds
propres est en grande partie attribuable à la persistance d’exi-
gences réglementaires sévères qui ne permettent pas de récolter
facilement des fonds par l’intermédiaire de plateformes.
Le processus de collecte de fonds
par le porteur de projet
À l’appui du guide du financement participatif de Dehorter
(2012) et de nos observations, nous mettons en évidence le
processus de collecte de fonds (voir le schéma 2).
Un projet est déposé par son porteur. La plateforme sélec-
tionne ou non le projet; cette sélection peut prendre la forme
d’un comité d’experts dédiés ou d’un nombre minimal exigé
d’internautes soutenant le projet. Les internautes sont alors
invités à miser sur le projet en échange d’une contrepartie
définie à l’avance par le porteur de projet avec l’aide de la
plateforme. Les contreparties évoluent en fonction de la
Les catégories de contreparties :
une illustration au moyen de projets portés par My Major Company
Récompenses Participation aux bénéfices
Parmi les récompenses proposées pour le financement du
projet Sentez bon du Slip, la marque Le Slip Français offrait
un porte-clés en contrepartie d’un versement de 5 euros et
proposait pour 1 000 euros que l’internaute devienne l’égérie
de la marque.
Pour le financement de certains albums, la plateforme précise :
«Votre contribution vous donne droit à un retour financier, en
pourcentage des futurs revenus générés par l’exploitation
commerciale de l’album, au prorata du montant de votre
contribution.»
Préachat
Les internautes finançant à hauteur de 20 euros le roman intitulé Au début des années 1980 pouvaient recevoir un exemplaire
dédicacé par l’auteur après la sortie du livre.
Encadré 3
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
58
contribution financière. La collecte dure un temps préalable-
ment fixé (le plus souvent trois mois). Pendant cette période,
les contributions s’accumulent. Les paiements sont la plupart
du temps effectués par carte bancaire ou par Paypal, plus
rarement par chèque. Les contributions sont stockées sur un
compte ad hoc ouvert au nom de la plateforme auprès d’un
teneur de compte. Quand la collecte est réussie, le montant
de la collecte est directement versé sur le compte bancaire du
créateur (sont déduits la commission versée à la plateforme
ainsi que les frais de transactions bancaires). Le total des
commissions prélevées s’élève entre 5 à 10% des montants
collectés4
.
Si la collecte est réussie, la plateforme s’engage à faire
le virement de la collecte quelques jours ouvrés après son
dénouement. La plupart des collectes sont régies selon la
règle du «tout ou rien» : les sommes ne sont collectées que si
l’objectif fixé par le porteur de projet est atteint ou dépassé.
Dans d’autres cas, les collectes peuvent être régies selon la
règle du «tout est pris», d’après laquelle les sommes collectées
sont conservées même lorsque l’objectif n’a pas été atteint.
Certaines plateformes proposent au porteur de projet de
choisir entre l’une ou l’autre de ces deux règles : c’est le cas
notamment des plateformes canadiennes ProjetsQC, Crowd
Fund Choice et Fundo.
Les données fournies par des plateformes telles que
Kickstarter, Ulule ou Hellomerci tendent à montrer que
50% des projets réussissent leur collecte. Le taux de réussite
est de plus en plus élevé à mesure que les projets accumulent
les contributions. Ainsi, Kickstarter annonce que 70% des
projets dépassant 40% de leur objectif réussissent leur collecte
contre 90% pour les projets dépassant 50% de leur objectif.
La diversité des porteurs de projets
Les plateformes de financement participatif s’adressent à
un large spectre de porteurs de projets qu’on peut segmenter
selon cinq critères5
. Le premier critère est inhérent au domaine
d’activité auquel se rattache le projet : créatif, culturel, solidaire,
Processus de collecte de fonds
Soumission du projet
à la plateforme
Processus de
sélection du projet
Investissement des
internautes dans le projet
jusqu'au terme de la
période de collecte
«Tout est pris» :
les sommes sont
conservées même
lorsque l'objectif
n'a pas été atteint
«Tout ou rien» :
les sommes ne sont
collectées que si l'objectif
fixé par le porteur de projet
est atteint ou dépassé
Schéma 2
Quelques plateformes au Canada
Haricot.ca. Créée en 2011, cette plateforme accompagne le financement de projets créatifs et caritatifs.
Fundo.ca. Créée en 2012, cette plateforme a pour objectif d’aider les entrepreneurs et les artistes à obtenir du
financement facilement et rapidement par des moyens innovateurs.
Laruchequebec.com. Créée en 2013, La Ruche se présente comme une plateforme propre à la ville de Québec
et à sa région. Développée par le mouvement Ça bouge!, elle vise à dynamiser l’économie locale et à valoriser
l’initiative individuelle et l’engagement citoyen.
Ecloid.com. Créée en 2013, cette plateforme a pour mission d’appuyer la créativité et de développer les habiletés
entrepreneuriales des jeunes adultes du Québec et d’ailleurs.
Encadré 4
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
59
entrepreneurial, sportif, etc. Le deuxième critère interroge le
but marchand ou non du projet. La question de l’existence d’une
personne morale est posée dans le troisième critère. Quant
au quatrième critère, il met en relief le niveau d’avancement
du projet. À ce propos, on distingue les projets ex ante, qui
sollicitent des financements pour un produit ou un service qui
n’a pas encore vu le jour, et les projets ex post, qui soutiennent
des actions existantes6
. Enfin, le cinquième critère est inhérent
à la nationalité du projet. En effet, certaines plateformes sont
réservées aux ressortissants de leurs pays, d’autres, comme
Ulule, disposent d’un système de paiement, à savoir PayPal, leur
permettant de toucher 180 pays. Kickstarter, réservé initiale-
ment aux ressortissants des États-Unis, a créé une plateforme
dédiée à la Grande-Bretagne en octobre 2012 et annonce sur le
site www.kickstarter.com/canada la création prochaine d’une
plateforme dédiée au Canada. Cette plateforme s’ajoutera
aux 21 plateformes de financement participatif présentes et
répertoriées en date du 8 juillet 2013 par le Fonds des médias
du Canada sur son site dédié au financement participatif7
.
L’encadré 4 met l’accent sur quatre plateformes.
Après avoir décrit le fonctionnement des plateformes de
financement participatif, nous évoquerons les atouts, les
limites et les risques que comporte un tel mode de finance-
ment. Nous consacrerons nos propos au modèle basé sur la
contrepartie parce qu’il concerne plus des trois quarts des
campagnes réussies et qu’il est le plus utilisé dans le domaine
du financement de projets à contenu créatif8
.
Les atouts
du financement participatif
En plus de permettre de récolter des fonds, le financement
participatif présente de nombreux atouts (voir le schéma 3).
Tester l’intérêt du projet et se nourrir
de l’énergie cinétique de la foule
Le financement participatif permet aux porteurs de pro-
jets de s’en remettre directement à la foule afin d’évaluer la
pertinence de leurs projets : «Écouteriez-vous cette musique?
Achèteriez-vous ce livre? Si oui, investissez dans le projet.»
Atouts du financement participatif
Les atouts
du financement
participatif
Tester l'intérêt du projet
et se nourrir de l'énergie
cinétique de la foule
Le financement participatif permet
d'évaluer le potentiel d'un projet.
Il s'agit également de bénéficier
d'une énergie générant un
optimisme partagé.
Obtenir des suggestions
de la foule pour améliorer
le projet
Le financement participatif permet
de bénéficier de la sagesse et
de la créativité de la foule, véritable
force de proposition pour l'évolution
des projets.
Se faire connaître
et renforcer son capital social
auprès de la foule
Le financement participatif
peut être considéré comme un outil
de médiatisation
et de partage en réseau
S'extraire des circuits de financement
de distribution traditionnels…
pour parfois mieux y revenir
Le financement participatif
offre une solution originale
de financement mais aussi
de distribution des produits,
ouvrant potentiellement
ex post la porte
des circuits classiques
S'extraire des circuits de financement
de distribution traditionnels…
pour parfois mieux y revenir
Le financement participatif
offre une solution originale
de financement mais aussi
de distribution des produits,
ouvrant potentiellement
ex post la porte
des circuits classiques
Schéma 3
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
60
Selon les porteurs de projets que nous avons interviewés,
le recours à une plateforme de financement participatif est
considéré comme un moyen de tester l’intérêt du public pour
leur projet. Ils soulignent également le caractère ludique et
stimulant de ce type de financement. En effet, chacun des
porteurs de projets fixe au préalable un objectif financier.
Dès lors, franchir la «ligne blanche» s’avère crucial pour
chacun : leur goût du défi, combiné avec l’énergie cinétique
de la communauté de contributeurs, participe à la réussite
de la collecte.
Obtenir des suggestions de la foule
pour améliorer le projet
La foule a un potentiel de connaissances et d’idées pouvant
être mis au crédit du projet. En effet, les plateformes offrent aux
contributeurs un espace d’interaction où ils peuvent partager
leurs suggestions. Le porteur de projet peut aussi choisir de
solliciter directement l’avis des internautes afin d’être éclairé
sur ses choix. Le financement participatif s’inscrit dans une
logique selon laquelle la sagesse, la créativité, le vote ainsi
que la participation directe du public à un projet peuvent être
sollicités. En ce sens, il correspond à la définition et à la mise
en œuvre de la stratégie de l’organisation qui porte le projet.
Se faire connaître et renforcer son capital
social auprès de la foule
La collecte de fonds auprès des internautes s’assimile
à un processus d’accumulation qui peut être décomposé
en trois étapes9
. Chacune de ces étapes fait intervenir des
catégories différentes de contributeurs. Le créateur mobilise
tout d’abord son cercle immédiat composé de sa famille, de
ses amis et de ses «fans», autrement dit son capital social
initial. Les réseaux relationnels de ce premier cercle, s’ils
sont convaincus de l’intérêt du projet, forment la deuxième
catégorie de contributeurs. Enfin, des inconnus constituent
la troisième catégorie.
S’extraire des circuits de financement
et de distribution traditionnels…
pour parfois mieux y revenir
Les artistes sont souvent à la merci des labels de musique
ou des studios cinématographiques qui décident des projets
méritant un investissement financier10
. Ce système serait non
seulement antidémocratique, mais aussi inefficace. Le recours
aux plateformes de financement participatif permettrait alors
aux créateurs de se libérer de l’emprise des grands labels et
de déployer en conséquence leur créativité.
Les plateformes permettent également de s’extraire du
circuit de distribution habituel en offrant aux créateurs la
possibilité de mettre en vente leurs créations en ligne. Cette
formule est intéressante à trois égards. Tout d’abord, elle
permet d’accéder à un circuit de distribution, ce qui n’est
pas toujours aisé. Ensuite, elle répond à la volonté de certains
créateurs de ne pas succomber au diktat des circuits classiques.
