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1
L’avenir du secret bancaire suisse.
Par
Joad-Louad BILEMBOU-LOUAMBA*
Master en Droit International des Affaires
Master en Droit Fiscal des Affaires.
.
Une grave menace pèse sur le secret bancaire suisse depuis que la crise financière s’est
accentuée. Dans un climat de fortes pressions, dû notamment à l’épineux problème de
l’évasion fiscale, la question de son avenir mérite d’être posée (1)
. Cela semble à priori se
justifier par le fait que le secret bancaire suisse est un instrument que les contribuables ont su
utiliser pour distraire la matière fiscale. Il ne parait plus raisonnable de tolérer cette
« évaporation fiscale », qui semble être « légalisée » par les places financières opaques. Ce
qui remet donc en cause, le paradigme selon lequel le secret bancaire suisse avait été
considéré d’institution « intouchable » et, ce jusqu’à une époque assez récente.
D’ordinaire, le secret bancaire, peut être défini comme étant « la discrétion que les banques,
leurs organes et employés doivent observer sur les affaires économiques et personnelles de
leurs clients et de tiers parvenus à leur connaissance dans l’exercice de leur profession »2
. Il
s’agit, comme l’a souligné un auteur, « [d’] une institution de droit, un « mur » juridique
érigé par la loi suisse autour de la relation entre la banque et son client. Il vise à la protéger
de la curiosité d’autrui, qu’il s’agisse des personnes privées ou d’autorité publique. Les
clients des banques suisses jouissent ainsi d’un degré de confidentialité inconnu dans la
plupart des autres pays » (3)
. Le banquier suisse est ainsi lié par un devoir de discrétion, qui
lui interdit, de ce fait, de divulguer des informations concernant ses clients aux tiers, même à
* joadbil@yahoo.fr.
1
S. BESSON, Le secret bancaire : la place financière suisse sous pressions, 2
e
éd. Presses Polytechniques et
universitaires romandes, 2004, p.9.
2
M. AUBERT, J. Ph. KERNEN, H. Herbert SCHONLE, Le secret bancaire Suisse, éd. Staempfli et Cie, 1982, p. 31.
3
S.BESSON, op.cit. p.10
2
l’administration fiscale4
, sans préjudice d’engager sa responsabilité5
en cas de violation de
cette obligation.
Cette obligation de confidentialité, qui encadre la relation du banquier avec son client, est
nécessaire non seulement pour la préservation de la sphère privée du citoyen helvétique, mais
aussi des clients étrangers. Il correspond donc à une exigence légitime de sécurité6
pour les
clients des banques suisses. Il protège ainsi le contribuable contre l’immixtion de
l’administration fiscale dans ses écritures bancaires.
En ce qui concerne, son avènement7
, sur la place financière helvétique, est dû à un concours
de circonstances historiques8
. Elles sont parfois auréolées d’une origine plus mythique que
réelle9
. La principale thèse qui a prévalu, durant de nombreuses années, au sujet de son
origine, consistait à dire qu’il avait été, au départ, mis en place dans le souci de protéger les
fonds et les avoirs juifs contre les persécutions nazies, du fait des espionnages économiques
orchestrés par la GESTAPO sur le territoire suisse10
. C’est dans ces circonstances que le
secret bancaire avait été introduit en Suisse. Cette action, emprunte d’humanisme des
autorités helvétiques, ô combien noble, est pourtant éloignée de la réalité historique.
En effet, la loi fédérale suisse sur les banques et les caisses d’épargne de 1934, avait été
adoptée pour renforcer l’attractivité de la Suisse, en sanctionnant pénalement la violation du
secret bancaire (11)
. Il s’agissait pour les autorités suisses de résister aux attaques des pays
4
Il existe néanmoins des exceptions prévues par la loi fédérale suisse, surtout en matière de procédure pénale,
le secret doit être levé.
5
F. PASQUALINI, « La responsabilité du banquier », R.C.D, Octobre 2005, p.4
6
P. DELEBECQUE, M. GERMAIN, Traité de droit commercial, L.G.D.J, T.2, 17
e
éd 2004, p.236-239.
7
Il s’agit i i de la o s atio ode e du se et a ai e. E effet le se et tait d jà ie a da s le
paysage helvète depuis des siècles.
8
S. ALTINDAG, La concurrence fiscale dommageable, éd L’Har atta , 2009, p.295.
9
P.HUG, « Les v aies o igi es du se et a ai e : d o tage d u the », le Temps 27 Avril 2000, p 12
10
S. GUEX, « Les origines du secret bancaire suisse et son rôle dans la politique de la confédération au sortir de
la seconde guerre mondiale », Genèse, 1999, vol.34, n°34, p.4-17 ; P.G. MORCOS, Le secret bancaire face à ses
défis Liban, France, Suisse, Luxembourg et Moyen orient, éd. Sader & Bruylant, 2008, pp.104-106.
11
L’a t. de ette loi p voit e effet ue : « 1.Celui qui aurait incité autrui à violer le secret professionnel,
se a pu i de l’e p iso e e t pou six ois au plus ou de l’a e de jus u’à o u e e de 0.000f a s.
… . La violatio du se et de eu e pu issa le alo s e ue la ha ge ou l’e ploi a p is fi ou ue le
3
voisins, victimes d’un grand exode fiscal, qui dénonçaient déjà l’opacité de ce système mis en
place par la Suisse pour capter leur matière imposable, d’autant plus qu’elle rechignait à
coopérer avec ces derniers. La levée du secret bancaire pour combattre l’évasion n’était pas
négociable (12)
.
Cette situation a augmenté l’attrait des banques suisses. Elles sont vite devenues un lieu de
refuge pour les capitaux étrangers. Le motif essentiel était pour les riches contribuables, des
pays européens à forte imposition, de se soustraire à leurs obligations fiscales. Le secret
bancaire suisse est devenu un « alibi »13
pour les contribuables qui veulent à tout prix éluder
l’impôt.
Bien que perçu comme un pilier important du crédit et garant d’une économie saine14
, il est
devenu, assez rapidement, un paravent à l’accomplissement d’opérations illicites. Entre argent
gris et argent sale, la place financière suisse a amassé des fonds considérables qui se chiffrent
en millier de milliards, en faisant une application de cet adage : « Pecunio non olet » (l’argent
n’a pas d’odeur), pour satisfaire sa clientèle. Il convient de garder à l’esprit que la pratique
d’une telle confidentialité « (…) où rien ne transpire au dehors de ce qui se fait à
l’intérieur » (15)
des banques, a rendu celles-ci attrayantes et, en même temps vulnérables à
l’émancipation du crime économique, à l’évasion fiscale et au blanchiment d’argent. Le
regain d’intérêt des organisations internationales (GAFI, OCDE, UE…), et les nombreux
assauts des pays capitalistes, particulièrement les grands perdants de la concurrence fiscale, a
soulevé la question de la légitimité du maintien d’une telle institution.
Pour essayer de sauver son secret bancaire, le Projet Rubik16
avait été élaboré. Il permettait
aux banques suisses de recouvrer l’impôt à la source pour le compte des administrations
fiscales étrangères. Salutaire, il permettait ainsi de protéger l’identité des contribuables et
garantissait la survie du secret bancaire. Mais, la traque hargneuse des fraudeurs a nécessité la
d te teu du se et ’exe e plus sa p ofessio . So t se v es les dispositio s de la l gislatio f d ale et
a to ale statua t l’o ligatio de e seig e et de t oig e e justi e ».
12
S.GUEX, op.cit, p. 16
13
N. LOUKIL, « Le secret bancaire fiscal », R.T.F, n°4, 2012, p.96.
14
R. FARHAT, Le secret bancaire- Etude de droit comparé (France, Suisse, Liban), L.G.D.J, Coll. Bibliothèque de
science financière, T. VIII, 1980, p. 53
15
Ibid. p. 19.
16
Il a t sig pa l’Alle ag e et l’A glete e.
4
mise en place, au niveau international, des politiques proactives qui ont acculé la Suisse dans
les récentes négociations, au point qu’elle a décidé de réviser sa position.
Aussi, la régulation des flux financiers internationaux, et la maitrise des Etats de leurs
finances ont renouvelé avec une acuité toute particulière le combat contre les places
financières opaques d’une manière générale, et celui des paradis fiscaux ou bancaires en
particulier. En effet, dans un monde marqué par une crise économique, les Etats ne veulent
plus perdre un seul centime de leurs « esclaves fiscaux » (17)
pour financer et retrouver un
certain équilibre dans leurs budgets. C’est sur ce terrain, que la lutte contre l’évasion et la
fraude fiscale a retrouvé un regain d’intérêt. Car, les fraudeurs qui déposent leurs fonds sur la
place financière suisse, ne participent plus à l’effort national de développement dans leur
pays. Et ce d’autant plus, que l’honnête contribuable voit sa charge fiscale augmenter.
Des voix se sont levées, dénonçant vertement le secret bancaire suisse. Les dispositions du
droit interne suisse, relatives à l’assistance administrative étaient très restrictives pour mener à
bien le combat contre la fraude. Il était, dès lors, difficile d’obtenir la coopération de
l’administration helvétique. Depuis le scandale de la banque suisse UBS aux USA, en 2009, la
Suisse a essayé de revoir sa position à l’égard de son secret bancaire. Depuis lors, il a
commencé de s’effriter, jusqu’à se réduire à « peau de chagrin » (18)
. L’abcès du secret
bancaire doit crever, car son « ère semble être révolu » ; cette déclaration est un truisme à
l’aune des pressions actuelles à l’égard de la Suisse. Cela part du constat selon lequel
« l’opacité fiscale» que créait le secret bancaire est devenu un outil précieux des criminels
astucieux en matière d'argent pour des finalités multiples. Il véhicule l’idée de crime
financier. Voila pourquoi la communauté internationale milite davantage pour une économie
transparente dans le traitement des flux financiers, transitant, souvent, en Suisse qui est une
place financière importante dans les mouvements des capitaux. Ce besoin récurrent de
transparence a donc été à la base de l’adoption et de la ratification de nombreuses
conventions fiscales internationales par la Suisse.
17
Expression empruntée au Professeur P. SALIN
18
E.J. NAVEZ, « Quelle est e o e la po t e du se et a ai e fis al e ati e d i pôt su les eve us »,
Kluwer, Doctrine, n°25.941, p.201.
5
Tous les coups d’estoc qui lui sont portés, nous poussent à nous interroger sur son avenir en
se basant sur l’évolution des pressions actuelles. S’il venait à disparaitre complètement, que
resterait-il de la protection de la sphère privée dont bénéficiaient les déposants étrangers ? Ces
changements qui pointent à l’horizon, n’annoncent t’ils pas des transformations du système
fiscal helvétique ?
Pour ce faire, il conviendrait de dire que son avenir semble incertain (I). Mais à l’allure où
vont les négociations internationales de la Suisse avec tous ses partenaires, et en tenant
compte des nombreux engagements qu’elle a pris de coopérer davantage en échangeant les
informations aux fins de juguler la fraude fiscale, par le biais de la signature des conventions
fiscales en se basant sur le modèle de l’OCDE ; l’on peut, avec une certaine audace, dire que
son avenir est compromis (II).
I- L’avenir incertain du secret bancaire suisse.
Il y a un mouvement de sécurisation des transactions bancaires qui ne cesse de prendre de
l’ampleur. Il se base sur une nouvelle éthique (19)
, depuis ces trois dernières décennies déjà ,
ayant pour fondement l’idée d’instaurer une meilleure transparence dans les transactions
bancaires (A), dont l’objectif, au delà de toutes choses et considérations, est de pouvoir faire
face et mieux lutter contre la crise économique. Malgré cette prise de conscience, en vue
d’une meilleure transparence, celle-ci rencontre des infléchissements qui affectent son
efficacité (B). La transparence irradie le secret, à travers des interstices laissant passer
aisément la lumière, mais soulève des zones d’incertitude quant à l’avenir de cette institution.
A- Une transparence exigée.
La question de la transparence ne cesse de prendre de l’ampleur depuis une certaine période.
Fort de ce constat, il est évident que « la transparence est un sujet majeur depuis que la crise
19
F. DERMANGE, « L thi ue de l a olitio du se et a ai e », in Place financière suisse, évasion fiscale et
intégration européenne, (sous la dir) R.SCWOK, Euryopa, p.121-129
6
financière a éclaté. Il y a de nombreuses raisons à cela. Nous avons besoin de plus de
transparence afin de rendre le système financier mondial plus stable, plus prévisible et plus
équitable. La transparence est aussi l’un des mots clés de l’économie mondiale
contemporaine. La crise n’a fait que renforcer son importance » écrit Matti YLÖNEN (20)
.
Comme il vient d’être souligné par cet auteur, le concept de transparence ne cesse d’avoir une
portée considérable. Néanmoins, ce terme polysémique traverse plusieurs domaines de
l’économie. Elle semble même être considérée comme un facteur de bonne gouvernance et de
démocratie. Le droit s’en est même approprié le sens pour y voir un principe standard que les
Etats doivent appliquer dans le domaine bancaire afin de restreindre l’accès aux marchés
bancaires des personnes peu honorables (2).
Pour atteindre la justice et l’équité en matière de fiscalité bancaire, il faut de la lumière. Ce
qui est obscur dénote souvent l’injustice, voila pourquoi il est nécessaire que tout puisse être
transparent. Mais cette transparence tant recherchée, quelle signification requiert-elle (1)?
1- La notion de transparence.
D’après le dictionnaire le Robert, la transparence est « la qualité de ce qui laisse paraître la
réalité toute entière ». Elle semble, ainsi, se confondre avec la vérité, la clarté, la limpidité, la
pureté (21)
même. « Voici la transparence habillée du rassurant manteau de la vertu, ou peut
être d’un voile léger qui pourrait nous permettre de la contempler à nue. Ainsi vue, elle
semble le contraire de l’artifice, du secret, du mystère, et de toutes les formes de
dissimulation » affirme Jean-Denis BREDIN (22)
. Celle-ci est même élevée au rang de vertu
(23)
ce qui la place en opposition directe avec le secret, lequel est donc « l’expression du
silence, de l’intimité, de la discrétion, un mot très rassurant, ou tout au contraire un mot
inquiétant, désignant ce qui est opaque, clandestin, ténébreux » (24)
. Le secret est source
d’opacité. Il se situe ainsi à la limite de la légalité, de la loyauté, en somme de la vérité qui
20
M. YLÖNEN, « Transparence, crise financière et paradis fiscaux », p.54. Source : www.espaces-
marx.net/IMG/pdf/T_4_Ylonen.pdf. Consulté le 3 juin 2016.
21
T. MASSIS, « La transparence et le secret. Champ social, débat de conscience », Revue Etudes, n°3946, 2001,
T. 394, p.751.
22
J.D. BREDIN, « Secret, transparence et démocratie », Revue Pouvoirs, n° 97, 2001, p.1.
23
Ibid.
24
Ibid. ; V. aussi T. AFSCHRIFT, « ‘ fle io su l ave i du se et a ai e », Institut Libéral, mars 2009, p.7-9.
7
produit la lumière. C’est dans le souci véritable d’un attachement à la réalité, donc in fine à la
vérité qui produit la lumière, que le droit se laisse davantage imprégné par cette notion de la
transparence. On assiste dés lors à une montée fulgurante de la transparence dans presque tous
les secteurs de la vie de l’homme et de la société25
. Celle-ci touche donc toutes les sphères ;
l’individu est mis à nu. C’est dans ce contexte que « l’exigence de transparence (…)
s’attaque aussi au secret bancaire, sommet des secrets » (26)
. On assiste au règne de la
transparence (27)
ayant pour conséquence d’ « observer le recul du secret, des secrets » (28)
.
Il serait, dès lors, déraisonnable d’aller à contre courant de cette exigence de transparence.
Elle est, pour la société moderne, un pilier important pour la santé de l’économie
internationale. Elle prend la forme de justice 29
économique et fiscale que les Etats
s’escriment à mettre en place. Elle est ainsi conçu comme la pierre angulaire (30)
de toute
société. Ce qui stimule cette montée de la transparence comme critère essentiel des places
économiques du monde c’est la dépression économique.
Les sommes colossales qui sont souvent déposées sur la place financière suisse attirent
toujours l’attention des institutions financières internationale. C’est ainsi que « les chefs
d’Etats et de gouvernements ainsi que les ministres des finances du G7 (…) ont appelé à plus
de transparence, tout particulièrement après les turbulences financières et dans le contexte
des marchés émergents »31
. Ce mot si souvent employé dans le discours des institutions
internationales, n’a fait l’objet d’aucune définition assez claire qui fasse l’unanimité parmi les
Etats membres. Il arrive souvent que l’on puisse adjoindre à ce mot le qualificatif « fiscal ».
Dit ainsi, la transparence fiscale s’exprime par la capacité d’un Etat de pouvoir lever son
25
T.MASSIS, op.cit, p.751-752. Car « tout doit être transparent : notre naissance, nos amours, nos
conversations, notre domicile, notre fortune, notre pauvreté, notre mort doivent être exposée à la lumière ; ce
qui est caché devient suspect »
26
Ibid. p.756.
27
J.D. BREDIN, op.cit, p.9
28
Ibid.
29
T. MASSIS, op.cit, p.760.
30
Ibid. p.751.
31
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Renforcement de la transparence bancaire : Contribution de la
o u i atio fi a i e et de l i fo atio p ude tielle à des s st es a ai es su s et solides, Bâle,
septembre 2008, p.6.
8
secret bancaire en matière fiscale, en accordant sa coopération. L’essentiel de discussion a
souvent porté sur la transparence fiscale de la place financière suisse. L’opposabilité de son
secret bancaire, durant de nombreuse décennie, n’est plus tolérable. Les demandes de levées
du secret bancaire ne doivent être rejetées automatiquement, c’est ce qui ressort de la
quintessence des articles 5 et 7 du Modèle d’échange en matière fiscale élaborée par l’OCDE
en 2002.
Le secret bancaire protège directement les activités illicites en matière fiscale. Cette offre
d’opacité est illégitime. L’inertie de la coopération est dénoncée par le GAFI (Groupe
d’Action Financière) par le biais de sa recommandation n°37. L’opposabilité du secret
bancaire est un critère qualificatif d’absence de transparence. En effet, la coopération
internationale en matière fiscale ou même pénale est un critère qui permet d’apprécier le
degré de transparence d’une juridiction. Lorsqu’un Etat n’est pas coopératif, il reçoit souvent
la dénomination de place financière sous régulée qui regroupe plusieurs réalités. Le vocable
ainsi employé est diversifié. La Suisse est qualifiée parfois de paradis fiscal ou bancaire à
cause de « l’hermétisme » de son secret bancaire, qui réduit l’échange de renseignements
dans sa plus petite dimension32
. Voila pourquoi la communauté internationale appelle à la
« crucifixion » de cette institution sur l’autel de la coopération. L’organe qui se charge de
cette coopération administrative entre les différentes administrations fiscales, au niveau de
l’OCDE est le Forum. Le Forum mondial sur la transparence de renseignements pour des fins
fiscales, avait été constitué par l’OCDE dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux. Il
est devenu l’organe de prédilection dans la mise en œuvre des règles de transparence fiscale.
