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Fêtes de Wallonie
Discours du Bourgmestre Paul Magnette
Charleroi
13 septembre 2013
Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les échevins,
Mesdames et Messieurs les conseillers communaux,
Chers collègues,
Chers concitoyens,
C’est un grand plaisir pour moi de m’exprimer devant vous à l’occasion
des fêtes de Wallonie, pour la première fois, en ma capacité de
Bourgmestre. C’est une tradition bien ancrée, dans notre cité qui est l’un
des hauts lieux de la mobilisation wallonne depuis plus d’un siècle. La
terre de Destrée et de Pastur, de Paulus et de Bertrand, dont nous
honorons chaque année la mémoire.
Le message que je voudrais vous délivrer est le suivant : l’ambition
wallonne est en train de changer de nature, un nouvel état d’esprit
wallon, créatif et serein, est en train de naître.
L’affirmation wallonne fut longtemps offensive, parfois même agressive.
C’est qu’elle était contestation d’un ordre établi, opprimant les réalités
régionales, et demande d’autonomie. Aujourd’hui, l’autonomie est là, la
Région dispose de compétences et de moyens larges, ses citoyens élisent
leurs représentants, qui siègent en leur parlement, désignent et
contrôlent leur gouvernement. Ce qui fut le rêve lointain de la
génération de Destrée, l’espérance vive des congressistes wallons des
années trente, l’ambition des hommes et des femmes de la résistance, le
combat des militants régionalistes au temps des grèves de soixante puis
de la grande crise industrielle, cette grande ambition démocratique est
désormais une réalité, qui a atteint sa pleine maturité.
D’où, sans doute, la sérénité remarquable qui a régné dans les débats sur
le transfert de compétences issu de la sixième réforme de l'État. Il y a
quelques années encore, de tels transferts auraient donné naissance à de
vives querelles, aujourd’hui ils relèvent presque de l’évidence. Une
Wallonie reconnue dans son autonomie, qui exerce des compétences
larges depuis plus de vingt ans, a presque naturellement vocation à voir
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s’élargir le spectre de son action. Les nouvelles matières qui vont échoir
à la Wallonie sont d’autant plus enthousiasmantes qu’elles s’inscrivent
dans la pleine continuité des compétences qu’elle exerce déjà, et qu’elles
touchent à des enjeux essentiels pour son devenir, les enjeux de l’emploi
et de la cohésion sociale. Nous, Carolos, qui nous enorgueillissons
d’accueillir sur notre territoire la capitale sociale de la Wallonie, ne
pouvons d’ailleurs que nous réjouir de la voir renforcée dans cette
dimension, et dire notre volonté d’accueillir bientôt chez nous de
nouveaux fonctionnaires wallons.
La Wallonie, donc, bien assise dans ses institutions démocratiques et ses
compétences larges, n’a besoin pour s’épanouir ni d’exemples extérieurs,
ni d’adversaires plus ou moins imaginaires. La Wallonie tire son énergie
et son dynamisme d’elle-même, de la vitalité de sa société civile et de
l’enthousiasme de ses forces vives. Si le chant des Wallons nous rappelle
qu’il « ne faut pas braver notre colère », cette petite phrase a désormais
valeur de témoignage historique. Puisque nous sommes reconnus, nous
ne sommes plus en colère, et rien ne nous est plus étranger, à nous
Wallons, que la rancœur, le ressentiment ou le rejet de l’autre.
La Wallonie n’a plus besoin non plus de la rhétorique négative que
certains, avec une infatigable mais fatigante constance, continuent de
nous servir. Cette longue et lancinante élégie sur le thème du déclin
wallon, ces noires perspectives et ces sombres desseins que d’aucuns
s’amusent à dépeindre, sont aussi néfastes qu’inappropriés.
Inappropriés, car il n’est tout simplement pas vrai que la Wallonie ne se
relève pas économiquement. Depuis cinq ou six ans au moins, les chiffres
montrent année après année que nous produisons davantage, que nous
innovons davantage, que nous attirons davantage d’investissements, que
nous créons davantage d’emplois et exportons davantage nos produits et
notre savoir-faire. Nous venons d’être reconnus par les instances
européennes, avec la Toscane, comme l’une des deux régions les plus
créatives d’Europe. Il reste bien sûr du chemin, surtout pour assurer que
cette reprise profite à tous, mais le mouvement est là.
La rhétorique négative n’est pas seulement inappropriée, disais-je, elle
est aussi néfaste, parce qu’elle va à contre-courant de l’état d’esprit
actuel des Wallons. La lamentation n’a plus cours, les Wallons, les jeunes
Wallons en particulier, ne se reconnaissent plus du tout dans ce discours
défaitiste, parce qu’ils sont actifs, parce qu’ils entreprennent, parce qu’ils
rayonnent, et parce qu’ils le font en Wallonie et depuis la Wallonie, sans
3
fierté excessive, parce que le Wallon n’est pas chauvin, mais sans
complexe.
Le meilleur exemple de ce nouvel état d’esprit wallon est sans doute
cette initiative prise par dix jeunes chefs, dix grands cuisiniers dont
notre cher Laury Zioui, de fonder un collectif, Génération W, pour
défendre leur savoir-faire. Voilà une génération de créateurs de talent,
reconnus bien au-delà de nos frontières, qui se disent et nous disent que
le temps est venu de faire savoir que leur talent vient d’ici, qu’il est
inscrit dans la réalité culturelle et sociale d’ici. Que non seulement il n’y a
pas à en avoir honte, mais qu’on peut même en tirer une certaine fierté.
Non pas pour se replier sur nous-mêmes, non pas pour nourrir un
chauvinisme étroit qui ne correspond en rien à l’humeur wallonne. Mais
au contraire, pour affirmer, avec force, que leur talent,
internationalement reconnu, est intimement lié au territoire dans lequel
ils se sont formés et où ils travaillent.
