1. C E L S A – M A S T E R 2 P R O F E S S I O N N E L
Mag’
Master
Idée de promenade
Marchés
dans
Paris
Les marchés parisiens racontent l’histoire de
Paris. Qui ne connaît pas un marché à proximité
de son domicile ? Ils animent la vie parisienne et
sont un repère pour les habitants des quartiers.
Primeurs, bouchers, fromagers, fleuristes, pois-
sonniers, tous les artisans vous interpellent dans
la joie et la bonne humeur.
Huppés, populaires, bio, spécialisés, ces lieux de
vie sont le carrefour des échanges, créateurs de
lien social où tous les sujets sont abordés.
Nos équipes spécialisées se sont rendues sur pla-
ce pour vous dresser le portrait des cinq marchés
les plus emblématiques de la capitale.
Mounia BOUKOUM
Envoyée très spéciale
2. ALIGRE
En bref Marché d’Aligre : inquiets et
200 ans d’histoire
Le marché d’Aligre est le plus ancien et le
moins cher de Paris. Il trouve son origine Les commerçants du plus
en 1779 avec la construction du marché
couvert « Beauvau - St Antoine ». « Aligre » ancien marché de Paris
est le nom d’une veuve bienfaitrice de s’inquiètent pour leur avenir.
l’hospice des Enfants Trouvés, remplacé vendeurs de fleurs, de fruits
aujourd’hui par le square Trousseau. Sur la
place d’Aligre, anciennement « La com- et de légumes, ils ont fait
mune d’Aligre », se dresse l’hôtel de ville, l’histoire d’un lieu auquel ils
chef-lieu d’une vingtaine de mètres carrés,
dédié au placier et à l’administration. Seuls sont très attachés
des forains de fruits et légumes longent
les emplacements de la rue de l’Aligre,
L
tradition souhaitée par la bienfaitrice et e maire a esquinté le marché. Ils sont
conservée aujourd’hui. en train de casser Aligre. » La remarque
PoPuLaire et conviviaL
« lapidaire de M. El Abed, marchand de
fruits et légumes depuis 1974 sur le premier pla-
L’association de la « Commune libre teau(*), résume une inquiétude grandissante :
d’Aligre » a été créée en 1955 par M. « J’ai constaté une baisse d’un quart de mon
Jeanson, commerçant du marché Beau- activité pour une chute de la fréquentation de
vau. Chacun est le bienvenu dans ce café 70 %. Avant, les gens venaient non seulement
associatif situé 3 rue d’Aligre, haut lieu des 5e, 13e, 12e et d’une partie du 20e arrondis-
fédérateur de convivialité et de solidarité du sement, voire même de banlieue. C’est de moins
quartier. L’association propose également en moins le cas. Regardez, il est 11 heures et la
des événements culturels, fêtes, vides- rue est clairsemée ». Et de désigner la longue Le plus ancien et
greniers, repas et apéros de quartier (liste des le moins cher des
série d’étals colorés s’étendant en direction de
événements disponible au 01 43 41 20 55 / marchés de Paris
la place d’Aligre. souffre aussi de
cafeassociatif@cl-aligre.org). Un autre commerçant de l’angle de la rue Cro- la crise.
zatier, M. Terchoune renchérit : « La mairie parle
nouveau concessionnaire d’augmenter l’an prochain de 100 % le montant
Les emplacements du marché sont gérés du loyer qui est déjà de 200 euros les six mètres
par un concessionnaire, désigné par la linéaires ! »
mairie. Celui-ci doit attribuer les stands Pourquoi cette augmentation drastique ?
en priorité à des commerçants en fruits et D’abord, les loyers sont ici parmi les moins chers
légumes. Le renouvellement de la conces- de Paris. Ensuite, la mairie explique qu’il s’agit
sion est en cours. Cela risque de bousculer d’un rattrapage.
une tradition inscrite depuis de nom-
breuses années, en raison notamment de
l’augmentation possible des loyers.
