Point de Mire was established in 1995 in Geneva as an independent financial print media targeted at the decision makers within the Swiss and international financial sector. Under my leadership as the editor in chief it expanded into new fields such as Blockchain, Crowdfunding, Fintech, and Smart Contracts.
1. Les défis actuels
de la place
financière
suisse
En automne 2005, à l’occasion des 10 ans de Point de Mire, nous soulignions déjà, dans notre cahier commémo-
ratif, la grande effervescence de la place financière suisse. Mais c’était alors une agitation positive de notre pay-
sage bancaire et financier. Le Groupe Julius Baer par exemple, venait de reprendre l’entité «banques privées»
d’UBS, plaçant du coup dans son giron l’ex-banquier privé Ferrier Lullin, le plus ancien établissement bancaire
genevois. «Au niveau de la planète financière», écrivions-nous alors: «c’est toute la force de la gestion de
patrimoine made in Switzerland qui s’en trouve rehaussée».
Les trois années qui suivirent furent effectivement exceptionnelles pour pratiquement tous les acteurs de la finance helvétiques et tout spéciale-
ment pour nos deux grandes banques dont les résultats étaient à leur apogée.Au début 2008 encore les banquiers suisses, protégés en outre par
l’inviolabilité du secret bancaire, semblaient n’avoir aucun souci à se faire. Mais cette douce quiétude, on le sait, s’est soudainement brutalement
modifiée.Tout d’abord avec le scandale des «subprimes», puis sous les pressions étrangères de plus en plus fortes exercées sur les banques et la
finance helvétiques et sur nos plus hautes Autorités politiques. Sur le plan bancaire tout particulièrement, depuis l’adoption en mars 2009 de la
norme de l’OCDE sur l’échange automatique d’informations entre autorités fiscales, un coup très rude a été apporté au fonctionnement des
différents métiers de la banque et à l’ensemble du système bancaire helvétique dont l’ASB en est l’Organisation faîtière. En ce début d’année
l’introduction par la Banque nationale suisse d’un taux d’intérêt négatifs sur les avoirs de l’économie auprès d’elle, a créé de fortes turbulences
au sein du secteur bancaire: un quasi mouvement de fronde à l’encontre de notre Institut d’émission. Pour Point de Mire, dans le cadre de son
20e anniversaire, Jean-Claude Margelish, Président du Comité exécutif et Délégué du Conseil d’administration de L’Association suisse des
banquiers (ASB), a bien voulu nous recevoir et répondre à nos questions.
NO
61 – ETÉ 2015 – CHF 12.– / € 12.–
w w w . p o i n t d e m i r e . c h
Revue fondée en 1995, 20e année ISSN 1662-6826
1
 (suite en page 4)
CLAUDE-ALAIN MARGELISCH,
PRÉSIDENT DU COMITÉ EXÉCUTIF ET
DÉLÉGUÉ DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE
L’ASSOCIATION SUISSE DES BANQUIERS (ASB),
BÂLE
Claude-Alain Margelisch
L’EDITORIAL
PORTRAIT
20 ans au
service des
entrepreneurs
de la finance
Ce cahier anniversaire nous tient par-
ticulièrement à cœur.C’est au cours de
l’été 1995, voilà juste 20 ans, que
l’idée fut lancée, à l’initiative du sous-
signé, de créer un instrument original
et innovant de communication.
Nous étions au milieu des années 90;
une longue récession venait de s’abattre
sur l’économie suisse.Le climat était loin
d’être radieux. Une politique monétaire
peu accommodante avait été mise en
place; simultanément une montée en
force du chômage était un facteur inédit
pour notre pays. On peut se demander
pourquoi ce fut précisément en ces
moments difficiles que la décision fut
prise de créer une nouvelle publication,
une lettre d’information destinée à une
sélection de dirigeants de PME ainsi
qu’aux nouveaux créateurs d’entrepri-
ses de Suisse romande? Notre objectif
était de contrer le climat récessif
ambiant en rendant ces milieux atten-
tifs aux nouvelles méthodes de mana-
gement qui se mettaient en place en
Europe. Nous voulions aussi que ces
entrepreneurs puissent s’exprimer ou-
vertement, communiquer le plus direc-
tement possible avec leurs clients et
leurs partenaires. Dans ce contexte,
nous avons été parmi les premiers à éta-
blir un vrai dialogue avec les gérants de
fortune qui avaient décidé de choisir l’in-
dépendance pour exercer leur activité.
C’est ainsi qu’est né Point de Mire qui,
au-delà du support papier,devait d’abord
être une plate-forme privilégiée de com-
munication, un instrument d’échange et
de dialogue destiné en premier lieu aux
entrepreneurs de la finance.Tout au long
de cette double décennie nous nous som-
mes efforcés de développer un tissu rela-
tionnel convivial au sein de la commu-
nauté financière romande. En 1995,
Internet en était à ses balbutiements.
Quant à la communication financière,
c’était un vocable banni dans beaucoup
de milieux. Depuis lors les choses ont
bien changé. Le monde de la banque et
de la finance se trouve en complète
transformation. Dans ce cahier anniver-
saire nous revenons sur quelques mo-
ments choisis de ces grandes mutations,
en particulier au niveau de la gérance de
fortune indépendante, une profession à
la défense de laquelle nous avons beau-
coup contribué.A tous un grand merci
pour votre fidélité et au plaisir de pour-
suivre le dialogue.
Jean-Pierre Michellod
Fondateur et directeur de la publication
CAHIER ANNIVERSAIRE
Place financière suisse: défis actuels et perspectives
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3. dement du Bund à 10 ans reste
extrêmement bas au regard de
l’inflation et de l’endettement en
Allemagne – sans parler du reste
de la zone euro et encore moins
de la Grèce. Mais la remontée de
0,08% à 0,95% en six semaines a
déclenché les cris et les larmes.
Les opérateurs ont vite oublié les
mille milliards qui leur ont été
offerts. Ils en réclament toujours
plus. Ne l’ayant pas obtenu, ils
réagissent en enfants gâtés.
Pourtant,il faudra s’y faire:ce n’est
pas tous les jours Noël!
Note
1 Autrement dit, gouvernements et parlements natio-
naux peuvent se dispenser de toute mesure d’écono-
mie, puisque la BCE finance intégralement leurs défi-
cits, mais chut! ne le répétez surtout pas!
3NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 –
SOMMAIRE
Le marché obligataire mondial tra-
verse une rude correction qui rap-
pelle celle déclenchée en 2013,
lorsque la Fed annonça son inten-
tion de réduire ses achats d’actifs,
le tapering.Quelques semaines plus
tard, l’indice mondial J.P. Morgan
accusait une rentabilité totale
négative: –7% environ sur 12 mois.
Cette correction a été baptisée
taper tantrum, ce qui est très évo-
cateur puisqu’en anglais,un tantrum
est un coup de colère, générale-
ment infantile. À l’époque, la Fed
n’avait pas menacé de retirer de la
liquidité,mais la simple perspective
d’une réduction des achats souleva
sur le marché un tollé, pareil aux
cris d’un enfant gâté, cruellement
déçu de ne pas recevoir, le lende-
main de Noël, autant de cadeaux
que la veille.
Aujourd’hui sur l’indice mondial en
dollars, les pertes ont retrouvé les
–7% d’il y a deux ans.Cette fois,ce
sont surtout les obligations en
euro qui ont été mises à mal et
c’est d’ailleurs du côté de
Francfort qu’il faut chercher le
déclencheur de la débâcle. Bien
entendu,l’évolution conjoncturelle,
qui détermine largement la ten-
dance à moyen terme, peut aussi
agiter le marché à l’occasion, par
exemple lorsque les indices de la
zone euro pour mai témoignèrent
d’un timide réveil de l’inflation dans
les services. Mais les indicateurs
économiques n’expliquent pas
tout. Le principal «coupable»
pourrait bien être Mario Draghi
lui-même.
Comment est-ce possible? Lors-
qu’il avait promis 1080 milliards
d’achats d’actifs,Mario Draghi avait
été adulé comme le Père Noël.
Qu’a-t-il donc fait pour se muer en
Père Fouettard? À vrai dire, rien,
ou plus précisément, rien de plus.
Mais de nos jours, la politique
monétaire est aussi affaire de com-
munication.
Le président de la BCE est passé
maître dans cet art, lui qui en
2012 avait apaisé les marchés en
promettant «whatever it takes…»
sans débourser un centime. Ces
dernières semaines, au contraire,
Mario Draghi a ostensiblement
évité de promettre quoi que ce
soit.Voici un condensé des débats
actuels.
• Selon ce qui avait été déclaré
lors de son lancement, le pro-
gramme d’achats de la BCE va se
déployer jusqu’en septembre
2016 «au moins». Mais beau-
coup d’opérateurs sur le marché
s’imaginaient qu’il serait renou-
velé indéfiniment. Or la reprise
conjoncturelle se confirme dés-
ormais. L’assouplissement quan-
titatif sera-t-il prolongé après
septembre 2016? Réponse de M.
