Medicaments dangereux et scandales sanitaires: la France victime de la sous-exploitation des données du systeme de soins
1. Publié le 1 février 2013 - Mis à jour le 1 février 2013
Un wagon de retard
Médicaments dangereux et scandales sanitaires : la
France victime de sa sous-exploitation des données du
système de soins
Après les pilules de 3ème et 4ème génération, c'est désormais Diane 35, médicament
contre l'acné utilisé à tort comme contraceptif, qui est mise en cause dans un rapport
dont la légitimité peut par ailleurs être questionnée.
Avec Guy-André Pelouze
Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.
Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi
siècle il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du
système qui conditionnent la qualité des soins.
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Depuis la plainte de Marion Larat au sujet des contraceptifs hormonaux oraux combinés (CHOC) nous
sommes entrés dans une nouvelle gestion de crise du médicament. Et la “découverte” par le public,
mais pas par l’assurance maladie, que Diane 35, autorisée dans les cas d’acné, était prescrite
comme contraceptif n’a pas arrangé les choses. Le déballage des données en pleine crise conduit
d’une part au désordre et à la panique des politiques, d’autre part à la méfiance et au désarroi des
femmes.
Ceci n’est pas surprenant : les affaires antérieures avaient bien mis en évidence l’opacité
des procédures dans la surveillance du système de soins et l’absence d’accès aux
données brutes en matière de pharmacovigilance ou même de consommation de biens et
services médicaux.
Ainsi, il est impossible de connaître le nombre de boîtes de contraceptifs consommées par personne
en France en 2011 ou 2012. Il est certain que ces données brutes sont dans les ordinateurs de
l’assurance maladie puisque cette délivrance se fait sur prescription et qu’elle donne dans certains
cas droit à un remboursement soit par la sécu soit par les mutuelles. Mais à ce jour, et malgré une
crise sans précédent, aucune donnée du Système National d'informations Inter Régions
d'Assurance Maladie (SNIIRAM) n’a été divulguée.
Dans ce contexte il convient de ne pas accorder une grande confiance aux nombres et
pourcentage avancés notamment par des « rapports » sortis à point nommé mais jamais
publiés dans une revue à comité de lecture. Que penser en effet de celui, confidentiel, du
CHU de Brest, qui fait état de morts liées à la prise de Diane 35, dont la presse, qui
pourtant fait des gros titres sur le sujet de l’open data, s’est fait l’écho sans juger utile
de le rendre consultable ? Partager l’information est la base de la confiance. Maintenir une
asymétrie d’information est suspect mais surtout entrave le processus de correction des causes de
ces complications en cas d’effets secondaires des médicaments ou de biocides.
Or il faut rappeler que les complications graves des CHOC sont rares et surviennent avec toutes les
pilules combinées c’est à dire contenant un œstrogène. Seule la fréquence des complications cardio-
vasculaires est en débat. Or pour mesurer un événement rare chacun comprend qu’il faut des séries
très nombreuses et un reporting systématique et précis des complications et autres effets
secondaires. Ce reporting est avant tout le résultat d’un enseignement de la pharmacovigilance mais
aussi d’un dispositif qui permet de rétribuer ces déclarations par les soignants pour autant qu’elles
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2. soient complètes et précises.
Comment donc améliorer le dispositif de pharmacovigilance et éviter les déballages de crise ?
Les agences doivent être parfaitement transparentes sur les déclarations d’effets
secondaires. Ceci afin que les chercheurs puissent travailler régulièrement sur ce sujet en post
marketing et sur la durée. En effet certaines complications sont parfaitement ignorées par des essais
cliniques de courte durée. Par exemple les complications cardio-vasculaires des CHOC sont
beaucoup plus fréquentes après 35 ans, chez les utilisatrices continues des pilules 3G et bien
évidemment chez les fumeuses ou les obèses. D’autres complications ne sont reconnues que parce
que de nouveau moyens diagnostiques apparaissent, c’est le cas des anomalies de la coagulation.