Ce journal a été réalisé dans le cadre du Master 2
professionnel “Information et communication” par les
étudiants :
François SILvAN, Mounia BOukOuM,
Thierry LEMANT, Cyrille ThOMy, Stéphane TIxIER,
Elie ChANCROgNE, Anna dA COSTA, véronique SERvE,
Emmanuel SARAzIN, Nadège TETAz, Baya SEkhRAOuI,
Nathalie NOuETTE-dELORME
Soutiens : Eve BETTEz, Amandine BRASEy,
Emmanuelle hEuRTEux, Armelle SERMET
Publicité (et dons) :
Celsa – 77, avenue de villiers 92200 Neuilly sur Seine
Formateurs : Paul dAudIN-CLAvAud et Luc duBOS.
2 – 7 janvier 2011 – master mag’
3. ALIGRE
victimes de la crise, les forains résistent
Une cliente confirme : « Je viens toujours mais je
vous achète moins souvent… »
Si la grogne apparaît omniprésente, les forains
ne semblent pas découragés pour autant : il n’en
est pas un pour évoquer un départ du marché bi-
centenaire. L’attachement des forains au quartier
semble viscéral.
« Quand je suis venue ici, j’étais enceinte de ma
fille, se rappelle Yolande. elle a aujourd’hui 59
ans et travaille avec moi. Je sers désormais les en-
fants de mes clients de jadis. et ils sont avec leurs
petits-enfants. Non, nous ne partirons pas. »
Ceux qui sont à l’origine du marché continue-
ront donc inlassablement à lutter contre le froid
mordant de l’automne… et de la crise. « et puis
moi, ironise Hassan el Haddach, je n’ai froid que
quand il n’y a plus de clients ! »
François SiLvAn
(*)
Première partie de la rue d’Aligre, fréquentée par les clients
les moins aisés. Le deuxième plateau étant plutôt dévolu aux
classes moyennes, et le troisième, contre le marché Beauvau,
aux clients les plus aisés, racontent les forains.
« Du coup, nous devrons le répercuter sur les
prix publics », estime Hassan El Haddach, un
des deux vendeurs bio du marché, qui déplore
une baisse de 40 % de son activité sur les 4-5 Terchoune, forain de père en fils
dernières années.
Une inflation difficile à justifier, estiment ses 40 ans que la famille améliorer le site. »
voisins, le marché d’Aligre étant connu comme Terchoune vend des Ses clients sont
l’une des places les moins chères de Paris pour fruits et légumes à principalement des
les primeurs. C’est une tradition. Aligre. Le fils a repris riverains, habitués à
En remontant la rue, les commentaires des fo- l’affaire il y a déjà sa casquette bleue
rains reviennent invariablement sur le sujet. Tout quelques années. Cela en permanence
comme la politique de stationnement de la ville. lui apparaissait com- vissée sur le crâne.
Un parking devait être construit rue Crozatier mais me une évidence, tant En semaine, ce
le projet n’a pas abouti. Surtout : « Ils ont limité ce marché parisien sont les retraités
les possibilités de stationnement et la fourrière intéresse les forains. à pouvoir d’achat
passe systématiquement entre 11 h 30 et 12 h 30, « Il y a une liste d’attente de 10 limité. Le week-end est plus
affirme Hamza, dont le grand-père était déjà là ans pour avoir un emplacement rémunérateur avec les jeunes
en 1962. Du coup les restaurateurs, notamment, ici », claironne M. Terchoune fils. actifs au portefeuille mieux
viennent de moins en moins s’approvisionner ici. Pour lui, depuis déjà quelque garni. Les habitants des ar-
C’est un préjudice énorme. » temps, les clients se font moins rondissements limitrophes,
nombreux, la faute à la crise et voire de banlieue, se font de
« Non, nous ne partirons pas. » aux difficultés de stationnement. plus en plus rares.