Cette institution aborde souvent la question du degré de transparence des places financières,
dont l’objectif de pouvoir limiter l’accès de ces marchés aux fonds d’origine douteuse.
De proche en proche, cette exigence de transparence a eu un impact assez positif sur la place
financière suisse. Celle-ci est devenue un moyen de lutter contre le crime ayant des
connexions avec l’argent.
32
C. FOUDJEM, Bla hi e t d a ge t et f aude fis ale, éd. L’Har atha , 2011 p.59.
9
2- La transparence, moyen de lutte contre le crime économique.
Pendant de nombreuses années, la place financière helvétique n’avait pas une politique, ni une
législation efficaces pour lutter contre le blanchiment d’argent33
. De ce fait, l’on peut dire que
la Suisse faisait application de l’adage latin « pecunio non olet », l’argent n’a pas d’odeur,
pour satisfaire sa clientèle. En effet, celle-ci manifestait une grande indifférence envers ce
phénomène qui ne cessait de prendre de l’ampleur sur sa place financière. C’est ainsi que Jean
ZIEGGLER dénonçait cette passivité. Cet auteur rappelle que : « sur notre planète la Suisse
est aujourd’hui la principale plaque tournante du blanchiment d’argent, du recyclage de
l’argent de la mort (…). Elle est aujourd’hui un foyer d’infection. Dotées des gestionnaires,
de financiers et d’avocats d’une admirable amoralité (…). En ce sens, le cas helvétique est un
paradigme »34
. Les banques sont devenues de véritables « sanctuaires »35
de l’argent sale. Cet
attrait pour la place financière suisse se justifie par l’opacité générée par la pratique d’un
secret bancaire strict. Le secret bancaire suisse est exploité par les criminels. La
confidentialité rend les banques suisses attrayantes et vulnérables au blanchiment des
capitaux. D’une manière générale, les structures de secret ont toujours tendance à stimuler le
crime économique, l’évasion fiscale, et sont propices à une accumulation d’énormes risques36
.
En cas de blanchiment, le secret bancaire devient inopposable face aux autorités de
poursuites, qui cherchent à établir l’arrière fonds d’une transaction bancaire. Il convient à
préciser que l’article 47 de la loi fédérale de 1934 concédait déjà la levée du secret bancaire
en cas d’ouverture d’une procédure pénale à l’égard d’un client. Il était donc inopposable en
cas de commission d’un crime au sens de son droit pénal, particulièrement dans le cadre de
l’escroquerie fiscale et du blanchiment d’argent.
Le processus de l’incrimination du blanchiment d’argent en Suisse fut lent. Il a été aiguillonné
par de nombreux scandales qui ont interpellé les autorités helvétiques sur l’ampleur du
33
A.JEANNERET, P. De SELLEIRS, R. CHOPRA, Le la hi e t d age t e Suisse, S i ai e d’ o o ie
nationale, Université de Lausanne, mars 2013, p.5.
34
Cité par A. JEANNERET, P. De SELLEIRS, R. CHOPRA, op.cit, p.5.
35
ATTAC, Paradis fiscaux et judiciaires, cessons le scandale, p.11.
http://www.stopparadisfiscaux.fr/IMG/pdf/brochurepfjpbfa1.pdf. Consulté le 18 Mai 2016
36
M. YLÖNEN, op.cit, p.57.
10
phénomène37
. La justice suisse présentait une véritable « carence » pour pouvoir lutter contre
le blanchiment jusqu’au début des années 1990. Des raisons ont été avancées à ce sujet ; en
effet, si « la Suisse n’a pas réussi à lutter efficacement contre le crime organisé et le crime
économique à cause de l’interaction forte qui existe, ou du moins qui existait, entre le
criminel, les politiciens et la magistrature »38
. Il était nécessaire compte tenu des proportions
que prenaient ce phénomène du blanchiment d’argent, d’y faire face en adoptant des normes
nouvelles en matière pénale et administrative très contraignantes39
afin, d’avoir des armes
pour neutraliser, ou du moins, pour lutter efficacement contre le blanchiment d’argent. En
1990, deux modifications du code pénal sont rentrées en vigueur dont l’objectif poursuivi était
la prévention et la sanction du blanchiment d’argent40
, il s’agissait des art.305bis et 305ter du
code pénal suisse. Cela n’avait constitué qu’une première étape que la Suisse avait franchie
sur ce terrain. Aussi, le 1er Avril 1998, elle a adopté une loi sur le blanchiment d’argent
(LBA), venant ainsi compléter l’arsenal législatif en la matière. Elle accorde ainsi sa
coopération sur le fondement d’un texte de son droit interne relatif à l’entraide internationale
en matière pénale (EIMP), et aussi sur la base des conventions internationales dont elle est
signataire.
Depuis 1977, la Convention de Diligence des Banques impose la vérification de l’identité du
véritable titulaire du compte, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale. C’est ainsi
que le GAFI par ses recommandations exigent que le client ne doit être un mystère pour la
banque. Cette identification est nécessaire comme mesure de transparence. Ce procédé permet
d’identifier toutes les personnes ayant un intérêt particulier sur un compte bancaire, et sont
37
Pa e . les f es Magha ia avaie t t aid s pa le C dit suisse pou le t a spo t des fo ds d’o igi e
douteuse. Yassa Musullulu tait l’u des i i els le plus e he h d’Eu ope pou ve te d’h oï e et t afi
d’a es, il tait pou suivi pa le FBI, les justi es tu ue et italie e avaie t is u a dat d’a t o t e lui, le
justi e suisse avait efus de oop e et e l’avait li .
38
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.38-39.
39
M. HENZELIN, « L i u it p ale da s le domaine économique, bancaire et financier un état de la pratique
Suisse et internationale », in Le droit international des immunités : contestation ou consolidation ? (sous la dir.)
J. VERHOVEN, éd. L.G.D.J , 2005, p.222
40
M. KISTLER, La vigilance requise e ati e d op atio s fi a i es, tude de l a ti le 305te du ode p al
suisse, Thèse de doctorat, Université de Lausanne, 1994
11
désignées sous l’appellation des ayants droits économiques41
. Cette mesure de transparence
permet ainsi de percer le voile du secret.
Parmi les personnes qui exercent un pouvoir sur les avoirs bancaires, il y a souvent de grands
personnages du monde de la politique. Ces personnes politiquement exposées (PPE)42
lorsqu’ils ouvrent, directement ou indirectement, un compte dans les banques suisses font
l’objet dorénavant d’une grande surveillance. En effet, les « avoirs de ces potentats »
proviennent de la corruption, des détournements des deniers publics43
. Cette situation
concerne surtout les pays en voies de développement44
.
A la suite de l’affaire Marcos, la Suisse avait décidé de renforcer son dispositif de contrôle
pour déterminer si les fonds déposés n’ont aucun lien avec une PPE. Lorsqu’on constate que
ces fonds ont un lien étroit avec une PPE, les autorités helvétiques peuvent procéder au
blocage préventif de ces avoirs (art 184 al.3 de la constitution fédérale en cas de changement
de régime politique), puis à leurs restitutions selon une procédure bien encadrée.
Aussi, cette obligation d’identification a été étendue à tous les intermédiaires financiers non
bancaires à savoir : les avocats, les notaires, les comptables, les conseillers financiers… qui
41
L’a a t d oit o o i ue est d fi i o e ta t la pe so e ph si ue ui e e e u pouvoi d’a s su les
avoirs déposés da s ’u o pte a ai e. Ce de ie , pou des aiso s de atu e o e iale ou fis ale, ou
da s le ut de a he so ide tit , ouv e u o pte au o d’u e aut e pe so e ph si ue o e p te-nom
ou au nom de sociétés de domicile, continue à exercer son pouvoir sur les avoirs patrimoniaux grâce à son
appo t ju idi ue fidu iai e u’elle e t etie t ave le p te- o ou la so i t de do i ile. A l’ ga d de la
a ue, fo e est d’ad ett e, ue l’a a t d oit o o i ue ’a p ati ue e t pas de d oit, pa e que tous les
droits contractuels sont exercés par son fiduciaire. Cependant, les avoirs patrimoniaux continuent à rester sous
la dispositio de l’a a t d oit o o i ue g â e au fait ue so fidu iai e et lui so t li s pa u o t at o al ou
écrit.
42
Les personnes politiquement exposées, sont des personnes qui exercent ou ont exercé des fonctions
pu li ues i po ta tes, à l’i sta les di igea ts d’Etat et leu e tou age fa ilial ou politi ue , les hauts
fo tio ai es de l’ad i ist atio de l’a e, de la justice, des grandes entreprises étatiques), les politiciens
de haut a g au iveau atio al, fo t l’o jet do ava t de su veilla e a ue lo s u’ils ouv e t des o ptes
sur la place financière suisse.
43
Affaire Ferdinand Marcos dictateur philippin
44
Le cas de Mobutu pour ne citer que celui là.
12
sont souvent sollicités par leurs clients pour un placement de fonds. Cela, se concrétise dans
l’objectif de lutter contre le blanchiment d’argent, car les intermédiaires financiers non
bancaires sont davantage sollicités45
. L’extension de cette obligation à tous les intermédiaires
financiers est l’œuvre de la modification de l’article 305ter 46
, et la liste des autres
professionnels considérés comme des intermédiaires financiers a été codifiée et précisée par
l’article 2 de la LBA. L’intermédiaire financier doit être capable d’exercer une surveillance
efficace, continue, et doit effectuer des contrôles lorsque les circonstances le commandent. En
cas de doute ou soupçon fondé, l’intermédiaire financier est tenu de communiquer les
informations recueillies au MROS (Money Laundering Reporting Office Switzerland, en
français Bureau de Communication en matière de blanchiment). L’article 9 LBA prévoit que
l’intermédiaire financier qui sait ou qui présume, sur la base de soupçons fondés, que les
valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d’affaires, ont un rapport avec une infraction
au sens de l’article 305bis du code pénal suisse, qu’elles proviennent d’un crime ou qu’une
organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition sur ces valeurs doit en informer sans
délai le MROS. Cette disposition à une importance capitale dans la lutte contre le blanchiment
et est reconnue, au niveau international, comme un standard incontournable par le GAFI.
Depuis les attentats du 11 septembre qui ont frappé les USA, de nombreuses dispositions ont
été prises, afin de pouvoir restreindre l’usage de la banque comme véhicule des fonds destinés
à financer le terrorisme. Malgré cette exigence de transparence, il existe néanmoins des
obstacles qui empêchent la « lumière » d’irradier la place financière suisse.
45
Il suffit de se f e à Mait e F a es o MORETTI e . Il avait t a us d’avoi e ut dive ses
opérations financières pour le compte de plusieurs clans mafieux, telle la Cosa Nostras ; il aurait blanchi plus de
63 millions de francs suisse.
46
Cet article dispose en son alinéa 1 que « elui ui da s l e e i e de sa p ofessio , au a a ept , ga d d pôt
ou aidé à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers et qui aura omis de vérifier
l ide tit de l a a t d oit o o i ue ave la vigila e ue e ui e t les i o sta es, se a pu i d u e pei e
p ivative de li e t d u a au plus ou d u e pei e p u iai e » et « les personnes visées par le premier alinéa
ont le droit de communiquer aux autorités suisses de poursuite pénale et aux autorité fédérales désignées par la
loi les i di es fo da t le soupço des valeu s pat i o iales p ovie e t d u i e » al.2
13
B- Une transparence affaiblie.
La transparence dans le contrôle des flux financiers sur la place suisse est confrontée à des
obstacles. Ce statu quo freine donc la lutte contre le crime économique transfrontalier, surtout
celle relative au blanchiment d’argent (1). De même, la spécificité du secret bancaire suisse
limite les efforts dans la lutte contre l’argent gris, c'est-à-dire à l’égard de l’évasion fiscale,
que nombre d’Etats dénoncent. Le chemin de la coopération internationale est donc
embrigadé par la nature de cette institution (2)
1-) Faiblesses dans la lutte contre le blanchiment.
La transparence instaurée par la LBA pour lutter contre le blanchiment d’argent, rencontre des
écueils non moins importants. En effet, l’art de la blanchisserie a su tirer un profit majeur du
développement des technologies, notamment celle relative à l’internet. L’internet accentue
donc la difficulté pour les autorités habilitées à lutter contre le blanchiment d’argent, afin de
mener à bien leur travail. Il est venu accorder aux blanchisseurs davantage de sécurité et de
tranquillité, car ces derniers n’encourent qu’un faible risque d’être appréhendés. Qui plus est,
ils peuvent brouiller leur trace par de multiples procédés en transférant les sommes blanchies
dans plusieurs comptes en un laps de temps. A la vérité, « (…) le système financier,
opérationnel sur internet a permis à l’argent de mieux circuler, de mieux se cacher, de mieux
se mouvoir, et de mieux se mettre en valeur, le plus souvent très loin de son lieu géographique
et social d’origine »47
. L’on peut ainsi comprendre l’attrait de l’internet pour que les
blanchisseurs puissent y recourir
Force est cependant de constater, qu’en Suisse, l’utilisation de la toile ne présente pas
véritablement un danger en matière de blanchiment48
. Il convient, toutefois, de s’inquiéter
avec une certaine réserve. Le rapport du GAFI met plutôt en avant la conjugaison de trois
éléments qui peuvent tendre à des risques certains de blanchiment. Il s’agit tout d’abord de
l’accès facile à l’internet, ensuite de la dématérialisation du contact entre le client et
47
H.M. TCHABO SONTANG, Secret bancaire et lutte contre le blanchiment dans la zone CEMAC, Mémoire de
DEA, Université Dschang, 2004, p.37-38.
48
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, Le la hi e t d age t e Suisse, S i ai e d’ o o ie
nationale, Université de Lausanne, mars 2013, p.25.
14
l’institution bancaire, enfin la rapidité des transactions électroniques49
. L’on est donc porté à
croire que « la toile est devenue un véritable espace virtuel qu’aucune frontière ne délimite,
qu’aucun fleuve ne borne et qu’aucun pouvoir ne régente »50
. Il est dès lors difficile de
combattre le blanchiment qui se fait en ligne. Cette difficulté résulte du fait que les
gestionnaires n’ont pas la possibilité de suivre toutes les opérations à cause du nombre élevé
des comptes malgré leur logiciel de suivi51
.
Aussi, établir une chaine de traçabilité des transactions bancaires électroniques demande un
temps considérable. Et cela malgré la mise en place du système SWIFT par le GAFI en 1992.
De même, les moyens actuels semblent inopérants pour lutter contre le blanchiment qui se fait
en ligne. Car les blanchisseurs utilisent et font évoluer leurs techniques quasiment
indétectables, huilées, qui relèvent parfois de la « virtuosité »52
.
Pour parangon d’un blanchiment d’argent, le quotidien Milano Finanza en 1999, a pu révéler
que plus de 900 millions de francs suisses avaient été blanchis via internet par la mafia
Sicilienne en transitant d’une compagnie américaine de la Nouvelle-Zélande aux Îles
Caïmans en passant par Tel-Aviv et Madrid, avant d’être déposés en Suisse. Il ne s’agit là que
de la face visible de l’iceberg, car peu de statistiques concrètes ont été données jusqu’à ce jour
pour déterminer le montant d’argent blanchi via internet sur la place financière helvétique.
Dès lors, internet se présente comme un labyrinthe hostile à la détection des preuves contre
les blanchisseurs53
. L’usage de l’internet pour des fins de blanchiment est, aujourd’hui
d’actualité, et pose un problème névralgique, non seulement pour la Suisse, mais aussi et
surtout pour la communauté internationale.
Les faiblesses que la Suisse rencontre afin de mieux lutter contre le blanchiment d’argent,
provient aussi d’un autre facteur, celui de l’absence de communication entre les banques. Il
n’existe pas de communication véritable entre les banques dans le cadre de la lutte contre le
blanchiment d’argent. Cela constitue un autre facteur qui profite aux blanchisseurs. Les
49
GAFI, Rapport sur les t pologies du la hi e t d a ge t, 2000-2001, Paris.
50
M. GOURRAMEN, Secret bancaire et entraide internationale, Mémoire de maîtrise en droit, Université de
Montréal, Octobre 2009, p.70.
51
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.26.
52
Ibid.
53
F. BLASSEL, J.P. BUEHS, « Argent sale : internet lave plus blanc », l’Hebdo, 16 mars 2000.
15
banques n’échangent pas des informations avec leurs autres partenaires parce qu’ils sont tenus
de respecter le secret bancaire, et ce manque de circulation d’informations constitue un
élément à haut risque qui entrave les mécanismes de lutte contre l’infraction du blanchiment
d’argent.
Il en est ainsi, par exemple, lorsque le blanchisseur ouvre quatre comptes dans différents
établissements bancaires, et détient deux pièces justificatives prouvant qu’il a gagné
légitimement deux millions dans la vente de marchandises. Avec ces pièces, il peut se
présenter dans tous les trois autres banques, exceptée celle émettrice desdits papiers, et y
déposer à chaque fois deux millions qui semblent être légitimes54
. Par ce procédé il blanchit
ainsi, en débitant dans le compte principal qui lui avait permis d’obtenir les pièces
justificatives plus de quatre millions. La faille se situe donc au niveau de l’absence de
communication entre les banques, car il n’est pas possible de savoir si la justification a été
montrée plus d’une fois55
. Cela permet donc au blanchisseur de légitimer des fonds d’origine
douteuse, et ce dernier peut dormir ainsi « sur ses oreillers » sans être inquiété d’être
découvert.
2-) Faiblesses dues à la nature du secret bancaire suisse.
Le secret bancaire a été protégé, pendant longtemps des menaces étrangères, parce qu’il est
considéré comme un élément d’identité culturelle nationale. Il a permis d’établir « une culture
de confiance entre citoyen et l’Etat »56
. Il n’est pas inintéressant de dire que c’est pour
tempérer la toute puissance de l’Etat, particulièrement à travers ses différents services
(l’administration fiscale par exemple)57
, qu’il s’est avéré utile que l’individu puisse se sentir
en sécurité pour ses fonds déposés en banque. Ce souci de « la justice requiert ainsi que la
confidentialité financière, qui découle directement du droit de la personne et du droit de la
propriété, doit être protégée contre l’immixtion indue de l’Etat (…) »58
. Cela signifie que le
champ de protection du secret bancaire ne peut faire l’objet d’un empiètement délibéré ; il
54
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.29
55
Ibid.
56
P. BESSARD, « Les d oits i dividuels et le o at o t e l vasio fis ale », Institut Libéral, Février 2013, p.27
57
Qu’il s’agisse des atio au ou e des t a ge s ette p ote tio leu est e o ue.
