Dans le dernier position paper intitulé « Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? », les pôles de recherche en Economie et Analyse Financière et Comptabilité de l’EDHEC Business School analysent d’une part, les conséquences macroéconomiques du Quantitative Easing (QE), d’autre part, en quoi la situation de taux d’intérêt bas constitue pour le secteur de l’assurance un véritable défi et déterminent quelles sont les solutions pour s’adapter à ce contexte.
Invitation Conférence de notre étude sur les entreprises familiales
Etude : Solutions pour les assureurs dans un contexte de taux bas
1. Quelles solutions
pour le secteur de
l’assurance face à
l’environnement
de taux bas en Europe?
—
Novembre 2016
2. 2
Ce document constitue une synthèse de travaux scientifiques conduits au sein de l’EDHEC. Pour plus d’informations, nous vous prions de vous
adresser à la direction de la recherche de l’EDHEC : research@drd.edhec.edu
Les opinions exprimées sont celles des auteurs et n’engagent pas la responsabilité de l’EDHEC.
Introduction> P.07
1. Les effets économiques et financiers du Quantitative Easing de la BCE> P.11
2. Quel est l’impact de la politique du Quantitative Easing
pour le secteur de l’assurance ?> P.29
Conclusion> P.47
Références> P.49
TABLE DES MATIèRES
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3. 3
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
RESUME
Début 2015, la BCE a décidé de procéder à un
assouplissement quantitatif (Quantitative Easing)
pour éviter une spirale déflationniste. Notre
objectif,aprèsavoirmontréenquoicettesituation
de taux d’intérêt bas constitue pour le secteur
de l’assurance un véritable défi, est de proposer
des solutions pour affronter ce contexte. Nous
rappelons les principaux mécanismes théoriques
à l’œuvre et réalisons une mise en perspective
historique d’autres épisodes de Quantitative
Easing aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou
au Japon. A la différence de certains de ces
exemples,nousmettonsenévidencelesdifficultés
rencontrées par la BCE pour agir à la hausse sur
les anticipations d’inflation. La zone euro semble,
au moins à moyen terme, vouée à stagner dans
un environnement de taux bas et d’inflation
faible. Nous détaillons les dangers que font peser
les taux bas sur le secteur de l’assurance tant en
vie qu’en non vie et les solutions stratégiques
possibles pour en limiter les risques. Nous
montrons qu’une gestion actif-passif optimale
s’avère plus que jamais la réponse adéquate
à une situation macroéconomique dégradée
pour les sociétés d’assurance. Nous étudions
les techniques possibles pour augmenter la
duration des portefeuilles d’actifs et réduire le
gap de duration entre les actifs et les passifs. En
particulier, nous étudions l’intérêt d’un retour
des assureurs vers l’investissement immobilier
ou vers d’autres actifs moins traditionnels pour
réduire ce gap de duration.
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A propos des auteurs
Guillaume Déderen est maître des requêtes
au Conseil d’Etat, où il siège à la Section sociale,
spécialisée en droit du travail et de la sécurité sociale.
Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration
et titulaire d’un Master en linguistique et littérature,
il a d’abord été professeur et éducateur pour des
jeunes en grande difficulté, avant d’occuper plusieurs
postes de sous-préfet et d’exercer les fonctions de
chef du Bureau d’expertise des risques naturels et
technologiques au ministère de l’Intérieur, puis du
Département des risques et crises dans les services
du Premier ministre. Il a intégré en septembre 2015
l’Executive MBA de l’EDHEC, où il est également
chercheur associé au sein du Pôle Analyse financière
et comptabilité.
Liliana Arias est ingénieur de recherche au sein
du pôle de recherche d’Analyse Financière et
Comptabilité à l’EDHEC Business School. Elle a un
Doctorat en Finance de l’Université d’Orléans, un
Master of Science in Finance de l’EDHEC et une
Licence en Economie. Avant de rejoindre le centre
de recherche, Liliana travaillait en tant qu’analyste de
risques pour la division de Corporate and Investment
Banking chez Citigroup. Elle participe, au sein du pôle
de recherche de l’EDHEC, à de nombreuses études sur
Solvabilité II, l’Enterprise Risk Management et les
normes IFRS.
5. 5
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A propos des auteurs
Philippe Foulquier est professeur de finance et
de comptabilité, directeur du pôle de recherche
«Analyse financière et comptabilité» et directeur
du EMBA à Paris, à l’EDHEC. Après avoir débuté
sa carrière à la direction scientifique au sein de
l’UAP, Philippe Foulquier a travaillé durant dix ans
comme analyste financier spécialisé sur le secteur de
l’assurance. Avant de rejoindre l’EDHEC en 2005,
il dirigeait l’équipe pan-européenne d’analystes
financiers en charge de l’assurance chez Exane BNP
Paribas. Il a été plusieurs fois primé comme meilleur
analyste financier assurance dans les classements
Extel/Thomson Financial et l’Agefi. A l’EDHEC, ses
travaux de recherché se sont centrés sur l’étude de
l’impact des IFRS et de Solvency II sur la gestion des
compagnies d’assurance et sur la valorisation des
sociétés (tous secteurs). Il est l’auteur de nombreuses
études approfondies sur la question et a contribué
à diverses consultations du EIOPA (comité européen
des contrôleurs des assurances et fonds de pension).
Il a publié de nombreux articles dans des revues
académiques et professionnelles et ses travaux
et analyses ont été mentionnés par le Financial
Times et The Economist. Il siège à la commission
« comptabilité et analyse financière » de la SFAF
(Société Française des Analystes Financiers). Il est
titulaire d’un Doctorat en Sciences Economiques de
l’Université Paris X Nanterre, d’un master en Banques
et Finance, et diplômé de l’EFFAS. Il est activement
impliqué dans des missions de consultant sur
Solvabilité II, les IFRS, et la valorisation d’entreprises
(tous secteurs confondus).
Tristan-Pierre Maury est directeur adjoint de
recherche au pôle de recherche en économie de
l’EDHEC. Ancien chercheur à la Banque de France
et à l’ESSEC, il a obtenu son doctorat en 2001
à l’Université Paris X – Nanterre. Il a effectué des
recherches en macroéconomie (théories de la
croissance, politique monétaire) et en immobilier
(marchés du logement et des bureaux) donnant suite
à des publications dans des revues académiques
françaises et internationales (Revue d’Economie
Politique, Journal of Economic Dynamics and
Control, Economics Letters, Real Estate Economics,
Journal of Regional Science, Annals of Economics
and Statistics, Health Economics).
6. 6
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introduction
Depuis plusieurs années, l’économie européenne
connaît une forte baisse des taux d’intérêt.
Ce processus a été amorcé dès 2008, via une
réduction des taux directeurs de la Banque
Centrale Européenne. Les taux sont aujourd’hui
proches de zéro, voire négatifs selon les pays et
les durations. Ce facteur, combiné à une absence
d’inflation dans la zone euro, fait craindre un
scénario de trappe à liquidité et déflation
comme observé au Japon dans les années 90.
Début 2015, la BCE a décidé de procéder à un
assouplissement quantitatif (Quantitative Easing)
pour éviter ce type de spirale déflationniste.
Il s’agit d’un programme ambitieux d’achat de
titres par la BCE destiné à inonder les institutions
financières européennes de liquidités. En agissant
à la baisse sur les taux, notamment longs, la BCE
espère relancer l’investissement, la demande
privée et donc faire revenir l’inflation vers sa
cible historique de 2%.
Notre objectif est d’analyser en quoi cette
situation de taux d’intérêt bas constitue pour le
secteur de l’assurance (vie comme non vie) un
véritable défi et de déterminer quelles sont les
solutions pour s’adapter à ce contexte. En effet,
cet environnement vient aggraver encore un peu
pluslaproblématiquedelabaissedesrendements
des portefeuilles, déjà compliquée par les
règles prudentielles Solvabilité 2 qui favorisent
les actifs moins risqués et l’évolution des règles
comptables européennes IFRS qui rigidifient la
gestion. Actuellement, les assureurs font face à
une exposition accrue au risque de taux qui se
traduit par de nombreux défis : gestion de l’écart
de sensibilité des actifs et des passifs accentué
par Solvabilité 2 et l’augmentation de la volatilité
des spreads ; le casse-tête du réinvestissement
des obligations arrivant à échéance, des coupons
et des nouveaux flux de collecte d’assurance ;
la pression sur la marge financière et la
compétitivité par rapport aux autres placements.
Ces problématiques se posent a fortiori avec
une acuité particulière pour les contrats à taux
garanti et/ou en rente, et pour les sociétés dont
le mismatch actif-passif est important.
L’article se décompose en deux parties. Dans la
première partie, nous analysons les conséquences
macroéconomiques du Quantitative Easing sur la
courbe de taux et sur l’inflation. Nous rappelons
les principaux mécanismes théoriques à l’œuvre
et proposons une mise en perspective historique
avec d’autres épisodes de Quantitative Easing
aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou au Japon.
A la différence de certains de ces exemples,
nous mettons en évidence les difficultés
rencontrées par la BCE pour agir à la hausse
sur les anticipations d’inflation. La zone euro
semble, au moins à moyen terme, vouée à
stagner dans un environnement de taux bas et
d’inflation faible. Dans la seconde partie, nous
détaillons les dangers que font peser les taux bas
pour les assureurs et les stratégies disponibles
pour en limiter les risques : modification de
l’offre commerciale pour les contrats existants
(renégociation des garanties existantes, transfert
d’épargne vers d’autres contrats moins sensibles
aux taux d’intérêt) et pour la nouvelle collecte
(adaptation des garanties voire suppression,
produits multisupports et/ou structurés) ;
adaptation du modèle économique (réduire
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les coûts opérationnels, renforcer les réserves
préventives, adapter la couverture au risque de
taux) et, surtout, gérer le gap de duration entre
les actifs et les passifs. En effet, nous montrons
qu’une gestion actif-passif optimale, c’est-à-
dire fondée sur un contrôle accru du mismatch
de duration et une stratégie de diversification,
s’avère plus que jamais, pour les sociétés
d’assurance, la réponse la plus adéquate à
une situation macroéconomique dégradée.
Nous identifions les techniques possibles pour
augmenter la duration des portefeuilles d’actifs et
réduire le gap de duration entre actifs et passifs.
En particulier, quelle est la pertinence d’un retour
des assureurs vers l’investissement immobilier ou
vers d’autres actifs moins traditionnels (covered
bonds, instruments de titrisation adossés à
des actifs, des prêts résidentiels, commerciaux,
agricoles, Collateralized Loan Obligations,
prêts publics ou privés, direct ou indirect,
investissements alternatifs tels que le private
equity, LBO, infrastructures, hedge funds) pour
réduire ce gap de duration ?
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POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
Les effets économiques et financiers
du Quantitative Easing de la BCE
1 - Le dispositif a depuis été prolongé.
2 - C’est en cela que l’on parle de « Quantitative Easing » : la cible de la politique est la taille du bilan de la Banque Centrale et donc implicitement le montant des liquidités en
circulation. Une politique d’achat d’actifs avec stérilisation conduit à une modification qualitative de la nature du bilan de la Banque Centrale, sans modification du montant des
liquidités en circulation (« Credit Easing » ou assouplissement du crédit).
