Mémoire de fin d'études ISCPA Lyon - mai 2013 - Andy Barril
Mastère 2 Communication Corporate
Problèmatique : Quel rôle joue la communication dans le développement de la musique numérique et de ses plateformes de diffusion, étant donné la chute des ventes de l’industrie musicale physique ?"
1. DE LA COM’
ET DE LA MUSIQUE
NUMÉRIQUE
“MASTERE 2e ANNEE”
Cycle Professionnel de la Communication
(Producteur / Jean-Marie Troullier)
2012 / 2013
STEREO
ANDY BARRIL
2. ATTESTATION DE NON PLAGIAT
Je, soussigné, Andy Barril
Etudiant dans le programme Master 2 Communication Institutionnelle
de l’ISCPA Lyon Institut des Médias
atteste sur l’honneur que le présent dossier a été écrit de ma main, que ce travail
est personnel et que toutes les sources d’informations externes et les citations
d’auteurs ont été mentionnées conformément aux usages en vigueur (Nom de
l’auteur, nom de l’article, éditeur, lieu d’édition, année, page).
Je certifie par ailleurs que je n’ai ni contrefait, ni falsifié, ni copié l’œuvre d’autrui
afin de la faire passer pour mienne.
J’ai été informé des sanctions prévues au Règlement pédagogique de l’ISCPA en
cas de plagiat.
Fait à Paris le 4 mai 2013
Signature de l’étudiant
3. DE LA COM’
ET DE LA
MUSIQUE NUMÉRIQUE
Le rôle de la communication
dans la diffusion de la
musique en ligne
Mastère Professionnel de la Communication
2e année - 2012/2013
Tuteur : Jean-Marie Troullier
Andy Barril
4.
5. Pour mes parents et mon frère,
Pour les Paranoid Pop,
Pour ma passion : la Musique.
“Sans la musique, la vie serait une erreur.”
Friedrich Nietzsche
7. 7
Musique Numérique
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Sommaire
mSOMMAIRE
Remerciements ................................................................................8
Introduction .....................................................................................10
1ère
partie : L’ère de la numérisation musicale ..........................12
1. Le numérique face au physique ........................................................................................13
1.01. Une histoire des mutations de l’histoire du disque ..................................13
1.02.Lechangementdescomportements,c’estmaintenant?.......................16
2. Vu par les majors, les labels et les artistes ....................................................................19
2.01. Une mauvaise anticipation ...........................................................................19
2.02. Rattraper le temps perdu ...............................................................................21
3. Napster et MySpace, les Adam et Eve de la musique en ligne ...............................24
3.01. L’accès au grand public ...................................................................................25
3.02. Le nouvel artiste : plus proche, plusvirtuel ..............................................28
2e
Partie:Lesenjeuxdesplateformesdediffusion...................32
1. Le téléchargement légal et payant : nouvelle donne .................................................34
1.01. iTunes, le mégastore en ligne ........................................................................34
1.02. Un marché à mettre au défi ...........................................................................36
2. La diffusion libre et pas toujours légale .........................................................................37
2.01. La vidéo au service de la musique ...............................................................37
2.02. Le son et l’image libres ...................................................................................40
3. Le streaming, l’avenir de la musique digitale ? ...........................................................42
3.01. Le choc des titans : Deezer et Spotify..........................................................43
3.02. L’illimité en ligne et après ? ..........................................................................46
3e
Partie : Des stratégies pour l’avenir ......................................48
1. Répandre la bonne musique ............................................................................................49
1.01. Une diffusion en masse et préparée ............................................................49
1.02. Une expérience de vie : les sites d’artistes ................................................51
2. Les stratégies Direct to Fans ou D2F...............................................................................54
2.01. Les communautés des réseaux sociaux ....................................................55
2.02. La passion au cœur de l’engagement .........................................................58
3. Les artistes : se connecter pour s’émanciper ...............................................................60
3.01. Monétiser sa passion et sa promotion .......................................................60
3.02. Le virtuel face au réel : le choix ultime ? ...................................................62
Conclusion .......................................................................................66
Annexes ............................................................................................68
Bibliographie.....................................................................................76
Illustrations......................................................................................77
8. 8
Musique Numérique
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nREMERCIEMENTS
Pour la réalisation de mon mémoire je tiens à remercier toutes les personnes
qui m’ont soutenu moralement durant cette longue épreuve, celles qui ont réussi à me
faire rire, me distraire, m’obliger à me reposer, se sont senties impliquées dans mes ré-
flexions, m’ont fait réfléchir sur l’avenir de ma passion et de mon projet professionnel ;
ceux qui m’ont fait douter, m’ont ému, ceux qui ont cru en moi, ont été fiers de moi. La
liste ne sera pas exhaustive mais j’ai une pensée pour toi ou toi ou toi qui a participé de
près ou de loin à ce moment de tensions mais aussi de découvertes exceptionnelles.
Merci à mes parents que j’aime tant, ils ont toujours été là pour moi et j’espère,
le seront encore longtemps ; merci à mon petit frère dont je suis fier et qui arrive à
me faire pleurer par un pseudo Facebook ; merci à toute ma famille qui m’a appris le
respect, le goût du travail bien fait, de la persévérance et le bonheur de poursuivre ses
rêves ; merci à mes grands parents qui m’ont fait aimer la musique depuis tout petit ; à
ma tante qui a été toujours été un exemple de la débrouillardise et de la niaque ; merci
bien sûr à mes petits poulets, les Paranoid Pop qui m’ont fait renaître de mes cendres
il y a plus de quatre ans, Beccarelle, Bernadelle et Barronos, car sans eux, je n’aurai
jamais vécu la Musique comme je la ressens ; merci à mon Cool’ Cam adoré, le seul
rappeur au monde spécialiste du grand Quetzacoatl ; merci à toute ma promo de Mas-
ter 2 qui m’ont fait rire pendant ces deux ans et m’ont appris la force de l’amitié même
à distance : mentions spéciales à Géraldine la seule vraie miss Villeurbanne, Mariana
ma colocataire parisiano-russe bavarde, Quentin mon gangster du Havre, Emilien mon
mentor DirCréa-Gigagym, Lucas mon bras droit, mon Doc Keynote et tous les autres
que j’adore tant : Ludivine ou petit Lu, Chloé la caillera de Rillieux, Qiwen alias Chichi.
A toutes ces belles âmes, je voudrais leur dire à quel point je les aime et comment ils
ont pu me faire grandir, vivre et aimer ma vie.
Remerciements
9. 9
Musique Numérique
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Je remercie aussi toutes les autres personnes qui comptent pour moi sans que
je leur dise assez souvent : mon Nono et mon Bobichon, Alison, Mathilde, Chachou
Zigzigo, le roi Guillaume, les Connards du fond, les Mediakillers, les YMédias, les gens
de Montanight, mes petits amis de Paris, les super stagiaires de Publicis, les béné-
voles Woodstower, Chang, Magnien, les P-HoneyPiens, les présidents de BDE, la
Fédération Inter-UPI, les Badugayri, Toto, les Yeasty, les Delhi, les PMs, les Welling,
les Bates, les Destronics, les Fake Oddity, les Lion Clarks, les YLD, Guillaume de Vir-
gin, les ex-Arties, Jeanne, la Marquise, le Sirius, le Ninkasi, Maison Fraiche, My Band
Market, mes potes de Lyon 3 et Lyon 2, mes potes de Bellecour Ecole d’art, Julia,
Clém, Mac Bender, mon Jojo de L.A., Charly, Valentine, Stella, Anna, tous mes potes
d’aumônerie et de Mornant, de St Thom’ Oullins, Nicolas et Clarine, maxime Bacon,
les groupies des PP, toutes mes exs et tous ceux que je n’ai pas vu depuis longtemps
mais à qui je pense souvent ou pas toujours (contacts Facebook, Twitter, Instagram,
Tumblr, Spotted UPI, Klout…). Merci au nombre de litres de café ou de coca ingurgi-
tés, merci quand même à Camel, Marlboro ou Lucky Strike, à Crunch, à W9, D8 et
TF1 pour repasser des épisodes des Experts, de la Belle et ses Princes, d’En Quête
d’Action et de Touche pas à Mon Poste.
Un grand merci à mon tuteur de mémoire Jean-Marie Troullier qui a eu la pa-
tience de me choisir, qui m’a fait découvrir le Little et m’a conseillé, m’a fait réfléchir sur
les mutations du secteur ; merci à tous mes intervenants sans qui je ne comprendrais
encore rien à la communication et l’administration de l’ISCPA à nos côtés ; merci et
bravo à Virginie Berger et Alexandre Sap, qui sont devenus mes nouveaux mentors ;
merci à tous les tuteurs des mes deux ans de stage : Jennifer, Johan, Barbara, Tho-
mas et Jenny, bien sûr, qui m’éclaire chaque jour la capitale et pour qui j’ai imaginé de
nombreux tags.
A vous tous : Merci.
Que la musique et les rêves remplissent vos vies à jamais.
Bande son du mémoire (en streaming, en téléchargement légal ou illégal, sur Youtube, Soundcloud,
Deezer ou iTunes) : Daft Punk, Strange Talk, Paranoid Pop, Housse de Racket, O Safari, GRIEFJOY,
The Popopopops, Divine Paiste, Juveniles, Sébastien Tellier, Vitalic, BB Brunes, C2C, La Femme, Foals,
Goose, Lescop, Metronomy, Two Door Cinema Club, Yeah Yeah Yeahs et encore
Paranoid Pop, toujours, à jamais.
Remerciements
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Do Ré Mi Fa Sol La Si Do.
Clic. Clic. Clic. Play. Pause. Play. Stop.
Bienvenue dans l’ère de la musique digitale.
Il semble loin le temps des gramophones puis des cassettes audio. L’industrie
de la musique n’a jamais autant produit d’artistes à l’année. Les chansons n’ont jamais
été autant partagées. Les concerts et les festivals n’ont jamais été aussi nombreux et
fréquentés. Aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours été passionné par la musique.
L’idée m’est venue plus tard de faire - ou créer - de la musique. Désormais, je vis
chaque jour les aléas de l’industrie musicale de l’intérieur où le numérique a assis son
règne. M’occupant de la communication de mon propre groupe, j’ai très vite compris
à travers mon parcours universitaire les contraintes vécues par les artistes, les labels
ou encore les producteurs. Mais, celles-ci remontent bien avant ma naissance.
La musique est désormais à portée de tous et elle se transporte de partout.
L’apogée du Compact Disc a amené bien sûr celui de la gravure et du partage illégal
de la musique en masse. L’industrie se mondialise radicalement et se perfectionne. La
nouvelle tendance est aujourd’hui à l’écoute en streaming sur des plateformes de dif-
fusion mondiales qui cherchent à révolutionner l’expérience des internautes. Tellement
mobile et pluriel, le secteur de la musique a connu un développement exponentiel
grâce au numérique. Mais, depuis cette course à la démocratisation et à la multiplica-
tion de l’offre musicale, de nombreux enjeux sont apparus.