58
P. BESSARD, op. cit, p.24.
16
s’agit là d’une idée importante du libéralisme59
. En effet, le libéralisme est un monde de
murs60
, et ce monde doit être préservé même face aux intérêts majeurs de l’Etat, quitte à
favoriser la fraude. La protection de la sphère privée est un symbole précieux des Etats
démocratiques. C’est ainsi que les échanges d’informations entre les différentes autorités
doivent être la plus restrictive possible en matière fiscale.
Point n’est besoin de rappeler ici que l’Etat helvétique, protège cette sphère privée contre les
multiples atteintes. Lorsqu’on porte atteinte à la confidentialité financière, en l’absence de
motif légal, l’on peut être amené à qualifier l’Etat qui encourage ces atteintes d’autoritaire.
Qui plus est, le fait de « réclamer la transparence des patrimoines individuels à l’égard de
l’Etat : c’est agir comme si l’Etat avait un droit de regard sur l’usage que les citoyens font de
leurs biens (…). Exiger la transparence des citoyens envers l’autorité, c’est revenir à des
notions absolutistes de la nation et du pouvoir en général. Du point de vue des libertés
fondamentales, c’est un retour de plusieurs siècles en arrière »61
. Particularité suisse, le secret
bancaire est élevé au rang de droit de l’homme, ce qui d’ailleurs renforce son maintien. Il
contribue ainsi à la lutte de l’individu contre les tendances de la société à l’enfermer dans des
normes qui restreignent sa liberté de thésauriser son argent en toute quiétude62
.
Le patrimoine du contribuable est considéré comme une composante de la vie privée en
Suisse, ce qui ne semble pas être le cas, par exemple, en France où celui-ci est exclu de la
sphère privée. Il est remarquable de dire que l’obligation « de se traire » du banquier assure
dans le domaine financier, le droit au respect de la vie privée63
. Le maintien du secret bancaire
trouve donc sa justification dans la protection de la sphère privée de l’individu, mais aussi par
le souci de protéger les libertés individuelles, car l’homme serait un être bien malheureux s’il
ne pouvait se sentir en sécurité même pour ses finances. Cette confusion entre le secret
bancaire et la vie privée est entretenue délibérément64
pour des raisons économiques,
notamment pour maintenir l’attractivité de la place financière suisse.
59
F. DERMANGE, « L Ethi ue de l a olitio du se et a ai e », Euryopa, 2002, p.125.
60
M. WALZER, Pluralisme et démocratie, cité par F. DERMANGE, in « L Ethi ue de l a olitio du se et
bancaire », Euryopa, 2002, p.126.
61
T. AFSCHRIFT, « ‘ fle io s su l ave i du se et a ai e », Institut Libéral, Rapport, mars 2009, p.4.
62
S. BESSON, Le secret bancaire : la place financière suisse sous pressions, éd. P.P.U.R, 2004, p.110.
63
M. AUBERT et al., Le secret bancaire suisse, 3
e
éd, Staempfli, 1995, p.2.
64
S. ALTINTAG, La concurrence fiscale dommageable, L’Har atta , 2009, p.293.
17
Nonobstant la protection que la Suisse accorde à tous ces déposants, l’ampleur des pressions
ne laissent rien présager de bon pour la Suisse. Naviguant entre Charybde et Scylla, tel un
« bateau ivre » à la dérive, les jours de cette institution sont comptés. A cet effet, sa mort
semble être déjà programmée65
.
II- L’avenir compromis du secret bancaire suisse.
Le problème de l’évasion est récurrent pour de nombreux Etats (A), lesquels ont constaté une
diminution de leurs recettes fiscales. Cette évasion fiscale a su tirer avantage du « mur »
qu’instaure le secret. C’est ainsi qu’il est considéré comme un facteur puissant de l’évasion
fiscale. Cet usage abusif (66)
de cette institution est vivement dénoncé par la communauté
internationale. La Suisse est restée durant de nombreuses années un pays non coopératif,
c’est pour cette raison qu’elle avait été placée sur la liste des paradis fiscaux de l’OCDE et de
certains Etats. Dans son élan d’apaiser ses détracteurs, au sujet de son fameux secret bancaire,
elle a décidé de faire un certain nombre de compromis. Elle s’est engagée que d’ici à 2017,
elle passera à un échange automatique d’informations en matière fiscale. Ce qui conduira
inéluctablement au décès de son secret bancaire ; la prophétie va ainsi s’accomplir. Ces
changements seront lourds de conséquences (B) pour la place financière suisse.
A- L’intérêt renouvelé au problème d’évasion fiscale.
L’actualité des pressions, à l’égard de la place financière suisse, a pour nœud gordien le
récurrent problème de l’évasion. Certains scandales ont défrayés les chroniques pendant des
semaines. L’exemple de Jérôme Cahuzac semble, aujourd’hui, s’éclipser par la retentissante
affaire des Panama Papers. En effet, il ne se passe plus un jour sans que les médias ne rendent
65
J. ZIEGLER, « Mort programmée du secret bancaire », Le Temps, Février 2001 ; C. WILHELM, « Le secret
bancaire déjà en état de mort clinique », Le Temps, 04 janvier 2010.
66
OCDE, Fiscalité et usage abusif du secret bancaire, Rapport, 1985.
18
compte d’un conflit de droit fiscal entre la Suisse et les autres Etats67
. C’est parce qu’il a été
démontré avec la force d’une évidence que le secret bancaire est utilisé par les fraudeurs (1).
L’OCDE et certaines institutions internationales ont dénoncé l’usage abusif de cette
institution. Leurs rôles se sont davantage étendus en dénonçant le paradis fiscal suisse (2).
1- Le secret bancaire suisse est un facteur privilégié de l’évasion fiscale.
Les coups d’estoc portés contre le secret bancaire suisse, ont pour cheval de Troie l’épineux
problème de l’impôt éludé. L’usage abusif du secret bancaire (68)
suisse est souvent lié au
problème de l’évasion fiscale. Il a été conçu comme un instrument favorisant l’évasion
fiscale (69)
. A vrai dire, depuis les années 1960, les autorités suisses déclaraient sans
atermoiement aucun qu’il semblait indiscutable que le secret bancaire favorise la fraude
fiscale et que sa disparition serait salutaire pour s’attaquer à cette « gangrène »70
. Malgré le
maintien par la Suisse d’un secret bancaire strict, pendant de nombreuses années, les besoins
fiscaux des Etats pour équilibrer leurs budgets déficitaires, justifient aujourd’hui la campagne
menée contre cette institution. En effet, ce « regain d’intérêt porté à la thématique de
l’évasion n’est pas une bonne nouvelle pour l’industrie financière suisse en particulier et
pour la Suisse en général. Le secret bancaire a certes toujours été sous pressions. Mais
l’originalité de la situation actuelle réside dans l’intensité et la multiplication des sources de
pressions, et surtout dans la concentration des critiques et des attaques sur l’aspect ‘évasion
fiscale’ du secret bancaire » écrit Caroline EGGLI (71)
. Le procès mené à son encontre a pour
fondement la recherche d’une justice fiscale, laquelle se manifeste à travers le principe de
l’égalité des citoyens devant les charges fiscales. D’une grande noblesse, ce principe tire son
origine de l’article 13, de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose :
67
AFC, Assistance administrative et entraide judiciaire en matière fiscale (Etat de la législation : 1er février
2013), Division études et supports, Berne, 2013, p.1.
68
OCDE, Fiscalité et usage abusif du secret bancaire, Paris, Rapport OCDE, 1985.
69
S. GUEX, « Les origines du secret bancaire et son rôle dans la politique de la confédération au sortir de la
Seconde Guerre mondiale », Genèse, n°34, vol.34, 1999, pp.4-27 ; C. EGGLI, « Le secret bancaire suisse face aux
pressions internationales », I stitut Eu op e de l’U ive sit de Ge ve, , p. ; B. BERTOSSA, « De
l thi ue de o att e l vasio fis ale », Euryopa, 2002, p.31.
70
A. HOFFER, La fraude fiscale en Suisse, Editions Grounauer, 1978, p.138.
71
C. EGGLI, op.cit, p.32.
19
« pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses de l’administration, une
contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens,
en raison de leurs facultés ».
Haut lieu de la gestion de la fortune privée, la Suisse détient une part importante du marché
mondial72
. À cause de l’évasion fiscale, le secret bancaire suisse fait perdre aux Etats des
sommes d’argent importantes qui pourraient être investies en dépenses publiques diverses. En
Suisse, environ 780 milliards de francs suisses , d’avoirs de personnes résidant dans le pays,
seraient dissimulés à l’Etat. Ceci causerait une perte pour les caisses publiques de 7,8 à 12,5
milliards de francs. A l’échelle européenne, entre 50% et 80% des avoirs des Européens en
Suisse ne seraient pas déclarés à l’Etat d’origine73
. Enfin, les sommes placées en Suisse par
les résidents des pays du Sud causeraient un manque à gagner pour les caisses publiques de
ces Etats à l’ordre de 15 milliards de dollars par an74
.
Afin de mieux lutter contre l’évasion fiscale, il est important que la Suisse puisse lever son
secret bancaire75
, lequel, jusqu'à une époque récente avait été défendu avec la plus grande
fermeté (76).
Il est évident que « le secret bancaire offre à ce jour, en Suisse, une protection
sans faille en faveur des contribuables indélicats » comme le fait savoir le juge Bernard
BERTOSSA (77)
. Il est important de retenir que l’évasion fiscale affecte le tissu social
économique, et décourage les honnêtes contribuables qui veulent s’acquitter de leurs
obligations à l’égard du fisc (78)
.
72
Entre 30% et 40% de la gestion off shore des fortunes privées revient à la Suisse, dont plus de 60 %
o e e t les lie ts t a ge s. Ai si, le o ta t de la fo tu e g e pa la pla e fi a i e suisse s’ l ve à
4000 milliards de francs.
73
S. GUEX, « Le secret bancaire suisse : une perspective historique », RES n°1, 2002, p.12
74
Oxfam GB Policy paper, Tax havens, releasing the hidden billions for poverty eradication,
2000, p.10
75
A. HOFFER, op.cit, p.138
76
S. GUEX, « Les origines du secret bancaire et son rôle dans la politique de la confédération au sortir de la
Seconde Guerre mondiale », Genèse n°34, vol.34, 1999, pp.4-27.
77
B. BERTOSSA, « De l thi ue de o att e l vasio fis ale », in Place financière suisse, évasion fiscale et
intégration européenne, (Sous la dir.) R. SCHOW, éd. Euryopa, Genève, 2002, p. 132.
78
I id. l’auteu affi e à juste tit e : « t i he ave l’i pôt evie t do pa u effet pu e e t a i ue, à
faire assumer une part plus importante de la charge fiscale par les contribuables honnêtes, soit ceux qui par
o ligatio , pa o vi tio ou ai te de la sa tio , s’a uitte t e ti e e t de la ha ge ui leu est
20
Les pressions internationales ont conduit la Suisse de réduire de manière significative la
portée de son secret bancaire79
. Le FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) est un
accord, signé entre la Suisse et les USA, qui a causé de profondes entailles à cette institution.
Il a ainsi plongé le secret bancaire dans un « coma profond ».Il a été signé le 13 février 2013
par la Suisse. Cet accord prévoit une assistance régulière de la Suisse à l’administration
fiscale américaine. L’objectif du FATCA est d’assurer l’imposition des avoirs détenus à
l’étranger par des contribuables américains. La Suisse a été contrainte de participer à cet
accord, elle ne désirait pas prélever un impôt à la source de 30% pour le compte du fisc
américain80
. Les banques suisses s’engagent donc à identifier tous les comptes des
contribuables américains, à communiquer au fisc américain les renseignements relatifs sur ces
comptes, à donner suite aux demandes de renseignements complémentaires déposés par le fisc
américain dans le cadre d’une procédure vérification et d’application.
Le modèle d’accord choisi par la Suisse ne repose pas, en tant que tel, sur l’échange
automatique d’informations mais semble s’en rapprocher81
. L’administration fiscale
américaine pourra demander sur cette base des renseignements précis sur les comptes
concernant les demandes groupées (Accord FATCA art.5). Il convient à signifier que la
Suisse n’est pas le seul à avoir signé cet accord. Il y a aussi la France, l’Italie, la Grande
Bretagne. L’impact de cet accord a affecté « le mur du secret » bancaire. Il s’étiole comme
jamais auparavant surtout avec les discours agressifs de la communauté internationale.
légalement dévolue. Plus la fraude est importante, plus la part théorique de chaque contribuable risque de
s’a oît e, ave la te tatio plus g a de de se soust ai e à l’a o plisse e t de ses devoi s. Pa u e so te
d’aspi atio , so e toute o p he si le, à l’ galit da s l’ill galit , la violatio de la loi fiscale risque de
deve i la gle et so espe t l’ex eptio »
79
R.H. WEBER, « Le se et a ai e fa e à l ad i ist atio fis ale e d oit suisse », R.L.D.A, n°49, mai 2010,
p.76. V. aussi X. OBERSON, « L volutio e Suisse de l ha ge i te atio al de renseignements fiscaux : de
l a al te au « ig a g », R.D.F n°24, 13 juin 2013, p.110.
80
Conseil Fédéral, Entraide judiciaire et entraide administrative en matière fiscale- Egalité de traitement,
Rapport, 18 décembre 2013, p.26.
81
X. OBERSON, op.cit, p. 115.
21
2- Le rôle des institutions internationales dans la lutte contre l’évasion fiscale.
Pour trouver des solutions à la crise financière, les pays membres du G20 se sont réunis à
Londres le 2 Avril 2009. Et, lors de cette rencontre des engagements importants ont été pris
par les Etats afin de parvenir à la stabilité de l’économie mondiale. C’est ainsi qu’ils avaient
« décidé de prendre des résolutions contre les pays non-coopératifs, incluant notamment les
paradis fiscaux. Nous sommes prêts à déployer les sanctions nécessaires pour protéger nos
finances publiques et nos systèmes financiers ». Car il était important de mettre un terme à des
agissements contreproductifs des territoires non coopératifs, qui avaient affecté le jeu de la
concurrence fiscale entre les Etats. C’est durant cette rencontre, d’ailleurs, que l’OCDE avait
publié la liste des pays non coopératifs et qui étaient considérés comme des paradis fiscaux.
En effet, lors de sa publication il y avait quatre listes, chacune de ces listes étaient identifiées
par une couleur (blanc, gris clair, gris foncé et noir) qui témoignait du degré d’absence de
coopération d’une juridiction. Et, force est de remarquer que la Suisse faisait parti de la liste
grise des pays ayant pris l’engagement d’adopter substantiellement les standards
internationaux en vue de la coopération avec les autres Etats.
Le combat mené par l’OCDE contre les paradis fiscaux se justifie par le fait que, les paradis
fiscaux ou bancaires ont une part importante dans le problème de l’argent82
sale et de
l’évasion fiscale (83)
. C’est donc à juste titre qu’ils « (…) sont considérés comme le
dénominateur commun entre le blanchiment d’argent et la fraude fiscale » (84)
.
Historiquement, ces pratiques sont indissociablement liées aux paradis financiers (85)
. Les
paradis fiscaux accueillent à bras ouverts des sommes considérables soustraites aux fiscs
nationaux, notamment des personnes fortunées et des entreprises multinationales. Ce statu
quo est un facteur puissant d’exacerbation de la concurrence fiscale qui devient dès lors
dommageable ; car cela créait des disparités et des inégalités, et empêchent ainsi de nombreux
Etats de pouvoir recouvrer l’impôt.
82
T. GODEFROY, P. LASCOUMES, « Havres fiscaux et places financières sous- gul s Les les d u e atte tio
politique improductive », Dossier savoir/agir, 2010, p.32.
83
S. GUEX, « Développement de la place financière helvétique et secret bancaire au 20
e
siècle : la Suisse comme
paradis fiscal », Solidarité n°125, Finances, 2001, p.4.
84
C. FOUMDJEM, op.cit., p.47.
85
A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, Le la hi e t d a ge t e Suisse, S i ai e d’ o o ie
nationale, Université de Lausanne, p.7
22
La Suisse a fourni des efforts considérables, pour se voir être retiré de la liste de l’OCDE des
paradis fiscaux et des pays non coopératifs en matière d’échange d’informations pour des fins
fiscales. Depuis la décision prise par le Conseil Fédéral le 13 mars 2009, la Suisse s’était
engagée de signer de nouvelles conventions, ou en procédant simplement à des modifications
des conventions antérieures pour les adapter au standard international de l’article 26 du MC-
OCDE86
. Cette disposition a pour but de faciliter ainsi l’échange de renseignements avec
86
Article 26 MC-OCDE prévoit que : « Les autorités compétentes des États contractants échangent les
renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou
pou l’ad i ist atio ou l’appli atio de la l gislatio i te e elative au i pôts de toute atu e ou
dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs
collectivités locales dans la mesure où l’i positio u’elle p voit ’est pas o t ai e à la Co ve tio .
L’ ha ge de e seig e e ts ’est pas est ei t pa les a ti les et .
2. Les renseignements reçus en vertu du paragraphe 1 par un État contractant sont tenus secrets de la même
manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont
o u i u s u’au pe so es ou auto it s o p is les t i u au et o ga es ad i ist atifs o e es
pa l’ ta lisse e t ou le e ouv e e t des i pôts e tionnés dans au paragraphe 1, par les procédures ou
poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de
e ui p de. Ces pe so es ou auto it s ’utilise t es e seig e e ts u’à es fi s. Elles peuvent révéler
es e seig e e ts au ou s d’audie es pu li ues de t i u au ou da s des juge e ts.
3. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un
État o t a ta t l’o ligatio :
a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles
de l’aut e État o t a ta t ;
b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre
de sa pratique ad i ist ative o ale ou de elles de l’aut e État o t a ta t ;
c) de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un
p o d o e ial ou des e seig e e ts do t la o u i atio se ait o t ai e à l’ordre public.
. Si des e seig e e ts so t de a d s pa u État o t a ta t o fo e t à et a ti le, l’aut e État
o t a ta t utilise les pouvoi s do t il dispose pou o te i les e seig e e ts de a d s, e s’il ’e a pas
besoin à ses propres fins fis ales. L’o ligatio ui figu e da s la ph ase p de te est sou ise au li itatio s
p vues au pa ag aphe sauf si es li itatio s so t sus epti les d’e p he u État o t a ta t de
communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne prése te t pas d’i t t pou lui da s le
cadre national.
5. En aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un État
contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par
u e a ue, u aut e ta lisse e t fi a ie , u a datai e ou u e pe so e agissa t e ta t u’age t ou
fidu iai e ou pa e ue es e seig e e ts se atta he t au d oits de p op i t d’u e pe so e. »
23
l’étranger. Depuis le 15 Octobre 2013, elle a signé la convention de l’OCDE sur l’assistance
mutuelle en matière fiscale, glissant inexorablement vers l’échange automatique
d’informations. Cette concession faite par la Suisse était inimaginable dans un passé récent.