3 - Certaines mesures destinées à accroître le bilan de la BCE avaient déjà été prises dès le second semestre 2014.
4 - Il s’agit de l’évolution par rapport au niveau des prix douze mois plus tôt, i.e. en janvier 2014.
Présentation du dispositif
Le 22 Janvier 2015, le conseil des gouverneurs
de la Banque Centrale Européenne a annoncé un
élargissement de ses programmes d’achat d’actifs.
Ce programme d’Expanded Asset Purchase
Programme (EAPP, ou Quantitative Easing – QE
par la suite) combine la poursuite d’achat de
titres de créance privés via des programmes déjà
existants (titres adossés à des actifs dans le cadre
du Asset Backed Securites Purchase Programme,
ABSPP, et d’obligations sécurisées dans le cadre
du Covered Bond Purchase Programme n°3,
CBPP3) et de titres de créance publics, à savoir des
obligations émises par des gouvernements, des
agences ou des institutions européennes (Public
Sector Purchase Programme, PSPP). La maturité
restante de ces titres doit être supérieure à 2 ans
et inférieure à 30 ans. Le montant combiné de
ces achats s’élève à 60 milliards par mois à partir
de mars 2015 jusqu’en septembre 20161
, soit
un total d’environ 1.100 milliards euros d’achat
sur l’ensemble de la période. A la différence de
certaines mesures exceptionnelles prises par la
BCE ces dernières années, ces interventions ne
seront pas stérilisées, c’est-à-dire que la BCE ne
mènera pas simultanément des opérations de
vente de titres, destinées à neutraliser les effets du
programme sur la taille de son bilan. Au contraire,
l’objectif clairement affiché est d’augmenter la
taille du bilan de la BCE2
. Celui-ci était tombé en
dessous de 2.000 milliards d’euros au dernier
trimestre 2014, alors qu’il était supérieur à 3.000
milliards en 2012. Ce déclin est propre à la zone
euro, car dans le même temps les bilans d’autres
banques centrales ont continué à augmenter. Le
QE en Europe devrait, en théorie, permettre de
revenir au niveau d’il y a trois ans3
.
L’objectif principal affiché du QE est de lutter
contre le risque déflationniste dans la zone
euro. La BCE doit garantir la stabilité des prix
(Price Stability Mandate), ce qui s’entend, selon
le conseil des gouverneurs, par une croissance
annuelle de l’indice des prix à la consommation
inférieure à, mais proche de 2% à moyen terme.
En janvier 2015, le taux d’inflation était tombé à
-0,6%4
, très loin de la cible officielle (cf. Figure 1).
Il s’agissait de son plus bas niveau depuis juillet
2009 (également -0,6%), période où la zone euro
était en récession. Si le rythme de croissance
des prix avait légèrement augmenté courant 2015,
il est retombé à -0,1% en mai 2016. Beaucoup
d’acteurs économiques se posent la question de
savoir si le QE permettra d’écarter durablement
la perspective d’une spirale de déflation.
Dans cette section, notre but est de fournir
des éléments théoriques et empiriques pour
comprendre les effets possibles du QE en Europe.
Notre analyse portera sur la réaction des marchés
financiers (et notamment des taux souverains),
ainsi que sur des indicateurs macroéconomiques
(l’inflation bien sûr, mais également la croissance).
Compte tenu du manque de recul historique, nous
avons trois possibilités pour anticiper les effets du
QE : (1) nous pouvons analyser les conséquences
des nombreuses mesures non conventionnelles de
la BCE depuis 2008 (même si toutes ne relèvent
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pas du QE), (2) nous pouvons détailler les effets
des politiques de QE menées récemment dans
d’autres zones monétaires (aux Etats-Unis, au Japon
ou au Royaume-Uni), (3) nous pouvons procéder
à une étude descriptive des premiers effets du QE
dans la zone euro depuis son annonce, ainsi que
depuis sa mise en place effective.
A la suite d’une partie théorique recensant les
effets attendus d’une politique de QE sur les
principaux indicateurs économiques et financiers,
nous mènerons les trois analyses empiriques
décrites ci-dessus. Nous effectuerons une revue de
la littérature de l’impact des politiques monétaires
non conventionnelles en Europe depuis 2008,
des politiques de QE menées par la Fed, la
Bank of Japan ou la Bank of England. Certaines
des techniques statistiques utilisées dans cette
littérature seront enfin mobilisées pour discuter
des premiers effets du QE de la BCE.
Quantitative Easing : mécanismes
de transmission théoriques
Dans un environnement macroéconomique stable,
les banques centrales conduisent habituellement
des politiques monétaires destinées à contrôler
les taux d’intérêt de court terme. Typiquement,
les opérations d’open-market – prêts de liquidité
à court terme consentis aux banques par la BCE,
achats d’obligations de courte maturité – vont
impacter les taux interbancaires et les montants
de liquidités disponibles pour les banques.
Cette baisse des taux courts et l’expansion de la
base monétaire5
de la Banque Centrale peuvent
ensuite, via différents canaux de transmission,
stimuler l’économie (hausse du taux de croissance
du PIB réel, de la consommation, hausse du taux
d’inflation, etc.). Cet effet peut provenir d’une
hausse de l’offre de crédit des banques ou d’un
effet richesse (hausse du cours des actions, des
valeurs immobilières, etc.) qui vont encourager
l’investissement et/ou la consommation.
Ce type d’actions de la banque centrale constitue
une politique monétaire dite « conventionnelle ».
Cependant, ces politiques d’open-market sont
inefficaces lorsque, comme c’est le cas dans la
zone euro actuellement, les taux courts sont nuls
(voire négatifs). A titre d’exemple, la Figure 2 ci-
dessous montre l’évolution des taux interbancaires
EURIBOR à 1, 3 et 12 mois. Les deux premiers sont
5 - La base monétaire est constituée de la monnaie en circulation et des réserves bancaires.
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Figure 1 : Evolution du taux d’inflation depuis 1997 pour la zone euro (bleu foncé) et l’UE (bleu ciel). Source : Eurostat.
14. Une Publication EDHEC Business School
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devenus négatifs au début de l’année 2015 et
l’EURIBOR 12 mois l’est devenu en février 2016.
De même, la courbe de taux obligataires souverains
est négative pour des maturités inférieures
ou égales à 5 ans (cf. infra). Dans ce contexte,
de nouvelles injections de liquidités peuvent
difficilement abaisser encore les taux courts, déjà
très bas. Les agents sont quasiment indifférents
entre la détention de liquidités et d’obligations
courtes compte tenu de leur faible rémunération.
Ils n’ont pas d’incitation à placer leurs liquidités :
c’est une situation de trappe à liquidités.
Pour sortir de cette trappe, la banque centrale
peut utiliser d’autres outils : les politiques
monétaires non conventionnelles. L’une d’entre
elles est l’assouplissement quantitatif (Quantitative
Easing) qui comporte deux objectifs : une
expansion massive du bilan de la banque centrale
et une tentative d’agir sur les taux moyens ou
longs plutôt que sur les seuls taux courts officiels.
Dans une politique monétaire conventionnelle,
la taille du bilan de la banque centrale est un
moyen et non une fin. Elle sert à atteindre la cible
de taux. Dans le cas du QE, la cible devient la
taille du bilan elle-même, et donc les montants
de réserves de liquidités bancaires. Ce terme de
QE a été employé pour la première fois pour le
Japon dans les années 1990. La BoJ avait alors fixé
une cible officielle de son bilan. L’objectif était
d’inonder les banques de réserves de liquidités
en espérant relancer la distribution de crédit. De
plus, le QE peut impliquer l’achat de titres privés
ou publics longs (cf. exemples historiques des
USA ou du Royaume-Uni, présentés plus bas),
ce qui ne rentre pas a priori dans le cadre d’une
politique monétaire conventionnelle, pour agir
ainsi sur les taux longs. Une détente sur les taux
obligataires longs peut permettre une relance
de l’investissement (dont les horizons sont longs
également).
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Figure 2 : EURIBOR 1, 3 et 12 mois en %. Source : BCE.
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Plusieurs articles ont étudié les mécanismes
théoriques soutenant la thèse d’un effet du QE
sur les taux longs. L’ensemble des canaux potentiels
de transmission ont été recensés par Krishnamurty
& Vissing-Jorgensen (2011), Joyce, Miles, Scott &
Vayanos (2012) ou Fawley & Neely (2013). Nous
en rappelons ici les éléments principaux.
Le canal du signal (Signaling Channel) agit sur
la courbe des taux. En temps normal, la banque
centrale peut, pour rassurer les marchés, s’engager
à maintenir ses taux directeurs très bas à long
terme. La politique de Forward Guidance menée
en 2013 par la BCE s’inscrit dans cette logique. Il
s’agit d’orienter durablement les anticipations des
agents privés sur les taux courts en s’engageant
à ne pas les augmenter durant une période
prolongée. Si l’engagement de la banque centrale
est jugé crédible, le faible niveau des taux courts
futurs anticipés jouera à la baisse sur les taux
longs. Cependant, de nombreux économistes
(cf. Eggertsson, 2006) jugent cet engagement
généralement inefficace : les marchés anticipent
souvent que la banque centrale reviendra sur
ses engagements sitôt que l’environnement
macroéconomique se sera amélioré. Dans ce
cas, le QE peut permettre à la banque centrale
de crédibiliser son action. En effet, si elle achète
une quantité importante d’obligations longues
qui sont reportées sur son bilan, elle verra la
valeur de ces titres baisser si les taux venaient à
repartir à la hausse (baisse du prix des obligations).
Si les marchés considèrent que la banque centrale
n’est pas indifférente à une perte de valeur de
son portefeuille obligataire, le QE peut être
interprété comme un signal de taux directeurs bas
pendant une période de temps prolongée.
Le canal du portefeuille (Portfolio Balance
Channel) est probablement le plus étudié dans
la littérature. Suite à un achat massif de titres longs
par la banque centrale, les réserves détenues par
les banques commerciales augmentent. L’offre
disponible de titres longs pour les investisseurs
privés s’est tarie alors que les liquidités sont plus
abondantes. Or, une partie de ces investisseurs
n’est pas indifférente entre ces deux types d’actifs.
Par exemple (cf. Joyce et al., 2012), les fonds de
pension ou les compagnies d’assurance qui ont
structurellement des passifs de maturité longue
ont une préférence pour la détention d’actifs de
maturité comparable. La raréfaction du stock de
titres longs pour ces investisseurs implique une
baisse des primes de terme et une hausse des prix
des titres longs. L’ampleur du canal du portefeuille
dépend donc de la part d’investisseurs sensibles
à la duration de leur portefeuille.
Par extension, l’effet théoriquement baissier du
QE sur les taux longs peut avoir des effets sur
l’économie réelle via la détente des marchés
de crédit : diminution des primes de risque de
crédit, effet richesse pour les entreprises ou
ménages candidats à l’obtention d’un crédit
(dont la valorisation des portefeuilles obligataires
a augmenté, etc.). Toutes ces conditions favorisent
un sursaut de la demande domestique et donc
de l’activité.