Draghi en conférence de presse
début juin: les indicateurs vont
dans la bonne direction, rien
d’autre à dire à ce stade.
• Le volume des achats de la BCE
est tel qu’il absorbe pratique-
ment toute la dette émise par les
États membres1. Il y a tout de
même un hic, le calendrier des
différentes émissions nationales
ne coïncide pas exactement avec
celui de la BCE;certains titres se
retrouvent sur le marché et ne
trouvent pas preneur aux taux
de rendement actuels. Ne pour-
rait-on pas augmenter temporai-
rement les achats mensuels de la
BCE pour s’assurer qu’aucun
euro ne reste à placer? Réponse:
aucune raison de le faire.
• Malgré la générosité du Père
Noël Draghi, la volatilité n’a pas
disparu du marché. Elle s’est
accentuée au contraire, reflet de
la nervosité des opérateurs face
aux valorisations extrêmes qui
continuent de régner malgré la
correction.Qu’est-ce que la BCE
entend faire pour pallier cette
volatilité? Réponse:rien,il faut s’y
habituer.
Certains observateurs parlent
d’ores et déjà d’Eurotapering, et
pourtant M. Draghi n’a annoncé
aucune réduction de ses achats: il
a simplement évité de promettre
plus. La politique de la BCE ne va
pas changer pendant plus d’une
année. Extraordinairement stimu-
lante, elle maintient le marché
obligataire sur un nuage. Le ren-
Toujours plus!
C’est ce que le marché obligataire attend de la part des
banques centrales.
n Patrizio MERCIAI, Chief Strategist, Gonet & Cie, pmerciai@gonet.ch
ASPECTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
Avant de rejoindre Gonet & Cie en
2014, Patrizio Merciai a été
notamment Chief Strategist de
Lombard Odier (1997-2004),ainsi
que Head of Private Investors et
Head of Asset Management de
Merrill Lynch Bank Suisse (2005-
2009).
Par la suite, il a été Chief Invest-
ment Officer de la Banque Profil
(2010-2011) et Senior Invest-
ment Advisor de PARfinance SA
(2012-2014).
En parallèle, Patrizio Merciai est
depuis 1992 chargé de cours à
l’Université de Genève, d’abord à
HEC Genève puis à la Geneva
School of Economics and Ma-
nagement.
Il est Docteur ès relations interna-
tionales de l’Université de Genève
– HEI,ainsi qu’auteur ou co-auteur
de plusieurs ouvrages et de nom-
breux articles scientifiques.
PROCHAIN NUMÉRO: Automne 2015
CLÔTURE DE LA RÉDACTION: 1ER SEPTEMBRE 2015
L’EDITORIAL PAGES
• 20 ans au service des entrepreneurs de la finance 1
PORTRAIT
• Claude-Alain Margelisch,
Association suisse des banquiers (ASB), Bâle
• Les défis actuels de la place financière suisse 1 et 4
ASPECTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
•Toujours plus! 3
BANQUES ÉTRANGÈRES EN SUISSE
•Trois mesures pour une place financière suisse forte 5
• CACEIS, nouvelle succursale en Suisse 5
BANQUES PRIVÉES
• Le conseil aux entreprises est une nécessité pour
les banques privées. Pour quelles raisons? 6
• UBP – COUTTS: Clarifications 7
CORPORATE FINANCE & PRIVATE EQUITY
• Private Equity en Suisse romande:
Une approche flexible et pertinente,
celle de Capital Système Investissements S.A. 8, 9 et 31
PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE
• Les PME, des acteurs clés
de la prévoyance professionnelle 10 et 11
• 15 ans de solutions de prévoyance à valeur ajoutée 12
• Libres propos: Plus de liberté dans la prévoyance
pour faire face aux taux d’intérêt négatifs 13
GÉRANCE DE FORTUNE INDÉPENDANTE
DOSSIER
• 1re partie – 2015, une année déterminante
pour la Gérance de fortune indépendante 14, 15 et 17
• 2e partie – Lausanne: une place financière
entre culture et tradition… 18 et 19
ASPECTS JURIDIQUES ET RÉGLEMENTAIRES
• Loi GAFI: Délit fiscal qualifié, infraction préalable
au blanchiment, obligation de dénonciation
et transparence accrue 20 et 21
MARCHÉ IMMOBILIER
• Stabilisation en vue sur le marché immobilier
helvétique 22 et 23
SOLUTIONS RESSOURCES HUMAINES
• Salon RH Suisse:
Deux journées intenses pour les professionnels RH 24
FINTECH & SOLUTIONS FINANCIÈRES NOUVELLES
• ITSecuDay Geneva 2015
Le Big Data devient le grand enjeu 26 et 27
• Note d’humeur: Aucune nécessité à légiférer 27
FORUM
• Echos des affaires et de l’économie 28
• Copré à nouveau le prix du meilleur rendement 29
4. 4 NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 –
PORTRAIT
Dix questions à
Claude-Alain Margelisch
1. Où en est-on à propos des intérêts
négatifs? Selon vous la BNS vous a-
t-elle écouté? Jusqu’à quand pensez-
vous que le secteur de la banque pri-
vée surtout va-t-il pouvoir supporter
ces nouvelles charges?
La politique monétaire relève de la
seule compétence de la Banque
nationale qui prend ses décisions
en toute indépendance. L’ASB
approuve ce principe sans réserve.
Il est toutefois évident que l’intro-
duction des intérêts négatifs a des
conséquences très négatives non
seulement pour les banques de
gestion de fortune, en tant que
secteur d’exportation, mais aussi
pour les banques de détail, dans le
domaine hypothécaire par exem-
ple. Le secteur doit réagir à cette
décision comme il réagit depuis
quelques années à d’autres ten-
dances qui amenuisent les marges
et forcent en effet un mouvement
vers la consolidation. Ce n’est pas
cette décision qui va y contribuer à
elle seule, mais c’est un facteur de
plus.
2. Kurt Schiltknecht, l’ancien écono-
miste en chef de la BNS, qui fut en
son temps l’éminence grise de l’ancien
Président Fritz Leutwiler, le premier à
avoir dû affronter les premières pério-
des de très fortes appréciations du
franc suisse, a clairement dit que les
taux négatifs étaient une mauvaise
chose et que la BNS saisirait la pre-
mière occasion pour les abandonner.
Partagez-vous ce point de vue?
La politique monétaire de la
Banque nationale suisse vise en
premier lieu à maintenir la stabilité
des prix. La BNS doit par consé-
quent prendre toutes les mesures
entrant dans sa compétence afin
de garantir ce but. Il n’appartient
pas à l’ASB de se prononcer sur le
fait de savoir si les taux négatifs
sont une bonne ou mauvaise
chose.Pour nous,le plus important
est que cette mesure exception-
nelle soit continuellement exami-
née et annulée dès que la situation
le permet.
3. La LSFin et la LEFin ont eu une
genèse difficile. Lors de la procédure
de consultation, ces projets de loi ont
été très vivement critiqués. Pensez-
vous qu’in fine les textes définitifs res-
teront raisonnables et que nous évite-
rons le «Swiss finish»?
Nous avons besoin d’adapter notre
droit pour que notre place finan-
cière reste compétitive, pour
moderniser la protection des
investisseurs et pour nous assurer
l’accès au marché transfrontalier.
Vous savez également que notre
Association demande une sur-
veillance prudentielle des gérants
externes de fortune qui est depuis
longtemps un standard internatio-
nal, en particulier au sein de l’UE.
C’est une condition sine qua non
pour l’accès au marché de tous les
acteurs de la place financière
suisse. En revanche, nous n’avons
pas besoin d’une «surréglementa-
tion»; l’ASB s’oppose à un tel
«Swiss finish».
4. Qu’attendez-vous de la mise en
œuvre de ces lois?
Nous attendons de ces lois qu’el-
les nous permettent de maintenir
une place financière moderne et
attractive tout en garantissant une
protection adéquate des investis-
seurs. Nous apprécions que les
résultats de la consultation aient
été pris en compte par le Conseil
fédéral à plusieurs égards, comme
par exemple le fait de renoncer au
renversement du fardeau de la
preuve dans la procédure civile, à
un fonds destiné à la prise en
charge des frais de procès et à la
création d’un tribunal d’arbitrage.
Nous restons néanmoins très
sceptiques en ce qui concerne les
travaux de révision du code de
procédure civile (prise en charge
des frais d’avocat, procédure de
transaction de groupe et action
collective). De plus, nous saluons
le fait que l’article sur la confor-
mité fiscale sera supprimé dans la
LEFin. Il ne doit néanmoins pas
être introduit subrepticement par
un autre biais.
