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CULTURE
SPORT
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S
i aucun membre du CEP
n’était en mesure de fournir
la moindre information sur le
montant débloqué pour les
matériels sensibles et non-sensibles,
des renseignements recueillis auprès
des responsables du Programme des
Nations unies pour le développement
(Pnud) ont fait état de 4 468 902 dol-
lars américains pour le contrat octroyé
à l’entreprise sud-africaine, Lithotech,
pour la fourniture des matériels non
sensibles.
Pour ce qui concerne l’impression
des bulletins pour les législatives,
un contrat d’environ un million
de dollars a été attribué à une
autre firme basée à Dubaï, dont
le nom reste encore un mystère
pour la presse, et même pour les
responsables.
Alors que le CEP a déjà reçu une
première cargaison de matériels pour
les élections législatives le mardi 23
juin 2015, les autorités électorales
semblent être mal imbues de la
façon dont s’est déroulé le processus
de l’octroi des marchés. À ce sujet,
tout est géré par le Pnud.
Le temps
des jeunes
femmes
P.14
» suite page 5
La colère et
l'indignation
face au crime
de l'occupation
américaine d'Haïti
Par Dangelo Néard
La ville des Cayes
accueille la deuxième
édition du grand prix
MJSAC !
par Kenson Désir
BOID : une nouvelle
unité au sein de la PNH
JEUDI 25 JUIN 2015 NUMÉRO 25
WWW.LENATIONAL.HT
QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI
HAÏTI / ÉLECTIONS / IMPRESSION DE BULLETINS
HAÏTI / SÉCURITÉ
ACTUALITÉ
Les violons ne s'accordent
pas entre le Pnud et le CEPpar Noclès Débréus
BOID, nouvelle unité spécialisée de la PNH. / Photo : Ruben Chéry.
Élections :
Des organisations
de la société civile,
préoccupées
par Lionel Édouard
2 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
TRIBUNE
Imposture et irresponsabilité
des deux ÉtatsPar Smith Augustin, Consultant, doctorant en sociologie, secrétaire technique de NAPSA
P
eu de voix ont dénoncé dans
la presse haïtienne et domini-
caine l’imposture de la ques-
tion des retours dits volon-
taires d’immigrants haïtiens en prove-
nance de la République dominicaine.
Seuls les témoignages des concernés
démontrent clairement le caractère
forcé de ces retours, les dégâts que
cela provoque déjà dans leur vie et les
malheurs qui en résulteront tels que
l’abandon involontaire d’une partie de
leur patrimoine, la confrontation en
Haïti de l’inconnu et de l’incertitude,
la séparation familiale, etc.
En réalité, la tendance à mettre
en exergue le caractère volon-
taire de ces retours est clairement
trompeuse. Elle cache en fait une
double imposture haïtienne et
dominicaine qui se définit à plus-
ieurs niveaux.
La ruse dominicaine dans
cette affaire
La principale astuce dominic-
aine dans cette affaire est de faire
croire que les ressortissants haï-
tiens qui fuient « volontairement
» la République dominicaine sont
des personnes qui y vivaient en
situation irrégulière et qui n’ont
pas été inscrits au Plan national
de régularisation des étrangers
(PNRE). Rien n’est plus faux. Car
ces fugitifs proviennent de toutes
les catégories confondues. En
général, ce sont surtout ceux qui
ont peur et qui n’ont aucune confi-
ance dans les promesses domini-
caines de respecter les droits des
personnes qui seront éventuelle-
ment rapatriées en Haïti. De plus,
une vague de menaces pèse sur leur
vie et leurs biens, et les dirigeants
dominicains n’ont rien fait pour les
mettre en confiance. Parmi ceux
qui sont revenus, quelques-uns ont
même témoigné qu’il n’était plus
possible pour eux de rester, car leur
loyer n’était pas renouvelé, et même
leur crédit dans les épiceries avait
été suspendu.
L’autre astuce dominicaine est de
provoquer ces retours dits volon-
taires en vue d’occulter la réalité
des déportations massives et col-
lectives. En concentrant l’attention
sur ces retours dits volontaires
– plus de 7 000 en une journée,
selon un communiqué du ministre
de l’Intérieur et des Collectivités
territoriales, M. Ariel Henry – les
dirigeants dominicains continu-
ent pourtant de rapatrier quoti-
diennement les Haïtiens par cen-
taines dans les zones de passage
officielles et non officielles. Ces
cas ont déjà été rapportés par les
organisations de droits humains
telles que Garr, le Service jésuite
aux migrants (SJM) et le Réseau
frontalier Jeannot Succès (RFJS)
qui assurent en permanence une
vigilance sur la frontière.
De fait, en marge de l’article 38 du
décret 327-13 du PNRE qui interdit
les rapatriements au cours de la
mise en œuvre du Plan, les dépor-
tations n’avaient jamais cessé. Le
Garr a d’ailleurs observé dans une
note rendue publique par Alter-
presse que « 2 420 personnes ont
été rapatriées à la frontière de Bel-
ladère/Elias Piña, de janvier à mai
2015 ».
La République dominicaine doit
assumer que les rapatriements sont
en train d’avoir lieu et que derrière
l’apparence volontaire du retour
massif en Haïti des immigrants haï-
tiens se cache une vraie « chasse
aux sorcières », volontairement
incontrôlée par l’État dominicain.
L’irresponsabilité
renouvelée de l’État haïtien
Conforme à ses habitudes, l’État
haïtien s’est une fois de plus com-
porté en amateur irresponsable
dans le dossier des rapatriés haï-
tiens de la République dominicaine.
En plus d’être hâtifs, démagogiques
et insignifiants, ses préparatifs pour
l’accueil des rapatriés se limitent à
une perspective d’intervention post
factum.
En conséquence, les immigrants
haïtiens doivent une fois de plus
affronter tout seuls les menaces qui
pèsent sur leur vie et leurs biens
dans ce pays voisin qui leur devi-
ent de plus en plus hostile. Face
à une diplomatie haïtienne en
République dominicaine quasiment
nulle, il a fallu encore que l’État
dominicain établisse, en faveur de
ces migrants délaissés, un « Pro-
gramme d’assistance gratuite pour
les retours volontaires des étrang-
ers ».
À cet égard, faut-il rappeler que les
missions diplomatiques sont des
prolongements de l’État en terri-
toire étranger ? Il est donc inac-
ceptable que l’ambassade d’Haïti
à Santo Domingo et ses différents
consulats à Dajabon, Higuey,
Barahona et Santiago soient aussi
indifférents aux malheurs de ces
citoyens qu’ils sont supposés défen-
dre. Les quelques déclarations de
l’actuel ambassadeur Daniel Sup-
plice dans des médias dominicains
ne sauraient être la seule dimen-
sion de ce combat multifacétique
et bien structuré que devrait mener
l’État haïtien en réponse aux dépor-
tations actuelles.
De plus, il est déplorable que l’État
haïtien n’apporte aucun soutien
en Haïti à ces soi-disant rapatriés
volontaires sous prétexte qu’ils ne
sont pas des rapatriés à propre-
ment parler. Prises dans le piège
des Dominicains, les autorités haï-
tiennes semblent croire aussi que
les rapatriements annoncés n’ont
pas encore commencé. Sur cette
base, ils justifient également le
retard de leurs prétendus prépara-
tifs d’accueil des rapatriés.
Le peuple haïtien en paie dou-
blement les frais, victime à la
fois de l’imposture de l’un et de
l’irrémédiable insouciance de
l’autre.
HAÏTI/RÉPUBLIQUEDOMINICAINE/MIGRATION
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 3
ACTUALITÉ
Des organisations
sociales tirent la
sonnette d'alarmePar Reynold Aris
U
ne peur maladive hante la
population depuis le dernier
rapport de la Coordination
nationale de la sécurité
alimentaire (CNSA) faisant état de
3 à 3,8 millions de personnes dans
l’insécurité alimentaire. Ce phé-
nomène inquiète des organisations
sociales et estudiantines telles que
le Mouvement de liberté, d’égalité
des Haïtiens pour la fraternité
(MOLEGHAF), le « Mouvman etidyan
pou libere Ayiti » (MELA) et « Lit din-
amik etidyan yo (LIDE) ». Ces organ-
isations disent craindre une émeute
de la faim suite à la détérioration des
conditions socio-économiques du
pays. Elles tirent donc la sonnette
d’alarme.
Guy Laurore Rosenez, membre de
MELA, s’en est pris aux autorités du
pays qui, dit-il, n’ont initié aucune
démarche structurelle visant à ren-
forcer l’agriculture et l’économie
du pays. Au contraire, elles
s’engagent dans des campagnes
publicitaires pour des produits
venant de l’extérieur. Tandis que
les personnes les plus vulnérables
croupissent dans leur misère et ris-
quent de mourir de faim dans les
prochains jours en dépit des cam-
pagnes d’intoxication de l’équipe
Tèt Kale, a-t-il déploré.
Selon Laurore Rosenez, la situa-
tion risque de se corser compte
tenu du fait qu’Haïti est unique-
ment un marché de consommation.
Aussi, a-t-il souligné, que le pays
ne produit rien, ce qui entraîne
la dévaluation de la gourde. Cela,
explique-t-il, contraint les com-
merçants à se procurer des devises
pour importer des marchandises.
Il s’agit d’une énorme pression
qui s’exerce sur la monnaie locale,
entraînant ainsi l’escalade des prix
des produits de première nécessité.
Aujourd’hui, explique le membre
de « MELA », il convient d’avoir
30 gourdes pour l’acquisition d’une
petite marmite de riz, 70 gourdes
pour une petite « marmite » de
pois noir dans un pays où le taux
de chômage atteint plus de 80 %
des membres de la population, qui
également vivent avec moins d’un
dollar par jour.
Monsieur Rosenez a en outre criti-
qué les autorités qui n’ont pas pris
la défense des Haïtiens vivant en
République dominicaine, frappés
par l’arrêt 168-13 de la Cour consti-
tutionnelle dominicaine. Elles ont
adressé le dossier, à son avis, avec
tant de légèreté qu’aujourd’hui les
dirigeants dominicains procèdent
au rapatriement massif de plusieurs
milliers de compatriotes. Aucune
structure d’accueil, précise-t-il, n’a
jamais été mise en place afin de les
recevoir. Pas de création d’emplois.
Avec ces déportations massives, il
dit craindre une émeute de la faim
sans précédent dans l’histoire du
pays.
Derrière toutes ces situations, il
déclare avoir décelé la main de
la Communauté internationale. Il
croit qu’ils sont de connivence avec
les oligarques du pays qui contraig-
nent l’État à s’engager dans des pro-
grammes d’ajustement structurel
en faisant fi des desiderata de la
population. Aussi, exhorte-t-il, les
autorités à prendre des mesures
urgentes en vue de remédier à la
situation.
Le nombre de personnes touchées
par l’insécurité alimentaire risque
d’aller crescendo, si l’on en croit
les propos du coordonnateur de
la CNSA, Garry Mathieu, qui, à
l’occasion de la célébration de la
journée mondiale de Lutte contre la
faim, a invité les autorités à prendre
des mesures adéquates leur permet-
tant de résoudre ce problème qui
menace plus d’un quart de la popu-
lation haïtienne.
À cet effet, les dirigeants doivent
s’attaquer au problème en amont,
en investissant, entre autres, dans
l’agriculture, la protection de
l’environnement.
La situation est alarmante en ce qui
concerne l’insécurité alimentaire.
Certaines communes des départe-
ments du Sud-Est, de l’Ouest et du
Nord-Ouest connaissent déjà des
situations difficiles, compte tenu
du fait qu’elles sont confrontées à
une grave sécheresse depuis l’année
dernière.
Quelle politique culturelle ?
Onposelaquestionpourlaforme.Laréponse:aucune.Lesministresde
laCulturesesuccèdent,maisaucunepolitiquen’estdéfiniepourmettre
en valeur notre unique potentiel qu’est notre créativité dans tous les
domaines des arts.
Dans les discours, il est de bon ton de parler de culture. Dans les faits,
l’État, le secteur privé investissent-ils dans la culture ? Y a-t-il une
production qui prouve qu’ils investissent dans la culture ?
Nousconnaissonsdeshautsfonctionnairesdel’État,desentrepreneurs
quiontàuntitreouàunautreapportéleurscontributionsàlaculture,
maisàtitresouventpurementpersonnel.Cependantcesappuissefont
en dehors de toute politique culturelle préalablement définie.
Onvientd’inaugurerlecinéThéâtreTriomphe.LaRédactionduNational
a appris avec stupéfaction le montant du prix de la location de la salle
pourlesspectacles.Horsdeportéedelagrandemajoritédenosartistes.
À la première question, notre interlocuteur a fait référence aux prix
pratiqués par certains grands hôtels de la place qui offrent un service
de salles pour des spectacles.
La question : Qui parmi nos artistes a les moyens de payer ?
L’argument étonnant qu’on remet sur le tapis, c’est que l’État n’a pas
d’argent. C’est gros comme argument quand on sait le gaspillage des
ressourcesdelanationdanslepaiementdesperdiemdefonctionnaires
qui ne vont souvent que se tourner les pouces à l’étranger, car visible-
mentlesrésultatssontnuls,touscessalairespayésauxditshautscadres
qui ne produisent rien, nos missions diplomatiques qui bouffent pour
rien des fortunes, des véhicules achetés ci et là pour des gens encore
sansaucuneutilitéàlanation.Sioncontinueàlisterl’argentquel’État
flambe dans des rubriques sans aucune contrepartie, c’est-à-dire ne
produisant aucune valeur pour la collectivité, on est droit de se poser
un tas de questions.
On aurait pu penser à des structures permettant l’expression de la
culture sous toutes ces formes, dans tout le pays, avec un appui entier
de l’État. Haïti n’est compétitif, n’est productif, que dans ce secteur.
Pendantcetemps,onpeutdépenserunesommefaramineusepourune
nuit, pour un artiste venu de l’étranger. Nous n’avons rien contre les
artistesvenusdel’étranger.Maisaveccetargentdépensépourunenuit,
combiendenuitsdespectaclespourrait-onprévoirmêmeauTriomphe
avec ses prix prévus.
Où sont les structures culturelles en province ? Où sont les appuis à la
création ?
Onesttoujoursdanslenon-sensdanscepays.Etpourtouscescandidats
qui briguent nos suffrages, la culture est le cadet de leurs soucis.
Mais cela n’empêche pas, dès qu’un Haïtien remporte une palme dans
ce domaine, de débiter des discours et de prévoir réceptions et décora-
tions. Pitoyable !
L’Étatnesepréoccupepasdelaculture.Unepartiedel’Étatetdusecteur
privé ne s’intéresse qu’à des groupes bien particuliers œuvrant dans le
lieu culturel.
Parodiant l’Empereur,nouspourrionsnousécrier:«Ettouslescréateurs
dont les pères sont en Afrique, que leur offre-t-on ? »
Avecnotrefaçondefaire,ceseraunjourtoutelapopulationquideman-
dera à être rapatriée dans un autre État, le nôtre étant à reconstruire
complètement.
Édito
HAÏTI/INSÉCURITÉALIMENTAIRE
La problématique de l’insécurité alimentaire continue
de préoccuper la population. Le MOLEGHAF, « MELA
» et « LIDE » annoncent l’organisation d’une marche
pacifique dans les rues de Port-au-Prince pour ce
jeudi 25 juin. Les organisateurs, par ce mouvement,
entendent inviter les autorités à prendre des mesures
urgentes pour solutionner les différents problèmes
auxquels fait face le pays, notamment celui de
l’insécurité alimentaire.
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IMPRIMÉ EN HAÏTI SUR LES PRESSES
DE L’IMPRIMERIE
LES ÉDITIONS DES ANTILLES S.A.
4 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
ACTUALITÉ
BOID, nouvelle unité spécialisée de la PNH. / Photo : Ruben Chéry.
L
oin de constituer une force par-
allèle à la PNH ou d’effectuer
des tâches particulières,
la BOID s’inscrit dans une
dynamique de continuité de la mis-
sion d’autres unités spécialisées
comme l’Udmo. La création de cette
nouvelle unité spécialisée, explique le
directeur départemental de l’Ouest,
André Jonas Vladimir Paraison,
répond à un besoin d’intervention
rapide de la PNH dans des régions
éloignées. Ce, en attendant l’arrivée
d’autres unités policières habilitées
à gérer des situations de tensions.
Il cite, entre autres interventions,
la lutte contre la criminalité et des
cas de conflits qui peuvent surgir au
niveau de certaines régions près de la
ligne frontalière.
Intervenant au nom du Premier
ministre Évans Paul, le ministre de
la Justice et de la Sécurité publique,
M. Pierre Richard Casimir, a salué
l’arrivée de cette nouvelle unité
appelée à poursuivre la mission de
la PNH : protéger et servir. Le garde
des Sceaux de la République en a
profité pour rassurer plus d’un du
soutien du gouvernement haïtien
à la PNH. Un soutien qui englobe
notamment le renforcement de son
effectif et l’amélioration du niveau
de vie des policiers. Pierre Richard
Casimir a aussi annoncé que la
26e promotion de la PNH est en
cours de recrutement. Il a annoncé
aussi, sans fournir de détails, une
augmentation de salaire jointe à
des avantages sociaux en faveur
des policiers.
Crise humanitaire et
élections : deux défis majeurs
La mise sur pied de cette nouvelle
unité tombe à point nommé.
Elle coïncide avec le drame
que vit déjà le pays à travers
l’expulsion d’immigrants haïtiens
de la République dominicaine. «
Une situation d’une dimension
hautement humanitaire », selon M.
Casimir. L’intervention de la BOID
est donc très attendue pour pallier
le déficit de capacité de gestion
de l’État haïtien face à cette crise
humanitaire.
Cependant, le directeur
départemental de l’Ouest de la PNH
dit ignorer comment l’effectif des
154 policiers allait se répartir dans
les 10 départements géographiques
du pays. Il renvoie ainsi la balle
dans le camp de la Direction
générale de la Police nationale qui,
selon lui, serait mieux placée pour
fournir cette information. Même
réaction quand Le National a voulu
s’enquérir du coût de la formation
de cette unité, qui n’a duré que
deux mois.
Monsieur Paraison n’était pas non
plus en mesure d’expliquer le rôle
que jouera la BOID au niveau
sécuritaire lors des prochaines
élections. Il s’est, une fois de plus,
référé à la Direction générale de
la PNH dont le titulaire, Godson
Aurelus, brillait par son absence.
Cette question, pense plus d’un,
est pertinente dans un contexte
où la Minustah, dans le cadre de
son retrait progressif du pays, se
désengagera dans six départements
à la veille des prochaines élections.
D’aucuns se souviennent que deux
de ces départements, notamment le
Plateau central et le Sud-Est, ont été
le théâtre de grandes perturbations
et de violences inouïes durant les
élections antérieures.
Créée suivant un décret pris en
1995,laPNHestlaseuleforcearmée
constitutionnellement reconnue
en activité. Depuis ses vingt ans
d’existence, cette jeune institution
peine à devenir professionnelle. La
mission des Nations unies pour la
stabilisation d’Haïti, qui était censée
répondre à ce besoin, aurait, selon
de nombreux observateurs, échoué
dans cette tentative alors qu’elle
prépare son départ progressif.
HAÏTI/SÉCURITÉ
BOID : une nouvelle
unité au sein de la PNHpar Jean Michel Cadet
Une nouvelle unité spécialisée de la Police nationale d’Haïti dénommée : «
Brigade d’opération et d’intervention départementale (BOID) » vient de voir le
jour. Composée de 154 policiers, dont 18 femmes, gradués le mercredi 24 juin lors
d’une cérémonie à l’Académie de police, cette unité a pour mission de renforcer les
capacités d’intervention de l’institution policière au niveau des différentes régions
du pays.
» suite de la première page
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 5
ACTUALITÉ
Dans une entrevue accordée
au journal à partir d’un ques-
tionnaire, les responsables de
l’organisme de l’Onu ont informé
que le processus d’acquisition
des matériels non sensibles avait
été fait suivant les procédures de
passation de marchés du Pnud,
lesquelles, poursuivent-ils, sont
conformes aux règles internation-
ales d’acquisition de biens et ser-
vices. Et ce processus a été fait
à travers un accord à long terme
avec Lithotech en Afrique du Sud.
« Le Processus d’acquisition des
matériels et services au sein du
Pnud est transparent. Nous fonc-
tionnons avec le fournisseur qui
peut offrir la meilleure qualité
correspondant au budget mis
à notre disposition par le gou-
vernement haïtien et les autres
bailleurs internationaux », a pré-
cisé le Pnud, soulignant aussi que
les contrats sont attribués aux
entreprises qui répondent aux
exigences des spécifications sou-
mises par le CEP.
Et c’est dans le cadre de cet
accord, informent les représent-
ants du Pnud, que le Conseil
électoral provisoire a déjà reçu,
au cours de cette semaine, une
première cargaison de matériels
non sensibles.