La saturation du marché se fait sentir et les résultats financiers se doivent de
rester stables pour pérenniser le développement d’une scène musicale riche. Il faut
donc jouer sur tous les tableaux sonores pour que les artistes et leurs œuvres puissent
vivre et faire vivre. L’accès à la musique devenant de plus en plus libre, il faut se dif-
férencier. Trouver sa valeur ajoutée, son ADN, son message, son propre univers. Sa
propre essence musicale. Tout comme le ferait un communicant pour un lancement
de produit ou un évènement afin de mettre en relief la beauté de cet art, pour lequel
nombreux se sont battus, l’utilisant comme un moyen de communication en lui-même.
eINTRODUCTION
Introduction
11. 11
Musique Numérique
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Avant tout, je souhaite aussi distinguer dans mes propos le profil des acteurs
majeurs du secteur de la musique d’une façon peut-être candide mais qui facilitera la
suite. D’un côté, je vous présenterai les évolutions de la musique digitale vues par les
artistes. De l’autre, j’aborderai la vision de ceux que j’appelle les « artisans ». Non loin
de la racine latine artifex, les « artisans » correspondront au milieu « professionnel »,
c’est-à-dire des labels indépendants, des majors, des plateformes numériques et des
communicants. Il y aura donc les artistes et les « autres ». Non que ce soit une vision
péjorative du marché, bien au contraire, elle me permettra de simplifier les nouvelles
techniques employées par chacune des deux entités. Tous sont des acteurs inextrica-
blement liés dans leurs démarches, dans leurs relations et dans leurs manières d’abor-
der la modernisation de l’art qui les fait vivre et qui les passionne. Chaque entité a son
propre savoir-faire et chacune surfe sur les cordes tendues de la promotion « made in
web ». Je présenterai donc en parallèle la vision de ces deux mondes.
Il me semblait important de pouvoir allier mes recherches et ma passion. Et,
par là-même, de mieux appréhender les rouages d’une machine d’apparence si bien
huilée. L’idée s’inscrit dans mon projet professionnel comme un défi face à la mutation
perpétuelle et l’immédiateté de l’accès de la culture pour tous. L’intérêt de mon mé-
moire est alors simple, logique et mélodieux.
Etant donné la chute des ventes de l’industrie musicale physique, la
musique digitale connaît un essor sans précédent. Les artistes, les majors
et tous les acteurs du secteur ont besoin d’accroître leur visibilité pour faire
face au changement. Quel rôle joue alors la communication dans le dévelop-
pement de la musique numérique et de ses plateformes de diffusion ?
En d’autres termes, l’idée est de connaître quelles sont les stratégies à adopter
aujourd’hui pour permettre une diffusion efficace et plus large de l’œuvre musicale.
Je répondrai à la question en trois étapes. Tout d’abord, il sera judicieux de faire un
état des lieux de la numérisation de la musique face au support physique. Ensuite, je
me pencherai sur le développement des plateformes en ligne qui relayent et diffusent
la musique du monde entier. Enfin, je verrai comment la communication répond aux
enjeux stratégiques du secteur numérique de la musique.
Introduction
12. 12
Musique Numérique
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ePREMIÈRE PARTIE
12
“On ne vend pas la musique. On la partage.”
Leonard Bernstein
L’ÈRE DE LA
NUMÉRISATION
MUSICALE
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Musique Numérique
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Pour ouvrir notre chapitre sur cette nouvelle épopée de la musique dans le
monde, je me devais de présenter quelques faits marquants. L’importance de cette
première phase réside dans la mise en place progressive et inéluctable d’une nouvelle
appréhension de l’art sonore. L’évolution du format musical a provoqué un schisme
dans la « consommation » des gastronomes du milieu. On va se rendre compte que
nombreux n’avaient pas vu venir ce phénomène et que, dès lors, quelques précur-
seurs ont su s’engouffrer dans la brèche ouverte au sein du secteur.
1’ - Le numérique face au physique …
Une nouvelle révolution se met en marche dans les années 1980. Loin de celle
commencée dans la Salle du Jeu de Paume à Paris, c’est une révolution technique
qui bouleverse les fondements du marché de la musique. C’est une révolution futuriste
qui a changé les modes de vie des « auditeurs » au niveau mondial. Durant cette dé-
cennie, l’innovation du traitement du son a marqué l’histoire. Les artistes autoproduits
ont dû s’adapter aux nouveaux logiciels de traitement comme les labels et les studios
ont dû se moderniser. Les stratégies marketing et la promotion de ces artistes se sont
réinventées pour trouver les meilleurs canaux de diffusion. Mais, la chute des ventes
physiques a meurtri dans les années 2000 cette industrie non-préparée à une telle
déferlante.
Cela fait déjà près de quinze ans que le marché de la musique en ligne se
façonne et se module selon les arrivées de nouveaux supports – mobile, ordinateur,
tablette tactile, lecteur mp3 – sans en oublier sa fonction principale : la diffusion d’un
art et de ses artistes auprès du public de fans. Pourtant, cette crise s’inscrit dans un
cheminement d’innovations qui a commencé bien avant les années 1980. Il est difficile
de condenser tant d’années de mutations car c’est la société en elle-même, empreinte
de nombreux facteurs, qui en est la génitrice. Mais, il est nécessaire de revenir sur ces
grandes étapes du passé pour comprendre le rôle primaire de la communication, de la
promotion et du marketing dans cet univers artistique.
1’01 - Une histoire des mutations de l’industrie du disque
Ses premiers ébranlements technologiques remontent au XIXe siècle avec
Thomas Edison qui créa l’enregistrement de la voix et sa lecture grâce au phono-
graphe en 1877 puis au gramophone de Berliner sur vinyle*
. C’est à cette époque que
naissent aussi la commercialisation et la diffusion des artistes menées par les maisons
de disques, considérées surtout comme des spécialistes « techniques ». L’une d’entre
* Source : www.whojamlive.com/musicweek/une-petite-histoire-de-lindustrie-musicale
L’ère de la numérisation musicale
14. 14
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elles, Columbia Records perdurera à travers les siècles. L’arrivée de la radio estam-
pille la première perturbation d’une industrie nouvelle et grandissante. Dans les an-
nées 1920, la radiodiffusion incarne la première phase de l’écoute gratuite pour les
masses. En faisant le parallèle avec notre actualité, on
se rend compte dès lors que la crise que nous vivons,
s’est déjà produite dans le passé. Les mêmes symptômes touchent
le marché de l’époque : on enregistre une chute de la vente de vinyles de plus de 80%
malgré l’invention simultanée en 1925 des 78 tours et de l’enregistrement électrique.
L’issue choisie sera une restructuration des acteurs mondiaux : fusion et ra-
chats de certaines compagnies donnant naissance à des superpuissances comme
EMI, signifiant Electric and Music Industry. Il en est de même pour les grands groupes
de radio qui inventent la promotion des artistes à l’antenne, la diffusion de nouvelles
chansons et de concerts ainsi que des grands hits parades. Tout cela dans le but de
relancer les ventes de disques et de places de concerts. Au début des années 1930,
la compagnie Decca, connue plus tardivement pour avoir refusé de signer les Beatles
puis finalement engagé les Rolling Stones, concentre son système d’activité sur la
promotion et la production de ses artistes majeurs. Par exemple, Bing Crosby, chan-
teur américain « multi médias » à l’origine des premiers enregistrements sur bandes
magnétiques des émissions de radios, se fera connaître par de grandes campagnes
publicitaires pour les cigarettes Chesterfield. C’est l’apparition du star-système qui
relance les ventes de disques en capitalisant sur les artistes comme des influenceurs.
Ce sont les débuts du placement de produit. On relève d’autres exemples de l’époque
comme Annie Cordy et la bière Belle Vue.
L’ère de la numérisation musicale
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Musique Numérique
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La concurrence se réveille alors et c’est l’apparition des labels indépendants
qui permet l’éclosion de nouveaux talents musicaux. Les majors trop occupées à la
diffusion à grande échelle laisseront la place libre aux petits labels pour lancer de nou-
veaux styles. Atlantic Records lancera Ray Charles et le rythm’n’blues et Sun Records
révélera Elvis Presley. Ces choix indépendants permettront de diffuser de nouveaux
talents jusqu’aux années 1970. Au même moment, en 1964, la cassette conçue par
Philipps commence à se démocratiser face au microsillon, alias le vinyle. Les majors se
disputent le rachat des petits indépendants et continuent leurs objectifs promotionnels
pour récupérer les deux tiers du marché laissés à ces petites structures. Quelques
années après en 1979, Sony vendra ses premiers lecteurs de musique mobiles : les
Walkmans. Ils sont d’abord bien sûr étudiés pour les cassettes audio. Les années
1960-1970 sont alors synonymes de révolution sociale et de la musique à la portée de
tous.
Les années 1980 qui suivirent entérinèrent quant à elles le changement tech-
nologique. En 1982 au Japon puis 1983 en Europe, le compact disc débarque à toute
vitesse. Cet événement est souvent associé à l’invention du format MIDI permettant
d’enregistrer des sons « synthétiques ». Pour s’adapter, Sony sortira évidemment l’an-
née d’après, son Discman qui perfectionne encore l’écoute de la musique mobile. Le
hip-hop, le disco, la new wave, la musique électronique seront propulsés par cette in-
novation technologique. Les fans se libèrent petit à petit de la contrainte des postes de
radio ou des chaînes hifi. Plus encore que les cassettes audio, on partage la musique
et cette fois de bonne qualité, malgré la fragilité des CDs. Mais, c’est surtout la façon
de créer la musique qui change : musique assistée par ordinateur, samplers, synthéti-
seurs...
Petit à petit, le support physique comme le CD, le vinyle ou nos ancestrales
« K7 » sont devenus obsolètes et restent aujourd’hui des supports plus emprunts de
nostalgie que de nouvelles expériences. L’avenir devait donc avoir un autre visage,
embarqué dans une spirale symphonique sans précédent.
L’ère de la numérisation musicale
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Musique Numérique
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L’ère de la numérisation musicale
1.02. Le changement de comportements, c’est maintenant ?
Le sort en est jeté : le nouveau millénaire sera celui de l’instantanéité, du par-
tage massif de l’information et de sa mondialisation. La musique ne pouvait y échap-
per. Dématérialisée, la diffusion de cette dernière s’anticipe désormais de différentes
façons. Les ventes de CDs au début des années 2000 représentent la quasi-totalité
des parts de la musique enregistrée.
Une nouvelle crise se met alors en marche avec l’apparition de Napster et
de l’iPod de Steve Jobs. En France, on en ressent les effets dès 2002, plus tardi-
vement que sur le marché mondial. Mais, les baisses s’accélèreront peu après. En
2007, d’après le syndicat national de l’édition phonographique, la baisse de 19% de
la vente du disque sera la plus intense en Europe. La même année aux Etats-Unis,
l’institut d’études NPD Group révèle que la moitié des adolescents américains n’au-
raient pas acheté de CDs. L’industrie musicale du physique est au plus mal, en peu de
temps. Jusqu’en 2008, c’est donc l’âge d’or du peer-to-peer, d’Amazon et d’iTunes
qui s’amorce. La transition est inévitable pour les acteurs du secteur qui devront at-
tendre pour obtenir des solutions légales pour réfréner le développement du piratage
et la violation des droits d’auteurs.
Néanmoins, on peut noter que cette numérisation de la culture au sens large,
s’inscrit dans une réelle démarche de devoir de mémoire. Répertorier la musique en-
registrée en studio ou la musique live nous permettra à terme de garder une trace de
notre patrimoine universel pour les siècles à venir. Nous pourrons ainsi l’enseigner,
l’analyser et nos générations futures pourront aussi mieux comprendre les rouages
de la société dans laquelle nous vivons. De telles initiatives sont mises en place dès le
début de la révolution digitale. La Cité de la Musique participe à l’élaboration de ces
dernières depuis 1995. Proposant l’accès libre en ligne de plus de 400 concerts filmés
et de 1400 concerts en audio, de telles institutions favorisent la perpétuité de nos
univers musicaux et diffusent en masse une culture devenue universelle et populaire.
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Musique Numérique
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C’est dans la même volonté de respecter les libertés et l’égalité culturelle qu’est né le
partage numérique.