Enfin, la crise économique est aussi passée rue Cette baisse de fréquentation Malgré ces difficultés, il ne se
Aligre. « C’est très dur ! », constate Yolande. Fo- l’inquiète. Le possible double- voit pourtant pas faire autre
raine depuis 60 ans, elle vend des fleurs au coin ment du loyer en 2011 aussi. chose. Quitter sa banlieue tous
des rues d’Aligre et Roussel, au début du « troi- Même s’il tempère : « Le mont- les jours dès 5 heures ne le
sième plateau » d’Aligre, à côté du marché cou- ant n’avait pas bougé depuis de rebute pas. Dans tous les cas, il
vert Beauvau. « Nous ressentons plus durement nombreuses années et la mairie restera fidèle au poste.
la crise que les marchands de fruits et légumes. » a fait pas mal de travaux pour Thierry LéMANT
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4. BAtIGnoLLEs
Batignolles, le marché des nouveaux
marché traditionnel de
quartier un peu vieillissant,
les Batignolles ont su capter
une nouvelle clientèle, plus
familiale et plus jeune.
i
Ls sont où les clients ? » Le ton du crémier
tranche avec les conversations feutrées
« ambiantes. En ce jeudi matin, les allées
du marché couvert des Batignolles sont très cal-
mes. Emmitouflée dans son manteau épais, une
dame très âgée demande doucement un crottin
de Chavignol.
Un peu plus loin, Mme Renée trône à la caisse
de la boucherie « Pilote ». « 4,28 euros pour le
steak haché, mais je vous le fais à 4 ! » La clien-
te rosit de plaisir et glisse son petit emballage
entre un tube de dentifrice et deux yaourts. ici,
les quantités achetées sont plutôt restreintes.
Séverine, la pimpante vendeuse de primeurs,
confirme : « La clientèle de semaine est assez
modeste. Nous proposons des produits de bonne
qualité à des prix très raisonnables. »
Adidi vient ici parce que sa poussette ne fran-
chit pas les marches du supermarché voisin : Le marché des
« Dans mon panier, j’ai un filet de colin. Du Battignoles fait
lait et des oranges pour ma patronne. » Adidi
garde des enfants et fait quelques courses pour
quatre fois plus
de chiffre d’affaires
le week-end, par
Philippe, poissonnier :
son employeur. « Mais quand ma patronne a des
invités, c’est elle-même qui fait les courses ici. rapport au reste
de la semaine.
Le week-end. » Poissonnier depuis 45
ans, Philippe prend plai-
Vivement samedi sir à satisfaire une nou-
Week-end. A ce mot magique, le visage de velle clientèle, curieuse,
Mme Renée s’éclaire : « Quatre fois le chiffre exigeante sur la qualité,
d’affaires de la semaine ! Les gens font la queue soucieuse du juste prix.
jusque dehors. Il y a cinq bouchers qui servent Sur son stand des
dans ma boutique. » Batignolles, entre deux
Plus elle parle de ses clients du samedi et du coquilles Saint-Jacques
dimanche, plus elle se relève derrière sa caisse : ouvertes en un tour
« Les familles ont remplacé les grands-mères dans de main, Philippe est
les grands appartements du quartier. et ces fa- intarissable sur sa cli-
milles reviennent à la cuisine ». Pot-au-feu, blan- entèle passionnée de cuisine : « ça a tou-
quette, poule au pot, le week-end, Mme Renée jours existé, mais elle s’est terriblement
n’arrête pas de conseiller, de donner des temps de rajeunie. Ici, les week-ends, y’a toute une
cuisson et des petites astuces sur les sauces. bande de trentenaires qui s’essayent à la
Séverine, la sémillante vendeuse de primeurs, cuisine : recettes traditionnelles, grosses
renchérit : « Ces nouveaux clients ne sont pas pièces de poisson à cuisiner… »
forcément les plus fortunés du quartier, mais des Il conseille ces nouveaux clients, en fonc-
4 – 7 janvier 2011 – master mag’
5. BAtIGnoLLEs
gourmands En bref
absa Lô, commerçante miLitante
« Les Saveurs du Sénégal »
familles d’employés ou de cadres moyens qui se n’est pas un traiteur comme les
sont remis à la cuisine et qui recherchent des autres. Entre les masques, les
produits de base de qualité. » assiettes d’accras et le mil qui
Ces nouveaux clients viennent au marché cher- boue, elle trône en photo avec
cher du service, du conseil, de l’envie. il est près Bertrand Delanoë. La Mairie
de midi et en voici justement un. iPhone collé de Paris est l’un de ses clients.
à l’oreille et bébé en poche kangourou, ce papa L’étal du marché des Batignolles
salue rapidement Séverine et file chez le traiteur est une vitrine de l’association
japonais. des femmes sénégalaises.