Le reste de ces matériels pour les
prochaines législatives sera livré
au plus tard ce week-end, ont-
ils fait savoir, précisant que le
reste des matériels non sensibles
pour tout le reste du processus
électoral sera livré dans les délais
inscrits dans le calendrier du CEP.
Quant aux matériels sensibles, le
coût d’acquisition des bulletins
pour les prochaines législatives
s’élève à environ un million de
dollars américains et c’est une
compagnie basée à Dubaï qui est
chargée de l’impression.
Alors que le vice-président du
CEP, Pierre Manigat Junior, dit
avoir convenu avec le Pnud d’une
clause qui permettrait aux entre-
prises nationales d’imprimer les
bulletins pour la présidentielle
et les collectivités territoriales,
les responsables du Pnud affir-
ment que c’est avec l’approbation
du Conseil électoral provisoire
qu’il avait paraphé « un accord à
long terme pour l’impression des
bulletins de vote.
Cet accord est engagé avec une
compagnie à Dubaï (Émirats
arabes unis) », Le Pnud, pour-
suivent ses responsables, est
reconnu au niveau mondial pour
sa transparence et il fait en sorte
de respecter les principes de pas-
sation de marché.
Par ailleurs, le Pnud dit vouloir
essayer le plus possible de traiter
avec des entreprises nationales.
En ce sens, il entend confier à des
firmes nationales toute la cam-
pagne de communication et de
sensibilisation qui sera entreprise
dans le cadre de ces joutes élec-
torales. En outre, un responsable
du Pnud a garanti qu’environ
60 % du budget électoral sera
engagé sur le marché haïtien.
De son côté le CEP bouge avec
le calendrier électoral. Dans
un communiqué rendu public
ce mercredi il informe que la
période de validation des maquet-
tes de bulletins s’est achevée le
samedi 20 juin 2015 inclusive-
ment.
Et, tenant compte des exigences
faites pour la production des
maquettes et l’impression des
bulletins, l’institution électorale
dit n’être en mesure de satisfaire
aucune nouvelle demande relative
au changement des photos de can-
didats ou d’emblèmes de partis ou
de groupements politiques.
» suite de la première page
HAÏTI/ÉLECTIONS/IMPRESSIONDEBULLETINS
Les violons ne s'accordent pas
entre le Pnud et le CEPpar Noclès Débréus
L
ors d’une conférence de presse
au local du RNDDH, ces organ-
isations ont appelé le Conseil
électoral à respecter les prin-
cipes d’équité et d’égalité dans ses
prises de décision. Edouard Paultre
du CONAHNE a exhorté, à cet effet, le
CEP à prendre ses décisions en con-
formité avec le décret électoral. Aussi
souhaite-t-il que les motifs d’exclusion
de tous les candidats soient rendus
publics car, dit-il, l’organisme élec-
toral ne doit pas céder à la pression
des protagonistes.
À la question si le CEP leur
inspirait encore confiance ou s’ils
ont remarqué un non-respect des
principes d’équité ou d’égalité, les
conférenciers ont laissé entendre
qu’ils suivaient encore le processus.
En ce qui a trait au rejet de la
candidature à la présidentielle du
recteur de l’Université Quisqueya,
Jacky Lumarque, Edouard Paultre
précise que le CEP peut revenir
sur la liste, en vertu des prescrits
du décret électoral. Toutefois, le
représentant des acteurs qui se
disent non étatiques insiste sur
le fait qu’un traitement équitable
devrait être accordé à tous les
candidats.
Réaffirmant leur attachement au
respect des principes démocra-
tiques, les intervenants à cette
conférence de presse, encouragent
la Cour supérieure des comptes et
du contentieux administratif (CSC/
CA) dans ses actions qui visent à
lui donner sa place dans la lutte
contre la corruption qui constitue
« un accroc au développement du
pays ».
Par ailleurs, ces organisations de la
société civile croient que les vagues
de déportés en provenance de la
République dominicaine peuvent
déstabiliser le processus électoral.
C’est la raison pour laquelle,
explique Edouard Paultre, ces
entités participent au Comité mixte
de solidarité nationale aux côtés du
gouvernement haïtien, pour trouver
une solution à ce problème. « Il faut
que la République dominicaine
arrête avec les déportations, pour
éviter de fragiliser le processus »,
a-t-il martelé.
En ce qui a trait au rapport sur
les candidats ayant des démêlés
avec la justice, publié récemment
par le Réseau national des droits
humains (RNDDH), Villès Alizar,
qui intervenait également à cette
conférence, a tenu à préciser qu’il
ne s’agissait pas d’une tentative
pour pousser le CEP à barrer la
route à des prétendants. Toutefois,
M. Alizard souligne qu’il s’agissait
pour son institution de présenter
les profils de certains candidats à la
population, afin qu’elle puisse faire
le bon choix.
Si les organisations suscitées ne
sont ni optimistes, ni pessimistes
quant à la tenue des élections au
9 août, Action internationale pour
les droits humains (AIDH), de son
côté, exprime sa vive préoccupation
et demande, via une lettre adressée
au président du Conseil électoral
provisoire, Pierre Louis Opont,
une réévaluation du calendrier
électoral. Tout comme le diplomate
américain, Thomas Adams, elle
Des organisations de la société civile, dont le Centre
d’action et de recherches en droits humains (CARDH),
le Réseau national de défense des droits humains
(RNDDH) et le Conseil national des acteurs haïtiens
non étatiques (CONAHNE), se sont dit, mercredi, n’être
ni optimistes, ni pessimistes quant à la tenue des
scrutins à partir du 9 août 2015, comme prévu dans le
calendrier électoral.
plaide pour des élections en deux
temps, une manière de surmonter,
dit-elle, certaines difficultés.
À travers sa correspondance, l’AIDH
explique que le CEP aura de grandes
difficultés à réaliser ces élections
en trois temps comme prévu,
notamment en raison des retards
accumulés dans le processus.
En guise de recommandation,
l’AIDH invite le CEP à prendre
les dispositions nécessaires en vue
d’organiser les élections législatives
partielles prévues pour le mois
d’août 2015, au mois d’octobre
2015, c’est-à-dire en même
temps que le premier tour de la
présidentielle. Aussi croit-elle qu’il
faut éviter toute précipitation afin
de réaliser des élections honnêtes,
crédibles et démocratiques.
6 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
ACTUALITÉ
ÉCHO
Un véhicule du Pnud
incendié
Desindividusarmésontincendié,
lundi, un véhicule appartenant
au Programme des Nations unies
pour le développement (Pnud),
à « Kafou zaboka », Pestel. Les
autorités judiciaires ainsi que
des agents de la PNH se sont
rendus sur place pour faire des
constats légaux. Une enquête
est ouverte afin d’identifier les
auteurs de ce forfait, a rapporté
la presse locale.
RD, faciliter le départ
des étrangers illégaux
Tous les étrangers en situation
irrégulière en République
dominicaine peuvent bénéficier
d’une assistance au cas où
ils voudraient retourner
volontairement dans leur pays
d’origine. C’est ce qu’a informé
le ministère dominicain de
l’Intérieur et de la Police à
travers la Direction générale de
migration qui promet d’assurer
gratuitement le transport de tous
ceux-là qui en font la demande.
Une délégation du CEP
en visite d'inspection à
Dubaï
Les bulletins de vote pour les
prochaines élections législatives
seront imprimés à Dubaï
(Émirats arabes unis). C’est pour
cette raison qu’une délégation
du Conseil électoral provisoire
(CEP) a pris l’avion dimanche
à destination de Dubaï dans
le but d’effectuer une visite
d’inspection de la compagnie
chargée d’imprimer ces bulletins.
Cette délégation est composée de
Pierre Louis Opont (président),
Ricardo Augustin (secrétaire) et
Philippe Augustin (directeur du
registre électoral). La délégation
du CEP sera de retour au pays le
30 juin prochain, a-t-on appris.
CEP : firme de Dubaï,
une décision du Pnud
Le Programme des Nations unies
pour le développement (PNUD)
gère le budget des élections. Le
Pnud a choisi la firme de Dubaï
chargée d’imprimer les bulletins
de vote suite à un appel d’offres
international. C’est ce qu’a
indiqué Frantz Bernadin, porte-
parole du CEP.
Le CEP reçoit des
matériels électoraux
Le Conseil électoral provisoire
a reçu mardi à Port-au-Prince 1
800 kits de formation et 4 865
kits opérationnels. La première
d’une série de trois cargaisons
de matériels, les deux autres
cargaisons arriveront les 27 et
29 juin prochains, a fait savoir
Frantz Bernardin, le porte-parole
du CEP.
Vers la journée
caribéenne du
Dépistage du VIH
C’est ce vendredi 26 juin que
se déroulera la 6e journée
caribéenne du Dépistage du
VIH-sida à l’initiative de la
ScotiaBank. Durant toute la
journée,ilserapossibledesefaire
dépister gratuitement dans 13
sites de la zone métropolitaine.
Selon les informations, la journée
caribéenne du Dépistage du VIH-
sida a pour but de diminuer
le risque d’infection dans une
région particulièrement touchée.
HAÏTI/ÉLECTIONS
Des organisations de la société
civile, préoccupéespar Lionel Édouard
Une petite concertation avant la conférence de presse. / Photo : J. J. Augustin
L
e ministre de la Communication, Rotchild Fran-
çois Junior, a rappelé, le mercredi 24 juin, que
lesmesuresprisesaupréalablesurl’interdiction
d’importer en Haïti certains produits dominic-
ains sont maintenues. Il en a profité pour faire taire
les « rumeurs » selon lesquelles le marché binational
sera fermé à partir du vendredi 26 juin 2015.
« Nous sommes un gouvernement responsable,
si toutefois une telle disposition a été prise, nous
l’informerons à travers un communiqué », a déclaré
le ministre.
Les mesures d’interdiction qu’avaient prises les
autorités haïtiennes concernent, notamment
certains produits avicoles dont les œufs et les
poulets.
Par ailleurs, le ministre informe qu’aucune
rencontre n’a eu lieu, ni n’est sur le point d’avoir
lieu entre les autorités des deux pays autour
de la situation de rapatriement des immigrants
haïtiens, comme l’avait rapporté, mardi, la presse
dominicaine.
Il affirme que le gouvernement haïtien continue
de solliciter du gouvernement dominicain, le
rapatriement des ressortissants haïtiens dans des
points frontaliers déterminés par les autorités
haïtiennes, afin de garantir une meilleure prise en
charge.
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 7
ACTUALITÉ
HAÏTI/RÉPUBLIQUEDOMINICAINE
Les mesures
d'interdiction
maintenues, le
marché binational
reste ouvert
Sources : HPN
L e ministre de la Communication, Rotchild François
Junior.
8 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
MONDE
L
a France a appelé mercredi
Washington à « réparer les
dégâts » provoqués par les
pratiques « inacceptables » des
services secrets américains qui ont
écouté pendant de longues années
les trois derniers présidents français,
Barack Obama cherchant en début de
soirée à rassurer François Hollande.
Le président américain a « réi-
téré sans ambiguïté », lors d’un
« échange » téléphonique d’un « bon
quart d’heure » à l’initiative du pré-
sident français, son « engagement
ferme » contre tout espionnage de
pays allié, a annoncé l’Elysée.
Cet entretien a été « l’occasion
d’une mise au point sur les prin-
cipes qui doivent gouverner les
relations entre alliés en matière de
renseignement », a-t-on ajouté de
même source en indiquant que des
responsables français du renseigne-
ment se rendraient prochainement
à Washington.
Un peu plus tôt devant la représen-
tation nationale, le Premier minis-
tre Manuel Valls a solennellement
réclamé un « code de bonne con-
duite » déjà exigé par les Européens
en 2013 quand les révélations sur
l’espionnage américain portaient
sur les écoutes des dirigeants alle-
mands, brésiliens ou mexicains,
dont le portable de la chancelière
allemande Angela Merkel.
Un Conseil de défense réuni en fin
de matinée autour du président
François Hollande a permis de «
mesurer et de partager l’émotion
et la colère (...) face à ces pratiques
inacceptables émanant d’un pays
ami », a souligné le Premier min-
istre. Pour autant, il n’a évoqué
aucune mesure de rétorsion con-
crète face à cette « très grave viola-
tion de l’esprit de confiance ».
François Hollande avait réagi vive-
ment dès la publication mardi soir
par la presse de notes comprom-
ettantes pour la National Secu-
rity Agency (NSA), décidant de
réunir dans l’urgence ce conseil.
L’ambassadrice américaine a pour
sa part été convoquée au Quai
d’Orsay mercredi en fin d’après-
midi.
La présidente de la commission des
Affaires étrangères de l’Assemble,
Elisabeth Guigou, a indiqué qu’elle
inviterait la diplomate à s’expliquer
la semaine prochaine devant les
députés.
La France « ne tolèrera aucun
agissement mettant en cause sa
sécurité », avait martelé l’Elysée
dans un communiqué.
Ces faits sont « incompréhensibles
entre pays alliés », a renchéri le
porte-parole du gouvernement,
Stéphane Le Foll.
Ces événements surviennent le
jour même où le Parlement doit
adopter définitivement un projet
controversé sur le renseignement
qui légalise, selon ses détracteurs,
des pratiques contestables des ser-
vices au nom de l’antiterrorisme.
Selon les documents de WikiLeaks
publiés mardi soir par Libération
et Médiapart, les trois derniers pré-
sidents français, Jacques Chirac,
Nicolas Sarkozy et François Hol-
lande, mais aussi des ministres et
parlementaires ont été espionnés
par les Etats-Unis, au moins de
2006 à 2012.
L’entourage de Jacques Chirac a
indiqué à l’AFP que ces écoutes
américaines étaient « inacceptables
» et « choquantes ». « La France
a toujours agi vis-à-vis des Etats-
Unis dans un esprit d’amitié, de
confiance, d’indépendance et de
franchise », a-t-on ajouté de même
source.
Ces révélations jettent un nouveau
jour sur l’ampleur des écoutes con-
duites par la NSA, mais aussi la vul-
nérabilité des systèmes de commu-
nication gouvernementaux français.
Au coeur de l’affaire Snowden, en
2013, François Hollande l’assurait:
« Nous avons pris toutes les disposi-
tions, j’allais dire dès mon arrivée
aux responsabilités, pour que, tout
en gardant un téléphone, il puisse
rester sécurisé ».
Parmi les réactions les plus vives,
l’eurodéputé Renaud Muselier (Les
Républicains) a appelé à « ren-
voyer l’ambassadeur » américain à
Paris. Jean-Luc Mélenchon (Parti
de Gauche) et la présidente du FN
Marine Le Pen ont réclamé l’arrêt
des négociations sur le traité de
libre-échange UE-USA.
Plusieurs députés européens, mem-
bres d’EELV, ont également prôné
la suspension de ces négociations.
Semblant exclure une telle
hypothèse, Stéphane Le Foll a
appelé à garder « la mesure ».
La Maison Blanche a assuré mardi
soir qu’elle ne « ciblait pas » les
communications du président Hol-
lande et ne le ferait pas à l’avenir,
mais sans évoquer le passé.
« Les lecteurs français peuvent
s’attendre prochainement à
d’autres révélations précises et
importantes », a prévenu le fonda-
teur de Wikileaks, Julian Assange,
reclus dans l’ambassade d’Equateur
à Londres depuis trois ans.
Quant à l’entourage de l’ancien
président Nicolas Sarkozy, il a jugé
« ces méthodes » d’espionnage
« inacceptables en règle générale, et
plus particulièrement entre alliés ».
Classés « Top-Secret », les docu-
ments consistent notamment en
cinq rapports de la NSA, basés sur
des « interceptions de communica-
tion ».
Le plus récent date du 22 mai 2012,
juste après l’entrée en fonction de
M. Hollande. Il fait état de réunions
secrètes destinées à discuter d’une
éventuelle sortie de la Grèce de la
zone euro.
Selon la NSA, le chef de l’Etat avait
trouvé Angela Merkel - rencontrée
à Berlin le jour de son investiture
le 15 mai- “obnubilée” par la Grèce
qu’elle a « laissé tomber ».
Autre révélation, le président fran-
çais, après avoir rencontré Mme
Merkel, a invité à Paris le chef du
SPD Sigmar Gabriel. Son Premier
ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault,
lui conseille de garder l’événement
secret.
La NSA affirme que Nicolas Sar-
kozy se voyait « comme le seul à
pouvoir résoudre la crise finan-
cière mondiale » de 2008. Elle
assure encore que Jacques Chirac
prêtait à son ministre des Affaires
étrangères Philippe Douste-
Blazy, une « propension » aux
« déclarations inexactes et inoppor-
tunes ».
Colère au sommet de l'Etat français,
cible des grandes oreilles américaines
Manuel Valls à Bruxelles, le 18 mars 2015. / Photo: Frederic Sierakowski / ISOP / SIPAM
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 9
MONDE
L
e parquet de Naples a requis mercredi une peine de
cinq ans de prison contre l’ancien chef du gouverne-
ment italien Silvio Berlusconi, soupçonné d’avoir
acheté un sénateur, Sergio De Gregorio, pour faire
tomber le gouvernement de centre gauche de Romano
Prodi, poussé à la démission en mai 2008.
Le procureur Vincenzo Piscitelli a par ailleurs réclamé
une peine de quatre ans et quatre mois de prison pour
Valter Lavitola, un proche du “Cavaliere” qui aurait
remis trois millions d’euros, dont deux millions en
espèces, à Sergio De Gregorio, membre du parti de
l’Italie des Valeurs, en échange de sa défection.
Le jugement est attendu le 8 juillet.
Cinq ans de
prison requis
contre Silvio
Berlusconi
Cinq ans de prison requis contre Silvio Berlusconi.
10 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
ÉCONOMIE
Contraintes, opportunités et défaitismePar Henri Alphonse
La majorité de la population haïtienne vit dans la pauvreté. Et être pauvre, c’est se jouer des contraintes au jour
le jour. C’est convertir chaque contrainte en opportunité de survie. Ce tas d’équations à résoudre en permanence,
en termes de ressources et d’intégration sociale, constituent un réseau de contraintes qu’il faut bien affronter*. Et
convertir en opportunités de survie. La survie est à ce prix.
ENMARGED’UNEDÉPORTATIONANNONCÉE
C
’est ce que nous voulons
suggérer lorsque nous pré-
conisons de faire l’effort de
convertir en opportunité la
contrainte imposée par la nécessité
d’intégrer les dizaines de milliers de
déracinés de Saint-Domingue en terre
haïtienne. Si nous nous y mettons
sérieusement, nous pouvons – nous
devons – convertir la contrainte en
cette convenance en matière de temps
et d’espace qu’est l’opportunité. Nous
n’avons pas le choix.
Et chaque solution recherchée est
l’occasion d’agir sur la contrainte.
L’opportunité ne tombe pas du
ciel. Elle nait à partir d’un con-
cours de circonstances, dans le
cadre de réaction de cause à effet.
Pour Durkeim**, une contrainte
sociale est la pression exercée par
le fait social sur les individus. En
économie, la contrainte extérieure
est une limitation de la marge de
manœuvre qui est la contrepartie
de l’ouverture de l’économie.
Il peut s’agir, soit de la nécessité de
ne pas avoir une balance commer-
ciale trop durablement négative,
soit de recourir obligatoirement
à un choix de politique publique.
Toute la problématique est là.
Il existe un exercice, simple et
courant, qui est de mise dans
toute activité de conception de
projets. L’analyse des problèmes,
suivie de l’analyse des solutions.
Autrement dit, il y est question
d’identifier les états négatifs – les
contraintes - et de les transformer
en états positifs – l’opportunité
de changement ou d’amélioration
offerte. Comme pour le choix du
développement durable, c’est un
pari sur l’intelligence. Refuser de
croire que, dans les conditions
appropriées, tout changement est
possible, c’est se draper dans le
pessimisme, c’est dire non à la vie,
c’est faire défection. C’est devenir
défaitiste.
Evidemment que la déportation
de nos compatriotes, dans les
conditions que l’on déplore, est
un lourd fardeau. Et c’est juste-
ment la raison pour laquelle il
faut se pencher dessus avec dis-
cernement, sans préjugés, sans a
priori et transformer la contrainte
en opportunité. Opportunité
d’identifier les conditions sine qua
non du changement véritable au
profit de tous, avec ses critères et
ses règles du jeu. L’état de la situ-
ation socio-économique et envi-
ronnementale du pays, nos prob-
lèmes de gouvernance sont autant
d’éléments qui peuvent empêcher
ou limiter l’action.
Nous sommes en face de phé-
nomènes qui peuvent pousser
tout individu livré à lui-même à
agir contre sa volonté. Ensemble,
nous pouvons y faire face avec de
meilleurs résultats. Pourquoi faire
défection ? Des objections sont
formulées qui méritent qu’on si
attarde un peu.
