3. 1
Laïcité et action éducative locale
Édito
D
ansleurprojet«Aveclesenfantsetlesjeunes,ensemble
pour l’éducation ! 2020-2025 », les Francas définissent
la laïcité comme « un principe politique et juridique de
la République française » et comme une valeur de leur
Mouvement « liée au respect mutuel et à la liberté de conscience.
La laïcité invite à comprendre l’autre : son histoire, sa culture, ses
convictionsexistentielles.Garanteduvivre-ensemble,elleimplique
de lutter contre toute atteinte à l’intégrité et à la dignité des
personnes, contre toute idéologie contraire aux droits humains
et aux droits des enfants. »
C
onscients que de nombreuses questions se posent sur
les territoires éducatifs quant à l’application du principe
de laïcité et à la gestion des faits, des demandes et
des revendications issus de convictions existentielles,
ils proposent des ressources pour éclairer et outiller les acteurs
et les espaces éducatifs. Vous avez entre les mains une de ces
ressources. Elle est, avant tout, éducative et pédagogique, de
nombreuses ressources juridiques étant disponibles. Elle pose
des principes et invite à mettre en pratiques une éducation
relative à la laïcité car ce principe doit être autant connu et
compris que vécu au quotidien.
5. 3
Laïcité et action éducative locale
Approche étymologique :
la laïcité, le « peuple constitué »
ou le « peuple des laïcs »
L
eterme«laïcité»estunnéologisme
dérivé du mot « laïque » dont les
racines viennent de l’adjectif grec
ancien laïkos dérivé du substantif
grec laos qui signifie « peuple », « nation »
ou«peupleconstitué».Laïquesignifiedonc,
au regard de son étymologie grecque,
« populaire » ou « national ».
Laïkos se retrouve en latin dans l’adjectif
ou le substantif Laïcus qui désigne « ce qui
estnonecclésiastique»; Laïcuss’opposant
ainsiautermeclericusquiadonné«clerc»
qui désignait les ecclésiastes ou membres
du clergé. Laïcus désigne ici le « peuple des
laïcs ».
Ces approches étymologiques ouvrent à
deux points de vue sur ce que désigne la
laïcité et ce que vise l’idéal laïque :
•
Lalaïcitédésignedansl’étymologiegrecque
le « peuple constitué ». L’idéal laïque est,
dans ce cas, un idéal démocratique et po-
pulaire.
•
Lalaïcitérenvoie,dansl’étymologielatine
au « peuple des laïcs », c’est-à-dire l’en-
semble des laïcs, par opposition « aux
clercs ». L’idéal laïque est, dans ce cas, ce
qui permet de séparer le peuple et son
intérêtdesprêtresouclercsetleursintérêts
et, par extension, de séparer le peuple et
son intérêt des églises et de leurs intérêts.
Approche politique :
la laïcité, un régime politique,
un principe républicain
L
e terme régime est entendu ici
comme une « Forme particulière de
gouvernement;unemanièredontle
pouvoirpolitiques’exerce»et«une
organisationpolitique,économique,sociale
d’unÉtat»,organisationcaractériséeparun
« ensemble d’institutions, de pratiques et
d’idées ».
Sources : CNRTL et Le Robert
Lal ïcité
Quelques repères
généraux
6. 4 Laïcité et action éducative locale
Lerégimedelaïcité
Le régime de laïcité est un ensemble de
dispositionslégales,unmoded’organisation
et d’exercice du pouvoir qui garantit d’une
part à chacun la liberté de conscience et de
convictionsetlelibreexercicedespratiques
socialesissuesdecetteconscienceoudeces
convictions, dans la limite de l’intérêt de
l’ordrepublic.Cerégimeassured’autrepart
qu’aucuneconscienceouconvictionqu’elle
soit politique, philosophique, religieuse ne
s’imposeounesoitimposéeàtous,niparla
loi,niparungroupesocial.Ilassuredeplus
que ce qui participe de l’autorité publique
s’abstient de porter une opinion ou un
jugement sur les convictions, croyances et
incroyances.
En corollaire, le régime de laïcité garantit
que les limites aux pratiques sociales de
conscience et de convictions édictées dans
l’intérêt de l’ordre public assurent l’égalité
en droit et en dignité devant la loi de tous
les citoyens sans distinction d’origine, de
sexe… ou de conscience.
Cesdeuxgaranties,lalibertédeconscience
etdespratiquessocialesquienrésultentet
la limitation de ces pratiques sociales dans
l’intérêt de l’ordre public, respectent le
principed’égalitéetcréentlesconditionsde
lapaixcivile,c’est-à-direl’absencedeguerre
entre des groupes sociaux de consciences
différentes,etassurentlapaixsociale,c’est-
à-direlatranquillitéetlasécuritédetousles
citoyensquellesquesoientleursconvictions;
lapaixcivileetlapaixsocialeétantlesdeux
conditions du vivre-ensemble.
Le régime de laïcité implique, enfin, que
l’intérêt de l’ordre public soit, avant tout,
fondé sur des lois élaborées dans le cadre
d’un débat démocratique et contradictoire
permettantl’émergenced’unintérêtgénéral.
Cerégimes’appuiedoncsuruneorganisation
politique où les pouvoirs législatif, exécutif
et judiciaire sont séparés. Cette séparation
des pouvoirs :
•
Permet l’expression des consciences et
des convictions dans le cadre du débat
législatif contradictoire
•
Garantit, par le pouvoir judiciaire, que
chaque loi soit en adéquation avec les va-
leursetprincipesfondateursdontl’égalité
en droit et en dignité de tous les citoyens
•
Permet une mise en œuvre « neutre » du
pouvoir exécutif des limites édictées par
laloi.
Dans un régime de laïcité, la
liberté de conscience est
absolue. Il n’en est pas de
même de la liberté d’expres-
sion [de cette conscience].
Cette dernière est limitée par
la loi qui condamne l’insulte
publique, les propos
diffamatoires, l’atteinte à la
vie privée, les idées racistes
ou discriminatoires, les
appels aux crimes…
À
SAVOIR
Ce régime assure qu’aucune
conscience ou conviction qu’elle
soit politique, philosophique,
religieuse ne s’impose
ou ne soit imposée à tous, par
la loi ou par un groupe social.