C’est l’un des trois traiteurs exotiques qui se
sont installés ces cinq dernières années. ici, la Pas PLus cher que La suPérette
cuisinière ne propose ni sushis, ni brochettes,
mais de la cuisine japonaise originale et authen- Marché Supérettes
tique : « Aujourd’hui, les gens voyagent, lisent, 1,50 à 2,50 e
Choux-fleurs 1,95 e pièce
regardent la télévision. Ils sont curieux. » Elle pièce
surfe sur cette clientèle ouverte d’esprit, capable Jambon cru Serrano 28 e/kg 29,50 e/kg
d’acheter un tournedos chez Mme Renée et une
Salade/laitue 70 e pièce 1,95 e (sachet)
sauce au soja chez elle.
Et la cuisinière japonaise de poursuivre : « Nous
avons voulu garder l’esprit de proximité du mar- infos Pratiques
ché. Les clients veulent savoir ce qu’ils mangent, 24bis, rue Brochant
comment ça se prépare. » Elle envisage même de Ouvert du mardi au vendredi de 8h30 à
proposer des cours de cuisine. De quoi pousser 13h00 et de 14h00 à 20h00
Madame Renée à quitter sa caisse ? Le samedi de 8h30 à 20h00
EliE CHAnCRognE Le dimanche de 8h30 à 14h00
: une espèce menacée
tion des arrivages et des cours. « Quand ils coquillages il propose plus de cinquante car dans chaque colis il y en a des mau-
reviennent la semaine suivante, ils me dis- produits… « Pour vendre presque toujo- vaises. »
ent : on s’est régalé, qu’est-ce qu’on peut urs les dix mêmes produits il faut au moins Sa première patronne lui disait : « Quand on
essayer cette semaine ? Je leur propose ça. C’est la loi du genre. » vend du beau c’est impossible de revenir
autre chose… C’est super ! », Conclut-il, C’est ce que font aussi les supermarchés. en arrière, on est obligé de toujours faire du
une étincelle dans les yeux. Comme eux, il vend du poisson d’élevage : beau… » Elle avait raison mais le beau, c’est
En termes d’approvisionnement, cela lui bar, saumon. Il n’y a pas d’autres choix s’il aussi beaucoup de travail. Les journées de
facilite les choses. Quand Philippe repère vaut proposer un prix acceptable. « Mais Philippe commencent à 3 heures du matin
un beau produit à un prix raisonnable à moi je vends le top de l’élevage comme le pour finir à 21 heures : « Mais qui veut en-
Rungis, il le prend. Il sait qu’il pourra le saumon d’Écosse label rouge ». core faire tout ça aujourd’hui ? Un apprenti ne
proposer à ses clients, qu’il sera vendu et Ses clients testent, comparent parfois peut travailler que 25 heures par semaine. Et
qu’ils seront contents. avec ce qu’ils trouvent en supermarché, en plus on est ouvert tous les jours ! »
Rungis, il connaît. Il va s’y approvisionner mais ça ne l’inquiète pas : « Ils en revi- Peut-être la raison pour laquelle, on ne
tous les jours : « Avant de reprendre cette ennent tous ! En plus, je suis moins cher trouve plus les poissonniers que sur les
poissonnerie, j’y étais mandataire et gros- que beaucoup de marchés parisiens ! » marchés.
siste au pavillon de la pêche. » Ce qui ne l’empêche pas de privilégier la « La retraite, je pourrais déjà y être. Je ne
Quand il a repris ce commerce il y a 15 qualité : « Je lève les filets à la demande. suis donc pas inquiet ! » : Philippe est philos-
ans il y avait à peine une vingtaine de Les Saint Jacques, je les achète fraîches ophe mais surtout poissonnier passionné…
produits d’exposés. Aujourd’hui avec les en coquille. Je les ouvre pour mes clients STéphane TIxIER
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6. chÂtEAu RouGE
Le marché de Château Rouge : un bout
De magnifiques éventaires et de succulents
produits exotiques mais pas toujours au
meilleur prix
D
oNNez-MoI un kilo de gombo, s’il
vous plaît. » Une fois par semaine,
« Madame n’Diaye vient depuis Bré-
tigny sur orge se ravitailler en produits africains
au Marché de Château Rouge.