Le peer-to-peer traduit « pair-à-pair » ou « égal à égal » s’appuie sur l’échange
illégal de données sur Internet. Chaque serveur devient un émetteur et un récepteur
potentiel de ces contenus. En téléchargeant un logiciel, l’utilisateur ayant acheté un
CD (et extrait les formats MP3) pouvait échanger sa musique via d’autres internautes
connectés. De nombreux réseaux et logiciels vont faire l’histoire de ce système de par-
tage à grande échelle : Gnutella, Shareaza, e-Mule ou BitTorrent. Fondamen-
talement, ce n’est ni le logiciel peer-to-peer comme
outil, ni son utilisation propre qui est illégale : une raison
qui a ralenti pendant longtemps la traque et le contrôle de ses utilisateurs. Mais, c’est
uniquement son utilisation pour télécharger et partager des fichiers protégés par des
droits d’auteurs comme des œuvres musicales ou cinématographiques. Beaucoup
ont donc bravé l’interdit et des milliards de fichiers MP3 se sont vus téléchargés dans
les mois qui suivaient la sortie d’un nouveau logiciel. La machine semblait lancée sans
pouvoir s’arrêter. De plus, sur Internet, les chats, les forums et autres messageries
instantanées – comme MSN Messenger – permettent progressivement de répandre
le mot et le développement du MP3. Les ventes des CD 2 titres en ressentent très
vite les effets. La diffusion numérique s’égrène massivement mais pas toujours avec le
gage de la bonne qualité, au contraire des supports physiques encore de la fin de la
décennie 2000.
La démocratisation du système peer-to-peer par les internautes pointe la frus-
tration des amateurs de musique qui n’ont pas accès à la musique qu’ils voudraient.
On connaît tous dans son entourage une personne (si ce n’est pas soi-même) qui pas-
sait son temps à télécharger des bibliothèques entières de films et d’albums puis à les
graver sur CDs. Les consommateurs sont en pleine mutation de leurs comportements
vis-à-vis de la musique à cause de cette prouesse technique. Très vite, l’apparition des
plateformes de téléchargement et de streaming devient un passage clé vers un nou-
veau modèle économique financier pour les artisans et les artistes. La qualité d’écoute
et de partage s’améliore créant une niche commerciale à exploiter.
Il a donc fallu modifier le droit d’auteur, souvent raison principale de la rage des
acteurs du secteur qui pensaient ce dernier bafoué. En France, encore aujourd’hui
dans l’attente d’une mise en pratique de la mission de Pierre Lescure, l’arsenal ju-
ridique a été sujet à de nombreuses mises à jour pour pallier aux mutations de la
diffusion numérique de la musique. Les lois HADOPI devant restreindre et punir les
internautes usant du téléchargement illégal n’ont été que très peu efficaces. La loi
Droit d’Auteur et Droits Voisins de la Société de l’Information (DADVSI) votée en 2006
n’avait, quant à elle, pas du tout pu être appliquée et sera remplacée par les sanctions
graduées des pirates. Un tel flou juridique et une mauvaise anticipation des maisons
L’ère de la numérisation musicale
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de disques laissent le champ libre à une gestion individuelle de sa carrière artistique.
On voit naître alors les artistes autoproduits appelés aussi artistes DIY ou Do
It Yourself. Ce sont des artistes autodidactes qui ont acquis les connaissances et
les outils techniques afin de se produire et de s’enregistrer par eux-mêmes via des
home studio personnels. La diffusion illégale de logiciels de MAO (musique assistée
par ordinateur) au travers des réseaux de torrents a poussé les artistes peu connus à
se débrouiller seuls. Le consommateur est devenu plus facilement créateur et artiste :
on appelle ce phénomène le CGC ou consumer generated content. La mobilité de la
musique via le partage de fichiers rend obsolète l’achat de compact discs et favorise
l’apparition des jeunes talents, plus au courant des nouvelles technologies. Dans mes
recherches, j’ai découvert une réelle hétérogénéité des opinions des artistes sur ce
phénomène. Tous n’étaient pas contre le partage illégal qui permettait aux artistes plus
confidentiels d’entrer dans la lumière et de pouvoir émerger face aux artistes à succès
signés sous les labels.
L’industrie musicale décidera alors de se ressaisir. En effet, le numérique pro-
met aussi à ses investisseurs de nouvelles perspectives de revenus sur de nouveaux
territoires. Le marché devenant de plus en plus saturé dans une poignée de pays, il
faut s’ouvrir sur d’autres zones pour rester compétitif. Traditionnellement, le chiffre
d’affaires musical se concentrait sur une faction composée des Etats-Unis, du Japon,
de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne et bien sûr de la France. L’idée est désormais
d’atteindre des pays où la vente de musique pour les géants internationaux restait
inespérée, notamment par le relai des smartphones. En décembre dernier, Apple a
doublé sa couverture en lançant son logiciel iTunes dans 52 pays complémentaires
comme l’Inde ou la Thaïlande. Le cas russe du célèbre magasin de musique en ligne
rassure le marché en enregistrant pour la première semaine d’ouverture des résultats
supérieurs à celui de la France.
L’avenir du numérique semble indéniable, précipitant celui du support physique
vers l’extinction. Pourtant, il est judicieux de nuancer cette appréhension. Alors qu’on
observe une baisse effective des ventes du support CD, il n’en est pas de même pour
les vinyles qui semblent subsister dans certains pays comme aux Etats-Unis, face à
l’avancée de la musique numérique. Encore anecdotique, leurs ventes ne représentent
qu’1,5 % de la vente globale d’albums aux Etats-Unis. En effet, d’après une étude de
l’institut Nielsen, on enregistrait 4,6 millions de vinyles vendus sur le territoire américain
en 2012. C’est une croissance colossale depuis le début des années 1990.
Le numérique ne bat pas encore tous les records
mais devient de plus en plus majoritaire pour le futur
de la diffusion des artistes. Les labels indépendants et les majors en
sont désormais conscients et doivent surfer sur le phénomène. C’est un choix qu’ils
n’ont pas toujours su anticiper.
L’ère de la numérisation musicale
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2.Vuparlesmajors,leslabelsindépendants
et les artistes
Aujourd’hui, l’industrie musicale est dominée par trois grands rouleaux com-
presseurs. Il s’agit de Warner, d’Universal et de Sony – basés aux Etats-Unis, en
France et au Japon. Ces trois groupes appelés aussi des majors sont à la tête de plus
de 70% des parts du marché mondial. Pour le reste, on retrouve les labels indépen-
dants et les artistes auto-produits. Les labels sont quant à eux des petites entreprises
qui se veulent « détachées » de toute contrainte de budget, privilégiant la création et la
qualité de l’œuvre musicale qu’ils produisent. Souvent issus de la professionnalisation
de petites associations ou de la collaboration entre artistes, ils sont à l’origine de nom-
breuses tendances. La Maison Kitsuné, Ed Banger Records, Naïve, Domino Records,
Ruthless Records, Parlophone : tous font aujourd’hui partie du panorama des labels
connus internationalement. Majors et labels ont été touchés par l’ère du numérique.
Malheureusement, tous ne s’y étaient relativement pas bien préparés.
2.01. La mauvaise anticipation
Tabou pendant très longtemps, le phénomène Internet inquiétait les artisans de
la musique. Ce changement qu’ils n’avaient pas anticipé, les conduisait directement
vers le gouffre de l’inactivité et de la banqueroute. Comme l’explique Alban Martin, ils
étaient même « nombreux à refuser ce tournant ». Les Etats ont aussi été longs à ré-
pondre à la demande de l’industrie musicale et ont manqué d’ambition à moderniser
l’appareil législatif et politique vis-à-vis du numérique et des ses apports financiers. Car
il est vrai que rien n’y présageait. La fin des années 1990 était synonyme d’apogée
grâce aux CDs. Personne ne se doutait que tout allait s’écrouler si brutalement. Les
majors et beaucoup de maisons de disques indépendantes soutenaient ce modèle
archaïque. Les plus petites périssaient ou se faisaient racheter pendant que les plus
grosses s’attelaient à une surproduction (un album et une tournée par an).
L’ère de la numérisation musicale
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Le peer-to-peer a directement été considéré comme une menace par les ac-
teurs du marché. Tous se battaient pour savoir qui vendraient le plus sans se soucier
des artistes et de la qualité de leur création. Les plannings étaient serrés et les œuvres
non abouties. Les bases du marketing ont empoisonné les maisons de disques avec
leurs statistiques de vente et leurs notions de rendement et de rentabilité. L’arrivée du
numérique a fait exploser le système de rapport de force d’apparence inébranlable ins-
tauré par les majors et de nombreux labels. « Innover ce n’est pas avoir une nouvelle
idée mais arrêter d’avoir une vielle idée » disait Edwin Herbert Land : clairement les
majors ne voulaient pas délaisser leurs vieilles idées. Les études du SNEP (Syndicat
national de l’Edition phonographique) pointent 2002 comme le début de cette chute,
accéléré en 2008 quand le volume des ventes ne se compte plus en milliards mais
en millions. La preuve est telle qu’il a fallu réajuster les récompenses des artistes en
fonction des nombres de disques vendus. Un disque d’or correspond désormais à 50
000 exemplaires alors que vingt ans plus tôt, il fallait en avoir vendu le double.
Les artisans estiment que la valeur du marché a diminué de 2000 à 2008,
équivalent à une perte de 608 millions d’euros. La contre attaque a été lancée dès
2003 par la RIAA (Recording Industry Association of America). Le plus gros syndicat
des maisons de disques américaines avait dépose près de 261 plaintes*
contre les
adeptes du peer-to-peer. La RIAA les accusait alors de « violation caractérisée du
copyright ». Interviewé quelques jours après, Jérôme Roger, le directeur à l’époque du
syndicat homologue français, l’Union des producteurs phonographiques français ne
partageait pas leur vision. L’idée pour lui était trop « répressive » et se préparait plutôt
à s’adapter. Les majors prises de cours par les avancées de cette Nouvelle Economie
numérique se devaient de réagir et vite. Cela commence par l’éducation des ama-
teurs de musique et d’art. En France, on se souvient des campagnes anti-piratage
avant la projection de films au cinéma. Deux décennies auparavant, la RIAA avait fait
la même chose avec le partage via les cassettes audio et leur croisade « Home
Taping is Killing Music ». Chaque avancée technologique a toujours
effrayé l’industrie musicale qui devait réformer son modèle économique. Des CDs an-
ti-gravure ont été commercialisés aussi pour éviter de re-partager l’information, sou-
tenus et financés par l’Etat. Les systèmes DRM (digital rights management) ou MTP
(moyens techniques de protection) autorisés en France avec la loi DADVSI en 2006
sont rajoutés sur certains de ces albums mais vont très vite disparaître. Le système
utilisé par Sony BMG avait par exemple tendance à cacher des virus éventuels sur les
ordinateurs des utilisateurs. Les fameux verrous électroniques sur les chansons de
certains CDs interdisaient la lecture à une bonne partie des players des internautes,
développant leurs mécontentements. L’idée fut très vite abandonnée.
Heureusement, la révolution technique annonce aussi la libéralisation des
* Source : http://www.zdnet.fr/
L’ère de la numérisation musicale
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L’ère de la numérisation musicale
artistes face aux labels et aux maisons de disques. On voit ainsi l’effectif des artistes
autoproduits augmenter. Capable de s’enregistrer par eux-mêmes, surtout dans les
milieux underground et sur des enregistrements de qualité supérieure aux enregis-
trements sur cassettes, nombreux sont ceux qui vendront leur propre CD gravé à la
sauvette. Cette vague d’amélioration des techniques de partage semble alors positive
et quelques outsiders ont réussi à contourner la crise. Prince, 1995, Radiohead ont
claqué la porte au nez des maisons de disques, travaillant indépendamment. Ils se
produisent dans leur studio usant de leurs moyens propres de communication pour
être diffusés : des moyens intéressants sur lesquels je reviendrai ultérieurement. En
bref, les artistes se sont sentis malmenés par leurs maisons de disques. Mis de côté
dans le débat qui bouleversait l’industrie qui les faisait vivre eux aussi, ils ont préférés
s’émanciper.