La main-d’œuvre haïtienne
n’a pas l’expertise nécessaire
Nous faisons référence là à des
descendants d’agriculteurs, agri-
culteurs eux-mêmes qui nourris-
sent des générations d’Haïtiens
depuis plus de 200 ans. Excusez
du peu. Cette main-d’œuvre, elle a
travaillé sans agronomes, sans har-
nachement méthodique de l’eau,
sans crédit, sans étude de marché
…En République dominicaine, elle
a appris à travailler dans les condi-
tions optima de production. Elle
a fait la fortune des capitalistes
dominicains. Elle l’a fait au niveau
des fincas, ces grandes exploita-
tions agricoles.
Les fincas en RD, c’est le dada des
grands fonctionnaires, des mili-
taires haut-gradés. Ils veulent tous
en avoir. C’est un signe de réussite
socio-économique. Les haïtiens y
assurent la conduite de la produc-
tion et y vivent souvent sur place,
à la fois comme cadres moyens et
simples travailleurs. L’expertise, ils
l’acquièrent sur le tas.
L’incapacité de l’Etat haïtien
à les insérer dans une
dynamique de production
En l’an de grâce 2015, difficile de
ne pas savoir pourquoi. Pourquoi
il n’y a aucune politique publique,
ni investissement public, ni incita-
tion réelle à l’investissement privé,
encore moins d’offre de crédit agri-
cole. Les besoins en services de
bases ne sont pas satisfaites – une
lapalissade -, l’incapacité, dans les
conditions actuelles de gestion de
la chose publique, à les nourrir
alors que 40% seulement de la
population fait face à l’insécurité
alimentaire. Justement, pour les
60% restants, un effort efficient
ne devrait-il pas être planifié pour,
graduellement convertir cette con-
trainte en opportunité, sans perdre
de vue que tous doivent être sat-
isfaits.
Effectivement, la catastrophe du
12 janvier était une contrainte à
convertir en opportunité. Elle l’est
encore aujourd’hui. Et ce n’est pas
parce qu’on a eu les résultats que
l’on sait qu’il faut s’envelopper
souverainement du manteau de
… la défaite.
D’autant plus que tout s’explique,
notamment le fait que les organ-
isations et agences internationales
en ont bien profité. La différence
est énorme entre avoir une oppor-
tunité et convertir une situation
en opportunité. L’opportunité
ne tombe pas du ciel. Quand on
a la volonté de la trouver, on la
cherche. Prôner l’efficience socio-
économique, c’est faire quelque
chose de valable avec le peu qu’on
a. Intelligemment. Collectivement.
Vers le développement
durable et équitable
Et ce n’est pas l’annonce d’un plan
de contingence qui fera changer
nos comportements, tels qu’ils se
manifestent actuellement. Un plan
de contingence est préventif, pré-
dictif et réactif. Il propose tout un
ensemble de procédures alterna-
tives. Mais ce sont les hommes et
les institutions qui la mettent en
pratique.
La production agricole est la
transformation organisée de notre
milieu naturel afin de produire les
végétaux et les animaux qui nous
sont utiles, en particulier ceux qui
sont nécessaires à notre alimenta-
tion. Avons-nous suffisamment de
chromosomes pour le faire, pour
en déterminer les conditions de
faisabilité. Pleurnicher, n’arrange
personne, ni les déracinés, ni les
60% qui vivotent dans l’insécurité
alimentaire.
En d’autres termes, même le citoy-
en lambda en arrive à la conclusion
qu’il faut créer en Haïti même les
conditions qui attirent nos compa-
triotes à l’étranger. : Emploi sécuri-
sé, accès aux services sociaux de
base, protection sociale, opportu-
nités égales pour tous.
Il s‘agit là d’une série de contraint-
es – pardon de besoins – imposant
la recherche planifiée, intelligente
de solutions durables.
Albert Einstein ne croyait point,
au sens philosophique du terme,
à la liberté de l’homme. Chacun –
disait-il - agit non seulement sous
une contrainte extérieure, mais
aussi d’après une nécessité inté-
rieure.
Contrainte intérieure et nécessité
intérieure, soit on les concilie, soit
on disparait. L’opportunité désigne
le moment ou l’occasion favorable
pour faire ou saisir quelque chose.
Il est donc important d’être attentif
aux opportunités qui se présentent
dans n’importe quel domaine et
de les analyser pour déterminer
quelle est l’option la plus conven-
able.
Voilà ainsi posée – autant que faire
se pouvait - la problématique de
la distinction conceptuelle entre
contrainte et opportunité.
* Pour paraphraser Dominique
Bidou, ingénieur, démographe de
formation et consultant en dével-
oppement durable.
**Le français David Émile Dur-
kheim (15 avril 1858 - 15 novem-
bre 1917) est l’un des fondateurs
de la sociologie moderne.
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 11
ÉCONOMIE
L
e« Pays émergents » : la pater-
nité du terme est, en règle
générale, attribuée à Antoine
van Agtmael, économiste à
la Société Financière Internationale
qui voulait, par ce terme, faire la dis-
tinction à l’intérieur de la catégorie
des Pays En Développement (PED)
entre ceux qui présentaient des ris-
ques importants pour les investis-
seurs internationaux et ceux qui, au
contraire, pouvaient être des « terres
d’opportunités ». Il s’agissait dans
les années 1980 par la désignation
« pays émergents », de distinguer le
bon grain (pays à forte croissance,
faiblement endettés, dont le compte
de capital était suffisamment ouvert
pour accueillir des capitaux) de
l’ivraie (pays à faible croissance, crou-
lant sous le poids de la dette, relative-
ment fermé aux entrées de capitaux).
Les années 1980 et la crise de la
dette consacrèrent le terme qui par
la suite joua tant le rôle de « bon
signal » pour les investisseurs que
nombreux furent les PED qui le
mobilisèrent dans leur propre dis-
cours de politique économique ou
comme objectif de leur stratégie de
développement. On pense ici par
exemple au Maroc qui commanda
au Boston Consulting Group un
rapport « Plan émergence » dont
l’objectif était de mettre en évi-
dence les points forts du pays sur
lesquels pourraient s’appuyer un
processus d’émergence ou aux dis-
cours récents des dirigeants ango-
lais pour qui les 10% de croissance
annuelle moyenne sur la dernière
décennie laissent espérer un pro-
cessus d’émergence pour le pays.
Les 5 BRICS, 18 % du PIB mondial
Comment caractériser aujourd’hui
un pays émergent ? Une réponse
concise à cette question est diffi-
cile à formuler voire impossible. Il
suffirait, se dit-on, de se référer aux
listes de pays établies par les insti-
tutions internationales (Banque
Mondiale, FMI), les organismes
financiers (Goldman et Sachs) ou
groupe d’experts (Boston Consult-
ing Group, Standards and Poor’s),
pour cerner le contour de cette
catégorie de pays.
Or, depuis les années 1980, les
listes de pays émergents ne cessent
de se multiplier (chaque organ-
isme international à sa propre
liste de pays émergents), de se
renouveler [1], sans qu’il soit réel-
lement possible de les recouper
– excepté pour les indétrônables
Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique
du Sud (BRICS) qui y apparaissent
systématiquement – ou de repérer
des critères d’élaboration réelle-
ment communs. Ces listes mêlent
de grands et de petits pays (en
termes de taille et de population),
des pays rentiers et producteurs de
pétrole et des pays plus ou moins
insérés dans les échanges mondi-
aux.
Un point qui est pourtant acquis
est qu’il s’agit effectivement de
PED mais d’un genre particulier.
Or, sur ce dernier point, « la par-
ticularité du genre », il existe un
seul consensus : celui des per-
formances macroéconomiques
qui font de ces pays les nouvelles
locomotives de la croissance mon-
diale. En effet, les pays en dével-
oppement – dont les émergents –
représentent aujourd’hui 50% du
PIB mondial en parité de pouvoir
d’achat, 40% du PIB mondial en
valeur et 45% du commerce mon-
dial (WTR, 2013). À eux seuls les
5 BRICS représentent 18 % du
PIB mondial en parité de pouvoir
d’achat, 40 % de la population,
15% du commerce et 40 % des
réserves monétaires de la planète.
Les BRICS devraient assurer égale-
ment en 2015 selon le FMI plus de
60% de la croissance mondiale ce
qui naturellement n’est pas sans
bousculer les équilibres mondiaux
et renverser le rapport de force
Nord-Sud.
Au-delà des définitions parfois
floues la question qui se pose est :
l’émergence est-elle un processus
qui ouvre la voie au développement
? L’émergence est-elle une étape
du développement économique
qui s’apparente aux notions de
décollage économique, detake-off
ou de convergence que l’on retrou-
vait dans les théories économiques
explicatives du développement des
années 1960-1970 ? Il est néces-
saire de se demander quelle est
la pertinence de cette notion au
regard des processus explicatifs du
développement. Est-ce simplement
une notion qui permet d’élaborer
un rating aidant les investisseurs
internationaux dans leur place-
ment ou bien l’émergence est-elle
une construction politique que les
dirigeants de pays en développe-
ment mobilisent dans leur bilan
économique, ou enfin un concept
qui permet de comprendre les tra-
jectoires de développement, et qui
peut être théorisé pour en com-
prendre les mécanismes suscep-
tibles d’être reproductibles ?
En revenant sur l’ensemble des
critères que l’on trouve dans les
définitions qui fondent les catégo-
ries de pays émergents nous ver-
rons que la notion, parfois peu
maniable, n’offre pas toujours un
cadre rigoureux nécessaire à un
travail analytique.
Émergence, performance et
développement
La notion de « pays émergents »
a été élaborée dans une optique
« opérationnelle » : faire le tri
parmi les pays en développement
entre les bons et les mauvais
performeurs. Ce sont donc les
indicateurs macroéconomiques
de richesse et de performance à
l’international, et non les indica-
teurs de développement humain,
qui guident l’élaboration des
listes.Si on se réfère à la clas-
sification par niveau de revenu
national brut proposée par la
Banque mondiale (Méthode Atlas
- 2013), les pays émergents sont
plutôt issus des rangs de pays à
revenus moyens supérieurs (4086
dollars à 12 6015 dollars) ou de
revenus moyens inférieurs (1036
dollars à 4085 dollars). On notera
que le Chili et la Russie appartien-
nent au groupe des pays à revenus
élevés car leur RNB est supérieur
à 12 616 dollars qui est, selon la
Banque mondiale, le seuil établis-
sant la frontière entre pays dével-
oppés et pays en développement.
Il est cependant nécessaire de
manier avec prudence le critère
de richesse car il existe des pays
à revenus intermédiaires qui
sont des pays rentiers mais qui
n’entrent pas dans les nombreuses
listes de pays émergents, et des
pays émergents qui sont égale-
ment des pays rentiers comme
la Russie et qui y figurent (Ben-
sidoun, Lemoine, Ünal, 2009).
Se pose ainsi régulièrement la
question de classer ou pas comme
émergents des pays producteurs
de pétrole tels que l’Angola, le
Nigeria ou le Venezuela. Le Crédit
Agricole préfère classer le Nigeria
dans les « pays à forts potentiels
» alors qu’il apparaît pour Morgan
Stanley Capital International dans
celle des « Frontier Markets » [2]
ou encore dans celle des BENIVM
(Bangladesh, Éthiopie, Nigeria,
Indonésie, Vietnam, Mexique)
qui est la nouvelle proposition de
regroupement faîte à notre con-
naissance pour la première fois
par L. Daziano (2012) maître de
conférences à Sciences-Po Paris
pour qualifier de futurs émer-
gents (la Tribune, février 2013).
On notera la présence dans cette
dernière liste du Mexique qui est
le huitième pays producteur de
pétrole et qui apparaît selon les
classifications tantôt comme pays
émergent (on y salue alors plutôt
son insertion dans l’Accord de
Libre Echange Nord-Américain
(ALENA) , tantôt comme futur
émergent.
Si les pays émergents tendent donc
à être caractérisés par de bonnes
performances macroéconomiques,
cela ne doit pas masquer que, si
l’on prend en compte différents
indicateurs de développement
humain, ces pays restent claire-
ment des pays en voie de dévelop-
pement. Ainsi, en 2008, au Brésil,
6% de la population vivait avec
moins de 1,25 dollars par jour
alors que ce chiffre était de 13%
en Chine (173 millions de per-
sonnes) ; 25% de la population de
l’Asie de l’est vit dans l’extrême
pauvreté (hors Chine). Le Brésil,
la Chine, l’Afrique du Sud, le Mex-
ique enregistrent des coefficients
de Gini supérieurs à 50. On trouve
entre 10% et 20% des enfants qui
travaillent au Brésil, en Inde, en
Thaïlande, en Malaisie, etc. 21%
de la population est sous-alimen-
tée en Inde, 10% en Chine, 17% en
Thaïlande, 14% au Vietnam, etc.
La population rurale est de 38% du
total en Afrique du Sud et de 49%
en Chine alors que la part de la
valeur ajoutée de l’agriculture dans
le PIB de ces pays n’est respec-
tivement que de 3% et 10%. Les
chiffres de la population rurale
atteignent même 60% en Inde,
49% en Indonésie, alors que la
participation de l’agriculture à la
formation de la valeur ajoutée n’est
que d’environ 15% du PIB dans les
deux cas.
Parmi les critères de performance,
celui de « forte croissance sur le
long terme », souvent mobilisé
dans les définitions, montre
également ses limites. En effet, il
existe un grand nombre de pays
en développement dont les taux
de croissance ont été supérieurs
à la croissance mondiale pendant
dix années consécutives sans qu’ils
apparaissent généralement dans
les listes de pays émergents.
Notes
[1] À l’origine la liste BCG comp-
tait 14 pays, aujourd’hui plus de
35 pays peuvent être classés dans
la liste de pays émergents ou de
pays à fort potentiel. La valse des
entrants et des sortants des listes
est perpétuelle au fil des bonnes
ou mauvaises performances ou des
renversements politiques.
[2] Il existe depuis 1992 une caté-
gorie de pays les « Frontier Markets
» qui est une catégorie que l’on
peut qualifier de « pays aux limites
de l’émergence » dans laquelle des
pays de plus faible rentabilité sont
classés notamment par les institu-
tions financières comme Morgan
Stanley Capital International.
Les pays émergents : performance
ou développement ?Par Dalila Nicet-Chenaf / 1ere partie
Les « pays émergents » bouleversent aujourd’hui le paysage économique et politique mondial. Mais qu’est-ce
que l’« émergence » ? Derrière ce label associé à des pays très différents, voire disparates, existe-t-il une réalité
commune, voire une voie royale vers le développement ?
12 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
ÉCONOMIE
C
’est ainsi qu’on a assisté, tout
particulièrement à partir des
années 90, à l’émergence et
à l’affermissement progres-
sif d’organisations communautaires,
paysannes, de jeunes, de femmes, à
caractère syndical, mutualistes…
Les structures mutualistes
en Afrique
Ce dossier thématique ayant pour
sujet le rôle des mutuelles dans
la santé en Afrique, nous allons
privilégier l’analyse rapide des
structures mutualistes dans les
pays subsahariens. Sous leurs
formes actuelles, les mutualités
y sont des dispositifs récents,
même s’il existait de longue date
des mécanismes traditionnels,
comme les tontines, qui remplis-
saient d’une certaine façon ce rôle.
Les mutuelles telles qu’elles se
développent aujourd’hui, si elles
présentent certains caractères
originaux, ont pour modèles évi-
dents - en termes de structuration
et de fonctionnement - celles des
pays industrialisés. Mais les condi-
tions d’émergence et de développe-
ment de ces organisations sont très
différentes de ce qu’elles ont été
dans les pays du Nord, en tout cas
en Belgique.
Ici, si elles sont bien nées de com-
bats menés par le mouvement
ouvrier, comme elles naissent des
luttes des mouvements sociaux et
des organisations collectives dans
le Sud, bien des paramètres sont
différents. C’est ainsi que le mou-
vement mutualiste a émergé en
Belgique dans un contexte de pays
riche, d’État national fort, d’une
position concurrentielle interna-
tionale favorable, et d’une classe
ouvrière puissante et structurée.
Les mutualités ont été insérées
à la structure institutionnelle
du pays et sont depuis plusieurs
décennies des partenaires incon-
tournables des politiques de santé
publique. Les classes populaires
et moyennes disposant, au fur et
à mesure de l’enrichissement du
pays, de davantage de ressources
du fait de la redistribution plus ou
moins importante des richesses, le
financement des systèmes publics
de santé et des mutualités a été
possible, entre autres, par le biais
de la fiscalité.
Importance du collectif et de
la mise en réseau
Si l’on a assisté à des tentatives
de lancement de programmes
nationaux de développement des
mutuelles de santé, notamment
au Mali et au Sénégal, la majorité
de la population subsaharienne
disposant de peu de ressources,
ou vivant carrément sous le seuil
de pauvreté, il est difficile de faire
jouer les mêmes leviers que dans
les pays industrialisés. Cependant,
le prix des soins de santé étant un
fardeau toujours plus lourd pour
un nombre sans cesse croissant de
personnes fragilisées, ce qui a un
effet désastreux sur le développe-
ment des populations, il est impor-
tant de renforcer et de structurer
les organisations et mouvements
locaux et nationaux qui défendent
les politiques publiques et le droit
des personnes à accéder aux struc-
tures de santé.
Et la solidarité internationale y a
un rôle crucial à jouer. De fait, le
développement des mutuelles de
santé en Afrique subsaharienne se
fait, et c’est essentiel, dans le cadre
plus large de structures interna-
tionales, comme par exemple la
Concertation (un réseau de partage
d’informations et d’expériences
entre les acteurs du développement
des mutuelles de santé, touchant
onze pays d’Afrique de l’Ouest et
du Centre) ou le Programme STEP
du Bureau International du Travail
ou encore les programmes de coo-
pération allemande, française et
belge, parmi d’autres.
L’approche de solidarité
socialiste
Solidarité Socialiste privilégie une
approche basée sur l’initiative
communautaire. Avec l’appui de
l’Union Nationale des Mutualités
Socialistes, elle mène avec seize
partenaires un programme “Droit à
la santé” dans cinq pays d’Afrique
subsaharienne, le Burkina Faso,
le Sénégal, le Burundi, le Cap Vert
et la République Démocratique du
Congo. Ce programme comporte
un important volet mutualiste. Il
implique 153 organisations com-
munautaires, selon une approche
démocratique et participative, et
l’objectif d’un renforcement de
l’État de droit dans les pays con-
cernés. L’idée force est la suivante :
en perfectionnant leurs structures
et leurs capacités, les mutuelles de
santé, déployées en réseaux aux
échelons local, national et interna-
tional, se renforcent l’une l’autre,
et sont mieux à même d’améliorer
l’accès à la santé de leurs membres
et d’influer sur les politiques de
sécurité sociale et de santé pub-
lique en faveur des populations
démunies, dans les régions et dans
les pays où elles développent leurs
activités.
Si les structures mutualistes
appuyées sont généralement de
petite taille, vu la faiblesse des
moyens des populations, le lien
social est très fort et les affiliés,
dont la participation est fortement
encouragée et constitue même un
élément essentiel du processus,
sont à même d’en maîtriser mieux
le fonctionnement. D’autant plus
que ces mutuelles s’inscrivent
dans un processus plus large, où
s’intègre le volet économique et
dans lequel l’aspect formation
et éducation populaire est très
important. D’un point de vue
économique, par le biais notam-
ment de mutuelles de crédit parte-
naires de l’action et/ou par le biais
de fonds rotatifs, Solidarité Social-
iste vise à renforcer les capacités
de contribution des adhérents aux
mutuelles, par la mise en place
d’activités économiques générant
des revenus. D’un point de vue
éducation et formation, l’objectif
est double : d’une part, faire
prendre conscience aux popula-
tions de l’intérêt que constituent
la solidarité et la mutualisation
des risques ainsi que la force et la
capacité d’influence que leur con-
fère l’action collective vis-à-vis des
municipalités et autres pouvoirs
publics, d’autre part, accroître
les compétences et l’expertise des
mutualistes.
Au Burkina Faso
Au Burkina Faso, le gouverne-
ment planche sur un dispositif
d’assurance maladie universelle,
et a créé dans ce sens un Secré-
tariat permanent, auquel parti-
cipent ASMADE, partenaire de
Solidarité Socialiste, ainsi qu’un
certain nombre de mutuelles de
santé actives dans le programme.
Le ministère des Affaires socia-
les pousse à la formalisation de
ce cadre sous la pression entre
autres d’ASMADE. Parallèlement,
un autre cadre de concertation a
été mis en place au niveau national
par les mutuelles de santé elles-
mêmes.