Elle a pu montrer par la suite à ses partenaires que les accords qu’ils avaient signés devraient
s’appliquer. Depuis lors, il a été possible, sur la base de l’entraide ou de l’assistance
administrative en matière fiscale, d’accéder aux informations sur l’identité des détenteurs de
comptes, de société, de trust, qui sont sur son territoire et même des institutions financières
suisses basées à l’étranger. Ce qui a affaibli la portée de son secret bancaire.
Les gages politiques donnés par la Suisse se sont traduits en acte. Le scandale récent de fraude
fiscale impliquant la banque suisse UBS aux USA a été un levier important afin que la Suisse
parvienne à assister les autres Etats en matière fiscale. La banque UBS avait été soupçonnée
d’avoir aidé des clients étrangers, notamment les américains et français, à frauder le fisc de
leur pays, a marqué les esprits. Elle avait été victime des pressions très fortes de la part du fisc
américain à livrer les noms de ses évadés fiscaux au risque de perdre sa licence d’exercice sur
le sol américain, mais aussi sous le coup d’une lourde sanction économique. Cette situation
d’une extrême particularité avait égratigné le secret bancaire suisse puisque le Conseil Fédéral
avait accepté les exigences américaines en leur livrant tous les noms de leurs contribuables
ayant fraudé le fisc par le biais de la banque suisse UBS. Cela étant, la Suisse s’est trouvée
entre le marteau et l’enclume. Contrainte d’avancer au milieu du gué, elle doit faire face à des
pressions qui s’accroissent constamment, tant de la part de l’OCDE que des Etats-Unis, mais
aussi des grands pays de l’Union européenne à l’instar de la France et de l’Allemagne.
L’OCDE milite ainsi pour une meilleure coopération entre les Etats afin de réduire la fraude
fiscale. Elle préconise ainsi la levée du secret bancaire afin de rendre fluide l’échange
d’informations pour des fins fiscales. Son rôle, dans le combat mené contre les paradis
fiscaux, fait souvent l’objet de critiques exacerbées. En effet, on l’accuse souvent de
partialité et d’être une organisation « schizophrénique » (87)
, car elle aurait tendance à
privilégier les intérêts des pays qui la financent grandement (U.S.A, France, Allemagne,
Grande Bretagne, Italie). A l’heure actuelle, la lutte contre les paradis fiscaux est un impératif.
Voila pourquoi l’OCDE est devenue une organisation charnière dans la lutte contre les
87
P. BESSARD, op.cit, pp.18-19.
24
paradis fiscaux car ces derniers menacent la stabilité de l’économie surtout dans un monde en
crise. C’est ainsi qu’elle argue que « l’évitement fiscal et l’évasion fiscale signifient moins de
ressources pour les infrastructures et les services comme l’éducation et la santé, ce qui
diminue le niveau de la vie tant dans les pays en développement que dans les pays
développés » (88)
. Les sommes qui trouvent refuges dans les havres fiscaux, qui échappent aux
fiscs, constituent un manque à gagner pour les Etats, et se chiffrent en milliard d’euros ou de
dollars.
Face au risque de détricotage des systèmes fiscaux, la Suisse a accepté de sacrifier son secret
bancaire sur l’autel de la coopération. Mais cette volte face entrainera dans son sillage des
conséquences soit médiates ou immédiates, dont les impondérables n’ont pas encore été pris
en compte.
B- Le poids des changements
La législation fiscale suisse est étroitement liée à la politique du maintien du secret bancaire.
Et l’on peut tabler que sa disparition qui se fait déjà pressentir va balayer la Suisse par des
réformes importantes (1). De même l’activité bancaire, qui a un rôle important dans
l’économie suisse ne pourra pas être épargnée par la vague de changements qui arrivent (2).
1- Le climat juridique modifié.
Le passage à l’échange automatique d’informations, en matière fiscale, apportera
indéniablement des changements dans la législation helvétique. L’évasion fiscale, qui jusqu’à
présent, était traitée comme un simple écart administratif, pouvant faire l’objet de correction
par l’administration suisse, va devenir une infraction répréhensible au même titre que la
fraude fiscale89
. Cette situation ne va concerner que les étrangers non résidents qui ont ouvert
un compte sur la place financière suisse.
88
OCDE, La lutte contre la fraude fiscale, Rapport, 2011.
89
Cette p essio ’i flue e pas les o t i ua les suisses, à l’ ga d des uels ette disti tio se le
toujours être maintenue, mais seulement les déposants étrangers.
25
A l’heure actuelle, la Suisse a déjà abandonné la distinction qu’elle établissait entre l’évasion
et la fraude fiscale en matière d’échange d’informations. En effet, le droit fiscal suisse
établissait autrefois, une distinction entre l’évasion fiscale, la fraude fiscale et la soustraction
d’impôt. Cet aspect interne du droit fiscal suisse paraissait étrange pour les autres Etats90
qui
ne pouvaient obtenir l’aide de la Suisse qu’en cas de fraude fiscale91
. L’évasion fiscale était
traitée, en Suisse, comme une simple économie d’impôt que le contribuable entend réaliser
en utilisant une structure insolite. L’évitement d’impôt réalisé n’était pas constitutif d’une
infraction pénale fiscale. Mais simplement d’un écart administratif, comme nous l’avons dit
précédemment. Dans le cas d’une soustraction d’impôt92
, le contribuable par ces agissements
dissimule la matière imposable93
, elle est une infraction fiscale punissable. La fraude fiscale94
est une situation aggravée de soustraction d’impôt, le contribuable agi délibérément pour
induire le fisc en erreur, par la production et l’usage de faux documents ou titres. Elle
constitue un délit pénal punissable d’une peine d’emprisonnement et d’une amende allant
jusqu’à 30. 000 francs suisses.
L’abandon de cette distinction en matière de coopération internationale, a toujours été le
principal souhait des détracteurs internationaux du secret bancaire suisse. En effet, cette
distinction délimitait les conditions de l’assistance administrative et de l’entraide judiciaire95
.
Le maintien de cette distinction n’est plus « absolument tenable »96
, les pressions
internationales y ont joué un grand rôle. L’une des conséquences que l’on doit envisager, en
cas de la disparition de cette distinction, serait de voir la retenue à la source devenir obsolète.
Le système de la retenue à la source avait été adopté par la Suisse, pour atténuer l’opposabilité
du secret bancaire au fisc, sans pourtant que ce dernier puisse être levée. La suppression de
90
R.H. WEBBER, op. cit, p.77.
91
La fraude fiscale est encore appelée escroquerie fiscale en droit suisse.
92
Article 175 al. 1 de la Loi f d ale su l’i pôt f d al di e t LIFD , et l’a ti le La Loi f d ale su
l’ha o isatio des i pôts di e ts des a to s et o u es LHID .
93
X. OBERSON, Droit fiscal suisse, éd. Helbing Lichtenhahn Verlag, 1998, p.45
94
Art. 186 LIFD et 59 LHID.
95
X. OBERSON, « Refonte de la fiscalité Une boite de Pandore », La Lettre (Groupement des banques privées
Genevois), n°34, mai 2008, p.3.
96
G. PERROULAZ, « Place financière suisse », l’Annuaire Suisse de politique de développement, vol. 22, n°1,
2003, p.139.
26
cette distinction est assimilable à l’ouverture de la « boite de Pandore »97
, à la capture du
monstre de Loch Ness. Son incidence entrainera dans le paysage juridique suisse des
changements importants. Elle pourrait être source d’instabilité à cause de la succession des
reformes fiscales.
La conséquence envisagée par le Pr. Xavier OBERSON serait qu’ « on peut tabler sur le fait
que la Suisse, en remaniant son propre modèle, renoncerait du même coup au système actuel
de retenue à la source au profit de l’échange automatique d’informations »98
. De même, les
différents accords passés entre la Suisse et l’U.E, notamment en matière de l’harmonisation de
la fiscalité de l’épargne, n’auront plus d’importance, puisqu’elle va se livrer maintenant à
l’échange automatique d’informations. La suppression de cette distinction affecterait
l’ossature de tout le système juridique helvétique. Elle entrainera donc, à proprement parler,
une refonte considérable du droit fiscal suisse.
Durant de nombreuses années, la Suisse n’assurait sa coopération que dans un cadre
extrêmement limité. Mais depuis 2009 elle a retiré sa réserve de l’article 26 MC-OCDE. Cet
article préconise des échanges d’informations et une assistance administrative en matière
fiscale. Même dans ce contexte là, et malgré une révision importante des conventions fiscales
dont elle est partie, le terrain qu’elle avait concédé restait infime. Aussi, plusieurs règles
spécifiques ne pouvaient pas permettre qu’elle puisse lever son secret bancaire lorsqu’elle est
requise par un autre Etat. Il s’agit en effet, des règles qui gouvernent la coopération
internationale entre les différents Etats tant en matière pénale que dans le domaine de la
fiscalité.
En matière pénale, des obstacles majeurs, en matière de coopération ont été épinglés, car
freinant la lutte contre la fraude fiscale et d’autres infractions économiques. Pour coopérer
avec les autres Etats, elle s’est dotée d’une loi portant sur l’entraide internationale en matière
pénale (EIMP), qui évoque certains principes que l’Etat requérant doit respecter pour être
assurée de la coopération des autorités helvétiques. Parmi ces règles, il y a le principe de
97
X. OBERSON, op.cit, p.2.
98
Ibid.
27
proportionnalité99
et de réciprocité100
, le principe de spécialité101
, et le principe de la double
incrimination102
sur lequel nous allons mettre l’accent.
Le principe de la double incrimination signifie que la Suisse accordera sa coopération dans le
cas où les faits dénoncés par l’Etat requérant aient la même qualification en son droit interne.
Il s’agit d’une certaine forme d’harmonisation indirecte des systèmes répressifs. Il appert que
« les faits reprochés à la personne poursuivie à l’étranger doivent être transposés, dans la
mesure du nécessaire et selon leur sens, pour juger de leur punissabilité selon le droit interne
de l’état requis, en se fondant sur l’hypothèse que les actes auraient été commis sur le
territoire de cet Etat ou mieux encore qu’il serait soumis à la juridiction de cet Etat »103
. Ce
n’est que dans le cas où ce comportement ne tombe pas sous le coup d’aucune incrimination
dans l’Etat requis (la Suisse) qu’on pourra conclure que la condition de la double
incrimination n’est pas remplie. Souvent, la Suisse a présenté ce principe comme prétexte
pour refuser de coopérer en matière d’évasion, ce qui d’ailleurs semble être bien fondé104
. Le
maintien d’une telle règle en la matière est critiquable105
, elle anéantit les efforts fournis par
les Etats, et organisations internationales à restreindre l’émancipation de ce « fléau
économique ».
99
S’agissa t du p i ipe de p opo tio alit , il o vie t de otifie u’elle a u e assise o stitutio elle. E
effet, ’est l’a ti le al. de la o stitutio f d ale ui pose e p i ipe. Cet a ti le dispose ue « l a tivit de
l Etat doit po d e à u i t t pu li et p oportionné au but visé ». Ce principe a donc pour vocation de
s’appli ue à toutes les a tivit s de l’Etat, et l’e t aide judicaire ne fait pas exception à cette règle
100
Le p i ipe de ip o it est ta li pa l’a ti le EIMP ui p voit u’ « en gle g ale, il est do
suite à u e de a de si l Etat e u a t assu e la ip o it . L offi e de la justi e du D pa te ent fédéral et
police (office fédéral) requiert une ga a tie de ip o it si les i o sta es l e ige t ».
101
Art. 67 EIMP qui dispose que « les e seig e e ts et les do u e ts o te us e peuve t, da s l tat
e u a t, i t e utilis s au fi s d i vestigatio s i t e p oduits o e o e de p euve da s u e p o du e
p ale visa t u e i f a tio pou la uelle l e t aide est e lue ».
102
Art 63 et 64 EIMP
103
M. DELMAS-MARTY, Criminalité économique et atteinte à la dignité de la personne, éd. M.S.H, 2001,
p.64.
104
Article 3 al.3 EIMP atteste que « la demande est irrecevable si la procédure vise un acte qui parait tendre à
diminuer des recettes fiscales, ou contrevient à des mesures de politique monétaire, commercial ou
économique »
105
C. FOUMDJEM, Bla hi e t d a ge t et f aude fis ale, d. l’Harmattan, 2011, p.392.
28
Le secret bancaire n’est plus un principe absolu qui doit même prévaloir sur les intérêts des
Etats et que les banquiers suisses doivent défendre même en usant de la violence. Ce qui le
conduit inexorablement vers sa fin, qui affectera certainement la place financière suisse.
2- Le climat économique affecté
Présentement, l’on assiste à la régression de confiance accordée aux banques suisses. C’est à
partir du scandale de l’affaire UBS que les banques suisses ont vu leur clientèle craindre que
la confidentialité, qui leur était offerte autrefois puisse disparaitre. Cette discrétion que faisait
montre le banquier était un facteur important d’attraction pour la place financière suisse. Mais
aujourd’hui avec les nombreuses concessions faites par la Suisse, l’on peut s’interroger si la
part importante des fonds qu’elle a longtemps gérés pour le compte des déposants étrangers
ne va pas subir une régression. L’on assiste depuis les démêlés de l’affaire UBS une perte
progressive des banques helvétiques de leur clientèle étrangère106
, affectant la gestion
offshore des fortunes, domaine dans lequel les banques suisses détiennent une part importante
du marché mondial de l’ordre de 30% à 40% 107
. Il convient cependant à préciser que cette
délocalisation ne pourra pas se faire si rapidement car les clients doivent être renseignés sur
les conséquences de la politique Suisse en l’état actuel en matière d’échange d’informations.
Aussi, l’OCDE milite grandement à ce que les grandes places financières et les paradis
fiscaux puissent adopter les standards internationaux en matière fiscale. Cette uniformisation
des règles internationales ne serait pas en soi une mauvaise nouvelle pour la Suisse.
Le secteur financier est cardinal pour l’économie helvétique. Le domaine dans lequel la
Suisse a excellé est, sans l’ombre d’un doute, le secteur de la gestion des fortunes. D’après les
estimations de la banque UBS, en 1998, avaient montré que les plus-values dans le domaine
de la gestion des fortunes s’élevaient à près de 22 milliards de franc suisse, soit près de 60%
des plus values créées dans l’ensemble du secteur financier et que près de 43.000 emplois y
106
T.D. COCCA, « Le secret bancaire en mutation: conséquences et perspectives pour la gestion de fortune
privée », R.P.E, 2009, p.1.
107
S. GUEX, op.cit, p.2.
29
était rattachée108
. L’on remarque que ce secteur peut être considéré comme l’un des poumons
de l’économie helvétique. Et le secteur bancaire en Suisse aurait crée plus de 100 milles
emplois. Si le secret bancaire venait à disparaitre, cela affecterait l’économie toute entière de
la Suisse, sa survie est donc une question importante pour la préservation des emplois que le
secteur bancaire a généré. Il faut donc le protéger car la suppression du secret bancaire serait
une catastrophe pour la place financière, qui se paierait par des pertes massives d’emplois et
pour la Suisse, elle aura donc à terme des conséquences dramatiques109
. En effet, le coût de
l’abandon du secret coutera à la Suisse plus de 100 milliards de franc suisse, et le taux du
chômage pourra dépasser les 10%. Et, les villes à forte activité financière seront certainement
les plus touchées.
La mort du secret bancaire ne résoudra pas d’une manière générale la lutte contre l’évasion
fiscale. Il faut que toutes les autres places qui ont mis en place des structures opaques puissent
coopérer. Mais, souvent celles-ci font prévaloir leur souveraineté pour bloquer les
négociations internationales. La Suisse pourra aussi se refugier derrière cet argument pour
obtenir des contreparties efficaces de son sacrifice. Il est à craindre que sa clientèle cherche à
se délocaliser vers des places plus attractives, ce qui annihilera les efforts de la lutte contre ce
phénomène. Le problème n’est pas seulement la remise en cause du secret bancaire suisse,
mais un combat qui doit être mené à l’échelle mondial. Verra-t-on un monde sans un paradis
fiscal ? Cet idéal ne semble être qu’un discours d’estrade. En effet, les mêmes pays qui
dénoncent le secret bancaire suisse ont des juridictions dépendantes qui ont mis en place des
structures similaires. L’hypocrisie est donc une stratégie importante dans la compétition
fiscale. Dénoncer le secret bancaire suisse, et protéger ses intérêts voilà la devise des Etats
perdants de la concurrence fiscale.
108
M. ZUMSTEIN, « Importance du secteur financier suisse et position de négociation du Conseil fédéral », in
Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R.SCHOWK, Euryopa, Genève,
2002, p.85.
109
J. ZIEGLER, « Mort programmée du secret bancaire », Le Temps, Février 2001, p.12
30
Autrefois sacralisé, le secret bancaire semble subir l’usure et l’injure du temps. En effet,
l’heure n’étant plus à l’observation et à laisser choir les systèmes économiques, sans rien faire
de la part des Etats serait une attitude irresponsable. Les actions ont été menées pour essayer
de réguler les flux internationaux circulant dans les juridictions opaques. Tout doit être
transparent, même la circulation de l’argent. La communauté internationale s’étant rendu
compte que la crise économique a été occasionnée par l’absence de contrôle effectif des
activités bancaires ayant profondément conduit à l’effondrement de l’économie mondiale.
Depuis, les pressions n’ont cessé de croitre, des rencontres internationales se sont multipliées
pour trouver des solutions à la crise. A cet effet, tous les systèmes bancaires ne fournissant
pas assez de transparence dans les flux de capitaux ont été dénoncés vertement. Cette situation
a conduit à la remise en cause du secret bancaire suisse, lequel a fait preuve de résistance
pendant de nombreuses années. Les pressions dirigées vers la place financière helvétique ne
datent pas d’aujourd’hui. Mais, actuellement elles ont pris une forme particulière. Cela semble
se justifier, car l’évasion, la fraude, la corruption, le blanchiment d’argent, se développent par
le biais de cette institution.
« L’ère du secret bancaire est révolu » cette phrase mémorable parait être un truisme à l’aune
des évolutions internationales présentes. « Tout n’est sans soute pas encore joué, mais, sans
grande surprise, on peut d’ores et déjà percevoir les grandes lignes du paysage des paradis
bancaires de demain. L’offensive sans précédent menée par quelques dirigeants de pays à
forte imposition contre le secret devrait leur permettre d’atteindre du moins en partie leurs
objectifs »110
. Ces objectifs se concrétisent progressivement. En effet, le Luxembourg,
l’Autriche ont renoncé récemment à leur secret bancaire pour passer à l’échange automatique
d’informations. Et la Suisse suivra, nous le pensons, le pas. Elle a décidé de limiter l’usage
abusif de sa place financière, notamment de son fameux secret bancaire111
.