Coincé entre la rue Poulet et la rue des Poisson-
niers, la petite rue Dejean était probablement pré-
destinée à accueillir des magasins de bouche.
Mais ici, les volailles, le cabillaud, les courgettes
et les poires ont été remplacés par le jakato, le
malanga, le manioc, la christophine, la chayote,
le gombo, la banane plantin, le vivaneau, le ca-
pitaine et le tilapia.
Dans ce temple de l’exotisme, les commerces
marchent par trois : trois poissonneries, trois
boucheries et trois primeurs… et « Trois patrons
qui détiennent l’ensemble de ce marché, ironise
Hassan, le patron du bistrot du coin ». installé
ici depuis dix ans, Hassan connaît tous les com-
merçants. Derrière son comptoir en zinc et dans
une grande pièce éclairée de lumière vive, il sert
Le plus exotique
de bonne heure des verres de vins ou des cafés des marchés parisiens
serrés à des vendeurs qui ont commencé leur a su s’adapter
journée très tôt. à une clientèle
Le marché du Château rouge ne connaît pas essentiellement
la crise. Derrière cette invitation au voyage se africaine.
cache un commerce florissant : « Les acheteurs
viennent de loin, raconte fièrement Hassan, car
c’est le seul endroit où l’on trouve ce type de
produits. »
Mais rareté rime aussi avec cherté. Les prix éle-
vés affichés en gros sur des pancartes fluo, ne se
négocient pas toujours.
Même le poisson surgelé venu du Sénégal, reste
inaccessible pour Madame n’Diaye. Elle ne remplit
son panier qu’au prix d’un long marchandage avec
chacun des commerçants. Mais aujourd’hui, les
prix sont élevés et les bonnes affaires sont rares.
Seuls les vendeurs à la sauvette de DvD pira-
tés proposent des prix battant par nature toute
concurrence. Madame n’Diaye troque donc fi-
nalement le traditionnel poulet yassa contre trois
films dans la besace.
Baya SEkHRAoUi
6 – 7 janvier 2011 – master mag’
7. chÂtEAu RouGE
d’Afrique à Paris Les états d’âmes
du boucher “gaulois”
au marché africain de château-rouge, Jacques – breton
de souche ! – s’est adapté, bon gré malgré, à sa nouvelle
clientèle.
tôt, travailler dans le froid. C’est la
convivialité et l’entre-aide qui nous
permet de tenir ! »
Jacques incarne l’ancien marché,
celui d’avant l’arrivé des Africains
dans le quartier.
« Avant c’étaient des gaulois ici…
mais bon, faut s’adapter, hein !
Y’avait des fromagers, des charcu-
tiers mais les Africains y mangent
pas de ça. » Comme ses patrons,
il s’est adapté : « Faut bien vivre.
moustache haute, verbe fleuri et C’est le client qui décide, hein ! ».
rire facile, Jacques aurait pu jouer Jacques raccompagne Ali. Il
le boucher dans un film de Jeunet regarde, circonspect, l’étal de son
et Carro. Son tablier blanc immac- ami poissonnier. Il faut dire que le
ulé témoigne de son goût du travail vivaneau, le capitaine et le tilapia
bien fait. Lui est breton. D’ailleurs se cuisinent peu dans sa Bretagne
à Château Rouge, les patrons sont natale : « Quand je rentre chez moi
bretons ou Normands. à Choisy, je préfère manger des
A huit heures, Chez Hassan, le bis- plats d’ici, de la charcuterie et du
trot du marché, Jacques retrouve fromage ! »
les autres vendeurs. Pour lui ce Au marché de Château-Rouge,
sera un ballon de rouge. Pour Ali, Jacques vend des tripes de
le collègue poissonnier, un café mouton, des ailes et des gésiers
bien serré. Les commentaires vont de poulet pour des plats africains.
bon train surtout ceux de Jacques : Mais, lui, ne les a jamais goûtés…!
« Le métier est dur, il faut se lever nadège TéTAz
Recette
Poulet Yassa de Madame n’Diaye
ingrédients :
• 1 poulet Couper le poulet en morceaux de poulet
• 4 citrons morceaux et le faire et les faire griller de tous
• 4 gros oignons macérer pendant 2 les côtés dans une cocotte.