Enfin, elle permet de passer par un circuit court où la marge
du créateur est souvent plus confortable, ce qui s’avère plus
avantageux financièrement.
En fin de compte, en faisant la preuve que le projet a pu
attirer de nombreux investisseurs, le porteur de projet gagne
en crédibilité auprès de financiers traditionnels. Si ces der-
niers ne souhaitaient pas le financer au début de son pro-
jet, ils accepteront plus volontiers de l’accompagner dans le
financement de sa croissance. A contrario, en cas d’échec de
sa campagne de financement participatif, le créateur peut
craindre que son image ne soit détériorée.
Les limites et les risques
du financement participatif
Si le financement participatif apparaît comme un modèle
possédant de nombreux atouts, notre recherche met également
en lumière plusieurs inconvénients susceptibles d’en freiner
le développement (voir le schéma 4).
La méconnaissance du financement
participatif et la méfiance envers celui-ci
Le financement participatif est encore jeune et de nom-
breux créateurs méconnaissent les ressorts de son fonctionne-
ment. Parallèlement, beaucoup de soutiens potentiels ignorent
l’existence des plateformes ou encore la façon d’y apporter
leur soutien. Un de nos interlocuteurs nous a expliqué que
le seul fait de payer en ligne avait pu susciter l’appréhension
d’une partie de sa cible.
L’éducation et la formation jouent un rôle central dans la
mise en œuvre du financement participatif11
. Il semble ainsi
indispensable de fournir aux entrepreneurs des informations
sur la manière de réussir une campagne. Les contributeurs
aussi doivent bénéficier d’un meilleur éclairage sur les enjeux
de leur investissement dans un projet. C’est dans cet esprit
que le Fonds des médias du Canada a créé en 2013 un site
dédié au financement participatif. Ce site se présente comme
«une ressource en ligne explorant le potentiel du financement
participatif dans les industries de production et distribu-
tion de contenu média12
». Dans la même veine, en France,
l’Autorité des Marchés Financiers a publié en 2013 un guide
du financement participatif destiné aux plateformes et aux
porteurs de projets.
Le risque de fraude
Le risque de fraude compte sans doute parmi les questions
les plus épineuses du financement participatif. Ainsi, les
soutiens peuvent redouter d’investir dans ce qui pourrait se
révéler une escroquerie. Le financement participatif augmente
le risque de fraude parce que les contributeurs ne bénéficient
pas toujours de contacts personnels avec le porteur de projet13
.
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
61
En outre, leur connaissance du projet se limite à ce que le
porteur de projet a bien voulu communiquer sur la plateforme.
S’ils demeurent l’exception, les exemples d’arnaques dans
le financement participatif ternissent l’image des plateformes
qui les accueillent. En juin 2013, par exemple, c’est grâce à la
sagacité d’un groupe réalisant un reportage sur Kickstarter
qu’une fraude a pu être écartée. En effet, un faux projet,
nommé Kobe Red, a failli récolter les 120 000$ confiés par
3 252 donateurs.
Dès lors, la prévention et la détection des fraudes sont d’une
importance capitale pour le maintien, l’intégrité et le dévelop-
pement de l’industrie du financement participatif. Deux prin-
cipaux leviers permettent de détecter et de déjouer la fraude14
:
• L’utilisation des médias sociaux : les soutiens potentiels
peuvent y mener des recherches sur les entrepreneurs et
leurs projets avant de décider d’investir.
• La mise en place par les plateformes de mécanismes de
détection : ces mécanismes constituent, dans un environ-
nement concurrentiel, un moyen de se démarquer.
Les besoins en temps, en argent,
en compétences et en accompagnement
Gérer une campagne de financement participatif nécessite
un investissement majeur de la part du porteur de projet.
L’élaboration du plan de communication, les interactions avec
les soutiens, la mise à jour des informations sur les projets,
etc., sont autant d’actions coûteuses en temps et en argent.
En fonction des sommes demandées puis récoltées, certains
porteurs de projets s’interrogent légitimement sur le rapport
coût-bénéfice de leur démarche.
A fortiori, beaucoup de porteurs de projets ne disposent
pas des compétences requises pour conduire une campagne
de financement participatif et sont contraints de faire appel
à des ressources complémentaires pouvant s’avérer dispen-
dieuses. L’un des porteurs de projets interviewés explique qu’il
a sollicité les services d’une chargée de communication pour
mener à bien sa campagne. Par ailleurs, plusieurs porteurs
de projets déplorent un accompagnement limité de leurs
interlocuteurs sur les plateformes.
Limites et risques du financement participatif
Les limites
et les risques
du financement
participatif
La méconnaissance
et la méfiance
Phénomène nouveau,
les ressorts du financement
participatif sont méconnus
des porteurs de projets
mais également de leurs
soutiens potentiels.
Ces derniers présentent
alors des signes de méfiance.
Le risque de fraude
Arnaques et promesses
non tenues sont venues
entacher l’image du financement
participatif. Les déficiences
de quelques projets concourent
alors à une forme d’aversion
de la foule pour le financement
participatif.
Les besoins en temps, en argent,
en compétences et en accompagnement
Participer à une campagne
de financement participatif
est une véritable course de fond
nécessitant du temps,
de l’énergie et une somme
de ressources dont
les porteurs de projets
n’ont pas toujours
conscience
a priori.
Le risque de plagiat
La question des droits de propriété
est épineuse en matière
de financement participatif.
Présenter un projet qui en est
à ses balbutiements expose
son porteur au risque
de plagiat.
Le risque de plagiat
La question des droits de propriété
est épineuse en matière
de financement participatif.
Présenter un projet qui en est
à ses balbutiements expose
son porteur au risque
de plagiat.
Schéma 4
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
62
Le risque de plagiat du projet
Les plateformes de financement participatif soulèvent des
questions en termes de gestion des droits de propriété intel-
lectuelle. Il s’agit de protéger les droits des créateurs avant la
production officielle de leurs créations, mais aussi de veiller
à ce que les projets présentés sur la plateforme n’enfreignent
pas eux-mêmes les règles élémentaires de la propriété intellec-
tuelle. Ainsi, l’un des pionniers de l’impression 3D, l’entreprise
américaine 3D Systems, a décidé de poursuivre pour violation
de brevet l’entreprise en démarrage (start-up) Formlabs, qui
a sollicité un financement sur la plateforme Kickstarter15
.
La plainte allègue que Formlabs aurait porté atteinte à un
brevet d’impression détenu par 3D Systems. En octobre
2012, 2 068 internautes avaient réussi à réunir 2,9 millions
de dollars. Kickstarter prélevant 5% des montants récoltés,
3D Systems a considéré que la plateforme était complice de
la violation supposée de brevet et a donc également porté
plainte contre celle-ci.
Comment optimiser
la campagne de financement
participatif?
Dans cette partie, nous adressons aux porteurs de projets
des recommandations susceptibles d’optimiser leur campagne
de financement.
Bien choisir la plateforme de financement
participatif
Le porteur de projet doit choisir entre une plateforme géné-
raliste et une plateforme spécialisée et tenir compte de la visibi-
lité de la plateforme sur le marché qu’il cible, et ce, en cohérence
avec le positionnement de son projet. Certaines plateformes
sont en effet relativement confidentielles mais appropriées
à un public très ciblé. Citons à cet égard My Witty Games,
pour le marché des jeux de société en France, ou Offbeatr, une
plateforme américaine réservée aux projets liés aux questions
de sexualité. D’autres plateformes cherchent quant à elles à se
différencier en mettant au point des initiatives qui peuvent être
de nature à accueillir un projet (voir l’encadré 5).
Il est également recommandé au porteur de projet d’être
attentif au niveau de l’accompagnement proposé par la pla-
teforme et de comparer le pourcentage prélevé par chacune
des plateformes sur les sommes collectées.
Savoir présenter le projet et l’utilisation
des fonds recueillis
S’inspirer des campagnes gagnantes. Il est opportun de
réaliser un étalonnage (benchmarking) des projets soumis
sur les différentes plateformes. Il est le plus souvent possible
de consulter les projets finalisés, ce qui permet d’y puiser de
nombreuses bonnes idées. Cela permet aussi au porteur de
projet de réaliser un étalonnage afin de fixer ses prétentions
quant au montant qu’il sera en mesure de collecter. La déli-
mitation de ce seuil est cruciale. Le montant devra être fixé
en prenant en considération la nature du projet, les besoins,
l’auditoire de la plateforme ou la communauté qui est sus-
ceptible d’y apporter son soutien. Par ailleurs, il serait plus
opportun de commencer et de conclure une campagne de
financement participatif le week-end, le public cible étant à
ce moment plus à même d’encourager le projet.
Soigner la présentation du projet. Les plateformes de
financement participatif offrent un espace privilégié pour
présenter un projet. La première impression de l’éventuel
contributeur est déterminante. Pour retenir son attention, il
faut soigner les moindres détails. Qui plus est, il ne faut pas
hésiter à s’appuyer sur de nombreux supports audio, photo,
vidéo. Si l’exposé du projet est important, il ne faut pas pour
autant négliger la présentation du porteur de projet. En effet,
au-delà du produit, les soutiens souhaitent connaître le porteur
de projet. Paradoxalement, beaucoup de porteurs de projets
refusent de figurer dans la vidéo de présentation du projet;
cette décision est la plupart du temps contre-productive16
. En
effet, les soutiens ont à cœur de connaître le porteur de projet,
y compris ses imperfections. Pour une campagne gagnante,
celui-ci doit donc montrer ses yeux et sa passion. Il convient
aussi d’apporter des informations sur la façon dont seront
utilisées les sommes recueillies.
Les plateformes de financement participatif offrent un espace privilégié pour présenter
un projet. La première impression de l’éventuel contributeur est déterminante. Pour
retenir son attention, il faut soigner les moindres détails. Qui plus est, il ne faut pas
hésiter à s’appuyer sur de nombreux supports audio, photo, vidéo.
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
63
Construire une échelle de contreparties
cohérente et séduisante
Dans la construction de l’échelle de contreparties, il faut
respecter la «règle des trois niveaux de paliers». Ainsi, un
premier niveau permet à tout le monde de participer au finan-
cement sans pour autant accéder à la contrepartie principale.
Cela implique que des contributions financières minimes
seront les bienvenues. En échange de celles-ci, les seuls remer-
ciements et quelques produits dérivés pourront suffire au
besoin de reconnaissance des contributeurs. Le projet Québec
aime pizzeria Gemini présenté sur Indiegogo, ayant pour
objectif de sauver cette pizzeria, proposait aux contributeurs
«quatre gros becs» du porteur de projet en échange de 20$.