8. 6 Laïcité et action éducative locale
Laloidu9décembre1905ditede
séparationdesÉglisesetdel’État
La loi de 1905 est directement issue de
l’idéeque«lesdécisionsdel’Étatnepeuvent
pasêtreguidéesparuneéglise»maisaussi
de l’idée qu’il est nécessaire que l’État
garantisseàchacunsalibertédeconscience
(dans ce cas précis de conscience reli-
gieuse)etdespratiquessocialesliéesàcette
conscience(danscecaslescultesreligieux).
La loi du 9 décembre 1905 institue ainsi
deux principes légaux :
•
Le principe de séparation des Églises et de
l’État
•
Le principe de neutralité de l’État et des
agents des services publics ou assimilés.
LeprincipedeséparationdesÉglises
etdel’État
Ceprincipedeséparations’appuiesurtrois
idées majeures :
•
La République assure la liberté de
conscience (Article 1).
•
LaRépubliquegarantitlelibreexercicedes
cultessouslesseulesrestrictionsédictées
ci-après dans l’intérêt de l’ordre public
(Article 1).
•
La République ne reconnaît, ne salarie ni
ne subventionne aucun culte (Article 2).
Leprincipedeneutralitédel’Étatetdes
agentsdesservicespublicsouassimilés
Le principe de neutralité découle du
principe de séparation. En effet, comme
Desrégimesd’exception
Pourdesraisonshistoriques,laloidu
9décembre1905nes’appliquepasàdes
départementsetterritoiresd’outre-mer
ouenAlsace-Mosellequifaisaitpartie
en1905del’Empireallemandàlasuite
deladéfaitefrançaisedelaguerre
franco-prussiennede1870.
Ledroitlocald’Alsace-Moselleest
largementissudurégimeconcordataire
misenplaceen1802.
Parexemple,lesministresdescultessont
nommésetrémunérésparl’Étatoù
l’écolepubliquedispensedescours
d’instructionreligieuse,etoùl’islam
n’estpasuncultereconnu.
LaGuyaneestunecollectivitérégiepar
l’ordonnanceroyaledu27août1828et
laloidu13avril1900portantfixationdu
budgetgénéraldesdépensesetrecettes
del’exercice;deuxancienstextesqui
reconnaissentleseulcultecatholique
etl’obligentàrémunérersursonbudget
lesprêtresofficiantenGuyane.
ÀMayotte,lareligionmusulmane
constituetoujourslabasedustatut
despersonnes.
EnNouvelle-Calédonie,enPolynésie,
àWallis-et-FutunaetàSaint-Pierre-et-
Miquelon,l’exercicedescultes
estencadréparlesdécrets«Mandel».
Desmissionsreligieusesassurent
l’exerciceduculte,gèrentleursbiens
cultuelsetrémunèrentleursministres
duculte.
ÀWallis-et-Futunalecatholicisme
romainrestelareligionofficielle.
À
SAVOIR
9. 7
Laïcité et action éducative locale
l’État assure la liberté de conscience et ne
reconnaîtaucunculte,luioulesagentsquile
représentent ne peuvent afficher leur
conscience ou des attributs de leur culte. Ce
principe de neutralité doit permettre un
égalaccèsdetouslescitoyensàleursdroits
et un égal traitement de chacun en droit et
en dignité quels que soient leur conviction,
leur sexe, leur origine…
LaDéclarationuniverselle
desdroitsdel’Hommeetducitoyen
–10décembre1948
Article 18 : « Toute personne a droit à la
liberté de pensée, de conscience et de religion ;
ce droit implique la liberté de changer de
religion ou de conviction ainsi que la liberté
de manifester sa religion ou sa conviction
seule ou en commun, tant en public qu’en
privé, par l’enseignement, les pratiques, le
culte et l’accomplissement des rites. »
LaConstitutionfrançaisede1958
LaConstitutionfrançaisede1948puiscelle
de1958fontdelalaïcitéunqualificatifdela
République:«LaFranceestuneRépublique
indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Elle assure l’égalité devant la loi de tous les
citoyens sans distinction d’origine, de race
ou de religion. Elle respecte toutes les
croyances » (Article 2 du texte de 1958
devenu l’Article 1 en 1995).
En qualifiant la République de laïque, la
Constitution française en fait un principe ré-
publicain, c’est-à-dire « une règle d’action
constituant un modèle »1
: la République. Ce
principe de la République est un constituant
de la République au même titre que les prin-
cipes«démocratique»et«sociale».Ilrenvoie
àunensemblededispositionslégales,unmode
d’organisationetd’exercicedupouvoir.
1 – Tiré de Le nouveau Petit Robert de la langue
française – 2007
La France est une
République indivisible,
laïque, démocratique
et sociale. Elle assure
l’égalité devant la loi
de tous les citoyens
sans distinction
d’origine, de race
ou de religion.
Elle respecte toutes
les croyances.
11. 9
Laïcité et action éducative locale
C
roiser les questions relatives à la
laïcité et à l’éducation et à l’action
éducative amène à se poser plu-
sieurs questions : Qu’est-ce qu’une
action éducative laïque ? En quoi l’école
est-elle laïque ? Qu’est-ce qu’un projet
éducatif laïque ?
L ïcité
et action
éducative
L’éducation est « l’ensemble des
influences d’origines et de natures
diversesquis’exercentvolontairement
ou non sur l’individu ou que l’individu
exerce sur son environnement et qui,
en se conjuguant, contribuent à la
création et au développement de sa
personnalité, à son épanouissement
et à son émancipation »2
.
L’action éducative est « un ensemble
d’actions volontaires, conçues et
finalisées »3
.
2 – Extrait du projet « Avec les enfants et
les jeunes, ensemble pour l’éducation !
2020-2025 » - Page 15
3 – Ibid. p. 17
Qu’est-ce qu’une action
éducative laïque ?
N
otre mouvement d’éducation
populaire développe une action
éducativelaïqueenréférenceaux
droits humains et aux droits des
enfantsets’attacheplusparticulièrementà
développeruneéducationdémocratiqueet
une éducation à la démocratie.
À
SAVOIR
PourlesFrancas,lafinalitédetoute
actionéducativeestdecontribuer
audéveloppement,àl’épanouissement,
àl’émancipationetaubien-être
desenfantsetdesadolescents.
Touteactionéducatives’inscrit
danslaglobalitédel’éducation
etrendnécessairelacontinuité
destempsetdesespaces,laconvergence
desactions,lacohérenceentre
lesacteurséducatifs.
POUR LES FRANCAS
13. 11
Laïcité et action éducative locale
L’école laïque
E
n France, l’école publique est dite
laïque à trois titres :
•
Parce que l’enseignement des
religions et des pratiques qui s’y
rattachent n’y sont pas dispensés, à
l’exception de l’Alsace et de la Moselle
•
Parceque«lesenseignementssontlaïques.