A priori c’est une petite chose, mais je suis convaincu que nous assistons
là au début d’une nouvelle dynamique. D’autres régions d’Europe ont vu
leurs grands chefs devenir les ambassadeurs de leur nouveau
dynamisme. Et ce n’est pas un hasard, car nos manières de manger, de
cuisiner, de partager nos repas avec d’autres, nos manières « d’éveiller
les sens », sont les plus forts révélateurs de notre culture. Cette initiative
de nos jeunes chefs est peut-être la pointe avancée de ce nouvel état
d’esprit que j’évoquais il y a un instant. Elle porte la force de leur propre
talent bien sûr, mais au-delà, elle porte la force de toute une profession
qui mélange ancrage culturel, savoir-faire technique et création, et à
travers elle le dynamisme d’un vaste secteur d’activité, depuis les
agriculteurs et les artisans, jusqu’aux restaurants et bistrots de terroir et
au tourisme local. Ce mouvement porte en lui une redécouverte des joies
simples de notre Région, de notre Wallonie si attachée à la convivialité, à
la tradition de la table ouverte, au partage des bonnes petites choses de
la vie, bref à ce doux hédonisme et à cette chaleureuse convivialité qui
sont sans doute notre plus précieux patrimoine immatériel.
D’autres créateurs suivront-ils le mouvement ? Nous verrons. Je suis de
ceux qui pensent que l’autorité politique ne doit pas interférer dans le
domaine des arts. Dans la littérature, comme dans le cinéma, le rapport
problématique aux identités collectives, et à l’autorité qui les représente,
est d’ailleurs une source intarissable de réflexion et de création, et toute
tentative de l’annexer à un projet d’affirmation identitaire ne peut, par
essence qu’échouer.
4
Mais cela ne doit pas empêcher d’espérer que l’exemple de nos chefs
sera porté par d’autres. Nous avons de nouvelles générations
d’architectes, d’urbanistes, de graphistes, de designers, de vidéastes, de
musiciens, de photographes, et bien d’autres, qui ont formé ici leur
esthétique, dans nos paysages singuliers, et dont l’œuvre est porteuse
d’un nouveau regard sur nous-mêmes qui peut être un précieux levier
d’introspection et d’enthousiasme. Ces créateurs, jeunes pour la plupart,
ont souvent des parents ou des grands-parents ouvriers, une grande
partie d’entre eux sont issus de l’immigration. Et cette trajectoire
particulière, reflétant l’histoire de la Wallonie, n’est pas pour rien dans
leur inventivité. Ils sont libres de tout académisme, peu empreints de
culture bourgeoise, naturellement ouverts sur le monde. Et ces
créateurs refaçonnent nos villes, nos espaces publics, nos intérieurs et
nos lieux de joies collectives, avec une richesse d’invention qui n’est pas
sans rappeler celle de la Belle époque.
J’ai le sentiment que nous sommes entrés, depuis quelques années, dans
l’une de ces riches saisons de création qui surgit à intervalle irrégulier
dans la vie d’un pays ou d’une région. Il n’est pas interdit d’espérer qu’un
interprète puisse faire voir à ces jeunes gens ce qu’ils ont en partage,
renforcer encore leur envie de créer ici et de le faire savoir partout
ailleurs, attirant par chez nous les créateurs venus des quatre coins du
monde, en quêtes de lieux authentiques, uniques et vivants, comme
notre Wallonie en compte tant.
Le Carolo que je suis, naturellement attaché à sa ville, est en tout cas
convaincu que cette nouvelle vague créative, qui retourne les traces et
les stigmates du passé en une énergie d’émancipation et d’ouverture au
monde, est le début d’un mouvement appelé à se déployer largement.
L’accueil remarquable réservé à notre nouveau poète urbain, Mochelan,
lors du festival d’Avignon cet été, en est l’un des signes précurseurs. C’est
en assumant avec force ce que l’on est, son histoire et son parcours, que
l’on se projette au mieux dans l’universel, et que l’on suscite l’empathie
et la curiosité.
Ce nouvel élan wallon, c’est ma deuxième conviction, a besoin pour
s’épanouir, d’une action publique résolue, ancrée sur le redéploiement
urbain. Je rejoins ici le propos porté l’an dernier par mon collègue et ami
Eric Massin. Donnons à la Wallonie une forte politique de la ville.
5
C’est, là aussi, renouer avec notre histoire. Nous appartenons à ce
morceau du continent européen que les grands historiens, depuis Henri
Pirenne jusqu’à Fernand Braudel, ont caractérisé comme l’Europe des
cités. De Mouscron à Verviers, et de Wavre à Arlon, la Wallonie est
profondément structurée par ses archipels urbains légués par la longue
durée. C’est un atout dont nous n’avons pas assez tenu compte. Que,
même, nous avons un peu gâché. L’étalement urbain, qui génère
d’immenses gaspillages écologiques et de ressources publiques, est aussi
un vecteur de déstructuration de nos campagnes, rongées par une
urbanisation amorphe et anarchique, et d’affaiblissement de nos villes,
qui se vident de leurs familles actives. Il faut, pour promouvoir à la fois
notre remarquable patrimoine rural et nos centres urbains, y mettre
fermement un coup d’arrêt, et nous recentrer sur la ville.
