Comme chaque année, les organisateurs du CPNLF (Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de Langue Française) avaient réservé à l’AFFEP l’organisation d’une session. Cette année le congrès se déroulait à Paris et c’est donc la PEP’S (association des internes parisiens) qui est intervenue. Le thème choisi était une discussion sémiologique entre obsession et automatisme mental.
L’automatisme mental selon Clérambault (1)
Clérambault s’est intéresssé aux productions intrapsychiques, que certains apparentent aux hallucinations : Henri Ey parlait de pseudo-hallucinations (2) et la nosographie actuelle inspirée du DSM IV range les phénomènes d’automatisme mental parmi les hallucinations.
Clérambault était un tenant de la théorie mécaniciste de la psychiatrie, théorie qui veut qu’à un symptôme corresponde une lésion cérébrale localisée, qu’à un syndrome corresponde une association de symptômes et qu’à une maladie mentale corresponde une association de syndromes. Ainsi s’est faite une description très « atomique », atomisée diront certains, des maladies mentales.
L’automatisme mental que Clérambault avait pu observer à l’Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police de Paris, où il travaillait, a ainsi été décrit par lui comme le syndrome initial des psychoses.
Avec une grande finesse clinique, il a rassemblé dans ce syndrome toute une série de phénomènes mentaux, discrets et primaires (il parlera du « fait primordial des psychoses »).
reseauprosante.fr
1) Pour se faire une idée de la ou des psychoses, l'argument d'autorité ne vaut pas lorsqu'on a un minimum d'esprit scientifique.
a) Nous sommes redevables à Freud d'avoir inventé la psychanalyse, mais cela ne l'a pas empêché de commettre des erreurs. Seul un acte de (mauvaise) foi incompatible avec une démarche scientifique pourrait chercher à les perpétuer.
b) Nous sommes redevables à Lacan de "l'inconscient structuré comme un langage", mais lui aussi a fait des erreurs qu'il convient de dissiper pour faire évoluer la question.
2) Les trois identifications et les trois niveaux de la structure psychique.
Il importe de bien distinguer les trois niveaux que la psychose bouleversera :
- Le niveau de la relation imaginaire m -> i (a) entre le moi et le moi idéal
- Le niveau du fantasme $ -> a reliant le sujet inconscient à l'objet du désir
- Le niveau de l'Inconscient, qui est un discours non-grammatical régi par une logique purement combinatoire
3) Complétons la définition de l'identification, envisagée à présent comme la connexion signifiant-affect, le signifiant étant le matériau sonore du langage, et l'affect toute émotion simple (en gros : plaisir/déplaisir).
4) Il y a chez le schizophrène une "carence" de la fonction métaphorique, donc de la possibilité de fantasmer.
• Il ne s'agit donc pas dans la psychothérapie des psychoses d'user d'interprétations fondées sur un repérage analytique classique. Il est inutile d'attendre qu'à la manière d'un névrotique le schizophrène livre dans ses associations libres la clef de ses symptômes.
• Ici il faut donc une "psychanalyse à l'envers" (Racamier), une "antipsychanalyse", une "psychosynthèse" qui structure. Il faut synthétiser du sens à la place du patient pour lui permettre de se constituer des fantasmes, une réalité psychique.
5) La réponse du patient à l'action psychothérapique.
Dans une analyse classique, un des critères d'efficacité, au-delà de la disparition de quelques symptômes, est le "changement de discours" : le patient se met à structurer différemment son propos, et comme "l'inconscient est structuré comme un langage", c'est le signe d'une transformation profonde de sa "personnalité".
Ici, la réponse du patient à la psychothérapie consiste à nous fournir de plus en plus de matériel verbal "'a - signifiant", comme s'il nous encourageait à continuer pour lui ce processus de symbolisation.
6) Le réveil du délire est prévisible, souhaitable et contrôlable au cours de la thérapie : on peut le décrire comme une psychose de transfert, par analogie avec la névrose de transfert de la psychanalyse classique.
Cette présentation inverse la logique de l’antipsychiatrie et décrit les différents mouvements critiques de la profession : la psychiatrie contre elle-même. Pareil au contraste des philosophes avec les antiphilosophes d’Alain Badiou, les antipsychiatres poussent la tradition établie de la psychiatrie à confronter les difficultés qui apparaissent avec de nouvelles perspectives pour relancer la pensée psychiatrique. Le double thème qui émerge de cette étude : tradition contre innovation et négation contre affirmation.
Cette thèse est composée de trois parties : (1) L’enjeu intriguant des psychiatres associés au mouvement antipsychiatrique est la négation qui les unit. Dans chaque cas, leur travail procède par une négation clé critique, au point que la caractéristique déterminante des psychiatres en antipsychiatrie devient la négation elle-même. (2) Chaque négation et comment elle était mise en place transforme chaque antipsychiatre, selon son tempérament et les circonstances, à un rebelle, un radical, un réformateur ou un antipsychiatre révolutionnaire. (3) Chaque antipsychiatre a brandi un instrument, que j’ai nommé la faucille de Badiou, pour provoquer un changement. En se basant sur une négation clé critique, chaque antipsychiatre a résisté à la suture représentée par la psychiatrie d’une sous-discipline donnée, d’une pratique régionale, ou d’une idéologie dominante en la divisant doucement ou brutalement avec le scalpel, les ciseaux, les cisailles, la faux ou la faucille de Badiou pour libérer la psychiatrie en termes de théorie et de pratique générale, et la retourner à sa mission originaire.
La psychiatrie contre elle même - UdeM PST6511- Psychiatrie et sciences huma...Université de Montréal
Cette présentation au cours siglé de l'UdeM, "Psychiatrie et sciences humaines", inverse la logique de l’antipsychiatrie et décrit les différents mouvements critiques de la profession : la psychiatrie contre elle-même. Pareil au contraste des philosophes avec les antiphilosophes d’Alain Badiou, les antipsychiatres poussent la tradition établie de la psychiatrie à confronter les difficultés qui apparaissent avec de nouvelles perspectives pour relancer la pensée psychiatrique. Le double thème qui émerge de cette étude : tradition contre innovation et négation contre affirmation.
Cette thèse est composée de trois parties : (1) L’enjeu intriguant des psychiatres associés au mouvement antipsychiatrique est la négation qui les unit. Dans chaque cas, leur travail procède par une négation clé critique, au point que la caractéristique déterminante des psychiatres en antipsychiatrie devient la négation elle-même. (2) Chaque négation et comment elle était mise en place transforme chaque antipsychiatre, selon son tempérament et les circonstances, à un rebelle, un radical, un réformateur ou un antipsychiatre révolutionnaire. (3) Chaque antipsychiatre a brandi un instrument, que j’ai nommé la faucille de Badiou, pour provoquer un changement. En se basant sur une négation clé critique, chaque antipsychiatre a résisté à la suture représentée par la psychiatrie d’une sous-discipline donnée, d’une pratique régionale, ou d’une idéologie dominante en la divisant doucement ou brutalement avec le scalpel, les ciseaux, les cisailles, la faux ou la faucille de Badiou pour libérer la psychiatrie en termes de théorie et de pratique générale, et la retourner à sa mission originaire.
Comme chaque année, les organisateurs du CPNLF (Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de Langue Française) avaient réservé à l’AFFEP l’organisation d’une session. Cette année le congrès se déroulait à Paris et c’est donc la PEP’S (association des internes parisiens) qui est intervenue. Le thème choisi était une discussion sémiologique entre obsession et automatisme mental.
L’automatisme mental selon Clérambault (1)
Clérambault s’est intéresssé aux productions intrapsychiques, que certains apparentent aux hallucinations : Henri Ey parlait de pseudo-hallucinations (2) et la nosographie actuelle inspirée du DSM IV range les phénomènes d’automatisme mental parmi les hallucinations.