Indirectement, si le QE parvient à stimuler
l’économie, d’autres canaux de transmission
peuvent agir sur les taux. Ainsi, un retour de
la croissance doit en théorie réduire le risque
de défaut. La prime de risque des obligations
d’entreprise (usuellement plus élevée que celle
des obligations souveraines), et notamment celles
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POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
les moins bien notées doit diminuer (canal du
risque de défaut, Default Risk Channel). Par ailleurs,
dans un environnement macroéconomique
favorable, le degré d’aversion pour le risque
des investisseurs doit également diminuer, ce qui
contribue à réduire encore les primes de risque.
De plus, l’annonce de la mise en place d’une
politique de QE est susceptible d’influencer
les anticipations d’inflation des agents (canal
de l’inflation, Inflation Channel). Le QE doit a
priori contribuer à augmenter le taux sur les
swaps d’inflation, ainsi que les anticipations
d’inflation (telles que mesurées par l’écart entre
les rendements obligataires nominaux et les TIPS6
).
Ceci doit peser à la hausse sur les taux nominaux.
Enfin, si les effets du QE sur les anticipations
d’inflation sont faciles à interpréter, les effets du
QE sur l’incertitude inflationniste sont beaucoup
plus complexes. La littérature est partagée sur ce
point : a priori, faute de références historiques, les
investisseursontdesdifficultésàanticiperl’ampleur
des effets du QE sur l’inflation, ce qui contribue à
en augmenter l’incertitude. Dans le même temps,
ce type de politique monétaire est mené pour
prévenir le risque de spirale déflationniste. Limiter
ce type de risque contribue à limiter l’incertitude
inflationniste. Comme détaillé par Krishnamurty
& Vissing-Jorgensen (2011), seule l’étude des
données peut permettre de déterminer si le QE
augmente ou diminue l’incertitude inflationniste
et par là même l’incertitude sur les taux.
Les politiques non
conventionnelles de la BCE depuis
2008
Depuis la crise financière de 2007/2008, la
zone euro a été frappée par une crise des
dettes souveraines qui est partie de Grèce pour
s’étendre à d’autres pays. Les conséquences de
cette succession de crises sont visibles à la fois dans
les grands indicateurs macroéconomiques (faible
croissance, risque déflationniste, déséquilibres
budgétaires croissants, tarissement du crédit,
etc.) et sur les marchés financiers (forte hausse
des écarts des taux souverains entre pays de
la zone euro). La BCE s’est trouvée dans une
situation très particulière où elle devait combattre
simultanément plusieurs maux : la perspective
d’une baisse des prix, le mauvais fonctionnement
du marché interbancaire, les retraits massifs de
liquidités par des déposants dans certains pays et
enfin l’exposition du système bancaire au risque
souverain. Dans ces circonstances exceptionnelles,
l’autorité monétaire de la zone euro a donc
multiplié les mesures non conventionnelles pour
soutenir l’activité et en particulier le système
bancaire.
Nous commençons par un (bref) historique des
décisions exceptionnelles prises par la BCE depuis
la crise des subprimes. En 2008, suite à la chute de
Lehman Brothers et aux premières tensions sur les
marchés interbancaires européens (hausse des
spreads7
), la BCE a mis en place le Fixed-rate full
allotment (FRFA). Cela signifie que les opérations
principales de refinancement (opérations
hebdomadaires fournissant des liquidités aux
banques européennes) se font à taux fixe et que
la totalité des besoins en liquidités des banques
seront pourvus8
. Ce dispositif a ensuite été étendu
aux opérations de refinancement à long terme
(Long Term Refinancing Operations, LTRO, dont
la maturité usuelle est de 3 mois) et est resté en
vigueur jusqu’à aujourd’hui9,10
. Il s’agit d’une
première mesure exceptionnelle de provisions
de liquidité pour les banques de la zone euro,
6 - Treasury Inflation Protected Securities.
7 - En octobre 2008, le spread EURIBOR 3 mois – OIS a atteint un pic à 198 points de base, reflétant la hausse perçue du risque de contrepartie sur les marchés interbancaires.
8 - Par le passé, ces opérations se faisaient à taux variable et les montants de liquidités disponibles à chaque appel d’offre étaient plafonnés.
9 - A l’exception d’une courte période en 2010 où les LTRO sont repassés en taux variable.
10 - Le 5 Juin 2014, le conseil des gouverneurs de la BCE a annoncé que le FRFA continuerait « aussi longtemps que nécessaire » pour les opérations principales de refinancement.
Concernant les LTRO à 3 mois, le FRFA a été maintenu jusqu’à décembre 2016.
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destinée à détendre les taux interbancaires et
rassurer les marchés sur les réserves en liquidité et
la composition des bilans bancaires. Notons que,
dans le même temps, le principal taux directeur
de la BCE (celui des opérations principales de
refinancement) a été sensiblement réduit (cf.
Tableau 1). Il est passé de 3,75% avant le 15
octobre 2008 à 0% depuis le 16 mars 2016.
Depuis cette date, le taux de dépôt au jour le jour
est de -0,4%. Ces baisses ont été très marquées
sur la période 2008/2009 avec un taux à 1% en
mai 2009. Ces mesures sur les taux directeurs ne
sont pas exceptionnelles en elles-mêmes, mais
contribuent à renforcer l’impact du FRFA.
Par la suite, entre 2008 et 2011, la BCE a mis en
place d’autres mesures non conventionnelles
spécifiquement destinées à renflouer les
banques en liquidité. La maturité des LTRO a été
exceptionnellement allongée : 6 mois, 1 an, puis 2
appels d’offre à 3 ans (en FRFA) fin 2011 et début
2012. Cette dernière mesure est hors norme par
l’allongement de la durée des prêts et le caractère
illimité des montants de liquidités accordés. Bien
que temporaires (il ne s’agit pas d’achats fermes
de la BCE, mais de repos avec collatéral), ces
opérations se rapprochent d’un QE : le bilan de la
BCE a très fortement augmenté, passant de moins
de 2.000 milliards d’euros au début de l’année
2011 à plus de 3.000 milliards d’euros mi-2012.
Cependant, comme cela a été souligné dans un
rapport du CAE, une large partie de ces LTRO à 3
ans a été remboursée de manière anticipée par les
banques ce qui a contribué à réduire sensiblement
le bilan de la BCE dès 2013.
En dépit des montants inhabituels de ces prêts,
la situation des marchés interbancaires était
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Tableau 1 : Evolution des taux directeurs de la BCE (en %, source : Banque de France)
Date Opérations Principales de Refinancement Facilités Permanentes
Appels d’offre à taux fixe Dépôt au jour le jour Prêt marginal
16 mars 2016 0,00 -0,40 0,25
9 décembre 2015 0,05 -0,30 0,30
10 septembre 2014 0,05 -0,20 0,30
11 juin 2014 0,15 -0,10 0,40
13 novembre 2013 0,25 0,00 0,75
8 mai 2013 0,50 0,00 1,00
11 juillet 2012 0,75 0,00 1,50
14 décembre 2011 1,00 0,25 1,75
9 novembre 2011 1,25 0,50 2,00
13 juillet 2011 1,50 0,75 2,25
13 avril 2011 1,25 0,50 2,00
13 mai 2009 1,00 0,25 1,75
8 avril 2009 1,25 0,25 2,25
11 mars 2009 1,50 0,50 2,50
21 janvier 2009 2,00 1,00 3,00
10 décembre 2008 2,50 2,00 3,00
12 novembre 2008 3,25 2,75 3,75
15 octobre 2008 3,75
18. 18
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
toujours préoccupante en 2009. La BCE a alors
procédé à des opérations d’achats fermes (plus
tardivement que d’autres banques centrales,
notamment la Fed ou la BoJ) avec le Covered
Bonds Purchase Programme 1 (CBPP1) en 2009, le
Securities Market Programme (SMP) en 2010 et le
Outright Monetary Transaction (OMT) annoncé
en 2012. Le CBPP1 a consisté à acheter des
obligations sécurisées (essentiellement émises par
les institutions de crédit) pour faciliter l’accès au
refinancement à long terme des banques et donc
soutenir la distribution de crédit. Deux nouveaux
programmes similaires, CBPP2 et CBPP3 (cf. supra),
ont été relancés en 2011 et 2014 respectivement.
Le SMP a ouvert la voie à l’achat d’obligations
souveraines sur le marché secondaire11
. L’objectif
affiché n’était, bien sûr, pas d’aider les pays en
difficulté à émettre de la dette publique, mais
d’« assurer la profondeur et la liquidité des
segments de marchés dysfonctionnels ». En
assouplissant les taux souverains, la BCE soutenait
également le système bancaire, très exposé à la
dette publique de pays de la zone euro.
L’OMT en 2012 a poursuivi cette politique
monétaire d’achat de dette souveraine, mais
avec quelques ajustements par rapport au SMP :
l’OMT est présenté comme « illimité » (dans
le temps et dans les montants) lors que le SMP
était temporaire et limité. De plus, les pays dont
la dette souveraine serait achetée dans le cadre
de l’OMT, devaient accepter le programme de
recommandations économiques du Mécanisme
Européen de Stabilité12
(anciennement Fonds
Européen de Stabilité Financière).
Notons que les trois programmes d’achats de
titres présentés ci-dessus étaient stérilisés : la BCE
menait parallèlement des opérations d’open-
market inverses, destinées à réabsorber les
liquidités injectées par le CBPP, le SMP ou l’OMT.
La BCE s’assurait ainsi du contrôle de sa politique
monétaire standard : la composition de son bilan
a changé, mais pas la taille de celui-ci. En ce sens,
il s’agissait plus de Credit Easing que de QE au
sens propre.
Enfin, d’autres mesures non conventionnelles
ont été annoncées plus récemment : le Forward
Guidance en 2013 était destiné à l’ancrage des
anticipations des marchés quant à l’évolution de
la politique monétaire. Surtout, le Targeted Long-
Term Refinancing Operations (TLTRO, système
de prêts à long terme proposés aux banques) en
2014, marque le retour de la volonté de la BCE
d’augmenter la taille de son bilan et le volume
de liquidités en circulation. Il s’agit d’une mesure
transitoire (ce sont des repos) avec les limites déjà
soulignées pour le FRFA ou les LTRO à 3 ans. Si
le premier13
TLTRO en septembre 2014 n’a pas
été un succès (seulement 82,6 milliards d’euros
alloués), les volumes de souscriptions semblent
augmenter (près de 100 milliards alloués lors du
troisième TLTRO en mars 2015), ce qui contribue
à la hausse du bilan de la BCE.
Une importante littérature empirique a détaillé
les effets à la fois financiers et économiques de
ces mesures exceptionnelles dans la zone euro.
Concernant les marchés financiers, de nombreuses
études ont analysé l’impact des décisions récentes
de la BCE sur : (1) les marchés interbancaires, (2)
les marchés des obligations sécurisées et (3) les
marchés d’obligations souveraines. Les taux des
marchés interbancaires ne semblent pas avoir été
significativementaffectésparlespremièresmesures
exceptionnelles de liquidité de 2008/2009 (le
FRFA et les premiers allongements de maturité des
11 - Cette décision a constitué une entorse au mandat de la BCE qui ne doit pas, théoriquement, contribuer à monétiser la dette publique des pays de la zone euro. A titre de
comparaison, la Fed peut parfaitement acheter des bons du Trésor US.
12 - Le MSE est une organisation intergouvernementale destinée à aider les pays en difficulté suite à la crise financière et qui a la capacité à lever des fonds sur les marchés financiers.
