1. Tozinaméran,
vaccin covid-19 ARNm-1273
et pandémie de covid 19
Signes de rupture
d’un talon d’Achille
Mediator°:
la norfenfluramine
au cœur du procès
LA REVUE
Financée par les abonnés, sans publicité ni subvention, sans sponsor ni actionnaire
n° 455 bis • Septembre 2021
Édition découverte
La
revue
Prescrire
(Édition
découverte)
•
Tome
41
•
p1
à
18
•
France
2. SOMMAIRE
Copyright Prescrire ISSN 0247-7750
Dépôt légal à parution
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RAYON DES NOUVEAUTÉS
1 Signé Gaspard Comme les autres ?
Nouvelles substances
2-4
Tozinaméran (comirnaty°), vaccin covid-19
ARNm-1273 (covid-19 vaccine moderna°) et
pandémie de covid 19
C’est-à-dire ? Virus : mutations,
variants, souches
encadré
Vaccins covid-19 à ARN
messager
5-6
Vaccin covid-19 ChAdOx1-S (vaxzevria°)
à vecteur viral et covid-19
VIGILANCES
7
Vasoconstricteurs décongestionnants :
neuropathies optiques ischémiques
7
Ticagrélor : bradyarythmies et pauses
ventriculaires
STRATÉGIES
Signes à la loupe
8
Signes de rupture d’un talon d’Achille
Repères
9-10
Rupture complète d’un talon d’Achille
Moins de récidives avec la chirurgie, mais
plus d’infections
Infos-Patients Prescrire
11
Maladie covid-19 : surveiller une éven-
tuelle aggravation
OUVERTURES
12
Mediator° : la norfenfluramine au cœur
du procès
13-15
Mieux se comprendre Faible niveau de
littératie en santé : un obstacle pour les
plus vulnérables
FORUM
16 Patients âgés et conditionnements
Pourquoi une édition Découverte ?
L’édition Découverte est une compilation
de textes tirés de numéros récents de Prescrire.
Cette édition de 16 pages est le reflet d’une
revue qui comporte en réalité plus de 80 pages.
Elle vous donnera un aperçu de ce qu’apporte la
lecture de Prescrire.
En plus des 12 numéros mensuels,
l’abonnement à Prescrire permet de bénéficier
de l’Application Prescrire, un accès numérique
aux textes de Prescrire, et du Guide Prescrire,
un outil numérique d’aide à la décision
thérapeutique.
Qui est Prescrire ?
L’Association Mieux Prescrire, qui édite
toutes les productions Prescrire, est une
association à but non lucratif (loi 1901).
Elle s’est organisée pour s’affranchir
des influences des firmes, comme de celles
des organismes chargés de l’organisation
des systèmes de soins. Financée à 100 %
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Quelle est l’ambition
éditoriale de Prescrire ?
Depuis janvier 1981, la raison
d’être de Prescrire est d’apporter
aux professionnels de santé,
et grâce à eux, aux patients,
des informations claires,
synthétiques et fiables dont ils
ont besoin, en particulier sur
les médicaments et les stratégies
diagnostiques et thérapeutiques.
Prescrire s’est donné les moyens
rédactionnels et documentaires de
garantir la solidité de ses synthèses.
Ses rédacteurs sont des
professionnels de santé, formés
aux méthodes rédactionnelles
collectives de Prescrire. Des
procédures explicites de contrôle
de qualité sont appliquées à toute
la production rédactionnelle.
La liste nominative complète des
rédacteurs (plus d’une centaine)
et des relecteurs extérieurs à
Prescrire (plusieurs centaines
chaque année) ayant contribué à
chaque numéro est en accès libre
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3. La revue Prescrire (Édition découverte) • Septembre 2021 • Tome 41 N° 455 bis • Page 1
COTATIONS PRESCRIRE - Nouvelles substances, indications, posologies, formes, etc.