La guerre que ces dernières ont voulu mener a échoué et le temps a été long
avant que les majors ne se rendent compte du retard qu’elles avaient pris.
2.02. Rattraper le temps perdu
La chute était à prévoir. De terribles choix sont pris par les maisons de disques
qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts. De nombreux artistes se voient abandon-
nés et décident de s’adapter eux aussi aux nouveaux médias et à leur réactivité. Dans
l’intérêt des majors, il a fallu donc réagir et réorganiser ce business model en pleine
dégringolade pour se conformer à la nouvelle industrie en marche. Pour faire contre-
poids, les majors et certains labels ont préféré fusionner pendant cette période pour
mieux faire face : le cas d’EMI acquis par Universal et certaines branches par la Warner
pour 1,4 milliards de dollars a permis à de nombreux catalogues d’artistes d’être pro-
tégés. De plus, ce monopole créé conserve un pouvoir important et astreint la concur-
rence venant des sites de musique en ligne. On observe une tactique étouffante mais
plus protectrice pour l’avenir des majors sur le marché. Les labels indépendants ont
continué à se battre en s’unissant aussi en mutualisant leurs ressources. Menée par
CD1D, la fédération des labels indépendants, l’idée d’un « travailler mieux ensemble »
se faisait sentir face à la crise.
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Musique Numérique
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Alors, pour pallier à cette banqueroute générale, les majors ont exploité toutes
les ressources encore dans leurs mains. Les « contrats 360° » sont l’une d’elles. Ce
sont les contrats d’édition sur les droits des artistes qui permettent la commercialisa-
tion de l’œuvre musicale d’un artiste dans son intégralité. Ils touchent aussi à l’exploi-
tation du musicien en tant que potentiel de vente, allant des tournées de concerts à
son intégration dans une publicité, un film ou encore des jeux-vidéos. L’artiste et son
œuvre deviennent « bankables » même au-delà de l’univers musical, au plus près de
l’univers business. Cela leur permet de gagner plus de force face à l’émergence du
numérique et à la fuite des capitaux engendrés par les supports physiques. Cepen-
dant, ces « multiples rights deals » très courus des artistes à succès (Robbie Williams
avec EMI Music en 2001…) ont la particularité de pouvoir contrôler l’utilisation de l’ar-
tiste mais souvent à son détriment. L’argent est souvent utilisé en
masse pour la promotion sur les médias audiovisuels
à défaut de la création artistique. Les dépenses pour la recherche
de talents se concentrent sur certains artistes et par économie d’échelle sur certains
titres : seuls 10 % de succès commerciaux permettent de compenser les pertes sur
le reste du catalogue. On note de plus en plus la naissance des chansons « bouche
trous », en bref des titres d’albums jamais joués en live ni vendus en single. C’est aussi
l’utilisation du merchandising qui se développe : on vend des produits reprenant le
logo ou le nom de l’artiste (des t-shirts, des posters…).
Les maisons de disques vont réutiliser les stratégies de star-système lancées
dans les années 1960 et 1970 pour retrouver des fonds. La stratégie de sponso-
ring-endorsement*
et plus récemment autorisé en France, le placement de produits
dans les clips vidéo ont été une vraie opportunité pour certains labels de rentabiliser
leur activité. On se souvient alors des spots de Pepsi avec Mickael Jackson, Britney
Spears ou Lana del Rey et Beyoncé pour H&M : tous des énormes coups de pubs.
Aux Etats-Unis, les cultures pop d’un côté et underground de l’autre ont permis d’as-
socier des styles musicaux à des styles de vie ou d’habillement. On ne s’étonne plus
de voir 50 Cent promouvoir des Reebok ou Johnny Halliday ou M. Pokora vendre
des lunettes de vue. Pourquoi les artistes ne seraient-ils pas aussi puissants comme
influenceurs et forces de call to action que les sportifs, les acteurs ou vedettes de té-
lé-réalité ? Mais, aujourd’hui plus qu’un star-système, les majors et les labels ont réussi
un vrai pari de communication post-numérique : l’alliance des marques et des artistes.
Je reviendrai également sur ce point dans les parties suivantes.
Heureusement, d’autres ont tout de suite su exploiter les atouts de la diffusion
en ligne au début du nouveau millénaire. C’est avec plusieurs témoignages comme
celui de Tyler Steward, membre du groupe Barenaked Ladies que j’ai appris l’adap-
tation rapide de certains labels face aux enjeux digitaux. Avec le développement de
* Utilisation d’une célébrité pour véhiculer l’image d d’une marque. Source : www.e-marketing.fr
L’ère de la numérisation musicale
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Napster, le réseau de téléchargement illégal, le label Reprise Records invente des
stratégies novatrices. Signés sous ce label, les Barenaked Ladies vont sortir une série
de musiques à télécharger via ce réseau. Les fans, pensant télécharger des nouveaux
titres du groupe, téléchargèrent une publicité annonçant leur nouvel album Maroon.
Un peu réticents, les musiciens ont voulu rester fidèles à l’ADN de leur groupe : le ton
décalé et le sens de l’humour. Sous forme d’un gag, les fans ont bien réagi et ont fi-
nalement été plus réceptif à la vraie sortie de l’album en format physique. Sans s’en
rendre compte, les Barenaked Ladies amorçaient une façon plus originale d’intéresser
les fans en modifiant leurs codes de consommation. Steward en rajoute sur l’idée que
les derniers combattants des labels sont les créatifs et leurs idées. Les artistes aussi
se doivent de faire fonctionner leurs méninges et de développer un univers qui leur est
propre pour sortir du lot. Pour contrer le peer-to-peer que les majors considéraient
comme un ennemi, il fallait redoubler d’ingéniosité et user des mêmes outils.
Alexandre Sap au sein de sa maison de disque Recall ne voit pas l’arrivée du
peer-to-peer comme un obstacle, bien au contraire. En lançant le morceau inédit de
Dj Cam sur le site Francemp3, gimmick de Musicnet, Recall sera le premier label en
France à utiliser ce service de téléchargement légal. Un joli coup de promotion allié à
Alexandre Sap au sein de sa maison de disque Recall ne voit pas l’arrivée du peer-
to-peer comme un obstacle, bien au contraire. En lançant le morceau inédit de Dj
Cam sur le site Francemp3, gimmick de Musicnet, Recall sera le premier label en
France à utiliser ce service de téléchargement légal. Un joli coup de promotion allié à
la tendance technologique dans l’ère du temps. Avec son équipe, ils ont choisis de
retourner la crise à leur avantage : déjà condamné, autant se battre
avec les mêmes armes que celles de l’ennemi afin de
le vaincre. Sap a tout bonnement saisi l’idée de « maîtriser tous les outils digi-
taux et de les intégrer » à sa propre entreprise. En pleine crise, il a ouvert la filiale amé-
ricaine de Recall, sous les critiques de ses pairs qui l’ont presque considéré comme
un parjure.
D’autre part, les maisons de disques se sont lancées le défi de revaloriser le
support physique, auquel elles étaient si attachées. Ainsi, la technique répandue du
versioning permet de vendre des albums sous format classique ou collector. Dessus,
on peut retrouver des chansons bonus inédites, des affiches ou des photos dédica-
cées, des vidéo making-of retraçant les moments clés de l’élaboration de l’album du
studio au tournage du clip vidéo vus par les artistes, des commentaires des produc-
teurs, etc… Le format peut aussi être différent : du vinyle version « deluxe » au simple
CD. On évite ainsi les ennuis de ruptures de stock lors de lancement d’artistes à suc-
cès comme Lady Gaga, Muse, David Bowie ou Coldplay. Les suppléments changent
aussi selon les pays. Cette pratique a un prix augmentant avec le volume de supplé-
ment et cela continue bien sûr à freiner ses ventes.
L’ère de la numérisation musicale
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Mais, les comportements ont malgré tout changé. Aujourd’hui, l’importance
du numérique dans la vente et dans la consommation de la musique dans le monde
est indiscutable. Début janvier 2013, Pascal Nègre, nommé récemment Directeur Gé-
néral Monde d’Universal Music Group assure même que « le numérique égale chez
Universal le chiffre d’affaires physique ». Il lance l’information au MIDEM, le marché
international du disque et de l’édition musicale à Cannes. C’est la première
fois que la tendance s’inverse en France et une telle
information pourrait enfin redonner le sourire à l’in-
dustrie musicale.Thierry Chassagne de Warner Music France partage aussi
cet enthousiasme. A l’étranger, même constat : les Etats-Unis ou encore la Norvège
enregistrent des résultats excellents et en hausse. Le communiqué financier 2012 du
groupe Vivendi – possédant Universal - poursuit sur cette note positive en montrant
notamment que les ventes de merchandising sont en hausse. L’engagement des fans
ne s’est donc pas arrêté grâce aux stratégies mises en place pour mieux les impliquer
dans cette industrie meurtrie.
Il faut pourtant nuancer ces propos dans notre pays et s’attacher surtout à la
réussite du secteur à l’international. On observe effectivement une baisse de 3,9% du
chiffre d’affaire français. Le marché du digital s’ébranle donc mais doucement. Au-
jourd’hui, le rapport entre la baisse des supports physiques et la hausse du numérique
reste déséquilibré. Autant du côté des artistes que des artisans, les revenus ne sont
pas suffisants et peinent à combler le manque à gagner par rapport à leurs rentes
autrefois si élevées. Nombreux sont les producteurs et les labels qui se plaignent des
difficultés rencontrées malgré leur reconversion vers le numérique. Alors de quoi peut-
être fait l’avenir ? Comment la transition s’est-elle déjà opérée ?
3. Napster et MySpace :
les Adam et Eve de la musique en ligne
Bien sûr, tout phénomène se doit d’avoir une cause et une conséquence. Le
développement du format MP3 ouvre de nouvelles opportunités pour l’échange de la
musique en ligne. Pour la première fois, hormis l’utilisation des enregistrements audio
sur cassettes, la musique devenait accessible au grand public gratuitement dans le
monde entier. La seule contrainte était d’avoir un ordinateur et une connexion internet,
ce qui se démocratisait de plus en plus.
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3.01. L’accès au grand public
Napster reste l’un des pionniers historiques. Son histoire est devenue légende
sur la toile et on comprend pourquoi l’un des ses fondateurs s’est lié plus tard au plus
grand réseau social de tous les temps. Lancé en juin 1999, c’est le premier service
de partage de fichiers selon le modèle pair-à-pair. Le controversé Sean Parker, ancien
directeur temporaire du réseau social Facebook et son ami Shawn Fanning sont à
l’origine du projet. L’idée du site était de pouvoir accéder à la copie de chansons en
format MP3 gratuitement selon le même précepte que les moteurs de recherche. On
entre ainsi dans l’année zéro du téléchargement et il sera impossible de revenir en
arrière. En une semaine, alors que ses créateurs veulent le garder secret, le logiciel se
diffusera à plus de 15 000 internautes. Un an et une levée de fonds de deux millions
de dollars plus tard, Parker et Fanning lanceront le nom du logiciel de peer-to-peer le
plus populaire et le plus vieux au monde. Son nom, il l’explique, vient du pseudo que
Fanning utilisait sur son chat en ligne quand il a eu son idée.
La compagnie va très vite se retrouver confrontée à de gros ennuis quant au
respect des droits d’auteurs. De plus en plus d’artistes portaient plainte contre la
plateforme, tels que Madonna, Dr Dre et Metallica. Pour survivre, Napster se doit de
travailler avec des majors, de se tourner vers la légalité. En novembre 2000, la ma-
jor allemande BMG obtient presque 60% du capital de la société. Le contre-pouvoir
face aux majors, qu’avaient emmagasiné Fanning et Napster, s’effrite. Ce dernier qui
avait donné la chance aux consommateurs de rééquilibrer le rapport de force perd
le contrôle. Pour la première fois, la création musicale se
partageait gratuitement en masse. Tout cela au détriment des
artistes malheureusement.
