[TOURISME TRANSFORMATION]️ La #crise sanitaire mettra fin au #tourisme de masse au bénéfice d'un tourisme plus #humain plus #responsable et plus #artisanal.
️⏳ Des séjours moins lointains moins longs moins artificiels.
✅ Un retour au tourisme #local raisonnable, privilégiant le partage et la rencontre.
♻️ Un virage vers la sobriété énergétique, un besoin de #nature qui s'étend à la transformation du paysage urbain pour des #villes vertes desserrées.
La métamorphose concerne tous les secteurs, du #sport (mobilité douce) en passant par la #santé (phytothérapie) ♀️❤️
1. L’OBS/N°2902-18/06/202082 ARNAUD BERTRANDE, (AFP)
PHÉNOMÈNE
Vers la fin
du tourisme
de masse ?masse ?masse ? ?
G
iovanniDeLucan’apasencorerelevéle
rideau de sa galerie du quartier du Dor-
soduro à Venise. Son affaire est dans le
rouge,commecellesdetouslescommer-
çantsdelaSérénissime.Acettepériode,
d’habitude,lavilleestpleineàcraquer.Asphyxiéepar
letourismedemasse.Maisdecesurtourisme,lacité
des Doges est passée en trois mois au sous-tourisme
–àl’instardebeaucoupd’autrescapitalesenEurope
etdanslemonde.Alors,Giovanniattendleretourdes
visiteurs,quinemanquerapasd’arriver.Pourautant,
il avoue que, durant cette période aussi angoissante
DES VISITES
VIRTUELLES DE LA
PLACE SAINT-MARC
PERMETTRONT-
ELLES DEMAIN
DE DÉSENGORGER
VENISE ?
Sonné par la crise du Covid,
le secteur du voyage entame
son mea culpa et repense l’avenir
de nos vacances. Histoire
que le tourisme “éthique”
devienne (enfin) autre chose
qu’un slogan marketing
Par DORANE VIGNANDO
masse ?
2. L’OBS/N°2902-18/06/2020 83GUILLAUME DARRIBAU/REA
TENDANCES
·S
PÉ C I A L
·
· 2 0 2 0
·
“Venise
ne peutplus
accueillir
autant
de monde.
Nous
sommes
devenus
lesartisans
desa
destruction.”
GIOVANNI DE LUCA
qu’étrange, il a goûté au bonheur de (re)voir sa ville
respirer,contemplantlespoissonsquibarbotaientdans
l’eau redevenue claire des canaux : « La pandémie a
été terrible socialement et économiquement, mais elle
arévéléaussinosfailles,notremanquedeclairvoyance.
Venisenepeutcontinueràaccueillirautantdemonde,
reconnaît-il. Nous sommes devenus les artisans de sa
destruction.Lepostulatquiconsisteàcroirequeplusil
yadetouristes,plusonfaitdel’argentestunesottise… »
Dans les rues, certains Vénitiens « touristophobes »
lancent déjà des slogans comme « Les humains sont
le vrai virus ». Presque un écho à la sentence de feu
l’académicienJeanMistler :« Letourismeestl’indus-
triequiconsisteàtransporterdesgensquiseraientmieux
chezeuxdansdesendroitsquiseraientmieuxsanseux. »
Cepostulatnedateeneffetpasd’hier.En 2017,une
manifestation anti-touristes à Barcelone, fortement
suivieparleshabitants,dégénéraitavecl’attaqued’un
bus.Unexempleparmid’autresduras-le-boldespopu-
lations locales, qui de Barcelone à Dubrovnik, des
templesd’AngkorauxîlesFéroé,sontconfrontéesàla
surfréquentationdeleurlieudevie.Ilfautgarderen
tête une donnée clé du secteur du voyage : 90% du
tourismemondialseconcentresur…3%delasurface
delaplanète.La« tourismophobie »estsuffisamment
prise au sérieux pour être déjà envisagée comme la
prochaine crise qui touchera le secteur. « Depuis des
années,notreproblème,c’estladéraison,remarqueLuc
Tromme,fondateurdeHorsCircuit,uneagencemaro-
cainedetourismeresponsable.Jemedemandemême,
pour l’avoir expérimentée, en quoi une visite virtuelle
en3DdelaplaceSaint-MarcouduLouvreneseraitpas
plus agréable à vivre qu’une présence physique sur
place ! » Aujourd’hui, ce rejet du tourisme de masse
estpartagéjusqu’auParlementeuropéen,oùKarima
Delli,eurodéputéeEELVetprésidentedelacommis-
siondesTransportsetduTourisme,n’acessédemar-
telercesderniersmoisque« les33 millionsdevisiteurs
annuels à Venise, les bateaux de croisière géants, le
milliard et demi de passagers aériens en plus chaque
annéedepuisunedécennie,c’estfini ! »Ilfaudraitdonc
faire advenir un tourisme plus humain, plus respon-
sable,plusartisanal…Sicettelitanietourneenboucle
depuislongtemps,elleprendàl’heuredudéconfine-
mentunetonalitédifférente.