Dans un deuxième niveau, la contrepartie principale (le fruit
de l’activité créative du porteur de projet : bande dessinée,
place de spectacle, etc.) est proposée. C’est dans ce contexte
que la pizzeria Gemini offrait des pizzas à partir d’un soutien
de 50$. Enfin, dans un troisième niveau, une part de rêve est
offerte. Pour le financement d’un album, par exemple, il n’est
pas rare que l’artiste propose un concert privé pour le palier
le plus élevé. Il est aussi préférable de multiplier les paliers
à l’intérieur de chaque niveau en offrant une contrepartie
supplémentaire au franchissement de chaque palier, ce qui
poussera les contributeurs à franchir le palier supérieur.
Par ailleurs, il faut que le contributeur ait la sensation de
bénéficier de privilèges. Dès lors, des éditions limitées et la
distribution en avant-première comptent parmi les éléments
susceptibles de le séduire.
Le cas du financement du projet Culture Lego en avril
2012 sur la plateforme Ulule illustre ces propos (voir le
schéma 5). L’objectif du projet était de présenter une édition
française du livre The Cult of Lego qui compte parmi les
best-sellers aux États-Unis depuis sa sortie en 2011. Grâce
à Ulule, le porteur de projet souhaitait offrir à tous les fans
de la marque Lego une édition de luxe de ce livre publiée à
1 000 exemplaires.
Vivre et accompagner avec efficacité
la campagne de financement
Mener une campagne de financement participatif, c’est
échanger des idées avec une communauté de soutiens en
construction. Les membres de cette communauté sont en
quête de reconnaissance et cherchent sur la plateforme à
assouvir des besoins d’expression et de partage, de divertis-
sement, d’expérience ou de défi17
. Il est donc important que le
porteur de projet tienne régulièrement les soutiens informés
de l’évolution de son projet. Certains indécis sont en quête
du moindre signal que le porteur de projet pourra émettre.
Il est alors conseillé de mettre à jour les données relatives
au projet et de veiller à répondre aux commentaires et aux
questions transmis sur la plateforme.
Maintenir des liens de confiance
et de reconnaissance constants
avec les contributeurs
La confiance est essentielle au succès d’une campagne sur
un site de financement participatif. Or, nous avons souligné
précédemment que ce mécanisme de financement suscite de la
méfiance de la part des contributeurs. Cette méfiance peut se
dissiper lorsque le porteur de projet respecte ses engagements.
Pour ce faire, il doit remercier les contributeurs, envoyer les
contreparties dans les délais impartis et garder le contact
avec la communauté qui s’est nouée autour de son projet.
Au terme de cette recherche, nous constatons que le
financement participatif s’appuie en grande partie sur des
techniques traditionnelles de financement en fournissant
en plus une plateforme électronique. Ainsi, à l’instar d’une
campagne de financement classique, il est important, dans
le cas du financement participatif, que le porteur de projet
s’assure que son entourage immédiat, c’est-à-dire son premier
cercle soit fortement engagé et sensibilisé, avant de solliciter
sur la plateforme un public plus large constitué des deux
autres cercles.
Des plateformes qui cherchent à se différencier
Afficher et cultiver leur culture d’indépendance. La plateforme Bibliocratie, dédiée à l’édition à compte de
lecteurs, se revendique comme un espace «sans intermédiaire financier ni créatif entre le texte et le livre, entre
l’auteur et le lecteur, sans mise sous tutelle de la création par la finance».
Favoriser la création en développant le marché local. Les projets et les idées présentés sur La Ruche contribuent
au rayonnement et à la vitalité de la ville de Québec. La plateforme entend faire de la proximité l’un de ses moteurs.
Offrir aux créateurs la possibilité de vendre leurs produits en ligne. Plusieurs plateformes enrichissent leur offre
en permettant la vente en ligne des produits financés par leur intermédiaire. C’est le cas de LightbyU, spécialisée
dans les lampes design.
Accompagner les créateurs. Certains sites, comme Microcultures, accompagnent jusqu’au bout les artistes qu’ils
ont choisis en plaçant leurs ressources à leur service. Cela libère les créateurs d’activités chronophages, leur
permettant alors de se consacrer pleinement à leur art.
Renforcer l’accessibilité de la plateforme aux contributeurs. Quelques plateformes parmi lesquelles Kikstarter
ont lancé une application sur un appareil mobile.
Encadré 5
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
64
Conclusion
Dans un environnement où les acteurs financiers tradition-
nels sont de plus en plus frileux, le financement participatif
apparaît pour les porteurs de projets comme une solution
comportant des atouts incontestables. Notre recherche a per-
mis de souligner que, par-delà une quête purement financière,
le recours au financement participatif permet de bénéficier
de la sagesse de la foule, encouragée par un élan altruiste
propre à l’économie collaborative18
. Or, cet élan altruiste est
parfois contrarié par le fait que des plateformes sont soumises
au feu des critiques et suscitent alors la méfiance. Ce constat
doit les conduire à faire montre de professionnalisme dans
l’accompagnement des porteurs de projets et à tendre vers un
mode de gestion éthique qui vise à rassurer les internautes
contributeurs en leur fournissant de manière claire, attrayante
et pédagogique l’ensemble des informations utiles tant sur le
projet et son porteur que sur la plateforme elle-même. Il est par
ailleurs essentiel que les plateformes prennent des initiatives
permettant de générer de la valeur pour leurs usagers. C’est
à cette seule condition qu’elles pourront dépasser le stade de
simples espaces de communication fonctionnelle se limitant
au rôle d’interface qui héberge des projets pour devenir de
véritables espaces structurant les relations entre les commu-
nautés de soutiens. Dans cette perspective, plusieurs axes de
différenciation peuvent permettre aux plateformes de tirer
leur épingle du jeu; parmi ceux-ci, les initiatives favorisant
la création d’un lien de proximité semblent particulièrement
porteuses. Elles constituent une belle occasion de générer
partage, entraide et empathie au bénéfice de l’économie locale.
Échelle de contreparties du projet Culture Lego
• Pour 5 € ou plus : Nous vous remercions de tout coeur
+ Votre nom sera crédité dans les remerciements
de l'édition de luxe.
• Pour 10 € ou plus : Vous recevrez le marque-page Culture Lego
(par lettre) + Vous recevrez le porte-clés Lego Space man
(par lettre) + Contreparties précédentes.
Premier niveau
Remerciements et
produits dérivés
en lien avec
le projet créatif
• Pour 40 € ou plus : Cette formule est valable pour ceux
qui souhaitent retirer leur livre sur place, à l’occasion
du Fana’briques qui aura lieu le 29 juin 2012 à Rosheim
(stand Muttpop) + Le livre en édition de luxe (39,90 €)
+ Une entrée offerte pour le Fana’briques + Contreparties
à 10 euros.
• Pour 45 € ou plus : Le livre en édition de luxe (39,90 €) + Frais
de port inclus dans la souscription (5,10 € via UPS)
+ Contreparties à 10 euros.
Fruit du projet
créatif et
produits dérivés
Deuxième niveau
Décompte
du nombre
de jours
restant
Somme
récoltée
ou somme
restant
à collecter
• Pour 500 € ou plus : La visite de l'imprimerie lors
de la fabrication de Culture Lego (à San Sebastian)
+ Les billets d'avion ou de train aller-retour jusqu'à Biarritz
(départs de la France uniquement) + La nuit d'hôtel
à San Sebastian ainsi que le dîner du soir
+ Votre trajet hôtel-imprimerie-hôtel et gare-hôtel-gare
(ou aéroport) + Contreparties à 45 € (inclus le livre!).
Contrepartie
à haute valeur,
éventuellement
en série limitée
Troisième niveau
Ce projet ne sera financé que si au
moins 8 000 euros de soutien sont
collectés avant le 19 avril 2012.
Schéma 5
Culture LEGO19
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
65
Notes
1. Les auteurs remercient les rédacteurs en chef ainsi que les
trois évaluateurs anonymes pour leurs précieux conseils et
observations.
2. Kappel (2009), Ordanini et al. (2011), Rubinton (2011),
Belleflamme et al. (2011).
3. Crowdfunding Industry Report (2012), Canada Media Fund
(2012).
4. Collins et Pierrakis (2012).
5. Voir Hemer (2011), Kappel (2009), Gerber (2012).
6. Kappel (2009).
7. Voir http : //crowdfunding.cmf-fmc.ca/fr/.
8. Crowdfunding Industry Report, 2013.
9. Agrawal et al. (2010).
10. Howe (2008).
11. Buysere et al. (2012).
12. http : //crowdfunding.cmf-fmc.ca/fr/
13. Buysere et al. (2012).
14. Buysere et al. (2012).
15. Brabham (2013).
16. Lawton et Marom (2013).
17. Gerber et al. (2012).
18. Rifkin (2012).
19. http://fr.ulule.com/culture-lego/
Références
Agrawal, A., Catalini, C., Goldfarb, A. (2010), Entrepreneurial
Finance and the Flat-world Hypothesis: Evidence from Crowd-
funding Entrepreneurs in the Arts, document de travail n° 10-08,
septembre, NET Institute, www.netinst.org/Agrawal_Catalini_
Goldfarb_10-08.pdf.
Belleflamme, P., Lambert, T., Schwienbacher, A. (2011),
Crowdfunding: Tapping the Right Crowd, Center for Operations
Research and Econometrics.
Brabham, D.C. (2013), Crowdsourcing, The MIT Press Essential
Knowledge Series.
Buysere, K. De, Gajda, O., Kleverlaan, R., Marom, D. (2012), A
Framework for European Crowdfunding,
www.crowdfundingframework.eu.
Canada Media Fund – Fonds des médias du Canada (2012),
Crowdfunding in a Canadian Context: Exploring the Potential of
Crowdfunding in the Creative Content Industries, août.
Collins, L., Pierrakis, Y. (2012), The Venture Crowd Report, Nesta
Publications, juillet.
Crowdfunding Industry Report (2012), mai, www.crowdsourcing.org.
CrowdfundingIndustryReport(2013),www.crowdfunding.cmf-fmc.ca.
Dehorter, N. (2012), Crowdfunding : suivez le guide, Panorama et
Conseils pratiques.
Deloitte (2012), Technology, Media & Telecommunications
Predictions 2011, www.deloitte.com.
Gerber, E.M., Hui, J.S., Kuo, P. (2012), Crowdfunding: Why People
are Motivated to Participate, document de travail, Northwestern
University.
Hemer, J. (2011), «A Snapshot on Crowdfunding», Working Papers
Firms and Region, n°2, Frauhofer ISI.
Howe, J. (2008), Crowdsourcing: Why the Power of the Crowd is
Driving the Future of Business?, Three Rivers Press.
Kappel, T. (2009), «Ex ante crowdfunding and the recording
industry: A model for the U.S.?», Loyola of Los Angeles
Entertainment Law Review, vol. 29, n° 3, p. 375-385.
Lawton, K., Marom, D. (2013), The Crowd-funding Revolution – How
to Raise Venture Capital Using Social Media, McGraw-Hill.
Ordanini, A., Miceli, L., Pizzetti, M., Parasuraman, A. (2011),
«Crowd-funding: Transforming customers into investors
through innovative service platforms», Journal of Service
Management, vol. 22, n° 4, p. 443-470.
Rifkin, J. (2012), La troisième révolution industrielle. Comment le
pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde,
Éditions Les Liens qui libèrent.
Rubinton, B.J. (2011), «Crowdfunding: Disintermediated invest-
ment banking», SSRNeLibrary, avril.
Gestion vol. 38 no
3 | Automne 2013 | revuegestion.ca
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)
©
HEC
Montréal
|
Téléchargé
le
04/10/2023
sur
www.cairn.info
via
CNRST
Rabat
(IP:
196.200.131.44)