En février 2001, la sentence de la cour d’appel de San Francisco tombe et
ordonne la fermeture des serveurs de Napster. Cependant, un dernier revirement a
lieu: un filtre anti-piratage est mis en place pour supprimer les fichiers sujets aux droits
d’auteurs. Réaction immédiate : plus de la moitié des fichiers en circulation sont retirés
du réseau. Pourtant, le site est fermé sur décision du tribunal à l’été 2001. Cela n’a
pas empêché la marque Napster de survivre et en parallèle de donner naissance à de
nombreux autres sites Internet. MusicNet via la BMG devait remplacer le logiciel sous
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un format payant mensuel. Cependant, après un accord passé avec la National Music
Publishers Association, le site survivra grâce aux abonnements mensuels à 5 dollars.
Pourtant, la bonne nouvelle s’éteint vite. Malgré une manne dégagée par la BMG, les
pertes s’accumulent. En 2011, après de multiples rachats, Napster fusionne avec
Rhapsody pour le transformer en un magasin de musique en ligne. Ainsi, finira l’histoire
de Napster, racontée en mars 2013 dans le documentaire Downloaded, présenté au
SXSW*
et tourné par Alex Winter sur l’histoire du partage de fichier sur Internet.
Son utilisation au départ se fait surtout grâce au bouche à oreille, étant illégale
et pas encore ancrée dans les mœurs des internautes, on peine à croire à une telle
explosion. Mais pourtant, son génie réside dans une seule idée : la culture pour tous.
La valeur la plus importante portée par Fanning était la liberté. C’est celle finalement
qu’on lui retira le plus vite. Mais son combat ne fut pas vain et finalement donnant nais-
sance à bien d’autres plateformes qui réussirent à détourner la vigilance de la justice et
des artisans de la musique. Tout cela dans l’idée que la musique
se doit d’être accessible à tous. Les internautes ne voyaient pas le
mal qu’apportait cette nouvelle approche de diffusion. Ses forces étaient sa proximité
et sa facilité d’utilisation : toute la musique était à portée de mains pour ceux qui l’ap-
préciaient et la stockaient sur leurs ordinateurs comme des bibliothèques d’Alexandrie
miniatures.
Ainsi, on découvre que le réseau Napster n’était pas détesté de tous. Beau-
coup s’en réjouissaient car on pouvait retrouver sur le réseau des musiques sou-
vent oubliées et certains ethnomusicologues s’en félicitaient. Radiohead en est le plus
grand exemple. Le groupe mondialement connu n’avait jamais accédé au top 20 du
Billboard aux Etats-Unis lors des sorties de leurs précédents albums. En juillet 2000, le
groupe de rock anglais travaille sur son nouvel album, Kid A. Trois mois avant la sortie
officielle, certaines chansons tombent dans les mains d’internautes utilisant Napster et
sont partagées au plus grand nombre. De plus, Kid A, compilation expérimentale non
vouée aux singles n’allait d’ailleurs pas avoir une couverture en radio très importante.
A sa sortie, c’est la surprise. L’album aurait déjà été téléchargé des millions
de fois sur Napster, ce qui ne l’empêche pas d’atteindre la première place des charts
lors de sa première semaine dans les bacs. Beaucoup déclarèrent alors que Napster
était un formidable outil de promotion et de communication pour les artistes qui s’en
servaient pour une pré-écoute, pas toujours de très bonne qualité face aux CDs.
Non à l’abri des torpilleurs, Napster avait aussi été « piraté » durant sa courte
vie. J’ai découvert le pseudo-sabotage des frères Tyler et Mickael Fix à travers des «
œufs de coucou ». Interviewés par le magazine Vice**
, ils racontent leur petit mythe
du cheval de Troie. Au lieu de partager des fichiers connus, ils se firent connaître en
* South by Southwest, un lieu de conférences et des festivals de musique et de films à Austin au Texas.
** Source : http://www.vice.com/fr/read/napster-attack-482-v4n10
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remplaçant des grands classiques du rock notamment par des morceaux de musi-
ciens moins connus comme la copine de Tyler, musicienne à l’époque. Une forme de
hacking activiste mélangée à une nouvelle forme de promotion d’artistes joliment mise
en œuvre. Ils poursuivirent plus durement en coupant d’autres tubes par des boucles
de cri de coucous. Leur volonté était de faire réagir les internautes sur la perversion du
système. Ils souhaitaient que l’on s’interroge sur l’avenir des artistes face aux majors
tournées plus vers l’aspect quantitatif des profits que vers la qualité de la création.
L’histoire a démontré que l’idée était judicieuse car elle fut récupérée par les maisons
de disques comme un modèle de promotion. C’est à ce moment-là que j’ai pu me
rendre compte de l’ampleur du phénomène numérique, de l’impact et du potentiel de
la diffusion en ligne de la musique.
Napster est le premier réseau de partage de mu-
sique en ligne vers le grand public. Son point faible était pourtant
de vivre sans faire appel aux artistes et aux autres acteurs du secteur. Ce qui ne fut pas
le cas de Myspace.
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L’ère de la numérisation musicale
3.02. Le nouvel artiste : plus proche, plus virtuel
« Mais, ça existe encore MySpace ? ». Faciles sont les quolibets à l’égard
d’une des plus grandes plateformes de promotion artistique et notamment musicale
mise au monde. Surtout après plusieurs années de rayonnement international. Tout
artiste, label ou même salle de concerts se devaient d’avoir sa page MySpace dans le
même état d’esprit qu’aujourd’hui, il faut posséder sa page Facebook. Son parcours
a marqué les inconscients collectifs des amateurs de musique dans le monde entier et
encore aujourd’hui, son influence est grande. Il a permis à des dizaines d’artistes de
se faire connaître du grand public, a joué un rôle dans des scandales sociaux (comme
celui de Mlle Dupré*
ou de Terry Lester) et a changé la vision de l’industrie musicale
face à l’ère 2.0.
Le réseau MySpace nait en août 2003 en Californie en une dizaine de jours.
C’est une équipe très bien organisée d’employés d’eUniverse, une firme de marketing
Internet, qui en sont à l’origine. Ils souhaitaient imiter les services qu’offrait le réseau
social Friendster à l’époque : « A place for friends ». À leur tête Tom
Anderson et Chris DeWolf, les premiers utilisateurs viendront tous d’eUsenet avant
d’utiliser leur base de données de deux millions de clients pour promouvoir le site. Ain-
si, vit le jour le site de MySpace dont les buts initiaux étaient le stockage et le partage
de données. Il touchera d’abord les artistes, acteurs et musiciens californiens, des
groupes d’indie rock principalement. C’est la raison pour laquelle MySpace devien-
dra pour ces catégories sociales un nouvel outil marketing. On y parle de soi, de ses
hobbies et de ses talents. L’idée d’un service gratuit où l’on pouvait personnaliser à sa
guise « son espace » leur parut assez vite évidente. Un mois après son lancement, le
réseau enregistre plus d’un million d’adeptes. Chacun d’entre eux est contacté par le
compte devenu culte du co-fondateur Tom Anderson automatiquement.
* Source : http://www.nytimes.com/2008/03/13/nyregion/12cnd-kristen.html?_r=0
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Le 9 août 2006, c’est l’événement quand le cent-millionième compte est créé,
le site étant devenu le premier visité sur la toile aux Etats-Unis. Dès lors, la puis-
sance de MySpace n’est plus à prouver. Héros des musiciens et des adolescents de
l’époque, le site de DeWolf est très populaire. Sa valeur financière augmente de plus
en plus avec le nombre d’utilisateurs. Mais en peu de temps, la balance s’inverse avec
l’arrivée notamment de Facebook en 2008 et après son rachat par News Corporation
Fox Interactive, parent de Fox Televisions et de Twentieth Century Fox. Ici commence
sa chute. De nombreux problèmes financiers et de sécurité tirent MySpace vers le bas.
La refonte en 2010 désoriente les 230 millions d’utilisateurs (dont 20 millions dédiés
à la musique) par ses non-évolutions techniques et accélère ses ennuis. Ces nou-
velles intégrations ralentissent le site et le rendent moins ergonomique en noyant les
informations sur les artistes. Son côté communautaire et trop centré sur les passions
des internautes ne permet pas de communiquer aussi facilement que sur Facebook,
Twitter ou Youtube. MySpace est à l’origine de nombreuses
idées reprises par le réseau social de Mark Zucker-
berg : les messages privés, les lecteurs de musique et de vidéo, une plateforme
publicitaire et des outils pour personnaliser son profil. On lui reproche de ne pas avoir
su s’adapter plus rapidement aux besoins de ses utilisateurs et surtout des ama-
teurs de musique. C’est ce qui les fera fuir vers d’autres réseaux petit à petit. Le
site connaîtra alors sa part de haters. Universal Music en 2006 lancera un procès
au réseau social, emboitant le pas à d’autres maisons de disques qui lui auraient
fait subir des pressions en raison de la diffusion illégale par de nombreux membres
de musiques de contenus sous copyright, entachant ses stratégies et sa réputation.
Néanmoins avec MySpace, les habitudes sont alors contraintes à une (r)évo-
lution : la découverte de l’artiste immatériel et universel. Après avoir donné accès à
la musique commerciale et à la culture populaire à tout le monde, le réseau social de
MySpace répond à un deuxième mythe inébranlable de l’industrie musicale : après la
musique, le musicien. Napster partageait la musique, MySpace bien avant Facebook
« vendait » les artistes en les rendant accessibles et disponibles pour leurs fans. En
diffusant certaines chansons et des photos exclusives de leurs intimités, le lien entre
starlettes et internautes s’amincissaient. Les majors capitalisaient ainsi sur cette rela-
tion pour pousser les amateurs de musiques à l’achat de CDs ou à l’achat de musique
en ligne. De plus, les petits artistes pouvaient autoriser le téléchargement de certaines
de leurs chansons – souvent des covers (reprises) ou des bonus track (titres cadeaux)
– dans le but de sacraliser leur statut d’artiste virtuel. MySpace a permis à
chacun de se sentir plus proche de leurs idoles malgré la
distance et le contenu de leurs porte-monnaie. Le cas du groupe anglais Arctic Mon-
keys a été l’un des premiers a créé le buzz sur MySpace. Après avoir distribué quelques
CDs à la sortie de leurs premiers concerts, c’est via les blogs et MySpace en postant
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des morceaux gratuits qu’ils se font repérés par Domino Records en 2006, vendant
près d’un million de disque au Royaume-Uni dont un tiers sa semaine de sortie. L’im-
pact des internautes était donc fulgurant en créant une réelle communauté de fans.
J’ai pu observer aussi que MySpace est l’un des premiers réseaux sociaux
à intégrer des publicités afin d’augmenter leurs revenus. De plus, on autorisa les
marques à créer leur propre profil afin de construire des communautés d’amis. On
pouvait devenir ami avec Toyota comme avec Madonna ou son voisin de classe.
L’utilité du réseau pour l’industrie musicale réside dans ces pages créées sur me-
sure pour les artistes où l’on pouvait écouter en exclusivité et gratuitement des mor-
ceaux d’albums ou des singles. De grandes campagnes se mettent en place pour
marquer les esprits. MySpace reste encore aujourd’hui un des leaders des profils
d’artistes pour le référencement dans les moteurs de recherche comme Google ou
Bing. Les URL « myspace.com/nomartiste » sont restées ancrées dans les esprits.