C’est ainsi qu’on assiste à un
double mouvement : du haut vers
le bas et du bas vers le haut, pour
la mise en réseaux des mutuelles,
visant la moindre dispersion des
initiatives, une plus grande effi-
cacité et une économie d’échelle
qui permettraient aux bénéficiaires
de disposer d’une meilleure qualité
des soins à un coût plus abord-
able. L’implication des populations
dans le programme des mutu-
elles de santé est de plus en plus
importante, la militance s’accroît.
Le couplage à des programmes
économiques permet d’augmenter
la contribution personnelle des
membres et d’élargir par la même
occasion, selon les besoins, la
gamme des prestations assurées
par les organisations mutualistes.
L’on assiste à des changements de
comportement et d’esprit, comme
un moindre appel aux praticiens
traditionnels et au marché noir,
une plus grande fréquentation des
postes de santé (plus accessibles
et aux tarifs moins volatils), une
motivation plus grande du person-
nel de santé. La confiance dans les
mutuelles est plus forte, certaines
personnes n’hésitant plus à cotiser
pour une adhésion à long terme
(jusqu’à cinq ans). Des résultats
concrets sont ainsi obtenus, frag-
iles et inégaux, mais réels : une
diminution visible de la mortalité
infantile et maternelle, et une amé-
lioration de l’état sanitaire général
des populations bénéficiant des
programmes mutualistes.
Au Burundi
La force du programme de mutu-
elles de santé au Burundi est qu’il
s’appuie sur une structure bien
organisée, structurée de la base
au sommet, avec un système de
représentation nationale. L’un des
deux partenaires du programme
est la Confédération Nationale des
Caféiculteurs (CNAC). Les pro-
ducteurs organisés au sein de la
CNAC sont plus de 100.000, et leur
nombre grossit chaque jour.
Avec ADISCO, l’autre partenaire du
programme au Burundi, l’objectif
de la CNAC est de mettre en place
vingt-cinq mutuelles de santé, de
structurer leur mise en réseau, et
d’appuyer leurs revendications et
leurs actions pour améliorer l’accès
de leurs membres à des soins de
santé de qualité. Les mutuelles
comptent, en moyenne, entre 250
et 300 membres. Des conventions
sont systématiquement signées
avec les prestataires de soins et
déterminent notamment les tarifs
et les remboursements.
A côté de cela, le programme
finance des petites activités
génératrices de revenus par le biais
de fonds rotatifs. Tout un travail de
plaidoyer et de revendication est
aussi mené pour mettre en place
une politique d’appui officielle aux
mutuelles de santé afin qu’elles
puissent jouer un rôle important
dans le cadre d’une concerta-
tion dans la définition d’un futur
système de protection sociale à
l’échelle nationale. Le tout accom-
pagné d’un important aspect de
formation et de renforcement des
capacités, et dans le cadre d’une
action internationale en réseau.
ALTERNATIVES
La santé en Afrique : le rôle des mutuelles
Source : solsoc.be / 2ème partie
Suite à l’affaiblissement des États, ou au détournement de leurs moyens en faveur de politiques et d’intérêts
allant à l’encontre du bien commun, des secteurs importants de la société civile du Sud se sont mobilisés pour
faire entendre la voix des populations, et notamment des plus pauvres parmi elles.
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
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25 JEUDI 25 JUIN 2015
SOCIÉTÉ
C
rick ! Crack !... Il était une fois, Oswald devait écrire des alexandrins à
Choucoune. Le pauvre… Que c’était mignon ! Presque un art de faire,
de séduire et conquérir l’élue de son cœur! Époque record des peaux
de fesses mordues par les chiens de garde, la nuit ! Ils en disent quoi,
nos jeunes haïtiens, aujourd’hui ? « Radote ! ». Avec raison, messieurs-dames
la société. Pourquoi s’emmerder lorsqu’à présent, l’équation magnifique
existe : (appareils électroniques + services de communication) x (réseaux
sociaux – honnêteté) = Ti Mamoune conquise à . Dommage, les chiens ! Le
processus est simple : choisissez une femelle que vous ne connaissez ni en
peintre ni en peinture et envoyez-lui une demande d’ami. Zéro problème si
mademoiselle (qui avait l’air de sortir tout droit d’un catalogue sur le web)
est en fait une véritable guenon au rendez-vous de face à face tant attendu !
High-tech drague, bébé !
On ne se contente plus de la voisine d’en face. Le pourquoi ? Concur-
rence internationale. Oh oui ! Explication : sachez que, assis sur son
WC, monsieur Don Juan (super cute, en passant) courtise aussi la
chinoise en même temps que la voisine. Et non, monsieur ne parlez pas
le mandarin! Un petit génie a inventé Google traduction. N’est-elle pas
belle, la vie ? Attendez la suite : jadis, il fallait attendre une éternité
avant de pouvoir baiser… pardon !... pourvoir embrasser la donzelle
(là encore c’est à condition d’être entré dans les bonnes grâces de
celle dite convoitée). Maintenant (avec les réseaux sociaux), il suffit de
faire copie/coller du même message enflammé et l’envoyer à plusieurs
tourterelles simultanément. Le temps de décoller son arrière train du
WC, quelques-unes ont déjà mordu à l’hameçon. Amen!
Ah, les parents! S’ils voyaient les messages que le fils du pasteur
envoyait à leurs jouvencelles! Bon (timoun) devant l’Éternel, ce garçon!
Bon dans tous les sens du terme, le confirmera la fille de quatorze ans
que vous chérissez, après le sexe par textos. Ne vous en faites pas!
C’est juste un ultimatum posé à sa virginité. Les sextos à minuit… Rien
d’alarmant! Poursuivons : qui a dit qu’ils sont des (gros souliers), nos
paysans qui disaient à la belle : « J’ai cinq bœufs, dix cabris, vingt
poules et tu pourras boire du lait fraichement tiré chaque matin » ?
Ils sont des petits (tennis), nos gros (zouzounes) qui racontent aux
femelles « J’ai cinq maisons, dix voitures, vingt femmes de chambre
et tu pourras boire du vin longuement fermenté toute la journée » ? Ils
appellent cela « casse boa » à l’oreille de la demoiselle. A ce rythme-
là, les mecs, elles seront toutes sourdes. Que dit-on des femmes qui
courtisent les hommes? Et bien ça, c’est une toute autre histoire,
mes amis… C’est d’ailleurs en passant par là que Le temps des jeunes
femmes a reçu un coup de pied pour atterrir dans ce journal et parler
de ces petites observations.
T
rottoirs, marchés publics :
en voilà deux lieux à Port-
au-Prince, désormais, qui se
rapprochent graduellement
de sorte que l’un peut être substi-
tué à l’autre. Et pourtant, au départ,
ces deux vocables n’ont apparem-
ment aucune contiguïté, aucun
sens commun. Traditionnellement
l’on va au marché pour faire des
achats. Le trottoir est en revanche
fait pour les piétons. Pas pour le
petit commerce ou autres. Un étu-
diant qui passe fréquemment près
du stade Sylvio Cator, lieu de notre
investigation, partage ses préoccupa-
tions : « un simple oubli de soi, d’au
moins 30 secondes, suffit pour causer
la mort de quelqu’un à travers les
rues ». Il a justifié cela par le fait que
les chauffeurs conduisent avec beau-
coup d’imprudence, et surtout les
« taxi moto » qui n’ont aucun souci
pour les piétons. « Sur les trottoirs,
on n’est même pas à l’abri, que dire
si l’on marche au milieu même des
rues ? », s’interroge le futur cadre.
« Mais il y aurait une quelconque
raison portant les gens à vendre sur
les trottoirs ».
 Une femme tient devant elle une
brouette remplie de gazeuses
et de sachets d’eau. C’est la
première à nous parler mais elle
veut garder l’anonymat. « Avant,
je vendais dans un marché moi »,
a-t-elle lâché. Mais pourquoi
elle aurait quitté le marché pour
venir sur ces trottoirs ? Elle
répond : « quand on a une place
au marché, on doit s’attendre
à tout moment à un « coup de
poudre », mais ici il n’y a pas ça ».
Voilà pourquoi cette jeune femme
vend dans les rues, près du stade
Sylvio Cator. Mais selon un autre
commerçant qui vend des appareils
électroniques, la raison de sa
présence sur le trottoir est bien
simple : « les places sont trop
chères dans les marchés ». « Alors
qu’ici on ne paie rien », ajoute-t-il. «
Lajan bank paka fè tout bagay sa yo
», a lancé une femme qui vend des
fripes. « Et d’ailleurs, ajoute-t-elle,
il est plus facile de vendre ici ».
Ils subissent toute sorte de tortures
sur les trottoirs. « Les policiers
nous bastonnent souvent ici », a
déclaré l’un de ces commerçants.
Parfois, ils emportent tout ce dont
nous possédons. Pour récupérer
nos marchandises, nous devons
nous rendre à la Mairie qui réclame
une somme en guise de pénalité.
« Mais ils n’ont pas à nous battre,
il faut penser à nous donner
un autre espace », martèle une
jeune fille vendeuse de produits
cosmétiques. Ces petits détaillants
se disent prêts à quitter les trottoirs
connaissant d’ailleurs le danger
qu’ils encourent.
Mais pour l’instant ils sont là. Ils
vendent tout sur ces trottoirs :
produits cosmétiques, appareils
électroniques, fripes, chaussures,
sous-vêtements, boissons… il y a
une « croix des bossales » qui se
dessine sur les trottoirs à Port-
au-Prince avec tous ses dangers.
Cette « croix des bossales », près
de l’unique stade du pays, est déjà
un fait qui doit retenir l’attention
de tout un chacun.
High-tech draguepar EDNA BLAISE
Nouveaux marchés
publics à Port-au-Prince
par Ritzamarum Zetrenne
De nos jours, à Port-au-Prince, les trottoirs sont de plus
en plus occupés par de petits commerçants. Il semble
que ceux-ci préfèrent bien la rue que les marchés. Ou
peut-être, ils n’ont pas le choix et sont obligés de faire
des trottoirs leur lieu de vente de prédilection. L’on est
sûr au moins d’une chose : les trottoirs sont devenus
désormais de tous nouveaux marchés publics à Port-
au-Prince.
HAÏTISOCIÉTÉ
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 15
SOCIÉTÉ
Perpétuel secours et déportations massives
par Pierre Clitandre
HAÏTISOCIÉTÉ/RELIGION
L’Image religieuse catholique la plus vénérée en Haïti est celle de la Vierge : Notre Dame du Perpétuel Secours.
Elle l’était bien avant le séisme qui a ravagé la Capitale, le 12 janvier 2010. L’histoire rapporte qu’une épidémie
de petite vérole frappait durement la population de la Capitale. Les autorités religieuses catholiques de Port-au-
Prince, ont eu l’idée de faire pèlerinage, à travers les rues, avec l’icône de la Vierge du Perpétuel Secours.
L
’égliseoùlaViergeduPerpétuel
Secours est adorée est toujours
pleine de fidèles. Ils viennent
de partout: de la province rec-
ulée, des quartiers environnants de
la ville, de la diaspora. On y apporte
toutes formes de remerciements pour
les bienfaits de la Vierge : un mar-
iage, une voiture, un terrain, un visa,
un compte en banque, un travail, la
guérison d’une maladie. Et la chance
apportée.
La grande vénération pour la
Vierge du Perpétuel Secours est
née après que l’épidémie de petite
vérole aurait cessé en intensité
jusqu’à disparaître complètement
à la grande satisfaction des port-
aux-princiens
Cependant le séisme du 12 janvier
2010 n’a pas épargné cette église.
Mise à terre comme le Sacré-Cœur
de Turgeau, le Saint Gérard de
Carrefour-Feuilles, la Sainte-Anne
de Morne à Tuf ou la cathédrale
de Port-au-Prince, l’église de la
Vierge du Perpétuel Secours a,
dans des hangars provisoires, con-
tinué ses messes d’adoration qui
sont demeurées très ferventes.
Des jeunes résidents de la zone
ont rapporté que des bandes de
rara, après le séisme, ont composé
des chansons grivoises non pas
directement contre la Vierge mais
du fait qu’on aurait découvert,
sous les décombres du presby-
tère, des objets insolites, sexuels
et autres machins douteux inadap-
tés aux lieux.
D’OU VIENT L’IMAGE?
L’image n’était pas fabriquée en
Haïti pour chasser du pays la
petite vérole. Elle daterait du
14e siècle européen si l’on tient
compte de son aspect bizantin
dans le traitement des vêtements.
Elle serait un peu proche de Fra
Angelico, peintre italien religieux
annonçant les grandes œuvres de
Michel Ange. L’icône semblait être
réalisée pour l’église catholique
en Europe (France, Italie) entre le
moyen-âge et la renaissance.
L’élite haïtienne et les intellec-
tuels de l’époque n’avaient pas dit
le plus simple mot sur une image
qui n’avait rien à voir avec notre
archétype collectif et racial. La
décision de consécration n’était
pourtant pas simpliste. Au Bel-
Air, quartier d’intellectuels et de
“frères maçons”, l’affaire devrait
prendre une dimension de débat
global. Mais, dans l’accablement
de la petite vérole, l’image est
passée comme une lettre à la
poste. Le clergé Indigène ne s’était
pas prononcé sur l’icône, alors que
partout on proclamait l’ère de la
nationalisation et de l’indigénisme
de nos arts. La négritude était le
cheval de bataille de ceux qui
disaient défendre l’indépendance
et l’authenticité culturelle du
pays. Où étaient passés les Griots
des années quarante?
UNE ICONE RARE SUR LE MARCHÉ
L’icône a t-elle été promenée dans
les rues du pays contre l’épidémie
du choléra? On n’en sait rien.
Est-elle promenée, ces derniers
jours, contre les déportations
massives d’Haïtiens de la Répub-
lique dominicaine? Dans nos rues
ravagées par le séisme, peut-on
espérer de la Vierge un secours
pour la reconstruction de la Capi-
tale?
On peut décrire ainsi l’image de la
Vierge du Perpétuel Secours. Une
mère qui tient son enfant sur son
bras gauche tandis que celui-ci
retient le pouce de la Vierge de ses
deux mains. L’enfant a la jambe
droite un peu raide. Il perd une
sandale. L’enfant et la mère ne se
regardent pas. Il y a deux éléments
qui ne sont pas religieusement
standardisés. Le premier est le
pouce entouré des deux mains. Le
second est la sandale qui tombe.
Il n’est pas aisé de dire pour nos
lecteurs ce que peut signifier le
pouce entouré des deux mains.
On y décèle, toutefois, une sug-
gestive motricité. Le spectateur
aboutira, immanquablement, à
une conclusion certaine au sujet
de la sandale perdue. C’est une
perte d’énergie.
Cette image est l’une des plus
rares à trouver dans nos marchés
publics et les boutiques d’objets
votifs. On l’achète comme de
petits pains.
L’image a traversé le temps. Elle
a cohabité avec des familles et
a apporté un peu de bonheur
passager dans des moments
d’angoisse et de solitude. Il est
plus aisé d’affirmer que la belle
européenne ne ressemble pas à
une haïtienne. Alors, pourquoi
sommes-nous restés fascinés par
son “canon esthétique”? A moins
que l’image ne réponde à un fan-
tasme que comprendrait mieux
Frantz Fanon dans son livre : Peau
noire, masque blanc…
Nous ne partageons pas les
envolées d’un protestantisme
fanatique qui traite les images
de saintes catholiques « d’idoles
du diable » ou de Jézabel des
envoûtements les plus difficiles à
guérir! Quand nos pasteurs protes-
tants auront le courage de traiter
la statue de la Liberté dans la baie
de New-York avec la même verve
contre nos Erzulie, nous dirons,
enfin, qu’ils sont sur le chemin
des “vérités universelles”.
Mais, qu’en est-il des “Frères
maçons”? Selon nos informations,
ils ont des prières en honneur à
La Vierge Immaculée, la Patronne
d’Haïti. L’image de la Patronne
est celle d’une femme pieuse à la
sortie d’une…grotte! La grotte est
un symbole important pour les
psychanalystes.
On nous rapporte que dans cer-
taines loges, on ne célèbre plus
ni les Vierges catholiques, ni les
Erzulies. Mais plutôt Isthar, une
entité féminine qui apporterait
plus facilement la prospérité et
les biens matériels.
Dans cette maison de la quête
médiatique de notre identité
nationale, la Vierge Immaculée,
la Patronne d’Haïti, soucieuse de
la recrudescence en série de nos
catastrophes: séisme, choléra,
déportations, peut aider ceux qui
croient en ses miracles à aller de
victoire en succès. Il y a toujours
une femme derrière les grandes
œuvres!
Au Bel-Air de l’écrivain du chaos
Frankétienne, l’excès de désir
peut accabler considérablement
les lieux de résistance personnelle
et collective d’un pays mis
tragiquement à genou. Il nous
faut, me semble t-il, une concep-
tion plus haute et plus élaborée
du baiser!…
...
16 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
SOCIÉTÉ
I
ls sont au nombre de 111 pension-
naires âgés d’au moins 65 ans qui
viventdanscetasile.Quatre-vingts
d’entre eux sont abandonnés par
leurs familles. Et la majorité souffre
d’un handicap physique. D’autres
sont diabétiques, hypertendus ou
atteints d’Alzheimer et/ou d’une autre
maladie. Des pathologies qui nécess-
iteraient une prise en charge sérieuse
avec emphase sur une alimentation
équilibrée, rythmée et contrôlée.
Cependant, dans cet espace où sont
logés les pensionnaires, tout le monde
déguste le même menu tous les
jours : riz, pois et sauce, si possible.
Une nourriture dite « nourriture pour-
tout-le-monde », préparée régulière-
ment avec les mêmes ingrédients.
Assis sur son lit sans couverture,
dans une salle commune avec 11
autres pensionnaires, Serge Castor
se dit insatisfait des conditions
dans lesquelles il vit. « Je mange
du sucre en attendant la nourriture,
car je n’ai rien pris depuis ce
matin », se plaint-il. Il a 75 ans
et est hébergé à l’Asile depuis dix
ans environ. Proche parent de
l’ancienne vedette sportive Sylvio
Cator, cet ancien employé de
la Chambre du commerce et de
l’industrie explique que son sort
ne s’améliore qu’en présence des
missionnaires. Ceux-ci lui font don
d’un peu d’argent, de bonbons et
d’un repas convenable.
En termes de loisir, ce sexagénaire
a expliqué qu’il n’en existe aucun
dans ce centre. Pourtant il raconte
avoir souvent envie de jouer aux
cartes et aux dominos. Dans cet
asile où il partage son quotidien
avec les autres pensionnaires,
les responsables, dit-il, n’ont pris
aucune disposition pour assurer sa
détente.
« Je suis diabétique et hyperten-
du… les médecins m’ont interdit,
explique-t-il, de consommer du
café, trop de sel, de sucre. Cepen-
dant, ici, il est impossible de me
soumettre à un régime alimentaire
équilibré », s’inquiète-t-il. «
Hormis le café, je mange tout ce
qui est servi », explique la veuve
Ruth Simon, une autre pension-
naire hébergée à l’asile, depuis un
an, suite à la mort de son mari.
« Nous avons 12 pensionnaires
sous la surveillance de trois ou
quatre responsables par salle.
Vêtements, chaussures… tout est
partagé », explique M. Gaspard
Marcellus, intendant de l’Asile,
signalant que les vêtements
n’appartiennent à personne.
« Nous ne sommes pas en mesure
d’acheter des vêtements pour
chaque pensionnaire », regrette-
t-il.
Il s’agit, selon Fritz Dufresne,
directeur de l’Asile communal
de Port-au-Prince, d’un centre
d’hébergement pour les personnes
du troisième âge qui ne peut offrir
un bien meilleur traitement que
cela.
« Nous assurons l’administration
de l’Asile, explique-t-il, avec 55
personnes, dont 10 infirmières. Le
budget ne répond pas vraiment aux
besoins des pensionnaires, mais
grâce aux dons et aux repas chauds
que nous recevons de la part des
missionnaires, nous assurons les
besoins primaires et les soins
nécessaires », ajoute-t-il.
Le directeur a profité de notre
passage pour expliquer comment
ces vieillards atterrissent dans ce
centre. « Pour la plupart, dit-il, ils
ont été retrouvés dans la rue par des
passants, journalistes, agents de la
mairie, policiers qui les ramènent
ici. On les reçoit, s’il y a des lits
disponibles. Des fois, on demande
à quelques-uns de venir avec leurs
lits. »
En termes d’infrastructure, trois
bâtiments abritent l’Asile. À
l’intérieur, une mini pharmacie
quasiment vide s’offre au regard
curieux des passants. Pas un seul
véhicule pour le transport des
pensionnaires. « En cas d’urgence,
conclut froidement M. Marcellus,
l’Asile loue un « taptap ».