13 - Le rythme des souscriptions est trimestriel.
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19. 19
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
LTRO) comme le montrent Angelini et al. (2011)
et Brunetti et al. (2011). En revanche, Szczerbowicz
(2014) montre que les mesures plus tardives et
plus fortes d’expansion des liquidités (le LTRO à 3
ans combiné à des taux directeurs quasi-nuls) ont
significativement impacté les spread interbancaires.
Le spread EURIBOR – OIS a baissé de 24 points
de base dans les 2 jours ayant suivi l’annonce du
LTRO à 3 ans. En revanche, l’effet des CBPP, OMT
ou SMP (tous stérilisés) est beaucoup plus faible
et généralement non significatif.
Le marché des obligations sécurisées a été
significativement affecté par le CBPP1. Beirne et al.
(2011) mettent en évidence une baisse significative
des taux obligataires sécurisés primaires et
secondaires. Ils mettent aussi en évidence un
effet de substitution : beaucoup d’émissions
obligataires non sécurisées ont été remplacées par
des émissions obligataires sécurisées suite à la mise
en place du CBPP1. Ces résultats sont confirmés
par Szczerbowicz (2014) qui montre également
que le CBPP1 a contribué à baisser les taux de la
dette souveraine.
L’annonce du SMP en 2010 ne semble avoir eu
un impact que sur les spreads de taux souverains14
des pays les plus exposés par la crise (baisse de
485 points de base pour la Grèce, 121 pdb
pour l’Irlande et 202 pdb pour le Portugal selon
Szczerbowicz, 2014). Les taux souverains de la
France et de l’Allemagne n’ont pas été affectés.
L’impact global sur l’ensemble de la zone euro
de l’annonce du SMP reste limité : 16 points de
base (pdb). De même, De Grauwe et Li (2013)
établissent une relation très significative entre les
spread de taux souverains à 10 ans et l’annonce de
l’OMT en 2012. Les pays qui ont vu leur spread
baisser le plus sensiblement en 2012 sont ceux qui
avaient les spreads les plus élevés initialement15
.
Là encore, les effets de l’annonce de l’OMT à
l’échelle de la zone restent modestes (baisse de 14
pdb selon Szczerbowicz, 2014). D’autres études
(Eser and Schwab, 2013, Ghysels et al., 2013)
ont testé l’impact du SMP sur les taux souverains
et concluent à sa significativité. Notons que la
grande majorité de cette littérature utilise des
techniques dites d’« event studies » : cela consiste
à détecter d’éventuels mouvements anormaux
des taux, le ou les jours voisins d’un événement
majeur ou d’une annonce politique16
. Cela signifie
que l’ensemble des résultats proposés ne sont
valables qu’à très court terme. Si la littérature met
en évidence une baisse des taux interbancaires,
souverains ou sécurisés suite à différentes mesures
exceptionnelles de la BCE, rien ne permet
d’affirmer que cette baisse est durable sur des
horizons supérieurs à quelques jours.
Les études proposant une estimation des effets
macroéconomiques des politiques monétaires
sont beaucoup plus rares. En effet, alors que
les études portant sur les marchés financiers
disposent de données journalières autorisant une
évaluation fine de la réaction des investisseurs le
jour même d’une annonce politique, les études
économiques utilisent des données trimestrielles
ou annuelles. Cela rend l’identification des effets
propres à une annonce politique plus difficile : en
l’espace d’un trimestre ou d’une année, plusieurs
événements économiques ou politiques majeurs
ont pu survenir. A cette limite près, les mécanismes
de transmission des politiques monétaires, via leur
effet sur les spread de taux, sur l’inflation ou le PIB
ont été mis en évidence dès 2010. Selon différents
articles, les premières mesures de type QE de la
BCE (le FRFA et l’allongement des LTRO ayant
conduit à une hausse sensible de la taille du bilan)
14 - Il s’agit de spreads de taux à 10 ans.
15 - Et pas nécessairement ceux ayant mis en place les mesures d’austérité les plus drastiques en 2012.
16 - Les fenêtres temporelles utilisées excèdent rarement 5 jours (i.e., les 2 jours avant l’annonce, le jour de l’annonce et les 2 jours suivants).
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20. 20
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
en 2009 ont eu un effet significatif sur l’économie
européenne grâce à la réduction des taux
interbancaires. Selon une analyse contrefactuelle
de Lenza et al. (2010), le QE de 2008 a conduit
à (1) une baisse de 200 pdb de l’EURIBOR 3
mois, (2) un aplatissement de la courbe de taux17
.
L’EURIBOR servant de base à de nombreux
contrats de crédit privés, cela est susceptible
d’affecter la demande privée. Cependant, la
transmission de ces effets vers l’économie réelle
est longue : gains de 2 points de pourcentage
sur la production industrielle à un horizon de 2
ans. L’effet sur l’inflation est encore plus long à
se manifester (près de 3 ans) et reste très faible
(moins de 0,2 point de pourcentage). En revanche,
les effets sur la distribution de crédit (notamment
les crédits immobiliers et à la consommation) sont
quasi immédiats et massifs.
L’intérêt des politiques menées au début de la
crise par la BCE est qu’elles ont combiné des
aspects quantitatifs et qualitatifs. La taille du bilan
de la BCE a fortement augmenté (QE dès 2008) et
dans le même temps, la nature des prêts de la BCE
a changé. Cela a à la fois permis d’augmenter les
réserves de liquidité des banques (canal monétaire
classique) et d’agir sur la courbe des taux (canaux
du signal et de composition du portefeuille).
Selon différents observateurs (Bénassy-Quéré et
al., 2014, ou Orphanides, 2014), c’est le fait que la
plupart des politiques non conventionnelles de la
BCE (CBPP, SMP, OMT) étaient stérilisées, couplé
au remboursement anticipé des LTRO qui, via la
réduction du bilan de la BCE, explique en partie les
faibles performances de l’économie européenne
par rapport à l’économie américaine (le bilan de
la Fed ne s’est jamais contracté depuis 2008 et a
continué à augmenter en 2013 et 2014).
Le SMP ou l’OMT ont donc été des programmes
certes non conventionnels, mais qualitatifs. Ils
ont conduit à modifier la composition de l’actif
de la BCE. La maturité moyenne de celui-ci
s’est allongée. Mais les réserves de liquidité des
banques n’ont pas été affectées. L’absence d’effet
de ces mesures stérilisées sur les taux interbancaires
(et leur faible effet sur les taux obligataires) peut
expliquer l’absence de transmission de l’OMT ou
du SMP vers le PIB ou l’inflation.
Cependant, cette analyse est contestée par
certaines études (Veld, 2013, Constancio, 2015)
qui estiment que le décrochage de l’économie
européenne est pour partie lié à l’ampleur de
la consolidation fiscale menée dans la zone euro.
Les effets cumulés sur les trois années 2011, 2012,
2013 de la consolidation fiscale s’échelonnent de
8,1% du PIB18
en Allemagne ou 9,1% en France à
18% en Grèce. De manière générale, ces études
doivent être considérées avec prudence. Il est,
techniquement parlant, difficile de distinguer les
effets propres à la politique monétaire de ceux
découlant directement des politiques budgétaires
et fiscales.
Les exemples de QE dans le reste du
monde : Fed, BoE et BoJ
A la différence de la BCE, les trois autres banques
centrales majeures (la Fed, la Bank of England et
la Bank of Japan) ont mené très tôt des politiques
non conventionnelles de QE avec achats fermes
de titres. Ainsi, en janvier 2015, la part du bilan
constituée d’actifs acquis via des opérations
d’open-market fermes était de 99,5% pour la Fed,
89,9% pour le BoJ et 92,4% pour la BoE contre
seulement 12,1% pour la BCE.
17 - Cela signifie que (1) l’EURIBOR 3 mois est 200 pdb en dessous du niveau qu’il aurait connu sans QE et (2) l’écart entre l’EURIBOR 12 mois et l’EURIBOR 3 mois est plus faible
qu’il n’aurait été sans QE.
18 - Il s’agit du PIB de l’année 2013.
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21. 21
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
Ainsi, la Fed a mené, depuis la chute de Lehman
Brothers, plusieurs opérations successives
d’open-market. Le premier programme de
Large-Scale Asset Purchase (LSAP ou plus
simplement QE1) a été mené entre novembre
2008 et mars 2009 : $ 200 milliards de dette
d’agences gouvernementales et $ 1.250 milliards
de Mortgage Backed Securities19
(MBS). A la suite
de ces achats, le bilan de la Fed a pratiquement
doublé. Au sens strict, il ne s’agit pourtant pas
d’un pur QE, puisque la composition du bilan
de la Fed a drastiquement changé (les MBS y
sont devenus majoritaires). Il s’agit donc d’un mix
QE /Credit Easing. Par la suite, la Fed a initié deux
autres LSAPs en 2010 (QE2) et 2012 (QE3). La
mesure la plus marquante de QE2 est l’achat de
$600 milliards de bons du Trésor US. Lors de QE3,
le FOMC (Federal Open Market Committee) a
annoncé l’achat chaque mois de $40 milliards de
MBS et de $45 milliards d’obligations publiques
US à long terme20
.
Le QE de la BoE a été annoncé en mars 2009 :
jusqu’à £75 milliards d’achats de titres,
essentiellement des gilts à moyen ou long terme.
Par la suite, les montants du QE ont été augmentés
(plafonds à £200 milliards fin 2009, £275 milliards
en 2011, puis £375 milliards en 2012 avec toujours
une large majorité de titres de créance publics).
Enfin, dans un contexte économique bien différent
de celui de l’Europe ou des Etats-Unis, la BoJ,
initiatrice du QE dans les années 90, a multiplié à
partir de 2008, les opérations d’achats fermes de
JGB (Japanese Government Bonds), d’obligations
d’entreprises et d’ABCP (Asset Backed Commecial
Paper).
19 - Titres adossés à des créances hypothécaires.
20 - Ce dispositif avait déjà été mis en place 6 mois plus tôt (dans le cadre du Maturity Extension Program), mais à cette époque les achats de titres longs étaient stérilisés via des
ventes de bons US courts ce qui n’est plus le cas dans le cadre du QE3.
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Synthèse : politiques monétaires non conventionnelles de la BCE depuis 2008
Année Programme Stérilisation Opération
2008 Fixed Rate Full Allotment (FRFA) Non stérilisé Opérations de refinancement à taux fixe.
Totalité des besoins liquidités des banques pourvue.
2008 Long Term Refinancing Operation
(LTRO)
Non stérilisé Comme le FFRA mais avec des opérations à long terme.
Allongement des maturités entre 2008-2012 : maturités de 6 mois, 1 et 3
ans.
2009 Covered Bonds Purchase Programme
1 (CBPP1)
Stérilisé Achat d’obligations sécurisées essentiellement émises par des institutions
de crédit.
2010 Securities Market Programme (SMP) Stérilisé Achat temporaire et limité d’obligations souveraines dans le marché
secondaire
2011 Covered Bonds Purchase Programme
2 (CBPP2)
Stérilisé Cf. CBPP1
2012 Outright Monetary Transaction (OMT) Stérilisé Achat d’obligations souveraines dans le marché secondaire illimité dans le
temps et dans les montants.
Les pays dont la dette est achetée sont soumis au programme de
recommandations économiques du Mécanisme Européen de Stabilité.