Clérambault était un tenant de la théorie mécaniciste de la psychiatrie, théorie qui veut qu’à un symptôme corresponde une lésion cérébrale localisée, qu’à un syndrome corresponde une association de symptômes et qu’à une maladie mentale corresponde une association de syndromes. Ainsi s’est faite une description très « atomique », atomisée diront certains, des maladies mentales.
L’automatisme mental que Clérambault avait pu observer à l’Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police de Paris, où il travaillait, a ainsi été décrit par lui comme le syndrome initial des psychoses.
Avec une grande finesse clinique, il a rassemblé dans ce syndrome toute une série de phénomènes mentaux, discrets et primaires (il parlera du « fait primordial des psychoses »).
reseauprosante.fr
1) Pour se faire une idée de la ou des psychoses, l'argument d'autorité ne vaut pas lorsqu'on a un minimum d'esprit scientifique.
a) Nous sommes redevables à Freud d'avoir inventé la psychanalyse, mais cela ne l'a pas empêché de commettre des erreurs. Seul un acte de (mauvaise) foi incompatible avec une démarche scientifique pourrait chercher à les perpétuer.
b) Nous sommes redevables à Lacan de "l'inconscient structuré comme un langage", mais lui aussi a fait des erreurs qu'il convient de dissiper pour faire évoluer la question.
2) Les trois identifications et les trois niveaux de la structure psychique.
Il importe de bien distinguer les trois niveaux que la psychose bouleversera :
- Le niveau de la relation imaginaire m -> i (a) entre le moi et le moi idéal
- Le niveau du fantasme $ -> a reliant le sujet inconscient à l'objet du désir
- Le niveau de l'Inconscient, qui est un discours non-grammatical régi par une logique purement combinatoire
3) Complétons la définition de l'identification, envisagée à présent comme la connexion signifiant-affect, le signifiant étant le matériau sonore du langage, et l'affect toute émotion simple (en gros : plaisir/déplaisir).
4) Il y a chez le schizophrène une "carence" de la fonction métaphorique, donc de la possibilité de fantasmer.
• Il ne s'agit donc pas dans la psychothérapie des psychoses d'user d'interprétations fondées sur un repérage analytique classique. Il est inutile d'attendre qu'à la manière d'un névrotique le schizophrène livre dans ses associations libres la clef de ses symptômes.
• Ici il faut donc une "psychanalyse à l'envers" (Racamier), une "antipsychanalyse", une "psychosynthèse" qui structure. Il faut synthétiser du sens à la place du patient pour lui permettre de se constituer des fantasmes, une réalité psychique.
5) La réponse du patient à l'action psychothérapique.
Dans une analyse classique, un des critères d'efficacité, au-delà de la disparition de quelques symptômes, est le "changement de discours" : le patient se met à structurer différemment son propos, et comme "l'inconscient est structuré comme un langage", c'est le signe d'une transformation profonde de sa "personnalité".
Ici, la réponse du patient à la psychothérapie consiste à nous fournir de plus en plus de matériel verbal "'a - signifiant", comme s'il nous encourageait à continuer pour lui ce processus de symbolisation.
6) Le réveil du délire est prévisible, souhaitable et contrôlable au cours de la thérapie : on peut le décrire comme une psychose de transfert, par analogie avec la névrose de transfert de la psychanalyse classique.
Cette présentation inverse la logique de l’antipsychiatrie et décrit les différents mouvements critiques de la profession : la psychiatrie contre elle-même. Pareil au contraste des philosophes avec les antiphilosophes d’Alain Badiou, les antipsychiatres poussent la tradition établie de la psychiatrie à confronter les difficultés qui apparaissent avec de nouvelles perspectives pour relancer la pensée psychiatrique. Le double thème qui émerge de cette étude : tradition contre innovation et négation contre affirmation.
Cette thèse est composée de trois parties : (1) L’enjeu intriguant des psychiatres associés au mouvement antipsychiatrique est la négation qui les unit. Dans chaque cas, leur travail procède par une négation clé critique, au point que la caractéristique déterminante des psychiatres en antipsychiatrie devient la négation elle-même. (2) Chaque négation et comment elle était mise en place transforme chaque antipsychiatre, selon son tempérament et les circonstances, à un rebelle, un radical, un réformateur ou un antipsychiatre révolutionnaire. (3) Chaque antipsychiatre a brandi un instrument, que j’ai nommé la faucille de Badiou, pour provoquer un changement. En se basant sur une négation clé critique, chaque antipsychiatre a résisté à la suture représentée par la psychiatrie d’une sous-discipline donnée, d’une pratique régionale, ou d’une idéologie dominante en la divisant doucement ou brutalement avec le scalpel, les ciseaux, les cisailles, la faux ou la faucille de Badiou pour libérer la psychiatrie en termes de théorie et de pratique générale, et la retourner à sa mission originaire.
La psychiatrie contre elle même - UdeM PST6511- Psychiatrie et sciences huma...Université de Montréal
Cette présentation au cours siglé de l'UdeM, "Psychiatrie et sciences humaines", inverse la logique de l’antipsychiatrie et décrit les différents mouvements critiques de la profession : la psychiatrie contre elle-même. Pareil au contraste des philosophes avec les antiphilosophes d’Alain Badiou, les antipsychiatres poussent la tradition établie de la psychiatrie à confronter les difficultés qui apparaissent avec de nouvelles perspectives pour relancer la pensée psychiatrique. Le double thème qui émerge de cette étude : tradition contre innovation et négation contre affirmation.
Cette thèse est composée de trois parties : (1) L’enjeu intriguant des psychiatres associés au mouvement antipsychiatrique est la négation qui les unit. Dans chaque cas, leur travail procède par une négation clé critique, au point que la caractéristique déterminante des psychiatres en antipsychiatrie devient la négation elle-même. (2) Chaque négation et comment elle était mise en place transforme chaque antipsychiatre, selon son tempérament et les circonstances, à un rebelle, un radical, un réformateur ou un antipsychiatre révolutionnaire. (3) Chaque antipsychiatre a brandi un instrument, que j’ai nommé la faucille de Badiou, pour provoquer un changement. En se basant sur une négation clé critique, chaque antipsychiatre a résisté à la suture représentée par la psychiatrie d’une sous-discipline donnée, d’une pratique régionale, ou d’une idéologie dominante en la divisant doucement ou brutalement avec le scalpel, les ciseaux, les cisailles, la faux ou la faucille de Badiou pour libérer la psychiatrie en termes de théorie et de pratique générale, et la retourner à sa mission originaire.
L'antipsychiatrie, ou la décolonisation de l'esprit - UQÀM 8 juin 2017Université de Montréal
Résumé :
Cette présentation inverse la logique de l’antipsychiatrie et décrit les différents mouvements critiques de la profession : la psychiatrie contre elle-même. Les antipsychiatres poussent la tradition établie de la psychiatrie à confronter les difficultés qui apparaissent avec de nouvelles perspectives pour relancer la pensée psychiatrique. Cette thèse est composée de trois parties : (1) L’enjeu intriguant des psychiatres associés au mouvement antipsychiatrique est la négation qui les unit. Dans chaque cas, leur travail procède par une négation clé critique, au point que la caractéristique déterminante des psychiatres en antipsychiatrie devient la négation elle-même. (2) Chaque négation transforme chaque antipsychiatre à un rebelle, un radical, un réformateur ou un antipsychiatre révolutionnaire. (3) Chaque antipsychiatre a brandi un instrument pour provoquer un changement. En se basant sur une négation clé critique, chaque antipsychiatre a résisté à la suture représentée par la psychiatrie d’une sous-discipline donnée, d’une pratique régionale, ou d’une idéologie dominante pour libérer la psychiatrie en termes de théorie et de pratique générale, et la retourner à sa mission originaire.