2. L’assurance maladie ne peut se soustraire plus longtemps à l’open data. L’assureur
maladie est en situation de monopole en France mais nous n’en tirons même pas avantage à
l’instar des pays nordiques pour avoir des statistiques de santé publique et de prévalence
des maladies exhaustives, précises et ouvertes. Tous les obstacles et prétextes mis en place
par la sécu ne sont en réalité que des moyens de faire durer un système qui est à son
avantage dans les négociations avec l’Etat, les professionnels, les producteurs de biens et
services médicaux ou les autres assureurs. Toutefois on peut douter que l’Etat soit en
mesure de faire cesser cette situation très préjudiciable aux patients tant la culture de la
rétention totale d’information est ancrée dans les pratiques.
Le régulateur du médicament doit disposer de procédures urgentes et les
utiliser. Un exemple type de ce fonctionnement très lent est l’affaire du Médiator®. Mais il y
en a d’autres, par exemple l’avertissement récent de la FDA sur le Stilnox® et tous les
psychotropes contenant du Zolpidem. La FDA a demandé depuis le 10 janvier 2013 de
diminuer de moitié les doses recommandées de Stilnox® notamment chez les femmes en
raison de la persistance d’un effet le lendemain matin de la prise s’accompagnant d’un
surcroît d’accidents de la circulation. Faut-il attendre une plainte pour homicide lors d’un
accident de la circulation pour réduire les doses et la durée de prescription (donc de
remboursement) qui devrait être de 28 jours et s’avère être en moyenne de deux ans ?
4. Impliquer contractuellement la recherche scientifique dans la
pharmacovigilance. La FDA qui agrège les données de plusieurs assureurs dans 52 Etats a
des statistiques précises et à jour sur de nombreux sujets critiques de pharmacovigilance.
C’est grâce à la transparence mais aussi au travail de recherche des universités
américaines. Les agences doivent réguler et non faire le travail de recherche ou de contrôle
ce qui reviendrait à intervenir en permanence avec des moyens qu’elles n’ont pas. On
comprendra que des enjeux de pouvoir font obstacle. Il faut aussi réfléchir à leur efficacité
compte tenu des moyens déployés et d’une trop grande complexité organisationnelle. Ici le
benchmarking est essentiel car de nombreux pays développés ont des systèmes
performants. En revanche nous avons des unités de recherche nombreuses, de qualité et
financées par des fonds publics mais l’accès aux données est difficile voire impossible
notamment auprès de l’assurance maladie. En effet les déclarations des centres de
pharmacovigilance sont largement insuffisantes car elles sous estiment le risque en raison de
la sous déclaration quantitative et qualitative et parfois l’ignorent si la complication n’est pas
connue des soignants. Il faut que les unités de recherche puissent contractualiser avec les
agences et accéder aux données du système de soins pour suivre au long cours la
consommation médicamenteuse française. Actuellement cet effort de recherche est
insuffisant. Par ailleurs pour être supportable économiquement cette recherche doit être
coordonnée en Europe.
5. La formation des soignants doit être axée sur les complications évitables des
procédures de soins. Il s’agit d’une véritable révolution cognitive et éducative. Penser que
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3. le soin peut être plus efficace, moins nocif en diminuant les moyens, voire en s’abstenant de
certains traitements est assurément un changement radical dans un pays où la culture de la
logique de moyens, le dépenser plus a remplacé le bon sens.
Cette libération est nécessaire et tout à fait fidèle au « primum non nocere ». A travers le
désarroi et les drames de femmes atteintes de complications des pilules contraceptives on
mesure le bénéfice potentiel de la libération des données afin d’éviter même une seule de
ces complications. Par ailleurs les technologies informatiques d’anonymisation des données
sont solides. C’est pourquoi l’open data de l’assurance maladie est une urgence de santé
publique avec un excellent rapport bénéfice/risque.
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