Une autre catégorie délaisséepar Bob S. SIMON
HAÏTI/PERSONNESDU3EÂGE
Les résidents des asiles communaux en Haïti évoluent dans des conditions difficiles. Une simple visite permet de
constater les nombreux manques auxquels sont confrontés nos aînés démunis. À l’Asile communal de Port-au-
Prince, sous les yeux des autorités, la situation qui prévaut ne diffère pas de celle des autres asiles.
...
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 17
CULTURE
La colère et l'indignation face au crime
de l'occupation américaine d'Haïti
Par Dangelo Néard
L
’État haïtien jusqu’à présent, si
ce n’est quelques conférences
organisées à la Bibliothèque
nationale et quelques poignées
de main échangées à l’ambassade
américaine, ne manifeste aucune
volonté réelle de marquer les cent ans
de l’occupation américaine en Haïti.
Peut-être même qu’en juillet,
parce qu’on a l’argent pour ces
choses-là, on aura droit à un car-
naval de « gouyad » en bonne et
due forme. Tout le monde sera au
Champ-de-mars, on viendra avec
les enfants, on sera content, le
chef de l’État chantera et dansera
et toute sa famille et les ministres
suivront. On a dit « peut-être », on
espère que tout ce qui est dit là ne
restera qu’au stade du pronostic
facile et vulgaire.
Entre-temps, des citoyens
agissent
Rodolphe Mathurin est écrivain
et professeur de mathématiques
de carrière. En face de chez lui, à
la rue Camelot, à quelques encab-
lures de la faculté de Linguistique
appliquée, entre des pancartes
avec des inscriptions appelant à
la colère et à l’indignation, on voit
deux portes qui se cherchent une
carrure. Sur l’une d’elle, le bico-
lore haïtien est en bandoulière
sous la mention 1915-2015, en
bas de cette porte nous lisons «
nou bouke, sa n ap fè ».
Sur l’autre porte, nous voyons
ce qu’il reste d’un mannequin
en jeans, torse nu, attaché par
une corde à la porte. Le sym-
bolisme est fort. Il porte la
mémoire de l’assassinat de l’un
des plus farouches opposants
à l’occupation américaine
d’Haïti : Charlemagne Péralte.
Ce mannequin sur cette porte
rappelle que Charlemagne Péralte
a été trahi par l’un de ses proches
Jean Conzé. Ce mannequin
sur cette porte rappelle que
Charlemagne Péralte a été cloué
à une porte par des soldats
américains pour y être fusillé
lâchement. Ensuite, son cadavre
a été conduit, trainé doit-on dire
jusqu’au Cap-Haïtien. C’était le
trophée des marines, il fallait
montrer à tout le peuple le sort
qui était réservé aux opposants.
Mais plus loin dans l’analyse, le
geste de Rodolphe Mathurin dit
toutes les horreurs de l’occupation.
Le pillage systématique des res-
sources d’Haïti, l’ouverture du
marché haïtien au libéralisme,
le kidnapping et l’assassinat des
opposants et la liste peut-être
longue, très longue.
Nous parlons quand même de 19
ans d’exploitations et d’horreurs.
Le geste de Rodolphe Mathurin
dit que même si l’actualité nous
enferme dans la tourmente des
élections, même si l’État haï-
tien refuse de nommer le mal
de l’occupation américaine , des
citoyens, un peu partout à trav-
ers le pays, peuvent monter aux
créneaux et marquer la mémoire
collective, dire l’innommable.
Aux environs du Bois-Verna, à
la rue Camelot, une exposition
hors déclaration ministérielle dit
qu’il ne faut pas chercher dans
le présent-présent le drame du
peuple haïtien.
À bien y regarder, si toute Haïti
est concentrée à Port-au-Prince,
c’est la faute en grande partie
aux Américains. Si beaucoup de
ports des villes de province sont
dysfonctionnels, c’est la faute en
grande partie aux Américains,
si l’économie haïtienne est sous
intraveineuse et vit de la manne
de l’aide internationale, c’est la
faute en grande partie aux Améri-
cains.
L’écrivain-citoyen Rodolphe
Mathurin a dit depuis son lieu,
et sa démarche doit être inscrite
dans l’exemplarité, qu’Haïti a
été mise à genoux par le peuple
américain.
Oui, Rodolphe, on doit s’indigner,
se mettre en colère, oui Rodolphe
les américains nous ont fait du
mal ; Fok nou sonje…
La porte des indignés.
Un certain 28 Juillet de l’année 1915, à la rade de Bizoton, des soldats américains ont débarqué. Ils n’étaient pas
venus faire le gentil touriste américain, ils étaient venus piller. Armés comme on ne peut pas l’être, animés de
haine, de racisme, emmaillotés dans la rage de l’impérialisme, les soldats étoilés allaient rester sur le territoire
haïtien pendant dix-neuf ans. Juillet 2015 est la porte d’à côté. Cent ans depuis que les Yankees s’étaient installés
ici. Pour sauver la mémoire historique et la dignité nationale, quelques citoyens haïtiens, hors d’un train de
mesures officielles, jettent des pavés dans la mare et appellent à l’indignation et à la colère.
18 | N0
25 JEUDI 25 JUIN 2015
CULTURE
U
n concert gratuit au Champ-
de-Mars que nous offrent les
productions Big O d’Olivier
Martelly et Swizz Beatz.
Pour quelle occasion ?
Mario Viau fils, un autre pro-
ducteur, a annoncé dans un tweet
que les deux rappeurs seront en
Haïti pour un concert le 26 juin
au Champ de Mars et coûteront
la somme de 1 million de dollars
US environ. Il avait organisé le
concert de Sean Paul en décembre
2012.
En plus, les rappeurs exigeront
des promoteurs de Big O, un jet
privé, transport, hôtel, sécurité,
etc. ça a provoqué un véritable
tollé sur les réseaux depuis
l’annonce de ce concert qui
choque sur l’enveloppe demandée
par les représentants des stars.
Une belle occasion pour ces fans
des deux rappeurs de les voir
évoluer au Champ-de-Mars. Mais,
que de questions se posent à
un moment où le pays traverse
péniblement une crise du « dollar
» et du refoulement de nos compa-
triotes qui vivent en République
Dominicaine.
Répondant à des questions de
Ticket magazine, le principal
responsable de BigO, Olivier Mar-
telly a expliqué « qu’il a eu long-
temps déjà la chance de rencontrer
plusieurs promoteurs, dont Swizz
Beatz, qui s’intéressent à Haïti ».
Et c’est ainsi qu’ils ont travaillé
ensemble sur une liste, bâtie par
Olivier, des stars populaires en
Haïti. Ensuite il a reçu un e-mail
sur le projet. « Le mois dernier, à
ma grande surprise, Swiss Beatz
m’a proposé Lil Wayne et Chris
Brown à la seule condition que le
concert soit gratuit », déclare le
fils du président haïtien.
M. Olivier a fait savoir qu’il ne faut
pas se fier à tout ce qui dit sur
internet sans pour autant démen-
tir la somme et les exigences des
rappeurs américains.
Un animateur de radio très bran-
ché et très populaire, contacté
pour être le Mc de ce concert le
vendredi 26 juin, n’est pas trop
intéressé, trouvant le moment
inopportun. Devant se rendre
aux États-Unis à la même date,
avons-nous appris, on lui offre
une enveloppe « bien chargée »
pour qu’il reste faire la fête !
Présentons les rappeurs :
Lil Wayne, de son vrai nom
Dwayne Michael Carter Jr, est né
le 27 septembre 1982 à La Nou-
velle-Orléans, Louisiane, rappeur,
producteur de musique et entre-
preneur américain.
En activité depuis le milieu des
années 1990, il est particulière-
ment connu pour sa quadrilogie
Tha Carter, son flow grinçant, ses
métaphores typées, ses jeux de
mots caractéristiques, ses com-
paraisons et le label Young Money
Entertainment dont il est le fonda-
teur. Sa fortune est estimée à 140
millions de dollars.
Christopher Maurice « Chris »
Brown, né le 5 mai 1989 à Tap-
pahannock (Virgi- nie), est un
chanteur, danseur-chorégraphe,
auteur-compositeur-interprète,
acteur, rappeur et réalisateur
américain. Débutant dans le
chant et la danse dès son jeune
âge. Brown signe avec le label Jive
Records en 2004, et fait paraî-
tre son premier album éponyme
l’année suivante.
Il atteint la seconde place du
Billboard 200 américain, et est
plus tard certifié double disque de
platine par la Recording Industry
Association of America (RIAA).
Avec son premier single Run It!
En pôle position du Billboard Hot
100 américain, Brown devient le
premier musicien, depuis Diddy
en 1997, dont le premier single
se classe en première position. Sa
fortune est estimée à 30 millions
de dollars.
Lil Wayne et Chris Brown en HaïtiPar Walcam
C’est sur les réseaux que l’annonce tombe pour la première fois. Les rappeurs américains « Lil Wayne et Chris
Brown attendus en Haïti pour un concert le 26 juin ».
Chris Brown.
Lil wayne.
JEUDI 25 JUIN 2015 N0
25 | 19
CULTURE
Gasner Raymond
par son œuvre « Rosita »Par Carl-Henry Pierre
«
Rosita », négresse leoganaise,
laisse sa campagne à 22 ans et
s’installe à Port-au-Prince avec
sa mère sor charité . Elle vit en
placage, tout en le trompant, avec un
certain Lebon, mais elle a mis tout
cela sous les comptes de « cousin-
zaka ». Lebon est arrêté injustement
et disparait des yeux de tous, suite à
ses disputes avec Rosita après l’avoir
surprise avec un curé. Peu de temps
après, Rosita vit avec un riche député
du nom de Kepler mombin. Rosita,
ambitieuse de se son état, en vient
même à éliminer l’épouse du député
par le biais d’une société maléfique.
Une société « Zo-bop ». Kepler n’a pas
été réélu aux élections législatives et
mourut par la suite. Les projets de
Rosita _ avoir une belle contessa,
habiter une petite maison à Bois-
verna_ tombaient dans l’eau. Rosita,
malade et déçue, se prostitue un bout
de temps et s’efface dans le milieu.
La nouvelle « Rosita » est écrite
en aout 1975. Cette nouvelle se
termine presqu’à la « Thérèse en
mille morceaux » de lyonel trouil-
lot. Les quatre autres nouvelles
mettent en relief la question des
préjugés de couleurs, le rapport
de l’homme avec le pouvoir, les
gabegies administratives, les mas-
sacres et les affaires. C’est tout
un pan d’histoire d’Haïti qu’il
nous fait visiter à un moment où
le rara était au service du satyre
social. Ces tableaux, il nous les
peints brièvement et par endroit,
humoristiquement, où l’on peut
même voir entre les lignes le style
de Mona Guérin.
Dans « la famille Alcemon »,
l’auteur fait montre d’une com-
préhension hautement poussée
des problèmes de classe de la
société haïtienne. Alcemon est
une riche famille de bois-verna
dont le chef Derilus rêve de marier
Tania, sa fille unique, à un homme
à peau claire et aux yeux bleus.
Et Tania est tombée sur Éric. Ils
se sont fiancés et mariés dans un
temps bref. Tout le monde sem-
blait être content. Mais tout allait
être renversé jusqu’au jour où Éric
avoua à sa femme qu’il n’est qu’un
pauvre prolétaire poitrinaire de
naissance et à qui la nature a
donné une peau claire pour son
malheur. Et Éric de déclarer : «
moi, je n’aspire qu’à boire du
clairin, jouer au domino avec mes
amis de bel-air ». Cette déception
occasionne la mort des époux
Alcemon. Leur gendre Éric meurt
par la suite. Tania se trouve seule,
vend les biens et s’embarque pour
Nassau.
Le nom de Gasner fait la une dans
certaines œuvres de Son ami Dany
Laferrière, precisement dans « les
cris des oiseaux fous » qui lui a été
dédié et aussi dans le cadre de
la deuxième Edition du festival «
Libérez la parole » du centre Pen-
Haïti de 2013, un hommage lui a
été rendu, notamment le samedi
13 juillet à Petit-Goâve après
avoir débattu la thématique « la
censure et ses refus ». En lisant
«Rosita», on peut sentir parfois
l’immaturité de l’œuvre, mais par
endroit l’auteur laisse entrevoir
une grande promesse. Savou-
rons l’incipit du texte « 112 ans
l’affaire tante jeanne » : « Celui qui
visite sans-fil, faubourg de port-
au –prince, peut voir quelque part
le petit cimetière pelé. Cimetière
aux tombes crevées, blanches et
aux croix de bois penchées sur les
bourrades répétées du vent pous-
siéreux et violent, où la nuit des
champouels vagabonds viennent
boire du tafia et danser la chica
avant que les cloches de l’église
Saint-Jo ne sonnent les trois coups
annonçant l’approche de l’aube et
la fin des ribambelles maléfiques
». Humm! Que c’est beau! Les
deux autres nouvelles (Tonton
Nord et Cecee, Tirésias A.S Sam,
le fainéant) sont dans cette même
verve portée sur l’anecdote et le
satyre de la société haïtienne à
travers un Idéal de justice et de
liberté.
«Chaque mot écrit est une victoire
contre la mort». Michel butor dans
le but de pousser les gens à l’acte
d’écrire n’a pas tort d’écrire cela.
Et Gasner Raymond se procrée, se
perpétue et résiste au néant.
Toutefois, s’il est immortel par son
œuvre de Rosita, il n’en demeure
pas moins que l’œuvre est mécon-
nue pour certains, inconnue pour
d’autres et trop souvent oubliée.
Il faut la rééditer pour le bonheur
des yeux et de l’esprit.
«Rosita», recueil de cinq nouvelles de Gasner Raymond, accompagné de certains textes et témoignages de ses
proches de la rédaction du « petit samedi soir ». Il est paru à l’occasion du 2ème anniversaire de sa mort sous la
direction des Éditions Fardins. Le journaliste Gasner Raymond, né en 1953 et retrouvé mort le 1er juin 1976 à
Braches (près de Léogâne), au bord de la route nationale numéro 2.
Pour son tricentenaire,
Limbé accueille Livres en libertéPar Schultz Laurent Junior
S
ous les rayons brûlants et
étincelants du soleil de l’été,
la ville de Limbé, qui célèbre
cette année les trois cents
ans de sa fondation (1715-2015),
accueillera la quarante-deuxième
Édition de Livres en liberté. Cette
activité culturelle et intellectuelle qui
se déroulera les 28 et 29 juin 2015
à la bibliothèque Georges Castera
recevra le prolifique écrivain Gary
Victor. Selon Clément Benoit, l’une
des chevilles ouvrières de cette foire,
Livres en liberté occupe une place
importante dans le milieu culturel et
intellectuel haïtien. Elle fait véhiculer
le livre dans tous les recoins du pays
pour permettre à un grand nombre
d’haïtiens d’avoir accès à la lecture et
de rencontrer les auteurs.
« « Livres en liberté est né à
Limbé en 2002. C’était pour nous
une façon de suivre l’exemple de
Livres en folie, le plus grand salon
littéraire haïtien organisé depuis
vingt ans par le journal Le Nou-
velliste et la Unibank. Pour notre
première édition, l’on avait invité
le poète Bonel Auguste, auteur de
« Nan dans fan’m », et « Fas doub
lanmo ». Depuis Livres en liberté
a grandi. Il devient maintenant
une institution importante qui fait
désormais la promotion de la lit-
térature haïtienne et accompagne
du même coup les écrivains dans
la diffusion de leurs œuvres. »
Pour cette édition, plus d’une ving-
taine d’auteurs seront en signa-
ture. Cinq cent titres seront égale-
ment disponibles. Et diverses
maisons d’éditions y seront égale-
ment représentées. Citons entre
autres C3 Éditions, les Éditions
de l’Université d’État d’Haïti, sans
oublier Kopi vit, Aksyon sosyal,
et Communication Plus. Toujours
selon Clément Benoit, Livres en
liberté sera un moment de part-
age et de rencontre, les Limbéens
auront l’opportunité de rencon-
trer les grosses pointures de nos
lettres, lesquelles animeront des
ateliers d’écriture et des panels
de réflexions sur l’ensemble de
leurs œuvres. Reconnaissant la
faiblesse du pouvoir d’achat des
lecteurs, Benoit a souligné qu’il y
aura un rabais de trente pour cent
sur tous les ouvrages disponibles.
Pour l’invité d’honneur Gary
Victor, l’heureux auteur de Le
Revenant, Dossiers Interdits et
Nuit Albinos Livres en liberté
est une initiative qui aurait dû
être organisée par l’État haïtien.
Il en a profité pour encourager et
féliciter Clément Benoit qui se
démène comme un diable dans
un bénitier pour organiser cette
caravane du livre. « Pour moi c’est
un insigne honneur de participer
à cette grande fête de lecture et
de la culture.
Deux raisons justifieront ma
présence à Limbé ce week-end.
Tout d’abord, soutenir cette
louable entreprise puis, être en
chair et en os, en pensée et en
esprit, dans cette ville qui fête ses
trois cents ans. »
La quarante-deuxième édition
de Livres en liberté c’est pour ce
weekend. Clément Benoit invite
tout le monde à venir passer la
fête de Saint-Pierre à Limbé, pour
découvrir les charmes de cette
ville accueillante qui sera parée
de ses plus beaux appâts. Venez
à Limbé nous a-t-il dit pour vivre
et espérer.
