Extrait de la conférence organisée le 22 juin 2017 par Telecom Paristech Santé et Télécom évolution.
Les IoMT grands publics sont de plus en plus adoptés pour des usages professionnels. Leur utilisation intervient dans de nouveaux protocoles médicaux, essentiellement à l’étranger.
Les médecins devront s’adapter à ces nouvelles technologies et endosser le rôle de coordinateur du parcours de soin, bien au-delà de la prescription de médicaments ou d’actes curatifs. Le métier des complémentaires santé est déjà en train d’évoluer en basculant de l’assurance vers la vente de produits et de services. Avec le vieillissement de la population et l’augmentation des affections de longue durée, la prévention, la prédiction, la participation du patient et la personnalisation du suivi de la santé deviennent les éléments clefs de la médecine de demain. Dans la pratique et la réalité quotidienne, rien n’a réellement évolué depuis deux ans. Cela vient d’un blocage des systèmes d’information et du manque de standards.
Les objectifs fixés pour notre système de santé permettront-t-ils aux français de profiter d’une médecine 4P d’excellence, comme ce fut le cas dans la médecine du XXe siècle ? Si la France est médaille d’or de la longévité, la durée de vie en bonne santé y est plus courte que dans beaucoup de pays européens, en particulier les pays nordiques. Est-ce le bon choix de société ?
IoMT: gadgets ou technologie indispensable pour l’excellence en médecine 4p
1. Alain Tassy, septembre 2017 P. 1
Les objets connectés : Gadgets ou
technologie indispensable à l’excellence
en médecine 4P ?
Résumé de la conférence du 22 Juin 2017
Le marché des objets connectés de santé (IoMT, Internet of Medical Things) est en forte
croissance à l’étranger. Il est estimé à plus de 400 milliards de USD en 2022. Le
développement du Big Data permet de traiter de très grandes quantités de données
générées par ces objets et l’Intelligence Artificielle offre des analyses en temps réel.
L’usage des IoMT a démarré avec le bien-être. Cela a permis aux industriels de le
développer en s’affranchissant des contraintes réglementaires du monde médical et de la
CNIL. A l’étranger, les IoMT sont utilisés pour combler l’espace vide entre deux
consultations et offrir des services de santé hors du monde médical. Par ailleurs ils
génèrent un très grand nombre de mesures utiles pour la recherche.
Le rôle des médecins, traditionnellement la consultation médicale, va évoluer avec les IoMT
et le big data. Comme le dit le Dr Depil-Duval : « Les médecins vont devoir s’adapter ou
disparaitre comme les dinosaures ». Cependant pour s’adapter, ils doivent avoir confiance
dans les IoMT. Les travaux du CSF santé ont montré que la labélisation facultative semble
la meilleure façon de favoriser cette confiance. Une fois celle-ci assurée, des normes
doivent permettre aux médecins de récupérer facilement les données collectées.
Labélisation et normalisation
Aujourd’hui HL7 et EHR sont les standards les plus utilisés dans le format des données.
Pour l’inscription et l’attribution des données, Continua est en cours de définition. Il se
développe en Europe et a déjà été retenu par les pays nordiques, la Suisse et l’Autriche
ainsi que par l’ONC aux USA. Les fabricants sont conscients que les IoMT devront
communiquer facilement et s’intégrer rapidement, à moindre coût, dans les programmes
de suivi. Pour être efficace et sécuriser les échanges de données, le standard doit être
adopté par tous les acteurs de l’écosystème et être intégré dans les systèmes
d’information.
Vers une médecine 4P
L’espérance de vie a augmenté de 18 mois tous les 5 ans, mais seulement de 6 mois en
bonne santé sur la même période. La société Bluelinea accompagne les personnes pour
bien vieillir et utilise des IoMT pour le suivi à domicile de ses clients. La qualité du service
et la valeur ajoutée sont apportées par la plateforme H24 qui gère les IoMT. La prévention,
la prévenance et l’éducation thérapeutique, propres à la médecine 4P, sont les points
essentiels du suivi, particulièrement pour les personnes de plus de 80 ans qui vivent
majoritairement avec des maladies chroniques. Les mesures doivent être croisées avec
des facteurs de risques psychiques. Mais un problème est l’adaptation des objets connectés
2. Alain Tassy, septembre 2017 P. 2
aux utilisateurs. La SFTAG (société française des technologies adaptées à l’autonomie et à
la gériatrie) estime qu’il reste beaucoup de progrès à faire dans ce domaine.
Une autre composante faisant partie intégrante de la médecine 4P est la nutrition. Ainsi,
certaines applications mobiles permettent de contrôler l’apport protéinique et aide à
modifier les comportements.