La ville est en effet, dans l’économie ouverte du vingt-et-unième siècle,
un atout majeur de développement. Parce qu’elle concentre les
ressources, les lieux de la formation et de l’innovation, en un espace
restreint favorisant les échanges, la ville est le principal moteur de
l’économie contemporaine. La Wallonie ne tire pas encore assez les
avantages de ses villes. Et l’on se retrouve avec ce paradoxe : les
métropoles qui tirent le développement régional sont presque toutes
situées en dehors du territoire. C’est Bruxelles, bien sûr, ville-région avec
laquelle les Wallons entretiennent de solides attachements, qui irrigue
tout le Brabant wallon et au delà une large part de la bande centrale de
la région. C’est Lille à l’Ouest, Luxembourg au Sud, Aix et Maastricht à
l’Est. Cette situation singulière est en grande partie le résultat d’une
longue histoire : située au cœur de l’Europe, au centre de la vallée
urbaine qui s’étend du Sud de l’Angleterre au Nord de l’Italie et de
l’Espagne, la Wallonie est inscrite dans l’un des plus denses réseaux
urbains du monde. C’est un atout, mais dont nous tirerions davantage
profit si nous profilions notre propres villes comme des pôles
métropolitains au cœur de cette vaste métropole polycentrique qui
s’étire d’Amsterdam à Cologne.
Ceci suppose que la Wallonie se dote d’outils qui l’aident à appréhender
et à façonner son propre territoire. Nous ne manquons pas de données,
de cartes et d’analyses. Les directions de l’administration wallonne,
l’Iweps, l’Institut Jules Destrée, la Conférence permanente du
développement territorial, toutes ces instances concentrant une
remarquable expertise et travaillant en étroite collaboration avec nos
universités, ont livré, chacune de leur côté et parfois ensemble, un riche
travail de réflexion sur ce qui fait notre territoire.
6
Mais nous manquons encore d’un lieu qui nous permette de prendre un
peu de surplomb, et de projeter dans la longue durée la forme que nous
voulons donner à notre espace. Créons, aux côtés du Gouvernement
wallon, un organe de réflexion territoriale stratégique permanent qui
donne à l’action publique des lignes de force et de conduite. Suscitons,
autour de ses analyses et de ces propositions, un vaste débat public, des
états généraux du territoire wallon, ouverts à toutes les forces vives.
Nous contribuerons ainsi à renforcer notre conscience de nous-mêmes
et à faire émerger un consensus territorial.
Un projet régional inscrit dans une perspective territoriale partagée
nous permettrait de rendre plus cohérents, et plus lisibles, les
investissements publics qui refaçonnent la Wallonie. Car reconnaissons-
le, s’il y a un mal dont nous ne sommes pas encore pleinement guéris,
c’est celui-là : nous souffrons encore de « guerres des bassins », certes
moins aigues qu’autrefois, et d’un sous-localisme qui freinent notre
expansion collective. Tout le temps que nous passons à tenter
d’implanter ici ce que d’autres voudraient implanter ailleurs, à chercher
à recevoir un petit bout d’investissement en plus que les autres, à
jalouser telle infrastructure ou telle institution, toute cette énergie
perdue dans des vaines et peu glorieuses querelles, nous aurions tout
intérêt à l’engager dans une dynamique collective où chaque partie du
territoire se sente impliquée parce qu’elle perçoit comment elle s’inscrit
dans un dessein qui la dépasse. Luttons avec force contre ce mal que
Freud appelait « le narcissisme des différences mineures », et nous y
gagnerons tous.
Réussir cette transition culturelle suppose, il faut le dire, un peu plus
d’autorité centrale. Nous n’avons pas en Wallonie, de tradition jacobine
et c’est tant mieux, parce que trop de centralisation produit parfois des
aberrations, comme on le voit par exemple dans l’échec des grands
ensembles français ou des villes nouvelles anglaises. Mais trop peu de
centralité nuit aussi. La décentralisation de nos directions
administratives a pour effet de nourrir de stériles rancoeurs. A
Charleroi, nous entendons trop souvent les pleurnicheurs se plaindre
que « tout va à Liège, ou à Mons ». Mais lorsque je parle avec mes
collègues montois ou liégeois, ils me disent que chez eux l’on se plaint de
voir privilégiés Namur ou Charleroi. Ces petites querelles intestines sont
nuisibles, parce qu’en dressant les parties du territoire régional les unes
contre les autres, elles les affaiblissent toutes. Ceci, pourtant, n’est pas
une fatalité.
7
L’exemple du développement aéroportuaire, comme celui du
redéploiement fluvial et des plateformes multimodales, le démontre.
Une stratégie pensée à l’échelle de la Région, misant sur ses pôles
métropolitains, en synergie avec les territoires environnants, jouant la
complémentarité entre les pôles, une telle stratégie a porté ses fruits.
Nous ne sommes pas devenus par hasard l’un des pôles logistiques les
plus attractifs d’Europe. Nous le sommes devenus grâce à des
investissements publics guidés par une vision cohérente du territoire
régional et des espaces qui l’entourent. Cet exemple, que la Flandre nous
envie, devrait nous inspirer davantage.
Dotons la Wallonie d’une instance où soient planifiés à long terme les
investissements liés à la mobilité, à l’assainissement des friches
industrielles, à l’aménagement des zones d’activité économique.
Inscrivons, en d’autres termes, le Plan Marshall 2022, dévoilé
récemment par le ministre-président Rudy Demotte, dans la carte de
notre territoire. Suscitons, là aussi, un vaste débat public sur ces
orientations. Posons collectivement, et en pleine transparence, ces
questions : comment combiner développement rural et préservation des
ressources naturelles, comment limiter le gaspillage inhérent à
l’étalement urbain, comment éviter les concurrences commerciales qui
vident les centres urbains, comment absorber la croissance
démographique annoncée ? Voulons-nous bâtir une ville nouvelle, ou
réparer et densifier nos villes historiques. J’ai quelques idées à ce sujet,
vous vous en doutez, mais j’aimerais que nous en fassions le cœur d’un
vaste débat démocratique, au travers duquel les Wallons
s’approprieraient leur territoire.