Notre appréciation globale, symbolisée par une expression du bonhomme Prescrire, alias Gaspard Bonhomme, porte
sur le progrès thérapeutique, tangible pour le patient, apporté par chaque nouvelle spécialité dans une indication
précise : balance bénéfices-risques du médicament par rapport aux autres thérapeutiques disponibles.
BRAVO
Appréciation d’exception attribuée à un progrès
thérapeutique majeur, d’efficacité et d’intérêt
évidents dans un domaine où nous étions
totalement démunis.
INTÉRESSANT
Apporte un progrès thérapeutique important
mais avec certaines limites.
APPORTE QUELQUE CHOSE
L
’apport est présent mais limité ; il est à prendre
en compte sans toutefois devoir bouleverser
le domaine de la thérapeutique considéré.
ÉVENTUELLEMENT UTILE
Intérêt thérapeutique supplémentaire minime.
Il y a peu d’arguments devant conduire à
changer d’habitude de prescription en dehors
de cas particuliers.
N’APPORTE RIEN DE NOUVEAU
Il s‘agit d’une nouvelle substance sans plus
d’intérêt clinique démontré que les autres
substances du même groupe, et parfois
d’un me-too, voire d’une quasi-copie.
PAS D’ACCORD
Médicament qui ne présente aucun avantage
évident mais qui a des inconvénients possibles
ou certains.
LA RÉDACTION NE PEUT
SE PRONONCER
Nous réservons notre jugement dans l’attente
d’une évaluation plus approfondie du
médicament.
Information fournie par
les firmes
Nous cotons sur 4 niveaux
l’information reçue des firmes
que nous avons interrogées.
Information
approfondie, détaillée
et adaptée, des
données non publiées jusqu‘au
conditionnement.
Information limitée à
des données publiées,
administratives, ou
de conditionnement.
Information minimale,
ou limitée ou presque
à des éléments
administratifs et de
conditionnement.
Rétention
d’information.
RAYON DES NOUVEAUTÉS
Comme les autres ?
Il en est des vaccins comme des autres médicaments : leur intérêt est variable.
Certains vaccins sont utiles quand une large population est vaccinée ; d’autres sont
à réserver à des personnes qui ont des risques particuliers. Il existe aussi
des vaccins sans intérêt, par exemple parce qu’ils protègent d’une maladie
bénigne ; et des vaccins qui exposent à des risques démesurés par rapport à leur
efficacité clinique, minime ou incertaine.
Comme pour tout médicament, les essais cliniques comparatifs sont les outils
les plus pertinents pour évaluer l’efficacité d’un vaccin. La conception de ces essais
doit prendre en compte : la fréquence de l’infection ; son évolution naturelle pour
déterminer des critères d’évaluation, avant tout cliniques quand l’évolution est
rapide ; l’existence de personnes à risque plus élevé de complications de la
maladie, pour les inclure en nombre suffisant ; l’environnement des personnes
particulièrement concernées où l’essai est à mener.
Comme pour tout médicament, les données disponibles pour analyser
les effets indésirables d’un vaccin sont souvent plus fragiles que celles pour
analyser son efficacité. Explorer les risques prévisibles d’un vaccin par
la pharmacologie est là aussi indispensable : s’agit-il d’un type de vaccin
connu et déjà utilisé, par exemple, à base d’un virus inactivé ou d’un virus
vivant atténué ? Qu’en est-il des éventuels adjuvants ? Sont-ils connus et
déjà utilisés ? Quels sont les risques à envisager à long terme ?
En prenant en compte ces éléments, il est parfois manifeste qu’un vaccin
est un progrès, comme c’est le cas du vaccin Ebola rVSV-Zebov (Ervebo°)
dont les résultats de l’évaluation, concrets pour les personnes menacées,
sont convaincants et justifient les risques encourus (lire pages 885-887
du n° 446, version complète dans l’Application Prescrire).
Rev Prescrire • Décembre 2020
Les cotations Prescrire vous
permettent de percevoir, d’un
seul coup d’œil, le progrès
thérapeutique apporté ou non
par les médicaments, et le
niveau d’information fourni à
Prescrire par les firmes.