Contenu connexe

Similaire à cairn info CF.pdf

Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014
Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014
Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014Valeur et Capital
 
Les plateformes de co-création dans la banque
Les plateformes de co-création dans la banqueLes plateformes de co-création dans la banque
Les plateformes de co-création dans la banqueAMNIS Consulting
 
PlandAffaires_75Factory_2015
PlandAffaires_75Factory_2015PlandAffaires_75Factory_2015
PlandAffaires_75Factory_2015Adrien Long
 
Guide pratique a l'usage des investisseurs et des preteurs
Guide pratique a l'usage des investisseurs et des preteursGuide pratique a l'usage des investisseurs et des preteurs
Guide pratique a l'usage des investisseurs et des preteursNAPF
 
Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...
Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...
Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...Sébastien Bourguignon
 
Sondage think---sde-paris-2015
Sondage think---sde-paris-2015Sondage think---sde-paris-2015
Sondage think---sde-paris-2015NetPME
 
MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...
MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...
MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...MONA
 
Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...
Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...
Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...FinPart
 
Ulule - innovation nouvelle génération
Ulule  - innovation nouvelle générationUlule  - innovation nouvelle génération
Ulule - innovation nouvelle générationBpifrance
 
Premiere reflexions et etat des lieux du crowdfunding
Premiere reflexions et etat des lieux du crowdfundingPremiere reflexions et etat des lieux du crowdfunding
Premiere reflexions et etat des lieux du crowdfundingNAPF
 
Innovation Apéro#7 - Les corporates Ventures
Innovation Apéro#7  - Les corporates Ventures Innovation Apéro#7  - Les corporates Ventures
Innovation Apéro#7 - Les corporates Ventures Charlotte-Amélie Veaux
 
baromètre French Tech 2017
baromètre French Tech 2017baromètre French Tech 2017
baromètre French Tech 2017Gaudefroy Ariane
 
Barometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTech
Barometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTechBarometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTech
Barometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTechRichard Menneveux
 
Flash inno : décembre 2019
Flash inno : décembre 2019Flash inno : décembre 2019
Flash inno : décembre 2019Bpifrance
 
LUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfunding
LUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfundingLUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfunding
LUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfundingLUXEMBOURG CREATIVE
 

Similaire à cairn info CF.pdf (20)

Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014
Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014
Valority Le Mag de vos finances personnelles avril 2014
 
Les plateformes de co-création dans la banque
Les plateformes de co-création dans la banqueLes plateformes de co-création dans la banque
Les plateformes de co-création dans la banque
 
Guide pratique du crowdfunding immobilier
Guide pratique du crowdfunding immobilierGuide pratique du crowdfunding immobilier
Guide pratique du crowdfunding immobilier
 
PlandAffaires_75Factory_2015
PlandAffaires_75Factory_2015PlandAffaires_75Factory_2015
PlandAffaires_75Factory_2015
 
Le crowdfunding
Le crowdfundingLe crowdfunding
Le crowdfunding
 
Guide pratique a l'usage des investisseurs et des preteurs
Guide pratique a l'usage des investisseurs et des preteursGuide pratique a l'usage des investisseurs et des preteurs
Guide pratique a l'usage des investisseurs et des preteurs
 
Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...
Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...
Emmanuelle Leneuf - Extrait Livre Blanc 80 #PortraitDeStartuper - 2015 : sous...
 
Sondage think---sde-paris-2015
Sondage think---sde-paris-2015Sondage think---sde-paris-2015
Sondage think---sde-paris-2015
 
MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...
MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...
MOPA & Guide Like You - Stéphane Millet : plateformes collaboratives de visit...
 
Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...
Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...
Livre blanc - juin 2012 - Finance Participative : Plaidoyer et Propositions p...
 
ROADSHOW IMMOBILIER
ROADSHOW IMMOBILIERROADSHOW IMMOBILIER
ROADSHOW IMMOBILIER
 
Ulule - innovation nouvelle génération
Ulule  - innovation nouvelle générationUlule  - innovation nouvelle génération
Ulule - innovation nouvelle génération
 
Premiere reflexions et etat des lieux du crowdfunding
Premiere reflexions et etat des lieux du crowdfundingPremiere reflexions et etat des lieux du crowdfunding
Premiere reflexions et etat des lieux du crowdfunding
 
Innovation Apéro#7 - Les corporates Ventures
Innovation Apéro#7  - Les corporates Ventures Innovation Apéro#7  - Les corporates Ventures
Innovation Apéro#7 - Les corporates Ventures
 
baromètre French Tech 2017
baromètre French Tech 2017baromètre French Tech 2017
baromètre French Tech 2017
 
Barometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTech
Barometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTechBarometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTech
Barometre sur la collaboration grands groupes et startups. / FrenchTech
 
Crowdfunding
CrowdfundingCrowdfunding
Crowdfunding
 
Flash inno : décembre 2019
Flash inno : décembre 2019Flash inno : décembre 2019
Flash inno : décembre 2019
 
Les partenariats startups assureurs
Les partenariats startups assureursLes partenariats startups assureurs
Les partenariats startups assureurs
 
LUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfunding
LUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfundingLUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfunding
LUXEMBOURG CREATIVE 06/02/2015 : le crowdfunding
 