Cet élan régional ne va pas à l’encontre des dynamiques de bassins de
vie que l’on a vu naître ces dernières années. Réagissant à de brutales
crises industrielles, ou à de lents phénomènes d’exode et d’érosion, les
territoires wallons vécus se sont largement mobilisés ces dernières
années. Rien qu’ici, dans le Hainaut, on mesure bien le dynamisme porté
par les projets liés à la Wallonie picarde, au Cœur du Hainaut, et à
Charleroi-Sud Hainaut. Rassemblant les autorités politiques au-delà des
frontières partisanes, les représentants des partenaires sociaux, du
monde des affaires et des centres universitaire et d’innovation, ces
nouvelles dynamiques de développement, qui maillent désormais tout le
territoire wallon, sont porteuses de projets novateurs. Elles créent, en
outre, une émulation positive, chacun tentant de tirer les leçons des
bonnes pratiques de ses voisins, et d’exporter les siennes.
8
L’esprit d’union sacrée qui travaille ces mobilisations dans les bassins de
vie, et le dépassement des campanilismes qu’elles impliquent, sont de
puissants vecteurs de développement de projets concrets. Rien
d’étonnant dès lors que le ministre wallon des pouvoirs locaux et de la
ville, mon ami Paul Furlan, soutienne ces initiatives qui sont le parfait
complément des stratégies menées à l’échelle de la région dans son
ensemble, et qui le seront d’autant plus qu’émergera, à travers le débat
public, un territoire mental partagé, où chacun perçoive à la fois la
cohérence de l’espace commun, et la place qu’il y occupe.
S’il est une dimension des bassins de vie dont je suis convaincu que nous
devons faire une priorité, c’est le déploiement de l’enseignement
supérieur. La réforme que vient de porter le ministre Jean-Claude
Marcourt est d’une grande importance. Les pôles universitaires vont
permettre de dépasser les vieilles barrières entre enseignement
universitaire et non-universitaire, cycle long et cycle court. En
rapprochant les établissements, en créant des passerelles entre les
filières, en dotant la Fédération Wallonie-Bruxelles d’une université
ouverte, on va permettre à chaque étudiant de tirer le meilleur de lui-
même.
L’étape suivante consistera à développer l’offre d’enseignement dans les
bassins de vie. Aujourd’hui, alors que le taux d’étudiants sortis du
secondaire qui poursuit un parcours dans le supérieur est de 30 % à
l’échelle de la fédération, il est à peine de 12 % dans le Hainaut. C’est là
une injustice inconcevable, que nous devons combattre fermement en
permettant à tout étudiant du Hainaut de suivre une formation
supérieure dans son bassin de vie. Cela supposera une réforme en
profondeur du mode de financement de l’enseignement supérieur,
encourageant les établissements à investir dans les pôles et les bassins
aujourd’hui défavorisés.
Le troisième levier de ce redéploiement territorial, ce sont nos pouvoirs
locaux. Ils sont aujourd’hui en pleine recomposition, au gré notamment
de la réforme des provinces. Chacune se réorganise, en fonction de son
histoire propre, pour créer plus de cohérences entre les compétences
qu’elle exerce, se concentrer sur ce qu’elle fait le mieux, et éviter les
doublons avec les communes. Le complément naturel de cette
réorganisation, c’est la mise en place de fonds d’investissements pour les
pouvoirs locaux. Le ministre Paul Furlan a, là aussi, donné le ton, en
créant un droit de tirage pour les travaux de voirie. Chaque commune
9
sait désormais à quel montant elle a droit, sur le temps d’une mandature,
et peut planifier ses investissements dans la longue durée. Chaque
commune peut en outre, et je le répète, je pense que c’est un élément
essentiel de l’état d’esprit collectif, constater en toute transparence
qu’elle reçoit des montants justement proportionnés à ses besoins
objectifs.
Généralisons cette logique. Créons un fond d’investissements qui
permette à nos pouvoirs locaux de connaître clairement les subsides
disponibles pour la durée de la législature, et dans l’ensemble des
matières qui sont liées à leurs compétences. Chaque commune pourra
ainsi, comme cela se fait désormais pour les voiries, planifier ses
investissements dans la réfection des espaces et des bâtiments publics,
des écoles et des infrastructures sportives et culturelles. Un tel
mécanisme donnera à chaque commune la faculté de mener, en début de
législature, un vaste débat démocratique sur ses choix d’investissements
prioritaires. Là aussi, l’objectivation des montants et la transparence
contribueront à lutter contre ce sentiment démoralisant que l’on n’a pas
ce à quoi l’on estime avoir droit, et permettront de déployer une forte
pédagogie politique autour des choix publics, tant en termes de recettes
que de dépenses.
Voulons-nous investir beaucoup ou pas, et si oui dans quels secteurs, et
avec quelles ressources ? Voilà des questions essentielles à la définition
d’espaces publics locaux, qui seraient infiniment mieux posées si l’on
quittait la logique actuelle de cloisonnement en fonction des
départements ministériels, au profit d’une logique collective, enracinée
dans les espaces vécus.
Voici, chers amis, chers concitoyens, quelques idées que je voulais
partager avec vous à l’occasion de ces fêtes de Wallonie. Elles tournent
autour de la même ligne de force : la Wallonie est en pleine renaissance,
et elle amplifiera d’autant mieux ce mouvement qu’elle misera sur ses
talents, et sur ses villes.
L’un, d’ailleurs, va avec l’autre. La ville où l’on a choisi de vivre n’est pas
forcément celle où l’on est né. C’est celle que l’on a élue, en fonction des
affinités que l’on a développées au cours de son existence. « L’air de la
ville rend libre » disait le grand sociologue Max Weber, paraphrasant un
dicton de la renaissance. La ville, en effet, est ce lieu de haute densité
morale où se croisent les travailleurs, les étudiants, les commerçants, les
agents publics et les flâneurs. Elle provoque des rencontres, qui sont le
10
plus puissant instrument de la créativité. La ville est aussi, par
excellence, le lieu de la fête, qui reste le plus fort dissolvant des barrières
sociales et des préjugés, et le plus solide vecteur de projets collectifs.