Quatre psychiatres occidentaux critiques sont étudiés : (1) L’Écossais Ronald David Laing (1927-1989) était un psychiatre-psychanalyste radical qui a retourné la psychiatrie à ses racines cliniques en faisant appel à la phénoménologie sociale et en niant la mystification de la maladie mentale en plaçant la souffrance de soi dans son contexte social, familial et politique. (2) Le Français Jacques Lacan (1901-1981) était à la fois un psychanalyste subversif et un rebelle de la psychiatrie qui a confirmé la centralité de Freud tout en se rebellant contre l’établissement de la psychanalyse et celui de la psychiatrie, en niant l’institutionnalisation de la pratique psychanalytique. (3) Le psychiatre Italien Franco Basaglia (1924-1980), réformateur, il a été l’instigateur de la désinstitutionnalisation psychiatrique à travers le monde avec son texte clé, L’Istituzione negata, « L’institution en négation » (1968) et avec la Partie Radicale a réformé la législation de la santé mentale en Italie. (4) À titre de psychiatre, philosophe et révolutionnaire, le Martiniquais Frantz Fanon (1925-1961) a contesté rien de moins que la réclamation de la psychiatrie européenne à l’universalisme dans ses critiques radicales de la psychologie de la colonisation et la formation d’identité.
Revue AFPEP-SNPP BIPP N° 71 Novembre 2016
Histoire des psychoses de l’enfant
Les troubles psychiques graves des enfants ont, dernièrement, été désignés par une classe de maladies spécifiques appelée Troubles Envahissants du Développement (DSM-4) ou Troubles du Spectre Autistique (DSM-5). La pédopsychiatrie n’est cependant pas complètement envahie par ces spectres aux contours flous, et, en pratique, la principale préoccupation en pédopsychiatrie n’est pas le diagnostic, mais bien le traitement qui aide l’enfant à grandir. Par ailleurs, la Classification Française des Troubles Mentaux (CFTMEA-r2012 pour l’enfant, coordonnée par Misès) propose un diagnostic plus souple, et rappelle la possibilité d’une évolution favorable par le développement des défenses psychiques.
Rappelons tout d’abord que l’autisme, avec l’ambivalence, désignait en 1911 des symptômes secondaires dans la schizophrénie de l’adulte selon Eugen Bleuler, qui ne les avait pas appliqués à l’enfant. Étudions comment s’est construite la psychose de l’enfant dans la psychiatrie moderne, avant qu’elle soit désignée par le terme d’autisme (Kanner 1943, Asperger 1944).
Ceci revient à étudier le concept de démence précocissime, développé de 1905 à 1925 par l’italien Sante De Sanctis, alors qu’Emil Kraepelin établissait la classification des maladies mentales de l’adulte de 1883 à 1915.
Formé au sein du courant d’éducation thérapeutique pour déficients initié par Edouard Seguin à Bicêtre (avant son exil à New York, car ce proche d’Itard n’était initialement pas médecin, mais un simple instituteur, ce qui lui valut des poursuites judiciaires), Sante De Sanctis (1862-1935), un des premiers soutiens de la psychanalyse, s’intéressa de près aux biographies des patients et découvrit que certains des enfants réputés déficients étaient d’autant plus facilement éducables qu’ils avaient présenté au cours de leur prime enfance une démentification mentale (Verblödung). Il se rendit compte qu’ils présentaient un développement normal de leurs facultés mentales avant d’être frappés, entre 3 et 10 ans environ, par un processus déstructurant leur personnalité. (...)
http://www.reseauprosante.fr/
« Penser Levinas en philosophie et psychiatrie » présenté par Vincenzo Di Nic...Université de Montréal
« Penser Levinas en philosophie et psychiatrie » présenté par Vincenzo Di Nicola - Séminaire Sciences humaines et psychiatrie - 22.01.2015. Notes de la présentation avec bibliographie.
Le traitement de la douleur par l'hypnoseRémi Côté
Hénin de Cuvillers a écrit deux ouvrages qu’on peut considérer comme des socles pour l’imaginationnisme : « Le magnétisme éclairé » paru en 1820 et « Le magnétisme animal retrouvé dans l’antiquité » paru en 1821. Le premier livre se veut d’abord une introduction à la revue périodique de la Société du magnétisme animal, « Annales du magnétisme animal ».
Le traitement de la douleur dans la perspective historique de l'hypnose et de son précurseur Étienne-Félix Hénin de Cuvillers
Société Québécoise d'hypnose, 26 novembre 2016
TROUBLE DU SPECTRE AUTISTIQUE: HISTORIQUE ET DEFINITIONETIC-CAMEROUN
Deux troubles infantiles ont été identifiés en 1943, l'un par *Leo Kanner* et l'autre par *Hans Asperger*. Le second étant un temps tombé dans l'oubli, le terme d'« autisme » a renvoyé à la description faite par Kanner, jusqu'à ce que le second soit redécouvert et qu'une unité soit mise en évidence par Lorna Wing. C'est cet ensemble défini par une triade autistique qui fait référence pour diagnostiquer et définir l'autisme, mais les limites de la notion et le cadre exact de sa définition restent sujets à controverse.
Revue "AFFEP - Le Psy Déchaîné n°12" octobre 2014
De Franz Anton Mesmer, médecin allemand du 18ème siècle, à Messmer, hypnotiseur de spectacle québequois du 21ème, l’hypnose a toujours fasciné et véhiculé une magie toute particulière et surtout spectaculaire. Et pourtant, derrière ce fantasme, une efficacité bien réelle existe dans le champ médical et psychologique : de l’hypnosédation à des fins opératoires à l’hypnothérapie dans un but psychothérapique, les pratiques sont multiples et hétérogènes, mais sous-tendues par certains points communs.
Historique
Au 18ème siècle, Mesmer, médecin et magistrat, a développé le terme de magnétisme animal. Un fluide universel serait régulé après une crise convulsive déclenchée par l’apposition d’abord d’aimants puis plus tard de ses propres mains, et enfin par des dispositifs collectifs tel un baquet rempli d’eau, de verre, de fer… Des écoles de magnétisme se développèrent pour former des magnétiseurs. Face à ce phénomène curieux, l’Académie Royale de Médecine obtient de Louis XVI que deux commissions scientifiques étudient le phénomène (Lavoisier, Bailly). Ils conclurent que l’efficacité de la méthode venait du pouvoir de l’imagination et non du fluide universel.
Puis Amand de Puységur, disciple de Mesmer, a développé et enrichit ce concept de magnétisme animal. La crise et le contact physique ne sont plus nécessaires. Le pouvoir de guérison est désormais identifié comme appartenant au patient et non plus le magnétiseur : il parle de « médecin interne du patient ».
Au 19ème, James Braid, chirurgien écossais réfute le fluidisme et le magnétisme pour être le premier à développer le concept d’hypnotisme qu’il définit comme une perte de conscience associée à une amnésie au réveil. L’école de Nancy a ensuite été développée par Ambroise A. Liebaut et Hippolyte Bernheim en centrant l’approche sur les suggestions lors de cet état.
D’autres se sont intéressés à l’hypnose, de Pierre Janet à Jean-Martin Charcot en passant par Sigmund Freud qui ne l’a jamais vraiment abandonnée. Chacun développant sa théorie notamment sur la relation entre le patient et le thérapeute avec cette approche.
reseauprosante.fr
Revue "Le Psy Déchaîné" n°14 - AFFEP - Juin 2015
KÉSAKO
Psychiatre, psychiatrie et Psyché ?
Le mot « Psychiatrie » vient du grec psyche (âme, esprit) et iatros (médecin).
Il semble que c’est en Allemagne et en 1808 que le terme psychiatrie (psychiaterie) a été utilisé pour la première fois dans un écrit de Johann Christian Reil (médecin, anatomiste, physiologiste et …donc psychiatre (!) allemand).