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Muzac magazine, edition no 39 samedi 6 et dimanche 7 juin 2020
 

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  • 1. » P. 17 » P. 22 »   P. 6 CULTURE SPORT » lire page 4 S i aucun membre du CEP n’était en mesure de fournir la moindre information sur le montant débloqué pour les matériels sensibles et non-sensibles, des renseignements recueillis auprès des responsables du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) ont fait état de 4 468 902 dol- lars américains pour le contrat octroyé à l’entreprise sud-africaine, Lithotech, pour la fourniture des matériels non sensibles. Pour ce qui concerne l’impression des bulletins pour les législatives, un contrat d’environ un million de dollars a été attribué à une autre firme basée à Dubaï, dont le nom reste encore un mystère pour la presse, et même pour les responsables. Alors que le CEP a déjà reçu une première cargaison de matériels pour les élections législatives le mardi 23 juin 2015, les autorités électorales semblent être mal imbues de la façon dont s’est déroulé le processus de l’octroi des marchés. À ce sujet, tout est géré par le Pnud. Le temps des jeunes femmes P.14 » suite page 5 La colère et l'indignation face au crime de l'occupation américaine d'Haïti Par Dangelo Néard La ville des Cayes accueille la deuxième édition du grand prix MJSAC ! par Kenson Désir BOID : une nouvelle unité au sein de la PNH JEUDI 25 JUIN 2015 NUMÉRO 25 WWW.LENATIONAL.HT QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI HAÏTI / ÉLECTIONS / IMPRESSION DE BULLETINS HAÏTI / SÉCURITÉ ACTUALITÉ Les violons ne s'accordent pas entre le Pnud et le CEPpar Noclès Débréus BOID, nouvelle unité spécialisée de la PNH. / Photo : Ruben Chéry. Élections : Des organisations de la société civile, préoccupées par Lionel Édouard
  • 2. 2 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 TRIBUNE Imposture et irresponsabilité des deux ÉtatsPar Smith Augustin, Consultant, doctorant en sociologie, secrétaire technique de NAPSA P eu de voix ont dénoncé dans la presse haïtienne et domini- caine l’imposture de la ques- tion des retours dits volon- taires d’immigrants haïtiens en prove- nance de la République dominicaine. Seuls les témoignages des concernés démontrent clairement le caractère forcé de ces retours, les dégâts que cela provoque déjà dans leur vie et les malheurs qui en résulteront tels que l’abandon involontaire d’une partie de leur patrimoine, la confrontation en Haïti de l’inconnu et de l’incertitude, la séparation familiale, etc. En réalité, la tendance à mettre en exergue le caractère volon- taire de ces retours est clairement trompeuse. Elle cache en fait une double imposture haïtienne et dominicaine qui se définit à plus- ieurs niveaux. La ruse dominicaine dans cette affaire La principale astuce dominic- aine dans cette affaire est de faire croire que les ressortissants haï- tiens qui fuient « volontairement » la République dominicaine sont des personnes qui y vivaient en situation irrégulière et qui n’ont pas été inscrits au Plan national de régularisation des étrangers (PNRE). Rien n’est plus faux. Car ces fugitifs proviennent de toutes les catégories confondues. En général, ce sont surtout ceux qui ont peur et qui n’ont aucune confi- ance dans les promesses domini- caines de respecter les droits des personnes qui seront éventuelle- ment rapatriées en Haïti. De plus, une vague de menaces pèse sur leur vie et leurs biens, et les dirigeants dominicains n’ont rien fait pour les mettre en confiance. Parmi ceux qui sont revenus, quelques-uns ont même témoigné qu’il n’était plus possible pour eux de rester, car leur loyer n’était pas renouvelé, et même leur crédit dans les épiceries avait été suspendu. L’autre astuce dominicaine est de provoquer ces retours dits volon- taires en vue d’occulter la réalité des déportations massives et col- lectives. En concentrant l’attention sur ces retours dits volontaires – plus de 7 000 en une journée, selon un communiqué du ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, M. Ariel Henry – les dirigeants dominicains continu- ent pourtant de rapatrier quoti- diennement les Haïtiens par cen- taines dans les zones de passage officielles et non officielles. Ces cas ont déjà été rapportés par les organisations de droits humains telles que Garr, le Service jésuite aux migrants (SJM) et le Réseau frontalier Jeannot Succès (RFJS) qui assurent en permanence une vigilance sur la frontière. De fait, en marge de l’article 38 du décret 327-13 du PNRE qui interdit les rapatriements au cours de la mise en œuvre du Plan, les dépor- tations n’avaient jamais cessé. Le Garr a d’ailleurs observé dans une note rendue publique par Alter- presse que « 2 420 personnes ont été rapatriées à la frontière de Bel- ladère/Elias Piña, de janvier à mai 2015 ». La République dominicaine doit assumer que les rapatriements sont en train d’avoir lieu et que derrière l’apparence volontaire du retour massif en Haïti des immigrants haï- tiens se cache une vraie « chasse aux sorcières », volontairement incontrôlée par l’État dominicain. L’irresponsabilité renouvelée de l’État haïtien Conforme à ses habitudes, l’État haïtien s’est une fois de plus com- porté en amateur irresponsable dans le dossier des rapatriés haï- tiens de la République dominicaine. En plus d’être hâtifs, démagogiques et insignifiants, ses préparatifs pour l’accueil des rapatriés se limitent à une perspective d’intervention post factum. En conséquence, les immigrants haïtiens doivent une fois de plus affronter tout seuls les menaces qui pèsent sur leur vie et leurs biens dans ce pays voisin qui leur devi- ent de plus en plus hostile. Face à une diplomatie haïtienne en République dominicaine quasiment nulle, il a fallu encore que l’État dominicain établisse, en faveur de ces migrants délaissés, un « Pro- gramme d’assistance gratuite pour les retours volontaires des étrang- ers ». À cet égard, faut-il rappeler que les missions diplomatiques sont des prolongements de l’État en terri- toire étranger ? Il est donc inac- ceptable que l’ambassade d’Haïti à Santo Domingo et ses différents consulats à Dajabon, Higuey, Barahona et Santiago soient aussi indifférents aux malheurs de ces citoyens qu’ils sont supposés défen- dre. Les quelques déclarations de l’actuel ambassadeur Daniel Sup- plice dans des médias dominicains ne sauraient être la seule dimen- sion de ce combat multifacétique et bien structuré que devrait mener l’État haïtien en réponse aux dépor- tations actuelles. De plus, il est déplorable que l’État haïtien n’apporte aucun soutien en Haïti à ces soi-disant rapatriés volontaires sous prétexte qu’ils ne sont pas des rapatriés à propre- ment parler. Prises dans le piège des Dominicains, les autorités haï- tiennes semblent croire aussi que les rapatriements annoncés n’ont pas encore commencé. Sur cette base, ils justifient également le retard de leurs prétendus prépara- tifs d’accueil des rapatriés. Le peuple haïtien en paie dou- blement les frais, victime à la fois de l’imposture de l’un et de l’irrémédiable insouciance de l’autre. HAÏTI/RÉPUBLIQUEDOMINICAINE/MIGRATION
  • 3. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 3 ACTUALITÉ Des organisations sociales tirent la sonnette d'alarmePar Reynold Aris U ne peur maladive hante la population depuis le dernier rapport de la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) faisant état de 3 à 3,8 millions de personnes dans l’insécurité alimentaire. Ce phé- nomène inquiète des organisations sociales et estudiantines telles que le Mouvement de liberté, d’égalité des Haïtiens pour la fraternité (MOLEGHAF), le « Mouvman etidyan pou libere Ayiti » (MELA) et « Lit din- amik etidyan yo (LIDE) ». Ces organ- isations disent craindre une émeute de la faim suite à la détérioration des conditions socio-économiques du pays. Elles tirent donc la sonnette d’alarme. Guy Laurore Rosenez, membre de MELA, s’en est pris aux autorités du pays qui, dit-il, n’ont initié aucune démarche structurelle visant à ren- forcer l’agriculture et l’économie du pays. Au contraire, elles s’engagent dans des campagnes publicitaires pour des produits venant de l’extérieur. Tandis que les personnes les plus vulnérables croupissent dans leur misère et ris- quent de mourir de faim dans les prochains jours en dépit des cam- pagnes d’intoxication de l’équipe Tèt Kale, a-t-il déploré. Selon Laurore Rosenez, la situa- tion risque de se corser compte tenu du fait qu’Haïti est unique- ment un marché de consommation. Aussi, a-t-il souligné, que le pays ne produit rien, ce qui entraîne la dévaluation de la gourde. Cela, explique-t-il, contraint les com- merçants à se procurer des devises pour importer des marchandises. Il s’agit d’une énorme pression qui s’exerce sur la monnaie locale, entraînant ainsi l’escalade des prix des produits de première nécessité. Aujourd’hui, explique le membre de « MELA », il convient d’avoir 30 gourdes pour l’acquisition d’une petite marmite de riz, 70 gourdes pour une petite « marmite » de pois noir dans un pays où le taux de chômage atteint plus de 80 % des membres de la population, qui également vivent avec moins d’un dollar par jour. Monsieur Rosenez a en outre criti- qué les autorités qui n’ont pas pris la défense des Haïtiens vivant en République dominicaine, frappés par l’arrêt 168-13 de la Cour consti- tutionnelle dominicaine. Elles ont adressé le dossier, à son avis, avec tant de légèreté qu’aujourd’hui les dirigeants dominicains procèdent au rapatriement massif de plusieurs milliers de compatriotes. Aucune structure d’accueil, précise-t-il, n’a jamais été mise en place afin de les recevoir. Pas de création d’emplois. Avec ces déportations massives, il dit craindre une émeute de la faim sans précédent dans l’histoire du pays. Derrière toutes ces situations, il déclare avoir décelé la main de la Communauté internationale. Il croit qu’ils sont de connivence avec les oligarques du pays qui contraig- nent l’État à s’engager dans des pro- grammes d’ajustement structurel en faisant fi des desiderata de la population. Aussi, exhorte-t-il, les autorités à prendre des mesures urgentes en vue de remédier à la situation. Le nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire risque d’aller crescendo, si l’on en croit les propos du coordonnateur de la CNSA, Garry Mathieu, qui, à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de Lutte contre la faim, a invité les autorités à prendre des mesures adéquates leur permet- tant de résoudre ce problème qui menace plus d’un quart de la popu- lation haïtienne. À cet effet, les dirigeants doivent s’attaquer au problème en amont, en investissant, entre autres, dans l’agriculture, la protection de l’environnement. La situation est alarmante en ce qui concerne l’insécurité alimentaire. Certaines communes des départe- ments du Sud-Est, de l’Ouest et du Nord-Ouest connaissent déjà des situations difficiles, compte tenu du fait qu’elles sont confrontées à une grave sécheresse depuis l’année dernière. Quelle politique culturelle ? Onposelaquestionpourlaforme.Laréponse:aucune.Lesministresde laCulturesesuccèdent,maisaucunepolitiquen’estdéfiniepourmettre en valeur notre unique potentiel qu’est notre créativité dans tous les domaines des arts. Dans les discours, il est de bon ton de parler de culture. Dans les faits, l’État, le secteur privé investissent-ils dans la culture ? Y a-t-il une production qui prouve qu’ils investissent dans la culture ? Nousconnaissonsdeshautsfonctionnairesdel’État,desentrepreneurs quiontàuntitreouàunautreapportéleurscontributionsàlaculture, maisàtitresouventpurementpersonnel.Cependantcesappuissefont en dehors de toute politique culturelle préalablement définie. Onvientd’inaugurerlecinéThéâtreTriomphe.LaRédactionduNational a appris avec stupéfaction le montant du prix de la location de la salle pourlesspectacles.Horsdeportéedelagrandemajoritédenosartistes. À la première question, notre interlocuteur a fait référence aux prix pratiqués par certains grands hôtels de la place qui offrent un service de salles pour des spectacles. La question : Qui parmi nos artistes a les moyens de payer ? L’argument étonnant qu’on remet sur le tapis, c’est que l’État n’a pas d’argent. C’est gros comme argument quand on sait le gaspillage des ressourcesdelanationdanslepaiementdesperdiemdefonctionnaires qui ne vont souvent que se tourner les pouces à l’étranger, car visible- mentlesrésultatssontnuls,touscessalairespayésauxditshautscadres qui ne produisent rien, nos missions diplomatiques qui bouffent pour rien des fortunes, des véhicules achetés ci et là pour des gens encore sansaucuneutilitéàlanation.Sioncontinueàlisterl’argentquel’État flambe dans des rubriques sans aucune contrepartie, c’est-à-dire ne produisant aucune valeur pour la collectivité, on est droit de se poser un tas de questions. On aurait pu penser à des structures permettant l’expression de la culture sous toutes ces formes, dans tout le pays, avec un appui entier de l’État. Haïti n’est compétitif, n’est productif, que dans ce secteur. Pendantcetemps,onpeutdépenserunesommefaramineusepourune nuit, pour un artiste venu de l’étranger. Nous n’avons rien contre les artistesvenusdel’étranger.Maisaveccetargentdépensépourunenuit, combiendenuitsdespectaclespourrait-onprévoirmêmeauTriomphe avec ses prix prévus. Où sont les structures culturelles en province ? Où sont les appuis à la création ? Onesttoujoursdanslenon-sensdanscepays.Etpourtouscescandidats qui briguent nos suffrages, la culture est le cadet de leurs soucis. Mais cela n’empêche pas, dès qu’un Haïtien remporte une palme dans ce domaine, de débiter des discours et de prévoir réceptions et décora- tions. Pitoyable ! L’Étatnesepréoccupepasdelaculture.Unepartiedel’Étatetdusecteur privé ne s’intéresse qu’à des groupes bien particuliers œuvrant dans le lieu culturel. Parodiant l’Empereur,nouspourrionsnousécrier:«Ettouslescréateurs dont les pères sont en Afrique, que leur offre-t-on ? » Avecnotrefaçondefaire,ceseraunjourtoutelapopulationquideman- dera à être rapatriée dans un autre État, le nôtre étant à reconstruire complètement. Édito HAÏTI/INSÉCURITÉALIMENTAIRE La problématique de l’insécurité alimentaire continue de préoccuper la population. Le MOLEGHAF, « MELA » et « LIDE » annoncent l’organisation d’une marche pacifique dans les rues de Port-au-Prince pour ce jeudi 25 juin. Les organisateurs, par ce mouvement, entendent inviter les autorités à prendre des mesures urgentes pour solutionner les différents problèmes auxquels fait face le pays, notamment celui de l’insécurité alimentaire.
  • 4. WWW.LENATIONAL.HT 2, DELMAS 40 B EMAIL: INFO@LENATIONAL.HT PUBLICITE@LENATIONAL.HT REDACTION@LENATIONAL.HT (509) 46 11 10 10 (509) 32 14 55 54 PROPRIÉTAIRE : LE NATIONAL. SA DIRECTEUR : JEAN GARDY LORCY PUBLICITÉ: SASKIA P.L.MICHEL DIRECTION ARTISTIQUE : FABRICE LAFLEUR RÉDACTEUR EN CHEF : GARY VICTOR RÉDACTEUR EN CHEF ADJ : HENRI ALPHONSE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : JACQUES DESROSIERS JDESROSIERS@LENATIONAL.HT CONSEILLER À LA RÉDACTION : PIERRE CLITANDRE SECTION ACTUALITÉ : LIONEL EDOUARD SECTION CULTURE : DANGELO NÉARD SECTION ECONOMIE : HENRI ALPHONSE SECTION SPORTS : GERALD BORDES SECTION SOCIÉTÉ : JOE ANTOINE JN-BAPTISTE RÉDACTEURS : NOCLÈS DEBRÉUS, CADET JEAN MICHEL, STÉPHANIE BALMIR, EDDY LAGUERRE, VANTZ BRUTUS, KENSON DÉSIR, MONDÉSIR JEAN BILLY, REYNOLD ARIS, ISABELLE THÉOSMY, WALTER CAMEAU, SCHULTZ LAURENT JUNIOR PHOTOGRAPHES : JEAN JACQUES AUGUSTIN, RUBEN CHÉRY CORRECTEURS : JEAN ERIC FOUCHÉ, FRANTZ CLERGÉ GRAPHISTE : JUNIOR ADME CARICATURISTE : FRANCISCO SILVA DISTRIBUTION : SARADJINE ST-JEAN ADMINISTRATION : RACHELLE COMPÈRE IMPRIMÉ EN HAÏTI SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE LES ÉDITIONS DES ANTILLES S.A. 4 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 ACTUALITÉ BOID, nouvelle unité spécialisée de la PNH. / Photo : Ruben Chéry. L oin de constituer une force par- allèle à la PNH ou d’effectuer des tâches particulières, la BOID s’inscrit dans une dynamique de continuité de la mis- sion d’autres unités spécialisées comme l’Udmo. La création de cette nouvelle unité spécialisée, explique le directeur départemental de l’Ouest, André Jonas Vladimir Paraison, répond à un besoin d’intervention rapide de la PNH dans des régions éloignées. Ce, en attendant l’arrivée d’autres unités policières habilitées à gérer des situations de tensions. Il cite, entre autres interventions, la lutte contre la criminalité et des cas de conflits qui peuvent surgir au niveau de certaines régions près de la ligne frontalière. Intervenant au nom du Premier ministre Évans Paul, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, M. Pierre Richard Casimir, a salué l’arrivée de cette nouvelle unité appelée à poursuivre la mission de la PNH : protéger et servir. Le garde des Sceaux de la République en a profité pour rassurer plus d’un du soutien du gouvernement haïtien à la PNH. Un soutien qui englobe notamment le renforcement de son effectif et l’amélioration du niveau de vie des policiers. Pierre Richard Casimir a aussi annoncé que la 26e promotion de la PNH est en cours de recrutement. Il a annoncé aussi, sans fournir de détails, une augmentation de salaire jointe à des avantages sociaux en faveur des policiers. Crise humanitaire et élections : deux défis majeurs La mise sur pied de cette nouvelle unité tombe à point nommé. Elle coïncide avec le drame que vit déjà le pays à travers l’expulsion d’immigrants haïtiens de la République dominicaine. « Une situation d’une dimension hautement humanitaire », selon M. Casimir. L’intervention de la BOID est donc très attendue pour pallier le déficit de capacité de gestion de l’État haïtien face à cette crise humanitaire. Cependant, le directeur départemental de l’Ouest de la PNH dit ignorer comment l’effectif des 154 policiers allait se répartir dans les 10 départements géographiques du pays. Il renvoie ainsi la balle dans le camp de la Direction générale de la Police nationale qui, selon lui, serait mieux placée pour fournir cette information. Même réaction quand Le National a voulu s’enquérir du coût de la formation de cette unité, qui n’a duré que deux mois. Monsieur Paraison n’était pas non plus en mesure d’expliquer le rôle que jouera la BOID au niveau sécuritaire lors des prochaines élections. Il s’est, une fois de plus, référé à la Direction générale de la PNH dont le titulaire, Godson Aurelus, brillait par son absence. Cette question, pense plus d’un, est pertinente dans un contexte où la Minustah, dans le cadre de son retrait progressif du pays, se désengagera dans six départements à la veille des prochaines élections. D’aucuns se souviennent que deux de ces départements, notamment le Plateau central et le Sud-Est, ont été le théâtre de grandes perturbations et de violences inouïes durant les élections antérieures. Créée suivant un décret pris en 1995,laPNHestlaseuleforcearmée constitutionnellement reconnue en activité. Depuis ses vingt ans d’existence, cette jeune institution peine à devenir professionnelle. La mission des Nations unies pour la stabilisation d’Haïti, qui était censée répondre à ce besoin, aurait, selon de nombreux observateurs, échoué dans cette tentative alors qu’elle prépare son départ progressif. HAÏTI/SÉCURITÉ BOID : une nouvelle unité au sein de la PNHpar Jean Michel Cadet Une nouvelle unité spécialisée de la Police nationale d’Haïti dénommée : « Brigade d’opération et d’intervention départementale (BOID) » vient de voir le jour. Composée de 154 policiers, dont 18 femmes, gradués le mercredi 24 juin lors d’une cérémonie à l’Académie de police, cette unité a pour mission de renforcer les capacités d’intervention de l’institution policière au niveau des différentes régions du pays. » suite de la première page
  • 5. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 5 ACTUALITÉ Dans une entrevue accordée au journal à partir d’un ques- tionnaire, les responsables de l’organisme de l’Onu ont informé que le processus d’acquisition des matériels non sensibles avait été fait suivant les procédures de passation de marchés du Pnud, lesquelles, poursuivent-ils, sont conformes aux règles internation- ales d’acquisition de biens et ser- vices. Et ce processus a été fait à travers un accord à long terme avec Lithotech en Afrique du Sud. « Le Processus d’acquisition des matériels et services au sein du Pnud est transparent. Nous fonc- tionnons avec le fournisseur qui peut offrir la meilleure qualité correspondant au budget mis à notre disposition par le gou- vernement haïtien et les autres bailleurs internationaux », a pré- cisé le Pnud, soulignant aussi que les contrats sont attribués aux entreprises qui répondent aux exigences des spécifications sou- mises par le CEP. Et c’est dans le cadre de cet accord, informent les représent- ants du Pnud, que le Conseil électoral provisoire a déjà reçu, au cours de cette semaine, une première cargaison de matériels non sensibles. Le reste de ces matériels pour les prochaines législatives sera livré au plus tard ce week-end, ont- ils fait savoir, précisant que le reste des matériels non sensibles pour tout le reste du processus électoral sera livré dans les délais inscrits dans le calendrier du CEP. Quant aux matériels sensibles, le coût d’acquisition des bulletins pour les prochaines législatives s’élève à environ un million de dollars américains et c’est une compagnie basée à Dubaï qui est chargée de l’impression. Alors que le vice-président du CEP, Pierre Manigat Junior, dit avoir convenu avec le Pnud d’une clause qui permettrait aux entre- prises nationales d’imprimer les bulletins pour la présidentielle et les collectivités territoriales, les responsables du Pnud affir- ment que c’est avec l’approbation du Conseil électoral provisoire qu’il avait paraphé « un accord à long terme pour l’impression des bulletins de vote. Cet accord est engagé avec une compagnie à Dubaï (Émirats arabes unis) », Le Pnud, pour- suivent ses responsables, est reconnu au niveau mondial pour sa transparence et il fait en sorte de respecter les principes de pas- sation de marché. Par ailleurs, le Pnud dit vouloir essayer le plus possible de traiter avec des entreprises nationales. En ce sens, il entend confier à des firmes nationales toute la cam- pagne de communication et de sensibilisation qui sera entreprise dans le cadre de ces joutes élec- torales. En outre, un responsable du Pnud a garanti qu’environ 60 % du budget électoral sera engagé sur le marché haïtien. De son côté le CEP bouge avec le calendrier électoral. Dans un communiqué rendu public ce mercredi il informe que la période de validation des maquet- tes de bulletins s’est achevée le samedi 20 juin 2015 inclusive- ment. Et, tenant compte des exigences faites pour la production des maquettes et l’impression des bulletins, l’institution électorale dit n’être en mesure de satisfaire aucune nouvelle demande relative au changement des photos de can- didats ou d’emblèmes de partis ou de groupements politiques. » suite de la première page HAÏTI/ÉLECTIONS/IMPRESSIONDEBULLETINS Les violons ne s'accordent pas entre le Pnud et le CEPpar Noclès Débréus