cairn info CF.pdf

  • 1. Le financement participatif : atouts, risques et conditions de succès Stéphane Onnée, Sophie Renault Dans Gestion 2013/3 (Vol. 38),pages 54 à 65 Éditions HEC Montréal ISSN 0701-0028 DOI 10.3917/riges.383.0054 Distribution électronique Cairn.info pour HEC Montréal. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Article disponible en ligne à l’adresse https://www.cairn.info/revue-gestion-2013-3-page-54.htm Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner... Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info. © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 2. 54 Résumé À l’heure où l’internaute devient de plus en plus actif, le financement participatif connaît une véritable montée en puissance. Face aux atermoiements d’une économie en crise, il permet à des particuliers ou à des organisations de s’appuyer sur le soutien financier de la foule pour concrétiser des projets de toutes natures : jeu vidéo, film, musique, création d’entreprise, etc. S’appuyant sur des cas concrets, cet article des- sine les contours du financement participatif, en décrit les principaux atouts mais aussi les faiblesses. Des recommandations sont également apportées afin d’éclairer les pra- ticiens sur ce mode de financement de projets. Stéphane Onnée est professeur des universités à l’IAE de l’Université d’Orléans et membre du laboratoire VALLOREM, stephane.onnee@univ-orleans.fr. Sophie Renault est maître de conférences à l’IAE de l’Université d’Orléans et membre du laboratoire VALLOREM, sophie.renault@univ-orleans.fr. Le financement participatif : atouts, risques et conditions de succès1 Par Stéphane Onnée et Sophie Renault Dossier : La gestion de la créativité Le financement participatif : atouts, risques et conditions de succès Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 3. 55 Trouver des sources de financement est un problème récur- rent pour les porteurs de projets. Dans un contexte de crise, les banques s’avèrent en effet particulièrement prudentes face au financement des projets en phase d’amorçage. C’est dans ce contexte que sont apparues sur la Toile depuis les années 2000 des plateformes dédiées au financement participatif (crowdfunding). En nous appuyant sur une synthèse de la litté- rature2 , nous proposons la définition suivante du financement participatif : il consiste pour un porteur de projet (quel que soit son statut : particulier, organisation marchande ou non marchande, etc.) à avoir recours aux services d’une plateforme de financement (généraliste ou spécialisée) afin de proposer un projet (finalisé ou non) auprès d’une communauté (large ou ciblée) de contributeurs qualifiés de soutiens (backers) en échange éventuellement de contreparties préalablement définies. L’encadré 1 illustre une campagne de financement réussie sur la plateforme américaine Kickstarter. Le financement participatif est un phénomène en pleine expansion. Début 2013, le site www.crowdsourcing.org dénom- brait 308 plateformes à travers le monde, 95% d’entre elles étant concentrées en Europe et en Amérique du Nord. En 2012, ces plateformes ont permis à plus d’un million de projets d’être financés et de récolter 2 milliards d’euros. Le potentiel de croissance du financement participatif est jugé important, comme l’indique une récente étude du cabinet Deloitte (2012), qui estime à 3 milliards d’euros les fonds qui seront récoltés en 2013 par l’intermédiaire du financement participatif. Parmi les pays leaders en matière de financement participatif, on comptait, début 2012, 7 pays qui disposaient de plus de 10 plateformes, à savoir les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la France, l’Allemagne, l’Espagne et le Canada. En dépit de la popularité croissante du financement par- ticipatif, la littérature universitaire et professionnelle en est à ses balbutiements. Dès lors, plusieurs questions de recherche attirent notre attention et suscitent l’intérêt des praticiens qui observent ce phénomène sans en saisir nécessairement tous les contours : comment fonctionnent les plateformes de financement participatif? Quels sont les avantages, les limites et les risques pour les porteurs de projets? Quelles sont les conditions de succès d’une campagne de financement? Afin de répondre à ces questions, et ainsi de démystifier les enjeux du financement participatif, nous nous basons sur les résultats d’une recherche qualitative (voir l’encadré 2). Tout d’abord, nous décrivons de manière simple ce processus de financement, pour ensuite traiter de ses atouts et de ses limites. Enfin, nous listons les conditions à respecter pour optimiser les retombées d’une campagne de financement participatif. Tout au long de l’article, des exemples réels sont proposés. Le fonctionnement du financement participatif Dans cette partie, nous présentons la diversité des modèles de financement participatif, puis le processus de collecte de fonds et enfin la diversité des porteurs de projets. La diversité des modèles de financement participatif En référence à trois rapports publiés en 2012 par les sites crowdsourcing.org, crowdfundingframework.eu et par le Fonds des médias du Canada3 , nous mettons en évidence le fait que les plateformes de financement participatif se fondent sur quatre modèles de financement : les modèles basés sur le don, sur la contrepartie, sur l’investissement et sur le prêt (voir le schéma 1). Le jeu vidéo Castle Story financé sur la plateforme Kickstarter L’emblématique plateforme Kickstarter contribue au lancement de projets dans des domaines variés. Les projets canadiens et québécois en particulier sont présents sur la plateforme américaine. Sauropod Studio, établi à Montréal depuis 2010, y a ainsi, en juillet 2012, présenté le projet de jeu vidéo Castle Story. Ce projet a connu une réussite foudroyante, parvenant à amasser en moins de cinq heures les 80 000$ escomptés. À la fin de la campagne, en août 2012, le résultat indiquait 702 516$, soit 878% de l’objectif. Sur la plateforme, l’instigateur du projet ne manque pas de remercier les soutiens et de marquer son étonnement, en indiquant dès le premier jour de la campagne de financement : «Nous n’arrivons pas à croire que nous avons réussi notre campagne de financement en moins de cinq heures.» Encadré 1 À propos de l’étude Dans une démarche qualitative exploratoire, nous avons étudié 18 plateformes de financement participatif françaises : 2 plateformes généralistes dédiées à toutes les industries, 3 plateformes dédiées aux industries culturelles et créatives dans leur ensemble et 13 autres plateformes spécialisées dans un seul secteur d’activité. Ces plateformes comptent parmi les plus anciennes ou les plus robustes. Cette étude a été complétée par l’analyse de quatre projets à partir de sources secondaires et primaires. Nous avons ainsi mené quatre entretiens semi- directifs de septembre 2012 à janvier 2013 avec chacun des porteurs de projets et procédé à une analyse du contenu thématique de ces entretiens. Enfin, une revue de la documentation internationale a enrichi notre démarche. Encadré 2 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 4. 56 Le modèle basé sur le don. Ce modèle est utilisé pour financer des causes dans des domaines aussi variés que le sport, la culture ou l’humanitaire. Sur les plateformes valo- risant ce modèle, les internautes trouveront les projets de nombreuses associations qu’ils peuvent décider de soutenir par le versement d’un don. La plateforme peut prendre la forme juridique d’une fondation (Razoo) ou être un site fai- sant l’intermédiaire entre les internautes et les associations (Easycoz, Crowdrise et Mailforgood). Les plateformes proposent aux internautes de faire un don le plus souvent au moyen d’un paiement par carte bancaire. La plateforme Mailforgood suggère également aux inter- nautes de faire un «don minute» en regardant une vidéo publicitaire, ce qui permet de reverser quelques centimes pour une association. Afin d’être viables économiquement, certaines plateformes incitent les donateurs à leur verser un «pourboire» pour le service fourni, à l’instar de Mailforgood, qui indique ceci sur son site : «L’intégralité de votre don est reversée à l’association, Mailforgood ne prend pas de commission. Pour continuer à faire vivre le site, vous pouvez nous laisser un pourboire du montant de votre choix.» Afin de compléter ces revenus issus des pourboires, Mailforgood conserve également 30% des revenus publicitaires générés lors du visionnement des publicités. Les plateformes qui fonctionnent selon ce modèle délivrent aux donateurs un reçu qui atteste de leur don, ce qui peut, sous certaines conditions, leur faire bénéficier d’une réduc- tion fiscale. Les quatre modèles de financement participatif Récompense matérielle ou intangible Participation aux bénéfices Préachat Modèles du financement participatif Contrepartie Investissement Prêt Microcrédit Prêt entre particuliers Club Holding Don Schéma 1 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 5. 57 Le modèle basé sur la contrepartie. Dans ce modèle, les internautes versent une contribution pour soutenir un projet présenté sur une plateforme en échange d’une contrepar- tie préalablement définie. Cette contrepartie peut prendre diverses formes allant de la simple récompense à une partici- pation aux bénéfices. On distingue trois catégories de contre- parties. Dans la première catégorie, les individus sollicités effectuent des versements dans l’attente d’une récompense matérielle ou intangible (remerciements, invitations, T-shirts, etc.). Dans la deuxième catégorie, les contributeurs attendent comme contrepartie un exemplaire du produit qu’ils ont permis de financer; le financement participatif prend alors la forme d’un préachat. Enfin, dans la troisième catégorie, il y a une participation aux bénéfices; devenus coproducteurs ou coéditeurs, les individus espèrent un retour financier. Les plateformes qui fonctionnent selon le modèle basé sur la contrepartie peuvent adopter l’une ou l’autre de ces trois catégories, voire les combiner, à l’instar de My Major Company (voir l’encadré 3). Le modèle basé sur l’investissement. Les plateformes qui adoptent ce modèle proposent aux internautes de financer des projets présélectionnés par un comité d’experts et de devenir des actionnaires de la société qui sollicite des fonds. Cette société peut être existante ou en cours de création. Ce modèle recouvre deux pratiques : le modèle du club et le modèle du holding. Le modèle du club suppose le recrutement par les plateformes de personnes fortunées susceptibles d’investir dans des projets; il s’agit de créer un club fermé. Quant au modèle du holding, il implique la création par la plateforme d’un holding de financement. Il s’agit alors de collecter des fonds auprès des individus et de les rassembler au cœur du holding qui les réinvestit dans des projets porteurs. Le modèle basé sur le prêt. En échange de leur apport, les soutiens attendent un remboursement à une échéance conve- nue avec ou sans le versement d’intérêts. À titre d’exemple, la plateforme Prêt d’Union rémunère les prêts accordés, tandis que la plateforme Hellomerci ne verse aucun intérêt et ne rembourse que le capital. Ce modèle se rapproche de la microfinance, à savoir le microcrédit qui passe par l’intermé- diaire d’un établissement bancaire, ou le financement peer- to-peer qui met en relation directe des individus en quête de financement et des prêteurs. En référence aux données