Afindegarantirauxélèvesl’ouverturelaplus
objectivepossibleàladiversitédesvisions
dumondeainsiqu’àl’étendueetàlapréci-
sion des savoirs, aucun sujet n’est a priori
exclu du questionnement scientifique et
pédagogique.Aucunélèvenepeutinvoquer
uneconvictionreligieuseoupolitiquepour
contesteràunenseignantledroitdetraiter
une question au programme ». (Charte de
la laïcité à l’école)
•
Parcequ’elleestunservicepublicd’Étatet
que«lespersonnelsontundevoirdestricte
neutralité:ilsnedoiventpasmanifesterleurs
convictions politiques ou religieuses dans
l’exercice de leurs fonctions ». (Idem)
LaloiditeFerryde1882
La loi dite Ferry du 28 mars 1882 sur l’en-
seignement primaire obligatoire abroge
l’article23delaloidu15mars1850quistipu-
lait que l’enseignement primaire comprend
l’instructionmoraleetreligieuse(Article1)et
ledroitauxministresdescultesd’inspection,
desurveillanceetdedirectiondanslesécoles
primaires publiques et privées. De plus, elle
prévoit que les écoles primaires publiques
vaqueront un jour par semaine, en outre du
dimanche,afindepermettreauxparentsde
fairedonner,s’ilsledésirent,àleursenfants,
l’instructionreligieuse,endehorsdesédifices
scolaires. Enfin, elle rend l’enseignement
religieux facultatif dans les écoles privées.
La loi dite Ferry de 1882 introduit ainsi la
séparation du religieux et des églises, et de
l’école :
•
Elle garantit le libre exercice des cultes en
accordantunjourvaquépourl’instruction
religieuse,endehorsdesédificesscolaires
•
Elle ne reconnaît aucun culte en sortant
l’instruction religieuse des programmes
scolaires et en rendant cet enseignement
facultatif dans les écoles privées. Elle
éloigne ainsi les églises de toute prescrip-
tion qu’elles pourraient avoir sur les
programmes scolaires
•
Elle ne salarie aucun culte en retirant
auxministresduculteledroitd’inspection,
de surveillance et de direction dans les
écoles.
Laconstitutionde1946
«LaNationgarantitl’égalaccèsdel’enfant
et de l’adulte à l’instruction, à la formation
professionnelleetàlaculture.L’organisation
de l’enseignement public gratuit et laïque à
tous les degrés est un devoir de l’État ».
Laloidu15mars2004
La loi du 15 mars 2014 encadrant, en ap-
plication du principe de laïcité, le port de
signesoudetenuesmanifestantuneappar-
tenance religieuse dans les écoles, collèges
et lycées publics se retrouve dans l’article
L141-5-1 du code de l’éducation qui dit que
« dans les écoles, les collèges et les lycées
publics, le port de signes ou tenues par les-
quelslesélèvesmanifestentostensiblement
une appartenance religieuse est interdit. Le
règlement intérieur rappelle que la mise en
œuvre d’une procédure disciplinaire est
précédée d’un dialogue avec l’élève ».
14. 12 Laïcité et action éducative locale
L’écoleetsesmissions
Lecodedel’éducation
«Outrelatransmissiondesconnaissances,
la Nation fixe comme mission première à
l’écoledefairepartagerauxélèveslesvaleurs
de la République. Le service public de l’édu-
cationfaitacquériràtouslesélèveslerespect
de l’égale dignité des êtres humains, de
la liberté de conscience et de la laïcité. »
(Article L111-1)
L’article L.141-2 précise que « suivant les
principes définis dans la Constitution, l’État
assure aux enfants et adolescents, dans les
établissements publics d’enseignement, la
possibilité de recevoir un enseignement
conforme à leurs aptitudes dans un égal
respect de toutes les croyances. L’État prend
toutes dispositions utiles pour assurer aux
élèves de l’enseignement public, la liberté
des cultes et de l’instruction religieuse ».
Les programmes scolaires comportent, à
touslesstadesdelascolarité,desenseigne-
mentsdestinésàfaireconnaîtreladiversité
et la richesse des cultures représentées
en France, y compris dans ses territoires
d’outre-mer. L’école, notamment grâce à un
enseignementmoraletcivique,faitacquérir
auxélèveslerespectdelapersonne,deses
origines et de ses différences, de l’égalité
entre les femmes et les hommes ainsi que
de la laïcité. (Article L311-4)
Lesoclecommundeconnaissances,
decompétencesetdeculture
Dans le domaine 3 du socle intitulé « La
formation de la personne et du citoyen »,
il est précisé que l’École a pour tâche de
transmettre aux jeunes les valeurs fonda-
mentales et les principes inscrits dans la
Constitution de notre pays. Elle permet à
Laloidu15mars2004
Cetteloiasoulevéetsoulèvedenombreuxdébatsàcaractèrephilosophiqueet
politique pour plusieurs raisons. Voici les deux principales :
•
Le principe de neutralité qui s’appliquait jusque-là aux enseignants s’applique
désormaisaussiauxélèves.Certainsconsidèrentqueceprincipedeneutralitéqui
s’applique à l’État et à ses agents ne peut s’appliquer aux usagers que sont les
élèves, tandis que d’autres considèrent que les élèves ne sont pas usagers de
l’école mais sont un de ses constituants et que donc le principe de neutralité doit
s’imposer.
•
En régime de laïcité, les pratiques sociales découlant d’une conscience ne sont
encadrées que dans l’intérêt de l’ordre public. Certains interrogent en quoi le port
de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une
appartenance religieuse trouble l’ordre public scolaire et doit être en cela limité
alorsqued’autresconsidèrentqu’ilyatroublemanifesteàl’ordrepublicouquele
port ostensible peut créer ce trouble en opposant les élèves.
En 2004, c’est principalement au nom de l’intérêt de l’ordre public dans les
établissementsscolairesetenvertudelaprotectiondesélèvesdetoutprosélytisme
par d’autres élèves que la loi a été votée.
F
O
C
U
S
16. 14 Laïcité et action éducative locale
Lesassociationsetlesprincipes
deséparationetdeneutralité
Lesassociationssontdesacteursmajeurs
du service public local d’éducation. Elles
organisent des centres de loisirs et de va-
cances,desétablissementsd’accueildujeune
enfant,desactivitésphysiquesetculturelles…
Ellessontpartenairesdel’Étatetdescollec-
tivitésterritorialesdansl’élaboration,lamise
en œuvre et l’évaluation des politiques
éducatives.
