1- L’aide au développement - Conditionnalités des bailleurs, Quand le Sud peut flirter avec le Nord. e
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L’aide au développement - Conditionnalités des bailleurs, Quand le Sud peut flirter avec le Nord.
Fred E. DENIS, Maitre Es Sciences Administration, Développement International & Affaires Humanitaires
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L’aide au développement - Conditionnalités des bailleurs, Quand le Sud peut flirter avec le Nord.
Part I
‘’ L’absence de développement justifie l’aide au développement et l’action humanitaire’’. Je ne voudrais pas
m’approprier de cette réflexion, si toute fois elle a été déjà émise par les éminences et les sommités du
Développement International qui m’ont précédé. Mais, à date, mes recherches ne m’ont apporté aucune
réponse. Fred E. DENIS, Maitre Es Sciences Administration / Développement International et Affaires
humanitaires.
1- Développement International et Affaires Humanitaires
L'aide au développement désigne une action volontaire par un acteur extérieur pour impulser le
développementd'un paysensituationdifficile. Elleestaussi, danssonessence humanitaire, un acte
de solidarité pour suppléer au manque de développement, à la vulnérabilité et la fragilité d’un
partenaire en situation difficile. L’aide, comme action volontaire, d’entraide et de sympathie, est
égalementaccompagnée de conditionsque le partenaire extérieurimpose au tiers bénéficiaire. Les
acteursdespays développés,les donateurs,lesacteurs du multilatéralisme et du bilatéralisme, les
agences de développement, les ONG du Nord conditionnent leur appui au respect d’exigences
strictement élaborées, rigides et le plus souvent non négociables. Les acteurs des pays en
développement,lesbénéficiaires,les ONGduSUD sonttenusde respecterces conditions. Elles sont
nombreuses les conditionnalités liées à l’aide, les stratégies pour y répondre le sont autant. Les
difficultés d’octroi sontmultiplesetles moyensd’obtention aussi. Les domaines de conditions sont
variésetle Sudpeutflirteravecle Nord. Dans cet article,nous analyserons lesconditionnalités liées
à l’aide au développement. Quels sont ces exigences auxquelles les bailleurs et les donateurs
enchaînent ils leur financement? De quelles stratégies et tactiques les PVD et les ONG du Sud
disposent elles pour y faire face?
L’aide au développement intervient quand un partenaire d’un pays développé, dans un élan
volontaire de solidarité, décide de participer au développement d’un autre en situation fragile et
difficile.Cetélande solidarité peut se manifester sous l’une des deux formes : l’humanitaire ou le
développement.Lesdeux sontutiliséesparfoisde manière complémentaire, indépendante ou tout
simplementsous le label, aide audéveloppement.Le développement se distingue de l’humanitaire
car dansson essence il devraitfavoriserl'essordespopulationsaidées alors que l'humanitaire (aide
d’urgence) n'intervient que dans des situations de catastrophes naturelles ou conflits armés. La
réalité sur le terrain est souvent plus complexe, les deux instruments étant souvent utilisés de
manière complémentaire.Lesmotifsde l'aide audéveloppement, notamment dans le cas de l’APD,
sont souvent politiques. Ils peuvent être philosophiques, humanistes ou religieux. La forme que
prendl'aide audéveloppementrévèleaussi lavision du développement que se fait le donateur. En
lieu et place d'aide au développement, bon nombre de professionnels préfèrent l'appellation
coopération au développement. En effet, hors du paradigme assistentialiste, la coopération au
développementprône desprojetsélaborésparlespopulationslocales ;ence sens,elle constitue un
réel accompagnement participatif.
Différence entre Humanitaire d’urgence et Développement.
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L’humanitaire ouactionou affaire humanitaire est une aide d’urgence et ponctuelle mise en place
lorsd’une situationde crise exceptionnelle oude catastrophe naturelle. C’est une forme de support
international qui cherche à alléger des problèmes associées au manque de développement. Elle
constitue principalement une réponse rapide, une solution de courte durée à un problème
ponctuel. Elle s’interromptlorsque lesactionsde développement peuvent reprendre ou démarrer.