4. RAYON DES NOUVEAUTÉS
Page 2 • La revue Prescrire (Édition découverte) • Septembre 2021 • Tome 41 N° 455 bis
NOUVELLES SUBSTANCES
tozinaméran (comirnaty°), vaccin covid-19
ARNm-1273 (covid-19 vaccine moderna°)
et pandémie de covid-19
Forte réduction du risque de maladie covid-19,
sans signal préoccupant d’effet indésirable
Résumé
● Le Sars-CoV-2 est un coronavirus à l’origine
de la maladie covid-19, une infection respira-
toire aiguë, contagieuse et parfois grave, voire
mortelle. Les personnes âgées, surtout de plus
de 70 ans, et celles obèses, sont parmi les plus
à risque d’avoir une forme grave de la maladie.
Début 2021, le traitement de la maladie covid-19
repose surtout sur des soins symptomatiques
et la prévention de certaines complications. Des
mesures préventives individuelles et collectives
réduisent la transmission virale.
● Deux vaccins covid-19 à ARNm (acide ribo-
nucléique messager), codant pour la même pro-
téine virale, ont été autorisés fin 2020 et début
2021 dans l’Union européenne : le vaccin
covid-19 ARNm BNT162b2, dont la dénomina-
tion commune internationale (DCI) est tozinamé-
ran, et le vaccin covid-19 ARNm-1273.
● Dans deux essais cliniques randomisés ver-
sus placebo, chez respectivement environ
40 000 et 30 000 personnes (surtout des adultes),
la diminution relative du risque de maladie
covid-19 symptomatique par ces vaccins a été
d’environ 95 % plus d’une semaine après l’in-
jection de la 2e
dose. Chez les personnes âgées
de 65 ans ou plus, l’efficacité est importante
aussi, mais son ampleur est plus imprécise. La
durée de la protection n’est pas connue.
● Très peu de personnes âgées de 75 ans ou
plus ont été incluses dans les essais. Quelques
cas de covid-19 ont été recensés chez ces per-
sonnes, tous dans les groupes placebo. Une
efficacité chez ces personnes est vraisemblable,
sans être démontrée ni cernée.
● Les essais de ces deux vaccins n’ont pas été
conçus pour évaluer la prévention des formes
graves. Leur nombre a été faible, la plupart ayant
été recensées dans les groupes placebo.
● Parmi les quelques morts survenues au cours
des essais, une seule a été imputée au covid-19,
dans un groupe placebo. Aucune mort n’a été
imputée aux vaccins.
● Dans une étude épidémiologique israélienne
prenant en compte 1,8 million de personnes vac-
cinées avec 2 doses de tozinaméran, le risque de
formes graves de covid-19 est apparu au moins
75 % plus petit chez les personnes vaccinées que
dans la population générale.
● Dans les essais, les effets indésirables les plus
fréquents ont été des réactions communes à tous
les vaccins, locales (dont douleurs au point d’in-
jection) et systémiques (dont fièvres, fatigues et
maux de tête). Des réactions d’hypersensibilité
parfois graves, dont des réactions anaphylac-
tiques, ont été observées pendant les essais et
depuis le début des campagnes de vaccination.
Elles ont été rares, même si leur fréquence semble
plus élevée que celle généralement observée
avec la plupart des autres vaccins. Des cas de
troubles du rythme cardiaque et des hyperten-
sions artérielles ont été rapportés au cours des
campagnes de vaccination.
● Les conditions de conservation et la néces-
sité d’une dilution compliquent l’accès au
tozinaméran et son utilisation. Les présentations
en flacons multidoses des deux vaccins exposent
à des erreurs d’administration.