2013 Forward Guidance - Ancrage des anticipations du marché quant à l’évolution monétaire
2014 Covered Bonds Purchase Programme
3 (CBPP3)
Stérilisé Cf. CBPP1
2014 Targeted Long Term Refinancing
Operations (TLTRO )
Non stérilisé Système de prêts à long terme proposés aux banques. Mesure transitoire
(repos) avec les limites du FRFA ou du LTRO 3 ans.
2015 Expanded Asset Purchase Programme
(EAPP)
Non stérilisé Combinaison de l’achat de titres de créance privés via des programmes
déjà existants (Asset Backed Securities Purchase Programme, ABPP
ou CBPP3) et des titres de créance publics (Public Sector Purchase
Programme, PSPP).
22. 22
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
Les effets de ces politiques monétaires non
conventionnelles peuvent se mesurer à l’aune
des PIBs des économies respectives. Fin 2014, le
bilan de la BCE s’élevait à 17,6% du PIB de la zone
euro, loin derrière celui de la Fed (24,5% du PIB
américain), de la BoE (22,6% du PIB britannique)
et surtout de la BoJ (59,1% du PIB japonais). Il
est à noter qu’historiquement le bilan de la BCE
était nettement plus important que celui de ses
contreparties américaines ou britanniques (par
exemple, juste avant l’éclosion de la crise des
subprimes en 2007, le bilan de la BCE rapporté
au PIB était de 9,9% contre 5,8% pour la Fed et
5,4% pour la BoE).
La littérature dans son ensemble conclut à
des effets significatifs et substantiels de ces
politiques de QE sur les taux comme sur l’activité
économique. Selon une étude récente21
, l’effet
d’une politique d’achat ferme de titres longs par
la Fed pour $1.000 milliards22
s’échelonne entre
-80 pdb et -20pdb sur les rendements souverains
à 10 ans avec une moyenne de -42 pdb. Compte
tenu de l’ampleur des LSAP menés aux Etats-
Unis, l’effet global sur les taux longs souverains
est proche de -90 pdb. Il s’agit donc d’effets plus
importants que ceux mis en évidence en Europe.
De même, au Royaume-Uni, l’effet des politiques
de QE oscille entre 40 et 100 pdb de baisse sur
les gilts à long terme.
De plus, l’impact macroéconomique d’un QE de
$1.000 milliards aux USA oscille, selon les études,
autour de 1 point de PIB23
et près de 0,75 point de
pourcentage d’inflation. De plus, l’effet à la baisse
sur le taux de chômage attribué au QE est proche
de 1,5 point de pourcentage24
. Au Royaume-Uni
pour un QE de £200 milliards, l’impact maximal
sur le PIB varie autour de 2 points et 1,5 points
pour l’inflation. Les résultats concernant le Japon
sont beaucoup plus modestes : certaines des
politiques de QE n’ont pas eu d’effet sur l’activité,
ni sur l’inflation. Cependant, il convient de
noter le retour d’une inflation positive au Japon
depuis près de 3 ans, conséquence possible des
extensions d’Asset Purchase Programs en 2012.
Quel sera l’impact du QE de la BCE ?
Un effet marqué sur les taux courts, pas sur
les taux longs
A court terme, les effets de l’annonce du QE le
22 janvier 2015 sont significatifs. Nos estimations
confirment celles obtenues par la BCE. Sur
l’ensemble du trimestre novembre 2014/ février
2015, les taux souverains à 10 ans ont été réduits
de 16 pdb. Celui des obligations sécurisées a
été réduit de 27 pdb et celui des obligations
d’entreprises de 25 pdb.
Pour l’ensemble de la zone euro, sur une courte
fenêtre temporelle de 5 jours autour de la date
d’annonce du QE par la BCE, l’évolution de la
courbe de taux souverains spot est montrée par
la Figure 3.
Sur des maturités de 10 ans, la chute des
rendements entre les 22 et 23 janvier 2015 est
de 15 pdb. Cette baisse a beaucoup bénéficié
aux pays ayant le risque de défaut le plus faible.
Ainsi, le taux des OAT français à 10 ans a chuté
de plus de 16 pdb entre les 21 et 23 janvier
2015 (passant de 0,699% à 0,545%). L’effet est
également très marqué pour les Bund à 10 ans
allemands (de l’ordre de 21 pdb). L’effet est
nettement plus faible pour l’Italie et l’Espagne
(moins de 10 pdb dans chaque cas). Enfin, si une
21 - Williams (2014) effectue un bilan de la littérature empirique.
22 - Ce montant est choisi car il est comparable à la taille du QE mené dans la zone euro.
23 - C’est le pic (la valeur maximale d’impact) qui est retenu.
24 - Ces résultats n’intègrent pas le QE 3 mené par la Fed en 2012.
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23. 23
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
baisse importante sur les taux à 10 ans grecs a
bien été observée le lendemain de l’annonce du
QE (baisse de 55 pdb), celle-ci a été entièrement
annihilée le jour ouvré suivant (+70 pdb entre le
23 et le 26 janvier).
En élargissant notre horizon temporel, nous
constatons la faible persistance des effets du QE
(cf. Tableau 2). Après une poursuite de la baisse
des taux longs durant le mois de mars 2015 (où
la première opération d’achats a été menée le 9
mars précisément25
), les rendements obligataires
souverains sont repartis à la hausse dès le mois
de mai 2015 sous l’effet conjugué de tensions
sur les prix pétroliers et de l’instabilité politique
sur l’avenir de la Grèce26
. Cette hausse des taux
25 - Avec un impact (là encore temporaire) sur les taux longs. Les taux allemands et français à 10 ans ont chuté d’environ 20 pdb lors de la semaine du 9 mars 2015.
26 - Certains observateurs des marchés financiers ont également émis l’idée que la dégradation des marchés (hausse des taux longs, mais aussi baisse des cours boursiers et légère
tension sur les spread de crédit) pouvait être due à une anticipation d’un arrêt prématuré du QE par la BCE (Artus, 2015).
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Figure 3 : Courbe de taux souverains (ensemble de la zone euro) entre le 20 et le 26 janvier 2015. Maturité : 3 mois à 15 ans.
Source : BCE.
Tableau 2 : Courbe de taux souverains (ensemble de la zone euro) entre janvier 2015 et avril 2016. Maturité : 3 mois à 15 ans.
Source : BCE.
Date / Maturité 3 mois 6 mois 1 an 5 ans 10 ans 15 ans
Janvier 2015 -0,1516% -0,1996% -0,1870% -0,0299% 0,4158% 0,7479%
Avril 2015 -0,2524% -0,2870% -0,2486% -0,1051% 0,2342% 0,4258%
Juillet 2015 -0,2582% -0,2537% -0,2565% 0,2048% 0,9865% 1,3842%
Octobre 2015 -0,3311% -0,3135% -0,2847% 0,0019% 0,6374% 1,0020%
Janvier 2016 -0,4678% -0,4492% -0,4105% -0,0287% 0,6867% 1,0992%
Avril 2016 -0,4948% -0,4878% -0,4836% -0,3115% 0,2216% 0,5570%
24. 24
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
souverains s’est par ailleurs répercutée sur les
taux obligataires d’entreprise (essentiellement les
investment grade). Cette hausse est bien propre
aux taux longs : les taux souverains courts (à 3 mois)
ont continué à baisser au cours de l’été 2015. Si
les taux longs sont restés relativement élevés tout
au long du second semestre 2015, ils ont entamé
une baisse significative depuis janvier 2016. Cette
baisse peut-être due aux différentes annonces de
la BCE en janvier et mars 2016 (prolongement du
QE, hausse des montants mensuels d’achats de
titres dans le cadre du QE, baisse du taux directeur
principal de 0,05% à 0%). Depuis début 2016, les
taux courts ont continué à baisser. Dans l’ensemble,
le QE semble donc avoir permis une baisse
durable des taux courts, mais n’a pas empêché de
fortes fluctuations sur les taux longs pour lesquels
ses effets semblent difficiles à apprécier.
L’effet sur les marchés interbancaires est un peu
différent (cf. Figure 2). Ainsi l’EURIBOR 3 mois
a-t-il poursuivi en 2015 une baisse régulière
déjà entamée depuis plusieurs années. L’effet
de l’annonce du QE est visible sur la figure 2.
La première injection de liquidité du 9 mars a
encore réduit les taux interbancaires, mais à la
différence des taux longs, cette baisse est durable.
De nouveau, la chute des taux en avril 2015 suite à
la deuxième opération d’achats fermes par la BCE
n’a pas été suivie d’un mouvement correctif. Au
début du mois de juillet 2015, l’Euribor 3 mois se
trouvait à -0,018%, son plus bas niveau historique.
Depuis sa baisse s’est poursuivie et l’Euribor 1 an
est également négatif (-0,021% en juin 2016).
A ce stade, il semble donc que le QE n’ait pas
permis de détente durable sur les marchés
obligataires de maturité longue. Cela contredit une
partie des prédictions théoriques usuelles sur les
effets d’un assouplissement quantitatif : les canaux
du signal et de la composition du portefeuille ne
semblent pas fonctionner. Au contraire, le canal
classique des réserves de liquidité bancaires
(ou canal monétariste) semble avoir permis une
nouvelle détente des marchés interbancaires.
Les anticipations d’inflation restent atones
Les données d’inflation observée fournies par
Eurostat ne permettent pas encore de dégager
une tendance depuis l’annonce du QE. En effet,
si l’évolution du taux d’inflation annuel27
dans la
zone euro est devenue positive dans les mois qui
ont suivi l’annonce du QE (-0,6% en janvier 2015,
-0,3% en février 2015, -0,1% en mars 2015, 0%
en avril 2015 et +0,3% en mai28
2015), l’inflation
sous-jacente29
est, elle, restée relativement stable
autour de 0,7%. Tout au plus, pouvons-nous noter
une hausse soudaine en mai 2015 (1% soient 30
pdb de plus qu’en avril) trop ponctuelle pour
être considérée comme fiable. Depuis, l’inflation
sous-jacente a baissé et est revenue à ses niveaux
de l’an dernier (0,8% en mai 2016).
Suite à l’annonce du QE, les anticipations
d’inflation des marchés (déduites des swaps
d’inflation forward à différentes maturités) ont été
très légèrement réorientées à la hausse (environ 30
pdb). Les anticipations à 10 ans (plus précisément
à 1 an dans 9 ans30
) sont passées légèrement au-
dessus de 2% avant de se stabiliser. L’effet n’a
pas été plus marqué pour d’autres horizons de
prévisions.
Selon le Survey of Professional Forecasters31
(SPF)
(cf. tableau 3), les prévisions d’inflation effectuées
en 2015 pour l’année 2016 ont un peu augmenté
depuis l’annonce du QE (de 1,1% au 1er trimestre
2015, elles sont passées à 1,2% au 2ème trimestre,
27 - L’inflation annuelle est l’évolution des prix (Indice des Prix à la Consommation Harmonisé) entre le mois de référence et le même mois de l’année précédente.
28 - Le taux d’inflation du mois de mai est une estimation.
29 - L’inflation sous-jacente (core inflation) correspond au taux d’inflation annuel hors prix de l’énergie, alimentation, alcool et tabac. Cet indicateur est considéré comme plus fiable,
car moins volatil que l’inflation en elle-même.