L’aide au développement cherche à impulser le développement d’un partenaire du Sud en
apportantdesréponsesdurablesaumanque de développement.Elle aidelesPVDà créer la capacité
nécessaire dont ils ont besoin pour promouvoir des solutions durables à leurs problèmes. Elle
intervientenprofondeurpourtransformeretpérenniserlesstructuresetsurtout àimplémenterdes
solutions à long terme aux problèmes des pays en voie de développement (PVD).
2- Les Relations entre les bailleurs et les bénéficiaires
Les relationsentre les donateurs,lesONGduNordet lesbénéficiaires, les ONG du Sud sont surtout
caractérisées par une dépendance aux ressources. Les bailleurs disposent du financement, de
l’expertise, de la technicité et du « know how » ; Ce qui leur procure un avantage certain. Les ONG
du Sud apportent la connaissance du milieu et la maitrise de leur identité et de leur culture mais
sont tributaires des ressources des bailleurs pour assurer leur survie ; ce qui les rend dépendants.
Cette situation crée une dynamique de dépendance qui conduit à une asymétrie de pouvoir. Et
laquelle asymétrie consacre la domination des donateurs sur les bénéficiaires.
En fait, lesbailleursassujettissentleur financementàdesdomaines de condition. Ils ont tendance à
influencerdepuis l’identification,laplanificationet lamise en œuvre des programmes. Ils imposent
desconditionsen matière de contrôle, de notificationetd’évaluation.Ils affectentles financements
à desactivitésbienprécises. Cesexigencesne sontpassanseffetsurl’identité,lamissionetlavision
des organisations du Sud. « Trop fréquemment les ONGD du Sud se voient soumises à des exigences
contradictoires : d'un côté on exige toujours plus de contrôles administratifs, des méthodes plus sophistiquées -
et parfois changeantes en fonction des modes du Nord - de planification, suivi et évaluation et une présentation
de leurs projets chaque fois plus compliquée. Si un projet présenté à une ONGD du Nord va être cofinancé par
des organismes internationaux ou des agences gouvernementales du Nord, son élaboration est parfois aussi
laborieuse que celle d'une thèse de doctorat. Les modifications du projet tout au long de son exécution
impliquent des démarches longues et compliqués - et bien souvent stériles -. Quant aux rapports sur les
comptes, ils sont de plus en plus compliqués et assujettis à des normes établies avec la mentalité du Nord et
souvent impossibles à appliquer au Sud.», Quand lesONG du Nord pratiquentl'amourlibre avec LES ONG
du Sud, page 1, version archivée le 02 avril 2006 du site/annuaire horizon local de Globenet,
http://www.globenet.org/dial.
Part II
3- Les conditions des bailleurs
L’aide des bailleurs aux bénéficiaires du SUD est soumise à des conditionnalités. Les bailleurs de
fondssontconnuspour exercerune influencesurlapréparation et la mise en œuvre de projets des
ONGS (Lister, 2000 ; Michael 2004), pour imposer des conditions en matière de contrôle, de
notification et d’évaluation ( Bornstein, 2003 ; Ebrahim, 2002 ; Ashman 2001, Elbers et Schupen,
2010) etpour affecterlesfinancementsàcesactivitésbienprécises (Michael 2004, Bornstein 2003).
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Les conditions portent sur trois domaines principaux. Selon Elbers Willem et Arts Bas dans
« comment joindre les deux bouts : les réponses stratégiques des ONG du Sud aux conditions
imposéesparles bailleursde fonds», Revue Internationale des Sciences Administratives, 2011/4 Vol.
77, p. 3.