  • 6. L ors d’une conférence de presse au local du RNDDH, ces organ- isations ont appelé le Conseil électoral à respecter les prin- cipes d’équité et d’égalité dans ses prises de décision. Edouard Paultre du CONAHNE a exhorté, à cet effet, le CEP à prendre ses décisions en con- formité avec le décret électoral. Aussi souhaite-t-il que les motifs d’exclusion de tous les candidats soient rendus publics car, dit-il, l’organisme élec- toral ne doit pas céder à la pression des protagonistes. À la question si le CEP leur inspirait encore confiance ou s’ils ont remarqué un non-respect des principes d’équité ou d’égalité, les conférenciers ont laissé entendre qu’ils suivaient encore le processus. En ce qui a trait au rejet de la candidature à la présidentielle du recteur de l’Université Quisqueya, Jacky Lumarque, Edouard Paultre précise que le CEP peut revenir sur la liste, en vertu des prescrits du décret électoral. Toutefois, le représentant des acteurs qui se disent non étatiques insiste sur le fait qu’un traitement équitable devrait être accordé à tous les candidats. Réaffirmant leur attachement au respect des principes démocra- tiques, les intervenants à cette conférence de presse, encouragent la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/ CA) dans ses actions qui visent à lui donner sa place dans la lutte contre la corruption qui constitue « un accroc au développement du pays ». Par ailleurs, ces organisations de la société civile croient que les vagues de déportés en provenance de la République dominicaine peuvent déstabiliser le processus électoral. C’est la raison pour laquelle, explique Edouard Paultre, ces entités participent au Comité mixte de solidarité nationale aux côtés du gouvernement haïtien, pour trouver une solution à ce problème. « Il faut que la République dominicaine arrête avec les déportations, pour éviter de fragiliser le processus », a-t-il martelé. En ce qui a trait au rapport sur les candidats ayant des démêlés avec la justice, publié récemment par le Réseau national des droits humains (RNDDH), Villès Alizar, qui intervenait également à cette conférence, a tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas d’une tentative pour pousser le CEP à barrer la route à des prétendants. Toutefois, M. Alizard souligne qu’il s’agissait pour son institution de présenter les profils de certains candidats à la population, afin qu’elle puisse faire le bon choix. Si les organisations suscitées ne sont ni optimistes, ni pessimistes quant à la tenue des élections au 9 août, Action internationale pour les droits humains (AIDH), de son côté, exprime sa vive préoccupation et demande, via une lettre adressée au président du Conseil électoral provisoire, Pierre Louis Opont, une réévaluation du calendrier électoral. Tout comme le diplomate américain, Thomas Adams, elle Des organisations de la société civile, dont le Centre d’action et de recherches en droits humains (CARDH), le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) et le Conseil national des acteurs haïtiens non étatiques (CONAHNE), se sont dit, mercredi, n’être ni optimistes, ni pessimistes quant à la tenue des scrutins à partir du 9 août 2015, comme prévu dans le calendrier électoral. plaide pour des élections en deux temps, une manière de surmonter, dit-elle, certaines difficultés. À travers sa correspondance, l’AIDH explique que le CEP aura de grandes difficultés à réaliser ces élections en trois temps comme prévu, notamment en raison des retards accumulés dans le processus. En guise de recommandation, l’AIDH invite le CEP à prendre les dispositions nécessaires en vue d’organiser les élections législatives partielles prévues pour le mois d’août 2015, au mois d’octobre 2015, c’est-à-dire en même temps que le premier tour de la présidentielle. Aussi croit-elle qu’il faut éviter toute précipitation afin de réaliser des élections honnêtes, crédibles et démocratiques. 6 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 ACTUALITÉ ÉCHO Un véhicule du Pnud incendié Desindividusarmésontincendié, lundi, un véhicule appartenant au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), à « Kafou zaboka », Pestel. Les autorités judiciaires ainsi que des agents de la PNH se sont rendus sur place pour faire des constats légaux. Une enquête est ouverte afin d’identifier les auteurs de ce forfait, a rapporté la presse locale. RD, faciliter le départ des étrangers illégaux Tous les étrangers en situation irrégulière en République dominicaine peuvent bénéficier d’une assistance au cas où ils voudraient retourner volontairement dans leur pays d’origine. C’est ce qu’a informé le ministère dominicain de l’Intérieur et de la Police à travers la Direction générale de migration qui promet d’assurer gratuitement le transport de tous ceux-là qui en font la demande. Une délégation du CEP en visite d'inspection à Dubaï Les bulletins de vote pour les prochaines élections législatives seront imprimés à Dubaï (Émirats arabes unis). C’est pour cette raison qu’une délégation du Conseil électoral provisoire (CEP) a pris l’avion dimanche à destination de Dubaï dans le but d’effectuer une visite d’inspection de la compagnie chargée d’imprimer ces bulletins. Cette délégation est composée de Pierre Louis Opont (président), Ricardo Augustin (secrétaire) et Philippe Augustin (directeur du registre électoral). La délégation du CEP sera de retour au pays le 30 juin prochain, a-t-on appris. CEP : firme de Dubaï, une décision du Pnud Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) gère le budget des élections. Le Pnud a choisi la firme de Dubaï chargée d’imprimer les bulletins de vote suite à un appel d’offres international. C’est ce qu’a indiqué Frantz Bernadin, porte- parole du CEP. Le CEP reçoit des matériels électoraux Le Conseil électoral provisoire a reçu mardi à Port-au-Prince 1 800 kits de formation et 4 865 kits opérationnels. La première d’une série de trois cargaisons de matériels, les deux autres cargaisons arriveront les 27 et 29 juin prochains, a fait savoir Frantz Bernardin, le porte-parole du CEP. Vers la journée caribéenne du Dépistage du VIH C’est ce vendredi 26 juin que se déroulera la 6e journée caribéenne du Dépistage du VIH-sida à l’initiative de la ScotiaBank. Durant toute la journée,ilserapossibledesefaire dépister gratuitement dans 13 sites de la zone métropolitaine. Selon les informations, la journée caribéenne du Dépistage du VIH- sida a pour but de diminuer le risque d’infection dans une région particulièrement touchée. HAÏTI/ÉLECTIONS Des organisations de la société civile, préoccupéespar Lionel Édouard Une petite concertation avant la conférence de presse. / Photo : J. J. Augustin
  • 7. L e ministre de la Communication, Rotchild Fran- çois Junior, a rappelé, le mercredi 24 juin, que lesmesuresprisesaupréalablesurl’interdiction d’importer en Haïti certains produits dominic- ains sont maintenues. Il en a profité pour faire taire les « rumeurs » selon lesquelles le marché binational sera fermé à partir du vendredi 26 juin 2015. « Nous sommes un gouvernement responsable, si toutefois une telle disposition a été prise, nous l’informerons à travers un communiqué », a déclaré le ministre. Les mesures d’interdiction qu’avaient prises les autorités haïtiennes concernent, notamment certains produits avicoles dont les œufs et les poulets. Par ailleurs, le ministre informe qu’aucune rencontre n’a eu lieu, ni n’est sur le point d’avoir lieu entre les autorités des deux pays autour de la situation de rapatriement des immigrants haïtiens, comme l’avait rapporté, mardi, la presse dominicaine. Il affirme que le gouvernement haïtien continue de solliciter du gouvernement dominicain, le rapatriement des ressortissants haïtiens dans des points frontaliers déterminés par les autorités haïtiennes, afin de garantir une meilleure prise en charge. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 7 ACTUALITÉ HAÏTI/RÉPUBLIQUEDOMINICAINE Les mesures d'interdiction maintenues, le marché binational reste ouvert Sources : HPN L e ministre de la Communication, Rotchild François Junior.
  • 8. 8 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 MONDE L a France a appelé mercredi Washington à « réparer les dégâts » provoqués par les pratiques « inacceptables » des services secrets américains qui ont écouté pendant de longues années les trois derniers présidents français, Barack Obama cherchant en début de soirée à rassurer François Hollande. Le président américain a « réi- téré sans ambiguïté », lors d’un « échange » téléphonique d’un « bon quart d’heure » à l’initiative du pré- sident français, son « engagement ferme » contre tout espionnage de pays allié, a annoncé l’Elysée. Cet entretien a été « l’occasion d’une mise au point sur les prin- cipes qui doivent gouverner les relations entre alliés en matière de renseignement », a-t-on ajouté de même source en indiquant que des responsables français du renseigne- ment se rendraient prochainement à Washington. Un peu plus tôt devant la représen- tation nationale, le Premier minis- tre Manuel Valls a solennellement réclamé un « code de bonne con- duite » déjà exigé par les Européens en 2013 quand les révélations sur l’espionnage américain portaient sur les écoutes des dirigeants alle- mands, brésiliens ou mexicains, dont le portable de la chancelière allemande Angela Merkel. Un Conseil de défense réuni en fin de matinée autour du président François Hollande a permis de « mesurer et de partager l’émotion et la colère (...) face à ces pratiques inacceptables émanant d’un pays ami », a souligné le Premier min- istre. Pour autant, il n’a évoqué aucune mesure de rétorsion con- crète face à cette « très grave viola- tion de l’esprit de confiance ». François Hollande avait réagi vive- ment dès la publication mardi soir par la presse de notes comprom- ettantes pour la National Secu- rity Agency (NSA), décidant de réunir dans l’urgence ce conseil. L’ambassadrice américaine a pour sa part été convoquée au Quai d’Orsay mercredi en fin d’après- midi. La présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemble, Elisabeth Guigou, a indiqué qu’elle inviterait la diplomate à s’expliquer la semaine prochaine devant les députés. La France « ne tolèrera aucun agissement mettant en cause sa sécurité », avait martelé l’Elysée dans un communiqué. Ces faits sont « incompréhensibles entre pays alliés », a renchéri le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. Ces événements surviennent le jour même où le Parlement doit adopter définitivement un projet controversé sur le renseignement qui légalise, selon ses détracteurs, des pratiques contestables des ser- vices au nom de l’antiterrorisme. Selon les documents de WikiLeaks publiés mardi soir par Libération et Médiapart, les trois derniers pré- sidents français, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hol- lande, mais aussi des ministres et parlementaires ont été espionnés par les Etats-Unis, au moins de 2006 à 2012. L’entourage de Jacques Chirac a indiqué à l’AFP que ces écoutes américaines étaient « inacceptables » et « choquantes ». « La France a toujours agi vis-à-vis des Etats- Unis dans un esprit d’amitié, de confiance, d’indépendance et de franchise », a-t-on ajouté de même source. Ces révélations jettent un nouveau jour sur l’ampleur des écoutes con- duites par la NSA, mais aussi la vul- nérabilité des systèmes de commu- nication gouvernementaux français. Au coeur de l’affaire Snowden, en 2013, François Hollande l’assurait: « Nous avons pris toutes les disposi- tions, j’allais dire dès mon arrivée aux responsabilités, pour que, tout en gardant un téléphone, il puisse rester sécurisé ». Parmi les réactions les plus vives, l’eurodéputé Renaud Muselier (Les Républicains) a appelé à « ren- voyer l’ambassadeur » américain à Paris. Jean-Luc Mélenchon (Parti de Gauche) et la présidente du FN Marine Le Pen ont réclamé l’arrêt des négociations sur le traité de libre-échange UE-USA. Plusieurs députés européens, mem- bres d’EELV, ont également prôné la suspension de ces négociations. Semblant exclure une telle hypothèse, Stéphane Le Foll a appelé à garder « la mesure ». La Maison Blanche a assuré mardi soir qu’elle ne « ciblait pas » les communications du président Hol- lande et ne le ferait pas à l’avenir, mais sans évoquer le passé. « Les lecteurs français peuvent s’attendre prochainement à d’autres révélations précises et importantes », a prévenu le fonda- teur de Wikileaks, Julian Assange, reclus dans l’ambassade d’Equateur à Londres depuis trois ans. Quant à l’entourage de l’ancien président Nicolas Sarkozy, il a jugé « ces méthodes » d’espionnage « inacceptables en règle générale, et plus particulièrement entre alliés ». Classés « Top-Secret », les docu- ments consistent notamment en cinq rapports de la NSA, basés sur des « interceptions de communica- tion ». Le plus récent date du 22 mai 2012, juste après l’entrée en fonction de M. Hollande. Il fait état de réunions secrètes destinées à discuter d’une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro. Selon la NSA, le chef de l’Etat avait trouvé Angela Merkel - rencontrée à Berlin le jour de son investiture le 15 mai- “obnubilée” par la Grèce qu’elle a « laissé tomber ». Autre révélation, le président fran- çais, après avoir rencontré Mme Merkel, a invité à Paris le chef du SPD Sigmar Gabriel. Son Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, lui conseille de garder l’événement secret. La NSA affirme que Nicolas Sar- kozy se voyait « comme le seul à pouvoir résoudre la crise finan- cière mondiale » de 2008. Elle assure encore que Jacques Chirac prêtait à son ministre des Affaires étrangères Philippe Douste- Blazy, une « propension » aux « déclarations inexactes et inoppor- tunes ». Colère au sommet de l'Etat français, cible des grandes oreilles américaines Manuel Valls à Bruxelles, le 18 mars 2015. / Photo: Frederic Sierakowski / ISOP / SIPAM
  • 9. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 9 MONDE L e parquet de Naples a requis mercredi une peine de cinq ans de prison contre l’ancien chef du gouverne- ment italien Silvio Berlusconi, soupçonné d’avoir acheté un sénateur, Sergio De Gregorio, pour faire tomber le gouvernement de centre gauche de Romano Prodi, poussé à la démission en mai 2008. Le procureur Vincenzo Piscitelli a par ailleurs réclamé une peine de quatre ans et quatre mois de prison pour Valter Lavitola, un proche du “Cavaliere” qui aurait remis trois millions d’euros, dont deux millions en espèces, à Sergio De Gregorio, membre du parti de l’Italie des Valeurs, en échange de sa défection. Le jugement est attendu le 8 juillet. Cinq ans de prison requis contre Silvio Berlusconi Cinq ans de prison requis contre Silvio Berlusconi.
  • 10. 10 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 ÉCONOMIE Contraintes, opportunités et défaitismePar Henri Alphonse La majorité de la population haïtienne vit dans la pauvreté. Et être pauvre, c’est se jouer des contraintes au jour le jour. C’est convertir chaque contrainte en opportunité de survie. Ce tas d’équations à résoudre en permanence, en termes de ressources et d’intégration sociale, constituent un réseau de contraintes qu’il faut bien affronter*. Et convertir en opportunités de survie. La survie est à ce prix. ENMARGED’UNEDÉPORTATIONANNONCÉE C ’est ce que nous voulons suggérer lorsque nous pré- conisons de faire l’effort de convertir en opportunité la contrainte imposée par la nécessité d’intégrer les dizaines de milliers de déracinés de Saint-Domingue en terre haïtienne. Si nous nous y mettons sérieusement, nous pouvons – nous devons – convertir la contrainte en cette convenance en matière de temps et d’espace qu’est l’opportunité. Nous n’avons pas le choix. Et chaque solution recherchée est l’occasion d’agir sur la contrainte. L’opportunité ne tombe pas du ciel. Elle nait à partir d’un con- cours de circonstances, dans le cadre de réaction de cause à effet. Pour Durkeim**, une contrainte sociale est la pression exercée par le fait social sur les individus. En économie, la contrainte extérieure est une limitation de la marge de manœuvre qui est la contrepartie de l’ouverture de l’économie. Il peut s’agir, soit de la nécessité de ne pas avoir une balance commer- ciale trop durablement négative, soit de recourir obligatoirement à un choix de politique publique. Toute la problématique est là. Il existe un exercice, simple et courant, qui est de mise dans toute activité de conception de projets. L’analyse des problèmes, suivie de l’analyse des solutions. Autrement dit, il y est question d’identifier les états négatifs – les contraintes - et de les transformer en états positifs – l’opportunité de changement ou d’amélioration offerte. Comme pour le choix du développement durable, c’est un pari sur l’intelligence. Refuser de croire que, dans les conditions appropriées, tout changement est possible, c’est se draper dans le pessimisme, c’est dire non à la vie, c’est faire défection. C’est devenir défaitiste. Evidemment que la déportation de nos compatriotes, dans les conditions que l’on déplore, est un lourd fardeau. Et c’est juste- ment la raison pour laquelle il faut se pencher dessus avec dis- cernement, sans préjugés, sans a priori et transformer la contrainte en opportunité. Opportunité d’identifier les conditions sine qua non du changement véritable au profit de tous, avec ses critères et ses règles du jeu. L’état de la situ- ation socio-économique et envi- ronnementale du pays, nos prob- lèmes de gouvernance sont autant d’éléments qui peuvent empêcher ou limiter l’action. Nous sommes en face de phé- nomènes qui peuvent pousser tout individu livré à lui-même à agir contre sa volonté. Ensemble, nous pouvons y faire face avec de meilleurs résultats. Pourquoi faire défection ? Des objections sont formulées qui méritent qu’on si attarde un peu. La main-d’œuvre haïtienne n’a pas l’expertise nécessaire Nous faisons référence là à des descendants d’agriculteurs, agri- culteurs eux-mêmes qui nourris- sent des générations d’Haïtiens depuis plus de 200 ans. Excusez du peu. Cette main-d’œuvre, elle a travaillé sans agronomes, sans har- nachement méthodique de l’eau, sans crédit, sans étude de marché …En République dominicaine, elle a appris à travailler dans les condi- tions optima de production. Elle a fait la fortune des capitalistes dominicains. Elle l’a fait au niveau des fincas, ces grandes exploita- tions agricoles. Les fincas en RD, c’est le dada des grands fonctionnaires, des mili- taires haut-gradés. Ils veulent tous en avoir. C’est un signe de réussite socio-économique. Les haïtiens y assurent la conduite de la produc- tion et y vivent souvent sur place, à la fois comme cadres moyens et simples travailleurs. L’expertise, ils l’acquièrent sur le tas. L’incapacité de l’Etat haïtien à les insérer dans une dynamique de production En l’an de grâce 2015, difficile de ne pas savoir pourquoi. Pourquoi il n’y a aucune politique publique, ni investissement public, ni incita- tion réelle à l’investissement privé, encore moins d’offre de crédit agri- cole. Les besoins en services de bases ne sont pas satisfaites – une lapalissade -, l’incapacité, dans les conditions actuelles de gestion de la chose publique, à les nourrir alors que 40% seulement de la population fait face à l’insécurité alimentaire. Justement, pour les 60% restants, un effort efficient ne devrait-il pas être planifié pour, graduellement convertir cette con- trainte en opportunité, sans perdre de vue que tous doivent être sat- isfaits. Effectivement, la catastrophe du 12 janvier était une contrainte à convertir en opportunité. Elle l’est encore aujourd’hui. Et ce n’est pas parce qu’on a eu les résultats que l’on sait qu’il faut s’envelopper souverainement du manteau de … la défaite. D’autant plus que tout s’explique, notamment le fait que les organ- isations et agences internationales en ont bien profité. La différence est énorme entre avoir une oppor- tunité et convertir une situation en opportunité. L’opportunité ne tombe pas du ciel. Quand on a la volonté de la trouver, on la cherche. Prôner l’efficience socio- économique, c’est faire quelque chose de valable avec le peu qu’on a. Intelligemment. Collectivement. Vers le développement durable et équitable Et ce n’est pas l’annonce d’un plan de contingence qui fera changer nos comportements, tels qu’ils se manifestent actuellement. Un plan de contingence est préventif, pré- dictif et réactif. Il propose tout un ensemble de procédures alterna- tives. Mais ce sont les hommes et les institutions qui la mettent en pratique. La production agricole est la transformation organisée de notre milieu naturel afin de produire les végétaux et les animaux qui nous sont utiles, en particulier ceux qui sont nécessaires à notre alimenta- tion. Avons-nous suffisamment de chromosomes pour le faire, pour en déterminer les conditions de faisabilité. Pleurnicher, n’arrange personne, ni les déracinés, ni les 60% qui vivotent dans l’insécurité alimentaire. En d’autres termes, même le citoy- en lambda en arrive à la conclusion qu’il faut créer en Haïti même les conditions qui attirent nos compa- triotes à l’étranger. : Emploi sécuri- sé, accès aux services sociaux de base, protection sociale, opportu- nités égales pour tous. Il s‘agit là d’une série de contraint- es – pardon de besoins – imposant la recherche planifiée, intelligente de solutions durables. Albert Einstein ne croyait point, au sens philosophique du terme, à la liberté de l’homme. Chacun – disait-il - agit non seulement sous une contrainte extérieure, mais aussi d’après une nécessité inté- rieure. Contrainte intérieure et nécessité intérieure, soit on les concilie, soit on disparait. L’opportunité désigne le moment ou l’occasion favorable pour faire ou saisir quelque chose. Il est donc important d’être attentif aux opportunités qui se présentent dans n’importe quel domaine et de les analyser pour déterminer quelle est l’option la plus conven- able. Voilà ainsi posée – autant que faire se pouvait - la problématique de la distinction conceptuelle entre contrainte et opportunité. * Pour paraphraser Dominique Bidou, ingénieur, démographe de formation et consultant en dével- oppement durable. **Le français David Émile Dur- kheim (15 avril 1858 - 15 novem- bre 1917) est l’un des fondateurs de la sociologie moderne.
