Revue "What's Up Doc" n°25 - Mars Avril 2016
EN FÉVRIER DERNIER, LE GOUVERNEMENT A MIS EN AVANT SA VOLONTÉ DE METTRE EN PLACE UN RÉEL PROCESSUS DE RECERTIFICATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ. L’INITIATIVE A FAIT GRINCER LES DENTS DE CERTAINS MÉDECINS FRANÇAIS. ET POURTANT, UN PETIT TOUR D'HORIZON À L’INTERNATIONAL MONTRE QUE LES PRATICIENS ANGLO-SAXONS NOTAMMENT ONT DES OBLIGATIONS BIEN PLUS LOURDES.
"Non à la recertification"
Tel était le titre, pour le moins lapidaire, d’un communiqué publié par la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) le 11 février. La raison du courroux du principal syndicat de la profession ? L’annonce par le Gouvernement de la mise en place, à une date encore indéterminée, d’un mécanisme sanctionnant de manière plus systématique la formation continue des médecins. Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, les choses sont claires. « Nous sommes opposés à la recertifi cation parce qu’il y a déjà des choses qui existent en la matière », explique-t-il à What’s up Doc. « Le nier, c’est nier les efforts que les médecins font depuis très longtemps, de façon régulière et structurée, pour améliorer leurs connaissances ». Toute la question est là : les médecins ont théoriquement l’obligation de se former, mais cette obligation reste en réalité peu contrôlée, et n’amène presque jamais à des sanctions. Les patients doivent-ils s’en remettre à l’intégrité morale de leurs médecins pour qu’ils maintiennent leurs connaissances à jour ?
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Il faut faire confiance aux médecins pour maintenir leurs connaissances à jour
1. WUDmagazine
@WhatsUpDoc_mag[ ACTU ]
Tel était le titre, pour le moins lapidaire, d’un
communiqué publié par la Confédération des
syndicats médicaux français (CSMF) le 11 février.
La raison du courroux du principal syndicat de
la profession? L’annonce par le Gouvernement
de la mise en place, à une date encore indéterminée,
d’un mécanisme sanctionnant de manière plus
systématique la formation continue des médecins.
Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF,
les choses sont claires. « Nous sommes opposés
à la recertification parce qu’il y a déjà des choses qui
existent en la matière », explique-t-il à What’s up Doc.
« Le nier, c’est nier les efforts que les médecins font
depuis très longtemps, de façon régulière et
structurée, pour améliorer leurs connaissances ».
Toute la question est là : les médecins ont
théoriquement l’obligation de se former, mais
cette obligation reste en réalité peu contrôlée,
et n’amène presque jamais à des sanctions.
Les patients doivent-ils s’en remettre à l’intégrité
morale de leurs médecins pour qu’ils maintiennent
leurs connaissances à jour?
La revalidation
à la sauce anglaise
À
cette question, tous les pays ne
répondent pas « oui ». En Grande-
Bretagne, par exemple, les médecins
doivent passer tous les 5 ans par
un processus de « revalidation »
piloté par le « General Medical Council » (GMC),
équivalent british de notre Ordre des médecins.
Comment ça marche? Chaque médecin est rattaché
à une institution (généralement son employeur) qui
assure son évaluation périodique en fonction d’un
canevas précis. L’évaluation est ensuite envoyée au
GMC, qui statue sur le processus de revalidation.
Et il ne faut pas croire que le GMC approuve
automatiquement toutes les demandes qui lui sont
adressées! D’après son dernier rapport
d’activité, entre décembre 2012 et
février 2016, l’institution a statué
sur près de 180000 demandes :
elle en a approuvé environ
145000, et a déféré sa décision
dans près de 35000 cas. 406
demandes ont été refusées.