Le terme serait toutefois apparu dès 1802, comme celui de « psychiatre », mais n’aurait commencé à remplacer celui de « médecine aliéniste » qu’à partir des années 1860. Il aurait nettement pris le pas sur les autres vocables utilisés (aliénisme, médecine mentale,…) dans le courant du siècle suivant, avec notamment la décision de rebaptiser les « asiles d’aliénés » en « hôpitaux psychiatriques » en 1937.
Un petit détour par l’étymologie nous renvoie à la « psyché », mot grec signifiant « souffler » souvent traduit par « âme » ou « souffle de vie », déjà utilisé dans la Septante et le Nouveau Testament (traduction du terme hébreu nephesh) et dans bien des domaines ensuite.
Dans la mythologie, Psyché est une allégorie de l’âme, représentée avec des ailes de papillon. Mais c’est également le nom d’un personnage des Métamorphoses, roman d’Apulée, semblant être adaptée librement d’un conte oriental. Psyché y est la fille d’un roi, qui conquit l’amour de Cupidon lui-même, devenant déesse à son tour, amenant l’amour et l’âme à être ainsi réunis pour l’éternité.
Chez Aristote, le mot psyché désignait le principe vital aussi bien que le principe pensant.
En psychologie, la psyché désigne l’ensemble des manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité.
...
reseauprosante.fr
L'antipsychiatrie, ou la décolonisation de l'esprit - UQÀM 8 juin 2017Université de Montréal
Résumé :
Cette présentation inverse la logique de l’antipsychiatrie et décrit les différents mouvements critiques de la profession : la psychiatrie contre elle-même. Les antipsychiatres poussent la tradition établie de la psychiatrie à confronter les difficultés qui apparaissent avec de nouvelles perspectives pour relancer la pensée psychiatrique. Cette thèse est composée de trois parties : (1) L’enjeu intriguant des psychiatres associés au mouvement antipsychiatrique est la négation qui les unit. Dans chaque cas, leur travail procède par une négation clé critique, au point que la caractéristique déterminante des psychiatres en antipsychiatrie devient la négation elle-même. (2) Chaque négation transforme chaque antipsychiatre à un rebelle, un radical, un réformateur ou un antipsychiatre révolutionnaire. (3) Chaque antipsychiatre a brandi un instrument pour provoquer un changement. En se basant sur une négation clé critique, chaque antipsychiatre a résisté à la suture représentée par la psychiatrie d’une sous-discipline donnée, d’une pratique régionale, ou d’une idéologie dominante pour libérer la psychiatrie en termes de théorie et de pratique générale, et la retourner à sa mission originaire.
Quatre psychiatres occidentaux critiques sont étudiés : (1) L’Écossais Ronald David Laing (1927-1989) était un psychiatre-psychanalyste radical qui a retourné la psychiatrie à ses racines cliniques en faisant appel à la phénoménologie sociale et en niant la mystification de la maladie mentale en plaçant la souffrance de soi dans son contexte social, familial et politique. (2) Le Français Jacques Lacan (1901-1981) était à la fois un psychanalyste subversif et un rebelle de la psychiatrie qui a confirmé la centralité de Freud tout en se rebellant contre l’établissement de la psychanalyse et celui de la psychiatrie, en niant l’institutionnalisation de la pratique psychanalytique. (3) Le psychiatre Italien Franco Basaglia (1924-1980), réformateur, il a été l’instigateur de la désinstitutionnalisation psychiatrique à travers le monde avec son texte clé, L’Istituzione negata, « L’institution en négation » (1968) et avec la Partie Radicale a réformé la législation de la santé mentale en Italie. (4) À titre de psychiatre, philosophe et révolutionnaire, le Martiniquais Frantz Fanon (1925-1961) a contesté rien de moins que la réclamation de la psychiatrie européenne à l’universalisme dans ses critiques radicales de la psychologie de la colonisation et la formation d’identité.
Revue AFPEP-SNPP BIPP N° 71 Novembre 2016
Histoire des psychoses de l’enfant
Les troubles psychiques graves des enfants ont, dernièrement, été désignés par une classe de maladies spécifiques appelée Troubles Envahissants du Développement (DSM-4) ou Troubles du Spectre Autistique (DSM-5). La pédopsychiatrie n’est cependant pas complètement envahie par ces spectres aux contours flous, et, en pratique, la principale préoccupation en pédopsychiatrie n’est pas le diagnostic, mais bien le traitement qui aide l’enfant à grandir. Par ailleurs, la Classification Française des Troubles Mentaux (CFTMEA-r2012 pour l’enfant, coordonnée par Misès) propose un diagnostic plus souple, et rappelle la possibilité d’une évolution favorable par le développement des défenses psychiques.
Rappelons tout d’abord que l’autisme, avec l’ambivalence, désignait en 1911 des symptômes secondaires dans la schizophrénie de l’adulte selon Eugen Bleuler, qui ne les avait pas appliqués à l’enfant. Étudions comment s’est construite la psychose de l’enfant dans la psychiatrie moderne, avant qu’elle soit désignée par le terme d’autisme (Kanner 1943, Asperger 1944).
Ceci revient à étudier le concept de démence précocissime, développé de 1905 à 1925 par l’italien Sante De Sanctis, alors qu’Emil Kraepelin établissait la classification des maladies mentales de l’adulte de 1883 à 1915.
Formé au sein du courant d’éducation thérapeutique pour déficients initié par Edouard Seguin à Bicêtre (avant son exil à New York, car ce proche d’Itard n’était initialement pas médecin, mais un simple instituteur, ce qui lui valut des poursuites judiciaires), Sante De Sanctis (1862-1935), un des premiers soutiens de la psychanalyse, s’intéressa de près aux biographies des patients et découvrit que certains des enfants réputés déficients étaient d’autant plus facilement éducables qu’ils avaient présenté au cours de leur prime enfance une démentification mentale (Verblödung). Il se rendit compte qu’ils présentaient un développement normal de leurs facultés mentales avant d’être frappés, entre 3 et 10 ans environ, par un processus déstructurant leur personnalité. (...)
http://www.reseauprosante.fr/
« Penser Levinas en philosophie et psychiatrie » présenté par Vincenzo Di Nic...Université de Montréal
« Penser Levinas en philosophie et psychiatrie » présenté par Vincenzo Di Nicola - Séminaire Sciences humaines et psychiatrie - 22.01.2015. Notes de la présentation avec bibliographie.
Le traitement de la douleur par l'hypnoseRémi Côté
Hénin de Cuvillers a écrit deux ouvrages qu’on peut considérer comme des socles pour l’imaginationnisme : « Le magnétisme éclairé » paru en 1820 et « Le magnétisme animal retrouvé dans l’antiquité » paru en 1821. Le premier livre se veut d’abord une introduction à la revue périodique de la Société du magnétisme animal, « Annales du magnétisme animal ».
Le traitement de la douleur dans la perspective historique de l'hypnose et de son précurseur Étienne-Félix Hénin de Cuvillers
Société Québécoise d'hypnose, 26 novembre 2016
TROUBLE DU SPECTRE AUTISTIQUE: HISTORIQUE ET DEFINITIONETIC-CAMEROUN
Deux troubles infantiles ont été identifiés en 1943, l'un par *Leo Kanner* et l'autre par *Hans Asperger*. Le second étant un temps tombé dans l'oubli, le terme d'« autisme » a renvoyé à la description faite par Kanner, jusqu'à ce que le second soit redécouvert et qu'une unité soit mise en évidence par Lorna Wing. C'est cet ensemble défini par une triade autistique qui fait référence pour diagnostiquer et définir l'autisme, mais les limites de la notion et le cadre exact de sa définition restent sujets à controverse.