5.La multiplication et le renforcement
des réglementations ne risquent-t-ils
pas à terme de rendre la CDB obs-
olète?
Vous soulevez la question impor-
tante de l’opportunité et de l’ave-
nir de l’autoréglementation sur la
base de l’exemple de la Conven-
tion de diligence des banques
(CDB). Je reste personnellement
persuadé que l’autoréglementa-
tion doit être maintenue dans le
futur: dans un monde financier en
profonde mutation et confronté à
des changements législatifs et régle-
mentaires permanents, l’auto-
réglementation présente l’avan-
tage certain d’une adaptation
rapide et professionnelle aux nou-
velles exigences réglementaires.
Nous sommes sur le point d’ache-
ver une nouvelle révision de la
CDB qui fait suite à la mise en
œuvre des nouvelles recomman-
dations du GAFI. Il aurait été
impossible de le faire à temps dans
la perspective du prochain examen
mutuel du GAFI si ces devoirs de
diligence étaient confinés dans une
loi.
6. La crise de 2008 a mis à mal le
concept de banque universelle.Verra-
t-on un jour une loi Glass-Steagall en
version helvétique?
Le système bancaire se caracté-
rise par sa diversité et se fonde
sur le principe de la banque uni-
verselle. Contrairement à nombre
d’autres pays, la Suisse a pu, grâce
à ces deux facteurs, mieux maîtri-
ser les conséquences de la crise
financière. Le Groupe d’experts
Brunetti a confirmé ce point de
vue dans son rapport publié en
décembre dernier. Je constate par
ailleurs que les discussions sur la
réforme structurelle, en particu-
lier le débat en cours au sein de
l’UE sur la question de la sépara-
tion des banques,progressent très
difficilement. Je pense enfin que
cette problématique doit être vue
essentiellement sous l’angle des
exigences en fonds propres et du
risque systémique.
7. Votre association s’engage forte-
ment pour l’accès aux marchés, alors
que,dans les négociations de la Suisse
avec l’Europe ou les autres pays
membres de l’OCDE, les représen-
tants de la Suisse ne semblent guère
avancer. Face à des marchés finan-
ciers très protectionnistes,la Suisse a-
t-elle objectivement encore des chan-
ces de se faire entendre?
Afin de préserver la compétitivité
de la place financière suisse, l’ac-
cès aux marchés étrangers pour
les prestataires suisses de services
financiers revêt une importance
stratégique. Agir isolément ne suf-
fit pas: il faut aussi des accords
politiques avec les Etats partenai-
res concernés.Dans une première
phase,la Suisse doit poursuivre les
négociations bilatérales avec les
Etats partenaires importants, tant
au sein de l’UE que sur les mar-
chés de croissance. Dans une
deuxième phase, la Suisse doit
développer une procédure de
reconnaissance de l’équivalence
du droit suisse des marchés finan-
ciers par l’UE dès lors que cela est
prévu par cette dernière et
opportun pour l’accès transfron-
talier au marché. Finalement, la
Suisse examine dans quelle
mesure l’UE est disposée à con-
clure un accord sur les services
financiers et procède à une ana-
lyse approfondie des adaptations
juridiques et matérielles requises
en Suisse.
8. Dans une interview récente («Le
Temps» du 4.4.2015) George Koukis,
fondateur de la société Temenos,
déclarait: «En Suisse, l’industrie ban-
caire s’est montrée complaisante et
n’a pas innové». Comment réagissez-
vous à ce jugement?
Je peux comprendre cette critique
dans la mesure où il n’y a pas
encore en Suisse de coordination
nationale dans le domaine de la
digitalisation bancaire et celui du
FinTech. Nous suivons avec la plus
grande attention l’évolution dans
ces domaines. Je rappelle aussi que
notre Association a lancé le Swiss
Finance Institute (SFI) qui est
devenu, dans le monde de l’acadé-
mie financière et de la recherche,
une référence mondiale. Dans son
interview, George Koukis reste
toutefois optimiste sur le potentiel
existant en Suisse en ce qui
concerne l’innovation financière
car nos conditions-cadres sont
toujours attrayantes.Je partage cet
avis.
9. Quelles actions spécifiques l’ASB
mène-t-elle pour promouvoir l’innova-
tion en son sein?
Nous avons mis en place plusieurs
initiatives pour promouvoir Swiss-
Banking dans des activités de forte
croissance.
- Premièrement,je pense à l’initia-
tiveAsset Management qui vise à
faire de la place financière suisse
un des lieux privilégiés de la ges-
tion professionnelle des avoirs.
- Deuxièmement,nous œuvrons à
créer en Suisse un hub pour
toute prestation de service liée
à la monnaie chinoise, le ren-
minbi. De cette façon, la Suisse
peut participer à la croissance du
marché le plus important au
monde.
- Et troisièmement, nous sommes
très actifs dans le domaine de la
digitalisation bancaire, en nous
efforçant de créer des condi-
tions-cadres optimales pour
cette activité.
10. Quels seront, à votre sens, les
principaux axes de développement
du secteur bancaire au cours de la
prochaine décennie?
Ces axes se fondent tout d’abord
sur les trois initiatives que je viens
de citer. L’activité de gestion de
fortune internationale restera
ensuite un secteur porteur pour
les banques suisses comme le
démontre une étude que nous
avons publiée récemment en
coopération avec Boston Con-
sulting Group. L’échange automa-
tique de renseignements est certes
devenu une réalité à laquelle les
banques suisses sont en train de
s’adapter mais notre savoir-faire
dans ce segment d’activité de-
meure à mon sens toujours inégalé.
Enfin, la place financière suisse
conserve encore de nombreux
atouts tels que la stabilité politique,
l’Etat de droit, etc. qu’il nous faut
maintenir avec le plus grand soin.
L’ASB y attache la plus grande
importance.
Interview réalisée par
Maurice Baudet &
Jean-Pierre Michellod
 (suite de la page 1) CLAUDE-ALAIN MARGELISCH, ASSOCIATION SUISSE DES BANQUIERS (ASB), BÂLE
Claude-Alain Margelisch (1963),
Titulaire du brevet d’avocat et de
notaire, Président du Comité exé-
cutif et Délégué du Conseil d’ad-
ministration de l’Association suisse
des banquiers (ASB)
Après des études de droit à
l’Université de Berne, puis l’obten-
tion d’une licence en droit, du bre-
vet de notaire et de celui d’avocat,
Claude-Alain Margelisch a exercé
son activité dans une étude d’avo-
cats jusqu’en 1993. Entré au ser-
vice de l’Association suisse des
banquiers (ASB) cette année-là, il
fut responsable du Département
«Marchés financiers internatio-
naux» etVice-président du Comité
exécutif,avant de prendre ses fonc-
tions en tant que Président du
Comité exécutif et Délégué du
Conseil d’administration de l’ASB le
17 septembre 2010.
Pour plus d’informations:
www.swissbanking.org
6. 6 NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 –
BANQUES PRIVÉES
Un partenaire unique en
mesure de fournir
des conseils pluridiscipli-
naires qui répondent
aux attentes des entre-
preneurs
Différencier les gestionnaires les
uns des autres devient de plus en
plus difficile, et les attentes des
entrepreneurs coïncident avec
leurs souhaits de pouvoir comp-
ter sur un partenaire unique qui
comprend l’ensemble de leurs
besoins financiers et qui est en
mesure d’y apporter des solutions
innovantes.
Une banque privée doit désormais
être capable de fournir des servi-
ces de conseil et d’exécution pluri-
disciplinaires tout en restant im-
partiale pour soutenir les entre-
preneurs avec de nouvelles activi-
tés créatrices de valeur. Aujour-
d’hui, le conseil aux entreprises est
un service complémentaire incon-
tournable grâce auquel une banque
privée peut créer de la valeur pour
ses clients sur le long terme tout
en restant en parfaite harmonie
avec la stratégie de gestion de for-
tune choisie.
Le conseil aux entreprises vise à
répondre aux questions les plus
essentielles que se posent régu-
lièrement les entrepreneurs: le
capital et la structure juridique de
ma société sont-ils compatibles
avec ma stratégie de croissance?
Dois-je lever des fonds ou de la
dette pour atteindre mes objec-
tifs de développement? Mon capi-
tal est-il structuré de manière à
résister aux événements impré-
vus? Est-ce le bon moment
d’envisager une introduction en
bourse? Comment obtenir un
conseil indépendant, en allant jus-
qu’à son exécution, auprès d’un
prestataire dont l’objectif n’est
pas uniquement de réaliser la
prochaine transaction? Une ban-
que privée pourra-t-elle accom-
pagner ses clients en leur offrant
des conseils pertinents en ma-
tière d’exécution sur le marché
des capitaux, de restructuration
de bilan, de fusions & acquisitions
et de montage juridique.