INTÉRESSANTS
Les vaccins tozinaméran et covid-19 ARNm-
1273 ont surtout été évalués en 2020 dans un
essai clinique comparatif chacun, chez respec-
tivement environ 40 000 et 30 000 personnes,
âgées de moins de 75 ans pour la plupart. En
situation d’épidémie, ces vaccins ont réduit
fortement le risque de maladie covid-19 sym
ptomatique. Chez les personnes âgées de plus
de 75 ans, une certaine efficacité est vraisem-
Rev Prescrire • Avril 2021
7. RAYON DES NOUVEAUTÉS
La revue Prescrire (Édition découverte) • Septembre 2021 • Tome 41 N° 455 bis • Page 5
NOUVELLE SUBSTANCE
vaccin covid-19 ChAdOx1-S (vaxzevria°)
à vecteur viral et covid-19
Efficace à court terme, mais des risques de
thromboses rares parfois mortelles
Résumé
● Mi-2021, la prévention de la maladie
covid-19 repose sur des mesures individuelles
et collectives visant à limiter la transmission du
virus Sars-CoV-2, et sur la vaccination.
● Après deux vaccins à ARNm, un vaccin à vec-
teur viral, le vaccin covid-19 ChAdOx1-S, a été
autorisé dans l’Union européenne. Ce vaccin
déclenche une réaction immunitaire contre la
glycoprotéine S du Sars-CoV-2, comme les deux
vaccins à ARNm.
● Dans quatre essais randomisés versus un
vaccin méningococcique ou du chlorure de
sodium isotonique chez environ 24 000 adultes,
le vaccin covid-19 ChAdOx1-S a diminué le risque
de maladie covid-19 symptomatique, à partir
du 15e
jour après la 2e
dose, d’environ 67 %. Des
modifications et des écarts aux protocoles de
ces essais et l’exclusion d’environ 30 % des per-
sonnes incluses lors de cette analyse d’effica-
cité diminuent le niveau de preuves de ces résul-
tats. Ces essais n’étaient pas conçus pour
évaluer l’efficacité du vaccin chez les personnes
âgées de plus de 55 ans.
● Au cours des essais, 24 personnes ont été
hospitalisées, dont 22 dans les groupes témoins.
Parmi les personnes hospitalisées, trois ont eu
une forme grave de la maladie covid-19, toutes
dans les groupes témoins. Des données épidé-
miologiques britanniques, reposant sur le suivi
de centaines de milliers de personnes vaccinées
avec le vaccin covid-19 ChAdOx1-S ont montré
une efficacité de ce vaccin pour réduire le risque
d’hospitalisation, y compris chez des personnes
âgées de 80 ans ou plus.
● Dans un des quatre essais, 34 personnes ont
eu une infection symptomatique par le variant
dit anglais du Sars-CoV-2 au moins 15 jours après
la 2e
dose de vaccin : 7 dans le groupe vaccin et
27 dans le groupe témoin. Chez ces personnes,
la réduction relative du risque de maladie
covid-19 a été d’environ 75 %. Une étude épidé-
miologique anglaise a aussi montré une effica-
cité de ce vaccin contre le variant “anglais”.
● Un autre de ces essais a été mené en Afrique
du Sud, chez environ 1 500 personnes. Il n’a
pas montré d’efficacité du vaccin covid-19
ChAdOx1-S pour prévenir les infections par le
variant dit sud-
africain du Sars-CoV-2.
● Des données préliminaires d’un essai rando-
misé en double aveugle chez plus de 30 000 per-
sonnes, dont 20 % étaient âgées de 65 ans ou
plus, ont été rendues disponibles par la firme,
mais non encore soumises à publication au
12 avril 2021. Cet essai a comparé deux doses
de vaccin covid-19 ChAdOx1-S espacées de
4 semaines versus placebo. Après détection de
190 cas de maladie covid-19 symptomatique à
partir du 15e
jour après la 2e
dose, l’efficacité
vaccinale a été estimée entre 70 % et 80 %, y
compris chez les personnes âgées de 65 ans ou
plus.