Revue "AFFEP - Le Psy Déchaîné n°12" octobre 2014
De Franz Anton Mesmer, médecin allemand du 18ème siècle, à Messmer, hypnotiseur de spectacle québequois du 21ème, l’hypnose a toujours fasciné et véhiculé une magie toute particulière et surtout spectaculaire. Et pourtant, derrière ce fantasme, une efficacité bien réelle existe dans le champ médical et psychologique : de l’hypnosédation à des fins opératoires à l’hypnothérapie dans un but psychothérapique, les pratiques sont multiples et hétérogènes, mais sous-tendues par certains points communs.
Historique
Au 18ème siècle, Mesmer, médecin et magistrat, a développé le terme de magnétisme animal. Un fluide universel serait régulé après une crise convulsive déclenchée par l’apposition d’abord d’aimants puis plus tard de ses propres mains, et enfin par des dispositifs collectifs tel un baquet rempli d’eau, de verre, de fer… Des écoles de magnétisme se développèrent pour former des magnétiseurs. Face à ce phénomène curieux, l’Académie Royale de Médecine obtient de Louis XVI que deux commissions scientifiques étudient le phénomène (Lavoisier, Bailly). Ils conclurent que l’efficacité de la méthode venait du pouvoir de l’imagination et non du fluide universel.
Puis Amand de Puységur, disciple de Mesmer, a développé et enrichit ce concept de magnétisme animal. La crise et le contact physique ne sont plus nécessaires. Le pouvoir de guérison est désormais identifié comme appartenant au patient et non plus le magnétiseur : il parle de « médecin interne du patient ».
Au 19ème, James Braid, chirurgien écossais réfute le fluidisme et le magnétisme pour être le premier à développer le concept d’hypnotisme qu’il définit comme une perte de conscience associée à une amnésie au réveil. L’école de Nancy a ensuite été développée par Ambroise A. Liebaut et Hippolyte Bernheim en centrant l’approche sur les suggestions lors de cet état.
D’autres se sont intéressés à l’hypnose, de Pierre Janet à Jean-Martin Charcot en passant par Sigmund Freud qui ne l’a jamais vraiment abandonnée. Chacun développant sa théorie notamment sur la relation entre le patient et le thérapeute avec cette approche.
reseauprosante.fr
Revue "Le Psy Déchaîné" n°14 - AFFEP - Juin 2015
KÉSAKO
Psychiatre, psychiatrie et Psyché ?
Le mot « Psychiatrie » vient du grec psyche (âme, esprit) et iatros (médecin).
Il semble que c’est en Allemagne et en 1808 que le terme psychiatrie (psychiaterie) a été utilisé pour la première fois dans un écrit de Johann Christian Reil (médecin, anatomiste, physiologiste et …donc psychiatre (!) allemand).
Le terme serait toutefois apparu dès 1802, comme celui de « psychiatre », mais n’aurait commencé à remplacer celui de « médecine aliéniste » qu’à partir des années 1860. Il aurait nettement pris le pas sur les autres vocables utilisés (aliénisme, médecine mentale,…) dans le courant du siècle suivant, avec notamment la décision de rebaptiser les « asiles d’aliénés » en « hôpitaux psychiatriques » en 1937.
Un petit détour par l’étymologie nous renvoie à la « psyché », mot grec signifiant « souffler » souvent traduit par « âme » ou « souffle de vie », déjà utilisé dans la Septante et le Nouveau Testament (traduction du terme hébreu nephesh) et dans bien des domaines ensuite.
Dans la mythologie, Psyché est une allégorie de l’âme, représentée avec des ailes de papillon. Mais c’est également le nom d’un personnage des Métamorphoses, roman d’Apulée, semblant être adaptée librement d’un conte oriental. Psyché y est la fille d’un roi, qui conquit l’amour de Cupidon lui-même, devenant déesse à son tour, amenant l’amour et l’âme à être ainsi réunis pour l’éternité.
Chez Aristote, le mot psyché désignait le principe vital aussi bien que le principe pensant.
En psychologie, la psyché désigne l’ensemble des manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité.
...
reseauprosante.fr
1. Le travail théorique proposé ci-dessous est issu d’un mémoire
universitaire que j’ai réalisé dans le cadre d’un D.U en Psychopathologie de la
petite enfance, enfance et adolescence à l’Université Diderot Paris 7.
Ce mémoire théorico-clinique a été exposé à l’ALEF-ALI Orléans le
17/11/2015 dans le cadre du Séminaire d’introduction à une clinique
psychanalytique lacanienne sous la responsabilité de Bernard Frannais.
Le travail théorique proposé vient étayer un cas clinique d’une jeune
adolescente souffrant d’hallucinations accoustico-visuelles dont la structuration
psychique fait débat car elle présente à la fois des symptômes propre à une
structure psychotique et également des éléments névrotique de type hystérique.
Cet exposé tentera modestement de donner des outils conceptuels afin de penser
cliniquement les phénomènes hallucinatoires.
Pour des raisons de confidentialité, je ne peux malheureusement pas
diffuser le cas clinique.
Pierrick Ridira
Les hallucinations
Dans les maladies mentales1
, les hallucinations font partie de la catégorie des délires,
délire au sens de « sortir du sillon » (du latin delirium, de delirare). Les délires se définissent
comme étant « un trouble idéo-affectif qui consiste en jugements, perceptions et sentiments de
la réalité extérieure auxquels le sujet adhère de façon inébranlable »2
. Ce type de symptôme
se retrouve très généralement dans les états psychotiques aigus ou chroniques. Le sujet n’a
alors pas conscience de l’aspect pathologique de ses troubles.
L’hallucination est une des modalités possibles des délires, le mécanisme
1
M. Godfryd, Les maladies mentales de l’adultes, Que sais-je ? ,PUF. p. 70.
2
M. Godfryd, Les maladies mentales de l’adultes, Que sais-je ? ,PUF. p. 70.
1
2. hallucinatoire étant une altération psychologique qui vient alors altérer le rapport à la réalité.
Histoire du concept
A l’origine, le terme d’hallucination se trouve attesté en français dans la seconde
moitié du XVIIe, provenant du latin hallucinatus qui signifiait se méprendre, se tromper,
divaguer ou encore tromper quelqu’un puis il voudra dire ensuite affection de la cornée,
diplopie, trouble mental, erreur d’imagination, imaginations issues des erreurs des sens…
Il faut attendre 1838 pour qu’Esquirol – psychiatre français (1772-1840) – définisse ce
terme plus précisément : « Un homme qui a la conviction intime d’une sensation actuellement
perçue alors que nul objet extérieur propre à exciter cette sensation n’est à portée de sens, est
dans un état d’hallucination : c’est un visionnaire »3
. Il est couramment rappelé et reconnu
qu’Esquirol disait à ses élèves que « l’hallucination est une perception sans objet ».
L’hallucination, qu’elle soit visuelle ou auditive, se rapproche du mécanisme du rêve sauf que
le rêveur dort alors que l’halluciné se trouve en état de veille. L’halluciné est convaincu de ce
qu’il éprouve. Ses thèses vont dominer le XIXe siècle.
Pour Magnan – psychiatre français (1835-1916) – les idées délirantes sont les
prémices des hallucinations. Il conceptualisera le délire à évolution systématique progressif,
concept qui fera office de dogme à l’époque pour ses pairs.
En 1846, Baillarger reprendra les descriptions cliniques d’Esquirol et s’intéressera
principalement aux hallucinations auditives dont il définira une sémiologie précise pour les
distinguer. Il distinguera alors les hallucinations sensorielles (perçues par les organes des
sens) des hallucinations psychiques (perception de la pensée) : « Il est, en effet, qui, comme ils
le disent eux même, n’éprouvent rien qui ressemble à une sensation auditive, ils entendent la
pensée. Le phénomène chez eux n’a rien de sensoriel. La voix qui leur parle est une voix
secrète, intérieur, et tout à fait différente de celle qu’on perçoit par les oreilles. Il y a d’autres
hallucinés, au contraire, qui affirment que les voix qui leur arrivent sont fortes, sonores et en
3
Esquirol E. Des maladies mentales considérées sous le rapport médical, hygiènique et médico-légal. Paris :
J.B. Baillère ; 1838. 2 vol, p.80.