Un partenaire bancaire
à l’écoute de ses clients
La plupart du temps, les entrepre-
neurs font peu de distinction entre
leur fortune personnelle et leur
société,outil de création de valeur.
Un partenaire bancaire doit être
capable d’appréhender la situation
spécifique de ses clients dans
chaque détail afin de pouvoir plei-
nement les accompagner dans leur
esprit d’entreprise, leur objectif et
leur désir de réussite. Plus proche
de son client, une banque privée
devient ainsi le partenaire idéal
pour l’aider à réaliser ses ambi-
tions.
Les grandes banques commercia-
les ne sont désormais plus les
seules à fournir des conseils aux
entreprises. Les banques privées
offrent aussi ce service et dispo-
sent de la structure idéale pour
convaincre les entrepreneurs. En
effet, les banques universelles dis-
tribuent des produits de banques
d’investissements à travers leur
activité de gestion de fortune,
avec parfois des résultats mitigés
du fait de leurs différences cultu-
relles et fonctionnements com-
partimentés. En outre, la nature
indépendante d’une banque pri-
vée permet des recommanda-
tions sur mesure et impartiales,
sans aucun conflit d’intérêts, et
dans la plus stricte confidentialité.
Le défi majeur pour celle-ci ré-
side dans sa capacité à offrir une
expertise étendue et diversifiée
que peu de petits établissements
financiers sont en mesure de pro-
poser. Enfin, il est indispensable
pour être crédible que les ges-
Le conseil aux
entreprises est une
nécessité pour
les banques privées.
Pour quelles raisons?
n Christian FRINGHIAN, Associé du Groupe REYL et co-responsable de l’activité Corporate Advisory & Structuring
Dans le domaine de la banque privée, les clients ne se contentent plus uniquement
des services traditionnels de gestion de fortune. On retrouve cette tendance parti-
culièrement chez les entrepreneurs internationaux qui créent de la valeur grâce au
développement de leurs activités transfrontalières.
tionnaires aient une solide expé-
rience et des compétences mul-
tiples acquises auprès de diffé-
rentes grandes banques d’in-
vestissement ou de cabinets de
conseil.
Direct lending,
une solution?
L’accès au financement sous
forme de prêt direct («Direct
Lending») est un exemple concret
de prestation que peut apporter
une banque privée aux entrepri-
ses. A l’heure actuelle, un entre-
preneur risque d’éprouver des dif-
ficultés à lever entre 20 millions et
200 millions, en Euros ou Dollars
US, pour financer la croissance de
sa société. Depuis 2008 en effet,
les banques commerciales (parti-
culièrement en Europe) ont pro-
gressivement réduit la taille de
leurs bilans, diminuant ainsi leur
activité traditionnelle de prêts aux
entreprises de taille moyenne
pour répondre au durcissement
des contraintes réglementaires.
Des nouveaux prêteurs non-ban-
caires sont désormais en mesure
de combler ce déficit de finance-
ment en complément des prêts
bancaires traditionnels. Dans le
même temps, la politique de taux
zéro pratiquée par les banques
centrales a conduit à une forte
diminution des rendements, pous-
sant les investisseurs à rechercher
des actifs à rendement plus élevés.
En s’appuyant sur son dialogue
privilégié avec le propriétaire/
directeur, une banque privée est
souvent mieux placée pour four-
nir un conseil et mettre en œuvre
des solutions de financement, qu’il
s’agisse de structure juridique ou
de distribution tant auprès d’in-
vestisseurs privés qu’institution-
nels. En comparaison avec les
cabinets spécialisés en conseil
financier, les banques privées
apportent des solutions sur
mesure, car elles répondent en
même temps aux besoins de l’en-
treprise et à ceux de son proprié-
taire. Ce partenariat créateur de
valeur conduira à son tour à de
meilleurs services de gestion de
fortune.
Le conseil aux entreprises
est-il une nécessité
pour la banque privée?
L’un et l’autre évoluent en sym-
biose. Le conseil aux entreprises
offre une opportunité, un relais
de croissance au secteur de la
banque privée en Suisse dont les
compétences sont depuis long-
temps établies. Il constitue cer-
tainement l’une des réponses les
plus efficaces aux défis que les
nouvelles réglementations impo-
sent aux banques: le conseil aux
entreprises est une extension
naturelle de l’objectif pluriel, mais
intégré consistant à proposer aux
clients des solutions sur mesure
créatrices de valeur dans la durée
grâce à une parfaite compréhen-
sion de l’ensemble de leurs
besoins.
Christian Fringhian a une expé-
rience de plus de 20 ans dans la
banque d’investissement. Il dé-
marre sa carrière en 1992 chez JP
Morgan et Deutsche Bank à Paris.
Pendant cette période, il acquiert
une solide expérience dans les
domaines de la gestion du risque,
des financements structurés et du
Corporate Finance. En 2001, il
rejoint Barclays Capital à Londres
où il dirige le groupe Public Sector
Solutions en tant que Managing
Director et développe des solutions
sur-mesure de gestion du risque et
de stratégie de financement pour
des gouvernements européens,
agences et organismes supranatio-
naux. Il rejoint REYL & Cie en tant
qu’Associé en 2013. Il est respon-
sable de l’activité Corporate
Advisory & Structuring pour le
Groupe. Membre du Comité
Exécutif,il participe également à la
mise en œuvre de la stratégie de
développement de l’ensemble des
activités.
Christian Fringhian est diplômé de
l’IPESUP de Paris (Master en
Gestion Internationale ‘90) et de
Kellogg School of Management à
la Northwestern University (MBA
‘92).
Nouvelle progression des encours pour le Groupe REYL
Créé à Genève en 1973, le Groupe REYL a bouclé l’année 2014 sur un
bilan globalement positif qui le voit réaliser le deuxième meilleur exercice de
son histoire. Au 31 décembre 2014, les actifs sous gestion se montent à
CHF 10,7 milliards,soit une progression annuelle de 18%.Les revenus nets
s’établissent à CHF 107 millions (-8%) et le bénéfice net à CHF 18 millions
(-27%). La baisse relative des revenus et du bénéfice est essentiellement
due à la réduction des commissions de performance provenant de la ges-
tion des fonds de placement institutionnels, dépendantes de l’évolution des
marchés financiers,ainsi qu’à des charges exceptionnelles liées notamment
à la reconfiguration des systèmes d’information.
7. BANQUES PRIVÉES
NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 – 7
UBP –
COUTTS:
Clarifications
Le 27 mars 2015, l’Union Ban-
caire Privée (UBP) avait annon-
cé le rachat des activités inter-
nationales de gestion de fortune
de Coutts, une entité apparte-
nant jusque-là à Royal Bank of
Scotland (RBS). A la fin juin le
directeur général de la banque
privée genevoise est revenu sur
certains aspects de ce rachat de
fonds de commerce (asset deal)
en y apportant diverses clarifi-
cations.
• La vente de Coutts par la RSB
concerne les activités gérées de-
puis la Suisse, Monaco, le Moyen-
Orient, Singapour et Hong-Kong.
Elle résulte de la volonté de RBS
de se concentrer sur le marché
britannique. Cette option est
assez similaire à celle qu’avait
choisie l’an passé Lloyds Bank en
vendant également à UBP ses acti-
vités de banque privée internatio-
nale gérées notamment depuis la
Suisse.
• Suite à ce rachat et en se basant
sur un chiffre de clientèle gérée
par Coutts de CHF 32 milliards,
UBP estime à quelque 22 milliards
de francs sa reprise nette de
clients nouveaux. La différence
entre ces deux chiffres tient
compte du travail de due diligence
approfondie auquel la banque
acheteuse va devoir procéder. Ce
processus, de même que l’obten-
tion pour chaque client transféra-
ble de son plein accord, sont des
démarches qui vont prendre beau-
coup de temps.Deux ans au moins
selon Guy de Picciotto le direc-
teur général de l’Union Bancaire
Privée.
• Un plan important de réduction
du personnel de Coutts devra
simultanément être mis en place.
Sur les 400 postes de travail que
compte aujourd’hui l’entité suisse
de l’ancienne prestigieuse banque
de gestion britannique, à terme,
plus de la moitié vont être vrai-
semblablement supprimés.
• A fin 2014, avec quelque 1300
collaborateurs et une 20e d’im-
plantations dans le monde, UBP
avait sous gestion des actifs s’éle-
vant à CHF 98.7 millions.
J.-P. Michellod
8. 8 NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 –
CORPORATE FINANCE & PRIVATE EQUITY
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Le Private Equity
change de forme
Au tournant des années 2009 –
2010, le Private Equity, lequel
comprend des activités de place-
ments privés de capitaux et en
particulier la recherche de finan-
cement pour des entreprises de
taille moyenne, a brusquement
changé de forme. S’il s’est affaibli
pendant quelques mois, il n’en a
pas pour autant tari. En fait, la
virulence de la crise financière de
2008 et le renforcement des
PRIVATE EQUITY EN SUISSE ROMANDE
Une approche flexible
et pertinente, celle
de Capital Système
Investissements S.A.