fournies par le site crowdfunding.cmf-fmc.ca, il est intéressant d’observer que les modèles basés sur le don ou sur la contrepartie demeu- raient à fin de 2012 les modèles de financement participatif les plus actifs à l’échelle mondiale, représentant près de 52% de tous les fonds récoltés en 2012 et environ 77% de toutes les campagnes de financement réussies. Vient ensuite le modèle basé sur le prêt avec environ 44% de tous les fonds amassés et 22% de toutes les campagnes réussies. Enfin, le modèle basé sur l’investissement demeure assez marginal, représentant 4,5% de tous les fonds amassés à l’échelle mondiale en 2012 et moins de 1% de toutes les campagnes réussies au cours de la même année. La croissance plus lente du modèle basé sur les fonds propres est en grande partie attribuable à la persistance d’exi- gences réglementaires sévères qui ne permettent pas de récolter facilement des fonds par l’intermédiaire de plateformes. Le processus de collecte de fonds par le porteur de projet À l’appui du guide du financement participatif de Dehorter (2012) et de nos observations, nous mettons en évidence le processus de collecte de fonds (voir le schéma 2). Un projet est déposé par son porteur. La plateforme sélec- tionne ou non le projet; cette sélection peut prendre la forme d’un comité d’experts dédiés ou d’un nombre minimal exigé d’internautes soutenant le projet. Les internautes sont alors invités à miser sur le projet en échange d’une contrepartie définie à l’avance par le porteur de projet avec l’aide de la plateforme. Les contreparties évoluent en fonction de la Les catégories de contreparties : une illustration au moyen de projets portés par My Major Company Récompenses Participation aux bénéfices Parmi les récompenses proposées pour le financement du projet Sentez bon du Slip, la marque Le Slip Français offrait un porte-clés en contrepartie d’un versement de 5 euros et proposait pour 1 000 euros que l’internaute devienne l’égérie de la marque. Pour le financement de certains albums, la plateforme précise : «Votre contribution vous donne droit à un retour financier, en pourcentage des futurs revenus générés par l’exploitation commerciale de l’album, au prorata du montant de votre contribution.» Préachat Les internautes finançant à hauteur de 20 euros le roman intitulé Au début des années 1980 pouvaient recevoir un exemplaire dédicacé par l’auteur après la sortie du livre. Encadré 3 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 6. 58 contribution financière. La collecte dure un temps préalable- ment fixé (le plus souvent trois mois). Pendant cette période, les contributions s’accumulent. Les paiements sont la plupart du temps effectués par carte bancaire ou par Paypal, plus rarement par chèque. Les contributions sont stockées sur un compte ad hoc ouvert au nom de la plateforme auprès d’un teneur de compte. Quand la collecte est réussie, le montant de la collecte est directement versé sur le compte bancaire du créateur (sont déduits la commission versée à la plateforme ainsi que les frais de transactions bancaires). Le total des commissions prélevées s’élève entre 5 à 10% des montants collectés4 . Si la collecte est réussie, la plateforme s’engage à faire le virement de la collecte quelques jours ouvrés après son dénouement. La plupart des collectes sont régies selon la règle du «tout ou rien» : les sommes ne sont collectées que si l’objectif fixé par le porteur de projet est atteint ou dépassé. Dans d’autres cas, les collectes peuvent être régies selon la règle du «tout est pris», d’après laquelle les sommes collectées sont conservées même lorsque l’objectif n’a pas été atteint. Certaines plateformes proposent au porteur de projet de choisir entre l’une ou l’autre de ces deux règles : c’est le cas notamment des plateformes canadiennes ProjetsQC, Crowd Fund Choice et Fundo. Les données fournies par des plateformes telles que Kickstarter, Ulule ou Hellomerci tendent à montrer que 50% des projets réussissent leur collecte. Le taux de réussite est de plus en plus élevé à mesure que les projets accumulent les contributions. Ainsi, Kickstarter annonce que 70% des projets dépassant 40% de leur objectif réussissent leur collecte contre 90% pour les projets dépassant 50% de leur objectif. La diversité des porteurs de projets Les plateformes de financement participatif s’adressent à un large spectre de porteurs de projets qu’on peut segmenter selon cinq critères5 . Le premier critère est inhérent au domaine d’activité auquel se rattache le projet : créatif, culturel, solidaire, Processus de collecte de fonds Soumission du projet à la plateforme Processus de sélection du projet Investissement des internautes dans le projet jusqu'au terme de la période de collecte «Tout est pris» : les sommes sont conservées même lorsque l'objectif n'a pas été atteint «Tout ou rien» : les sommes ne sont collectées que si l'objectif fixé par le porteur de projet est atteint ou dépassé Schéma 2 Quelques plateformes au Canada Haricot.ca. Créée en 2011, cette plateforme accompagne le financement de projets créatifs et caritatifs. Fundo.ca. Créée en 2012, cette plateforme a pour objectif d’aider les entrepreneurs et les artistes à obtenir du financement facilement et rapidement par des moyens innovateurs. Laruchequebec.com. Créée en 2013, La Ruche se présente comme une plateforme propre à la ville de Québec et à sa région. Développée par le mouvement Ça bouge!, elle vise à dynamiser l’économie locale et à valoriser l’initiative individuelle et l’engagement citoyen. Ecloid.com. Créée en 2013, cette plateforme a pour mission d’appuyer la créativité et de développer les habiletés entrepreneuriales des jeunes adultes du Québec et d’ailleurs. Encadré 4 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 7. 59 entrepreneurial, sportif, etc. Le deuxième critère interroge le but marchand ou non du projet. La question de l’existence d’une personne morale est posée dans le troisième critère. Quant au quatrième critère, il met en relief le niveau d’avancement du projet. À ce propos, on distingue les projets ex ante, qui sollicitent des financements pour un produit ou un service qui n’a pas encore vu le jour, et les projets ex post, qui soutiennent des actions existantes6 . Enfin, le cinquième critère est inhérent à la nationalité du projet. En effet, certaines plateformes sont réservées aux ressortissants de leurs pays, d’autres, comme Ulule, disposent d’un système de paiement, à savoir PayPal, leur permettant de toucher 180 pays. Kickstarter, réservé initiale- ment aux ressortissants des États-Unis, a créé une plateforme dédiée à la Grande-Bretagne en octobre 2012 et annonce sur le site www.kickstarter.com/canada la création prochaine d’une plateforme dédiée au Canada. Cette plateforme s’ajoutera aux 21 plateformes de financement participatif présentes et répertoriées en date du 8 juillet 2013 par le Fonds des médias du Canada sur son site dédié au financement participatif7 . L’encadré 4 met l’accent sur quatre plateformes. Après avoir décrit le fonctionnement des plateformes de financement participatif, nous évoquerons les atouts, les limites et les risques que comporte un tel mode de finance- ment. Nous consacrerons nos propos au modèle basé sur la contrepartie parce qu’il concerne plus des trois quarts des campagnes réussies et qu’il est le plus utilisé dans le domaine du financement de projets à contenu créatif8 . Les atouts du financement participatif En plus de permettre de récolter des fonds, le financement participatif présente de nombreux atouts (voir le schéma 3). Tester l’intérêt du projet et se nourrir de l’énergie cinétique de la foule Le financement participatif permet aux porteurs de pro- jets de s’en remettre directement à la foule afin d’évaluer la pertinence de leurs projets : «Écouteriez-vous cette musique? Achèteriez-vous ce livre? Si oui, investissez dans le projet.» Atouts du financement participatif Les atouts du financement participatif Tester l'intérêt du projet et se nourrir de l'énergie cinétique de la foule Le financement participatif permet d'évaluer le potentiel d'un projet. Il s'agit également de bénéficier d'une énergie générant un optimisme partagé. Obtenir des suggestions de la foule pour améliorer le projet Le financement participatif permet de bénéficier de la sagesse et de la créativité de la foule, véritable force de proposition pour l'évolution des projets. Se faire connaître et renforcer son capital social auprès de la foule Le financement participatif peut être considéré comme un outil de médiatisation et de partage en réseau S'extraire des circuits de financement de distribution traditionnels… pour parfois mieux y revenir Le financement participatif offre une solution originale de financement mais aussi de distribution des produits, ouvrant potentiellement ex post la porte des circuits classiques S'extraire des circuits de financement de distribution traditionnels… pour parfois mieux y revenir Le financement participatif offre une solution originale de financement mais aussi de distribution des produits, ouvrant potentiellement ex post la porte des circuits classiques Schéma 3 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 8. 60 Selon les porteurs de projets que nous avons interviewés, le recours à une plateforme de financement participatif est considéré comme un moyen de tester l’intérêt du public pour leur projet. Ils soulignent également le caractère ludique et stimulant de ce type de financement. En effet, chacun des porteurs de projets fixe au préalable un objectif financier. Dès lors, franchir la «ligne blanche» s’avère crucial pour chacun : leur goût du défi, combiné avec l’énergie cinétique de la communauté de contributeurs, participe à la réussite de la collecte. Obtenir des suggestions de la foule pour améliorer le projet La foule a un potentiel de connaissances et d’idées pouvant être mis au crédit du projet. En effet, les plateformes offrent aux contributeurs un espace d’interaction où ils peuvent partager leurs suggestions. Le porteur de projet peut aussi choisir de solliciter directement l’avis des internautes afin d’être éclairé sur ses choix. Le financement participatif s’inscrit dans une logique selon laquelle la sagesse, la créativité, le vote ainsi que la participation directe du public à un projet peuvent être sollicités. En ce sens, il correspond à la définition et à la mise en œuvre de la stratégie de l’organisation qui porte le projet. Se faire connaître et renforcer son capital social auprès de la foule La collecte de fonds auprès des internautes s’assimile à un processus d’accumulation qui peut être décomposé en trois étapes9 . Chacune de ces étapes fait intervenir des catégories différentes de contributeurs. Le créateur mobilise tout d’abord son cercle immédiat composé de sa famille, de ses amis et de ses «fans», autrement dit son capital social initial. Les réseaux relationnels de ce premier cercle, s’ils sont convaincus de l’intérêt du projet, forment la deuxième catégorie de contributeurs. Enfin, des inconnus constituent la troisième catégorie. S’extraire des circuits de financement et de distribution traditionnels… pour parfois mieux y revenir Les artistes sont souvent à la merci des labels de musique ou des studios cinématographiques qui décident des projets méritant un investissement financier10 . Ce système serait non seulement antidémocratique, mais aussi inefficace. Le recours aux plateformes de financement participatif permettrait