LE MALAISE DU “ALL INCLUSIVE”
Bien sûr, afin de sauver les emplois, l’économie des
Etats passe avant les états d’âme. Du gouvernement
français qui a injecté 18 milliards dans le secteur aux
pays européens qui rouvrent leurs frontières cet
DANS LES CITÉS
HISTORIQUES DU SUD
DE L’EUROPE, LES
MANIFESTATIONS
SE MULTIPLIENT
CONTRE LE
TOURISME DE MASSE,
COMME ICI
À BARCELONE.
3. L’OBS/N°2902-18/06/202084 JEOFFREY GUILLEMARD/HAYTHAM-REA
TENDANCES
été, tout le monde veut sauver le tourisme. Mais,
déjà,lebateautangue.Lesobservateursextérieursont
tirélespremiers :« C’estuneéconomietropfragilepour
qu’onmisedessus.Commelesautres,elleépuiselapla-
nètealorsqu’ilfautsauveretrestaurercequipeutl’être
encore. Ne manquons pas cette occasion-là », avertit
Rodolphe Christin, auteur de « La vraie vie est ici.
Voyagerencore ? »(éditionsEcosociété).
Miseàterre,l’industrietouristiquea,elleaussi,saisi
l’occasionpourcommenceràserepenser.Tour-opé-
rateurs,agenceslocales,distributeurs,associationsde
développementdurable…,lesprisesdeparolesemul-
tiplientsanslanguedebois.« Aujourd’hui,ilyabeau-
coup de produits qui ne correspondent plus à ce que
veulent les gens. Dorénavant, continuer à vendre des
formules“allinclusive”dansdesclubsavecdesbuffets
géants ou des croisières sur d’énormes paquebots pol-
lueurs,celaprocuremêmeuncertainmalaise »,explique
ChristopheSentuc,fondateurdeDirectTravel,salon
desindépendantsduvoyagelocaletsurmesure.
DES SÉJOURS MOINS ARTIFICIELS
Sontnotammentviséslesexempleslesplusfrappants
dedébauchesdemoyenslesplusabsurdes,commeles
plagesbondéesd’Ibiza,rempliesàcoupsdecharters,
et les week-ends à New York à 250 euros. Les opéra-
teurs réorientent déjà leurs offres vers des séjours
moins lointains, moins longs et moins artificiels :
« Nousentronsdansuneèrederéparationetpasseule-
mentderévisionhâtivefaitedepetitsajustementstech-
niques », poursuit Christophe Sentuc. Ces dernières
semaines,lesacteursdumilieusesontégalementacti-
vés sur les réseaux sociaux. Avant même le début du
confinement, Fabio Casilli, l’ancien patron d’Italie
& Co,lançaitunappelsurFacebookpourréfléchirdéjà
à l’avenir du tourisme. Ainsi naissait le groupe « Res-
pire, le tourisme de demain », sorte de think tank
accueillant textes, articles, pistes de réflexion sur la
formation,l’hypermobilité,lesurtourisme,ladurabi-
lité…LegroupedeFabioCasilli,quinerassemblaitau
départ qu’une dizaine de comparses, compte
aujourd’hui plus de 2 300 membres. Une association
va même être créée afin de publier un livre blanc
détaillant des propositions concrètes pour les poli-
tiques et les institutionnels. « Pour-
quoi ne pas proposer une charte
éthiqueduvoyageurdanslesavions,
parexemple ?Ilfautfaireensorteque
letourismeéthiqueetdurablenesoit
pasunenichepourrichesmaisbelet
bien la norme ! Que l’écotourisme
puissesevendrepluscherquelereste
estscandaleux.Ilestindispensablede
démocratisercesnouvellesvaleurs »,
affirme Luc Tromme, de Hors Cir-
cuit. Et cela passe dans un premier
temps par des escapades de proxi-
mité en France, destination refuge
decetété2020.