Suite au scandale des «subprimes» et à la crise qui s’en est suivie, pratiquement
toutes les activités financières, soumises à des pressions considérables, se sont
brusquement modifiées, non seulement en Suisse mais dans le monde entier.
Dans notre pays, depuis l’adoption par le Gouvernement helvétique, en mars 2009,
de la norme de l’OCDE sur l’échange automatique d’informations entre autorités
fiscales, un coup très rude a été porté au fonctionnement des différents métiers de
la finance et plus généralement à l’ensemble de notre système bancaire.
mesures réglementaires prises en
Suisse pour tenter de la juguler
ont poussé de nombreuses
banques, ainsi que des compa-
gnies d’assurance spécialisées
dans ce type de financement, à
sortir de ce secteur. Ce retrait
des opérateurs traditionnels a
été particulièrement marqué en
ce qui concerne les opérations de
financement privé destinées à nos
PME, ces petites et moyennes
entreprises qui constituent une
part prépondérante du tissu
économique helvétique. D’autres
opérateurs et intermédiaires
financiers sont alors entrés sur
ce marché. Rapidement, ils ont
pris le relais des banques. Leur
optique n’était toutefois pas de
fournir des capitaux de démar-
rage aux nouvelles affaires, aux
start-ups issues elles aussi sou-
vent de la crise, mais d’apporter
des solutions de financement
pertinentes aux entreprises exis-
tantes, plus spécifiquement celles
de taille moyenne qui envisagent
une phase nouvelle de dévelop-
pement et de croissance et qui,
pour ce faire, ont besoin d’amé-
liorer leurs moyens financiers.
Quels sont ces nouveaux
intermédiaires?
En fait, il est des entreprises qui
offrent de vraies alternatives au
financement bancaire. Ce sont
des entités pilotées par des
intermédiaires financiers rompus
aux affaires qui pratiquent une
véritable activité de «Corporate
Finance» assimilable à celle d’une
banque d’affaires spécialisée.
Quelques unes – c’est le cas par
exemple de Capital Système
Investissements – ont démarré
déjà bien avant que n’éclate la
crise financière de ces sept der-
nières années. En Suisse romande
et à Genève surtout, ces spécia-
listes de l’ingénierie financière,
qui servent de passerelles entre
entrepreneurs et investisseurs,
sont toutefois bien peu nom-
breux. Ceci est fort regrettable,
car ces spécialistes, grâce à leur
savoir-faire, leur flexibilité et leur
grande réactivité, sont devenus
pour de nombreux patrons de
PME soucieux de développer
leurs affaires des conseillers
incontournables.
9. CORPORATE FINANCE & PRIVATE EQUITY
NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 – 9
Entretien exclusif avec
Gilles-EmmanuelTrutat
fondateur et CEO de
Capital Système
Investissements SA,
Genève
Pour en savoir plus sur les change-
ments majeurs intervenus depuis
2008 sur la scène du Private Equity,
sur ces nouveaux intervenants en liai-
son principalement avec le finance-
ment des PME de taille intermédiaire,
celles qui présentent généralement un
bon potentiel de croissance,nous nous
sommes rendus au 7, rue de la Croix
d’Or, à Genève, au siège de Capital
Système Investissements SA (CSI).
Son fondateur et directeur général,
Gilles-Emmanuel Trutat, actif
depuis plus de 20 ans dans le
domaine de la banque d’affaires et
sans doute l’un des meilleurs connais-
seurs romands de ce marché, a eu
l’obligeance de nous recevoir et de
répondre à nos questions.
Dialogue
PdM: Malgré la surabondance de liqui-
dités qui caractérise nos économies et
la difficulté que rencontrent les institu-
tionnels d’effectuer des investissements
rentables, le loyer de l’argent n’ayant
jamais été aussi faible, il est toujours
très difficile pour les PME et même
celles de taille moyenne, de trouver les
capitaux dont elles ont besoin pour
donner un coup d’accélérateur à leur
croissance. Paradoxalement il est
souvent plus facile de lever plusieurs
dizaines de millions de francs pour un
grand projet que seulement 1 ou 2
millions pour une petite entreprise.Que
faire pour corriger cette situation?
G.E.T.: Je dirais que les entrepri-
ses de taille moyenne trouvent
effectivement des fonds. Ce sont
les petites entreprises qui sont
pénalisées. Il est souvent très diffi-
cile de bien comprendre ce que
l’on entend par PME. Pour ma part
je m’en tiens à la définition euro-
péenne de la PME qui retient trois
critères à savoir le nombre de
salariés, le chiffre d’affaires et le
total du bilan. On parle de PME
pour une entreprise de moins de
250 employés, ne réalisant pas
plus de € 50 millions de chiffre
d’affaires ou ayant un total de bilan
de € 43 millions au maximum.Mais
il convient ensuite de distinguer les
entreprises moyennes, des petites
qui ne comptent pas plus de 50
salariés et des très petites entre-
prises de moins de 10 personnes
qui sont des micro-entreprises
selon la terminologie européenne.
Les entreprises que nous suivons
se trouvent principalement dans le
haut de la fourchette, c’est-à-dire
entre € 20 et 50 millions de chiffre
d’affaires, cette catégorie de PME
en général trouve assez facilement
du financement. Celles dont le
chiffre d’affaires est inférieur à
€ 10 millions ont véritablement de
la peine à trouver du financement
externe, car elles comportent un
facteur de risque élevé pour un
investisseur potentiel.
PdM: Mais cette situation est indé-
pendante de la crise, il en a toujours
été ainsi?
G.E.T.: Oui, sauf que dans l’his-
toire économique il y a eu des
périodes, que je qualifierai d’eu-
phoriques et relativement brèves,
où de petites entreprises ont pu
trouver sans grande difficulté du
financement. Ce fut le cas des
années 1850 par exemple avec le
développement des chemins de fer
ou, plus près de nous, les années
2000 et la «nouvelle économie» où
les apports de fonds étrangers ont
été énormes surtout pour les très
petites entreprises. Mais depuis
lors ces entreprises ont presque
toutes fait faillite ou cessé leurs
activités.
“Les investisseurs ont
la mémoire courte mais
ils se souviennent
néanmoins des crises
anciennes.”
Les investisseurs, dit-on, ont la
mémoire courte, mais quand
même suffisamment longue pour
s’en souvenir 15 ans après. Avec
un peu de recul, on voit donc qu’il
n’y a jamais eu en fait dans l’his-
toire du vrai financement pour les
petites entreprises. Ce n’est donc
pas un phénomène nouveau, cela a
toujours été ainsi. Simplement
parce que personne veut prendre
ce type de risque.
PdM: Vous êtes, à Genève, à la tête
de Capital Système Investissements
SA. Cette société très spécialisée que
vous avez fondée en 2001 est un
intermédiaire financier de droit suisse,
régulé par le GSCGI et l’OAR-G, l’un
des organismes d’autorégulation
agréés par la FINMA. Spécialisé dans
les opérations d’ingénierie financière
vous proposez toute une palette de
prestations et de services destinés à
des entreprises de taille moyenne,
allant de la recherche de financement
jusqu’à l’introduction en bourse des
entreprises.Très peu de spécialistes de
la finance ont un tel profil. Quand et
comment êtes-vous entré dans ce sec-
teur, un marché traditionnellement
réservé au secteur bancaire?
G.E.T.: C’est comme bien souvent
un concours de circonstances. J’ai
fais mes premiers pas dans le
Corporate Finance à Paris en rejoi-
gnant en 1993 la Banque du Louvre
qui appartenait alors à la famille
Taittinger. Après quelques années
en Asset Mangement chez Merril
Lynch puis à l’UBS, j’ai ensuite été
associé de PBS (Privat Bank
Schweiz) à Zürich à la création de
la banque.Je me suis alors vraiment
spécialisé dans le Private Equity et
le financement aux entreprises.
Après la cession de la banque à
Clariden, j’ai décidé de développer
mes propres affaires.
PdM: La France, traditionnellement,
a une ouverture plus grande au
Private Equity,par rapport à la Suisse
notamment. Ceci a-t-il aussi orienté
votre choix?
G.E.T.: Dans le paysage bancaire
genevois dans les années 2000,
partout on disait:«ici on ne fait que
de la banque privée». La raison est
évidente. Les banques genevoises
gagnaient tellement d’argent avec
le secret bancaire qu’ils leur sem-
blaient irréaliste à cette époque de
développer d’autres métiers,pour-
tant très classiques dans d’autres
places financières (Londres notam-
ment). Aujourd’hui, à l’heure où
les marges de profit de la banque
privée sont divisées par 2,voire par
3,ce qui ne fait que ramener celles-
ci à un niveau normal par rapport à
la concurrence mondiale, je reste
convaincu que le métier que je pra-
tique va se développer à Genève.