Puisque nous sommes en ville, et puisque nous sommes un jour de fête,
célébrons cette joyeuse coïncidence, saluons ce nouvel état d’esprit
wallon, en lui souhaitant un bel avenir. Et que vive Charleroi, et que vive
la Wallonie !

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Discours fêtes de Wallonie 2013

  • 1. 1 Fêtes de Wallonie Discours du Bourgmestre Paul Magnette Charleroi 13 septembre 2013 Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les échevins, Mesdames et Messieurs les conseillers communaux, Chers collègues, Chers concitoyens, C’est un grand plaisir pour moi de m’exprimer devant vous à l’occasion des fêtes de Wallonie, pour la première fois, en ma capacité de Bourgmestre. C’est une tradition bien ancrée, dans notre cité qui est l’un des hauts lieux de la mobilisation wallonne depuis plus d’un siècle. La terre de Destrée et de Pastur, de Paulus et de Bertrand, dont nous honorons chaque année la mémoire. Le message que je voudrais vous délivrer est le suivant : l’ambition wallonne est en train de changer de nature, un nouvel état d’esprit wallon, créatif et serein, est en train de naître. L’affirmation wallonne fut longtemps offensive, parfois même agressive. C’est qu’elle était contestation d’un ordre établi, opprimant les réalités régionales, et demande d’autonomie. Aujourd’hui, l’autonomie est là, la Région dispose de compétences et de moyens larges, ses citoyens élisent leurs représentants, qui siègent en leur parlement, désignent et contrôlent leur gouvernement. Ce qui fut le rêve lointain de la génération de Destrée, l’espérance vive des congressistes wallons des années trente, l’ambition des hommes et des femmes de la résistance, le combat des militants régionalistes au temps des grèves de soixante puis de la grande crise industrielle, cette grande ambition démocratique est désormais une réalité, qui a atteint sa pleine maturité. D’où, sans doute, la sérénité remarquable qui a régné dans les débats sur le transfert de compétences issu de la sixième réforme de l'État. Il y a quelques années encore, de tels transferts auraient donné naissance à de vives querelles, aujourd’hui ils relèvent presque de l’évidence. Une Wallonie reconnue dans son autonomie, qui exerce des compétences larges depuis plus de vingt ans, a presque naturellement vocation à voir
  • 2. 2 s’élargir le spectre de son action. Les nouvelles matières qui vont échoir à la Wallonie sont d’autant plus enthousiasmantes qu’elles s’inscrivent dans la pleine continuité des compétences qu’elle exerce déjà, et qu’elles touchent à des enjeux essentiels pour son devenir, les enjeux de l’emploi et de la cohésion sociale. Nous, Carolos, qui nous enorgueillissons d’accueillir sur notre territoire la capitale sociale de la Wallonie, ne pouvons d’ailleurs que nous réjouir de la voir renforcée dans cette dimension, et dire notre volonté d’accueillir bientôt chez nous de nouveaux fonctionnaires wallons. La Wallonie, donc, bien assise dans ses institutions démocratiques et ses compétences larges, n’a besoin pour s’épanouir ni d’exemples extérieurs, ni d’adversaires plus ou moins imaginaires. La Wallonie tire son énergie et son dynamisme d’elle-même, de la vitalité de sa société civile et de l’enthousiasme de ses forces vives. Si le chant des Wallons nous rappelle qu’il « ne faut pas braver notre colère », cette petite phrase a désormais valeur de témoignage historique. Puisque nous sommes reconnus, nous ne sommes plus en colère, et rien ne nous est plus étranger, à nous Wallons, que la rancœur, le ressentiment ou le rejet de l’autre. La Wallonie n’a plus besoin non plus de la rhétorique négative que certains, avec une infatigable mais fatigante constance, continuent de nous servir. Cette longue et lancinante élégie sur le thème du déclin wallon, ces noires perspectives et ces sombres desseins que d’aucuns s’amusent à dépeindre, sont aussi néfastes qu’inappropriés. Inappropriés, car il n’est tout simplement pas vrai que la Wallonie ne se relève pas économiquement. Depuis cinq ou six ans au moins, les chiffres montrent année après année que nous produisons davantage, que nous innovons davantage, que nous attirons davantage d’investissements, que nous créons davantage d’emplois et exportons davantage nos produits et notre savoir-faire. Nous venons d’être reconnus par les instances européennes, avec la Toscane, comme l’une des deux régions les plus créatives d’Europe. Il reste bien sûr du chemin, surtout pour assurer que cette reprise profite à tous, mais le mouvement est là. La rhétorique négative n’est pas seulement inappropriée, disais-je, elle est aussi néfaste, parce qu’elle va à contre-courant de l’état d’esprit actuel des Wallons. La lamentation n’a plus cours, les Wallons, les jeunes Wallons en particulier, ne se reconnaissent plus du tout dans ce discours défaitiste, parce qu’ils sont actifs, parce qu’ils entreprennent, parce qu’ils rayonnent, et parce qu’ils le font en Wallonie et depuis la Wallonie, sans
  • 3. 3 fierté excessive, parce que le Wallon n’est pas chauvin, mais sans complexe. Le meilleur exemple de ce nouvel état d’esprit wallon est sans doute cette initiative prise par dix jeunes chefs, dix grands cuisiniers dont notre cher Laury Zioui, de fonder un collectif, Génération W, pour défendre leur savoir-faire. Voilà une génération de créateurs de talent, reconnus bien au-delà de nos frontières, qui se disent et nous disent que le temps est venu de faire savoir que leur talent vient d’ici, qu’il est inscrit dans la réalité culturelle et sociale d’ici. Que non seulement il n’y a pas à en avoir honte, mais qu’on peut même en tirer une certaine fierté. Non pas pour se replier sur nous-mêmes, non pas pour nourrir un chauvinisme étroit qui ne correspond en rien à l’humeur wallonne. Mais au contraire, pour affirmer, avec force, que leur talent, internationalement reconnu, est intimement lié au territoire dans lequel ils se sont formés et où ils travaillent. A priori c’est une petite chose, mais je suis convaincu que nous assistons là au début d’une nouvelle dynamique. D’autres régions d’Europe ont vu leurs grands chefs devenir les ambassadeurs de leur nouveau dynamisme. Et ce n’est pas un hasard, car nos manières de manger, de cuisiner, de partager nos repas avec d’autres, nos manières « d’éveiller les sens », sont les plus forts révélateurs de notre culture. Cette initiative de nos jeunes chefs