alors aux créateurs de se libérer de l’emprise des grands labels et de déployer en conséquence leur créativité. Les plateformes permettent également de s’extraire du circuit de distribution habituel en offrant aux créateurs la possibilité de mettre en vente leurs créations en ligne. Cette formule est intéressante à trois égards. Tout d’abord, elle permet d’accéder à un circuit de distribution, ce qui n’est pas toujours aisé. Ensuite, elle répond à la volonté de certains créateurs de ne pas succomber au diktat des circuits classiques. Enfin, elle permet de passer par un circuit court où la marge du créateur est souvent plus confortable, ce qui s’avère plus avantageux financièrement. En fin de compte, en faisant la preuve que le projet a pu attirer de nombreux investisseurs, le porteur de projet gagne en crédibilité auprès de financiers traditionnels. Si ces der- niers ne souhaitaient pas le financer au début de son pro- jet, ils accepteront plus volontiers de l’accompagner dans le financement de sa croissance. A contrario, en cas d’échec de sa campagne de financement participatif, le créateur peut craindre que son image ne soit détériorée. Les limites et les risques du financement participatif Si le financement participatif apparaît comme un modèle possédant de nombreux atouts, notre recherche met également en lumière plusieurs inconvénients susceptibles d’en freiner le développement (voir le schéma 4). La méconnaissance du financement participatif et la méfiance envers celui-ci Le financement participatif est encore jeune et de nom- breux créateurs méconnaissent les ressorts de son fonctionne- ment. Parallèlement, beaucoup de soutiens potentiels ignorent l’existence des plateformes ou encore la façon d’y apporter leur soutien. Un de nos interlocuteurs nous a expliqué que le seul fait de payer en ligne avait pu susciter l’appréhension d’une partie de sa cible. L’éducation et la formation jouent un rôle central dans la mise en œuvre du financement participatif11 . Il semble ainsi indispensable de fournir aux entrepreneurs des informations sur la manière de réussir une campagne. Les contributeurs aussi doivent bénéficier d’un meilleur éclairage sur les enjeux de leur investissement dans un projet. C’est dans cet esprit que le Fonds des médias du Canada a créé en 2013 un site dédié au financement participatif. Ce site se présente comme «une ressource en ligne explorant le potentiel du financement participatif dans les industries de production et distribu- tion de contenu média12 ». Dans la même veine, en France, l’Autorité des Marchés Financiers a publié en 2013 un guide du financement participatif destiné aux plateformes et aux porteurs de projets. Le risque de fraude Le risque de fraude compte sans doute parmi les questions les plus épineuses du financement participatif. Ainsi, les soutiens peuvent redouter d’investir dans ce qui pourrait se révéler une escroquerie. Le financement participatif augmente le risque de fraude parce que les contributeurs ne bénéficient pas toujours de contacts personnels avec le porteur de projet13 . Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 9. 61 En outre, leur connaissance du projet se limite à ce que le porteur de projet a bien voulu communiquer sur la plateforme. S’ils demeurent l’exception, les exemples d’arnaques dans le financement participatif ternissent l’image des plateformes qui les accueillent. En juin 2013, par exemple, c’est grâce à la sagacité d’un groupe réalisant un reportage sur Kickstarter qu’une fraude a pu être écartée. En effet, un faux projet, nommé Kobe Red, a failli récolter les 120 000$ confiés par 3 252 donateurs. Dès lors, la prévention et la détection des fraudes sont d’une importance capitale pour le maintien, l’intégrité et le dévelop- pement de l’industrie du financement participatif. Deux prin- cipaux leviers permettent de détecter et de déjouer la fraude14 : • L’utilisation des médias sociaux : les soutiens potentiels peuvent y mener des recherches sur les entrepreneurs et leurs projets avant de décider d’investir. • La mise en place par les plateformes de mécanismes de détection : ces mécanismes constituent, dans un environ- nement concurrentiel, un moyen de se démarquer. Les besoins en temps, en argent, en compétences et en accompagnement Gérer une campagne de financement participatif nécessite un investissement majeur de la part du porteur de projet. L’élaboration du plan de communication, les interactions avec les soutiens, la mise à jour des informations sur les projets, etc., sont autant d’actions coûteuses en temps et en argent. En fonction des sommes demandées puis récoltées, certains porteurs de projets s’interrogent légitimement sur le rapport coût-bénéfice de leur démarche. A fortiori, beaucoup de porteurs de projets ne disposent pas des compétences requises pour conduire une campagne de financement participatif et sont contraints de faire appel à des ressources complémentaires pouvant s’avérer dispen- dieuses. L’un des porteurs de projets interviewés explique qu’il a sollicité les services d’une chargée de communication pour mener à bien sa campagne. Par ailleurs, plusieurs porteurs de projets déplorent un accompagnement limité de leurs interlocuteurs sur les plateformes. Limites et risques du financement participatif Les limites et les risques du financement participatif La méconnaissance et la méfiance Phénomène nouveau, les ressorts du financement participatif sont méconnus des porteurs de projets mais également de leurs soutiens potentiels. Ces derniers présentent alors des signes de méfiance. Le risque de fraude Arnaques et promesses non tenues sont venues entacher l’image du financement participatif. Les déficiences de quelques projets concourent alors à une forme d’aversion de la foule pour le financement participatif. Les besoins en temps, en argent, en compétences et en accompagnement Participer à une campagne de financement participatif est une véritable course de fond nécessitant du temps, de l’énergie et une somme de ressources dont les porteurs de projets n’ont pas toujours conscience a priori. Le risque de plagiat La question des droits de propriété est épineuse en matière de financement participatif. Présenter un projet qui en est à ses balbutiements expose son porteur au risque de plagiat. Le risque de plagiat La question des droits de propriété est épineuse en matière de financement participatif. Présenter un projet qui en est à ses balbutiements expose son porteur au risque de plagiat. Schéma 4 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 10. 62 Le risque de plagiat du projet Les plateformes de financement participatif soulèvent des questions en termes de gestion des droits de propriété intel- lectuelle. Il s’agit de protéger les droits des créateurs avant la production officielle de leurs créations, mais aussi de veiller à ce que les projets présentés sur la plateforme n’enfreignent pas eux-mêmes les règles élémentaires de la propriété intellec- tuelle. Ainsi, l’un des pionniers de l’impression 3D, l’entreprise américaine 3D Systems, a décidé de poursuivre pour violation de brevet l’entreprise en démarrage (start-up) Formlabs, qui a sollicité un financement sur la plateforme Kickstarter15 . La plainte allègue que Formlabs aurait porté atteinte à un brevet d’impression détenu par 3D Systems. En octobre 2012, 2 068 internautes avaient réussi à réunir 2,9 millions de dollars. Kickstarter prélevant 5% des montants récoltés, 3D Systems a considéré que la plateforme était complice de la violation supposée de brevet et a donc également porté plainte contre celle-ci. Comment optimiser la campagne de financement participatif? Dans cette partie, nous adressons aux porteurs de projets des recommandations susceptibles d’optimiser leur campagne de financement. Bien choisir la plateforme de financement participatif Le porteur de projet doit choisir entre une plateforme géné- raliste et une plateforme spécialisée et tenir compte de la visibi- lité de la plateforme sur le marché qu’il cible, et ce, en cohérence avec le positionnement de son projet. Certaines plateformes sont en effet relativement confidentielles mais appropriées à un public très ciblé. Citons à cet égard My Witty Games, pour le marché des jeux de société en France, ou Offbeatr, une plateforme américaine réservée aux projets liés aux questions de sexualité. D’autres plateformes cherchent quant à elles à se différencier en mettant au point des initiatives qui peuvent être de nature à accueillir un projet (voir l’encadré 5). Il est également recommandé au porteur de projet d’être attentif au niveau de l’accompagnement proposé par la pla- teforme et de comparer le pourcentage prélevé par chacune des plateformes sur les sommes collectées. Savoir présenter le projet et l’utilisation des fonds recueillis S’inspirer des campagnes gagnantes. Il est opportun de réaliser un étalonnage (benchmarking) des projets soumis sur les différentes plateformes. Il est le plus souvent possible de consulter les projets finalisés, ce qui permet d’y puiser de nombreuses bonnes idées. Cela permet aussi au porteur de projet de réaliser un étalonnage afin de fixer ses prétentions quant au montant qu’il sera en mesure de collecter. La déli- mitation de ce seuil est cruciale. Le montant devra être fixé en prenant en considération la nature du projet, les besoins, l’auditoire de la plateforme ou la communauté qui est sus- ceptible d’y apporter son soutien. Par ailleurs, il serait plus opportun de commencer et de conclure une campagne de financement participatif le week-end, le public cible étant à ce moment plus à même d’encourager le projet. Soigner la présentation du projet. Les plateformes de financement participatif offrent un espace privilégié pour présenter un projet. La première impression de l’éventuel contributeur est déterminante. Pour retenir son attention, il faut soigner les moindres détails. Qui plus est, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur de nombreux supports audio, photo, vidéo. Si l’exposé du projet est important, il ne faut pas pour autant négliger la présentation du porteur de projet. En effet, au-delà du produit, les soutiens souhaitent connaître le porteur de projet. Paradoxalement, beaucoup de porteurs de projets refusent de figurer dans la vidéo de présentation du projet; cette décision est la plupart du temps contre-productive16 . En effet, les soutiens ont à cœur de connaître le porteur de projet, y compris ses imperfections. Pour une campagne gagnante, celui-ci doit donc montrer ses yeux et sa passion. Il convient aussi d’apporter des informations sur la façon dont seront utilisées les sommes recueillies. Les plateformes de financement participatif offrent un espace privilégié pour présenter un projet. La première impression de l’éventuel contributeur est déterminante. Pour retenir son attention, il faut soigner les moindres détails. Qui plus est, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur de nombreux supports audio, photo, vidéo. Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 11. 