• 4 cuillères à soupe heures au moins avec Retirer les morceaux
d’huile d’arachide ou l’huile, le jus et l’écorce de poulet et faire revenir
d’huile de palme ! des citrons, les oignons les oignons égouttés avec
• 250 g de riz émincés, le piment coupé l’huile d’arachide.
• sel/poivre en morceaux, le sel et le Laisser cuire doucement.
• 1 piment rouge poivre. Bien remuer les Rajouter la marinade et
• 1 cube « Maggi » selon morceaux de poulet pour les morceaux de poulet
la version qu’ils soient imprégnés de grillés et mouiller avec
la marinade. Égoutter les de l’eau.
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8. nEuILLy
Un marché classe à deux pas de Paris :
Couvert, ouvert du lundi
du samedi, il a particularité
d’accueillir à la fois des
commerces de bouches,
des restaurants et des étales
de décorations : bijoux,
vêtements, mobiliers…
P
ARkINg gardé, gratuit la première
heure » : une pancarte qui rassure sur-
« tout quand on est à neuilly ! En plus, il
permet un accès rapide aux commerces.
A la sortie de l’ascenseur, l’ambiance des lieux
est saisissante. Les 70 commerces cohabitent
dans un mélange des genres, même si les em-
placements sont clairement établis et délimités.
Un plan à l’entrée permet d’ailleurs de mieux
s’y retrouver.
Mais sans doute vaut-il mieux se laisser aller à
flâner dans ce joyeux fourre-tout, où se côtoient
commerçants, artisans et restaurateurs. Au cœur
d’une allée, un artisan rempailleur restaure une
chaise pendant que son collègue conçoit une ban-
quette pour valentino. Cet atelier grandeur nature
est ouvert au public à quelques mètres d’une ta-
pissière et d’un poissonnier.
Tous ces commerçants et artisans ont en com-
mun leur fidélité à ce marché. Ce dernier était Un marché propret début n’est plus. Avant la semaine se clôturait
autrefois en extérieur. Le bâtiment qui l’abrite devenu de plus en le samedi par un apéro en cœur du carré. Cette
aujourd’hui date de 1974. Christian, le placier plus confortable au fil convivialité a disparu ! »
du marché depuis plus de 35 ans, connaît bien des années. Seuls les Aux douze coups de midi, l’odorat s’emballe.
anciens y ont gardé
l’histoire : « C’est devenu plus confortable mais Le marché change de visage. Les métiers de bou-
droit de cité.
comme il y avait moins de places, il a fallu choisir che s’activent pour accueillir les travailleurs du
entre les nombreux candidats. on a retenu les quartier. Lieu de rencontre ou d’échanges, dont
commerçants les plus anciens. » l’affluence fluctue au gré de la météo.
Les marchands sont locataires de leur empla- Françoise, une chargée de clientèle d’une qua-
cement et doivent s’acquitter d’un loyer auprès rantaine d’années, déguste la tartiflette du jour :
d’une société de gestion « le bureau ». Les murs « Cela fait quinze ans que je viens ici pour déjeu-
demeurent la propriété de la mairie. ner. C’est très convivial, mais par contre je n’y
fais jamais mes courses : c’est inabordable ! »
Un placier nostalgique Sandrine, elle, sert des crêpes à ses clients. C’est
Le « bureau » assure la police des lieux. C’est le la plus jeune patronne du marché. Elle a succédé
travail de Christian, qui doit arbitrer à la fois les à Blanche, devenue son employé, le temps de
conflits entre les clients et les commerçants mais passer le témoin : « Je veux conserver l’activité de
aussi ceux entre commerçants. Et notre placier départ en y apportant ma touche personnelle. »
de se souvenir avec nostalgie : « L’ambiance du Sans aller toutefois jusqu’à concurrencer ses
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9. nEuILLy
le carreau de Neuilly Portrait d’une
pionnière du Carreau
« euréka ma maison », la boutique de
nicole est une échoppe où l’on trouve
tout : de la droguerie aux arts de la table
Grande, brune, la soixantaine élégante, Nicole
accueille sa clientèle dans une véritable caverne d’Ali
Baba… Arrivée de Pologne il y a plus de trente ans,
elle décide, encouragée par son mari, de reprendre
cette droguerie. À l’époque, ce marché de Neuilly
était en extérieur. Elle a donc été une des premières
commerçantes à s’installer dans ce nouvel espace
couvert et à faire évoluer son affaire :
« Très vite, j’ai souhaité élargir mon offre. J’ai profité
du départ de mon voisin pour agrandir ma surface de
vente et élargir la gamme de produits. »
Aujourd’hui, sur des étagères alignées du sol du
plafond, les produits d’entretien de luxe côtoient les
ustensiles de cuisine. Dans un coin, les verres et les
voisins. ici, le commerce va de pair avec le res-
couteaux trouvent place à proximité d’assiettes aux
pect de la tradition et l’absence des grands bou-
tons dégradés. Près de l’entrée, les cocottes, poêles,
leversements.