Pour éviter les abus potentiels de l’utilisation de sa place financière, elle a accepté les
standards internationaux pour lutter contre l’évasion, le blanchiment en renonçant au maintien
de la protection de son secret bancaire. L’érosion du secret bancaire est manifeste au point où
il se réduit à « peau de chagrin ». Certaines prédictions annoncent même sa levée complète. Il
110
T. AFSCHRIFT, « ‘ fle io s su l ave i du se et bancaire », Institut Libéral, mars 2009, p.1
111
CAD, Examen en matière de coopération pour le développement : Suisse, Dossier du CAD, 2000, vol.1, n°4,
pp.52-53.
31
est victime de son époque, entre scandale, crise économique, sa mort est déjà programmée, il
est condamné112
à disparaitre. Mais quand ? Nous ne saurons y répondre avec exactitude et
précision.
112
S. GUEX, op.cit, p.6.

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L'avenir du secret bancaire suisse

  • 1. 1 L’avenir du secret bancaire suisse. Par Joad-Louad BILEMBOU-LOUAMBA* Master en Droit International des Affaires Master en Droit Fiscal des Affaires. . Une grave menace pèse sur le secret bancaire suisse depuis que la crise financière s’est accentuée. Dans un climat de fortes pressions, dû notamment à l’épineux problème de l’évasion fiscale, la question de son avenir mérite d’être posée (1) . Cela semble à priori se justifier par le fait que le secret bancaire suisse est un instrument que les contribuables ont su utiliser pour distraire la matière fiscale. Il ne parait plus raisonnable de tolérer cette « évaporation fiscale », qui semble être « légalisée » par les places financières opaques. Ce qui remet donc en cause, le paradigme selon lequel le secret bancaire suisse avait été considéré d’institution « intouchable » et, ce jusqu’à une époque assez récente. D’ordinaire, le secret bancaire, peut être défini comme étant « la discrétion que les banques, leurs organes et employés doivent observer sur les affaires économiques et personnelles de leurs clients et de tiers parvenus à leur connaissance dans l’exercice de leur profession »2 . Il s’agit, comme l’a souligné un auteur, « [d’] une institution de droit, un « mur » juridique érigé par la loi suisse autour de la relation entre la banque et son client. Il vise à la protéger de la curiosité d’autrui, qu’il s’agisse des personnes privées ou d’autorité publique. Les clients des banques suisses jouissent ainsi d’un degré de confidentialité inconnu dans la plupart des autres pays » (3) . Le banquier suisse est ainsi lié par un devoir de discrétion, qui lui interdit, de ce fait, de divulguer des informations concernant ses clients aux tiers, même à * joadbil@yahoo.fr. 1 S. BESSON, Le secret bancaire : la place financière suisse sous pressions, 2 e éd. Presses Polytechniques et universitaires romandes, 2004, p.9. 2 M. AUBERT, J. Ph. KERNEN, H. Herbert SCHONLE, Le secret bancaire Suisse, éd. Staempfli et Cie, 1982, p. 31. 3 S.BESSON, op.cit. p.10
  • 2. 2 l’administration fiscale4 , sans préjudice d’engager sa responsabilité5 en cas de violation de cette obligation. Cette obligation de confidentialité, qui encadre la relation du banquier avec son client, est nécessaire non seulement pour la préservation de la sphère privée du citoyen helvétique, mais aussi des clients étrangers. Il correspond donc à une exigence légitime de sécurité6 pour les clients des banques suisses. Il protège ainsi le contribuable contre l’immixtion de l’administration fiscale dans ses écritures bancaires. En ce qui concerne, son avènement7 , sur la place financière helvétique, est dû à un concours de circonstances historiques8 . Elles sont parfois auréolées d’une origine plus mythique que réelle9 . La principale thèse qui a prévalu, durant de nombreuses années, au sujet de son origine, consistait à dire qu’il avait été, au départ, mis en place dans le souci de protéger les fonds et les avoirs juifs contre les persécutions nazies, du fait des espionnages économiques orchestrés par la GESTAPO sur le territoire suisse10 . C’est dans ces circonstances que le secret bancaire avait été introduit en Suisse. Cette action, emprunte d’humanisme des autorités helvétiques, ô combien noble, est pourtant éloignée de la réalité historique. En effet, la loi fédérale suisse sur les banques et les caisses d’épargne de 1934, avait été adoptée pour renforcer l’attractivité de la Suisse, en sanctionnant pénalement la violation du secret bancaire (11) . Il s’agissait pour les autorités suisses de résister aux attaques des pays 4 Il existe néanmoins des exceptions prévues par la loi fédérale suisse, surtout en matière de procédure pénale, le secret doit être levé. 5 F. PASQUALINI, « La responsabilité du banquier », R.C.D, Octobre 2005, p.4 6 P. DELEBECQUE, M. GERMAIN, Traité de droit commercial, L.G.D.J, T.2, 17 e éd 2004, p.236-239. 7 Il s’agit i i de la o s atio ode e du se et a ai e. E effet le se et tait d jà ie a da s le paysage helvète depuis des siècles. 8 S. ALTINDAG, La concurrence fiscale dommageable, éd L’Har atta , 2009, p.295. 9 P.HUG, « Les v aies o igi es du se et a ai e : d o tage d u the », le Temps 27 Avril 2000, p 12 10 S. GUEX, « Les origines du secret bancaire suisse et son rôle dans la politique de la confédération au sortir de la seconde guerre mondiale », Genèse, 1999, vol.34, n°34, p.4-17 ; P.G. MORCOS, Le secret bancaire face à ses défis Liban, France, Suisse, Luxembourg et Moyen orient, éd. Sader & Bruylant, 2008, pp.104-106. 11 L’a t. de ette loi p voit e effet ue : « 1.Celui qui aurait incité autrui à violer le secret professionnel, se a pu i de l’e p iso e e t pou six ois au plus ou de l’a e de jus u’à o u e e de 0.000f a s. … . La violatio du se et de eu e pu issa le alo s e ue la ha ge ou l’e ploi a p is fi ou ue le
  • 3. 3 voisins, victimes d’un grand exode fiscal, qui dénonçaient déjà l’opacité de ce système mis en place par la Suisse pour capter leur matière imposable, d’autant plus qu’elle rechignait à coopérer avec ces derniers. La levée du secret bancaire pour combattre l’évasion n’était pas négociable (12) . Cette situation a augmenté l’attrait des banques suisses. Elles sont vite devenues un lieu de refuge pour les capitaux étrangers. Le motif essentiel était pour les riches contribuables, des pays européens à forte imposition, de se soustraire à leurs obligations fiscales. Le secret bancaire suisse est devenu un « alibi »13 pour les contribuables qui veulent à tout prix éluder l’impôt. Bien que perçu comme un pilier important du crédit et garant d’une économie saine14 , il est devenu, assez rapidement, un paravent à l’accomplissement d’opérations illicites. Entre argent gris et argent sale, la place financière suisse a amassé des fonds considérables qui se chiffrent en millier de milliards, en faisant une application de cet adage : « Pecunio non olet » (l’argent n’a pas d’odeur), pour satisfaire sa clientèle. Il convient de garder à l’esprit que la pratique d’une telle confidentialité « (…) où rien ne transpire au dehors de ce qui se fait à l’intérieur » (15) des banques, a rendu celles-ci attrayantes et, en même temps vulnérables à l’émancipation du crime économique, à l’évasion fiscale et au blanchiment d’argent. Le regain d’intérêt des organisations internationales (GAFI, OCDE, UE…), et les nombreux assauts des pays capitalistes, particulièrement les grands perdants de la concurrence fiscale, a soulevé la question de la légitimité du maintien d’une telle institution. Pour essayer de sauver son secret bancaire, le Projet Rubik16 avait été élaboré. Il permettait aux banques suisses de recouvrer l’impôt à la source pour le compte des administrations fiscales étrangères. Salutaire, il permettait ainsi de protéger l’identité des contribuables et garantissait la survie du secret bancaire. Mais, la traque hargneuse des fraudeurs a nécessité la d te teu du se et ’exe e plus sa p ofessio . So t se v es les dispositio s de la l gislatio f d ale et a to ale statua t l’o ligatio de e seig e et de t oig e e justi e ». 12 S.GUEX, op.cit, p. 16 13 N. LOUKIL, « Le secret bancaire fiscal », R.T.F, n°4, 2012, p.96. 14 R. FARHAT, Le secret bancaire- Etude de droit comparé (France, Suisse, Liban), L.G.D.J, Coll. Bibliothèque de science financière, T. VIII, 1980, p. 53 15 Ibid. p. 19. 16 Il a t sig pa l’Alle ag e et l’A glete e.
  • 4. 4 mise en place, au niveau international, des politiques proactives qui ont acculé la Suisse dans les récentes négociations, au point qu’elle a décidé de réviser sa position. Aussi, la régulation des flux financiers internationaux, et la maitrise des Etats de leurs finances ont renouvelé avec une acuité toute particulière le combat contre les places financières opaques d’une manière générale, et celui des paradis fiscaux ou bancaires en particulier. En effet, dans un monde marqué par une crise économique, les Etats ne veulent plus perdre un seul centime de leurs « esclaves fiscaux » (17) pour financer et retrouver un certain équilibre dans leurs budgets. C’est sur ce terrain, que la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale a retrouvé un regain d’intérêt. Car, les fraudeurs qui déposent leurs fonds sur la place financière suisse, ne participent plus à l’effort national de développement dans leur pays. Et ce d’autant plus, que l’honnête contribuable voit sa charge fiscale augmenter. Des voix se sont levées, dénonçant vertement le secret bancaire suisse. Les dispositions du droit interne suisse, relatives à l’assistance administrative étaient très restrictives pour mener à bien le combat contre la fraude. Il était, dès lors, difficile d’obtenir la coopération de l’administration helvétique. Depuis le scandale de la banque suisse UBS aux USA, en 2009, la Suisse a essayé de revoir sa position à l’égard de son secret bancaire. Depuis lors, il a commencé de s’effriter, jusqu’à se réduire à « peau de chagrin » (18) . L’abcès du secret bancaire doit crever, car son « ère semble être révolu » ; cette déclaration est un truisme à l’aune des pressions actuelles à l’égard de la Suisse. Cela part du constat selon lequel « l’opacité fiscale» que créait le secret bancaire est devenu un outil précieux des criminels astucieux en matière d'argent pour des finalités multiples. Il véhicule l’idée de crime financier. Voila pourquoi la communauté internationale milite davantage pour une économie transparente dans le traitement des flux financiers, transitant, souvent, en Suisse qui est une place financière importante dans les mouvements des capitaux. Ce besoin récurrent de transparence a donc été à la base de l’adoption et de la ratification de nombreuses conventions fiscales internationales par la Suisse. 17 Expression empruntée au Professeur P. SALIN 18 E.J. NAVEZ, « Quelle est e o e la po t e du se et a ai e fis al e ati e d i pôt su les eve us », Kluwer, Doctrine, n°25.941, p.201.
  • 5. 5 Tous les coups d’estoc qui lui sont portés, nous poussent à nous interroger sur son avenir en se basant sur l’évolution des pressions actuelles. S’il venait à disparaitre complètement, que resterait-il de la protection de la sphère privée dont bénéficiaient les déposants étrangers ? Ces changements qui pointent à l’horizon, n’annoncent t’ils pas des transformations du système fiscal helvétique ? Pour ce faire, il conviendrait de dire que son avenir semble incertain (I). Mais à l’allure où vont les négociations internationales de la Suisse avec tous ses partenaires, et en tenant compte des nombreux engagements qu’elle a pris de coopérer davantage en échangeant les informations aux fins de juguler la fraude fiscale, par le biais de la signature des conventions fiscales en se basant sur le modèle de l’OCDE ; l’on peut, avec une certaine audace, dire que son avenir est compromis (II). I- L’avenir incertain du secret bancaire suisse. Il y a un mouvement de sécurisation des transactions bancaires qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Il se base sur une nouvelle éthique (19) , depuis ces trois dernières décennies déjà , ayant pour fondement l’idée d’instaurer une meilleure transparence dans les transactions bancaires (A), dont l’objectif, au delà de toutes choses et considérations, est de pouvoir faire face et mieux lutter contre la crise économique. Malgré cette prise de conscience, en vue d’une meilleure transparence, celle-ci rencontre des infléchissements qui affectent son efficacité (B). La transparence irradie le secret, à travers des interstices laissant passer aisément la lumière, mais soulève des zones d’incertitude quant à l’avenir de cette institution. A- Une transparence exigée. La question de la transparence ne cesse de prendre de l’ampleur depuis une certaine période. Fort de ce constat, il est évident que « la transparence est un sujet majeur depuis que la crise 19 F. DERMANGE, « L thi ue de l a olitio du se et a ai e », in Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir) R.SCWOK, Euryopa, p.121-129
  • 6. 6 financière a éclaté. Il y a de nombreuses raisons à cela. Nous avons besoin de plus de transparence afin de rendre le système financier mondial plus stable, plus prévisible et plus équitable. La transparence est aussi l’un des mots clés de l’économie mondiale contemporaine. La crise n’a fait que renforcer son importance » écrit Matti YLÖNEN (20) . Comme il vient d’être souligné par cet auteur, le concept de transparence ne cesse d’avoir une portée considérable. Néanmoins, ce terme polysémique traverse plusieurs domaines de l’économie. Elle semble même être considérée comme un facteur de bonne gouvernance et de démocratie. Le droit s’en est même approprié le sens pour y voir un principe standard que les Etats doivent appliquer dans le domaine bancaire afin de restreindre l’accès aux marchés bancaires des personnes peu honorables (2). Pour atteindre la justice et l’équité en matière de fiscalité bancaire, il faut de la lumière. Ce qui est obscur dénote souvent l’injustice, voila pourquoi il est nécessaire que tout puisse être transparent. Mais cette transparence tant recherchée, quelle signification requiert-elle (1)? 1- La notion de transparence. D’après le dictionnaire le Robert, la transparence est « la qualité de ce qui laisse paraître la réalité toute entière ». Elle semble, ainsi, se confondre avec la vérité, la clarté, la limpidité, la pureté (21) même. « Voici la transparence habillée du rassurant manteau de la vertu, ou peut être d’un voile léger qui pourrait nous permettre de la contempler à nue. Ainsi vue, elle semble le contraire de l’artifice, du secret, du mystère, et de toutes les formes de dissimulation » affirme Jean-Denis BREDIN (22) . Celle-ci est même élevée au rang de vertu (23) ce qui la place en opposition directe avec le secret, lequel est donc « l’expression du silence, de l’intimité, de la discrétion, un mot très rassurant, ou tout au contraire un mot inquiétant, désignant ce qui est opaque, clandestin, ténébreux » (24) . Le secret est source d’opacité. Il se situe ainsi à la limite de la légalité, de la loyauté, en somme de la vérité qui 20 M. YLÖNEN, « Transparence, crise financière et paradis fiscaux », p.54. Source : www.espaces- marx.net/IMG/pdf/T_4_Ylonen.pdf. Consulté le 3 juin 2016. 21 T. MASSIS, « La transparence et le secret. Champ social, débat de conscience », Revue Etudes, n°3946, 2001, T. 394, p.751. 22 J.D. BREDIN, « Secret, transparence et démocratie », Revue Pouvoirs, n° 97, 2001, p.1. 23 Ibid. 24 Ibid. ; V. aussi T. AFSCHRIFT, « ‘ fle io su l ave i du se et a ai e », Institut Libéral, mars 2009, p.7-9.
  • 7. 7 produit la lumière. C’est dans le souci véritable d’un attachement à la réalité, donc in fine à la vérité qui produit la lumière, que le droit se laisse davantage imprégné par cette notion de la transparence. On assiste dés lors à une montée fulgurante de la transparence dans presque tous les secteurs de la vie de l’homme et de la société25 . Celle-ci touche donc toutes les sphères ; l’individu est mis à nu. C’est dans ce contexte que « l’exigence de transparence (…) s’attaque aussi au secret bancaire, sommet des secrets » (26) . On assiste au règne de la transparence (27) ayant pour conséquence d’ « observer le recul du secret, des secrets » (28) . Il serait, dès lors, déraisonnable d’aller à contre courant de cette exigence de transparence. Elle est, pour la société moderne, un pilier important pour la santé de l’économie internationale. Elle prend la forme de justice 29 économique et fiscale que les Etats s’escriment à mettre en place. Elle est ainsi conçu comme la pierre angulaire (30) de toute société. Ce qui stimule cette montée de la transparence comme critère essentiel des places économiques du monde c’est la dépression économique. Les sommes colossales qui sont souvent déposées sur la place financière suisse attirent toujours l’attention des institutions financières internationale. C’est ainsi que « les chefs d’Etats et de gouvernements ainsi que les ministres des finances du G7 (…) ont appelé à plus de transparence, tout particulièrement après les turbulences financières et dans le contexte des marchés émergents »31 . Ce mot si souvent employé dans le discours des institutions internationales, n’a fait l’objet d’aucune définition assez claire qui fasse l’unanimité parmi les Etats membres. Il arrive souvent que l’on puisse adjoindre à ce mot le qualificatif « fiscal ». Dit ainsi, la transparence fiscale s’exprime par la capacité d’un Etat de pouvoir lever son 25 T.MASSIS, op.cit, p.751-752. Car « tout doit être transparent : notre naissance, nos amours, nos conversations, notre domicile, notre fortune, notre pauvreté, notre mort doivent être exposée à la lumière ; ce qui est caché devient suspect » 26 Ibid. p.756. 27 J.D. BREDIN, op.cit, p.9 28 Ibid. 29 T. MASSIS, op.cit, p.760. 30 Ibid. p.751. 31 Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Renforcement de la transparence bancaire : Contribution de la o u i atio fi a i e et de l i fo atio p ude tielle à des s st es a ai es su s et solides, Bâle, septembre 2008, p.6.