C’est sur MySpace que les premières straté-
gies de communication se mettent en place. Pour se faire
connaître, par exemple, on partage ses premières musiques en écoute libre ou on
lance ses premiers clips vidéo en exclusivité. Nombreux sont les stickers lancés aux
fans en concerts avec l’adresse de leur profil pour être au fait de leur actualité. Le site
devient la première alternative – hormis les sites web dédiés – pour les artistes qui
veulent apporter toutes les informations sur eux : les profils deviennent des dossiers
de presse interactifs. Les labels les utilisent, faisant augmenter les vues et les écoutes
en flèche, boostant les ventes et les achats de places de concerts. Plus un artiste avait
d’amis, plus ses vues, sa notoriété augmentaient. En réfléchissant au contenu des
commentaires, des photos publiées, des informations offertes aux internautes, leur
potentiel-sympathie se développait en implantant une image positive dans le cœur des
internautes. Tout cela dans la volonté de créer une communauté unique et forte autour
d’un artiste et des créations, mais aussi des labels ou des lieux de diffusion musicaux.
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Alors, malgré un passage à vide, en janvier 2013, une nouvelle version du
site MySpace a été lancée. Nouvelle version qui est en train de bouleverser les pro-
chaines règles de l’avenir de la promotion artistique. Après le rachat des parts de la
société par Justin Timberlake et Specific Media (une régie publicitaire américaine),
le site social le plus vieux du monde déclara vouloir faire peau neuve. Cette volon-
té de se réinventer fait écho bien sûr aux tendances au sein des innovations digi-
tales, à l’étouffement du site provoqué par Facebook au fil des années menant à
son obsolescence consumée. Le 24 septembre 2012, le protagoniste du film The
Social Network lance un tweet accompagné de la vidéo de présentation du « nou-
veau MySpace ». Le clip présente une interface novatrice où l’on peut faire défiler
l’écran de gauche à droite, un nouveau lecteur streaming permettant aux internautes
de créer listes de lecture et radios. Sa version béta est actuellement testée par des
milliers d’internautes depuis le mois de janvier, pouvant fusionner les informations
de leur ancien profil. On assiste actuellement à la renaissance du réseau qui sou-
haite redorer son blason et redonner une vraie place au divertissement, au partage
de la vie des artistes envers leurs fans. Pour ceux qui ont déjà profité du réseau,
son interactivité est encore à mettre à l’épreuve mais promet de vraies possibilités.
Ainsi, la première pierre du nouveau millé-
naire est posée. L’avenir de la musique numérique s’est donc écrit sur
le long terme avec un mot d’ordre : l’innovation. C’est l’une des valeurs por-
tée par l’ensemble des diffuseurs de la musique en ligne que l’on ne peut plus
décemment ignorer, et notamment à travers le principe de téléchargement.
L’ère de la numérisation musicale
32. eDEUXIÈME PARTIE
LES ENJEUX DES
PLATEFORMES
DE DIFFUSION
32
“La musique commence là où s’arrête
le pouvoir des mots.”
Richard Wagner
33. 33
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Le téléchargement de musique aujourd’hui se décline sous différents aspects.
L’avènement du peer-to-peer a facilité les plus malins à développer de nouveaux mo-
dèles économiques basés sur ce nouveau type de diffusion et de consommation de
la musique numérique. Sous forme de logiciels ou des sites web, les plateformes de
diffusion sont nées. Elles permettent d’accéder à une forme de téléchargement – lé-
gal ou illégal ; payant ou gratuit – de la plupart des œuvres musicales de nos artistes
préférés en la commercialisant. Ces nouveaux outils donnent un nouveau souffle et
de nouvelles possibilités d’action pour les acteurs du marché. Communauté de fans
et artistes se retrouvent désormais directement sur ces lieux de partage et d’accès
presque inépuisables. Les majors et les labels les utilisent directement comme ils le
font avec d’autres distributeurs ou agrégateurs numériques.
Cela fait partie de la nouvelle économie de la distribution numérique*
. Tel que
l’explique Virginie Berger, on doit penser mondial car la musique peut s’acquérir par-
tout (hormis certaines zones du globe mal équipées). On doit penser visibilité et non
plus stock. Désormais, les canaux de diffusion et de communication prévalent sur le
contenu qui passe au travers et sur ses producteurs. La diffusion numé-
rique est donc aujourd’hui le « chaînon entre les la-
bels et les sites de vente en ligne ». On peut commencer à voir se
dessiner les enjeux colossaux que possèdent ces carrefours de distribution digitale et
en quoi ils tirent les ficelles de la vie d’un artiste. Quels que soient les modes utilisés et
les stratégies mises en œuvre par ces sites de diffusion, je me suis intéressé au rapport
qu’ils entretiennent avec la communication et la transmission de l’art sonore.
Cette deuxième partie rend compte, selon trois grands types de diffusion et de
plateformes utilisées, comment la musique se répand, se vend, se vit. On pourra com-
prendre alors que d’après moi, ces plateformes à la même enseigne que les grands
médias traditionnels, sont devenus les nouveaux outils de communication de la mu-
sique digitale.
* http://virginieberger.com/2011/03/la-distribution-digitale-de-la-musique-quoi-ou-comment/
Les enjeux des plateformes de diffusion
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1. Le téléchargement légal et payant :
nouvelle donne
Pour parer Napster et les déferlantes de plaintes contre le partage de fichiers
musicaux irrespectueux des droits d’auteurs, il fallait trouver une réponse légale au
problème. Naissent alors les magasins de musique en ligne. Résultant de l’utilisation
facile des fichiers MP3 et de la démocratisation des baladeurs, un marché dématéria-
lisé se développe. De grands groupes se lancent dans la vente de musique en ligne,
notamment Apple. Un modèle économique nait, supprimant les intermédiaires entre
les artistes et le public, et en rétrécissant les circuits de distribution.
1.01. iTunes, le megastore en ligne
On le sait désormais les ventes de musique numérique prennent une impor-
tance considérable sur le marché et cela n’est pas près de s’arrêter. C’est à la fois un
vrai potentiel commercial mais également de nouveaux enjeux, de nouveaux médias,
de nouveaux outils de diffusion et de promotion pour les artistes et artisans du secteur.
Obtenir un titre pour moins d’un euro sous un format
mobile et impérissable plait.Historiquement, eMusic sera le premier
site d’e-commerce musical lancé en 1997 sur ce modèle.
Mais, bien qu’il soit né avant, le téléchargement légal a acquis ses titres de
noblesse grâce à l’ouverture de l’iTunes Store par la firme Apple. Mis en route courant
2003, sa grande force sera évidemment d’être rendu mobile grâce à la commerciali-
sation de l’iPod. S’imposant comme un référent, il a su appliquer ses marges de prix
et un certain style d’utilisation et d’ergonomie repris par beaucoup d’autres logiciels
d’écoute en ligne. En 2012, la compagnie à la pomme certifie avoir engendré plus
d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires sur le territoire européen uniquement grâce
aux revenus de l’iTunes Store. Une hausse considérable pour le site qui prouve encore
l’intronisation progressive du numérique. En 2012, le bébé de Steve Jobs déclare que
44 millions d’américains auraient acheté au minimum un titre sur la plateforme. Avec
un peu moins de 70% de parts de marché, l’iTunes Store est loin devant AmazonMP3
qui reprend de l’avance en passant à 22%, soit une croissance de plus de 7%. En
février 2013, iTunes annonçait avoir permis plus de 25 milliards de téléchargements :
un chiffre à couper le souffle qui en dit long sur la force de cette plateforme.
Le mégastore est aussi un formidable outil pour découvrir de nouveaux ar-
tistes et rester à l’affut des nouvelles sorties. Les précommandes sont de plus en
plus nombreuses et dernièrement, le dernier album des Daft Punk est entré en tête
Les enjeux des plateformes de diffusion
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directement dans le Top 10 des ventes, explosant tous les records sur Deezer et Spo-
tify. Plus besoin d’attendre la sortie physique et de se déplacer chez son disquaire le
plus proche : on obtient sa musique directement le jour de sortie. L’astuce d’Apple
est d’avoir créer Ping, un réseau social permettant de partager avec d’autres amis et
de suivre des artistes pour savoir ce qu’ils écoutaient. Mais, l’idée mal exploitée a été
enterrée en septembre 2012. A la place, iTunes conserve Genius. Ce service vous aide
à créer des listes de lecture de morceaux de votre bibliothèque qui se marient bien
ensemble. De plus, l’astuce marketing est de vous proposer d’autres morceaux que
vous n’avez pas encore achetés mais qui pourraient convenir pour un grand mix mu-
sical. Ainsi, le répertoire de la plateforme est bien exploité et de nombreuses chansons
vous sont recommandées. Tout est fait pour vous faire découvrir une galaxie musicale
internationale : les classements, un single gratuit par semaine, newsletters et page
d’accueil aux couleurs des dernières sorties …
L’iTunes Store est bien le remplaçant direct de tous les supports physiques que
nous avons connus. iTunes Match, le Cloud du mégastore met à jour automatique-
ment votre bibliothèque musicale que vous pouvez emporter partout avec votre iPod
ou votre iPad. Sa puissance est mobile, non encombrante et sur leur site officiel, Apple
se targue même d’aider la planète et l’environnement en vous conseillant d’éviter le
gâchis en remplaçant vos CDs au profit de votre stock virtuel. Il est ainsi indispensable
pour un artiste de figurer dans son catalogue. Mais, sans les maisons de disques qui
négocient directement avec la plateforme, il est assez difficile de percer au milieu des
20 millions de titres proposés par le mégastore en ligne. Les titres les plus téléchargés
au monde à ce jour appartiennent à des artistes internationalement connus : Lady
Gaga, the Black Eyed Peas, Coldplay,…
On peut au moins se féliciter de certains aspects de ces téléchargements
payants. Le premier est leur légalité. Contrairement à ce qui avait été mis en place dès
le début du numérique, en promouvant la culture pour tous, le respect des droits a bien
lieu. Les artistes touchent ainsi un pourcentage sur les ventes de leurs titres grâce au
travail de la SACEM. Ensuite, c’est la qualité optimale des formats des fichiers acquis
en comparaison aux fichiers copiés et partagés sur les réseaux de peer-to-peer.
Et pour terminer, le conseil comme précédemment évoqué reste le plus gros
atout des plateformes d’e-commerce, l’utilisation des genres musicaux aidant à re-
chercher les artistes que l’on soutient. L’iTunes Store est la plateforme musicale du
nouveau millénaire.
Les enjeux des plateformes de diffusion
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Les enjeux des plateformes de diffusion
1.02. Un marché à mettre au défi
Au travers de ces plateformes d’e-commerce, la musique se diffuse à grande
échelle dans l’instantanéité, accélérée par l’apparition des « clouds ». En réaction à la
chute des ventes de CDs, les magasins de vente de musique en ligne sont en passe
de devenir la voie royale d’achat musical.
Bien sûr, la concurrence est rude. Amazon, le deuxième leader a lui aussi une
plateforme de vente conséquente comptabilisant plus de 17 millions de titres. La stra-
tégie d’Amazon a été de prendre d’assaut le marché des tablettes avec sa Kindle
Fire qui lui ramène 30 % des parts de ce marché. Grâce à elle, AmazonMP3 a pré-
vu des campagnes de diffusion massives en proposant des ventes flash d’albums à
moins d’un euro. Une aubaine pour ses aficionados, qui sont surtout des américains.
On apprenait en novembre le lancement du service Xbox Music, déclinaison du rou-
leau-compresseur Microsoft qui avait manqué le coche dans ce secteur. Même prin-
cipe de vente à l’unité de morceaux comme son homologue iTunes, il s’attaque aussi
aux plateformes d’e-commerce musical. Il offre aux utilisateurs la possibilité d’une
écoute complète des morceaux du catalogue de 30 millions de titres, face à l’écoute
partielle d’iTunes. Finalement, rien de nouveau mais on note la volonté des grandes
entreprises de se lancer sur ce créneau. Hertz, Pepsi ou Google ont tenté l’expérience
et se lancent timidement.