● Les effets indésirables le plus fréquemment
rapportés dans les essais ont été ceux communs
à tous les vaccins : des réactions locales (sen-
sibilités cutanées, douleurs, ecchymoses) et des
réactions systémiques (fatigues, maux de tête,
malaises, douleurs musculaires). Depuis le début
des campagnes de vaccination, des syndromes
pseudogrippaux, d’intensité parfois sévère, ont
été fréquemment rapportés, ainsi qu’une aug-
mentation du risque de certaines thromboses
rares mais graves, parfois mortelles.
● Le vaccin covid-19 ChAdOx1-S est une sus-
pension à administrer sans dilution préalable.
Il est à conserver entre 2 °C et 8 °C.
APPORTE QUELQUE CHOSE
Mi-2021, le vaccin covid-19 ChAdOx1-S a été
évalué notamment dans quatre essais cliniques
comparatifs chez environ 24 000 adultes et
dans des études épidémiologiques. En situa-
tion épidémique d’infection par le coronavirus
Sars-CoV-2, le vaccin covid-19 ChAdOx1-S
réduit à court terme le risque de maladie
covid-19 symptomatique et les hospitalisa-
tions pour maladie covid-19, y compris chez
les personnes âgées, et y compris en présence
Maintenez à jour votre liste de moyens
thérapeutiques grâce aux analyses
critiques des nouveautés médicamenteuses
autorisées dans l'Union européenne
11. La revue Prescrire (Édition découverte) • Septembre 2021 • Tome 41 N° 455 bis • Page 9
STRATÉGIES
Rupture complète d’un tendon
d’Achille
Moins de récidives avec la chirurgie,
mais plus d’infections
● Une synthèse méthodique, entre autres, a recen-
sé 10 essais randomisés et 19 études de cohorte
qui ont comparé une réparation chirurgicale ver-
sus un traitement conservateur après rupture com-
plète d’un tendon d’Achille.
● Selon une méta-analyse limitée aux essais ran-
domisés, une récidive est survenue chez environ
4 % des patients dans les groupes chirurgie, ver-
sus 11 % dans le groupe traitement conservateur.
Les récidives en l’absence de chirurgie ont semblé
moins fréquentes dans les études de cohorte. Une
infection locale est survenue chez environ 3 % des
patients des groupes chirurgie.
● Dans ces essais et ces études, la récupération
fonctionnelle et les délais avant reprise des activi-
tés professionnelles ou sportives ont été globale-
ment similaires avec les deux options thérapeu-
tiques.
Une rupture complète d’un tendon d’Achille (alias
tendon calcanéen) survient le plus souvent au
cours d’une activité sportive (a)(1,2). La fréquence
annuelle de ces ruptures est de l’ordre de 20 pour
100 000 personnes (2,3). Environ 8 % des athlètes
de compétition ont eu une rupture d’un tendon
d’Achille, avec une fréquence plus élevée dans
certains sports (tennis, football, basketball) (1).
Certains médicaments dont les fluoroquinolones et
les corticoïdes exposent à un risque accru de rupture
d’un tendon d’Achille (1,2,4).
Quand on évoque une rupture d’un tendon
d’Achille, le test de compression du mollet, dit de
Thompson, est le plus performant pour retenir ou
écarter cette éventualité (lire dans ce numéro “Signes
de rupture d’un tendon d’Achille” p. 8).
Après une rupture d’un tendon d’Achille, le trai-
tement initial vise surtout à limiter la douleur :
application de glace, mise en décharge et paracé-
tamol (1). La conduite thérapeutique ultérieure n’est
pas consensuelle (5). Le traitement dit conservateur
consiste en une immobilisation du pied en flexion
plantaire, le plus souvent à l’aide d’une attelle,
pendant en général 6 à 8 semaines, suivie d’une
rééducation pendant plusieurs semaines. Le traite-
ment chirurgical consiste en une réparation du
tendon d’Achille par diverses techniques, notamment
chirurgie classique, dite à ciel ouvert, ou chirurgie
percutanée, dite mini-invasive. La réparation chirur-
gicale est suivie d’immobilisation puis de rééduca-
tion (1,2,6).