EN FÉVRIER DERNIER, LE GOUVERNEMENT A MIS EN AVANT SA VOLONTÉ DE
METTRE EN PLACE UN RÉEL PROCESSUS DE RECERTIFICATION DES
PROFESSIONNELS DE SANTÉ. L’INITIATIVE A FAIT GRINCER LES DENTS DE CERTAINS
MÉDECINS FRANÇAIS. ET POURTANT, UN PETIT TOUR D'HORIZON À
L’INTERNATIONAL MONTRE QUE LES PRATICIENS ANGLO-SAXONS NOTAMMENT
ONT DES OBLIGATIONS BIEN PLUS LOURDES.
« IL FAUT FAIRE CONFIANCE
AUX MÉDECINS POUR MAINTENIR
LEURS CONNAISSANCES
À JOUR »
Adrien Renaud
« IL FAUT FAIRE CONFIANCE
AUX MÉDECINS POUR MAINTENIR
Ah bon,
t’es
sûr?
What’s Up Doc? 25 mars-avril 201610
2. La recertification
à l’américaine
A
utre exemple : les États-Unis.
La certification et la recertification y
sont un processus volontaire, mais 85 %
des médecins du pays s’y engagent.
Les 15 % restants sont principalement
de jeunes praticiens n’ayant pas encore accumulé
assez d’années d’ancienneté pour pouvoir effectuer
leur première demande.
La recertification à l’américaine
est gérée par le board de chaque
spécialité, et doit intervenir
tous les 6 à 10 ans en
fonction des disciplines.
Elle comprend à la fois
un examen des connaissances
théoriques (généralement
par QCM) et une évaluation
des pratiques cliniques.
Ce processus, payant pour les médecins,
les oblige souvent à se replonger dans les
manuels. Ils obtempèrent, mais parfois ne
se privent pas de grogner : les critiques à
l’encontre de la lourdeur de la recertification
sont un refrain bien connu de la presse
professionnelle.
En France :
une potion bien
douce à avaler
A
u regard de ce que doivent endurer les
médecins anglais et américains, les
propositions françaises semblent bien
timorées, et on peine à comprendre
pourquoi Jean-Paul Ortiz prend la
mouche. D’autant que l’Ordre, appelé à piloter
la revalidation version hexagonale, a l’intention
de manier la carotte plutôt que le bâton.
« Il ne s’agira pas d’un exercice de contrôle,
mais d’un exercice de promotion », expliquait
son président, le Dr Patrick Bouet, lors de la
présentation de ses propositions pour l’avenir
de la santé en début d’année. Même son
de cloche du côté du ministère de la Santé :
« ce processus sera organisé
par les professionnels eux-mêmes
et il ne sera en aucun cas un
dispositif de re-diplomation »,
assure à What’s up Doc le
cabinet de Marisol Touraine.
Alors, qui a peur de la grande
méchante recertification à
la française?
[ ACTU ]
À quand une recertification fondée
sur les résultats atteints par les médecins?
Se former pour maintenir ses connaissances à jour : un minimum que certains estiment insuffisant.
C’est notamment le cas de l’International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM),
un think-tank international qui milite pour la mesure des résultats finaux en santé.
« Vous pouvez mener votre cheval à la rivière, mais vous ne pouvez pas le forcer à boire », explique le DrThomas
Kelley, son vice-président. « Envoyer les médecins dans des conférences, c’est bien, mais ce qui importe,
c’est qu’ils respectent les normes dans leur pratique quotidienne ».
Pour cela, une seule solution : mesurer les résultats. « Bien sûr, ce n’est pas simple », reconnaîtThomas Kelley.
« Mais personne ne veut devenir incontinent après une chirurgie de la prostate. C’est un résultat commun,
très important que l’on peut mesurer et utiliser ». Et le vice-président de l’ICHOM est catégorique :
oui, il est souhaitable d’intégrer ce genre d’indicateur dans un processus de recertification.
À quand une recertification fonction, par exemple, du taux de reprise pour les chirurgiens?
mars-avril 2016 What’s Up Doc? 25 11