est peut-être la pointe avancée de ce nouvel état d’esprit que j’évoquais il y a un instant. Elle porte la force de leur propre talent bien sûr, mais au-delà, elle porte la force de toute une profession qui mélange ancrage culturel, savoir-faire technique et création, et à travers elle le dynamisme d’un vaste secteur d’activité, depuis les agriculteurs et les artisans, jusqu’aux restaurants et bistrots de terroir et au tourisme local. Ce mouvement porte en lui une redécouverte des joies simples de notre Région, de notre Wallonie si attachée à la convivialité, à la tradition de la table ouverte, au partage des bonnes petites choses de la vie, bref à ce doux hédonisme et à cette chaleureuse convivialité qui sont sans doute notre plus précieux patrimoine immatériel. D’autres créateurs suivront-ils le mouvement ? Nous verrons. Je suis de ceux qui pensent que l’autorité politique ne doit pas interférer dans le domaine des arts. Dans la littérature, comme dans le cinéma, le rapport problématique aux identités collectives, et à l’autorité qui les représente, est d’ailleurs une source intarissable de réflexion et de création, et toute tentative de l’annexer à un projet d’affirmation identitaire ne peut, par essence qu’échouer.
  • 4. 4 Mais cela ne doit pas empêcher d’espérer que l’exemple de nos chefs sera porté par d’autres. Nous avons de nouvelles générations d’architectes, d’urbanistes, de graphistes, de designers, de vidéastes, de musiciens, de photographes, et bien d’autres, qui ont formé ici leur esthétique, dans nos paysages singuliers, et dont l’œuvre est porteuse d’un nouveau regard sur nous-mêmes qui peut être un précieux levier d’introspection et d’enthousiasme. Ces créateurs, jeunes pour la plupart, ont souvent des parents ou des grands-parents ouvriers, une grande partie d’entre eux sont issus de l’immigration. Et cette trajectoire particulière, reflétant l’histoire de la Wallonie, n’est pas pour rien dans leur inventivité. Ils sont libres de tout académisme, peu empreints de culture bourgeoise, naturellement ouverts sur le monde. Et ces créateurs refaçonnent nos villes, nos espaces publics, nos intérieurs et nos lieux de joies collectives, avec une richesse d’invention qui n’est pas sans rappeler celle de la Belle époque. J’ai le sentiment que nous sommes entrés, depuis quelques années, dans l’une de ces riches saisons de création qui surgit à intervalle irrégulier dans la vie d’un pays ou d’une région. Il n’est pas interdit d’espérer qu’un interprète puisse faire voir à ces jeunes gens ce qu’ils ont en partage, renforcer encore leur envie de créer ici et de le faire savoir partout ailleurs, attirant par chez nous les créateurs venus des quatre coins du monde, en quêtes de lieux authentiques, uniques et vivants, comme notre Wallonie en compte tant. Le Carolo que je suis, naturellement attaché à sa ville, est en tout cas convaincu que cette nouvelle vague créative, qui retourne les traces et les stigmates du passé en une énergie d’émancipation et d’ouverture au monde, est le début d’un mouvement appelé à se déployer largement. L’accueil remarquable réservé à notre nouveau poète urbain, Mochelan, lors du festival d’Avignon cet été, en est l’un des signes précurseurs. C’est en assumant avec force ce que l’on est, son histoire et son parcours, que l’on se projette au mieux dans l’universel, et que l’on suscite l’empathie et la curiosité. Ce nouvel élan wallon, c’est ma deuxième conviction, a besoin pour s’épanouir, d’une action publique résolue, ancrée sur le redéploiement urbain. Je rejoins ici le propos porté l’an dernier par mon collègue et ami Eric Massin. Donnons à la Wallonie une forte politique de la ville.
  • 5. 5 C’est, là aussi, renouer avec notre histoire. Nous appartenons à ce morceau du continent européen que les grands historiens, depuis Henri Pirenne jusqu’à Fernand Braudel, ont caractérisé comme l’Europe des cités. De Mouscron à Verviers, et de Wavre à Arlon, la Wallonie est profondément structurée par ses archipels urbains légués par la longue durée. C’est un atout dont nous n’avons pas assez tenu compte. Que, même, nous avons un peu gâché. L’étalement urbain, qui génère d’immenses gaspillages écologiques et de ressources publiques, est aussi un vecteur de déstructuration de nos campagnes, rongées par une urbanisation amorphe et anarchique, et d’affaiblissement de nos villes, qui se vident de leurs familles actives. Il faut, pour promouvoir à la fois notre remarquable patrimoine rural et nos centres urbains, y mettre fermement un coup d’arrêt, et nous recentrer sur la ville. La ville est en effet, dans l’économie ouverte du vingt-et-unième siècle, un atout majeur de développement. Parce qu’elle concentre les ressources, les lieux de la formation et de l’innovation, en un espace restreint favorisant les échanges, la ville est le principal moteur de l’économie contemporaine. La Wallonie ne tire pas encore assez les avantages de ses villes. Et l’on se retrouve avec ce paradoxe : les métropoles qui tirent le développement régional sont presque toutes situées en dehors du territoire. C’est Bruxelles, bien sûr, ville-région avec laquelle les Wallons entretiennent de solides attachements, qui irrigue tout le Brabant wallon et au delà une large part de la bande centrale de la région. C’est Lille à l’Ouest, Luxembourg au Sud, Aix et Maastricht à l’Est. Cette situation singulière est en grande partie le résultat d’une longue histoire : située au cœur de l’Europe, au centre de la vallée urbaine qui s’étend du Sud de l’Angleterre au Nord de l’Italie et de l’Espagne, la Wallonie est inscrite dans l’un des plus denses réseaux urbains du monde. C’est un atout, mais dont nous tirerions davantage profit si nous profilions notre propres villes comme des pôles métropolitains au cœur de cette vaste métropole polycentrique qui s’étire d’Amsterdam à Cologne. Ceci suppose que la Wallonie se dote d’outils qui l’aident à appréhender et à façonner son propre territoire. Nous ne manquons pas de données, de cartes et d’analyses. Les directions de l’administration wallonne, l’Iweps, l’Institut Jules Destrée, la Conférence permanente du développement territorial, toutes ces instances concentrant une remarquable expertise et travaillant en étroite collaboration avec nos universités, ont livré, chacune de leur côté et parfois ensemble, un riche travail de réflexion sur ce qui fait notre territoire.