L’évolution des services de santé
Le numérique crée de nouveaux territoires de santé. Si le corps médical ne s’approprie pas
ces technologies les assureurs prendront le leadership, comme aux USA où ils sont devenus
les chefs d’orchestre du parcours de santé. En France, Harmonie Mutuelle représente 18%
du marché. Contrairement aux assureurs classiques, elle est opérateur de soins et de
services couvrant une quinzaine de métiers, des crèches aux hôpitaux en passant par les
EHPAD et les soins à domicile. D’après C. Tourey, le terme qui caractérise le mieux
l’évolution de son métier est la disruption : « Accélération de la société qui génère une
perte de repères chez l’individu »1
. Pour répondre aux besoins de ses clients, Harmonie
Mutuelle vend des IoMT et a mis en place un guide pour évaluer la qualité de la protection
des données, du juridique et de l’éthique.
La complémentaire santé est de moins en moins un assureur dont le rôle est de couvrir un
risque. Elle devient un acteur de la gestion des parcours de santé bien au-delà de l’acte de
soin. La structure de ses coûts va fortement évoluer ce qui provoquera la concentration
des acteurs.
Aujourd’hui la CNAMTS prend en charge des équipements et des prestations associées pour
la télésurveillance de certaines pathologies. Cela permet d’envisager un nouveau business
model viable si ces expérimentations sont pérennisées.
L’excellence en médecine
La disruption provoquée par le IoMT et la médecine 4P touche tous les médecins.
Cependant le Dr Depil-Duval met en garde sur les plateformes participatives de conseils
médicaux où les patients échangent entre eux. De plus ni les IoMT ni l’IA ne remplaceront
le médecin car il est difficile de modéliser la relation médecin/patient qui fonctionne sur la
confiance.
La conception des IoMT devra être un travail collectif entre le corps médical, les industriels
et les patients et prendre en compte les contraintes européennes en matière de sécurité
des données : privacy by design. Ce n’est pas la quantité de données qui est importante,
mais l’objectif médical des mesures. Cette notion est clef et vient s’ajouter à la nécessité
de croiser les mesures physiologiques aux données environnementales.
Par exemple, pour la Coupe de l’América, Oracle a utilisé plus de 500 capteurs sur le bateau
et l’équipage pour orienter l’entrainement et augmenter la puissance. Ainsi les
performances sont passées de 200W à 300W développés pendant 20 mn et des marins
tenaient plus de 8 mn avec des fréquences cardiaques supérieures à 160 tout en gardant
la lucidité nécessaire aux manœuvres.
Le mouvement sportif a développé des protocoles utilisant des IoMT pour obtenir
l’excellence. Ceux-ci restent à définir dans beaucoup de domaines médicaux. De plus les
1
https://fr.wiktionary.org/wiki/disruption
3. Alain Tassy, septembre 2017 P. 3
difficultés des médecins à prescrire l’usage des objets connectés s’apparente à celles
rencontrées dans le sport sur ordonnance. Le monde de la santé évolue mais le système
de santé français a bien du mal à suivre ces évolutions.
Conclusion
Les IoMT grands publics sont de plus en plus adoptés pour des usages professionnels. Leur
utilisation intervient dans de nouveaux protocoles médicaux, essentiellement à l’étranger.
Les médecins devront s’adapter à ces nouvelles technologies et endosser le rôle de
coordinateur du parcours de soin, bien au-delà de la prescription de médicaments ou
d’actes curatifs. Le métier des complémentaires santé est déjà en train d’évoluer en
basculant de l’assurance vers la vente de produits et de services. Avec le vieillissement de
la population et l’augmentation des affections de longue durée, la prévention, la prédiction,
la participation du patient et la personnalisation du suivi de la santé deviennent les
éléments clefs de la médecine de demain. Dans la pratique et la réalité quotidienne, rien
n’a réellement évolué depuis deux ans. Cela vient d’un blocage des systèmes d’information
et du manque de standards.
Les objectifs fixés pour notre système de santé permettront-t-ils aux français de profiter
d’une médecine 4P d’excellence, comme ce fut le cas dans la médecine du XXe
siècle ? Si
la France est médaille d’or de la longévité, la durée de vie en bonne santé y est plus courte
que dans beaucoup de pays européens, en particulier les pays nordiques. Est-ce le bon
choix de société ?
Participants
Alexis Normand, Nokia
Catherine Touvrey, Directrice générale, Harmonie Mutuelle
Philippe CIRRE, Délégué, DSSIS
Laurent Bouskela, Connected Health & IoT product manager, Orange
Pierre Desmarais, Avocat à la Cour, Correspondant Informatique et Libertés
Laurent Levasseur, Président du Directoire, Bluelinea
Sébastien David, Senior sales manager, Oracle
Dr Marie-Dominique Lussier, Gériatre, Responsable Programme Parcours, ANAP
Dr Arnaud Depil-Duval, Urgentiste, Centre hospitalier Eure Seine
Pour plus d’informations sur les débats de la conférence : cliqué ici