Pour limiter la casse dans les semaines à venir,
d’autrestour-opérateurssesontadaptésaucontexte.
Ainsi, Guillaume Linton, patron d’Asia, agence spé-
cialiste de l’Asie et de l’Océanie, a revu sa brochure
exotique.Dorénavant,ilproposeaussidesséjoursdans
l’Hexagone« privilégiantlepartageetlarencontreavec
leslocauxetdespersonnagesemblématiques,unartiste,
un artisan, un collectionneur, un vigneron… ». Que le
client dorme dans un écolodge au Bhoutan ou dans
unepetiteaubergedeNormandie,ilneveutplusseu-
lementmangerdesproduitsbio,ilveutaussidiscuter
aveclechef,lefermierducoin,lespetitsproducteurs.
« Enunmot,ilfautrendreletourismeauxlocaux.Ilfaut
leur faire comprendre la richesse qu’ils ont entre leurs
mains, et c’est exactement cela que les voyageurs vont
allerchercher »,renchéritThierryTeyssier,fondateur
duclubdevoyageurs700 000 Heures.Cemaestrode
ce qu’on appelle désormais « l’hôtellerie expérien-
tielle » parcourt depuis des années le globe afin de
dénicher des lieux exceptionnels et d’y aménager
d’éphémèresmicrohôtelsdansuntemple,desmaisons
flottantesoudescabanes…Ilacommencéàreplacer
les échanges avec les populations au cœur de l’expé-
rienceduclient :« Letourismedoitredevenirprécieux.
Plutôt que de voyager vite quatre fois par an, il vaut
mieuxpartirunefoismaismieuxetpluslongtemps. »
L’après-Covidva-t-ilfaireapparaîtreuntourismeplus
raisonné,voireraisonnable ?Silespremierssignessont
encourageants,rienn’estgravédanslemarbre.Lesini-
tiatives qui fleurissent restent éparpillées. Selon
Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde, la
grandemétamorphoseduvoyage« neviendrapasdes
voyageurseux-mêmes,quin’enresterontpasmoinsdes
consommateurs,pourlaplupartsanssérieusepréoccu-
pation de l’impact de leurs déplacements sur l’environ-
nement.Non,lagrandemétamorphosenepourravenir
quedelapolitique ».Asesyeux,ilfautunevisiond’en-
semble pilotée en haut lieu, qui donne la direction à
suivreàtouslesacteurs.Récemment,Jean-PierreNadir,
lefondateurd’EasyVoyage,allaitencoreplusloindans
« l’Echotouristique » :« Letourismeindustrielestmort.
Avecladigitalisation,onatuél’empathiepourlesdesti-
nations,etaufinal,onestdevenulespromoteursdepas-
sionstristes. »Dèsmaintenant,ilestindispensableàses
yeux de réinventer le métier. Com-
ment ? « Déjà en arrêtant de surpro-
duire.Letourismedel’avenirconsiste
àpayernonpasleservicequinousest
proposé mais ce que nous consom-
mons. Le client paiera en fonction de
sa consommation d’énergie, de son
empreintecarbone. »Ilamêmetrouvé
laformuleadéquate :« Delasobriété
heureuse, chère à Pierre Rabhi, nous
devonspasseràlarationalitéjoyeuse. »
En attendant de partir en vacances
lemoinsloinpossible,noustâcherons
donc d’être sobrement heureux et
rationnellementjoyeux. ■
“Ilfaut
faireen
sorteque
le tourisme
éthiqueet
durable
ne soitpas
uneniche
pourriches
maisbel
etbien
lanorme.”
LUC TROMME,
DE HORS CIRCUIT
VOYAGER
MOINS LOIN,
MOINS LONGTEMPS,
UNE DES PISTES
POUR LE TOURISME
DE DEMAIN.