PdM: CSI a obtenu l’agrément de
Listing Sponsor surAlternext Paris,une
bourse qui répond aux besoins essen-
tiellement des PME et qui vise à être
le marché de référence de la zone
Euro. Ceci vous permet de faire direc-
tement des introductions en bourse et
d’accompagner ainsi les entreprises
que vous financez, tout au long du
chemin jusqu’à leur cotation. Pouvez-
vous nous en dire plus?
G.E.T.: C’est le seul marché de ce
type, en Europe continentale, qui
soit relativement liquide, ou tout
au moins plus liquide que les autres
marchés du même type comme
Milan,Francfort ou Zurich.Pour les
petites et moyennes capitalisations
les marchés intéressants sont l’AIM
à Londres et Alternext à Paris.
PdM:Quid de la Bourse de Berne en
Suisse?
G.E.T.: Il y a peu de liquidité en
Suisse sur les petites capitalisations,
exception faite cependant des
biotech et medtech, qui sont une
vraie spécificité suisse.
Le marché londonien AIM est
beaucoup plus liquide que celui de
Paris, mais le marché Alternext,
qui est régulé et non réglementé,
répond à mon avis mieux aux
besoins des petites entreprises,car
elles sont plus visibles à Paris qu’à
Londres. Le problème crucial pour
les petites valeurs, c’est celui de la
liquidité.C’est pour cela que l’on a
aujourd’hui certaines compagnies
qui se retirent du marché. La
deuxième chose à considérer c’est
que la bourse,c’est bien,mais c’est
un outil qu’il faut savoir utiliser.
Une fois la société cotée, le chef
d’entreprise doit consacrer envi-
ron 50% de son temps à rencon-
trer des investisseurs. C’est prati-
quement un métier d’homme
politique! Malheureusement il y a
beaucoup de chefs d’entreprises
qui ne sont pas prêts à assurer
une telle charge. Faire des
«Roadshows», rencontrer des
investisseurs, les entrepreneurs,
dans leur majorité, n’aiment pas
faire cela.Ils préfèrent s’occuper de
leur entreprise. Et je peux naturel-
lement les comprendre, mais dans
ce cas il ne faut pas aller en bourse.
PdM.:Comment procédez-vous pour
accompagner les entreprises sur le
chemin de la bourse? Et quid lorsqu’il
s’agit d’entreprises suisses?
G.E.T.: Notre métier consiste à
financer les entreprises en Private
Equity, donc avant leur entrée en
bourse. Pour cela nous faisons
appel essentiellement à des inves-
tisseurs privés, notamment des
Family Offices. Ensuite, pour ces
investisseurs-là, la voie de sortie
logique c’est la Bourse.S’il n’y a pas
cette possibilité nous pouvons
assurer la liquidité de leurs partici-
pations. C’est pour cela que nous
avons beaucoup d’opérations de
reclasemment de titres non-cotés.
Pour ce qui est de sociétés suisses
qui voudraient s’engager sur le
chemin de la cotation, nous pou-
vons les y conduire. Il y a un petit
compartiment de valeurs suisses
sur Alternext qui est assez recher-
ché et ce, justement parce qu’il y a
des gens, en Europe, qui ont envie
d’investir en francs suisses.
Quant au marché suisse seul des
entreprises medtech ou biotech
peuvent s’y intéresser car il y a de
nombreux investisseurs pour ces
secteurs-là en Suisse et in fine de
Fondateur et Directeur général de
Capital Système Investissements
SA (CSI), Gilles-Emmanuel
Trutat est au bénéfice de plus de
20 années d’expérience dans le
domaine de la banque d’investis-
sement et dans celui de la gestion
d’actifs. Avant de créer CSI à
Genève,en 2001,il était associé et
membre de la direction de PBS
Privat Bank Schweiz, une banque
d’affaires zurichoise, où il était
en charge du développement des
affaires avec la France. C’est pour
cet institut que Gilles-Emmanuel
Trutat a mis sur pied un départe-
ment de Corporate Finance et qu’il
s’est spécialisé dans l’assistance
et le financement des petites et
moyennes entreprises, en collabo-
rant dans ce contexte avec tout un
réseau de Family Offices. Au-
paravant Gilles-Emmanuel Trutat
avait occupés des postes d’ana-
lyste et de gestionnaire d’actifs
notamment auprès de UBS et de
Merrill Lynch Banque Suisse. C’est
en 1993,à la Banque du Louvre,à
Paris, qu’il a fait ses premières
armes dans le monde de la
finance.
Depuis 2001, c’est dans le cadre
de CSI, spécialisée dans les mon-
tages d’ingénierie financière trans-
frontaliers que Gilles-Emmanuel
Trutat offre ses services aux entre-
prises de taille moyenne en expan-
sion rapide ainsi qu’à leurs diri-
geants et actionnaires. Le conseil
en fusions-acquisitions ainsi qu’en
matière de levée de fonds en
Private Equity sont les deux gran-
des spécialités de CSI qui a obtenu
l’agrément de Listing Sponsor sur
Alternext Paris.
Gilles-Emmanuel Trutat a fait des
études juridiques à l’Université
Panthéon Assas à Paris et les
a complétées par l’obtention
d’un Master en Finance à HEC
Montreal.
 (suite en page 31)
10. 10 NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 –
PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE
La prévoyance, un enjeu
clé pour les PME suisses
L’évolution de notre système des
trois piliers est une thématique
qui est actuellement au cœur du
débat politique en Suisse et qui
connaît une forte résonnance
dans le contexte du projet «Pré-
voyance vieillesse 2020» du Con-
seil fédéral. Très récemment, un
article du Financial Times1 annon-
çait la faillite de nos caisses de
pension dans les dix ans à venir.
Cet article montre que l’évolution
de notre système de prévoyance
vieillesse est un enjeu suivi non
seulement en Suisse, mais égale-
ment en dehors de nos frontières.
La réussite du système helvétique
de sécurité sociale étant enviée,
nous le savons bien, par beaucoup
de pays, l’observation de son évo-
lution par ces derniers est finale-
ment une conséquence logique de
ce constat. Pour ce qui est de
notre pays, l’étude 2014 d’EY sur
le 2e pilier2 rappelle, pour sa part,
que la prévoyance professionnelle
- pierre angulaire du système des
trois piliers - est également un fac-
teur déterminant pour l’attracti-
vité de la place économique suisse
et de ses emplois. Dans ce con-
texte un plan de prévoyance pro-
fessionnelle attractif est aussi
un critère clé pour l’acquisition
ciblée des meilleurs collabora-
teurs sur le marché du travail. Il
est donc de grande importance
pour les PME qui doivent s’affilier
au 2e pilier de pouvoir faire béné-
ficier leurs employés de presta-
tions de prévoyance profession-
nelle de premier ordre par
l’intermédiaire de caisses de pen-
sion solides assurant des presta-
tions d’assurance adaptées à leur
diversité.
Il y a quelques années encore, la
création d’une fondation propre
permettant la mise en place d’une
caisse de pension représentait,
pour de nombreuses PME, le but à
atteindre pour qu’elles puissent
offrir à leurs salariés une organisa-
tion de prévoyance professionnelle
de première qualité.En effet,depuis
l’entrée en vigueur de la Loi sur la
prévoyance professionnelle (LPP)
en 1985,les fondations propres ont
longtemps permis à de nombreu-
ses PME de choyer et de fidéliser
leurs employés, principale richesse
de l’entreprise. Source de fierté et
illustration d’une saine gestion, la
fondation propre était souvent
perçue comme un outil de séduc-
tion dans les processus de recru-
tement. Ainsi, pour les PME qui en
avaient les moyens, l’affiliation à la
LPP par l’intermédiaire d’une fon-
dation propre de prévoyance a
longtemps été privilégiée par rap-
port à une affiliation auprès d’une
fondation collective proposée à
l’origine par les compagnies d’as-
surance.