La chirurgie au décours d’une rupture complète
d’un tendon d’Achille est-elle plus efficace qu’un
traitement conservateur pour prévenir les récidives
et accélérer la récupération fonctionnelle ? Au prix
de quels effets indésirables ? Deux synthèses mé-
thodiques avec méta-analyses, publiées en 2018 et
2019, apportent des éléments de réponse (3,7).
Réparation chirurgicale versus traitement
conservateur : dix essais randomisés. Ces
deux synthèses ont retenu les mêmes essais :
10 essais randomisés en simple aveugle qui ont
comparé réparation chirurgicale versus traitement
conservateur d’une rupture complète d’un tendon
d’Achille, chez 944 patients au total, âgés en moyenne
de 40 ans (3,7).
Nous rapportons ci-dessous les résultats de la
synthèse la plus récente qui a recensé en outre
19 études de cohorte : 3 suivis prospectifs et
16 études rétrospectives chez 14 918 patients au
total, âgés en moyenne de 42 ans (3).
Le critère principal d’évaluation a été la fréquence
des récidives de rupture du tendon d’Achille. Les
critères secondaires d’évaluation ont été la fréquence
d’autres complications, la récupération fonctionnelle,
la reprise des activités professionnelles ou spor-
tives (3). Les résultats globaux ont été rapportés
sans distinguer les techniques chirurgicales utilisées :
chirurgie à “ciel ouvert” dans 9 essais ; chirurgie
“mini-invasive” dans 1 essai. Les ruptures d’un
tendon d’Achille survenues chez des sportifs profes-
sionnels n’ont pas été distinguées de celles survenues
chez d’autres personnes. La durée de suivi a varié
de 1 an à 5 ans dans les essais randomisés, et de
1 an à 17 ans dans les études de cohorte (3).
Chirurgie : moins de récidives de rupture
mais des complications, surtout infectieuses.
Dans les essais de cette méta-analyse, la fréquence
des récidives de rupture du tendon d’Achille a été
moindre chez les patients des groupes chirurgie,
de manière statistiquement significative : environ
4 % versus 11 % chez les patients des groupes trai-
tement conservateur (3). Autrement dit, selon nos
calculs, par rapport à un traitement conservateur,
une réparation chirurgicale semble éviter une réci-
dive de rupture du tendon d’Achille pour environ
15 patients opérés. En prenant aussi en compte les
études de cohorte, la différence en faveur de la
chirurgie est apparue de moindre ampleur, mais
statistiquement significative : environ 2 % chez les
patients des groupes chirurgie versus 4 % chez ceux
des groupes traitement conservateur. Autrement
dit, une récidive de rupture du tendon d’Achille a
été évitée pour environ 60 patients opérés (3).
La fréquence des complications survenues au
décours d’une rupture d’un tendon d’Achille a été
évaluée dans 10 essais randomisés et dans 16 études
a- Dans ce texte, nous n’abordons pas les ruptures incom-
plètes du tendon d’Achille, plus rares que les ruptures
complètes (réf. 2).
15. OUVERTURES
La revue Prescrire (Édition découverte) • Septembre 2021 • Tome 41 N° 455 bis • Page 13
COMMUNICATION
Mieux se comprendre
Le niveau de santé des personnes dépend en partie de leur capacité à utiliser au mieux les moyens
disponibles pour préserver, maintenir ou restaurer leur santé. Il dépend aussi de la qualité des soins,
qui elle-même passe par une bonne communication entre professionnels de santé et patients, au-delà
du simple échange d’informations. Dans les trois textes suivants, nous abordons des obstacles à cette
communication et présentons des éléments pour mieux échanger avec les patients.
Faible niveau de littératie en santé : un obstacle
pour les plus vulnérables
● S’occuper de sa santé au quotidien, avoir un
accès facile aux services de santé, aux droits liés
à la santé, requièrent un certain nombre de com-
pétences regroupées sous le concept de littératie
en santé. Il s’agit de la capacité d’une personne à
maîtriser les informations sur sa santé, à com-
prendre les professionnels de santé et à s’orienter
dans le système de soins.