La technique du bundling est le principe fondateur de toutes ses plateformes
numériques. On a la possibilité ainsi d’acheter sa consommation par titre ou par al-
bum. La tradition des CDs deux titres ou des EPs subsiste grâce à cette technique
marketing et continue d’assurer des revenus aux producteurs et aux artistes. De plus,
c’est toujours une façon indirecte de découvrir les autres morceaux d’un album par le
principe d’échantillonnage. Comme l’a lancé le téléchargement illégal, l’idée de tester
par un échantillon l’univers d’un artiste, a une vraie répercussion sur les ventes après-
coup.
Nombreux sont ceux qui ont voulu s’imposer sur
le marché. Mais, sans obtenir toujours le résultat escompté. La FNAC, par
exemple, s’est vu fermée au premier janvier 2013 son offre de vente de musique en
ligne Fnacmusic. Ouvert en 2004, ses parts de marché, n’ayant jamais dépassé plus
de 3 %, n’ont pu s’imposer face à Amazon ou à l’iTunes Store. C’est d’ailleurs vers ce
dernier que les acheteurs du catalogue dématérialisé de la FNAC seront transférés.
Le géant des supermarchés français Leclerc a du abandonner l’idée. On note que ce
monopole est installé et effraie même les plus grands. Spotify, qui proposait encore fin
2012 à ses internautes d’acheter des titres sur leur logiciel, a définitivement stoppé ce
service au profit d’un recentrage vers son cœur de métier.
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Mais, c’est aussi grâce à ces magasins numériques que s’amorce le retour des
grands blessés de l’aventure numérique : les majors. Sony en premier lieu en 2000 le
fera au travers de Duet, un ancêtre de Spotify, Vivendi avec MP3.com l’an d’après,
EMI suivra avec Rhapsody peu après. Les catalogues des premiers sites provien-
dront donc des répertoires de nombreuses majors. Contrer le partage illégal devient
une tâche importante et cela malgré le contrôle massif d’Apple. Des accords B2B se
mettent en place pour faire l’intermédiaire entre les fans et les artistes directement
grâce à ces plateformes en ligne. Les artistes et leurs labels obtiennent en contrepartie
un pourcentage sur les ventes bien plus significatif que via les plateformes de strea-
ming par exemple. Mais, cela n’est encore rien comparé à la vente directe de « main
à main » de CDs pressés par ses propres moyens. Car en réalité, la volonté de simpli-
fier la distribution musicale sur ces plateformes n’est pas réelle. Le système est plus
complexe. Les maisons de disques passent par des distributeurs pour rentrer dans le
catalogue de ces plateformes. Le service est donc un peu compliqué et restreint pour
les artistes autoproduits mais je reviendrai plus tard sur cette question.
La musique continue à se diffuser au travers des « nouveaux médias », jouant
de toutes ses astuces pour promouvoir les jeunes créations. Désormais, toutes ces
plateformes sont relayées via les réseaux sociaux et permettent un conseil dématéria-
lisé et diffusé en masse. Mais, l’offre payante restant tout de même une contrainte ; le
format gratuit reste une tactique plus modulable pour tous les acteurs du secteur et
plait mieux aux consommateurs.
2. La diffusion libre et pas toujours légale
Majors, labels et en particulier les artistes savent que la musique se doit de
rester un bien accessible à tous. L’accès gratuit, en masse, amorcé des années plus
tôt avec Napster, a subsisté en bien et en mal. Ma plus grande surprise fut le constat
suivant : la musique libre a besoin de vivre au travers de stratégies innovantes et en
capitalisant sur d’autres actifs immatériels. La création d’un artiste se doit de rester au
centre d’un projet global à mener de front sur différentes plateformes et l’accès gratuit
est une bonne entrée en matière.
2.01. La vidéo au service de la musique
Youtube est aujourd’hui un élément incontournable sur la toile. Créé en 2005,
c’est la plateforme de vidéo en ligne la plus performante au monde, bien loin devant
notre Dailymotion français. La musique se vit et se diffuse aussi à travers les images.
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Les artistes et les maisons de disques le savent : le visuel n’est pas un élément
négligeable de l’univers d’un artiste. A travers les affiches, les pochettes d’album ou
les photos dédicacées, le lien entre image et musique a lancé des concepts mémo-
rables. On trouve notamment plusieurs exemples à travers les âges où les artistes se
sont associés à d’autres arts pour les faire vivre : des cinéastes, des peintres, des
sculpteurs de talents pour faire vivre leur musique à travers d’autres dimensions*
: les
Factory d’Andy Warhol ou plus récemment de Lady
Gaga, le label Ed Banger et le graphiste So Me, le col-
lectif de Shaka Ponk… Mais, pour impacter les audiences, les clips vidéo
restent l’usage le plus courant.
C’est là que Youtube en tant que plateforme de diffusion a eu un rôle majeur.
Plus de 72 heures de vidéos sont téléchargées chaque minute et 500 ans d’images
sont visionnés chaque jour sur Facebook. De quoi augmenter considérablement sa
diffusion, mais seulement si elle est bien construite. Pour qu’un public adhère à une
musique, il a besoin d’être entouré par elle, d’être touché par elle à travers tous ses
sens. Nous rêvons tous de toucher notre artiste préféré ou même de l’approcher car il
« incarne » les morceaux de ses albums, l’énergie dégagée, l’engagement des paroles
qu’il délivre. Michel Gondry avec Daft Punk pour Around the World, Yoann Lemoine
alias Woodkid, David Fincher ou Romain Gavras avec Stress de Justice l’ont fait en
créant des univers délirants pour ces artistes de renoms. Il existe des centaines d’as-
tuces pour faire le buzz et sa promotion digitale pour vendre sa musique.
* Source : http://blended.fr/cinema/les-10-plus-grands-realisateurs-de-clip-du-xxieme-siecle
Les enjeux des plateformes de diffusion
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Dans un florilège concocté par Marc-André Laporte*
, on retrouve des grands
succès comme les 14 vidéos du groupe américain OK Go avec ses millions de vues.
Le titre Here It Goes Again prouve ce magnifique équilibre que l’on peut créer entre
l’image et ses chansons pour promouvoir un aspect de sa personnalité, son « posi-
tionnement » musical ou son identité artistique. Le groupe Black Keys a privilégié aussi
la créativité pour leur tube LonelyBoy**
. Un clip bon marché avec un seul personnage
dansant sans rien d’autre autour et sans effet dans la prise de vue, regardé par plus de
26 millions de visionneurs. En 2011, 40% du milliard de vues sur la plateforme étaient
des vidéos musicales et chaque utilisateur regardant en moyenne 96 vidéos par mois,
il n’est pas étonnant que le site ne cesse d’intéresser l’industrie musicale.
La plateforme permet d’engager au mieux les internautes qui souhaitent en dé-
couvrir plus sur l’artiste. Par les tags (ou mots clés), les vidéos sont mieux référencées
par le système SEO des moteurs de recherche. Plus vous êtes exhaus-
tif, plus votre vidéo et votre musique apparaîtront
dans les premières suggestions. Les chaînes uniques associées à
des comptes Gmail et Google + facilitent l’accès aux informations d’un groupe, d’un
artiste, d’un label comme l’étaient les pages MySpace. Les playlists servent désormais
de webradios partagées en masse par mail ou via les réseaux sociaux à ses amis et
ses fans. On peut aussi rajouter des annotations comme des petits messages ins-
tantanés qui s’incrustent sur votre vidéo : celles-ci guident l’utilisateur vers des liens
annexes tels le site personnel du musicien, son Tumblr ou vers d’autres vidéos de sa
chaîne. La démocratisation des lecteurs intégrés de Youtube sur d’autres sites web ou
même via les vidéos Vevo, sa plateforme créée avec les majors, montrent une réelle at-
tente des consommateurs de musique. Comme un futur acheteur de voiture regardera
des essais pour se rassurer, l’auditeur a besoin d’un échantillon pour découvrir le style
qui lui convient le mieux. Il faut aussi faire vivre sa chaîne : poster régulièrement des vi-
déos de reprises, d’interviews, de making-of de clips, d’enregistrement studio est une
manière d’attirer les visiteurs. Commenter sur les chaînes de groupes du même style
permet de créer une communauté sur Youtube assez importante. Ces techniques se
retrouvent sur toutes les autres plateformes.
Pour respecter les droits d’auteur et étendre l’offre de sa plateforme, Youtube
a passé des accords pour les licences Creative Commons, contournement des droits
restrictifs de certains pays mais garantissant une protection de la musique sur le site.
Grâce à ces licences, on peut retrouver sur de multiples vidéos utilisant une musique
commercialisée sur iTunes par exemple, un lien direct vers la plateforme d’achat. Ainsi,
sorte de call to action intuitif, le fan ayant aimé la musique d’un groupe sur Youtube
pourra rapidement retrouver et acquérir le titre en ligne.
* Source : http://donnetamusique.com
** Source : http://www.youtube.com/watch?v=a_426RiwST8
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Les enjeux des plateformes de diffusion
L’avènement de Youtube scelle le destin de la musique libre en lien avec la vi-
déo et des concepts sensationnels. Libérée de ses carcans, elle n’a pas de règles, ce
qui compromet le système actif de l’industrie musicale.
2.02. Ecouter en toute liberté ?
La musique par-dessus tout s’est libérée. L’autre solution que je recommande
à tous les musiciens amateurs non-signés reste un moyen facile à appréhender. C’est
l’utilisation de plateformes gratuites en ligne comme Soundcloud. Considéré comme
le Youtube de la musique actuelle, Soundcloud est né à
Stockholm puis s’est rapidement installé à Berlin en 2008. Alexander Ljung et Eric
Wahlforss, les deux fondateurs respectivement designer son et artiste, souhaitaient
créer un lieu privilégié pour les musiciens qui voulaient faire partager leurs enregis-
trements gratuitement. Dès les premiers mois du lancement, elle a su effacer voire
anéantir Myspace grâce à son utilisation plus simple et rapide et à un contenu plus
riche. C’est aussi devenu un moyen de communiquer plus facilement avec ses fans
via les réseaux sociaux (comme Facebook) qui prennent en charge plus facilement
son player. Les DJs et petits producteurs amateurs ont vu avec Soundcloud un nouvel
Eldorado à apprivoiser, à s’approprier et à piller, qui touche actuellement plus de 180
millions d’amateurs de musique.
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On peut ainsi préparer de vraies campagnes de lancement. Dernièrement, le
groupe lyonnais Destronics a lancé sur Youtube l’opening de son prochain single Look.
Pour les abonnés de leur newsletter et via leur site web, nous pouvions être pré-
venus de la sortie en avant-première du nouveau titre. Grâce aux mécanismes de
Soundcloud, le groupe a pu ainsi offrir à plus de 2000 internautes le téléchargement
exclusif de Look, uniquement autorisé aux inscrits. Soundcloud laisse l’opportunité
de sécuriser le partage de ses liens, distribués dans un circuit privé. Quelques jours
après, la communauté de fans grand public téléchargea finalement le titre sur la même
plateforme. Une campagne simple mais qui enregistra plus de 7000 écoutes en très
peu de temps : une très belle opportunité pour un jeune groupe. L’avantage
de Soundcloud est l’absence de publicité: on peut écouter en
boucle des morceaux sans jamais être interrompu. Partageables très facilement, les
liens des vidéos Youtube et des lecteurs Soundcloud peuvent s’utiliser pour étendre le
champ d’écoute des internautes. Souvent reliés par des blogs spécialisés, ces plate-
formes favorisent la création de playlists ou de mini webradios de plus en plus appré-
ciées par les petits labels et les webzines musicaux.