Lesassociationsendélégation
deservicepublic
Les associations (et tous les organismes)
en délégation de service public sont
soumises, au même titre que leur délégant
public, aux principes de séparation et de
neutralité.
Autrement dit, les associations (orga-
nismes) en délégation de service public :
•
Assurent la liberté de conscience et le
libre exercice des cultes dans la limite de
l’intérêt de l’ordre public (Article 1),
•
Ne reconnaissent, ne salarient et ne sub-
ventionnent aucun culte (Article 2).
Les salarié·es, volontaires et bénévoles
des associations (et tous les organismes)
intervenantpourl’exécutiond’unserviceen
délégation de service public sont tenu·es à
une stricte neutralité, c’est-à-dire qu’ils et
ellesnedoiventpasmanifesterleursconvic-
tionspolitiques,religieusesouexistentielles
dans l’exercice de leurs fonctions.
Lesassociationsenmarchépublic
Si le marché public concerne un service
public
Dans son titre 1er
« Garantir le respect des
principes de la République et des exigences
minimales de la vie en société » et son cha-
pitre 1er
« Dispositions relatives au service
public », l’article 1 de la loi n°2021-1109 du
24 août 2021 confortant le respect des prin-
cipesdelaRépubliqueajouteunedisposition
légale relative à l’obligation de neutralité
dans le cadre de la commande publique.
17. 15
Laïcité et action éducative locale
L’alinéa II mentionne que « Lorsqu’un
contrat de la commande publique, au sens
de l’article L.2 du code de la commande pu-
blique (Cf. ci-après), a pour objet, en tout ou
partie, l’exécution d’un service public,
son titulaire est tenu d’assurer l’égalité des
usagersdevantleservicepublicetdeveiller
au respect des principes de laïcité et de
neutralité du service public. Il prend les
mesures nécessaires à cet effet et, en parti-
culier, il veille à ce que ses salariés ou les
personnes sur lesquelles il exerce une auto-
ritéhiérarchiqueouunpouvoirdedirection,
lorsqu’ilsparticipentàl’exécutionduservice
public, s’abstiennent notamment de mani-
festerleursopinionspolitiquesoureligieuses
(...) » et que « Le titulaire du contrat veille
également à ce que toute autre personne à
laquelle il confie pour partie l’exécution du
service public s’assure du respect de ces
obligations. »
L’alinéa III précise que ces dispositions
s’appliquent«auxcontratsdelacommande
publiquepourlesquelsuneconsultationest
engagée ou un avis de publicité est envoyé
à la publication à compter de la publication
delaprésenteloi»,lescommandesencours
devantêtreenconformitéaveccesdisposi-
tions au plus tard au 23 août 2022 sauf si
celles-ci terminent avant le 23 février 2023.
L’article L.2 de la commande définit les
contrats de la commande publique comme
« les contrats conclus à titre onéreux par un
acheteur ou une autorité concédante, pour
répondreàsesbesoinsenmatièredetravaux,
Unemultiplicationdeschartesquiinterroge
La Caisse nationale des allocations
familiales (CNAF) s’est dotée
d’une Charte delalaïcité.Cettedernière
acoconstruit cetextederéférenceavec
sespartenairespendant plusieurs mois
en 2016 pour aboutir à une charte
comprise et partagée.
Il a permis depuis son adoptionpar
leconseild’administration de la CNAF
d’accompagner les CAF dans leur choix
de partenariats locaux.
Dans le même temps, depuis 2015,
de nombreuses collectivités locales
se sont aussi dotées de chartes ou de
conventions qui se réfèrent aux valeurs
de la République et au principe
de laïcité que les associations doivent
signer pour bénéficier de leur soutien.
Certainesdeceschartesouconventions
servent de moyens de coercition
qui dépassent les questions relatives
à la laïcité.
Enfin, depuis 2021, la loi du 24 août 2021
confortant le respect des principes
de la République a institué le Contrat
d’engagement républicain malgré
l’opposition du monde associatif
organisé ; opposition nourrie par
les risques que faisaient courir ce
contrat sur les libertés associatives.
Cette multiplication de chartes, de
conventions et de contrats sont de
nature à fragiliser le monde associatif
et ses principaux acteurs, les dirigeants
et dirigeantes bénévoles.
Les Francas appellent à ce que les lois
et chartes nationales soient le cadre
de référence pour tous les territoires.
F
O
C
U
S
18. 16 Laïcité et action éducative locale
de fournitures ou de services, avec un ou
plusieurs opérateurs économiques.
Lescontratsdelacommandepubliquesont
lesmarchéspublicsetlesconcessionsdéfinis
au livre Ier
de la première partie, quelle que
soit leur dénomination. » Les contrats
de concessions englobent les délégations
de service public mentionnées à l’article
L.1411-1 du code général des collectivités
territoriales.
Ces dispositions récentes impliquent
que toute association en marché public
pour l’exécution d’un service public, et ses
salarié·es,volontairesetbénévolesinterve-
nantdanslecadredecemarché,sontsoumis
au respect des principes de laïcité et à la
stricte neutralité.
Si le marché public ne concerne pas un
service public
Dans ce second cas, l’association et les
salarié·es, les volontaires et les bénévoles
intervenant dans les activités en marché
PourlesFrancas,lescentresdeloisirséducatifspériscolairesoude
vacancesetl’ensembledesactivitésqu’ilsportentrelèventduservice
publiclocald’éducation,etceciquelquesoitl’organisateur:
collectivitélocale,EPCIouassociation.
Àcetitre,quandlesFrancassontorganisateursd’espaceséducatifs
s’inscrivantdansleservicepubliclocald’éducation,ilsveillentaurespect
desprincipesdelaïcitéetdeneutralitédessalarié·es,volontaireset
bénévolesquiyexercentuneactionpédagogiqueoudereprésentation
publique,danslecadredesloisetrèglesenvigueur*.
* A ce titre, en cohérence avec les règles qui s’appliquent à l’école, les parents
ou personnes simples accompagnateurs d’un groupe d’enfants ne sont pas
tenus à la stricte neutralité tant qu’ils n’exercent aucune action pédagogique
et qu’ils n’ont pas de paroles, de comportements ou d’attitudes prosélytes.
ne sont pas juridiquement soumis au
respectdesprincipesdelaïcitéetàlastricte
neutralité.