30 - 1-year Inflation-linked swap rate 9 years ahead.
31 - Celles du deuxième trimestre 2015.
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25. 25
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
puis 1,3% au 3ème trimestre). Cependant, ces
prévisions ont ensuite chuté (de 1% au T4 2015
à seulement 0,3% au T2 2016). De même, les
prévisions faites en 2016 pour l’année 2017 sont
de l’ordre de 1,3%, inférieures à celles faites en
2015.
Dans l’ensemble, les variations de l’inflation
anticipée dans la zone euro sont minimes, à
court comme à moyen terme. Le QE ne semble
pas avoir permis, comme le souhaitait la BCE,
un nouvel ancrage à la hausse des prévisions
d’inflation. Plusieurs explications sont possibles :
tout d’abord, certains des mécanismes théoriques
présentés ci-dessus sont longs à se mettre en place
pour peser à la hausse sur l’inflation ; par ailleurs,
comme nous l’avons montré précédemment,
les mécanismes « non conventionnels », c’est-
à-dire propres au QE, ne semblent pas avoir
opéré depuis le début de l’année 2015 : les
taux longs n’ont pas été durablement réduits (ou
du moins seulement depuis quelques mois). Les
modalités de financement direct des entreprises
et de refinancement du secteur financier se sont
également durcies au milieu de l’année 2015.
Les mécanismes susceptibles de ramener l’inflation
vers sa cible de 2% sont donc « conventionnels » :
une hausse de la demande privée via le canal
classique du crédit ou une hausse de la demande
privée via un effet richesse32
.
Le canal classique33
du crédit, mécanisme usuel de
transmission de la politique monétaire, suppose un
assouplissement des conditions de crédit via un
accès facilité à des liquidités pour les banques34
.
Nous avons notamment observé plusieurs baisses
sensibles de l’Euribor depuis l’annonce du QE et
les différents achats fermes de la BCE. L’Euribor
servant de base de fixation à de multiples contrats
de crédit en Europe, il s’agit d’un premier facteur
de détente de l’offre de crédit au secteur privé.
Ainsi le Bank Lending Survey diffusé par la BCE
fait état, depuis le premier trimestre 2015, d’un
assouplissement des conditions d’octroi des
crédits distribués par les institutions de crédit dans
la zone euro. Cet effet est notamment marqué
pour les crédits aux entreprises et le crédit à la
consommation, (beaucoup moins pour le crédit
hypothécaire). De même, les taux de croissance
des différentes mesures de la masse monétaire
sont nettement orientés à la hausse depuis mi-
32 - Nous pouvons également évoquer une inflation importée via un effet taux de change, mais ce mécanisme est difficile à tester.
33 - On parle aussi de canal étroit du crédit, par opposition au canal « large » qui transite par un effet richesse des agents soutenant la demande de crédit.
34 - Ce canal suppose une imparfaite substituabilité des liquidités et d’autres moyens de refinancement pour les banques.
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Tableau 3 : prévisions d’inflation (Survey of Professional Forecasters, source : BCE). L’année en cours correspond à celle de la
prévision. Lecture : la prévision d’inflation faite au 1er trimestre 2014 pour l’ensemble de l’année 2014 était de 1,1%.
Date de Prévision Prévision pour l’année en cours (année N) Prévision pour l’année N+1 Prévision pour l’année N+2
2014 T1 1,1% 1,4% 1,7%
2014 T2 0,9% 1,3% 1,5%
2014 T3 0,7% 1,2% 1,5%
2014 T4 0,5% 1,0% 1,4%
2015 T1 0,3% 1,1% 1,5%
2015 T2 0,1% 1,2% 1,6%
2015 T3 0,2% 1,3% 1,6%
2015 T4 0,1% 1,0% 1,5%
2016 T1 0,7% 1,4% 1,6%
2016 T2 0,3% 1,3% 1,6%
26. 26
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
2014, c’est-à-dire depuis les nouvelles mesures
visant à augmenter la taille du bilan de la BCE
(cf. Figure 4). Notamment, M1 est une mesure
étroite de la masse monétaire incluant les pièces
et billets en circulation et les dépôts à vue (DAV).
Son rythme de croissance, fortement corrélé à
celui du bilan de la BCE, est désormais supérieur
à 10% en rythme annuel contre seulement 5% un
an plus tôt. Le profil d’évolution de M3 qui inclut
également des dépôts à court terme et quelques
instruments financiers liquides, est voisin. Il faut
tout de même noter un ralentissement du rythme
de croissance depuis mi-2015. L’ensemble de ces
facteurs, combinés à une hausse de la demande de
crédit venant des entreprises et des particuliers (cf.
Bank Lending Survey), a permis une hausse du taux
de croissance annuel des crédits accordés à des
résidents (firmes et ménages) de la zone euro. La
croissance annualisée du crédit privé n’est positive
que depuis mi 2014 pour les prêts aux ménages
et mi-2015 pour les prêts aux entreprises. Elle
s’établit à plus 1% en avril 2016 alors qu’elle était
nettement négative en 2013.
Cette hausse reste cependant modeste en
comparaison aux rythmes de croissance observés
avant 2012. Il est donc prématuré de prétendre
à un retour de la demande privée via le canal du
crédit.
Une hausse des cours des actions, consécutive au
QE, pourrait également permettre une hausse de
la demande et une hausse de l’inflation, via un
« effet richesse ». Théoriquement, la politique
d’assouplissement quantitatif peut avoir trois effets
sur les marchés actions.
Premièrement, la baisse des taux d’intérêt
provoquée par l’assouplissement quantitatif
entraine une baisse des rendements des
instruments obligataires, ce qui incite les
investisseurs à se tourner vers des investissements
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Figure 4 : Taux de croissance annuel des agrégats monétaires M1 et M3 et des crédits aux ménages et aux entreprises (hors secteur
financier). Source : BCE, avec ajustement saisonnier.
27. 27
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
plus risqués. Cette réallocation des portefeuilles
peut provoquer une hausse des marchés actions.
Deuxièmement, l’environnement de taux bas
influence également les décisions des entreprises
en termes d’endettement. Cela peut inciter les
sociétés à investir davantage et à financer cet
investissement à travers l’acquisition de dette à
un faible taux d’intérêt, ce qui peut entraîner une
augmentation des prix des actions. Troisièmement,
l’implémentation du QE peut provoquer une
baisse de l’euro. Cette dépréciation peut être
favorable aux sociétés européennes cotées
qui réalisent une grande partie de leur chiffre
d’affaires à l’étranger (en dollars notamment).
Cette augmentation des ventes à l’étranger et par
conséquent des bénéfices des entreprises peut
avoir un effet à la hausse des cours des actions.
Historiquement, les annonces d’une politique
d’assouplissement quantitative aux Etats-Unis et au
Japon ont entrainé une augmentation des indices
boursiers. En Europe, les annonces de la BCE ont
entrainé, pour le moment, des effets de hausse de
court terme sur les marchés actions. A l’annonce
du QE, le 22 janvier 2015, le marché actions
européen est reparti à la hausse et s’est maintenu
à des niveaux élevées jusqu’en août 2015. Ce
mois-ci, la crise du marché asiatique a cependant
impacté le marché européen et « annulé » les
effets du QE. A l’annonce des modifications de
politiques du QE le 21 janvier ou du 10 Mars
2016, les marchés actions sont brièvement repartis
à la hausse, sans qu’aucun effet significatif ne
semble avoir subsisté dans les jours qui ont suivi.
Les figures 5 et 6 ci-dessous montrent l’évolution
desindices EUROSTOXX etCAC40entreoctobre
2014 et juin 2016. En rouge sont indiquées les
dates des annonces de la BCE sur l’assouplissement
quantitatif.
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Figure 5 : Evolution de l’indice EUROSTOXX 50
Source : Yahoo Finance.
28. 28
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
L es p re m i e rs e ffe t s d e l a p o l i t i q u e
d’assouplissement quantitatif sur les marchés
actions ont donc été de court terme. Les effets
dans la durée sont plus difficilement quantifiables
puisque l’évolution des cours des actions a
été influencé par d’autres facteurs comme : i)
l’instabilité des marchés émergents (notamment
asiatique et sud-américain) et le ralentissement
de l’économie chinoise et la dépréciation
de la monnaie inquiètent les investisseurs ; ii)
l’évolution des cours du pétrole qui menace les
entreprises du secteur et les pays exportateurs; iii)
l’incertitude par rapport à la remontée des taux
de la Fed (forte probabilité d’une hausse des taux
au mois de juillet 2016).
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Figure 6 : Evolution du CAC 40
Source : Yahoo Finance.
30. Une Publication EDHEC Business School
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POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
2. Quel est l’impact de la politique du
quantitative easing pour le secteur de l’assurance ?
Nous avons vu précédemment, en synthèse, que
la Banque Centrale Européenne dans le cadre
de sa politique de Quantitative easing (QE), a
abaissé le taux de refinancement à 0%, permettant
ainsi aux établissements bancaires d’emprunter
gratuitement auprès de la BCE. Dans le même
temps, la BCE a révisé à la baisse tant ses prévisions
d’inflation que de croissance pour 2016, 2017,
2018 dans la zone euro : une inflation à 0,1%, 1,3%
et 1,6% respectivement (loin de l’objectif durable
d’un peu moins de 2%) et un PIB à 1,4%, 1,7%
et 1,8% respectivement. En outre, selon Mario
Draghi, ces taux « vont rester bas, très bas, pour
une période de temps prolongée et bien au-delà
de l’horizon temporel de nos achats » (Draghi,
2016).
L’objectif de cette partie est d’analyser en quoi
cette situation de taux d’intérêt bas constitue
pour le secteur de l’assurance un véritable défi
et quelles sont les solutions apportées. Pour
mémoire, alors que le taux de refinancement
était encore à 0,75%, D. Kessler, le Président du
5ème
réassureur mondial Scor, déclarait que les
taux d’intérêt à un niveau historiquement bas
« ruinait peu à peu le secteur de l’assurance et de
la réassurance » (Kessler, 2014).
En effet, cet environnement vient aggraver encore
un peu plus la problématique de la baisse des
rendements des portefeuilles, déjà compliquée
par les règles prudentielles Solvabilité 2 qui
favorisent les actifs moins risqués et l’évolution
des règles comptables européennes qui rigidifient
la gestion. Or, nous rappelons que l’encours des
placements en 2014 est de l’ordre de 10 000
milliards d’euros pour le secteur de l’assurance
en Europe (FFSA, 2015).
II.1. Quelles solutions face au
casse-tête de l’assurance vie
dans un environnement de taux
d’intérêt bas ?
Avant de proposer des solutions pour gérer
le casse-tête de l’assurance vie dans un
environnement de taux d’intérêt extrêmement
bas, revenons sur les fondamentaux de cette
branche d’activité et surtout sur les défis qu’elle
doit affronter.
Tout d’abord, rappelons que l’assurance vie
repose sur un contrat qui moyennant le versement
d’une prime unique ou des primes périodiques
de l’assuré, la société d’assurance s’engage à verser
un capital à une date préalablement déterminée
(dans le cas d’un événement se produisant dans
la vie de l’assuré, y compris son décès) ou des
annuités (dans le cas d’une rente). En Europe,
l’offre de toute société d’assurance est composée
schématiquement de trois contrats : les contrats en
euros, les contrats en unités de compte, les contrats
dits multi-supports.