Un paysage en pleine
transformation
Pourtant,la concentration du nom-
bre de fondations de prévoyance
soumises à la LPP tend à prédire la
fin de ce modèle. La disparition
chaque année d’une centaine d’ins-
titutions de prévoyance (IP) struc-
turées sous la forme juridique de
la fondation est un phénomène
préoccupant qui illustre la muta-
tion des acteurs du 2e pilier. Cette
évolution qui s’accélère est claire-
ment observable;elle est très révé-
latrice, en termes statistiques, des
changements profonds qui se met-
tent en place. En effet, en l’espace
d’une dizaine d’années,le 2e pilier a
vu le nombre des fondations sou-
mises à la LPP diminuer de plus de
30%. En 2013, les IP n’étaient plus
que 1957 alors qu’elles étaient
encore 2935 en 2004. Par contre,
entre 2004 et 2013, le nombre
d’assurés cotisants a progressé de
22.36%. Et ce mouvement est en
hausse constante. Pour faire écho
au titre du FinancialTimes, il est fort
probable que d’ici dix ans, ce phé-
nomène de concentration des IP se
sera renforcé encore avec notam-
ment une disparition des petites
fondations de moins de 300 assu-
rés combinée à des fusions de cais-
ses de pension.Toutefois,la crainte
Les PME:
Des acteurs clés
de la prévoyance
professionnelle
n Alexandre MICHELLOD,CAIA,Responsable du secteur Prévoyance professionnelle & Stratégies OPP2 siam,Edmond de Rothschild (Suisse) SA
Les petites et moyennes entreprises représentent près de 80% du tissu économique
suisse.Par corollaire elles sont des acteurs clés de la prévoyance professionnelle.C’est
là une réalité qui ne doit pas être minimisée dans le contexte du projet «Prévoyance
vieillesse 2020».
de la faillite de nos institutions de
prévoyance est une hypothèse peu
probable étant donné le renforce-
ment du cadre réglementaire de
la LPP. Au fond, ce qu’il importe
d’observer et de bien appréhender,
c’est surtout le changement des
profils des acteurs du 2e pilier qui
se dessine à l’horizon 2025. C’est
cette mutation qui doit être au
centre des préoccupations actuel-
les.
Un cadre réglementaire
alourdi
En effet, à la suite de la crise finan-
cière de 2008 et des années qui
s’en suivirent, la prévoyance pro-
fessionnelle a connu des modifica-
tions structurelles qui ont changé
ses points de repère et bouleversé
la composition de son panorama et
de ses acteurs. A l’origine, le cadre
réglementaire de la LPP pouvait
être considéré comme relative-
ment flexible. Depuis, le contexte
législatif s’est resserré et nos PME
doivent désormais prendre en
compte une nouvelle donne régle-
mentaire toujours plus contrai-
gnante au niveau du 2e pilier lors
de leurs réflexions portant sur le
choix du modèle d’organisation de
leur prévoyance professionnelle.
Etouffées sous le poids de la
réforme structurelle de la LPP et
de ses nouveaux aspects régle-
mentaires, de ses coûts de fonc-
tionnement toujours plus chers et
du renforcement de moins en
moins acceptable de la responsabi-
lité des membres des conseils de
fondation, les PME se détournent
aujourd’hui du modèle de la fonda-
tion propre, préférant transférer
les risques liés à la prévoyance pro-
fessionnelle à, par exemple, des
fondations collectives indépendan-
tes.
Les besoins des PME
restent inchangés
Or, à l’instar des institutions de
prévoyance et de leurs assurés, il
ne faut pas oublier que nos PME
font partie des acteurs incontour-
nables de notre système de sécu-
rité sociale et de son évolution.
Elles sont en outre les principales
contributrices financières du 2e
pilier et représentent donc l’une
des composantes les plus impor-
tantes de l’équation que le
Conseiller fédéralAlain Berset doit
considérer dans son projet de
réforme «Prévoyance vieillesse
2020».
Par ailleurs, la prévoyance profes-
sionnelle reste toujours un facteur
important dans les processus de
recrutement des entreprises. Les
plans de prévoyance destinés aux
cadres, que proposent des fonda-
tions sur-obligatoires et qui per-
mettent la constitution d’une épar-
gne de prévoyance complémen-
taire combinée au libre choix de la
21’905
29’499
35’721
43’336 46’739 48’030
10’977
16’552
13’894
15’603 14’704 15’294
0 0 190 168 111 103
0
10’000
20’000
30’000
40’000
50’000
60’000
70’000
1990 2000 2005 2010 2011 2012
Cotisations assurés et employeurs
Produit courant du capital
Autres recettes
Recettes de la prévoyance professionnelle (en mio de CHF):
en 2012, 75,7 % proviennent des cotisations des assurés et des employeurs
Source: Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
11. PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE
NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 – 11
stratégie de placement, est un bon
exemple de la flexibilité que la LPP,
telle que nous la connaissons
encore aujourd’hui, permet de
donner.
Une restructuration de
la prévoyance de plus en
plus nécessaire
Ces prochaines années les PME
vont devoir se doter d’une organi-
sation de prévoyance profession-
nelle adaptée aux nouvelles
contraintes réglementaires de la
LPP afin de maîtriser sa plus grande
complexité. Simultanément elles
devront gérer de manière efficace
les coûts de fonctionnement plus
élevés qui en découleront de
manière à rester compétitives.
Pour elles, il s’agit surtout de pou-
voir offrir à leurs employés un
système de prévoyance profes-
sionnelle à la fois transparent et
attractif. Dans ces circonstances,
les membres des conseils de fon-
dation vont ainsi être exposés à
toujours plus de responsabilités
tant sur un plan civil qu’en matière
pénale ce qui risque de les décou-
rager à poursuivre leur mandat
d’administrateur basé sur un sys-
tème de milice.En outre,pour une
entreprise, même de taille moyen-
ne, vouloir maintenir une fonda-
tion propre va impliquer des coûts
de fonctionnement quasiment pro-
hibitifs, de sorte qu’à terme, seules
les plus grandes entreprises pour-
ront encore se permettre d’assu-
mer un tel luxe. Quant aux PME
qui se verront contraintes à dis-
soudre leur fondation propre, il
sera nécessaire pour elles de ne
pas pour autant se détourner com-
plètement de la prévoyance pro-
fessionnelle. La PME qui restruc-
ture sa prévoyance professionnelle
en abandonnant sa fondation pro-
pre pourra optimiser son obliga-
tion d’affiliation à la LPP par l’in-
termédiaire d’une organisation
scindée entre une fondation col-
lective de prévoyance et une fon-
dation collective sur-obligatoire.
Ce schéma d’affiliation permettra
d’une part à l’employeur d’optimi-
ser ses coûts liés au 2e pilier et
d’autre part aux employés affiliés
de pouvoir bénéficier de possibili-
tés de planification fiscale non
négligeables dans le cadre de
rachats de cotisations d’années LPP.
Alexandre Michellod a rejoint
Edmond de Rothschild (Suisse) S.A. le
1er janvier 2012,où il a créé,au sein de
la banque,l’offre de prévoyance profes-
sionnelle destinée aux PME, indépen-
dants et cadres dirigeants. Comme
responsable de cette activité, il a égale-
ment développé les stratégies OPP2
siam permettant une gestion ségréguée
et institutionnelle de l'épargne issue de
la prévoyance.
Alexandre Michellod est titulaire d’une licence en Gestion d’entreprise de la
section HEC de l’Université de Genève et porteur également de la certifi-
cation Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA).
Son expérience de la prévoyance professionnelle remonte à l’an 2000 et à son
activité d’économiste auprès de la société IAM – IndependentAsset Management.
Et surtout,après quatre années en tant que chargé de clientèle à Lausanne,à la
BCV, il a créé l’offre de gestion semi-institutionnelle au sein de Wegelin & Co.
Banquiers Privés,dont il fut membre du Comité Exécutif pour la Suisse romande.
Courbes de tendance et statistiques
des fondations de prévoyance & assurés du 2e pilier
3'213'551
3'311'433
3'431'851
3'545'571 3'651'984
3'643'340
3'696'045
3'787'263
3'858'803
3'932'187
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
Nombre d’assurés affiliés à ces institutions de prévoyance
Nombre d'insitutions de prévoyance sousmises à la LPP
2013
2’935
2'770
2'669
2'543
2'435
2'351
2'265
2'191
2'073
1'913
Source: Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
Notes
1Swiss pensions bankrupt in 10 years, Madison Marriage, FinancialTimes, 20 avril 2015
2Les entreprises suisses considèrent la prévoyance professionnelle comme un facteur positif pour la
place économique suisse, Ernst &Young, Etude 2014 d’EY sur la prévoyance
…depuis 1995 au service de la place financière suisse
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14. 14 NUMÉRO 61 – ETÉ 2015 –
DOSSIER 1RE PARTIE – GÉRANCE DE FORTUNE INDÉPENDANTE
2015, une année déterminante
pour la Gérance de fortune
indépendante
En Suisse, la communauté des gérants de fortune indépendants, ou les GFIs, comme on les appelle fréquemment,
représentent aujourd’hui quelque 3000 entités organisées le plus souvent en petites sociétés anonymes.Selon le der-
nier rapport de Genève Place financière, pour le seul canton du Bout du Lac il y avait, à la fin 2014, 870 sociétés de
gestion employant au total 2912 personnes. Contrairement à ce que l’on croit assez souvent, la tendance n’est pas
à la baisse puisque,à fin 2009,ces chiffres étaient respectivement de 734 entités indépendantes et de 2128 collabo-
rateurs. Ainsi donc, en dépit des changements majeurs intervenus dans le domaine de la banque et de la finance et
surtout malgré les pressions juridiques et administratives considérables intervenues dans cette profession qui s’est cons-
truite et développée largement en s’appuyant sur le principe de l’autorégulation, la gérance de fortune indépen-
dante a continué de progresser, à Genève et dans l’Arc lémanique, tout comme dans l’ensemble de notre pays.