  • 8. 8 secret bancaire en matière fiscale, en accordant sa coopération. L’essentiel de discussion a souvent porté sur la transparence fiscale de la place financière suisse. L’opposabilité de son secret bancaire, durant de nombreuse décennie, n’est plus tolérable. Les demandes de levées du secret bancaire ne doivent être rejetées automatiquement, c’est ce qui ressort de la quintessence des articles 5 et 7 du Modèle d’échange en matière fiscale élaborée par l’OCDE en 2002. Le secret bancaire protège directement les activités illicites en matière fiscale. Cette offre d’opacité est illégitime. L’inertie de la coopération est dénoncée par le GAFI (Groupe d’Action Financière) par le biais de sa recommandation n°37. L’opposabilité du secret bancaire est un critère qualificatif d’absence de transparence. En effet, la coopération internationale en matière fiscale ou même pénale est un critère qui permet d’apprécier le degré de transparence d’une juridiction. Lorsqu’un Etat n’est pas coopératif, il reçoit souvent la dénomination de place financière sous régulée qui regroupe plusieurs réalités. Le vocable ainsi employé est diversifié. La Suisse est qualifiée parfois de paradis fiscal ou bancaire à cause de « l’hermétisme » de son secret bancaire, qui réduit l’échange de renseignements dans sa plus petite dimension32 . Voila pourquoi la communauté internationale appelle à la « crucifixion » de cette institution sur l’autel de la coopération. L’organe qui se charge de cette coopération administrative entre les différentes administrations fiscales, au niveau de l’OCDE est le Forum. Le Forum mondial sur la transparence de renseignements pour des fins fiscales, avait été constitué par l’OCDE dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux. Il est devenu l’organe de prédilection dans la mise en œuvre des règles de transparence fiscale. Cette institution aborde souvent la question du degré de transparence des places financières, dont l’objectif de pouvoir limiter l’accès de ces marchés aux fonds d’origine douteuse. De proche en proche, cette exigence de transparence a eu un impact assez positif sur la place financière suisse. Celle-ci est devenue un moyen de lutter contre le crime ayant des connexions avec l’argent. 32 C. FOUDJEM, Bla hi e t d a ge t et f aude fis ale, éd. L’Har atha , 2011 p.59.
  • 9. 9 2- La transparence, moyen de lutte contre le crime économique. Pendant de nombreuses années, la place financière helvétique n’avait pas une politique, ni une législation efficaces pour lutter contre le blanchiment d’argent33 . De ce fait, l’on peut dire que la Suisse faisait application de l’adage latin « pecunio non olet », l’argent n’a pas d’odeur, pour satisfaire sa clientèle. En effet, celle-ci manifestait une grande indifférence envers ce phénomène qui ne cessait de prendre de l’ampleur sur sa place financière. C’est ainsi que Jean ZIEGGLER dénonçait cette passivité. Cet auteur rappelle que : « sur notre planète la Suisse est aujourd’hui la principale plaque tournante du blanchiment d’argent, du recyclage de l’argent de la mort (…). Elle est aujourd’hui un foyer d’infection. Dotées des gestionnaires, de financiers et d’avocats d’une admirable amoralité (…). En ce sens, le cas helvétique est un paradigme »34 . Les banques sont devenues de véritables « sanctuaires »35 de l’argent sale. Cet attrait pour la place financière suisse se justifie par l’opacité générée par la pratique d’un secret bancaire strict. Le secret bancaire suisse est exploité par les criminels. La confidentialité rend les banques suisses attrayantes et vulnérables au blanchiment des capitaux. D’une manière générale, les structures de secret ont toujours tendance à stimuler le crime économique, l’évasion fiscale, et sont propices à une accumulation d’énormes risques36 . En cas de blanchiment, le secret bancaire devient inopposable face aux autorités de poursuites, qui cherchent à établir l’arrière fonds d’une transaction bancaire. Il convient à préciser que l’article 47 de la loi fédérale de 1934 concédait déjà la levée du secret bancaire en cas d’ouverture d’une procédure pénale à l’égard d’un client. Il était donc inopposable en cas de commission d’un crime au sens de son droit pénal, particulièrement dans le cadre de l’escroquerie fiscale et du blanchiment d’argent. Le processus de l’incrimination du blanchiment d’argent en Suisse fut lent. Il a été aiguillonné par de nombreux scandales qui ont interpellé les autorités helvétiques sur l’ampleur du 33 A.JEANNERET, P. De SELLEIRS, R. CHOPRA, Le la hi e t d age t e Suisse, S i ai e d’ o o ie nationale, Université de Lausanne, mars 2013, p.5. 34 Cité par A. JEANNERET, P. De SELLEIRS, R. CHOPRA, op.cit, p.5. 35 ATTAC, Paradis fiscaux et judiciaires, cessons le scandale, p.11. http://www.stopparadisfiscaux.fr/IMG/pdf/brochurepfjpbfa1.pdf. Consulté le 18 Mai 2016 36 M. YLÖNEN, op.cit, p.57.
  • 10. 10 phénomène37 . La justice suisse présentait une véritable « carence » pour pouvoir lutter contre le blanchiment jusqu’au début des années 1990. Des raisons ont été avancées à ce sujet ; en effet, si « la Suisse n’a pas réussi à lutter efficacement contre le crime organisé et le crime économique à cause de l’interaction forte qui existe, ou du moins qui existait, entre le criminel, les politiciens et la magistrature »38 . Il était nécessaire compte tenu des proportions que prenaient ce phénomène du blanchiment d’argent, d’y faire face en adoptant des normes nouvelles en matière pénale et administrative très contraignantes39 afin, d’avoir des armes pour neutraliser, ou du moins, pour lutter efficacement contre le blanchiment d’argent. En 1990, deux modifications du code pénal sont rentrées en vigueur dont l’objectif poursuivi était la prévention et la sanction du blanchiment d’argent40 , il s’agissait des art.305bis et 305ter du code pénal suisse. Cela n’avait constitué qu’une première étape que la Suisse avait franchie sur ce terrain. Aussi, le 1er Avril 1998, elle a adopté une loi sur le blanchiment d’argent (LBA), venant ainsi compléter l’arsenal législatif en la matière. Elle accorde ainsi sa coopération sur le fondement d’un texte de son droit interne relatif à l’entraide internationale en matière pénale (EIMP), et aussi sur la base des conventions internationales dont elle est signataire. Depuis 1977, la Convention de Diligence des Banques impose la vérification de l’identité du véritable titulaire du compte, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale. C’est ainsi que le GAFI par ses recommandations exigent que le client ne doit être un mystère pour la banque. Cette identification est nécessaire comme mesure de transparence. Ce procédé permet d’identifier toutes les personnes ayant un intérêt particulier sur un compte bancaire, et sont 37 Pa e . les f es Magha ia avaie t t aid s pa le C dit suisse pou le t a spo t des fo ds d’o igi e douteuse. Yassa Musullulu tait l’u des i i els le plus e he h d’Eu ope pou ve te d’h oï e et t afi d’a es, il tait pou suivi pa le FBI, les justi es tu ue et italie e avaie t is u a dat d’a t o t e lui, le justi e suisse avait efus de oop e et e l’avait li . 38 A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.38-39. 39 M. HENZELIN, « L i u it p ale da s le domaine économique, bancaire et financier un état de la pratique Suisse et internationale », in Le droit international des immunités : contestation ou consolidation ? (sous la dir.) J. VERHOVEN, éd. L.G.D.J , 2005, p.222 40 M. KISTLER, La vigilance requise e ati e d op atio s fi a i es, tude de l a ti le 305te du ode p al suisse, Thèse de doctorat, Université de Lausanne, 1994
  • 11. 11 désignées sous l’appellation des ayants droits économiques41 . Cette mesure de transparence permet ainsi de percer le voile du secret. Parmi les personnes qui exercent un pouvoir sur les avoirs bancaires, il y a souvent de grands personnages du monde de la politique. Ces personnes politiquement exposées (PPE)42 lorsqu’ils ouvrent, directement ou indirectement, un compte dans les banques suisses font l’objet dorénavant d’une grande surveillance. En effet, les « avoirs de ces potentats » proviennent de la corruption, des détournements des deniers publics43 . Cette situation concerne surtout les pays en voies de développement44 . A la suite de l’affaire Marcos, la Suisse avait décidé de renforcer son dispositif de contrôle pour déterminer si les fonds déposés n’ont aucun lien avec une PPE. Lorsqu’on constate que ces fonds ont un lien étroit avec une PPE, les autorités helvétiques peuvent procéder au blocage préventif de ces avoirs (art 184 al.3 de la constitution fédérale en cas de changement de régime politique), puis à leurs restitutions selon une procédure bien encadrée. Aussi, cette obligation d’identification a été étendue à tous les intermédiaires financiers non bancaires à savoir : les avocats, les notaires, les comptables, les conseillers financiers… qui 41 L’a a t d oit o o i ue est d fi i o e ta t la pe so e ph si ue ui e e e u pouvoi d’a s su les avoirs déposés da s ’u o pte a ai e. Ce de ie , pou des aiso s de atu e o e iale ou fis ale, ou da s le ut de a he so ide tit , ouv e u o pte au o d’u e aut e pe so e ph si ue o e p te-nom ou au nom de sociétés de domicile, continue à exercer son pouvoir sur les avoirs patrimoniaux grâce à son appo t ju idi ue fidu iai e u’elle e t etie t ave le p te- o ou la so i t de do i ile. A l’ ga d de la a ue, fo e est d’ad ett e, ue l’a a t d oit o o i ue ’a p ati ue e t pas de d oit, pa e que tous les droits contractuels sont exercés par son fiduciaire. Cependant, les avoirs patrimoniaux continuent à rester sous la dispositio de l’a a t d oit o o i ue g â e au fait ue so fidu iai e et lui so t li s pa u o t at o al ou écrit. 42 Les personnes politiquement exposées, sont des personnes qui exercent ou ont exercé des fonctions pu li ues i po ta tes, à l’i sta les di igea ts d’Etat et leu e tou age fa ilial ou politi ue , les hauts fo tio ai es de l’ad i ist atio de l’a e, de la justice, des grandes entreprises étatiques), les politiciens de haut a g au iveau atio al, fo t l’o jet do ava t de su veilla e a ue lo s u’ils ouv e t des o ptes sur la place financière suisse. 43 Affaire Ferdinand Marcos dictateur philippin 44 Le cas de Mobutu pour ne citer que celui là.
  • 12. 12 sont souvent sollicités par leurs clients pour un placement de fonds. Cela, se concrétise dans l’objectif de lutter contre le blanchiment d’argent, car les intermédiaires financiers non bancaires sont davantage sollicités45 . L’extension de cette obligation à tous les intermédiaires financiers est l’œuvre de la modification de l’article 305ter 46 , et la liste des autres professionnels considérés comme des intermédiaires financiers a été codifiée et précisée par l’article 2 de la LBA. L’intermédiaire financier doit être capable d’exercer une surveillance efficace, continue, et doit effectuer des contrôles lorsque les circonstances le commandent. En cas de doute ou soupçon fondé, l’intermédiaire financier est tenu de communiquer les informations recueillies au MROS (Money Laundering Reporting Office Switzerland, en français Bureau de Communication en matière de blanchiment). L’article 9 LBA prévoit que l’intermédiaire financier qui sait ou qui présume, sur la base de soupçons fondés, que les valeurs patrimoniales impliquées dans la relation d’affaires, ont un rapport avec une infraction au sens de l’article 305bis du code pénal suisse, qu’elles proviennent d’un crime ou qu’une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition sur ces valeurs doit en informer sans délai le MROS. Cette disposition à une importance capitale dans la lutte contre le blanchiment et est reconnue, au niveau international, comme un standard incontournable par le GAFI. Depuis les attentats du 11 septembre qui ont frappé les USA, de nombreuses dispositions ont été prises, afin de pouvoir restreindre l’usage de la banque comme véhicule des fonds destinés à financer le terrorisme. Malgré cette exigence de transparence, il existe néanmoins des obstacles qui empêchent la « lumière » d’irradier la place financière suisse. 45 Il suffit de se f e à Mait e F a es o MORETTI e . Il avait t a us d’avoi e ut dive ses opérations financières pour le compte de plusieurs clans mafieux, telle la Cosa Nostras ; il aurait blanchi plus de 63 millions de francs suisse. 46 Cet article dispose en son alinéa 1 que « elui ui da s l e e i e de sa p ofessio , au a a ept , ga d d pôt ou aidé à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers et qui aura omis de vérifier l ide tit de l a a t d oit o o i ue ave la vigila e ue e ui e t les i o sta es, se a pu i d u e pei e p ivative de li e t d u a au plus ou d u e pei e p u iai e » et « les personnes visées par le premier alinéa ont le droit de communiquer aux autorités suisses de poursuite pénale et aux autorité fédérales désignées par la loi les i di es fo da t le soupço des valeu s pat i o iales p ovie e t d u i e » al.2
  • 13. 13 B- Une transparence affaiblie. La transparence dans le contrôle des flux financiers sur la place suisse est confrontée à des obstacles. Ce statu quo freine donc la lutte contre le crime économique transfrontalier, surtout celle relative au blanchiment d’argent (1). De même, la spécificité du secret bancaire suisse limite les efforts dans la lutte contre l’argent gris, c'est-à-dire à l’égard de l’évasion fiscale, que nombre d’Etats dénoncent. Le chemin de la coopération internationale est donc embrigadé par la nature de cette institution (2) 1-) Faiblesses dans la lutte contre le blanchiment. La transparence instaurée par la LBA pour lutter contre le blanchiment d’argent, rencontre des écueils non moins importants. En effet, l’art de la blanchisserie a su tirer un profit majeur du développement des technologies, notamment celle relative à l’internet. L’internet accentue donc la difficulté pour les autorités habilitées à lutter contre le blanchiment d’argent, afin de mener à bien leur travail. Il est venu accorder aux blanchisseurs davantage de sécurité et de tranquillité, car ces derniers n’encourent qu’un faible risque d’être appréhendés. Qui plus est, ils peuvent brouiller leur trace par de multiples procédés en transférant les sommes blanchies dans plusieurs comptes en un laps de temps. A la vérité, « (…) le système financier, opérationnel sur internet a permis à l’argent de mieux circuler, de mieux se cacher, de mieux se mouvoir, et de mieux se mettre en valeur, le plus souvent très loin de son lieu géographique et social d’origine »47 . L’on peut ainsi comprendre l’attrait de l’internet pour que les blanchisseurs puissent y recourir Force est cependant de constater, qu’en Suisse, l’utilisation de la toile ne présente pas véritablement un danger en matière de blanchiment48 . Il convient, toutefois, de s’inquiéter avec une certaine réserve. Le rapport du GAFI met plutôt en avant la conjugaison de trois éléments qui peuvent tendre à des risques certains de blanchiment. Il s’agit tout d’abord de l’accès facile à l’internet, ensuite de la dématérialisation du contact entre le client et 47 H.M. TCHABO SONTANG, Secret bancaire et lutte contre le blanchiment dans la zone CEMAC, Mémoire de DEA, Université Dschang, 2004, p.37-38. 48 A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, Le la hi e t d age t e Suisse, S i ai e d’ o o ie nationale, Université de Lausanne, mars 2013, p.25.
  • 14. 14 l’institution bancaire, enfin la rapidité des transactions électroniques49 . L’on est donc porté à croire que « la toile est devenue un véritable espace virtuel qu’aucune frontière ne délimite, qu’aucun fleuve ne borne et qu’aucun pouvoir ne régente »50 . Il est dès lors difficile de combattre le blanchiment qui se fait en ligne. Cette difficulté résulte du fait que les gestionnaires n’ont pas la possibilité de suivre toutes les opérations à cause du nombre élevé des comptes malgré leur logiciel de suivi51 . Aussi, établir une chaine de traçabilité des transactions bancaires électroniques demande un temps considérable. Et cela malgré la mise en place du système SWIFT par le GAFI en 1992. De même, les moyens actuels semblent inopérants pour lutter contre le blanchiment qui se fait en ligne. Car les blanchisseurs utilisent et font évoluer leurs techniques quasiment indétectables, huilées, qui relèvent parfois de la « virtuosité »52 . Pour parangon d’un blanchiment d’argent, le quotidien Milano Finanza en 1999, a pu révéler que plus de 900 millions de francs suisses avaient été blanchis via internet par la mafia Sicilienne en transitant d’une compagnie américaine de la Nouvelle-Zélande aux Îles Caïmans en passant par Tel-Aviv et Madrid, avant d’être déposés en Suisse. Il ne s’agit là que de la face visible de l’iceberg, car peu de statistiques concrètes ont été données jusqu’à ce jour pour déterminer le montant d’argent blanchi via internet sur la place financière helvétique. Dès lors, internet se présente comme un labyrinthe hostile à la détection des preuves contre les blanchisseurs53 . L’usage de l’internet pour des fins de blanchiment est, aujourd’hui d’actualité, et pose un problème névralgique, non seulement pour la Suisse, mais aussi et surtout pour la communauté internationale. Les faiblesses que la Suisse rencontre afin de mieux lutter contre le blanchiment d’argent, provient aussi d’un autre facteur, celui de l’absence de communication entre les banques. Il n’existe pas de communication véritable entre les banques dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Cela constitue un autre facteur qui profite aux blanchisseurs. Les 49 GAFI, Rapport sur les t pologies du la hi e t d a ge t, 2000-2001, Paris. 50 M. GOURRAMEN, Secret bancaire et entraide internationale, Mémoire de maîtrise en droit, Université de Montréal, Octobre 2009, p.70. 51 A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.26. 52 Ibid. 53 F. BLASSEL, J.P. BUEHS, « Argent sale : internet lave plus blanc », l’Hebdo, 16 mars 2000.
  • 15. 15 banques n’échangent pas des informations avec leurs autres partenaires parce qu’ils sont tenus de respecter le secret bancaire, et ce manque de circulation d’informations constitue un élément à haut risque qui entrave les mécanismes de lutte contre l’infraction du blanchiment d’argent. Il en est ainsi, par exemple, lorsque le blanchisseur ouvre quatre comptes dans différents établissements bancaires, et détient deux pièces justificatives prouvant qu’il a gagné légitimement deux millions dans la vente de marchandises. Avec ces pièces, il peut se présenter dans tous les trois autres banques, exceptée celle émettrice desdits papiers, et y déposer à chaque fois deux millions qui semblent être légitimes54 . Par ce procédé il blanchit ainsi, en débitant dans le compte principal qui lui avait permis d’obtenir les pièces justificatives plus de quatre millions. La faille se situe donc au niveau de l’absence de communication entre les banques, car il n’est pas possible de savoir si la justification a été montrée plus d’une fois55 . Cela permet donc au blanchisseur de légitimer des fonds d’origine douteuse, et ce dernier peut dormir ainsi « sur ses oreillers » sans être inquiété d’être découvert. 2-) Faiblesses dues à la nature du secret bancaire suisse. Le secret bancaire a été protégé, pendant longtemps des menaces étrangères, parce qu’il est considéré comme un élément d’identité culturelle nationale. Il a permis d’établir « une culture de confiance entre citoyen et l’Etat »56 . Il n’est pas inintéressant de dire que c’est pour tempérer la toute puissance de l’Etat, particulièrement à travers ses différents services (l’administration fiscale par exemple)57 , qu’il s’est avéré utile que l’individu puisse se sentir en sécurité pour ses fonds déposés en banque. Ce souci de « la justice requiert ainsi que la confidentialité financière, qui découle directement du droit de la personne et du droit de la propriété, doit être protégée contre l’immixtion indue de l’Etat (…) »58 . Cela signifie que le champ de protection du secret bancaire ne peut faire l’objet d’un empiètement délibéré ; il 54 A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, op.cit, p.29 55 Ibid. 56 P. BESSARD, « Les d oits i dividuels et le o at o t e l vasio fis ale », Institut Libéral, Février 2013, p.27 57 Qu’il s’agisse des atio au ou e des t a ge s ette p ote tio leu est e o ue. 58 P. BESSARD, op. cit, p.24.