  • 6. 6 Mais nous manquons encore d’un lieu qui nous permette de prendre un peu de surplomb, et de projeter dans la longue durée la forme que nous voulons donner à notre espace. Créons, aux côtés du Gouvernement wallon, un organe de réflexion territoriale stratégique permanent qui donne à l’action publique des lignes de force et de conduite. Suscitons, autour de ses analyses et de ces propositions, un vaste débat public, des états généraux du territoire wallon, ouverts à toutes les forces vives. Nous contribuerons ainsi à renforcer notre conscience de nous-mêmes et à faire émerger un consensus territorial. Un projet régional inscrit dans une perspective territoriale partagée nous permettrait de rendre plus cohérents, et plus lisibles, les investissements publics qui refaçonnent la Wallonie. Car reconnaissons- le, s’il y a un mal dont nous ne sommes pas encore pleinement guéris, c’est celui-là : nous souffrons encore de « guerres des bassins », certes moins aigues qu’autrefois, et d’un sous-localisme qui freinent notre expansion collective. Tout le temps que nous passons à tenter d’implanter ici ce que d’autres voudraient implanter ailleurs, à chercher à recevoir un petit bout d’investissement en plus que les autres, à jalouser telle infrastructure ou telle institution, toute cette énergie perdue dans des vaines et peu glorieuses querelles, nous aurions tout intérêt à l’engager dans une dynamique collective où chaque partie du territoire se sente impliquée parce qu’elle perçoit comment elle s’inscrit dans un dessein qui la dépasse. Luttons avec force contre ce mal que Freud appelait « le narcissisme des différences mineures », et nous y gagnerons tous. Réussir cette transition culturelle suppose, il faut le dire, un peu plus d’autorité centrale. Nous n’avons pas en Wallonie, de tradition jacobine et c’est tant mieux, parce que trop de centralisation produit parfois des aberrations, comme on le voit par exemple dans l’échec des grands ensembles français ou des villes nouvelles anglaises. Mais trop peu de centralité nuit aussi. La décentralisation de nos directions administratives a pour effet de nourrir de stériles rancoeurs. A Charleroi, nous entendons trop souvent les pleurnicheurs se plaindre que « tout va à Liège, ou à Mons ». Mais lorsque je parle avec mes collègues montois ou liégeois, ils me disent que chez eux l’on se plaint de voir privilégiés Namur ou Charleroi. Ces petites querelles intestines sont nuisibles, parce qu’en dressant les parties du territoire régional les unes contre les autres, elles les affaiblissent toutes. Ceci, pourtant, n’est pas une fatalité.
  • 7. 7 L’exemple du développement aéroportuaire, comme celui du redéploiement fluvial et des plateformes multimodales, le démontre. Une stratégie pensée à l’échelle de la Région, misant sur ses pôles métropolitains, en synergie avec les territoires environnants, jouant la complémentarité entre les pôles, une telle stratégie a porté ses fruits. Nous ne sommes pas devenus par hasard l’un des pôles logistiques les plus attractifs d’Europe. Nous le sommes devenus grâce à des investissements publics guidés par une vision cohérente du territoire régional et des espaces qui l’entourent. Cet exemple, que la Flandre nous envie, devrait nous inspirer davantage. Dotons la Wallonie d’une instance où soient planifiés à long terme les investissements liés à la mobilité, à l’assainissement des friches industrielles, à l’aménagement des zones d’activité économique. Inscrivons, en d’autres termes, le Plan Marshall 2022, dévoilé récemment par le ministre-président Rudy Demotte, dans la carte de notre territoire. Suscitons, là aussi, un vaste débat public sur ces orientations. Posons collectivement, et en pleine transparence, ces questions : comment combiner développement rural et préservation des ressources naturelles, comment limiter le gaspillage inhérent à l’étalement urbain, comment éviter les concurrences commerciales qui vident les centres urbains, comment absorber la croissance démographique annoncée ? Voulons-nous bâtir une ville nouvelle, ou réparer et densifier nos villes historiques. J’ai quelques idées à ce sujet, vous vous en doutez, mais j’aimerais que nous en fassions le cœur d’un vaste débat démocratique, au travers duquel les Wallons s’approprieraient leur territoire. Cet élan régional ne va pas à l’encontre des dynamiques de bassins de vie que l’on a vu naître ces dernières années. Réagissant à de brutales crises industrielles, ou à de lents phénomènes d’exode et d’érosion, les territoires wallons vécus se sont largement mobilisés ces dernières années. Rien qu’ici, dans le Hainaut, on mesure bien le dynamisme porté par les projets liés à la Wallonie picarde, au Cœur du Hainaut, et à Charleroi-Sud Hainaut. Rassemblant les autorités politiques au-delà des frontières partisanes, les représentants des partenaires sociaux, du monde des affaires et des centres universitaire et d’innovation, ces nouvelles dynamiques de développement, qui maillent désormais tout le territoire wallon, sont porteuses de projets novateurs. Elles créent, en outre, une émulation positive, chacun tentant de tirer les leçons des bonnes pratiques de ses voisins, et d’exporter les siennes.