Le premier souci est de satisfaire une clientèle
marmites s’empilent dans un joyeux bric-à-brac. De
privilégiée. L ’esprit du marché allié au confort quoi témoigner de l’engouement actuel pour le « cui-
d’un bâtiment climatisé y contribue. Et ça mar- siner vrai » :
che : « Ici, raconte sandrine, on croise réguliè- « Je me dois de satisfaire toutes les demandes de
rement dans les allées Jean Amadou, Véronique mes clients. Nous sommes un véritable mouton à cinq
Jeannot ou Charles Pasqua. » pattes. Et si je n’ai pas le produit demandé, je vais le
Certains employés du Carreau sont même de- dénicher ailleurs ! ».
venus des célébrités. Le comédien Jean Reno a La clientèle, toujours exigeante tant en termes de
travaillé ici comme employé de droguerie avant de prix que de qualité, est donc assurée de trouver son
devenir propriétaire de son stand de photos. bonheur.
Bref, un marché tellement diversifié et agréable Aujourd’hui, Nicole est un peu moins présente dans
qu’on y passe facilement plus d’une heure. Du sa boutique. Pas par lassitude mais uniquement pour
coup, le parking n’est plus gratuit : 2 euros la profiter de son statut de jeune grand-mère. Une re-
deuxième heure et 4 euros l’heure supplémen- traite toute provisoire. Nicole n’est pas prête à quitter
taire : eh oui, on est bien à neuilly ! ses casseroles…
CyrillE THoMy naThalie nOUeTTe-delOrMe
master mag’ – 7 janvier 2011 – 9
10. LEs EnfAnts RouGEs
Les Enfants Rouges ne sont pas orphelins
Dans une ambiance de
village, les habitants du
quartier y font leurs courses
et ceux qui travaillent tout
près y déjeunent
C
’EST un endroit bien caché au cœur du
quartier du Marais. Le nom est étrange.
Le portail est discret, coincé entre deux
immeubles. Mais, une fois les portes franchies, on
découvre le plus vieux marché de Paris. Ce sont
des enfants abandonnés et habillés de rouge d’un
orphelinat voisin du Xvie siècle, qui lui auraient
donné son nom.
Sous 2 000 m2 de halles classées monument
historique, vingt commerçants tiennent boutique
dans un environnement préservé. Tout le monde
se connaît depuis des années et chacun donne à
ce lieu un air de famille, apprécié autant par les Un marché à taille des ardoises, et invite à les goûter sur des tables
habitués que par les clients de passage. humaine qui jouit de installées derrière chaque stand.
Marché à taille humaine, les étals - à mi-chemin quatre siècles d’histoire. Ce matin, Michele l’italien a préparé de la mo-
entre boutique et étalage - y sont limités mais ri- zarella farcie de roquette, de tomates séchées
ches en parfums, en couleurs, et en personnalités. et de bresaola, c’est beau et on n’y résiste pas.
Chaque commerçant affiche ses spécialités sur En face, sur un stand de produits d’agriculture
biologique, potimarrons, pâtissons et crônes se
partagent la vedette avec les plus « classiques »
pommes, figues, noix et noisettes. Des effluves de
Un peu d’histoire viande grillée et d’épices se dégagent des stands
à l’autre bout de l’allée.