● Considéré comme un déterminant de santé, ce
concept apporte un éclairage utile pour la relation
entre patients et professionnels de santé.
● Dans un système où la tendance est à la res-
ponsabilisation des patients, les personnes avec
un faible niveau de littératie en santé sont pénali-
sées, alors qu’elles sont souvent particulièrement
vulnérables.
● Prendre conscience des difficultés et obstacles
rencontrés par les patients avec un faible niveau
de littératie en santé, et adapter sa pratique en
conséquence, permet d’en réduire l’impact.
Bien se comprendre entre patients et profession-
nels de santé dépasse le simple échange d’in-
formations (1,2). Une partie de la population est
confrontée à des difficultés pour obtenir, com-
prendre, analyser ou utiliser l’information en santé.
Dans ce contexte, le concept de littératie en santé,
c’est-à-dire les capacités requises pour être plus
autonome au sein du système de santé, pour pré-
server et améliorer sa santé et celle de ses proches,
apporte un éclairage utile (lire l’encadré “C’est-à-
dire ? Littératie en santé” p. 295) (3).
En quoi ce concept peut-il aider à améliorer la
communication et la compréhension entre patients
et professionnels de santé ?
Un déterminant de la santé. S’occuper de sa
santé nécessite d’être en capacité d’adopter des
comportements favorables à la santé, de savoir à
quel moment et comment avoir accès à des soins
et d’effectuer des démarches telles que prendre un
rendez-vous, suivre un traitement, comprendre une
notice ou des modalités de préparation d’un médi-
cament, faire réaliser des examens para
cliniques,
remplir un formulaire, etc. (4). Ces différentes acti-
vités impliquent notamment un minimum d’aisance
18. Page 16 • La revue Prescrire (Édition découverte) • Septembre 2021 • Tome 41 N° 455 bis
courriers
et
échanges
FORUM
Les lecteurs sont libres
d’exprimer dans la rubrique
“Forum” leurs opinions
quelles qu’elles soient.
Seuls les textes anonymes
ou publicitaires ou injurieux
sont systématiquement
écartés. La Rédaction
de Prescrire, qui ne
partage pas forcément
les opinions exprimées
ici, n’intervient que sur
la forme, les titres, les
intertitres, les illustrations
et les dénominations des
médicaments.
Communication directe via :
forum@prescrire.org
Patients âgés
et conditionnements
Cela va faire 40 ans que j’ai eu mon diplôme de pharmacien (à l’époque, la thèse
n’était pas nécessaire !). Et presque aussi longtemps que je lis fidèlement Prescrire.
Au cours de ma carrière, j’ai travaillé comme adjointe dans 5 officines. Plus j’approche
de l’âge de la retraite, et plus je suis sensible aux difficultés que rencontrent
quotidiennement les personnes âgées pour suivre leurs traitements médicamenteux.
Quelques exemples :
– une personne vient chaque mois à la pharmacie pour qu’on lui prépare son collyre car
elle n’y arrive pas seule ;
– une autre personne, malvoyante, s’est vue prescrire par son ophtalmo, en plus de ses
collyres habituels, un flacon de gouttes de vitamine D. Elle a mis des gouttes de
vitamine D dans son œil…
– une dame de 87 ans demande qu’on lui délivre du diclofénac en tube classique, car
« le flacon pompe, c’est impossible d’appuyer là-dessus » ;
– une autre encore demande qu’on lui ouvre les flacons de Modopar°, car avec son
Parkinson, elle n’y arrive pas.
Je pense que tous les lecteurs de Prescrire pourraient allonger la liste…
À quoi pensent donc les concepteurs de conditionnements pour les médicaments ?
Sans doute n’ont-ils aucun problème pour dévisser un flacon de Modopar° ou un
collyre. Mais ils n’ont pas le Parkinson, et ne sont pas malvoyants… Peut-être que s’ils
s’appelaient Benjamin Button (a), s’ils étaient nés “vieux”, ils auraient imaginé des
conditionnements différents ?