63 Construire une échelle de contreparties cohérente et séduisante Dans la construction de l’échelle de contreparties, il faut respecter la «règle des trois niveaux de paliers». Ainsi, un premier niveau permet à tout le monde de participer au finan- cement sans pour autant accéder à la contrepartie principale. Cela implique que des contributions financières minimes seront les bienvenues. En échange de celles-ci, les seuls remer- ciements et quelques produits dérivés pourront suffire au besoin de reconnaissance des contributeurs. Le projet Québec aime pizzeria Gemini présenté sur Indiegogo, ayant pour objectif de sauver cette pizzeria, proposait aux contributeurs «quatre gros becs» du porteur de projet en échange de 20$. Dans un deuxième niveau, la contrepartie principale (le fruit de l’activité créative du porteur de projet : bande dessinée, place de spectacle, etc.) est proposée. C’est dans ce contexte que la pizzeria Gemini offrait des pizzas à partir d’un soutien de 50$. Enfin, dans un troisième niveau, une part de rêve est offerte. Pour le financement d’un album, par exemple, il n’est pas rare que l’artiste propose un concert privé pour le palier le plus élevé. Il est aussi préférable de multiplier les paliers à l’intérieur de chaque niveau en offrant une contrepartie supplémentaire au franchissement de chaque palier, ce qui poussera les contributeurs à franchir le palier supérieur. Par ailleurs, il faut que le contributeur ait la sensation de bénéficier de privilèges. Dès lors, des éditions limitées et la distribution en avant-première comptent parmi les éléments susceptibles de le séduire. Le cas du financement du projet Culture Lego en avril 2012 sur la plateforme Ulule illustre ces propos (voir le schéma 5). L’objectif du projet était de présenter une édition française du livre The Cult of Lego qui compte parmi les best-sellers aux États-Unis depuis sa sortie en 2011. Grâce à Ulule, le porteur de projet souhaitait offrir à tous les fans de la marque Lego une édition de luxe de ce livre publiée à 1 000 exemplaires. Vivre et accompagner avec efficacité la campagne de financement Mener une campagne de financement participatif, c’est échanger des idées avec une communauté de soutiens en construction. Les membres de cette communauté sont en quête de reconnaissance et cherchent sur la plateforme à assouvir des besoins d’expression et de partage, de divertis- sement, d’expérience ou de défi17 . Il est donc important que le porteur de projet tienne régulièrement les soutiens informés de l’évolution de son projet. Certains indécis sont en quête du moindre signal que le porteur de projet pourra émettre. Il est alors conseillé de mettre à jour les données relatives au projet et de veiller à répondre aux commentaires et aux questions transmis sur la plateforme. Maintenir des liens de confiance et de reconnaissance constants avec les contributeurs La confiance est essentielle au succès d’une campagne sur un site de financement participatif. Or, nous avons souligné précédemment que ce mécanisme de financement suscite de la méfiance de la part des contributeurs. Cette méfiance peut se dissiper lorsque le porteur de projet respecte ses engagements. Pour ce faire, il doit remercier les contributeurs, envoyer les contreparties dans les délais impartis et garder le contact avec la communauté qui s’est nouée autour de son projet. Au terme de cette recherche, nous constatons que le financement participatif s’appuie en grande partie sur des techniques traditionnelles de financement en fournissant en plus une plateforme électronique. Ainsi, à l’instar d’une campagne de financement classique, il est important, dans le cas du financement participatif, que le porteur de projet s’assure que son entourage immédiat, c’est-à-dire son premier cercle soit fortement engagé et sensibilisé, avant de solliciter sur la plateforme un public plus large constitué des deux autres cercles. Des plateformes qui cherchent à se différencier Afficher et cultiver leur culture d’indépendance. La plateforme Bibliocratie, dédiée à l’édition à compte de lecteurs, se revendique comme un espace «sans intermédiaire financier ni créatif entre le texte et le livre, entre l’auteur et le lecteur, sans mise sous tutelle de la création par la finance». Favoriser la création en développant le marché local. Les projets et les idées présentés sur La Ruche contribuent au rayonnement et à la vitalité de la ville de Québec. La plateforme entend faire de la proximité l’un de ses moteurs. Offrir aux créateurs la possibilité de vendre leurs produits en ligne. Plusieurs plateformes enrichissent leur offre en permettant la vente en ligne des produits financés par leur intermédiaire. C’est le cas de LightbyU, spécialisée dans les lampes design. Accompagner les créateurs. Certains sites, comme Microcultures, accompagnent jusqu’au bout les artistes qu’ils ont choisis en plaçant leurs ressources à leur service. Cela libère les créateurs d’activités chronophages, leur permettant alors de se consacrer pleinement à leur art. Renforcer l’accessibilité de la plateforme aux contributeurs. Quelques plateformes parmi lesquelles Kikstarter ont lancé une application sur un appareil mobile. Encadré 5 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 12. 64 Conclusion Dans un environnement où les acteurs financiers tradition- nels sont de plus en plus frileux, le financement participatif apparaît pour les porteurs de projets comme une solution comportant des atouts incontestables. Notre recherche a per- mis de souligner que, par-delà une quête purement financière, le recours au financement participatif permet de bénéficier de la sagesse de la foule, encouragée par un élan altruiste propre à l’économie collaborative18 . Or, cet élan altruiste est parfois contrarié par le fait que des plateformes sont soumises au feu des critiques et suscitent alors la méfiance. Ce constat doit les conduire à faire montre de professionnalisme dans l’accompagnement des porteurs de projets et à tendre vers un mode de gestion éthique qui vise à rassurer les internautes contributeurs en leur fournissant de manière claire, attrayante et pédagogique l’ensemble des informations utiles tant sur le projet et son porteur que sur la plateforme elle-même. Il est par ailleurs essentiel que les plateformes prennent des initiatives permettant de générer de la valeur pour leurs usagers. C’est à cette seule condition qu’elles pourront dépasser le stade de simples espaces de communication fonctionnelle se limitant au rôle d’interface qui héberge des projets pour devenir de véritables espaces structurant les relations entre les commu- nautés de soutiens. Dans cette perspective, plusieurs axes de différenciation peuvent permettre aux plateformes de tirer leur épingle du jeu; parmi ceux-ci, les initiatives favorisant la création d’un lien de proximité semblent particulièrement porteuses. Elles constituent une belle occasion de générer partage, entraide et empathie au bénéfice de l’économie locale. Échelle de contreparties du projet Culture Lego • Pour 5 € ou plus : Nous vous remercions de tout coeur + Votre nom sera crédité dans les remerciements de l'édition de luxe. • Pour 10 € ou plus : Vous recevrez le marque-page Culture Lego (par lettre) + Vous recevrez le porte-clés Lego Space man (par lettre) + Contreparties précédentes. Premier niveau Remerciements et produits dérivés en lien avec le projet créatif • Pour 40 € ou plus : Cette formule est valable pour ceux qui souhaitent retirer leur livre sur place, à l’occasion du Fana’briques qui aura lieu le 29 juin 2012 à Rosheim (stand Muttpop) + Le livre en édition de luxe (39,90 €) + Une entrée offerte pour le Fana’briques + Contreparties à 10 euros. • Pour 45 € ou plus : Le livre en édition de luxe (39,90 €) + Frais de port inclus dans la souscription (5,10 € via UPS) + Contreparties à 10 euros. Fruit du projet créatif et produits dérivés Deuxième niveau Décompte du nombre de jours restant Somme récoltée ou somme restant à collecter • Pour 500 € ou plus : La visite de l'imprimerie lors de la fabrication de Culture Lego (à San Sebastian) + Les billets d'avion ou de train aller-retour jusqu'à Biarritz (départs de la France uniquement) + La nuit d'hôtel à San Sebastian ainsi que le dîner du soir + Votre trajet hôtel-imprimerie-hôtel et gare-hôtel-gare (ou aéroport) + Contreparties à 45 € (inclus le livre!). Contrepartie à haute valeur, éventuellement en série limitée Troisième niveau Ce projet ne sera financé que si au moins 8 000 euros de soutien sont collectés avant le 19 avril 2012. Schéma 5 Culture LEGO19 Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
  • 13. 65 Notes 1. Les auteurs remercient les rédacteurs en chef ainsi que les trois évaluateurs anonymes pour leurs précieux conseils et observations. 2. Kappel (2009), Ordanini et al. (2011), Rubinton (2011), Belleflamme et al. (2011). 3. Crowdfunding Industry Report (2012), Canada Media Fund (2012). 4. Collins et Pierrakis (2012). 5. Voir Hemer (2011), Kappel (2009), Gerber (2012). 6. Kappel (2009). 7. Voir http : //crowdfunding.cmf-fmc.ca/fr/. 8. Crowdfunding Industry Report, 2013. 9. Agrawal et al. (2010). 10. Howe (2008). 11. Buysere et al. (2012). 12. http : //crowdfunding.cmf-fmc.ca/fr/ 13. Buysere et al. (2012). 14. Buysere et al. (2012). 15. Brabham (2013). 16. Lawton et Marom (2013). 17. Gerber et al. (2012). 18. Rifkin (2012). 19. http://fr.ulule.com/culture-lego/ Références Agrawal, A., Catalini, C., Goldfarb, A. (2010), Entrepreneurial Finance and the Flat-world Hypothesis: Evidence from Crowd- funding Entrepreneurs in the Arts, document de travail n° 10-08, septembre, NET Institute, www.netinst.org/Agrawal_Catalini_ Goldfarb_10-08.pdf. Belleflamme, P., Lambert, T., Schwienbacher, A. (2011), Crowdfunding: Tapping the Right Crowd, Center for Operations Research and Econometrics. Brabham, D.C. (2013), Crowdsourcing, The MIT Press Essential Knowledge Series. Buysere, K. De, Gajda, O., Kleverlaan, R., Marom, D. (2012), A Framework for European Crowdfunding, www.crowdfundingframework.eu. Canada Media Fund – Fonds des médias du Canada (2012), Crowdfunding in a Canadian Context: Exploring the Potential of Crowdfunding in the Creative Content Industries, août. Collins, L., Pierrakis, Y. (2012), The Venture Crowd Report, Nesta Publications, juillet. Crowdfunding Industry Report (2012), mai, www.crowdsourcing.org. CrowdfundingIndustryReport(2013),www.crowdfunding.cmf-fmc.ca. Dehorter, N. (2012), Crowdfunding : suivez le guide, Panorama et Conseils pratiques. Deloitte (2012), Technology, Media & Telecommunications Predictions 2011, www.deloitte.com. Gerber, E.M., Hui, J.S., Kuo, P. (2012), Crowdfunding: Why People are Motivated to Participate, document de travail, Northwestern University. Hemer, J. (2011), «A Snapshot on Crowdfunding», Working Papers Firms and Region, n°2, Frauhofer ISI. Howe, J. (2008), Crowdsourcing: Why the Power of the Crowd is Driving the Future of Business?, Three Rivers Press. Kappel, T. (2009), «Ex ante crowdfunding and the recording industry: A model for the U.S.?», Loyola of Los Angeles Entertainment Law Review, vol. 29, n° 3, p. 375-385. Lawton, K., Marom, D. (2013), The Crowd-funding Revolution – How to Raise Venture Capital Using Social Media, McGraw-Hill. Ordanini, A., Miceli, L., Pizzetti, M., Parasuraman, A. (2011), «Crowd-funding: Transforming customers into investors through innovative service platforms», Journal of Service Management, vol. 22, n° 4, p. 443-470. Rifkin, J. (2012), La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Éditions Les Liens qui libèrent. Rubinton, B.J. (2011), «Crowdfunding: Disintermediated invest- ment banking», SSRNeLibrary, avril. Gestion vol. 38 no 3 | Automne 2013 | revuegestion.ca © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44) © HEC Montréal | Téléchargé le 04/10/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)