1- La définition et la planification des projets (thème, Groupe Cible, stratégie, zone
géographique, genre, cadre logique…). Les bailleurs conditionnent leurs financements au
respect d’activités et de composantes préalablement identifiées et planifiées. Ceux-ci
identifientlesthèmes,lesenjeux,lesdomaines etzones d’intervention,les groupes cibles...
Ils planifient la structure des travaux, le budget, identifient les indicateurs, montent les
cadres de mesure et logique… Et les bénéficiaires sont astreints au respect de ce premier
domaine de condition,qui le plussouventne tientpascompte des besoins réels de ceux-ci.
2- L’imputabilité ou la reddition de compte (Présentation de rapports narratifs et financiers,
indicateurspour M&E, Evaluations, comptes bancaires distincts, audits indépendants… Les
bailleursmettenttoujours l’accentsurlagouvernance desfonds,la saine gestion financière
et laredditionde compte.Ilsévaluentla qualité et la force de la structure de l’organisation
et déterminent de l’éligibilité de celle-ci à un certain financement.
3- Les modalités de financement ou la structuration des fonds (Financement des projets,
affectationdescrédits,duréedufinancement,Branding…). Lesbailleurs,le plus souvent, ne
financent pas les frais généraux. Ils ne paient pas pour les dépenses d’immobilisation, les
frais de fonctionnement, le renforcement en ressources humaines ou autres postes
d’exploitationdontle financement serait essentiel à la survie même de l’organisation. Les
bailleurs préfèrent financer des projets et affecter les crédits en temps et en durée a des
mandats précis qu’ils viendraient greffer sur la structure de l’organisation bénéficiaire.
De plus,certainsbailleurspeuventenchainerleursfinancementsà desconditionsspécifiques liées à
la vision, àla culture,àl’identité et/ou aux domaines d’activités. Ils puisent dans les thématiques
actuels et les thèmes émergents du Développement International pour imposer ou greffer sur un
programme des composantes comme l’Égalité Homme Femme (EHF), la protection de
l’environnement, l’inclusion sociale, la démocratie, les droits de l’homme… Ils peuvent tout
simplement exiger le recrutement de consultants, le financement d’études, l’achat de matériels
dans le pays ou un pays membre d’un bailleur ou d’un consortium de bailleurs.
4- Stratégies pour répondre aux exigences des bailleurs :
La dépendance réciproque- Lespaysendéveloppementontbesoindespaysdéveloppés. En d’autre
terme, les bénéficiaires dépendent des donateurs. Les ONG du Sud ont besoin des ONG du Nord
pour survivre.Etparadoxalementlesdonateurs, les bailleurs et ONG du Nord dépendent eux aussi
desbénéficiaires. Le jeude l’aide n’estcomplété que quandle bénéficiaire participe à l’acception de
la subvention.Ladynamique estachevée,laboucle est bouclée quand le donateur donne et que le
bénéficiaire reçoit. Les ONG du Sud ont besoin des ONG du Nord et vice versa. Les unes sans les
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autresne pourraient accomplir leur mission au service des peuples du Sud et de construction d’un
monde solidaire. Cette situation crée une dynamique de dépendance réciproque.
Les ONG du Sud disposent de toute une batterie de stratégies pour répondre aux conditions des
bailleurs etainsi se mettre ensituationde négocier,de contourner ou de refuser. Elberss Willem et
Arts Bas, dans le livre « Comment joindre les deux bouts : les réponses stratégiques des ONG du Sud
aux conditions imposées par les bailleurs de fonds », Revue Internationale des Sciences
Administratives, 2011/4 Vol. 77, p. 743-764 », distingue 4 stratégies déclinées en autant de
tactiques.
La stratégie de l’évitement – Lesbénéficiaires évitent de s’exposer aux conditions des bailleurs. Ils
évitent les rapports avec les bailleurs et ainsi diminuent la pression de devoir transiger. Il y a
différentes tactiques permettraient de réussir dans cette stratégie. (1) La Sélection, limiter ses
contacts aux bailleursde fondscompatibles ; (2) Le Rejet, refuser les offres de financement ; (3) La
Sortie, mettre fin à ces relations de financement.