2
3. tout semblables aux voix ordinaires. Dans quelques cas même le malade a éprouvé
successivement deux phénomènes de différente nature, et qu’il sait parfaitement distinguer »4
.
En 1850-1851, Falret5
consacrera son enseignement à la Salpêtrière aux hallucinations.
Il rappellera que l’halluciné est à l’état de veille alors que le rêveur dort. Pour Falret, les
hallucinations visuelles sont au premier plan alors que les hallucinations de l’ouïe sont en lien
étroit avec le délire.
En 1855 et 1856, la Société médico-psychologique s’intéressera aux hallucinations
montrant qu’hallucinations et aliénation mentale peuvent être distinguées. Les membres de la
Société convenaient qu’ils pouvaient y avoir des hallucinations éphémères sans suite chez des
gens sains d’esprit et que d’autres étaient tout simplement indisposés à ce type de
phénomènes.
En 18456
, Moreau de Tours (1804-1884) globalisera les hallucinations comme des
phénomènes polysensoriels mêlant l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût et le toucher et mettra en
relation les effets qu’entraîne la consommation du haschich avec le délire pour faire émerger
les phénomènes du rêve comme fait primordial du délire.
J. Seglas (1856-1939), dans son ouvrage Les troubles du langage chez les aliénés7
,
montre que les hallucinations mettent en cause le langage que ce soit du côté de sa réception
que du côté de son émission. Il nommera hallucinations psychosensorielles verbales la
réception par le sujet de paroles, venant du dehors, de l’extérieur et qui viennent frapper ses
oreilles. Les hallucinations psychomotrices verbales sont décrites comme des phénomènes où
c’est le sujet lui-même qui profère les voix qu’il hallucine. Cette conception démontre une
altération radicale du rapport verbal à soi-même, aux autres et au monde.
E. Régis (1855-1918) va mettre au point la description d’une altération globale de la
conscience et de la vigilance observée dans des cas d’intoxications ou dans des cas de
maladies infectieuses où le sujet se trouve dans un état de confusion mentale avec prévalence
4
Baillarger J. Des hallucinations, des causes qui les produisent, et des maladies qui les caractérisent. In :
Mémoires de l’Académie royale de médecine. Paris : J.B. Baillère ; 1846, 12. p. 368-369.
5
Falret J.P. Des maladies mentales et des asiles d’aliénés. Paris : J.B. Baillère ; 1864.
6
Moreau de Tours. Du haschich et de l’aliénation mentale. Paris : Fortin-Masson ; 1845, p. 30-31.
7
Seglas J. Les troubles du langage chez les aliénés. Paris : Rueff ; 1982.
3
4. des illusions sensorielles qui lui modifie radicalement son expérience perceptive8
. Ces états
d’onirisme peuvent se retrouver dans les formes graves d’hystérie.
L’automatisme mental
Gaëtan Gatian de Clérambault, psychiatre – ethnographe – photographe français
(1872-1934) a élaboré sa doctrine de l’automatisme mental9
entre 1919 et 1927.
Le syndrome d’automatisme mental a été décrit cliniquement par De Clérambault dans la
rédaction des ses certificats alors qu’il était en poste à l’infirmerie spéciale de la préfecture de
police de Paris en tant qu’interne, puis médecin adjoint et enfin en tant que chef de service.
L’automatisme mental se définit comme « l’ensemble de phénomènes concernant la voix
comme objet pulsionnel dans la psychose, tels que pensée devancée, énonciation des actes,
impulsions verbales, écho de la pensée »10
.
C’est en s’appuyant notamment sur les travaux existant de Baillarger (description des
hallucinations psychiques, sans sensorialité) et de Seglas (description des hallucinations
psychomotrices verbales comme voix intérieures), que De Clérambault formulera les trois
caractères principaux de l’automatisme mental : la teneur essentiellement neutre, un simple
dédoublement de la pensée ; le caractère non sensoriel ; le rôle initial de ces signes dans le
déclenchement de la psychose.
Avec l’automatisme mental, De Clérambault bouscule les conceptions théoriques de
l’époque notamment en s’opposant radicalement avec les conceptions de Magnan. Pour De
Clérambault, les idées délirantes sont secondaires, surajoutées à l’automatisme mental,
positionnant ainsi l’automatisme mental comme phénomène primordial de la psychose : « il
s’agit, pour ainsi dire, d’une perte de la propriété privée de la pensée et d’une dépossession
de son langage intérieur, qui fait que le sujet n’arrive plus à se ressaisir lui-même comme
maître de son intériorité verbale »11
.
8
Régis E. Le délire onirique des intoxications et des infections. Bordeaux : G. Gounouilhou ; 1900.
9
Clérambault G. Œuvre psychiatrique. J. Frêtet éd. Paris : PUF ; 1942. 2 vol. II. p. 455-654.
10
Dictionnaire de la psychanalyse, Chemama Roland et Vandermersch Bernard, Larousse in extenso, 2009.
11
Lanteri-Laura G. Signification clinique et psychopathologique des hallucinations. In : L’évolution
psychiatrique. Nancy : Elsevier. Vol. 65- n°2. Avril-juin 2000. p. 251.
4
5. L’automatisme mental est premier et ce n’est que dans un second temps que vont venir
se greffer les hallucinations et les délires. Nous pourrions dire que le langage parle tout seul et
que le patient subit sa pensée. Les paroles sont imposées. Pour le sujet, c’est entendre que ça
parle de manière automatique, non contrôlé, sans que le sujet ne puisse en maitriser quelque
chose. D’où le caractère automatique : ça s’impose. Lacan, psychiatre – psychanalyste
français, ira jusqu’à dire que ce phénomène est normal puisque tout à chacun nous sommes
pris dans le langage qu’on le veuille ou non, sauf que le névrosé ne s’en rend pas compte.
Les travaux de Lacan vont mettre en perspective ces phénomènes en
distinguant très clairement la névrose de la psychose. Il s’attache principalement à articuler le
rapport du sujet aux lois du langage. Les structures lacaniennes des psychoses se définissent
autour de la notion de la forclusion du Nom-du-père soit la non-intégration, l’absence de
symbolisation d’un signifiant primordial. Par conséquent, le psychotique n’est pas habité par
le langage contrairement au névrosé. Par exemple dans le cas d’hallucinations, les voix venant
de l’extérieur ont valeur de réel et elles commandent. L’Autre comme lieu du langage, le
trésor des signifiants, l’envahie, le possède. Il ne peut s’y loger et s’y reconnaître du fait d’en
être séparé. Il en subit les effets. Dans la psychose, le « sujet » fait face au réel. C’est le réel
lui-même qui se met à parler d’où des phénomènes automatiques. C’est le langage qui se met
à parler tout seul notamment sur un mode hallucinatoire. La structure du psychotique est donc
non-möbienne et marquée principalement par cet échec de l’aliénation-séparation dans le
rapport du sujet à l’Autre. La structure du psychotique pourrait alors être représentée par une
bande biface de telle sorte qu’il existe une frontière, un bord, entre l’endroit et l’envers. Le
psychotique est séparé, coupé de l’Autre mais il s’y retrouve en prise directe.
Bande biface avec un bord
Au contraire dans la névrose, le sujet n’a pas conscience que son discours lui vient de
l’Autre. Des allers-retours continus entre le sujet et l’Autre se réalisent sans que le sujet n’y
prête attention. Le sujet névrotique a donc une structure möebienne d’un point de vue
5
6. topologique. Lacan utilisera la bande de möbius pour rendre compte du rapport du conscient à
l’inconscient, du rapport du sujet avec l’Autre (la bande de Möbius est une bande où l’envers
et l’endroit sont en continuité grâce à une demi-torsion réalisée sur cette bande ; en suivant
l’envers on se retrouve à l’endroit et inversement).