Lesassociationssubventionnées
La jurisprudence distingue :
•
L’intérêt général et l’intérêt collectif
• Ladélégationoulemarchédelasubvention.
Ainsi,quellesquesoientlesmodalitésde
contractualisation (convention ou marché)
etleniveaudesubventionouderémunéra-
tiondelaprestation,uneassociationrendant
unserviceéducatifd’intérêtcollectifnepeut
être considérée comme rendant un service
d’intérêtgénéral.Ellen’estdoncpassoumise
auxprincipesdeséparationetdeneutralité
de ses salarié·es.
La jurisprudence renvoie le caractère
laïquedel’associationàsonprojetéducatif
etaurèglementintérieurdel’associationtout
en précisant que le caractère laïque d’une
association ne peut justifier des régimes
discriminatoires en son sein.
POUR LES FRANCAS
19. 17
Laïcité et action éducative locale
L
es Francas s’engagent à faire vivre
des valeurs dans l’action éducative
localeetsouhaitenttraduirelalaïcité
en principes dans l’ensemble des
espaceséducatifsetenpratiqueséducatives.
Cet objectif interroge la mise en vie des
principesrelatifsàlalaïcitédanslesespaces
éducatifs et la posture laïque des acteurs
éducatifs, les démarches pédagogiques
proposées.
Le projet éducatif,
une référence commune
L
e projet éducatif d’un organisateur
d’espaces éducatifs pour l’enfance
et l’adolescence est la référence
communepourtoutelacommunauté
éducative:enfantsetadolescent·es,parents,
équipe éducative, autres acteurs éducatifs
locaux(enseignant·es,travailleurssociaux…),
institutions publiques.
Ildéfinitlecadred’éducationdanslequel
lesenfantsetlesadolescent·esvontévoluer,
se développer, agir.
Ilposelescadres,lesprincipes,lesrègles
del’actiondel’équipeéducativeconstituée
des directeurs et directrices, coordinateurs
ouresponsablespédagogiques,desanima-
teursetanimatrices,desagentstechniques
et des intervenant·es extérieur·es.
Il constitue le contrat éducatif avec les
parents.Encela,ilest,auminimum,commu-
niquéauxparentsquisontinformésdeson
contenuainsiquedesprincipesetpratiques
qu’ilpréconise.Cependant,pourquecelui-ci
soit vécu comme un « pacte de confiance »
entrelesparentsetl’organisateur,cedernier
veilleàmettreenœuvredesdémarchesqui
permettent aux parents de se l’approprier,
de le questionner et de contribuer à son
évolution.
Lal ïcité
en principes
dans les espaces
éducatifs
20. 18 Laïcité et action éducative locale
Qu’est-cequ’unprojetéducatif
laïque?
Un projet éducatif laïque :
•
Viseuneactionéducativelaïque(voirpages
10-16)
•
Prendencomptelesenfantsetlesadoles-
cent·es, leurs droits – de protection, de
prestationetdeparticipation–,lesbesoins
particuliers, leur identité et la diversité
de leurs appartenances.
•
Considère les enfants et les adolescent·es
comme des acteurs et actrices de l’élabo-
ration, de la mise en vie et de l’évaluation
du projet.
Un projet éducatif laïque assure un égal
traitement en droit et en dignité de toutes
les personnes.
Un projet éducatif laïque :
•
Assure la liberté de conscience
•
Garantit le libre exercice des pratiques
socialesenrapportàcetteconsciencedans
la limite des lois et réglementations
existantes et des règles posées dans le
règlementintérieurdel’espaceéducatif;ce
règlementintérieurdevantgarantirl’égalité
de traitement en droit et en dignité des
publics accueillis dans l’espace éducatif.
Dans le cadre d’un projet éducatif laïque,
un organisateur ne reconnait, ne finance ni
ne salarie aucun culte et, plus largement,
aucune pratique sociale de conviction. Il
n’achète aucun produit, bien ou service
spécifiquement lié à des convictions exis-
tentiellesouréférencéesdanslespratiques
sociales qui s’y rapportent.
Projetéducatiflaïque
etdemandesreligieuses
Unprojetéducatiflaïqueprendencompte
les droits des enfants. L’article 14 de la
Convention internationale des droits de
l’enfant prévoit que :
1 –
Les États parties respectent le droit de
l’enfant à la liberté de pensée, de
conscience et de religion.
2 –
Les États parties respectent le droit et
le devoir des parents ou, le cas échéant,
des représentants légaux de l’enfant, de
guider celui-ci dans l’exercice du droit
susmentionné d’une manière qui
corresponde au développement de ses
capacités.
3 –
Lalibertédemanifestersareligionouses
convictionsnepeutêtresoumisequ’aux
seulesrestrictionsquisontprescritespar
laloietquisontnécessairespourpréser-
ver la sûreté publique, l’ordre public, la
santé et la moralité publiques, ou les
libertésetdroitsfondamentauxd’autrui.
À ce titre, les organisateurs laïques
d’espaces éducatifs cherchent à rendre
compatibles le fonctionnement de ces
espaces – déterminé par le projet éducatif
Dans le cadre d’un projet éducatif
laïque, un organisateur
ne reconnait, ne finance
ni ne salarie aucun culte et,
plus largement, aucune pratique
sociale de conviction.
22. 20 Laïcité et action éducative locale
tion du projet pédagogique tout au long du
séjour, de l’année.
Leprojetpédagogiqueestcommuniquéà
tous les parents et à l’équipe d’animation
qui s’assure que les parents et les enfants
sontinformésdesoncontenuainsiquedes
principes et des pratiques qu’il engendre.
L’équipe éducative
L
a conduite de l’équipe éducative
s’exerce en rapport avec le projet
éducatif et dans le cadre du projet
pédagogique. Pour les membres
salariés de l’équipe éducative, les lois et
règlesissuesduCodedutravail,desconven-
tionscollectivesetdesaccordsd’entreprise
constituent aussi un cadre à prendre en
compte(Cf.partie«Lafonctionemployeur»).
Dans le cadre d’un projet éducatif laïque,
l’équipe éducative, tout comme chacun de
ses membres salarié·e, volontaire ou béné-
vole, a un devoir de neutralité définie par
laloi,leprojetéducatif,lerèglementintérieur
ou le cadre du service. L’équipe éducative
et chacun de ses membres sont garants et
porteursduprojetéducatifdel’organisateur,
de ses valeurs, de ses ambitions politiques
et de ses orientations éducatives. Ils le
traduisent en actes. De plus, comme tout
citoyen, ils veillent au respect des lois et
des règles.