Créé en 1615 par deux commis- ville de Paris en 1912. Cuisine du monde
saires de guerre de Louis Xiii, Lorsqu’il est menacé Paisible le matin, le marché change de visage à
le petit marché devait approvi- de destruction en 1995, des midi et se transforme en cuisine du monde.
sionner le Marais. installé sous associations d’habitants se Spécialités régionales françaises mais aussi
une halle en bois et équipé mobilisent pour sa conservation marocaines, libanaises, japonaises, italiennes ou
d’un puits et d’une étable, il et grâce à leur action, il est afro antillaises sont ainsi proposées : du colombo
rencontrait un succès important. rouvert en novembre 2000. de poulet du « Corossol » au risotto « taleggio i
il tient son nom de « Marché inscrit à l’inventaire de parma » de chez « Michele » en passant par le
des enfants Rouges » d’un Monuments historiques, il est « bento » de Takeo ou le couscous marocain agré-
orphelinat, établi au Xvie siècle, devenu le cœur vibrant de la vie menté de pâtisseries.
qui recueillait les enfants perdus du quartier, Les allées étroites ne permettent pas de s’éten-
et les coiffait d’un bonnet rouge. « la place du village », comme dre à l’infini alors chacun colle ses tables à cel-
Lorsque la mission quitte les l’appellent les habitants. les du voisin. La promiscuité ne gêne personne,
lieux, en 1777, les Enfants- Aujourd’hui, ce marché est au contraire. Les clients partagent, dans ce qui
Rouges devinrent un vrai ouvert tous les jours de la ressemble à une place de village, un mélange de
marché couvert. Le marché des semaine. convivialité, d’échanges et de complicité. Plutôt
Enfants Rouges sera cédé à la anna DA CoSTA rare dans une grande ville !
VéroniquE sErVE
10 – 7 janvier 2011 – master mag’
11. LEs EnfAnts RouGEs
de clientèle Enfant des îles
aux Enfants Rouges
Zacharie est serveur au Corossol. Ce res-
taurant afro antillais du Marché des Enfants
Rouges, dont le nom évoque un fruit exotique,
accueille touristes et habitués sur quelques
tables aux couleurs vives et motifs « madras ».
Jeans slim, veste de cuir ajustée, sourire
charmeur et voix douce, ce jeune homme
élancé de 20 ans à peine travaille à Paris
depuis deux ans. étudiant en alternance en
hôtellerie et restauration, il fait ses débuts dans
un restaurant gastronomique du VIIIe arrondis-
sement : « C’était une bonne école, mais un
peu strict ! ». Le jeune homme préfère finale-
ment le cadre simple et convivial du restaurant
de sa tante, au cœur de ce marché discret du
Marais.
zacharie apprécie bien le plus ancien marché
de Paris, en particulier son esprit familial :
INFOS PRATIQUES « Ici tout le monde se connaît, il n’y a pas de
39 Rue de Bretagne, 75003 Paris concurrence, chacun a sa spécialité : antillais,
ouverture : japonais, libanais… »
– Mardi, mercredi, jeudi : Sur un fond de musique afro caribéenne, à un
de 8h30 à 13 heures et de 16 heures à 19h30 client qui vient de s’attabler, zacharie propose
– Vendredi, samedi : la carte du jour : tarte coco et fruit confits, jus
de 8h30 à 13 heures et de 16 heures à 20 heures de gingembre ou assortiment d’accras.
Dimanche : de 8h30 à 14 heures Un peu plus tard, les travailleurs du quartier fi-
Les stands : nissent de déjeuner. Le soir, ce sera le tour des
• fruits et légumes bio, primeur • poissonnier, caviste, fromager, habitants du quartier ou touristes de passage.
boulanger, charcutier • traiteurs antillais, libanais, marocains, Ils viennent pour l’apéritif, partager des saveurs
portugais, italiens • fleuristes de France et d’ailleurs. Comme les petits plats
métro : Filles du Calvaire (0.3 km) Saint-Sébastien-Froissart (0.4 km) de la tante de zacharie… !
station vélib’ : Mairie du 3e (0.2 km) eMManUel SaraZin
master mag’ – 7 janvier 2011 – 11