  • 16. 16 s’agit là d’une idée importante du libéralisme59 . En effet, le libéralisme est un monde de murs60 , et ce monde doit être préservé même face aux intérêts majeurs de l’Etat, quitte à favoriser la fraude. La protection de la sphère privée est un symbole précieux des Etats démocratiques. C’est ainsi que les échanges d’informations entre les différentes autorités doivent être la plus restrictive possible en matière fiscale. Point n’est besoin de rappeler ici que l’Etat helvétique, protège cette sphère privée contre les multiples atteintes. Lorsqu’on porte atteinte à la confidentialité financière, en l’absence de motif légal, l’on peut être amené à qualifier l’Etat qui encourage ces atteintes d’autoritaire. Qui plus est, le fait de « réclamer la transparence des patrimoines individuels à l’égard de l’Etat : c’est agir comme si l’Etat avait un droit de regard sur l’usage que les citoyens font de leurs biens (…). Exiger la transparence des citoyens envers l’autorité, c’est revenir à des notions absolutistes de la nation et du pouvoir en général. Du point de vue des libertés fondamentales, c’est un retour de plusieurs siècles en arrière »61 . Particularité suisse, le secret bancaire est élevé au rang de droit de l’homme, ce qui d’ailleurs renforce son maintien. Il contribue ainsi à la lutte de l’individu contre les tendances de la société à l’enfermer dans des normes qui restreignent sa liberté de thésauriser son argent en toute quiétude62 . Le patrimoine du contribuable est considéré comme une composante de la vie privée en Suisse, ce qui ne semble pas être le cas, par exemple, en France où celui-ci est exclu de la sphère privée. Il est remarquable de dire que l’obligation « de se traire » du banquier assure dans le domaine financier, le droit au respect de la vie privée63 . Le maintien du secret bancaire trouve donc sa justification dans la protection de la sphère privée de l’individu, mais aussi par le souci de protéger les libertés individuelles, car l’homme serait un être bien malheureux s’il ne pouvait se sentir en sécurité même pour ses finances. Cette confusion entre le secret bancaire et la vie privée est entretenue délibérément64 pour des raisons économiques, notamment pour maintenir l’attractivité de la place financière suisse. 59 F. DERMANGE, « L Ethi ue de l a olitio du se et a ai e », Euryopa, 2002, p.125. 60 M. WALZER, Pluralisme et démocratie, cité par F. DERMANGE, in « L Ethi ue de l a olitio du se et bancaire », Euryopa, 2002, p.126. 61 T. AFSCHRIFT, « ‘ fle io s su l ave i du se et a ai e », Institut Libéral, Rapport, mars 2009, p.4. 62 S. BESSON, Le secret bancaire : la place financière suisse sous pressions, éd. P.P.U.R, 2004, p.110. 63 M. AUBERT et al., Le secret bancaire suisse, 3 e éd, Staempfli, 1995, p.2. 64 S. ALTINTAG, La concurrence fiscale dommageable, L’Har atta , 2009, p.293.
  • 17. 17 Nonobstant la protection que la Suisse accorde à tous ces déposants, l’ampleur des pressions ne laissent rien présager de bon pour la Suisse. Naviguant entre Charybde et Scylla, tel un « bateau ivre » à la dérive, les jours de cette institution sont comptés. A cet effet, sa mort semble être déjà programmée65 . II- L’avenir compromis du secret bancaire suisse. Le problème de l’évasion est récurrent pour de nombreux Etats (A), lesquels ont constaté une diminution de leurs recettes fiscales. Cette évasion fiscale a su tirer avantage du « mur » qu’instaure le secret. C’est ainsi qu’il est considéré comme un facteur puissant de l’évasion fiscale. Cet usage abusif (66) de cette institution est vivement dénoncé par la communauté internationale. La Suisse est restée durant de nombreuses années un pays non coopératif, c’est pour cette raison qu’elle avait été placée sur la liste des paradis fiscaux de l’OCDE et de certains Etats. Dans son élan d’apaiser ses détracteurs, au sujet de son fameux secret bancaire, elle a décidé de faire un certain nombre de compromis. Elle s’est engagée que d’ici à 2017, elle passera à un échange automatique d’informations en matière fiscale. Ce qui conduira inéluctablement au décès de son secret bancaire ; la prophétie va ainsi s’accomplir. Ces changements seront lourds de conséquences (B) pour la place financière suisse. A- L’intérêt renouvelé au problème d’évasion fiscale. L’actualité des pressions, à l’égard de la place financière suisse, a pour nœud gordien le récurrent problème de l’évasion. Certains scandales ont défrayés les chroniques pendant des semaines. L’exemple de Jérôme Cahuzac semble, aujourd’hui, s’éclipser par la retentissante affaire des Panama Papers. En effet, il ne se passe plus un jour sans que les médias ne rendent 65 J. ZIEGLER, « Mort programmée du secret bancaire », Le Temps, Février 2001 ; C. WILHELM, « Le secret bancaire déjà en état de mort clinique », Le Temps, 04 janvier 2010. 66 OCDE, Fiscalité et usage abusif du secret bancaire, Rapport, 1985.
  • 18. 18 compte d’un conflit de droit fiscal entre la Suisse et les autres Etats67 . C’est parce qu’il a été démontré avec la force d’une évidence que le secret bancaire est utilisé par les fraudeurs (1). L’OCDE et certaines institutions internationales ont dénoncé l’usage abusif de cette institution. Leurs rôles se sont davantage étendus en dénonçant le paradis fiscal suisse (2). 1- Le secret bancaire suisse est un facteur privilégié de l’évasion fiscale. Les coups d’estoc portés contre le secret bancaire suisse, ont pour cheval de Troie l’épineux problème de l’impôt éludé. L’usage abusif du secret bancaire (68) suisse est souvent lié au problème de l’évasion fiscale. Il a été conçu comme un instrument favorisant l’évasion fiscale (69) . A vrai dire, depuis les années 1960, les autorités suisses déclaraient sans atermoiement aucun qu’il semblait indiscutable que le secret bancaire favorise la fraude fiscale et que sa disparition serait salutaire pour s’attaquer à cette « gangrène »70 . Malgré le maintien par la Suisse d’un secret bancaire strict, pendant de nombreuses années, les besoins fiscaux des Etats pour équilibrer leurs budgets déficitaires, justifient aujourd’hui la campagne menée contre cette institution. En effet, ce « regain d’intérêt porté à la thématique de l’évasion n’est pas une bonne nouvelle pour l’industrie financière suisse en particulier et pour la Suisse en général. Le secret bancaire a certes toujours été sous pressions. Mais l’originalité de la situation actuelle réside dans l’intensité et la multiplication des sources de pressions, et surtout dans la concentration des critiques et des attaques sur l’aspect ‘évasion fiscale’ du secret bancaire » écrit Caroline EGGLI (71) . Le procès mené à son encontre a pour fondement la recherche d’une justice fiscale, laquelle se manifeste à travers le principe de l’égalité des citoyens devant les charges fiscales. D’une grande noblesse, ce principe tire son origine de l’article 13, de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose : 67 AFC, Assistance administrative et entraide judiciaire en matière fiscale (Etat de la législation : 1er février 2013), Division études et supports, Berne, 2013, p.1. 68 OCDE, Fiscalité et usage abusif du secret bancaire, Paris, Rapport OCDE, 1985. 69 S. GUEX, « Les origines du secret bancaire et son rôle dans la politique de la confédération au sortir de la Seconde Guerre mondiale », Genèse, n°34, vol.34, 1999, pp.4-27 ; C. EGGLI, « Le secret bancaire suisse face aux pressions internationales », I stitut Eu op e de l’U ive sit de Ge ve, , p. ; B. BERTOSSA, « De l thi ue de o att e l vasio fis ale », Euryopa, 2002, p.31. 70 A. HOFFER, La fraude fiscale en Suisse, Editions Grounauer, 1978, p.138. 71 C. EGGLI, op.cit, p.32.
  • 19. 19 « pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses de l’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». Haut lieu de la gestion de la fortune privée, la Suisse détient une part importante du marché mondial72 . À cause de l’évasion fiscale, le secret bancaire suisse fait perdre aux Etats des sommes d’argent importantes qui pourraient être investies en dépenses publiques diverses. En Suisse, environ 780 milliards de francs suisses , d’avoirs de personnes résidant dans le pays, seraient dissimulés à l’Etat. Ceci causerait une perte pour les caisses publiques de 7,8 à 12,5 milliards de francs. A l’échelle européenne, entre 50% et 80% des avoirs des Européens en Suisse ne seraient pas déclarés à l’Etat d’origine73 . Enfin, les sommes placées en Suisse par les résidents des pays du Sud causeraient un manque à gagner pour les caisses publiques de ces Etats à l’ordre de 15 milliards de dollars par an74 . Afin de mieux lutter contre l’évasion fiscale, il est important que la Suisse puisse lever son secret bancaire75 , lequel, jusqu'à une époque récente avait été défendu avec la plus grande fermeté (76). Il est évident que « le secret bancaire offre à ce jour, en Suisse, une protection sans faille en faveur des contribuables indélicats » comme le fait savoir le juge Bernard BERTOSSA (77) . Il est important de retenir que l’évasion fiscale affecte le tissu social économique, et décourage les honnêtes contribuables qui veulent s’acquitter de leurs obligations à l’égard du fisc (78) . 72 Entre 30% et 40% de la gestion off shore des fortunes privées revient à la Suisse, dont plus de 60 % o e e t les lie ts t a ge s. Ai si, le o ta t de la fo tu e g e pa la pla e fi a i e suisse s’ l ve à 4000 milliards de francs. 73 S. GUEX, « Le secret bancaire suisse : une perspective historique », RES n°1, 2002, p.12 74 Oxfam GB Policy paper, Tax havens, releasing the hidden billions for poverty eradication, 2000, p.10 75 A. HOFFER, op.cit, p.138 76 S. GUEX, « Les origines du secret bancaire et son rôle dans la politique de la confédération au sortir de la Seconde Guerre mondiale », Genèse n°34, vol.34, 1999, pp.4-27. 77 B. BERTOSSA, « De l thi ue de o att e l vasio fis ale », in Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (Sous la dir.) R. SCHOW, éd. Euryopa, Genève, 2002, p. 132. 78 I id. l’auteu affi e à juste tit e : « t i he ave l’i pôt evie t do pa u effet pu e e t a i ue, à faire assumer une part plus importante de la charge fiscale par les contribuables honnêtes, soit ceux qui par o ligatio , pa o vi tio ou ai te de la sa tio , s’a uitte t e ti e e t de la ha ge ui leu est
  • 20. 20 Les pressions internationales ont conduit la Suisse de réduire de manière significative la portée de son secret bancaire79 . Le FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) est un accord, signé entre la Suisse et les USA, qui a causé de profondes entailles à cette institution. Il a ainsi plongé le secret bancaire dans un « coma profond ».Il a été signé le 13 février 2013 par la Suisse. Cet accord prévoit une assistance régulière de la Suisse à l’administration fiscale américaine. L’objectif du FATCA est d’assurer l’imposition des avoirs détenus à l’étranger par des contribuables américains. La Suisse a été contrainte de participer à cet accord, elle ne désirait pas prélever un impôt à la source de 30% pour le compte du fisc américain80 . Les banques suisses s’engagent donc à identifier tous les comptes des contribuables américains, à communiquer au fisc américain les renseignements relatifs sur ces comptes, à donner suite aux demandes de renseignements complémentaires déposés par le fisc américain dans le cadre d’une procédure vérification et d’application. Le modèle d’accord choisi par la Suisse ne repose pas, en tant que tel, sur l’échange automatique d’informations mais semble s’en rapprocher81 . L’administration fiscale américaine pourra demander sur cette base des renseignements précis sur les comptes concernant les demandes groupées (Accord FATCA art.5). Il convient à signifier que la Suisse n’est pas le seul à avoir signé cet accord. Il y a aussi la France, l’Italie, la Grande Bretagne. L’impact de cet accord a affecté « le mur du secret » bancaire. Il s’étiole comme jamais auparavant surtout avec les discours agressifs de la communauté internationale. légalement dévolue. Plus la fraude est importante, plus la part théorique de chaque contribuable risque de s’a oît e, ave la te tatio plus g a de de se soust ai e à l’a o plisse e t de ses devoi s. Pa u e so te d’aspi atio , so e toute o p he si le, à l’ galit da s l’ill galit , la violatio de la loi fiscale risque de deve i la gle et so espe t l’ex eptio » 79 R.H. WEBER, « Le se et a ai e fa e à l ad i ist atio fis ale e d oit suisse », R.L.D.A, n°49, mai 2010, p.76. V. aussi X. OBERSON, « L volutio e Suisse de l ha ge i te atio al de renseignements fiscaux : de l a al te au « ig a g », R.D.F n°24, 13 juin 2013, p.110. 80 Conseil Fédéral, Entraide judiciaire et entraide administrative en matière fiscale- Egalité de traitement, Rapport, 18 décembre 2013, p.26. 81 X. OBERSON, op.cit, p. 115.
  • 21. 21 2- Le rôle des institutions internationales dans la lutte contre l’évasion fiscale. Pour trouver des solutions à la crise financière, les pays membres du G20 se sont réunis à Londres le 2 Avril 2009. Et, lors de cette rencontre des engagements importants ont été pris par les Etats afin de parvenir à la stabilité de l’économie mondiale. C’est ainsi qu’ils avaient « décidé de prendre des résolutions contre les pays non-coopératifs, incluant notamment les paradis fiscaux. Nous sommes prêts à déployer les sanctions nécessaires pour protéger nos finances publiques et nos systèmes financiers ». Car il était important de mettre un terme à des agissements contreproductifs des territoires non coopératifs, qui avaient affecté le jeu de la concurrence fiscale entre les Etats. C’est durant cette rencontre, d’ailleurs, que l’OCDE avait publié la liste des pays non coopératifs et qui étaient considérés comme des paradis fiscaux. En effet, lors de sa publication il y avait quatre listes, chacune de ces listes étaient identifiées par une couleur (blanc, gris clair, gris foncé et noir) qui témoignait du degré d’absence de coopération d’une juridiction. Et, force est de remarquer que la Suisse faisait parti de la liste grise des pays ayant pris l’engagement d’adopter substantiellement les standards internationaux en vue de la coopération avec les autres Etats. Le combat mené par l’OCDE contre les paradis fiscaux se justifie par le fait que, les paradis fiscaux ou bancaires ont une part importante dans le problème de l’argent82 sale et de l’évasion fiscale (83) . C’est donc à juste titre qu’ils « (…) sont considérés comme le dénominateur commun entre le blanchiment d’argent et la fraude fiscale » (84) . Historiquement, ces pratiques sont indissociablement liées aux paradis financiers (85) . Les paradis fiscaux accueillent à bras ouverts des sommes considérables soustraites aux fiscs nationaux, notamment des personnes fortunées et des entreprises multinationales. Ce statu quo est un facteur puissant d’exacerbation de la concurrence fiscale qui devient dès lors dommageable ; car cela créait des disparités et des inégalités, et empêchent ainsi de nombreux Etats de pouvoir recouvrer l’impôt. 82 T. GODEFROY, P. LASCOUMES, « Havres fiscaux et places financières sous- gul s Les les d u e atte tio politique improductive », Dossier savoir/agir, 2010, p.32. 83 S. GUEX, « Développement de la place financière helvétique et secret bancaire au 20 e siècle : la Suisse comme paradis fiscal », Solidarité n°125, Finances, 2001, p.4. 84 C. FOUMDJEM, op.cit., p.47. 85 A. JEANNERET, P. De SELLIERS, R. CHOPRA, Le la hi e t d a ge t e Suisse, S i ai e d’ o o ie nationale, Université de Lausanne, p.7
  • 22. 22 La Suisse a fourni des efforts considérables, pour se voir être retiré de la liste de l’OCDE des paradis fiscaux et des pays non coopératifs en matière d’échange d’informations pour des fins fiscales. Depuis la décision prise par le Conseil Fédéral le 13 mars 2009, la Suisse s’était engagée de signer de nouvelles conventions, ou en procédant simplement à des modifications des conventions antérieures pour les adapter au standard international de l’article 26 du MC- OCDE86 . Cette disposition a pour but de faciliter ainsi l’échange de renseignements avec 86 Article 26 MC-OCDE prévoit que : « Les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pou l’ad i ist atio ou l’appli atio de la l gislatio i te e elative au i pôts de toute atu e ou dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l’i positio u’elle p voit ’est pas o t ai e à la Co ve tio . L’ ha ge de e seig e e ts ’est pas est ei t pa les a ti les et . 2. Les renseignements reçus en vertu du paragraphe 1 par un État contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont o u i u s u’au pe so es ou auto it s o p is les t i u au et o ga es ad i ist atifs o e es pa l’ ta lisse e t ou le e ouv e e t des i pôts e tionnés dans au paragraphe 1, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de e ui p de. Ces pe so es ou auto it s ’utilise t es e seig e e ts u’à es fi s. Elles peuvent révéler es e seig e e ts au ou s d’audie es pu li ues de t i u au ou da s des juge e ts. 3. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un État o t a ta t l’o ligatio : a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l’aut e État o t a ta t ; b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique ad i ist ative o ale ou de elles de l’aut e État o t a ta t ; c) de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un p o d o e ial ou des e seig e e ts do t la o u i atio se ait o t ai e à l’ordre public. . Si des e seig e e ts so t de a d s pa u État o t a ta t o fo e t à et a ti le, l’aut e État o t a ta t utilise les pouvoi s do t il dispose pou o te i les e seig e e ts de a d s, e s’il ’e a pas besoin à ses propres fins fis ales. L’o ligatio ui figu e da s la ph ase p de te est sou ise au li itatio s p vues au pa ag aphe sauf si es li itatio s so t sus epti les d’e p he u État o t a ta t de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne prése te t pas d’i t t pou lui da s le cadre national. 5. En aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un État contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par u e a ue, u aut e ta lisse e t fi a ie , u a datai e ou u e pe so e agissa t e ta t u’age t ou fidu iai e ou pa e ue es e seig e e ts se atta he t au d oits de p op i t d’u e pe so e. »
  • 23. 23 l’étranger. Depuis le 15 Octobre 2013, elle a signé la convention de l’OCDE sur l’assistance mutuelle en matière fiscale, glissant inexorablement vers l’échange automatique d’informations. Cette concession faite par la Suisse était inimaginable dans un passé récent. Elle a pu montrer par la suite à ses partenaires que les accords qu’ils avaient signés devraient s’appliquer. Depuis lors, il a été possible, sur la base de l’entraide ou de l’assistance administrative en matière fiscale, d’accéder aux informations sur l’identité des détenteurs de comptes, de société, de trust, qui sont sur son territoire et même des institutions financières suisses basées à l’étranger. Ce qui a affaibli la portée de son secret bancaire. Les gages politiques donnés par la Suisse se sont traduits en acte. Le scandale récent de fraude fiscale impliquant la banque suisse UBS aux USA a été un levier important afin que la Suisse parvienne à assister les autres Etats en matière fiscale. La banque UBS avait été soupçonnée d’avoir aidé des clients étrangers, notamment les américains et français, à frauder le fisc de leur pays, a marqué les esprits. Elle avait été victime des pressions très fortes de la part du fisc américain à livrer les noms de ses évadés fiscaux au risque de perdre sa licence d’exercice sur le sol américain, mais aussi sous le coup d’une lourde sanction économique. Cette situation d’une extrême particularité avait égratigné le secret bancaire suisse puisque le Conseil Fédéral avait accepté les exigences américaines en leur livrant tous les noms de leurs contribuables ayant fraudé le fisc par le biais de la banque suisse UBS. Cela étant, la Suisse s’est trouvée entre le marteau et l’enclume. Contrainte d’avancer au milieu du gué, elle doit faire face à des pressions qui s’accroissent constamment, tant de la part de l’OCDE que des Etats-Unis, mais aussi des grands pays de l’Union européenne à l’instar de la France et de l’Allemagne. L’OCDE milite ainsi pour une meilleure coopération entre les Etats afin de réduire la fraude fiscale. Elle préconise ainsi la levée du secret bancaire afin de rendre fluide l’échange d’informations pour des fins fiscales. Son rôle, dans le combat mené contre les paradis fiscaux, fait souvent l’objet de critiques exacerbées. En effet, on l’accuse souvent de partialité et d’être une organisation « schizophrénique » (87) , car elle aurait tendance à privilégier les intérêts des pays qui la financent grandement (U.S.A, France, Allemagne, Grande Bretagne, Italie). A l’heure actuelle, la lutte contre les paradis fiscaux est un impératif. Voila pourquoi l’OCDE est devenue une organisation charnière dans la lutte contre les 87 P. BESSARD, op.cit, pp.18-19.