Bande de Möbius
Dans son séminaire sur L’identification, Lacan représente le rapport du sujet à l’Autre
en utilisant l’enlacement de deux tores pour mettre en lien la dialectique de la demande et du
désir dans la névrose. Il en conclut que la demande du sujet est le désir de l’Autre et que le
désir de l’Autre est la demande du sujet. L’enlacement des deux tores rend compte de la mise
en continuité du sujet et de l’Autre.
Enlacement des deux tores
Dans la psychose, il n’y a pas d’enlacement des deux tores. On pourrait dire qu’ils
coexistent l’un à coté de l’autre. La manifestation de l’Autre sera perçue par le psychotique
comme une intrusion provenant de l’extérieur, d’un territoire non reconnu comme ne faisant
pas partie de lui.
6
7. Pour Marcel Czermak – psychiatre, psychanalyste - , l’automatisme mental est « la
mise au jour à ciel ouvert de la structure même du fait que nous soyons à la fois divisés par
l’objet, émetteurs et récepteurs, et installées sur cette chaîne vectorisée que nous devons à la
loi du langage. […] on voit apparaître tous les éléments auxquels nous sommes nous-mêmes
assujettis sans en avoir la moindre idée »12
, soit le rapport à l’Autre.
Le phénomène d’automatisme mental devient pathologique à partir du moment où se
produit une confusion pour le sujet entre l’émetteur et le récepteur. Il ne sait plus qui émet ces
paroles et à qui elles s’adressent. L’objet voix s’autonomise et s’automatise. Cela rejoint les
théories de Baillarger en indiquant et en réaffirmant la primauté du verbal et donc du langage
dans les phénomènes d’hallucinations.
L’automatisme mental se révèle être à la fois un phénomène élémentaire de la
psychose et en même temps le moteur de la construction des hallucinations et du délire. C’est
donc ce langage intérieur qui va fonctionner en venant informer le sujet. La pensée devient
alors étrangère au sujet d’où le dédoublement de la pensée par ce mécanisme de clivage entre
l’émetteur et le récepteur. : ce n’est pas le malade qui dit, c’est l’autre ou encore la voix.
Pour J.L. Ferretto – psychiatre, psychanalyste - , « ces phénomènes,[…] sont des
phénomènes purement de pensée et on peut quand même y lire, dans les effets produits,
l’irruption, chez le psychotique, du signifiant dans sa matérialité, formant une boucle de ce
que j’appellerais, aux deux extrémités, d’un côté, ce qui s’articule sans s’énoncer et, d’un
autre côté, ce qui s’énonce sans s’articuler »13
. L’automatisme est une défense contre
l’hallucination vraie. Le sujet se raccroche à quelque chose de symbolique, qui a une fonction
symptomatique. Le sujet maintient une place dans sa structure afin d’éviter tout simplement
sa disparition, sa mort. La production de ce monde imaginaire lui permet en quelque sorte de
maintenir une consistance. Reprenant les travaux de De Clérambault, J.L. Ferretto note que
l’on retrouve fréquemment dans l’automatisme mental des « jeux parcellaires verbaux, c’est-
à-dire qu’il s’agit, dans le domaine verbal, de l’émancipation de la phrase articulée mais
vide de sens, de fragments de phrase, de mots, - déformés, distordus, d’intonations bizarres.
[…] ces jeux verbaux sont caractérisés par le sens harmonique de la langue »14
.
12
Introduction – Recherches actuelles sur les psychoses, M. Czermak, JFP n°35, p. 9.
13
L’automatisme mental, J.L. Ferretto, JFP n°35, p.33.
14
Ibid.
7
8. Tant que l’automatisme mental reste à l’état de petit automatisme, le patient peut se
maintenir psychiquement et s’en sortir sans trop grande difficulté dans la vie quotidienne.
L’automatisme mental est un processus primitif susceptible de rester longtemps à l’état pur,
sans idée de persécution.
Dans le petit automatisme mental, De Clérambault a décrit le phénomène dit de l’écho
de la pensée, soit un phénomène où la pensée se dédouble. Le patient ne souffre pas de ce
phénomène comme des pensées envahissantes et persécutrices mais reste bien souvent
perplexe dans cette situation. L’écho de la pensée est un phénomène élémentaire de la
psychose qui, lorsqu’il se thématise et se complexifie, s’oriente vers l’hallucination. J.M.
Faucher parle de xénopathie de la pensée « autrement dit le fait qu’une pensée puisse être
reçue comme émanant d’une source extérieure, étrangère à lui-même pour celui à qui elle
vient »15
. Nous pourrions le conceptualiser comme la base de l’automatisme mental.
La graduation et l’évolution du phénomène de l’automatisme mental pourrait se résumer de la
façon suivante : écho de la pensée ou petit automatisme mental ou encore hallucinose, termes
proches qui pourraient être classé dans la normalité puis l’automatisme mental en tant que tel
avec ou sans les hallucinations et les délires, s’inscrivant donc dans une dimension plus
pathologique.
Freud parlait de délire d’observation16
soit le résultat de la fissure d’une structure. Il
distingue alors une instance observatrice séparable du moi, une sorte de clivage. Il séparera
ensuite cette instance du moi par l’instance observatrice et moralisatrice qu’il appellera le
surmoi chez le névrosé. Est-il alors possible de penser un surmoi autonome, parlant, non
intégré par le sujet qui viendrait s’incarner dans le réel par des voix ? Une sorte de surmoi
clivé qui s’autonomiserait dans la chaîne signifiante à destination du sujet comme
interlocuteur.
Les phénomènes élémentaires
Revenons un instant sur ces phénomènes dits élémentaires introduits par Kraepelin et
par De Clérambault. Les phénomènes élémentaires sont « des phénomènes cliniques variés
précédant ou se déployant dans la psychose et dont les incidences dans le registre du
15
Faucher J.M. L’automatisme mental – Kant avec De Clérambault. Paris : Eres.JFP. 2011. p. 124.
16
Freud S. La décomposition de la personnalité psychique, In : Nouvelles conférences d’introduction à la
psychanalyse. NRF, 1984. p. 80.
8
9. discours, de la pensée, de la voix ou du regard doivent être mis en relation »17
. La thèse de De
Clérambault est de pouvoir signaler, repérer des phénomènes minuscules, de base,
microscopiques dont la marche ou l’évolution continue à faire émerger une structure
psychotique : « tout cela a un caractère toujours bref, ponctuel erratique. C’est une ébauche
d’automatisme mental »18
.
Jean-Jacques Tyszler précise que les phénomènes élémentaires de la psychose sont
« tous ces phénomènes apparemment erratiques, localisés, peu spécifiques pris isolément et
qui pourtant donnent déjà toute l’armature du délire futur »19
.
Dans son article sur les phénomènes élémentaires, V. Orhand précise que
« l’hallucination verbale est située par J. Lacan comme un des phénomènes les plus
problématiques de la parole, parce que c’est de la parole du sujet dans le réel qu’il s’agit.
Cette conception lacanienne de l’hallucination est née de l’approche linguistique qui veut que
ce soit l’halluciné lui-même qui articule les voix qu’il dit entendre »20
.