La relation humaine génère le partage
de son identité et de ses appartenances.
L’éducations’appuiesurlesrelationsquise
tissententreenfants,entreenfantsetadultes,
entreadultes.Chacun·edoitpouvoirexprimer
cequifondesonidentité,sesappartenances,
dans une démarche de compréhension
mutuelle.
Dans le cadre d’un projet éducatif laïque,
le prosélytisme, c’est-à-dire l’attitude de
celles et ceux qui cherchent à « susciter
l’adhésion » d’un public à une conviction,
une croyance, est interdit.
23. 21
Laïcité et action éducative locale
Qu’est-cequ’uneéthiquelaïque
desacteurséducatifs?
La conduite d’un projet éducatif laïque
interrogelerôleetlaposturedesacteursde
ce projet. Elle questionne notamment leur
capacité à écouter, à prendre en compte la
différence, à animer des temps de dialogue
entre les enfants, à se positionner sur des
situations concrètes qui questionnent le
caractère laïque d’un espace éducatif.
Loin d’être un agent éducatif neutre,
l’acteur d’un projet éducatif laïque doit en
maîtriser le sens pour développer une
posture et proposer des situations et dé-
marchespédagogiquesadaptées.Ildoit,de
plus, être porteur d’une éthique laïque et,
en cela :
•
Respecter la liberté de conscience et de
convictions des enfants et des adoles-
cent·es ;
•
Veilleràl’ordrepublic,c’est-à-direfaireque
les lois et règles de la République soient
connues, comprises et respectées, mais
aussi que les enfants et les adolescent·es
appliquent et vivent les règles collectives
de vie de l’espace éducatif. À ce titre, il
s’assurequelesenfantsetlesadolescent·es
contribuent à l’élaboration de ces règles
collectives de vie ;
•
Mobiliser notamment des démarches
coopératives,desdémarchesfavorisantles
apprentissages entre pairs, la réciprocité,
mettant en valeur la diversité au sein des
collectifs, diversité terreau fertile pour
mettre en actes la laïcité. Il ou elle propo-
sera une multiplicité d’espaces d’appren-
tissage et de construction de projets
favorisantl’expression,l’écoute,lepartage
et l’action.
La fonction employeur
L
a relation entre un employeur et
un·esalarié·eestcadréeparledroit
dutravail,lesconventionscollectives
etlesaccordsd’entreprise.Cecadre
est le plus souvent élaboré par le dialogue
social entre les organisations représentant
les employeurs et les syndicats de salariés.
Toute demande d’un·e ou de plusieurs
salarié·es doit être appréciée au regard des
loisetrèglesenvigueuretdesnécessitésde
service. Dans le cadre d’un espace éducatif,
les nécessités de service sont à la fois édu-
catives, pédagogiques et liées à la sécurité
physique et morale des enfants et des
adolescent·es accueilli·es.
Un·e salarié·e ne peut justifier d’une
demande, par exemple de congés annuels,
au regard de convictions personnelles,
quelles qu’en soit la nature.
La conduite d’un projet éducatif
laïque interroge le rôle
et la posture des acteurs
de ce projet.
Elle questionne notamment
leur capacité à écouter, à prendre
en compte la différence, à animer
des temps de dialogue entre
les enfants, à se positionner
sur des situations concrètes
qui questionnent le caractère
laïque d’un espace éducatif.
24. 22 Laïcité et action éducative locale
Unorganisateurlaïqueemployeurnepeut
pasinstruireouhiérarchiserdesdemandes
individuellesoucollectivesdesessalarié·es
au regard de convictions personnelles ou
au regard de justifications exposées par le
ou les salarié·es liées à des convictions
personnelles.
L’organisateuremployeurrecherche,dans
le dialogue, à permettre aux salarié·es de
disposerdeleurtempsdepausecommeils
et elles l’entendent.
ArticlesL1121-1
etL1321-2-1
duCodedutravail
« Nul ne peut apporter aux droits
des personnes et aux libertés
individuelles et collectives de
restrictions qui ne seraient pas
justifiées par la nature de la tâche
à accomplir ni proportionnées
au but recherché. »
Cet article du Code du travail
implique qu’un employeur privé
peut limiter l’expression des
convictions – quelle qu’en soit la
nature – des salarié·es dès lors que
ces limitations sont justifiées par
la nature de la tâche à accomplir et
proportionnées au but recherché.
L’article L1321-2-1 précise d’ailleurs
que «lerèglementintérieurpeut
contenirdesdispositionsinscrivant
leprincipedeneutralitéet
restreignantlamanifestationdes
convictionsdessalariéssices
restrictionssontjustifiéespar
l’exerciced’autreslibertésetdroits
fondamentauxouparlesnécessi-
tésdubonfonctionnementde
l’entrepriseetsiellessont
proportionnéesaubutrecherché».
L
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LAÏCITÉ
À
SAVOIR
LesFrancasinvitentlesorganisateursassociatifsd’espaceséducatifsdutempsde
loisirsàinscriredansleurrèglementintérieurdesdispositionsrelativesàl’obligation
deneutralitépourlessalarié·esdèslorsqu’ellesouilssontensituationd’accueil
physiqueoud’actionaveclespublics.Cetteobligationdeneutralitéimplique
larestriction,dansl’exercicedeleursfonctions,demanifesterleursconvictions
personnellesàcaractèrereligieux,philosophiqueoupolitique.
POUR LES FRANCAS
25. 23
Laïcité et action éducative locale
L
esFrancaspromeuvent«uneaction
éducative qui transmette et fasse
vivre les valeurs – liberté, égalité,
fraternité – et les principes – indivi-
sible, démocratique, laïque et sociale – qui
constituent le socle de la République ainsi
que les valeurs d’humanisme, de paix et de
solidarité qui contribuent tout autant à la
construction du vivre ensemble »5
.
La laïcité est à la fois :
•
Un régime politique6
,
•
Un principe républicain7
•
Une valeur et des principes éducatifs que
les Francas proposent de traduire en
pratiques dans l’action éducative locale.
Ces trois dimensions de la laïcité
interrogent les pratiques éducatives et les
démarches pédagogiques mises en œuvre
danslesespaceséducatifs. Ellesinterrogent,
enfait,lestroisvoletsd’uneactionéducative
laïque mise en pratiques.
5 – Projet « Avec les enfants et les jeunes,
ensemble pour l’éducation ! 2020-2025 », page 29.
6 – Cf. chapitre Repère « Laïcité, repères
généraux », pages 3-8
7 – Ibid.