  • 24. 24 paradis fiscaux car ces derniers menacent la stabilité de l’économie surtout dans un monde en crise. C’est ainsi qu’elle argue que « l’évitement fiscal et l’évasion fiscale signifient moins de ressources pour les infrastructures et les services comme l’éducation et la santé, ce qui diminue le niveau de la vie tant dans les pays en développement que dans les pays développés » (88) . Les sommes qui trouvent refuges dans les havres fiscaux, qui échappent aux fiscs, constituent un manque à gagner pour les Etats, et se chiffrent en milliard d’euros ou de dollars. Face au risque de détricotage des systèmes fiscaux, la Suisse a accepté de sacrifier son secret bancaire sur l’autel de la coopération. Mais cette volte face entrainera dans son sillage des conséquences soit médiates ou immédiates, dont les impondérables n’ont pas encore été pris en compte. B- Le poids des changements La législation fiscale suisse est étroitement liée à la politique du maintien du secret bancaire. Et l’on peut tabler que sa disparition qui se fait déjà pressentir va balayer la Suisse par des réformes importantes (1). De même l’activité bancaire, qui a un rôle important dans l’économie suisse ne pourra pas être épargnée par la vague de changements qui arrivent (2). 1- Le climat juridique modifié. Le passage à l’échange automatique d’informations, en matière fiscale, apportera indéniablement des changements dans la législation helvétique. L’évasion fiscale, qui jusqu’à présent, était traitée comme un simple écart administratif, pouvant faire l’objet de correction par l’administration suisse, va devenir une infraction répréhensible au même titre que la fraude fiscale89 . Cette situation ne va concerner que les étrangers non résidents qui ont ouvert un compte sur la place financière suisse. 88 OCDE, La lutte contre la fraude fiscale, Rapport, 2011. 89 Cette p essio ’i flue e pas les o t i ua les suisses, à l’ ga d des uels ette disti tio se le toujours être maintenue, mais seulement les déposants étrangers.
  • 25. 25 A l’heure actuelle, la Suisse a déjà abandonné la distinction qu’elle établissait entre l’évasion et la fraude fiscale en matière d’échange d’informations. En effet, le droit fiscal suisse établissait autrefois, une distinction entre l’évasion fiscale, la fraude fiscale et la soustraction d’impôt. Cet aspect interne du droit fiscal suisse paraissait étrange pour les autres Etats90 qui ne pouvaient obtenir l’aide de la Suisse qu’en cas de fraude fiscale91 . L’évasion fiscale était traitée, en Suisse, comme une simple économie d’impôt que le contribuable entend réaliser en utilisant une structure insolite. L’évitement d’impôt réalisé n’était pas constitutif d’une infraction pénale fiscale. Mais simplement d’un écart administratif, comme nous l’avons dit précédemment. Dans le cas d’une soustraction d’impôt92 , le contribuable par ces agissements dissimule la matière imposable93 , elle est une infraction fiscale punissable. La fraude fiscale94 est une situation aggravée de soustraction d’impôt, le contribuable agi délibérément pour induire le fisc en erreur, par la production et l’usage de faux documents ou titres. Elle constitue un délit pénal punissable d’une peine d’emprisonnement et d’une amende allant jusqu’à 30. 000 francs suisses. L’abandon de cette distinction en matière de coopération internationale, a toujours été le principal souhait des détracteurs internationaux du secret bancaire suisse. En effet, cette distinction délimitait les conditions de l’assistance administrative et de l’entraide judiciaire95 . Le maintien de cette distinction n’est plus « absolument tenable »96 , les pressions internationales y ont joué un grand rôle. L’une des conséquences que l’on doit envisager, en cas de la disparition de cette distinction, serait de voir la retenue à la source devenir obsolète. Le système de la retenue à la source avait été adopté par la Suisse, pour atténuer l’opposabilité du secret bancaire au fisc, sans pourtant que ce dernier puisse être levée. La suppression de 90 R.H. WEBBER, op. cit, p.77. 91 La fraude fiscale est encore appelée escroquerie fiscale en droit suisse. 92 Article 175 al. 1 de la Loi f d ale su l’i pôt f d al di e t LIFD , et l’a ti le La Loi f d ale su l’ha o isatio des i pôts di e ts des a to s et o u es LHID . 93 X. OBERSON, Droit fiscal suisse, éd. Helbing Lichtenhahn Verlag, 1998, p.45 94 Art. 186 LIFD et 59 LHID. 95 X. OBERSON, « Refonte de la fiscalité Une boite de Pandore », La Lettre (Groupement des banques privées Genevois), n°34, mai 2008, p.3. 96 G. PERROULAZ, « Place financière suisse », l’Annuaire Suisse de politique de développement, vol. 22, n°1, 2003, p.139.
  • 26. 26 cette distinction est assimilable à l’ouverture de la « boite de Pandore »97 , à la capture du monstre de Loch Ness. Son incidence entrainera dans le paysage juridique suisse des changements importants. Elle pourrait être source d’instabilité à cause de la succession des reformes fiscales. La conséquence envisagée par le Pr. Xavier OBERSON serait qu’ « on peut tabler sur le fait que la Suisse, en remaniant son propre modèle, renoncerait du même coup au système actuel de retenue à la source au profit de l’échange automatique d’informations »98 . De même, les différents accords passés entre la Suisse et l’U.E, notamment en matière de l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne, n’auront plus d’importance, puisqu’elle va se livrer maintenant à l’échange automatique d’informations. La suppression de cette distinction affecterait l’ossature de tout le système juridique helvétique. Elle entrainera donc, à proprement parler, une refonte considérable du droit fiscal suisse. Durant de nombreuses années, la Suisse n’assurait sa coopération que dans un cadre extrêmement limité. Mais depuis 2009 elle a retiré sa réserve de l’article 26 MC-OCDE. Cet article préconise des échanges d’informations et une assistance administrative en matière fiscale. Même dans ce contexte là, et malgré une révision importante des conventions fiscales dont elle est partie, le terrain qu’elle avait concédé restait infime. Aussi, plusieurs règles spécifiques ne pouvaient pas permettre qu’elle puisse lever son secret bancaire lorsqu’elle est requise par un autre Etat. Il s’agit en effet, des règles qui gouvernent la coopération internationale entre les différents Etats tant en matière pénale que dans le domaine de la fiscalité. En matière pénale, des obstacles majeurs, en matière de coopération ont été épinglés, car freinant la lutte contre la fraude fiscale et d’autres infractions économiques. Pour coopérer avec les autres Etats, elle s’est dotée d’une loi portant sur l’entraide internationale en matière pénale (EIMP), qui évoque certains principes que l’Etat requérant doit respecter pour être assurée de la coopération des autorités helvétiques. Parmi ces règles, il y a le principe de 97 X. OBERSON, op.cit, p.2. 98 Ibid.
  • 27. 27 proportionnalité99 et de réciprocité100 , le principe de spécialité101 , et le principe de la double incrimination102 sur lequel nous allons mettre l’accent. Le principe de la double incrimination signifie que la Suisse accordera sa coopération dans le cas où les faits dénoncés par l’Etat requérant aient la même qualification en son droit interne. Il s’agit d’une certaine forme d’harmonisation indirecte des systèmes répressifs. Il appert que « les faits reprochés à la personne poursuivie à l’étranger doivent être transposés, dans la mesure du nécessaire et selon leur sens, pour juger de leur punissabilité selon le droit interne de l’état requis, en se fondant sur l’hypothèse que les actes auraient été commis sur le territoire de cet Etat ou mieux encore qu’il serait soumis à la juridiction de cet Etat »103 . Ce n’est que dans le cas où ce comportement ne tombe pas sous le coup d’aucune incrimination dans l’Etat requis (la Suisse) qu’on pourra conclure que la condition de la double incrimination n’est pas remplie. Souvent, la Suisse a présenté ce principe comme prétexte pour refuser de coopérer en matière d’évasion, ce qui d’ailleurs semble être bien fondé104 . Le maintien d’une telle règle en la matière est critiquable105 , elle anéantit les efforts fournis par les Etats, et organisations internationales à restreindre l’émancipation de ce « fléau économique ». 99 S’agissa t du p i ipe de p opo tio alit , il o vie t de otifie u’elle a u e assise o stitutio elle. E effet, ’est l’a ti le al. de la o stitutio f d ale ui pose e p i ipe. Cet a ti le dispose ue « l a tivit de l Etat doit po d e à u i t t pu li et p oportionné au but visé ». Ce principe a donc pour vocation de s’appli ue à toutes les a tivit s de l’Etat, et l’e t aide judicaire ne fait pas exception à cette règle 100 Le p i ipe de ip o it est ta li pa l’a ti le EIMP ui p voit u’ « en gle g ale, il est do suite à u e de a de si l Etat e u a t assu e la ip o it . L offi e de la justi e du D pa te ent fédéral et police (office fédéral) requiert une ga a tie de ip o it si les i o sta es l e ige t ». 101 Art. 67 EIMP qui dispose que « les e seig e e ts et les do u e ts o te us e peuve t, da s l tat e u a t, i t e utilis s au fi s d i vestigatio s i t e p oduits o e o e de p euve da s u e p o du e p ale visa t u e i f a tio pou la uelle l e t aide est e lue ». 102 Art 63 et 64 EIMP 103 M. DELMAS-MARTY, Criminalité économique et atteinte à la dignité de la personne, éd. M.S.H, 2001, p.64. 104 Article 3 al.3 EIMP atteste que « la demande est irrecevable si la procédure vise un acte qui parait tendre à diminuer des recettes fiscales, ou contrevient à des mesures de politique monétaire, commercial ou économique » 105 C. FOUMDJEM, Bla hi e t d a ge t et f aude fis ale, d. l’Harmattan, 2011, p.392.
  • 28. 28 Le secret bancaire n’est plus un principe absolu qui doit même prévaloir sur les intérêts des Etats et que les banquiers suisses doivent défendre même en usant de la violence. Ce qui le conduit inexorablement vers sa fin, qui affectera certainement la place financière suisse. 2- Le climat économique affecté Présentement, l’on assiste à la régression de confiance accordée aux banques suisses. C’est à partir du scandale de l’affaire UBS que les banques suisses ont vu leur clientèle craindre que la confidentialité, qui leur était offerte autrefois puisse disparaitre. Cette discrétion que faisait montre le banquier était un facteur important d’attraction pour la place financière suisse. Mais aujourd’hui avec les nombreuses concessions faites par la Suisse, l’on peut s’interroger si la part importante des fonds qu’elle a longtemps gérés pour le compte des déposants étrangers ne va pas subir une régression. L’on assiste depuis les démêlés de l’affaire UBS une perte progressive des banques helvétiques de leur clientèle étrangère106 , affectant la gestion offshore des fortunes, domaine dans lequel les banques suisses détiennent une part importante du marché mondial de l’ordre de 30% à 40% 107 . Il convient cependant à préciser que cette délocalisation ne pourra pas se faire si rapidement car les clients doivent être renseignés sur les conséquences de la politique Suisse en l’état actuel en matière d’échange d’informations. Aussi, l’OCDE milite grandement à ce que les grandes places financières et les paradis fiscaux puissent adopter les standards internationaux en matière fiscale. Cette uniformisation des règles internationales ne serait pas en soi une mauvaise nouvelle pour la Suisse. Le secteur financier est cardinal pour l’économie helvétique. Le domaine dans lequel la Suisse a excellé est, sans l’ombre d’un doute, le secteur de la gestion des fortunes. D’après les estimations de la banque UBS, en 1998, avaient montré que les plus-values dans le domaine de la gestion des fortunes s’élevaient à près de 22 milliards de franc suisse, soit près de 60% des plus values créées dans l’ensemble du secteur financier et que près de 43.000 emplois y 106 T.D. COCCA, « Le secret bancaire en mutation: conséquences et perspectives pour la gestion de fortune privée », R.P.E, 2009, p.1. 107 S. GUEX, op.cit, p.2.
  • 29. 29 était rattachée108 . L’on remarque que ce secteur peut être considéré comme l’un des poumons de l’économie helvétique. Et le secteur bancaire en Suisse aurait crée plus de 100 milles emplois. Si le secret bancaire venait à disparaitre, cela affecterait l’économie toute entière de la Suisse, sa survie est donc une question importante pour la préservation des emplois que le secteur bancaire a généré. Il faut donc le protéger car la suppression du secret bancaire serait une catastrophe pour la place financière, qui se paierait par des pertes massives d’emplois et pour la Suisse, elle aura donc à terme des conséquences dramatiques109 . En effet, le coût de l’abandon du secret coutera à la Suisse plus de 100 milliards de franc suisse, et le taux du chômage pourra dépasser les 10%. Et, les villes à forte activité financière seront certainement les plus touchées. La mort du secret bancaire ne résoudra pas d’une manière générale la lutte contre l’évasion fiscale. Il faut que toutes les autres places qui ont mis en place des structures opaques puissent coopérer. Mais, souvent celles-ci font prévaloir leur souveraineté pour bloquer les négociations internationales. La Suisse pourra aussi se refugier derrière cet argument pour obtenir des contreparties efficaces de son sacrifice. Il est à craindre que sa clientèle cherche à se délocaliser vers des places plus attractives, ce qui annihilera les efforts de la lutte contre ce phénomène. Le problème n’est pas seulement la remise en cause du secret bancaire suisse, mais un combat qui doit être mené à l’échelle mondial. Verra-t-on un monde sans un paradis fiscal ? Cet idéal ne semble être qu’un discours d’estrade. En effet, les mêmes pays qui dénoncent le secret bancaire suisse ont des juridictions dépendantes qui ont mis en place des structures similaires. L’hypocrisie est donc une stratégie importante dans la compétition fiscale. Dénoncer le secret bancaire suisse, et protéger ses intérêts voilà la devise des Etats perdants de la concurrence fiscale. 108 M. ZUMSTEIN, « Importance du secteur financier suisse et position de négociation du Conseil fédéral », in Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R.SCHOWK, Euryopa, Genève, 2002, p.85. 109 J. ZIEGLER, « Mort programmée du secret bancaire », Le Temps, Février 2001, p.12
  • 30. 30 Autrefois sacralisé, le secret bancaire semble subir l’usure et l’injure du temps. En effet, l’heure n’étant plus à l’observation et à laisser choir les systèmes économiques, sans rien faire de la part des Etats serait une attitude irresponsable. Les actions ont été menées pour essayer de réguler les flux internationaux circulant dans les juridictions opaques. Tout doit être transparent, même la circulation de l’argent. La communauté internationale s’étant rendu compte que la crise économique a été occasionnée par l’absence de contrôle effectif des activités bancaires ayant profondément conduit à l’effondrement de l’économie mondiale. Depuis, les pressions n’ont cessé de croitre, des rencontres internationales se sont multipliées pour trouver des solutions à la crise. A cet effet, tous les systèmes bancaires ne fournissant pas assez de transparence dans les flux de capitaux ont été dénoncés vertement. Cette situation a conduit à la remise en cause du secret bancaire suisse, lequel a fait preuve de résistance pendant de nombreuses années. Les pressions dirigées vers la place financière helvétique ne datent pas d’aujourd’hui. Mais, actuellement elles ont pris une forme particulière. Cela semble se justifier, car l’évasion, la fraude, la corruption, le blanchiment d’argent, se développent par le biais de cette institution. « L’ère du secret bancaire est révolu » cette phrase mémorable parait être un truisme à l’aune des évolutions internationales présentes. « Tout n’est sans soute pas encore joué, mais, sans grande surprise, on peut d’ores et déjà percevoir les grandes lignes du paysage des paradis bancaires de demain. L’offensive sans précédent menée par quelques dirigeants de pays à forte imposition contre le secret devrait leur permettre d’atteindre du moins en partie leurs objectifs »110 . Ces objectifs se concrétisent progressivement. En effet, le Luxembourg, l’Autriche ont renoncé récemment à leur secret bancaire pour passer à l’échange automatique d’informations. Et la Suisse suivra, nous le pensons, le pas. Elle a décidé de limiter l’usage abusif de sa place financière, notamment de son fameux secret bancaire111 . Pour éviter les abus potentiels de l’utilisation de sa place financière, elle a accepté les standards internationaux pour lutter contre l’évasion, le blanchiment en renonçant au maintien de la protection de son secret bancaire. L’érosion du secret bancaire est manifeste au point où il se réduit à « peau de chagrin ». Certaines prédictions annoncent même sa levée complète. Il 110 T. AFSCHRIFT, « ‘ fle io s su l ave i du se et bancaire », Institut Libéral, mars 2009, p.1 111 CAD, Examen en matière de coopération pour le développement : Suisse, Dossier du CAD, 2000, vol.1, n°4, pp.52-53.
  • 31. 31 est victime de son époque, entre scandale, crise économique, sa mort est déjà programmée, il est condamné112 à disparaitre. Mais quand ? Nous ne saurons y répondre avec exactitude et précision. 112 S. GUEX, op.cit, p.6.