Pour les contrats en euros, le risque de
placement est supporté par les sociétés
d’assurance. Concrètement, l’assuré verse une
prime périodique ou un capital et l’assureur choisit
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31. Une Publication EDHEC Business School
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POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
l’allocation d’actifs de son choix. Cette dernière
doit satisfaire d’une part, une rémunération
annuelle suffisamment attractive par rapport
aux rendements offerts par les autres sociétés
d’assurance, mais aussi par rapport à ceux des
autres placements financiers. Cette rémunération
fait l’objet d’une large communication annuelle, et
constitue à ce titre un des avantages concurrentiels
pour la collecte de l’année à venir. D’autre part,
cette allocation d’actifs doit également être en
mesure de permettre de faire face aux garanties
offertes par les contrats en euros (selon les
pays d’Europe, cela peut être une garantie en
capital, voire même un rendement annuel garanti,
comme souvent en Allemagne, en Suisse et en
Belgique, ou en France en assurance collective par
exemple), et aux options relatives au règlement,
au nantissement, au rachat total ou partiel, au
renouvellement.
Les engagements de l’assureur vis-à-vis de l’assuré
trouvent leur assise au passif du bilan de la société,
à savoir les provisions mathématiques, situées à
côté des fonds propres. Ces derniers jouent un
rôle d’amortisseur dans le cas où les provisions
mathématiques seraient insuffisantes. Plus
précisément, ce type de provisions correspond
aux engagements actualisés de l’assureur nets
de ceux des assurés, ce qui explique le rôle
fondamental joué ici par le taux d’intérêt qui
sert de référence au taux d’actualisation. Il faut
rappeler qu’une mauvaise estimation de la
sensibilité des provisions mathématiques aux
variations de taux a constitué la cause principale
de plusieurs faillites de sociétés d’assurance-vie
(par exemple Mannheimer Lebensversicherung
en Allemagne en 2003 ou Nissan Mutual Life au
Japon en 1997).
Face à ces défis de rémunération, garanties et
options où les risques sont supportés par les
sociétés d’assurance, ces dernières ont choisi
des portefeuilles majoritairement composés
d’obligations d’Etats et d’entreprises bien notées
par les agences de rating (au minimum A). Si cette
politique d’investissement leur permet ainsi de
délivrer chaque année les garanties contractuelles
offertes par les contrats, elle soulève néanmoins
dans le contexte actuel de taux bas différents
problèmes : la compétitivité par rapport aux autres
placements, la gestion de l’écart de sensibilité de
l’actif et du passif aux variations des taux d’intérêt
ainsi que le risque de réinvestissement.
Plus précisément, le risque de taux est issu des
différentes déformations que peut subir la courbe
de taux : translation, rotation et changement de
convexité. Ce sont ces variations de la courbe
de taux qui ont un impact sur le bilan, la marge
financière (différence entre la rentabilité des actifs
du bilan de l’assureur et le taux de rémunération
servis aux assurés) et le chiffre d’affaires des
sociétés d’assurance.
La baisse des taux d’intérêt a un impact
directement sur le bilan, sur la valeur des actifs
et des passifs d’assurance. Elle engendre une
hausse de la valeur de marché des obligations
détenues à l’actif mais aussi une augmentation de
la valeur des engagements de l’assureur au passif.
L’effet global dépend de l’écart (mismatch) de
duration entre le passif et l’actif. Plus cet écart
est important et positif, plus l’impact de la baisse
des taux d’intérêt sera significatif et se traduira
par une réduction de la valeur économique de
la société (la valeur des passifs augmentant plus
vite que celle des actifs). Il faut en outre souligner
que les caractéristiques des contrats (garanties,
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32. Une Publication EDHEC Business School
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POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
options, durée) peuvent amplifier ou réduire
cette sensibilité au taux d’intérêt et l’exposition
au risque de taux. Ainsi, seuls les actifs adossés aux
fonds propres engendrent une réelle appréciation
de la valeur économique de la société.
En ce qui concerne la marge financière, la baisse
des taux d’intérêt engendre une pression sur
les rendements des instruments obligataires, qui
constituent la plus grande partie du portefeuille
d’investissement des compagnies d’assurance.
Il existe donc un risque de réinvestissement
important pour les sociétés qui voient leurs actifs
offrant des rendements attractifs (acquis avant la
baisse des taux) arriver à maturité. En réinvestissant
aujourd’hui le fruit des obligations arrivant à
échéance dans des obligations à un rendement
voisin de zéro, la marge financière est mise sous
pression, voire est négative. Notons qu’au regard
de l’importance de la contribution de la marge
financière à la rentabilité de la société d’assurance,
sa santé financière peut être excessivement
affectée.
En outre, une société d’assurance court un risque
majeur en cas de remontée des taux : dépréciation
de la valeur des obligations en portefeuille et
rendement relatif faible par rapport aux nouvelles
obligations émises, engendrant des distorsions
concurrentielles, notamment dans le cas de
nouveaux entrants. Par ailleurs, si elle choisit de
réduire la duration de ses obligations pour réduire
le risque de hausse de taux, elle amplifie alors le
risque d’inadéquation des maturités des actifs et
des passifs (écart de duration).
Au-delà de cette rémunération servie aux assurés,
certains contrats d’assurance en euros offrent
selon les pays européens des taux garantis élevés
(pouvant aller au-delà de 5% car proposés bien
avant la baisse des taux). L’environnement de taux
bas dans un contexte d’arrivée à échéance massive
d’obligations acquises par le passé, peut entraîner
une incapacité à servir les taux garantis. Pour
faire face à leurs engagements, les assureurs sont
contraints de puiser dans leurs réserves (provision
pour participation aux bénéfices, provisions pour
participations aux excédents…). Si la période
de taux bas se poursuit, ces taux garantis sont de
nature à fragiliser la santé financière des sociétés,
voire à les mettre en péril.
Enfin, l’environnement de taux bas met également
sous pression le chiffre d’affaires, dans la mesure
où les contrats ne sont plus en mesure d’offrir
des rémunérations attractives pour les assurés. Il
y a quelques années, le secteur a ainsi connu une
décollecte nette massive en Europe, les assurés
cherchant d’autres investissements plus rentables
ou plus liquides pour un risque semblable.
Dans un tel environnement, le Fonds Monétaire
International (FMI) a exprimé publiquement
à plusieurs reprises, ses interrogations sur la
vulnérabilité des assureurs-vie, s’inquiétant d’un
possible scénario à la japonaise en Europe (faillites
en chaîne des années 1990) : « plus les taux
seront bas, plus les assureurs seront vulnérables
face à leur évolution future » (FMI, 2016). Ces
inquiétudes sont partagées par l’ensemble des
régulateurs prudentiels européens, si bien que
par exemple la Banque de France et l’Autorité
de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR)
ont, en octobre 2014, appelé les assureurs-vie à
baisser la rémunération des fonds en euros pour
réduire le spread avec le taux de rendement des
obligations souveraines. Grâce à la faible inflation
de ces dernières années, le rendement réel reste
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33. 33
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
élevé, même si nous sommes en mesure de nous
demander si la chute de la rémunération des
contrats en euros (par exemple en France, elle
est passée de 5,3% en 2000 à 2,3% en 2015) est
suffisante au regard du spread avec les obligations
d’Etats, principal placement des assureurs vie.
Aussi, nous reviendrons ci-dessous sur les solutions
possibles pour affronter ces problématiques liés
à l’environnement de taux actuels historiquement
bas.
La deuxième famille de produits d’assurance vie
est celle des contrats en unités de compte.
Contrairement aux contrats en euros, pour ce
type de contrat, l’assureur n’a pas à garantir la
valeur en euros de l’épargne, mais seulement
le nombre d’unités de compte. C’est donc
l’assuré qui supporte très largement le risque de
marché. Dès lors, la société d’assurance et l’assuré
conviennent généralement ensemble d’une
allocation d’actifs plus ou moins risquée selon les
objectifs de l’assuré, sachant que la volatilité de
l’allocation retenue est supportée par ce dernier.
A titre illustratif, le rendement moyen des contrats
en unité de compte en France est passé de -22,3%
après la faillite de la banque Lehman Brothers en
2008 à +14,4 % un an plus tard.
Enfin, la troisième famille de produits d’assurance
vie est celle dite des contrats dits multi-
supports. Il s’agit d’un panachage de contrats en
euros et d’unités de compte, visant à privilégier
une alliance sécurité-performance. Naturellement,
la rémunération de ces contrats dépend du poids
relatif de ces deux composantes, à l’instar du
risque encouru par l’assureur.
A la lumière de cette analyse sur l’exposition aux
risques des assureurs dans un environnement
bas des taux d’intérêt, on comprend bien que la
problématique repose sur la gestion actif-passif
des contrats possédant une composante en euros.
Rappelons que la gestion actif-passif (ou ALM
pour Asset Liability Management) consiste en
une structuration dynamique du bilan guidée par
les passifs. L’allocation des actifs doit permettre
d’offrir d’une part un rendement annuel
satisfaisant (positionnement concurrentiel par
rapport aux autres acteurs du secteur), et d’autre
part, être capable d’honorer les engagements
de l’assureur. Une certaine liquidité est donc
requise en permanence afin d’être en mesure de
régler d’éventuelles garanties annuelles, l’arrivée
à échéance, le rachat partiel ou prématuré de
contrats, y compris le cas échéant faire face à
une vague de rachat massif, sous peine de faillite
de la société. Il est donc capital d’identifier les
contraintes de passifs : taux techniques, taux
minimum garanti et échéancier des cash flows.
Solvabilité 2 a imposé une approche économique
qui introduit une volatilité additionnelle dans le
bilan des assureurs : les passifs sont définis par
l’actualisation des cash flows futurs selon une
courbe de taux sans risque déterminée sur la base
de taux swaps ajustés du risque de crédit définie
par le régulateur prudentiel européen et soumis à
la volatilité des marchés ; les actifs quant à eux sont
en valeur de marché. Ainsi, en cas de baisse des
taux, compte tenu de la volatilité des spreads qui
peut augmenter sensiblement, la valeur des actifs
peut augmenter moins rapidement que celle des
passifs actualisés au taux sans risque.
Pour répondre à ces objectifs très variés (à
court terme, disposer d’une capacité à liquéfier
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34. 34
POSITION PAPER — Quelles solutions pour le secteur de l’assurance face à l’environnement de taux bas en Europe ? — Novembre 2016
rapidement une partie de l’actif en cas de
rachat, offrir un rendement annuel compétitif ou
répondre à une garantie ; à long terme, gérer
des actifs au regard de passifs dont la maturité
peut être de 30 ans…), deux techniques sont
généralement retenues : l’immunisation et le cash-
flow matching. La première consiste à bâtir un
portefeuille d’actifs dont la duration est égale à
celle du passif. La seconde repose sur la recherche
d’actifs qui permet de dupliquer chaque flux du
passif anticipé (matching des outflows/inflows).
Les instruments de crédit longs sont pénalisés par
Solvabilité 2, aussi l’ALM associe généralement au
cash flow matching des techniques de couverture
telles que le recours à des swaps de taux d’intérêt.