Ces derniers font ainsi découvrir chaque jour une nouvelle musique d’un de
leurs artistes : l’exemple de la chaîne Délicieuse Musique sur Youtube devient au-
jourd’hui un cas d’école avec plus de 22 000 abonnées et 4,5 millions de vues pour
leur playlist de talents électro actuels. On a vu il y a quelques semaines l’importance
de la plateforme Soundcloud pour la sortie du nouveau single Get Lucky du groupe
français Daft Punk. Les rois du marketing de la rareté dans cette industrie de la suren-
chère ont fait des vagues sur Soundcloud. De multiples fakes de leur nouveau titre se
revendiquaient tous d’être la version officielle, leakée en avance. Un buzz incontrôlable
favorisant la découverte de nombreux jeunes artistes par des milliers d’internautes. Et
même les artistes que l’on pense souvent réticents vis-à-vis de la musique libre s’ins-
crivent : Björk, Likke Li, 50 Cent… Le look de son lecteur appelé waveform ou spectre
audio a conquis l’artiste Brodinski qui grâce à Soundcloud a lancé son label Bromance
Records, déjà une référence dans le milieu électro. Mais la musique libre ne s’arrête
pas seulement à ces plateformes internationales.
Les enjeux des plateformes de diffusion
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Début 2012, une enquête sur la baisse du téléchargement via les logiciels
P2P suite aux lois HADOPI réconfortait certains. Le nombre de logiciels a effective-
ment baissé, notamment dû à l’apparition des offres légales et moins contraignantes
comme le streaming. L’effet dissuasif des avertissements reçus par un petit nombre a
tout de même eu un effet sur le comportement de leurs proches, se tournant vers une
offre plus sécurisée et non réprimée. Lors de mon enquête, j’ai aussi remarqué une
vraie volonté d’un retour à l’achat légal, même en temps de crise : « faire vivre les petits
artistes » est l’une de ces raisons.
Entre le payant et le gratuit, le cœur des internautes passionnés de musique
balance. Quelle serait donc l’alliance la plus plausible à l’avenir pour associer les deux
et pour faciliter les relations des artistes et des artisans envers leur public ?
3. Le streaming :
l’avenir de la musique digitale ?
Terme anglo-saxon, venant du mot « courant » ou « flux », le streaming se tra-
duit aussi par lecture en continu dans la langue de Molière. C’est « l’action de lire un
contenu (audio et/ou vidéo) sans le télécharger sur son ordinateur. Cela implique d’être
connecté à internet ». C’est devenu le nouveau moyen de diffusion des médias et no-
tamment, des films, des séries et de la musique. Tout le monde peut y avoir accès. Le
flux d’écoute n’aboutit pas forcément à l’acquisition de la musique sauf après l’achat
des fichiers disponibles.
Depuis près de cinq ans déjà, de nouvelles plateformes de streaming payant par
abonnement ont vu le jour. Leurs services donnent la possibilité aux utilisateurs l’accès
à une écoute de très bonne qualité. La contrainte de l’accès en ligne a depuis un mo-
ment été modifiée. Le temps d’écoute étant souvent stoppé pour la plupart des plate-
formes, certaines d’entre elles, ont mis en place le système offline, sans connexion,
avec lequel vous pouvez accéder à vos musiques et listes de lecture conservé dans le
« cache » de votre ordinateur ou de votre téléphone portable.
Pour la plupart, leur modèle économique n’est pas toujours très stable. Cer-
taines plateformes comme Spotify ne sont pas encore rentables. Leurs sources de
revenus sont multiples. Il y a tout d’abord les levées de fonds qui permettent de faire
vivre les sociétés pendant un laps de temps, de faire des investissements pour déve-
lopper leur activité. Deezer a obtenu l’une des plus grosses levées de fond du secteur
en 2012 avec plus de 130 millions de dollars, devançant juste Spotify avec ses 100
millions. Mais, beaucoup se félicitent aujourd’hui du retournement de la tendance. La
multiplication des offres de téléchargement légal et gratuit a eu un effet positif sur les
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Les enjeux des plateformes de diffusion
comportements des internautes qui se tournent vers d’autres possibilités de manœuvre.
On peut prendre par exemple le streaming gratuit de Deezer comme s’en réjouit Axel
Dauchez, son président.
3.01. Le choc des titans : Deezer et Spotify
En France, le cœur du streaming balance. D’un côté, on retrouve le géant fran-
çais Deezer. De l’autre, on lui oppose le suédois Spotify. Ces deux plateformes ont fait
l’objet de toutes les convoitises ces dernières semaines car elles viennent de lancer
leurs offensives médiatiques pour se déployer à l’international. Les acteurs du milieu
se les arrachent et même les plus petits artistes amateurs souhaitent faire partie de
leur répertoire. La raison est simple : elles sont devenues les moyens les plus évidents
pour diffuser les œuvres d’un artiste. Cependant, cela se fait indirectement. Pour cha-
cun de ses deux exemples, je vais vous démontrer que malgré leur volonté propre de
vendre leurs services respectifs et le fait que la musique passe soit en premier, soit en
second plan, la promotion de la musique auprès de tous reste une prérogative non
négligeable. Toutes les actions marketing et de communication de Deezer et Spotify
favorisent la propagation sonore. Il suffit de jeter un œil sur quelques-unes d’entre
elles.
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L’idée essentielle de ces plateformes vient de leur offre d’accès par un abonne-
ment mensuel à l’intégralité de leurs catalogues musicaux conséquents. Pour un prix
fixe par mois, inférieur à 10 euros, on peut avoir accès à des milliers de musiques en
illimité. Alors, à quoi bon les acheter ? Plus besoin de CDs, de clés USB, de disques
durs ou d’espaces de stockage infinis. Toutseretrouveenlignepour
une somme modique. Les premières plateformes telles eMusic, Rhap-
sody ou Napster limitaient le nombre de morceaux en écoute. Désormais, l’illimité est
de rigueur. Et cela fonctionne. Début 2013, Spotify annonçait avoir acquis 20 millions
d’utilisateurs dont 6 étaient désormais des abonnés payants. Pour comparer, Deezer
en compte 30 millions dont 3 millions paient l’illimité de leurs écoutes. Ces chiffres im-
pressionnants traduisent l’essai transformé de ces sites qui ont voulu que la musique
soit abordable à tous.
Le streaming rassure aussi les artistes et leurs maisons de disques car il par-
ticipe au marché musical. Spotify serait devenu la deuxième source de revenus des
majors par exemple. D’après son directeur, 380 millions d’euros seraient revenus aux
ayants droit depuis sa création, de quoi rendre ces dernières heureuses. Pourtant,
c’est une déclaration à nuancer en raison des problèmes de transparence quant à la
répartition des royalties entre les artistes et les labels. De plus, les pourcentages versés
restent encore trop peu importants pour les musiciens moins connus mais devient un
réel enjeu pour les plus célèbres. C’est néanmoins une nouvelle manière de renverser
la crise en cours. Le succès de Spotify en Suède s’accompagne aussi d’une aug-
mentation des revenus musicaux de 14%, un phénomène qui n’avait pas surpris les
professionnels suédois depuis 2005. Yann Thébault, directeur général du logiciel en
France et en Europe du Sud, souhaite faire changer les esprits de nos compatriotes
français. Il espère égaler la part des 57% des revenus représentés par le streaming
dans son pays de fondation. En France, la bataille est plus coriace. Axel Dauchez a
confiance en Deezer et assure que les revenus de sa plateforme, économiquement
stable, vont encore « doubler ou tripler ».
Comme depuis leurs créations, ces acteurs du secteur ont toujours su se ser-
vir des moyens les plus novateurs pour diffuser la musique. Aujourd’hui, en raison de
l’avènement informatique et technologique, il m’a semblé important de souligner les
nouvelles opportunités que peuvent apporter les plateformes de diffusion numérique.
Elles ont fait évoluer les techniques de promotion de la musique 2.0. Pour la Saint-Va-
lentin, Spotify a lancé une idée assez « fleur-bleue » permettant à ses internautes
de recréer des poèmes grâce à des titres de chansons d’artistes présents dans leur
catalogue. Moyen amusant et romantique de mettre en avant des chansons des fois
inconnues ou très populaires, le réseau a permis une fois de plus aux utilisateurs de
vivre la musique d’une autre manière par une expérience personnalisée. Pour toucher
aussi les étudiants, Spotify France a créé un jeu concours en ligne pour les détenteurs
Les enjeux des plateformes de diffusion
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de la carte de transport parisienne Imagine R. Avant la sortie de l’album du groupe
français Phoenix en avril dernier, le site a souhaité créer aussi du vrai contenu made
in Spotify. Les vidéos « Follow Phoenix » mises en ligne retracent une journée avec
le groupe dans leur ambiance de tournée de promotion et ce pour donner envie aux
internautes d’écouter leur nouvel album.
Deezer opère de façon différente. Bien que la nouvelle campagne de télévision
lancée début 2013 soit plus appréciée et fait mieux la promotion de son catalogue,
la plateforme française est pour l’instant moins ambitieuse mais tient à rester dans la
course. Partenaire des plus grands festivals – TransMusicales de Rennes, Solidays,
Eurockéennes de Belfort, le site propose des playlists dédiées chaque année à la pro-
grammation des nouvelles éditions de ces évènements incontournables. Des webra-
dios permettent aussi aux internautes mélomanes de découvrir de nouveaux artistes
répertoriés par styles musicaux. Enfin, il y a 4 ans, l’Adami, qui est la société civile des
droits des artistes et musiciens interprètes, a créé un concours pour les jeunes talents
avec Deezer afin de s’impliquer dans la nouvelle ère digitale.
Néanmoins, les plateformes de streaming ne font pas l’unanimité. Financées
par les spots publicitaires, les internautes se lassent vite des coupures. Cela reste
une raison primordiale pour certains internautes encore réticents à adopter le strea-
ming : l’abonnement payant. Ces derniers leur préfèrent encore le piratage. Quant aux
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Musique Numérique
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aux maisons de disques, sans les accords passées entre elles et les plateformes de
streaming, rien ne serait possible. La SACEM veille évidemment sur les répertoires de
toutes ces riches entités musicales.
3.02. L’illimité en ligne, et après ?
Bien sûr, ce ne sont pas les seules plateformes de streaming utilisées tout au-
tour de la planète. On en dénombre plusieurs autres plus accessibles : Pandora (deu-
xième place au niveau mondial), Last.fm, Grooveshark, MixCloud, BeatPort, Rdio…
D’ailleurs, cette dernière propose une période d’essai de plus de six mois sans publi-
cité et deux semaines d’utilisation mobile. L’idée aussi du futur de ses plateformes est
de devenir plus mobile. Spotify a ainsi ouvert la version web de son logiciel de lecture
en continu. La suite se met déjà en place sur les tablettes et les smartphones. D’après
les études de Juniper Research, la musique jouée sur téléphone mobile rapporterait
1,7 milliard de dollars en 2013. Il y a donc une vraie opportunité d’utiliser le streaming
mobile comme une offre secondaire.
Pour autant, liberté rime encore avec illégalité.On
peut toujours télécharger illégalement de la musique via les sites de torrents ou des
convertisseurs des liens Soundcloud ou Youtube. La totalité des personnes interro-
gées lors de mon enquête de terrain me l’a prouvé : tous téléchargent encore réguliè-
rement de cette manière. Le pire vient encore des pays émergents sur le marché où
la législation en matière de numérique est encore loin d’être claire. On peut citer les
exactions de l’équivalent de Facebook en Russie, vkontakte.ru. Les pirates n’étant
pas punis dans cet immense pays, le site offre un service de téléchargement gratuit de
la plupart des musiques au monde, des petits aux grands artistes. Même si MegaU-
pload, l’un des grands sites de téléchargement illégal a été fermé, d’autres initiatives
naissent tous les ans. Le piratage n’est donc pas mort.
Les enjeux des plateformes de diffusion