Jacques Lacan a repris à son compte les travaux de son seul maître en psychiatrie, De
Clérambault, en radicalisant son point de vue. Dans son séminaire Les psychoses, Lacan fait
une proposition théorique qui consiste à voir dans les phénomènes élémentaires la totalité de
la psychose à venir : « dès cette époque, j’ai souligné avec fermeté que les phénomènes
élémentaires ne sont pas plus élémentaires que ce qui est sous jacent à l’ensemble de la
construction du délire. Ils sont élémentaires comme l’est, par rapport à une plante, la feuille
où se verra un certain détail de la façon dont s’imbriquent et s’insèrent les nervures – il y a
quelque chose de commun à toute plante qui se reproduit dans certaines des formes qui
composent sa totalité. De même, des structures analogues se retrouvent au niveau de la
composition, de la motivation, de la thématisation du délire, et au niveau du phénomène
élémentaire. Autrement dit, c’est toujours la même force structurante, si l’on peut s’exprimer
ainsi, qui est à l’œuvre dans le délire, qu’on le considère dans une de ses parties ou dans sa
totalité. L’important du phénomène élémentaire n’est donc pas d’être un noyau initial, un
point parasitaire, comme s’exprimait Clérambault, à l’intérieur de la personnalité, autour
duquel le sujet ferait une réaction fibreuse destinée à l’enkyster en l’enveloppant, et en même
17
Dictionnaire de la psychanalyse, Chemama Roland et Vandermersch Bernard, Larousse in extenso, 2009.
18
Czermak M. Passions de l’objet. Etudes psychanalytiques des psychoses. Paris : J. Clims. 1986. p. 140.
19
Tyszler J.J., « Forclusion, fait psychique total et délire, phénomène parfois partiel », JFP, 2004/2 n°22, p.15-18.
20
Orhand S., Variété clinique des phénomènes élémentaires de la psychose. p.45.
9
10. temps à l’intégrer, c’est-à-dire à l’expliquer, comme on dit souvent. Le délire n’est pas déduit,
il en reproduit la même force constituante, il est, lui aussi, un phénomène élémentaire »21
.
Face à ces phénomènes éléments-taire, le sujet se situe dans une certaine perplexité qui
tient au fait qu’il se retrouve dans une difficulté à dialectiser ce qui lui arrive. Il peine à en
parler, à les décrire et à comprendre ce qui se passe pour lui. Il est dans un manque à dire, là
où il se trouve pris, englué dans ce phénomène. L’Autre, l’inconscient, est exclu. Le sujet ne
peut donc pas s’y reconnaître, s’y révéler et en assumer sa responsabilité. Le phénomène
élémentaire est une production du sujet en réponse à une béance, à un vide. Il semble alors
difficile qu’il puisse s’en expliquer et en déchiffrer quelque chose. C’est un mécanisme subit
par le sujet qui tient à une opération de forclusion (Verwerfung) : « la verwerfung et
l’hallucination, c’est-à-dire la réapparition dans le réel de ce qui est refusé par le sujet »22
.
Ce retour dans le réel fait appel au mécanisme de la projection « qui fait revenir du dehors ce
qui est pris dans la verwerfung, soit ce qui a été mis hors de la symbolisation générale
structurant le sujet »23
.
Pour formuler cette célèbre phrase – « ce qui est rejeté du symbolique reparaît dans le
réel »24
, Lacan a repris les travaux de Freud. En effet, Freud s’était intéressé aux mécanismes
hallucinatoires dans l’étude du Président Schreber, Freud dit qu’ « il n’était pas juste de dire
que le sentiment réprimé au-dedans fût projeté au dehors ; on devrait plutôt dire… que ce qui
a été aboli au-dedans revient du dehors »25
.
Les hallucinations hystériques
Freud a travaillé cliniquement sur des phénomènes hallucinatoires et ce, dès la
naissance de la psychanalyse lors de sa rencontre avec ses patientes hystériques. En 1894,
Freud met au même niveau l’hystérie, l’obsession et la confusion hallucinatoire comme trois
formes de défenses psychiques. La confusion hallucinatoire « consiste en ceci que le moi
rejette la représentation insupportable en même temps que son affect et se comporte comme si
21
Lacan J. Le séminaire III, Les psychoses (1955-1956). Paris : Le Seuil, 1981. p. 28.
22
Ibid. p. 22.
23
Ibid. p. 58.
24
Ibid. p. 57.
25
Freud S. Le président Schreber, In : Cinq psychanalyses. Paris : PUF. 1977. p. 315.
10
11. la représentation n’était jamais parvenu au moi »26
. Le moi se sépare ainsi de la
représentation inconciliable liée à un fragment de la réalité et par la même occasion il se
sépare d’une partie ou de la totalité de la réalité.
Dans les Etudes sur l’hystérie27
en 1895, Freud traite des patientes souffrant entre autre
d’hallucinations.
Mademoiselle Anna O., le cas de Breuer, présente des épisodes hallucinatoires : hallucinations
de reptiles, de crânes ou encore de squelettes. Miss Lucy R., patiente de Freud, souffre
d’hallucinations olfactives.
Ces manifestations hallucinatoires sont le signe pour Freud d’une forme de retour du
refoulé. Selon lui, les hystériques souffrent de réminiscences c’est-à-dire d’une mémoire
inconsciente agissante à l’issue de la patiente. Les phénomènes hystériques découlent de
traumatismes psychiques, qui agissent comme des agents provocateurs et qui font place à une
dissociation du conscient (double conscience). Une partie du psychisme reste refoulé. Ce qu’il
y aurait à exprimer reste indéchiffrable. Ce corps étranger va s’infiltrer et se convertir dans les
comportements et les attitudes de l’hystérique. Ces réminiscences non abréagies, ces
représentations pathogènes vont faire leur réapparition sous formes de phénomènes
hystériques dans la vie du sujet éveillé. L’hystérique se défend d’un savoir, un savoir sur la
sexualité, qu’elle ne peut pas métaboliser. Ce discours ignoré vient alors se loger dans le
corps. Le traitement psychanalytique consiste en un travail de remémoration et de
verbalisation de ce qui a été traumatique pour la patiente dans son passé. Les symptômes ont
donc une valeur métaphorique inscrits en hiéroglyphes sur le corps et à déchiffrer comme un
rébus. Ici, le mécanisme de défense à l’œuvre est le refoulement avec son corollaire, le retour
du refoulé.
En 1918, lors de la publication de L’homme aux loups, Freud s’est intéressé à
l’éclosion d’une névrose infantile. Il rapportera du patient l’hallucination d’un doigt coupé :
« Quand j’avais cinq ans, je jouais dans le jardin près de ma nurse, et je faisais des entailles
avec mon couteau de poche dans l’écorce d’un des chênes qui d’ailleurs intervient dans mon
rêve. Soudain, à mon indicible terreur, je m’aperçus que je m’étais tranché le petit doigt de la
main, au point qu’il ne tenait plus que par la peau. […] Enfin je me calmais, regardai le
26
Freud S. Les psychonévroses de défense. In : Névrose, psychose et perversion. Paris : PUF. 1894. p. 12.
27
Freud S. et Breuer J. Etudes sur l’hystérie. Paris : PUF. 1985
11
12. doigt, et vis qu’il était parfaitement intact »28
. Freud interprétera cette hallucination comme le
retour du dehors ce qui a été aboli de l’intérieur en l’occurrence la castration.
Même si d’un point de vue psychanalytique, l’hallucination est « une manifestation de
la psychose dont l’expression a pour formule nécessaire et suffisante celle, stéréotypée, de la
méconnaissance : ils me disent que… »29
, il me semble important de souligner l’hétérogénéité
des manifestations hallucinatoires, terme d’hallucinations qu’il convient d’utiliser au pluriel.
De même, ce rappel historique et sémiologique amène à réfléchir sur la valeur à accorder à
ces phénomènes hallucinatoires. Nous voyons bien qu’il serait réducteur de faire trop
rapidement le lien entre hallucinations et psychose.
28
Freud S. L’homme aux loups. Cinq psychanalyses.
29
Dictionnaire de la psychanalyse, Chemama Roland et Vandermersch Bernard, Larousse in extenso, 2009.
12