Toutefois, compte tenu de l’incertitude des flux
de passif à long terme et d’un impact asymétrique
d’une variation des taux d’intérêt sur les actifs et
les passifs, cela devient parfois périlleux et génère
facilement des écarts de duration.
Dans un environnement de baisse des taux
d’intérêt, l’actualisation engendre une croissance
des engagements des passifs de l’assureur.
Côté actif, cela soulève un véritable casse-tête
concernant le réinvestissement des coupons et
des obligations arrivées à échéance (et ce, d’autant
plus que l’écart de duration avec le passif est
important). Par construction, les cash flows espérés
initialement par rapport aux échéanciers de passif
sont réduits, ce qui dans le même temps, met sous
pression la marge financière (différence entre les
taux de rendement des actifs de l’assureur et
le taux servi aux assurés). Cette problématique
se pose a fortiori avec une acuité particulière
pour les contrats à taux garantis et les contrats
en rente (arrérages revalorisés annuellement et
parfois même garantis pour l’assuré, puis pour les
bénéficiaires en cas de décès).
Dans une situation extrême, les assurés peuvent
estimer que les sociétés d’assurance ne sont plus
en mesure de délivrer ces garanties sans mettre
en péril leur santé financière et procèdent alors
au rachat de leur contrat. Pour faire face à cette
décollecte, les assureurs sont alors obligés de
liquéfier une large partie de leurs actifs, parfois
à perte, engendrant une pression sur les prix des
actifs (phénomène dit de « fire sales »). Ainsi, un
rachat massif peut engendrer non seulement la
faillite de plusieurs compagnies, c’est-à-dire un
risque systémique.
Face à cette pression permanente engendrée
par un niveau de taux bas sans précédent, les
stratégies des sociétés d’assurance peuvent être
les suivantes :
Modifier leur offre commerciale pour les
contrats existants d’une part et la nouvelle
collecte d’autre part.
Concernant les contrats souscrits par le passé
tout d’abord, la stratégie la plus délicate, est
une renégociation des garanties existantes.
Les négociations sont particulièrement ardues
puisqu’il s’agit d’obtenir l’accord de l’assuré
d’une réduction des garanties et de transférer
son épargne vers d’autres produits sans garantie
ou vers des produits structurés présentant plus
de risque. Toutefois, les efforts sont à la mesure
des résultats puisqu’il s’agit de stopper ou de
ralentir une hémorragie : la destruction de valeur
consécutive à une marge financière négative dans
cet environnement de taux d’intérêt bas.
La deuxième stratégie consiste à faire basculer
l’épargne existante sur des contrats en euros
où le rendement est faible mais peu volatile et
positif (autour de 2% estimés pour 2016) vers une
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composante en unités de compte. Si ce transfert
peut conduire à une meilleure espérance de
rendement, toutefois cela peut engendrer selon
la part d’actions ou d’obligations d’entreprises
choisie par l’assuré une certaine volatilité,
l’éventualité d’un rendement négatif et une perte
en capital. L’avantage pour l’assureur est bien
sûr de transférer tout ou partie de ces risques à
l’assuré, au prorata de la part affectée en unités de
compte. Notons que pour éviter le grand scandale
britannique (le misselling), les réseaux de vente
doivent être excessivement bien formés et offrir
conseils et transparence par rapport aux risques
encourus, afin d’éviter tout procès pour vente
forcée ou défaut de conseil.
Concernant la nouvelle collecte, de nouveaux
produits ont vu le jour avec une volonté de
réduire l’exposition au risque de taux, notamment
en adaptant les garanties (niveau, flexibilité sur les
conditions d’obtention, duration, …), voire en les
supprimant. De nombreuses sociétés d’assurance
n’ont pas hésité à ne vendre qu’essentiellement
ou qu’exclusivement des contrats en unités
de compte (parfois structurés pour offrir
quelques garanties à l’assuré). Comme évoqué
précédemment, si la rentabilité de ces produits
est meilleure pour l’assureur (transfert de risque
vers l’assuré), notamment par rapport à Solvabilité
2 (moins consommateur de fonds propres que les
contrats en euros), le risque de réputation et légal
est très renforcé.
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Selon Standard & Poor’s, les pays européens où
les contrats d’assurance vie ont des taux d’intérêt
garantis les plus élevés sur un grand nombre
d’années sont l’Allemagne, l’Autriche, le Benelux,
la Suisse et la Scandinavie. De ce fait, ces pays
sont les plus exposés aux taux d’intérêt bas.
Dans son Rapport de Stabilité Financière de
juin 2016, l’EIOPA compare les niveaux de taux
garantis des assureurs européens au rendement
d’un benchmark d’obligations souveraines de la
zone euro de maturité de 10 ans. Il observe une
baisse continue du taux d’intérêt garanti médian
Evolution des taux garantis des contrats d’assurance vie en Europe
Taux d’intérêt garanti en assurance vie vs. rendements des obligations souveraines à 10 ans de la zone Euro
Source : EIOPA, 2016
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des assureurs vie européens depuis 7 ans (de
3% en 2009 à un peu moins de 2% en 2015). La
baisse du taux garanti médian s’est notamment
accentuée en 2014, année où les rendements
des obligations souveraines à 10 ans sont passés
en dessous du taux garanti médian.
La gestion des taux garantis élevés des contrats
d’assurance vie par les sociétés européennes est
toutefois très disparate selon les pays. Aussi, nous
proposons ci-dessous un brève analyse des pays
les plus sensibles au taux d’intérêt bas.
L’Allemagne : le pays le plus exposé en
Europe
Selon nous, les assureurs allemands sont parmi les
plus impactés par la baisse des taux d’intérêt du
fait qu’ils aient d’une part commercialisé le plus
de contrats garantis à taux élevé avec une longue
duration et d’autre part, qu’ils ont le plus fort
mismatch actif-passif d’Europe.
En effet, d’après Fitch Ratings (août 2016), le
mismatch actif-passif du marché allemand serait
de 6 ans. Par ailleurs, selon Moody’s, les taux
garantis des contrats allemands étaient de 4% à
la fin des années 1990 et d’une maturité de 30
ans. La gestion de ces encours constitue ainsi un
vrai casse-tête pour les sociétés d’assurance, car
la révision à la baisse du taux maximum garanti
en Allemagne (1,25% aujourd’hui), défini par
le Ministère des Finances, ne s’applique qu’aux
nouveaux contrats d’assurance. .Selon Moody’s,
en octobre 2015, les taux garantis des contrats
historiques du marché allemand étaient en
moyenne de 3%, alors que le rendement des
nouvelles obligations allemandes est aujourd’hui
négatif. Dans le graphique ci-dessous, on observe
qu’à partir de 2012, les taux garantis sont plus
élevés que les rendements obligataires allemands
(Umlaufrendite).
Taux d’intérêt garanti en assurance vie vs. rendements des obligations souveraines à 10 ans de la zone Euro
Source : Allianz, 2016
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La BundesBank, dans son rapport de 2015
sur la Stabilité Financière du marché allemand
corrobore le déclin des rendements des contrats
d’assurance vie (cf. graphique ci-dessous).
Source : BundesBank – Financial Stability Review, 2015
La Belgique : vers une bataille judiciaire qui
pourrait apporter beaucoup d’oxygène
En Belgique, si les taux garantis sur les encours
sont également très élevés, en revanche, la
nouvelle loi du Contrôle des Assurances du 13
mars 2016, pourrait offrir une bouffée d’oxygène
aux sociétés d’assurance. En effet, cette loi
qui consiste entre autre à définir un nouveau
mode de calcul et procédure de fixation du
taux technique maximum, fixé désormais à 2%, a
conduit certains assureurs à réviser les termes des
contrats existants. Une zone d’ombre aurait été
ainsi exploitée par certaines compagnies mais le
débat législatif reste encore ouvert.
A titre d’illustration, AXA commercialise depuis
les années 1990 un contrat d’assurance vie
nommé Crest20, qui offre un rendement de
4,75% garanti à vie. En s’appuyant sur cette loi,
l’assureur a revu les termes du contrat : pour les
versements réalisés entre le 1er janvier 2000 et
le 12 février 2016, le taux d’intérêt garanti passe
à 3,75%, pour ceux réalisés entre le 13 février
et le 21 juin 2016 à 2%, et pour les versements
postérieurs au 21 juin 2016, à 0,2%.
D’autres assureurs belges, lui ont emboité le pas.
Ainsi, AG Insurance, KBC, ING ont annoncé des
baisses de taux garantis en septembre 2016.
Le Luxembourg : reconstitution des marges
financières en cours
Le Luxembourg suit le mouvement européen en
réajustant régulièrement la revalorisation garantie
de base afin de conserver une marge positive
entre le rendement des actifs et la revalorisation
totale des contrats d’assurance vie. Ainsi, en
2006, le taux de base s’élevait à 3% et le taux de
revalorisation totale incluant les participations
aux bénéfices à 3,9% versus des rendements
financiers de 4,1%. Cette marge de 20bps en
2006 a chuté à 10bps en 2007 pour devenir
négative en 2008 et 2011. Depuis, les taux de
valorisation de base chutent plus rapidement
que les rendements financiers. Ainsi en 2015, les
taux de valorisation de base a été réduit à 1%,
conduisant à une revalorisation totale de 2,5% à
comparer à des rendements des actifs de 3,4%.
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Les Pays-Bas : Le poids des encours des
anciens contrats
Même si les taux d’intérêt pour les nouveaux
contrats de retraite sont actuellement proposés
à 1,5% (versus 2% en 2014), les encours des
anciens contrats de retraite avec prestations
définies sont encore rémunérés entre 3% ou 4%
(Oliver Wyman, janvier 2015), et constituent à ce
titre une véritable épée de Damoclès.
La Suisse : réduction continue des
taux garantis applicable également
rétroactivement sur les anciens versements
Comme pour les autres pays européens, on
observe en Suisse, une réduction continue des
taux garantis sur les nouvelles affaires. Le taux
technique maximum est ainsi passé de 3% (entre
1987 et 1999) à 1,5% en 2013, 1,25% en 2014-
2015 et 0,75% et 0,5% en 2016 respectivement
pour les contrats à primes périodiques et uniques.
Rendement financier et revalorisation des contrats d’assurance vie classique
Source : Commissariat aux Assurances du Luxembourg - Rapport 2015/2016
Taux Technique FINMA (Swiss Financial Market Supervisory Authority)
Source : FINMA
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En revanche, contrairement aux autres pays
européens, le gouvernement Suisse qui fixe
chaque année le taux d’intérêt technique
maximum, autorise que le nouveau taux des
contrats d’assurance vie collective à taux garantis
soit appliqué non seulement sur les nouveaux
versements, mais aussi, rétroactivement, sur les
anciens versements. Ces contrats qui représentent
65% des encours des contrats d’assurance vie
traditionnelle (S&P, 2015) ont pu ainsi bénéficié
d’un taux garanti de 1,75%. Ne sont pas éligibles
les contrats d’assurance vie individuels à taux
garantis dont les encours sont rémunérés selon
S&P (2015) entre 2% et 3%.
Le tableau ci-dessous publié par Standard &
Poor’s en 2015, montre pour les pays européens,
les taux garantis des contrats déjà détenus dans les
portefeuilles des assureurs et les taux maximum
garantis pour les affaires nouvelles.
Source : Standard & Poors, 2015