La stratégie de l’influence– Les ONG du Sud modifient le contenu des conditions des bailleurs. En
modifiant la nature des conditions, les organisations peuvent parvenir à éliminer ou à limiter le
contenu problématique. Les tactiques liées a l’influence : (1) La Négociation, Se servir de la
dépendance mutuelle ;(2) La Persuasion, Convaincre aumoyend’argument ; (3) L’implication, Faire
intervenir personnellement des représentants du bailleur de fonds
La stratégie de la défense – Les organisations peuvent se protéger des pressions institutionnelles
des bailleurs. Lorsqu’un certain degré de conformité est tout bonnement inévitable, les
organisations peuvent prendre des mesures compensatoires pour limiter les conséquences
négatives desconditions desbailleursde fonds. Il ya deux tactiques qui sont liées à cette stratégie.
(1) Le bouclier de protection, Mettre des éléments essentiels à l’abri de l’exposition ; (2) La
compensation, Compenser les problèmes par des fonds discrétionnaires ;
La stratégie de la description – Lesorganisationspeuventprétendre aurespectdes conditionsdes
bailleursde fonds. Ellespeuventessayerde donnerune bonne image,manipulerlaperceptiondes
bailleursetainsi améliorerleschancesd’obtenirle financementtoutencontournantlanécessité de
devoirmodifierleurnature ouleurs activités.Lestactiques liéesacette stratégie :(1) Le Maquillage,
Se conformerde façon superficielle;(2) La rétention, Choisirles informations àdivulguer;(3) La
représentationerronée,Transmettre des informationsinexactes aux bailleurs.
Conclusion
Sans aucun doute, les ONG du Nord ont besoin des ONG du Sud et réciproquement. Les unes sans
les autres ne pourraient accomplir leur mission au service des peuples du Sud et de construction
d'un monde solidaire. Les états des pays développés, les bailleurs de fonds, les donateurs, les
acteurs du bilatéralisme et du multilatéralisme, les agences de développement, ONG du Nord ne
peuventpas implémenterleursprogrammessanslaparticipation des bénéficiaires. Les partenaires
du Nord ont lapressionetl’exigence d’accomplirleursmissions. LesONGduSud ont aussi besoin de
leurspartenairesdupourassurerleursurvie. Maissi une certaine action volontaire d’un partenaire
développé estaccompagnée de conditionsqui aurontdes conséquences indésirables sur l’identité
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et la structure d’un autre en développement, celui-ci peut utiliser le levier de la dépendance
réciproque et ainsi se mettre en situation de négocier, de contourner ou de refuser. Mais Il est
toutefois recommandé que L’ONG du Sud fasse accompagner son refus d’un argumentaire
techniquement solide et bien ficelé.
FredE. DENIS,
Maitre Es Sciences Administration
DéveloppementInternational et AffairesHumanitaires(DIAH)
fed_1@hotmail.com,fedd718@yahoo.com,fred-emmanuel.denis.1@ulaval.ca
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Bibliographie :
1- Cultures & Conflits, Le dilemme de l’action humanitaire, Michael Scholms.
2- IntroductionauDéveloppementInternational,approches,acteurs et enjeux, Pierre Baudet,
Jessica Schäfer, Paul Haslam,
3- Quand les ONG du Nord pratiquent l'amour libre avec LES ONG du Sud, page 1, version
archivée le 02 avril 2006 du site/annuaire horizon local de Globenet,
http://www.globenet.org/dial.
4- Commentjoindre lesdeux bouts:lesréponsesstratégiques des ONG du Sud aux conditions
imposées par les bailleurs de fonds », Revue Internationale des Sciences Administratives,
2011/4 Vol. 77, p. 743-764. Elbers Willem et Arts Bas.
5- http://www.ifrc.org/PageFiles/93550/1213600-IDRL_Haiti-FR-LR%20(final).pdf