Volet 1 : Expérimenter
en pratiques le régime de laïcité
L
e régime de laïcité est un ensemble
de dispositions légales, un mode
d’organisation et d’exercice du
pouvoir qui garantissent la liberté
deconscienceetdeconvictionsdesindividus,
l’expression de cette conscience et de ces
convictionsetlelibreexercicedespratiques
socialesdeconscienceetdeconvictiondans
lalimitedel’intérêtdel’ordrepublic.Cetordre
public étant définit par la loi et les règles
collectivement élaborées dans un cadre
démocratique au regard de valeurs fonda-
mentales et collectives. L’ensemble des
citoyen·nes sont garants de ce régime de
laïcité.
Desdémarchespédagogiques
àpromouvoir
Cerégimedelaïcitépeutêtreexpérimen-
té et vécu dans les espaces éducatifs en
promouvant, en proposant un cadre péda-
gogique dans lequel les enfants et les
adolescent·es vivent des démarches, des
situations, des espaces de :
•
Viedémocratique,pourélaborerlesrègles
de vie, évaluer leur pertinence et les faire
Lal ïcité
en pratiques…
éducatives
27. 25
Laïcité et action éducative locale
Volet 2 : Expliquer
et faire comprendre la laïcité,
comme principe républicain
U
ne action éducative laïque doit
permettre aux enfants et aux
adolescent·es,acteursdecitoyen-
netéetcitoyen·nesenconstruction,
de comprendre les principes qui fondent la
République.
Lalaïcité,qu’est-cequec’est?
5notionsàpartageraveclesenfants
etlesadolescent·es
Notion n°1 : La laïcité, c’est un principe
d’organisationdenotrerégimerépublicain.
Ceprincipeestconstitutionnel.L’article1de
laconstitutionde1958préciseque«LaFrance
estuneRépubliqueindivisible,laïque,démo-
cratiqueetsociale.Elleassurel’égalitédevant
la loi de tous les citoyens sans distinction
d’origine,deraceoudereligion.Ellerespecte
toutes les croyances. »
Notionn°2:lalaïcité,uneliberté.Lalaïcité
permet de garantir la liberté de conscience
(et de conviction) des citoyens et de libre
exercicedespratiquessocialesdeconscience
(dans la limite de l’intérêt de l’ordre public
– Voir ci-après).
Deux exemples :
•
La laïcité garantit la liberté de conscience
religieuse ainsi que le libre exercice des
cultes, c’est-à-dire des pratiques sociales
liées à une conscience religieuse, dans la
limite de l’intérêt de l’ordre public ;
•
La laïcité garantit la liberté de conscience
philosophique comme, par exemple, le
végétalisme ou le choix de ne pas manger
deproduitsd’origineanimale,etcedansla
limite de l’intérêt de l’ordre public.
Ceslibertésaussisontgarantiesdansdes
textes fondamentaux :
La Déclaration universelle de droits de
l’homme et du citoyen - Article 18 : « Toute
personne a droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion ; ce droit implique
la liberté de changer de religion ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester
sa religion ou sa conviction seule ou en
commun, tant en public qu’en privé, par
l’enseignement, les pratiques, le culte et
l’accomplissement des rites ».
La Convention européenne des droits de
l’homme–Article9:«Toutepersonneadroit
à la liberté de pensée, de conscience et de
religion(…)ainsiquelalibertédemanifester
sareligionousaconvictionindividuellement
ou collectivement, en public ou en privé ».
Notionn°3:lalibertédeconscience,c’est
la liberté de croire ou de ne pas croire, c’est
lalibertédepenserdifféremmentdel’autre,
d’avoirdesvaleursdifférentes,c’estlaliberté
La liberté de conscience,
c’est la liberté de croire
ou de ne pas croire, c’est la liberté
de penser différemment de l’autre,
d’avoir des valeurs différentes,
c’est la liberté que l’autre
ne puisse pas m’imposer
ses propres convictions
et les pratiques sociales qui vont
avec. La République garantit
cela pour chaque personne.
29. 27
Laïcité et action éducative locale
public. Elle précise – article 2 – que l’État ne
reconnaît, ne subventionne, ni ne salarie
aucun culte.
En fait, en France, pour garantir la liberté
de conscience des citoyens et leur libre
exercice de leur culte, le législateur a fait le
choixquel’Étatn’enreconnaisseaucun.L’État
est neutre par rapport aux consciences des
citoyens. Cette disposition garantit l’égale
priseencompteendroitetendignitédetous
lescitoyensparl’État.Ellegarantitaussique
l’État assure à deux citoyens revendiquant
une même conscience religieuse, d’en pra-
tiquer le culte comme bon leur semble
(toujoursdanslalimitedel’intérêtdel’ordre
public par exemple).
Laïcité,cen’estpas…
3idéesàpartageraveclesenfants
etlesadolescent·es
Idée n°1 : La laïcité ce n’est pas une
conviction en tant que telle, contrairement
à l’athéisme par exemple. La laïcité est la
conditionquetouteslesconvictionss’expri-
ment et se vivent en paix.
Idéen°2:Lalaïciténepermetpasdedire
toutcequel’onveutmêmesiellegarantitla
liberté de conscience et donc d’expression.
Même si la liberté d’expression reste une
liberté fondamentale, elle est encadrée par
la loi dans l’intérêt de l’ordre public. Par
exemplelesproposracistes,discriminatoires,
antisémites, homophobes… sont punis par
la loi.
Idée n°3 : Être laïque, ce n’est pas ne pas
avoirdereligion.C’estaccepterquelesautres
aientdesconvictionsdifférentesdesmiennes
(religieuse, philosophique, politique…) et
rechercheràlescomprendre,sansforcément
êtred’accordavec.C’estaussinepasvouloir
imposer, par la contrainte ou la force, mes
convictions aux autres. C’est en fait une
éthiquepersonnellequimepermetd’affirmer
monidentitétoutenrespectantetenrecher-
chant à comprendre l’identité des autres,
maisaussid’affirmerquechaquepersonne
est avant tout citoyen de la République et
humain.Jepeuxdoncêtrecroyantetlaïque.
DesréférencesdanslaConvention
internationaledesdroitsdel’enfant
Article2:
1. Les États parties s’engagent à respecter
les droits qui sont énoncés dans la présente
Convention et à les garantir à tout enfant
relevant de leur juridiction, sans distinction
aucune,indépendammentdetouteconsidé-
ration(…),dereligion,d’opinionpolitiqueou
autredel’enfantoudesesparentsourepré-
sentants légaux (...).