C’est la raison pour laquelle,malgré
toutes les incertitudes qui entourent
ce métier et rendent son avenir
incertain, les institutions bancaires
ont pratiquement toutes développé,
au fil du temps, des services ou des
départements ad hoc pour accueillir
et accompagner les GFIs.Alors qu’au
départ bien des banques avaient eu
des difficultés à coopérer avec ces
nouveaux acteurs de la finance,
considérés souvent comme des dis-
sidents, voire des traites avec les-
quels elles devaient partager leurs
commissions et certaines rétroces-
sions, nombre d’entre elles redou-
blent aujourd’hui d’efforts pour atti-
rer chez elles de nouveaux GFIs.
Cet apparent paradoxe s’explique
aisément.A l’heure où le rendement
des investissements financiers s’étiole
et devient même négatif, il est in-
dispensable pour les banques opérant
en Suisse, qui doivent faire face à des
coûts de fonctionnement en cons-
tante hausse, de pouvoir accroître
cette clientèle professionnelle qui
contrôle, globalement, le 15% au
moins des avoirs en dépôts chez elles.
Et pourtant,malgré cette position de
force,de gros nuages assombrissent
l’avenir de la gérance indépendante.
Jusqu’ici largement autorégulée cette
activité se trouve en effet à l’aube
d’une profonde mutation.Beaucoup
d’incertitudes entourent la mise en
place prochaine des deux nouveaux
projets de lois du Conseil fédéral: la
Loi sur les services financiers (LSFin)
et la Loi sur les établissements finan-
ciers (LEFin).La question d’une pos-
sible surveillance prudentielle des
GFIs et celle très délicate du choix
de l’autorité ou de l’entité qui en
sera responsable sont deux points
non clarifiés encore et qui ont fait
couler déjà beaucoup d’encre.
Dans ce contexte et pour un avoir un
avis différencié par rapport à ceux des
responsables des principaux organismes
suisses d’autorégulation, qui ne sont en
fait que les bras armés de la FINMA,
nous nous sommes entretenus avec les
représentants du GSCGI - à savoir
Pierre Christodoulidis,son Fondateur
et Président d’honneur et Cosima
F.Barone, sa directrice et responsable
de sa politique de communication.
Dialogue
1. Avant de considérer l’avenir de la
gestion indépendante, dites-nous d’a-
bord pourquoi vous avez pris l’initia-
tive, en 1993, de fonder le GSCGI, le
Groupement Suisse des Conseils en
Gestion Indépendants? Vous étiez
jusque-là le Secrétaire général romand
de l’ASG – l’Association Suisse des
Gérants de Fortune - et l’un ses pre-
miers membres depuis sa fondation
en 1986.
Pierre Christodoulidis:Effective-
ment, j’étais convaincu très tôt,dès
que je me suis établi en tant que
GFI, que ce métier était appelé à
une croissance fulgurante. J’avais
commencé déjà en 1984 mes dis-
cussions pour le lancement d’un
organisme avec des collègues à
Genève.Mon correspondant de l’é-
poque à Zürich m’a signalé qu’ils
avaient commencé une telle appro-
che de leur côté. C’est ainsi que
nous avons décidé de grouper nos
forces.J’ai lancé la première réunion
d’envergure à laquelle ont participé
120 collègues à l’époque dans
les locaux de l’ancienne Bourse
de Genève. Malheureusement, le
Groupement Patronal, qui existait
depuis 1938, n’a fait aucun effort
pour intégrer et encourager cette
initiative dans un rôle de chef de file.
2.A cette époque la Loi concernant la
lutte contre le blanchiment d’argent
(LBA) n’existait pas. L’autorité de sur-
veillance des banques n’était pas la
FINMA mais la Commission fédérale
des banques qui n’exerçait aucune
influence directe sur la gérance indé-
pendante.A dire vrai et c’est sauf erreur
le cas encore maintenant, aucune loi
alors ne faisait mention explicite en
Suisse du métier de GFI. Officiellement
cette profession n’existait pas.Pourtant,
après des débuts délicats, elle com-
mençait à être acceptée par les
banques qui entreprirent de créer les
premiers services dédiés à la gestion
indépendante.Pourquoi ce paradoxe et
ces craintes entre banquiers et GFIs?
P. C.: Deux commentaires à ce
sujet. D’abord les banques ont
considéré les quelques dizaines de
gérants qui s’étaient lancés à leur
compte comme «quantité néglige-
able». Ensuite les banques, et
notamment l’UBS, considéraient
que cette catégorie de profession-
nels avait peu de chances de sub-
sister par rapport aux machines à
«broyer» des clients qu’étaient les
grandes institutions bancaires inter-
nationales. L’avenir s’est avéré tout
autre par rapport à ces prévisions,
cette tendance au lieu de s’amenui-
ser s’étant accélérée. D’où la créa-
tion des services «gérants exter-
nes» chez ces dernières en vue
d’essayer de fidéliser les gérants qui
s’installaient à leur compte. Une
fois de plus les banques se sont
trompées dans leurs prévisions
croyant fermement que le modèle
d’affaires du petit gérant indépen-
dant n’avait aucun avenir.
3. Pour vous, il s’agissait je pense de
rassembler dans une association
romande le plus grand nombre de GFIs
actifs à Genève et dans la région léma-
nique? Il convenait de démontrer aussi
le grand potentiel de cette profession
pour la Place financière de Genève.
P.C.: La Suisse est un pays basé sur
une tradition fédérative. Lors des
premiers contacts après la fondation
de l’ASG,cet esprit prévalait au sein
des premiers membres de l’associa-
tion. Pendant les 10 premières
années,le nombre de GFIs romands
qui se sont enregistrés auprès de la
seule association professionnelle
existante et réelle, à savoir l’ASG, a
été supérieur et de loin au nombre
de professionnels alémaniques et
tessinois.D’où le rôle important que
les collègues zurichois ont concédé
aux romands au sein des instances
de l’association. Il ressortait à l’é-
poque très clairement le «leaders-
hip» genevois dans cette branche
naissante de la gestion purement
personnalisée. Malheureusement, à
ce jour, il y a eu très peu d’efforts
consentis dans ce sens par la place
financière genevoise.
4. Mais ce fut aussi une course d’ob-
stacles car à l’époque les banques occu-
paient pratiquement toute la scène
financière de la place financière gene-
voise, elle-même en compétition directe
avec celle de Zurich.Sur qui avez-vous
pu vraiment compter à la fin du siècle
passé pour mener à bien vos projets?
P. C.: De nombreuses banques de
taille moyenne, ainsi que plusieurs
banques étrangères installées en
Suisse, ont très bien compris les
enjeux et ont accueilli les bras
ouverts les GFIs qui s’installaient à
leur compte et ont encouragé forte-
ment l’initiative associative. Mal-
heureusement, en 1992, plusieurs
collègues romands, ayant constaté
des prise de position des collègues
alémaniques pour le moins curieuses
sur certains dossiers impliquant les
grandes banques,ils ont réclamé une
mutation de la structure de l’ASG
sous forme de fédération réunissant
les trois régions, Romandie, Suisse-
alémanique et Suisse-italienne. Suite
à de longues et laborieuses discus-
sions, cette proposition était rejetée.
Ce qui a poussé ces gérants à créer
leur propre entité, le GSCGI –
Groupement Suisse des Con-
seils en Gestion Indépendants -
Pierre Christodoulidis est le fon-
dateur et PDG de ICSOS Group SA,
Genève, créé en 1982 avec des
bureaux au Brésil et en Grèce.
Auparavant, il a occupé des postes
de direction auprès du Crédit
Suisse, au sein du département de
l'Organisation et par la suite au
Département Proche et Moyen-
Orient en tant que responsable du
Proche-Orient et Grèce. Il a créé
l'agence du Crédit Suisse en
Egypte, transformée par la suite en
banque.
Pierre Christodoulidis a été un des
fondateurs de l’ASG en 1984. Dès
1992 il a coopéré avec plusieurs col-
lègues à la création du GSCGI.
Fondateur et Président d’Honneur du GSCGI, il a contribué activement au
développement du Groupement depuis sa fondation à nos jours. Il a fait
partie des consultations en vue de la rédaction de la LBA et, en son temps,
a été le fondateur du Forum des OAR.
Pierre Christodoulidis a été un des fondateurs de la CIFA, dont il assume la
Présidence depuis 2005.
Pierre Christodoulidis a étudié les sciences économiques à l'Université de
Genève et a obtenu un diplôme de gestion d’entreprise à l'ECL de Lausanne.
Il est citoyen suisse.