Certains pharmaciens titulaires aussi feraient des choix différents, s’ils étaient nés
vieux. Par exemple, ils n’auraient pas choisi de changer de génériqueur, du jour au
lendemain, simplement parce qu’ils changent de groupement : et hop, « maintenant,
vous n’aurez plus les boîtes de chez Biogaran que vous aviez depuis 10 ans, vous allez
avoir du Mylan : c’est un autre labo, mais le nom reste identique, il n’y a que la boîte qui
change… »
Oui, mais quand on a 7 ou 8 molécules dans son traitement, et que toutes les boîtes
changent, on fait comment pour s’y retrouver, quand on ne voit pas très clair, ou quand
on commence à être un peu déboussolé… Et ceux qui ne lisent pas bien le français, ça
leur fait une belle jambe que ce soit le même nom de molécule !
Je croyais qu’il était préférable que les patients chroniques aient toujours les mêmes
génériques. On m’a répondu que ce n’est pas obligatoire !
Il y a des coups de pied au derrière qui se perdent…
Isabelle Godfroy
Pharmacien d’officine (02)
a-Voir la nouvelle de F
. Scott Fitzgerald, “L'étrange histoire de Benjamin Button”.
Rev Prescrire • Octobre 2020
Des lecteurs
de Prescrire partagent
leur expérience dans
la rubrique Forum.
19. La lecture régulière de Prescrire vous
permet de disposer d’une information
indépendante et fiable, essentielle dans
votre pratique professionnelle.
Au fil des numéros, vous perfectionnez
vos connaissances pour répondre à une
préoccupation permanente de qualité.
Participer au Test de Lecture mensuel
Prescrire renforce l’efficacité de votre
démarche.
Validation de la
formation
- répondre aux 11
questionnaires dans les
délais impartis ;
- obtenir au moins 176
points sur un total de 220.
Attestation de formation
• 40 h de formation
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de Lecture ressemble ?
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grâce à la démo disponible sur
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Période d’inscription :
de juin à mi-décembre
Publication du 1er
questionnaire :
novembre, portant sur le numéro
de septembre.
Dates-clés
Vous êtes étudiant
- rendez-vous sur campus.prescrire.org
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leTest de Lecture
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votre abonnement au tarif Étudiants
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Comment s’inscrire au Test ?
Les programmes Prescrire
dans les facultés
De nombreuses facultés de médecine
et de pharmacie en France et en
Belgique utilisent le Test de Lecture
mensuel Prescrire en complément des
enseignements déjà dispensés avec une
équivalence accordée aux étudiants «
Lecteurs Émérites de Prescrire». Plus
d’informations sur campus.prescrire.org
20. Sans publicité, ni subvention
, une information
fiable et indépendante sur les médicaments
Une information sur l’actualité
de la pharmacovigilance
Une veille indépendante
et objective sur les médicaments
Des conseils adaptés, nuancés pour
améliorer sa pratique
Bénéficiez d’un outil d’aide à la
décision : Le Guide Prescrire
Des analyses indépendantes
sur les nouveaux médicaments
et les nouvelles indications
thérapeutiques, la réglementation,
le conditionnement, les arrêts
de commercialisation, etc.
Inclus dans l’abonnement, il vous permet
dans plus de 160 situations de soins
de premiers recours de prendre des
décisions fiables et éclairées, grâce
à une information actualisée et organisée
pour être facilement utilisable en
situation de soins et de conseil
Accédez à ce que Prescrire a publié en un clic
Grâce à l’Application Prescrire, accédez en quelques clics à votre résultat
de recherches grâce à un moteur de recherche de qualité.
Un service « dans l’Actualité » pour être informé rapidement sur des sujets
médiatisés en conservant le recul nécessaire.
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la pharmacovigilance ainsi
que des synthèses des risques
auxquels les patients sont
exposés