  • 8. 8 L’esprit d’union sacrée qui travaille ces mobilisations dans les bassins de vie, et le dépassement des campanilismes qu’elles impliquent, sont de puissants vecteurs de développement de projets concrets. Rien d’étonnant dès lors que le ministre wallon des pouvoirs locaux et de la ville, mon ami Paul Furlan, soutienne ces initiatives qui sont le parfait complément des stratégies menées à l’échelle de la région dans son ensemble, et qui le seront d’autant plus qu’émergera, à travers le débat public, un territoire mental partagé, où chacun perçoive à la fois la cohérence de l’espace commun, et la place qu’il y occupe. S’il est une dimension des bassins de vie dont je suis convaincu que nous devons faire une priorité, c’est le déploiement de l’enseignement supérieur. La réforme que vient de porter le ministre Jean-Claude Marcourt est d’une grande importance. Les pôles universitaires vont permettre de dépasser les vieilles barrières entre enseignement universitaire et non-universitaire, cycle long et cycle court. En rapprochant les établissements, en créant des passerelles entre les filières, en dotant la Fédération Wallonie-Bruxelles d’une université ouverte, on va permettre à chaque étudiant de tirer le meilleur de lui- même. L’étape suivante consistera à développer l’offre d’enseignement dans les bassins de vie. Aujourd’hui, alors que le taux d’étudiants sortis du secondaire qui poursuit un parcours dans le supérieur est de 30 % à l’échelle de la fédération, il est à peine de 12 % dans le Hainaut. C’est là une injustice inconcevable, que nous devons combattre fermement en permettant à tout étudiant du Hainaut de suivre une formation supérieure dans son bassin de vie. Cela supposera une réforme en profondeur du mode de financement de l’enseignement supérieur, encourageant les établissements à investir dans les pôles et les bassins aujourd’hui défavorisés. Le troisième levier de ce redéploiement territorial, ce sont nos pouvoirs locaux. Ils sont aujourd’hui en pleine recomposition, au gré notamment de la réforme des provinces. Chacune se réorganise, en fonction de son histoire propre, pour créer plus de cohérences entre les compétences qu’elle exerce, se concentrer sur ce qu’elle fait le mieux, et éviter les doublons avec les communes. Le complément naturel de cette réorganisation, c’est la mise en place de fonds d’investissements pour les pouvoirs locaux. Le ministre Paul Furlan a, là aussi, donné le ton, en créant un droit de tirage pour les travaux de voirie. Chaque commune
  • 9. 9 sait désormais à quel montant elle a droit, sur le temps d’une mandature, et peut planifier ses investissements dans la longue durée. Chaque commune peut en outre, et je le répète, je pense que c’est un élément essentiel de l’état d’esprit collectif, constater en toute transparence qu’elle reçoit des montants justement proportionnés à ses besoins objectifs. Généralisons cette logique. Créons un fond d’investissements qui permette à nos pouvoirs locaux de connaître clairement les subsides disponibles pour la durée de la législature, et dans l’ensemble des matières qui sont liées à leurs compétences. Chaque commune pourra ainsi, comme cela se fait désormais pour les voiries, planifier ses investissements dans la réfection des espaces et des bâtiments publics, des écoles et des infrastructures sportives et culturelles. Un tel mécanisme donnera à chaque commune la faculté de mener, en début de législature, un vaste débat démocratique sur ses choix d’investissements prioritaires. Là aussi, l’objectivation des montants et la transparence contribueront à lutter contre ce sentiment démoralisant que l’on n’a pas ce à quoi l’on estime avoir droit, et permettront de déployer une forte pédagogie politique autour des choix publics, tant en termes de recettes que de dépenses. Voulons-nous investir beaucoup ou pas, et si oui dans quels secteurs, et avec quelles ressources ? Voilà des questions essentielles à la définition d’espaces publics locaux, qui seraient infiniment mieux posées si l’on quittait la logique actuelle de cloisonnement en fonction des départements ministériels, au profit d’une logique collective, enracinée dans les espaces vécus. Voici, chers amis, chers concitoyens, quelques idées que je voulais partager avec vous à l’occasion de ces fêtes de Wallonie. Elles tournent autour de la même ligne de force : la Wallonie est en pleine renaissance, et elle amplifiera d’autant mieux ce mouvement qu’elle misera sur ses talents, et sur ses villes. L’un, d’ailleurs, va avec l’autre. La ville où l’on a choisi de vivre n’est pas forcément celle où l’on est né. C’est celle que l’on a élue, en fonction des affinités que l’on a développées au cours de son existence. « L’air de la ville rend libre » disait le grand sociologue Max Weber, paraphrasant un dicton de la renaissance. La ville, en effet, est ce lieu de haute densité morale où se croisent les travailleurs, les étudiants, les commerçants, les agents publics et les flâneurs. Elle provoque des rencontres, qui sont le
  • 10. 10 plus puissant instrument de la créativité. La ville est aussi, par excellence, le lieu de la fête, qui reste le plus fort dissolvant des barrières sociales et des préjugés, et le plus solide vecteur de projets collectifs. Puisque nous sommes en ville, et puisque nous sommes un jour de fête, célébrons cette joyeuse coïncidence, saluons ce nouvel état d’esprit wallon, en lui souhaitant un bel avenir. Et que vive Charleroi, et que vive la Wallonie !