2. Les États parties prennent toutes les
mesures appropriées pour que l’enfant soit
effectivement protégé contre toutes formes
de discrimination ou de sanction motivées
par la situation juridique, les activités, les
opinionsdéclaréesoulesconvictionsdeses
parents, de ses représentants légaux ou des
membres de sa famille.
Article14:
1. Les États parties respectent le droit de
l’enfantàlalibertédepensée,deconscience
et de religion.
2.LesÉtatspartiesrespectentledroitetle
devoir des parents ou, le cas échéant, des
représentants légaux de l’enfant, de guider
celui-cidansl’exercicedudroitsusmention-
né d’une manière qui corresponde au déve-
loppement de ses capacités.
3. La liberté de manifester sa religion ou
30. 28 Laïcité et action éducative locale
ses convictions ne peut être soumise qu’aux
seules restrictions qui sont prescrites par la
loi et qui sont nécessaires pour préserver la
sûreté publique, l’ordre public, la santé et la
moralité publiques, ou les libertés et droits
fondamentaux d’autrui.
Article30:
Dans les États où il existe des minorités
ethniques,religieusesoulinguistiquesoudes
personnes d’origine autochtone, un enfant
autochtone ou appartenant à une de ces
minorités ne peut être privé du droit d’avoir
sa propre vie culturelle, de professer et de
pratiquer sa propre religion ou d’employer
saproprelangueencommunaveclesautres
membres de son groupe.
Volet 3 : Une action éducative
relative à la laïcité
U
ne action éducative laïque passe
par une action éducative relative
à la laïcité. Pourquoi « relative » ?
Parlerd’éducationàlalaïcitéserait
placer la laïcité comme un programme de
connaissance, de compétence et de culture
àacquérirensoi.Or,lalaïcitédoitresterune
valeur éducative dont découlent des pra-
tiques à la fois individuelles et collectives,
des pratiques qui demandent l’acquisition
de connaissances, de compétences et de
culture pour se structurer.
Cette action éducative relative à la laïcité
peut se décliner autour de six registres de
pratiques éducatives :
•
L’éducation à la condition humaine : se
connaître soi, comprendre ce qui nous fait
« humain », découvrir ses origines,
construire son identité, est essentiel pour
aller vers l’autre, vers les autres.
•
L’éducation aux conditions humaines, ici
et ailleurs : comprendre les autres, c’est
comprendre leurs conditions de vie, les
inégalitéssocialesetéconomiquesàl’œuvre
dansmaville,monpays,l’Europe,lemonde
et leurs conséquences sur l’humain et les
sociétés.
•
L’éducation aux droits et au droit : la loi,
c’est-à-direl’ensembledesdroitsetrègles
décidés par les citoyens. La loi, les droits,
est ce qui nous rassemble, ce qui fait
«peuple»,cequifait«nation»,cequifait
« communauté de destin ».
•
L’éducation aux sciences et aux technolo-
gies:lascienceestl’artdeconstruiredela
connaissance. Elle permet de comprendre
l’être humain et son écosystème, les êtres
humainsetleursécosystèmes,lessociétés
Parler d’éducation à la laïcité
serait placer la laïcité comme
un programme de connaissance,
de compétence et de culture
à acquérir en soi.
Or, la laïcité doit rester une valeur
éducative dont découlent
des pratiques à la fois
individuelles et collectives,
des pratiques qui demandent
l’acquisition de connaissances,
de compétences et de culture
pour se structurer.
33. 31
Laïcité et action éducative locale
•
Qu’est-cequel’intégrisme,lefondamenta-
lisme, l’orthodoxie ou le traditionalisme
religieux ?
Des références dans la Convention inter-
nationale des droits de l’enfant : articles 2,
14, 27, 30.
L’éducationàl’interculturel
L’éducation à l’interculturel revient à
aborder plusieurs champs de questions :
•
Qu’est-cequelaculture,lefaitculturel,les
cultures, savantes, populaires, légitimes,
dominantes ? Comment se construisent-
elles ?
•
Quellessontmesinfluencesculturelles,mes
valeurs,mesréférencesculturelles?Quels
sontlesprincipesquiguidentmonaction?
•
Comment aller à la rencontre des autres ?
Rechercheràleoulacomprendre?Comment
agir pour faire se rencontrer des individus,
desgroupesdeculturesdifférentes?
Des références dans la Convention inter-
nationaledesdroitsdel’enfant:articles8,29.
L’éducationauxsciences
etauxtechnologies
L’éducationauxsciencesetauxtechnolo-
gies revient à aborder plusieurs champs de
questions :
•
Qu’est-ce que la science ? Les sciences ?
Comment se construit-elle ? Comment
est-elle légitimée ?
•
Quelles informations sur le monde nous
permet-elle de recueillir ?
•
Qu’est-cequ’unraisonnementscientifique?
Comment se construit la connaissance ?
Par quoi et comment peut-elle être
(re)questionnée ?
•
Qu’est-cequedouter?Qu’est-cequimefait
douter ?
Des références dans la Convention inter-
nationale des droits de l’enfant : article 28.
Desdémarchespédagogiques
àpromouvoir
Uneéducationrelativeàlalaïcitéimplique
de promouvoir et proposer un cadre péda-
gogique dans lequel les enfants et les
adolescent·es vivent des démarches, des
situations, des espaces de :
•
Compréhension et d’expression de soi.
•
Découverte des territoires de vie.
•
Pratiques et de rencontres artistiques et
culturelles.
•
D’élaboration, de promotion et d’exercice
des droits
•
Solidarité et de co-développement.
•
D’expérimentation scientifique et techno-
logique.
•
Partage culturel avec l’autre, avec les
autres.
34. 32 Laïcité et action éducative locale
Ressources Francas
Camaraderie307,oct.-
déc. 2014, « La laïcité
en pratiques éduca-
tives »
Dossier pédagogique
«Affichonslalaïcité»
Ressources externes
La Charte de la laïcité
àl’école,Ministèrede
l’Éducationnationale,
2013.
Le plan de formation « Valeurs de la
République et laïcité », Agence nationale
de la Cohésion des territoires.
Le Vademecum « Laïcité et expression de
convictions de nature politique, philoso-
phique et religieuse en accueils collectifs
demineursàcaractèreéducatif»,Ministère
de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et
des Sports, 2020.
Leguide«Laïcitéetgestiondufaitreligieux
dans les structures socioéducatives »,
Observatoire de la laïcité, 2019.
Ressources