  • 11. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 11 ÉCONOMIE L e« Pays émergents » : la pater- nité du terme est, en règle générale, attribuée à Antoine van Agtmael, économiste à la Société Financière Internationale qui voulait, par ce terme, faire la dis- tinction à l’intérieur de la catégorie des Pays En Développement (PED) entre ceux qui présentaient des ris- ques importants pour les investis- seurs internationaux et ceux qui, au contraire, pouvaient être des « terres d’opportunités ». Il s’agissait dans les années 1980 par la désignation « pays émergents », de distinguer le bon grain (pays à forte croissance, faiblement endettés, dont le compte de capital était suffisamment ouvert pour accueillir des capitaux) de l’ivraie (pays à faible croissance, crou- lant sous le poids de la dette, relative- ment fermé aux entrées de capitaux). Les années 1980 et la crise de la dette consacrèrent le terme qui par la suite joua tant le rôle de « bon signal » pour les investisseurs que nombreux furent les PED qui le mobilisèrent dans leur propre dis- cours de politique économique ou comme objectif de leur stratégie de développement. On pense ici par exemple au Maroc qui commanda au Boston Consulting Group un rapport « Plan émergence » dont l’objectif était de mettre en évi- dence les points forts du pays sur lesquels pourraient s’appuyer un processus d’émergence ou aux dis- cours récents des dirigeants ango- lais pour qui les 10% de croissance annuelle moyenne sur la dernière décennie laissent espérer un pro- cessus d’émergence pour le pays. Les 5 BRICS, 18 % du PIB mondial Comment caractériser aujourd’hui un pays émergent ? Une réponse concise à cette question est diffi- cile à formuler voire impossible. Il suffirait, se dit-on, de se référer aux listes de pays établies par les insti- tutions internationales (Banque Mondiale, FMI), les organismes financiers (Goldman et Sachs) ou groupe d’experts (Boston Consult- ing Group, Standards and Poor’s), pour cerner le contour de cette catégorie de pays. Or, depuis les années 1980, les listes de pays émergents ne cessent de se multiplier (chaque organ- isme international à sa propre liste de pays émergents), de se renouveler [1], sans qu’il soit réel- lement possible de les recouper – excepté pour les indétrônables Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud (BRICS) qui y apparaissent systématiquement – ou de repérer des critères d’élaboration réelle- ment communs. Ces listes mêlent de grands et de petits pays (en termes de taille et de population), des pays rentiers et producteurs de pétrole et des pays plus ou moins insérés dans les échanges mondi- aux. Un point qui est pourtant acquis est qu’il s’agit effectivement de PED mais d’un genre particulier. Or, sur ce dernier point, « la par- ticularité du genre », il existe un seul consensus : celui des per- formances macroéconomiques qui font de ces pays les nouvelles locomotives de la croissance mon- diale. En effet, les pays en dével- oppement – dont les émergents – représentent aujourd’hui 50% du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat, 40% du PIB mondial en valeur et 45% du commerce mon- dial (WTR, 2013). À eux seuls les 5 BRICS représentent 18 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat, 40 % de la population, 15% du commerce et 40 % des réserves monétaires de la planète. Les BRICS devraient assurer égale- ment en 2015 selon le FMI plus de 60% de la croissance mondiale ce qui naturellement n’est pas sans bousculer les équilibres mondiaux et renverser le rapport de force Nord-Sud. Au-delà des définitions parfois floues la question qui se pose est : l’émergence est-elle un processus qui ouvre la voie au développement ? L’émergence est-elle une étape du développement économique qui s’apparente aux notions de décollage économique, detake-off ou de convergence que l’on retrou- vait dans les théories économiques explicatives du développement des années 1960-1970 ? Il est néces- saire de se demander quelle est la pertinence de cette notion au regard des processus explicatifs du développement. Est-ce simplement une notion qui permet d’élaborer un rating aidant les investisseurs internationaux dans leur place- ment ou bien l’émergence est-elle une construction politique que les dirigeants de pays en développe- ment mobilisent dans leur bilan économique, ou enfin un concept qui permet de comprendre les tra- jectoires de développement, et qui peut être théorisé pour en com- prendre les mécanismes suscep- tibles d’être reproductibles ? En revenant sur l’ensemble des critères que l’on trouve dans les définitions qui fondent les catégo- ries de pays émergents nous ver- rons que la notion, parfois peu maniable, n’offre pas toujours un cadre rigoureux nécessaire à un travail analytique. Émergence, performance et développement La notion de « pays émergents » a été élaborée dans une optique « opérationnelle » : faire le tri parmi les pays en développement entre les bons et les mauvais performeurs. Ce sont donc les indicateurs macroéconomiques de richesse et de performance à l’international, et non les indica- teurs de développement humain, qui guident l’élaboration des listes.Si on se réfère à la clas- sification par niveau de revenu national brut proposée par la Banque mondiale (Méthode Atlas - 2013), les pays émergents sont plutôt issus des rangs de pays à revenus moyens supérieurs (4086 dollars à 12 6015 dollars) ou de revenus moyens inférieurs (1036 dollars à 4085 dollars). On notera que le Chili et la Russie appartien- nent au groupe des pays à revenus élevés car leur RNB est supérieur à 12 616 dollars qui est, selon la Banque mondiale, le seuil établis- sant la frontière entre pays dével- oppés et pays en développement. Il est cependant nécessaire de manier avec prudence le critère de richesse car il existe des pays à revenus intermédiaires qui sont des pays rentiers mais qui n’entrent pas dans les nombreuses listes de pays émergents, et des pays émergents qui sont égale- ment des pays rentiers comme la Russie et qui y figurent (Ben- sidoun, Lemoine, Ünal, 2009). Se pose ainsi régulièrement la question de classer ou pas comme émergents des pays producteurs de pétrole tels que l’Angola, le Nigeria ou le Venezuela. Le Crédit Agricole préfère classer le Nigeria dans les « pays à forts potentiels » alors qu’il apparaît pour Morgan Stanley Capital International dans celle des « Frontier Markets » [2] ou encore dans celle des BENIVM (Bangladesh, Éthiopie, Nigeria, Indonésie, Vietnam, Mexique) qui est la nouvelle proposition de regroupement faîte à notre con- naissance pour la première fois par L. Daziano (2012) maître de conférences à Sciences-Po Paris pour qualifier de futurs émer- gents (la Tribune, février 2013). On notera la présence dans cette dernière liste du Mexique qui est le huitième pays producteur de pétrole et qui apparaît selon les classifications tantôt comme pays émergent (on y salue alors plutôt son insertion dans l’Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA) , tantôt comme futur émergent. Si les pays émergents tendent donc à être caractérisés par de bonnes performances macroéconomiques, cela ne doit pas masquer que, si l’on prend en compte différents indicateurs de développement humain, ces pays restent claire- ment des pays en voie de dévelop- pement. Ainsi, en 2008, au Brésil, 6% de la population vivait avec moins de 1,25 dollars par jour alors que ce chiffre était de 13% en Chine (173 millions de per- sonnes) ; 25% de la population de l’Asie de l’est vit dans l’extrême pauvreté (hors Chine). Le Brésil, la Chine, l’Afrique du Sud, le Mex- ique enregistrent des coefficients de Gini supérieurs à 50. On trouve entre 10% et 20% des enfants qui travaillent au Brésil, en Inde, en Thaïlande, en Malaisie, etc. 21% de la population est sous-alimen- tée en Inde, 10% en Chine, 17% en Thaïlande, 14% au Vietnam, etc. La population rurale est de 38% du total en Afrique du Sud et de 49% en Chine alors que la part de la valeur ajoutée de l’agriculture dans le PIB de ces pays n’est respec- tivement que de 3% et 10%. Les chiffres de la population rurale atteignent même 60% en Inde, 49% en Indonésie, alors que la participation de l’agriculture à la formation de la valeur ajoutée n’est que d’environ 15% du PIB dans les deux cas. Parmi les critères de performance, celui de « forte croissance sur le long terme », souvent mobilisé dans les définitions, montre également ses limites. En effet, il existe un grand nombre de pays en développement dont les taux de croissance ont été supérieurs à la croissance mondiale pendant dix années consécutives sans qu’ils apparaissent généralement dans les listes de pays émergents. Notes [1] À l’origine la liste BCG comp- tait 14 pays, aujourd’hui plus de 35 pays peuvent être classés dans la liste de pays émergents ou de pays à fort potentiel. La valse des entrants et des sortants des listes est perpétuelle au fil des bonnes ou mauvaises performances ou des renversements politiques. [2] Il existe depuis 1992 une caté- gorie de pays les « Frontier Markets » qui est une catégorie que l’on peut qualifier de « pays aux limites de l’émergence » dans laquelle des pays de plus faible rentabilité sont classés notamment par les institu- tions financières comme Morgan Stanley Capital International. Les pays émergents : performance ou développement ?Par Dalila Nicet-Chenaf / 1ere partie Les « pays émergents » bouleversent aujourd’hui le paysage économique et politique mondial. Mais qu’est-ce que l’« émergence » ? Derrière ce label associé à des pays très différents, voire disparates, existe-t-il une réalité commune, voire une voie royale vers le développement ?
  • 12. 12 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 ÉCONOMIE C ’est ainsi qu’on a assisté, tout particulièrement à partir des années 90, à l’émergence et à l’affermissement progres- sif d’organisations communautaires, paysannes, de jeunes, de femmes, à caractère syndical, mutualistes… Les structures mutualistes en Afrique Ce dossier thématique ayant pour sujet le rôle des mutuelles dans la santé en Afrique, nous allons privilégier l’analyse rapide des structures mutualistes dans les pays subsahariens. Sous leurs formes actuelles, les mutualités y sont des dispositifs récents, même s’il existait de longue date des mécanismes traditionnels, comme les tontines, qui remplis- saient d’une certaine façon ce rôle. Les mutuelles telles qu’elles se développent aujourd’hui, si elles présentent certains caractères originaux, ont pour modèles évi- dents - en termes de structuration et de fonctionnement - celles des pays industrialisés. Mais les condi- tions d’émergence et de développe- ment de ces organisations sont très différentes de ce qu’elles ont été dans les pays du Nord, en tout cas en Belgique. Ici, si elles sont bien nées de com- bats menés par le mouvement ouvrier, comme elles naissent des luttes des mouvements sociaux et des organisations collectives dans le Sud, bien des paramètres sont différents. C’est ainsi que le mou- vement mutualiste a émergé en Belgique dans un contexte de pays riche, d’État national fort, d’une position concurrentielle interna- tionale favorable, et d’une classe ouvrière puissante et structurée. Les mutualités ont été insérées à la structure institutionnelle du pays et sont depuis plusieurs décennies des partenaires incon- tournables des politiques de santé publique. Les classes populaires et moyennes disposant, au fur et à mesure de l’enrichissement du pays, de davantage de ressources du fait de la redistribution plus ou moins importante des richesses, le financement des systèmes publics de santé et des mutualités a été possible, entre autres, par le biais de la fiscalité. Importance du collectif et de la mise en réseau Si l’on a assisté à des tentatives de lancement de programmes nationaux de développement des mutuelles de santé, notamment au Mali et au Sénégal, la majorité de la population subsaharienne disposant de peu de ressources, ou vivant carrément sous le seuil de pauvreté, il est difficile de faire jouer les mêmes leviers que dans les pays industrialisés. Cependant, le prix des soins de santé étant un fardeau toujours plus lourd pour un nombre sans cesse croissant de personnes fragilisées, ce qui a un effet désastreux sur le développe- ment des populations, il est impor- tant de renforcer et de structurer les organisations et mouvements locaux et nationaux qui défendent les politiques publiques et le droit des personnes à accéder aux struc- tures de santé. Et la solidarité internationale y a un rôle crucial à jouer. De fait, le développement des mutuelles de santé en Afrique subsaharienne se fait, et c’est essentiel, dans le cadre plus large de structures interna- tionales, comme par exemple la Concertation (un réseau de partage d’informations et d’expériences entre les acteurs du développement des mutuelles de santé, touchant onze pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre) ou le Programme STEP du Bureau International du Travail ou encore les programmes de coo- pération allemande, française et belge, parmi d’autres. L’approche de solidarité socialiste Solidarité Socialiste privilégie une approche basée sur l’initiative communautaire. Avec l’appui de l’Union Nationale des Mutualités Socialistes, elle mène avec seize partenaires un programme “Droit à la santé” dans cinq pays d’Afrique subsaharienne, le Burkina Faso, le Sénégal, le Burundi, le Cap Vert et la République Démocratique du Congo. Ce programme comporte un important volet mutualiste. Il implique 153 organisations com- munautaires, selon une approche démocratique et participative, et l’objectif d’un renforcement de l’État de droit dans les pays con- cernés. L’idée force est la suivante : en perfectionnant leurs structures et leurs capacités, les mutuelles de santé, déployées en réseaux aux échelons local, national et interna- tional, se renforcent l’une l’autre, et sont mieux à même d’améliorer l’accès à la santé de leurs membres et d’influer sur les politiques de sécurité sociale et de santé pub- lique en faveur des populations démunies, dans les régions et dans les pays où elles développent leurs activités. Si les structures mutualistes appuyées sont généralement de petite taille, vu la faiblesse des moyens des populations, le lien social est très fort et les affiliés, dont la participation est fortement encouragée et constitue même un élément essentiel du processus, sont à même d’en maîtriser mieux le fonctionnement. D’autant plus que ces mutuelles s’inscrivent dans un processus plus large, où s’intègre le volet économique et dans lequel l’aspect formation et éducation populaire est très important. D’un point de vue économique, par le biais notam- ment de mutuelles de crédit parte- naires de l’action et/ou par le biais de fonds rotatifs, Solidarité Social- iste vise à renforcer les capacités de contribution des adhérents aux mutuelles, par la mise en place d’activités économiques générant des revenus. D’un point de vue éducation et formation, l’objectif est double : d’une part, faire prendre conscience aux popula- tions de l’intérêt que constituent la solidarité et la mutualisation des risques ainsi que la force et la capacité d’influence que leur con- fère l’action collective vis-à-vis des municipalités et autres pouvoirs publics, d’autre part, accroître les compétences et l’expertise des mutualistes. Au Burkina Faso Au Burkina Faso, le gouverne- ment planche sur un dispositif d’assurance maladie universelle, et a créé dans ce sens un Secré- tariat permanent, auquel parti- cipent ASMADE, partenaire de Solidarité Socialiste, ainsi qu’un certain nombre de mutuelles de santé actives dans le programme. Le ministère des Affaires socia- les pousse à la formalisation de ce cadre sous la pression entre autres d’ASMADE. Parallèlement, un autre cadre de concertation a été mis en place au niveau national par les mutuelles de santé elles- mêmes. C’est ainsi qu’on assiste à un double mouvement : du haut vers le bas et du bas vers le haut, pour la mise en réseaux des mutuelles, visant la moindre dispersion des initiatives, une plus grande effi- cacité et une économie d’échelle qui permettraient aux bénéficiaires de disposer d’une meilleure qualité des soins à un coût plus abord- able. L’implication des populations dans le programme des mutu- elles de santé est de plus en plus importante, la militance s’accroît. Le couplage à des programmes économiques permet d’augmenter la contribution personnelle des membres et d’élargir par la même occasion, selon les besoins, la gamme des prestations assurées par les organisations mutualistes. L’on assiste à des changements de comportement et d’esprit, comme un moindre appel aux praticiens traditionnels et au marché noir, une plus grande fréquentation des postes de santé (plus accessibles et aux tarifs moins volatils), une motivation plus grande du person- nel de santé. La confiance dans les mutuelles est plus forte, certaines personnes n’hésitant plus à cotiser pour une adhésion à long terme (jusqu’à cinq ans). Des résultats concrets sont ainsi obtenus, frag- iles et inégaux, mais réels : une diminution visible de la mortalité infantile et maternelle, et une amé- lioration de l’état sanitaire général des populations bénéficiant des programmes mutualistes. Au Burundi La force du programme de mutu- elles de santé au Burundi est qu’il s’appuie sur une structure bien organisée, structurée de la base au sommet, avec un système de représentation nationale. L’un des deux partenaires du programme est la Confédération Nationale des Caféiculteurs (CNAC). Les pro- ducteurs organisés au sein de la CNAC sont plus de 100.000, et leur nombre grossit chaque jour. Avec ADISCO, l’autre partenaire du programme au Burundi, l’objectif de la CNAC est de mettre en place vingt-cinq mutuelles de santé, de structurer leur mise en réseau, et d’appuyer leurs revendications et leurs actions pour améliorer l’accès de leurs membres à des soins de santé de qualité. Les mutuelles comptent, en moyenne, entre 250 et 300 membres. Des conventions sont systématiquement signées avec les prestataires de soins et déterminent notamment les tarifs et les remboursements. A côté de cela, le programme finance des petites activités génératrices de revenus par le biais de fonds rotatifs. Tout un travail de plaidoyer et de revendication est aussi mené pour mettre en place une politique d’appui officielle aux mutuelles de santé afin qu’elles puissent jouer un rôle important dans le cadre d’une concerta- tion dans la définition d’un futur système de protection sociale à l’échelle nationale. Le tout accom- pagné d’un important aspect de formation et de renforcement des capacités, et dans le cadre d’une action internationale en réseau. ALTERNATIVES La santé en Afrique : le rôle des mutuelles Source : solsoc.be / 2ème partie Suite à l’affaiblissement des États, ou au détournement de leurs moyens en faveur de politiques et d’intérêts allant à l’encontre du bien commun, des secteurs importants de la société civile du Sud se sont mobilisés pour faire entendre la voix des populations, et notamment des plus pauvres parmi elles.
  • 13. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 13
  • 14. 14 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 SOCIÉTÉ C rick ! Crack !... Il était une fois, Oswald devait écrire des alexandrins à Choucoune. Le pauvre… Que c’était mignon ! Presque un art de faire, de séduire et conquérir l’élue de son cœur! Époque record des peaux de fesses mordues par les chiens de garde, la nuit ! Ils en disent quoi, nos jeunes haïtiens, aujourd’hui ? « Radote ! ». Avec raison, messieurs-dames la société. Pourquoi s’emmerder lorsqu’à présent, l’équation magnifique existe : (appareils électroniques + services de communication) x (réseaux sociaux – honnêteté) = Ti Mamoune conquise à . Dommage, les chiens ! Le processus est simple : choisissez une femelle que vous ne connaissez ni en peintre ni en peinture et envoyez-lui une demande d’ami. Zéro problème si mademoiselle (qui avait l’air de sortir tout droit d’un catalogue sur le web) est en fait une véritable guenon au rendez-vous de face à face tant attendu ! High-tech drague, bébé ! On ne se contente plus de la voisine d’en face. Le pourquoi ? Concur- rence internationale. Oh oui ! Explication : sachez que, assis sur son WC, monsieur Don Juan (super cute, en passant) courtise aussi la chinoise en même temps que la voisine. Et non, monsieur ne parlez pas le mandarin! Un petit génie a inventé Google traduction. N’est-elle pas belle, la vie ? Attendez la suite : jadis, il fallait attendre une éternité avant de pouvoir baiser… pardon !... pourvoir embrasser la donzelle (là encore c’est à condition d’être entré dans les bonnes grâces de celle dite convoitée). Maintenant (avec les réseaux sociaux), il suffit de faire copie/coller du même message enflammé et l’envoyer à plusieurs tourterelles simultanément. Le temps de décoller son arrière train du WC, quelques-unes ont déjà mordu à l’hameçon. Amen! Ah, les parents! S’ils voyaient les messages que le fils du pasteur envoyait à leurs jouvencelles! Bon (timoun) devant l’Éternel, ce garçon! Bon dans tous les sens du terme, le confirmera la fille de quatorze ans que vous chérissez, après le sexe par textos. Ne vous en faites pas! C’est juste un ultimatum posé à sa virginité. Les sextos à minuit… Rien d’alarmant! Poursuivons : qui a dit qu’ils sont des (gros souliers), nos paysans qui disaient à la belle : « J’ai cinq bœufs, dix cabris, vingt poules et tu pourras boire du lait fraichement tiré chaque matin » ? Ils sont des petits (tennis), nos gros (zouzounes) qui racontent aux femelles « J’ai cinq maisons, dix voitures, vingt femmes de chambre et tu pourras boire du vin longuement fermenté toute la journée » ? Ils appellent cela « casse boa » à l’oreille de la demoiselle. A ce rythme- là, les mecs, elles seront toutes sourdes. Que dit-on des femmes qui courtisent les hommes? Et bien ça, c’est une toute autre histoire, mes amis… C’est d’ailleurs en passant par là que Le temps des jeunes femmes a reçu un coup de pied pour atterrir dans ce journal et parler de ces petites observations. T rottoirs, marchés publics : en voilà deux lieux à Port- au-Prince, désormais, qui se rapprochent graduellement de sorte que l’un peut être substi- tué à l’autre. Et pourtant, au départ, ces deux vocables n’ont apparem- ment aucune contiguïté, aucun sens commun. Traditionnellement l’on va au marché pour faire des achats. Le trottoir est en revanche fait pour les piétons. Pas pour le petit commerce ou autres. Un étu- diant qui passe fréquemment près du stade Sylvio Cator, lieu de notre investigation, partage ses préoccupa- tions : « un simple oubli de soi, d’au moins 30 secondes, suffit pour causer la mort de quelqu’un à travers les rues ». Il a justifié cela par le fait que les chauffeurs conduisent avec beau- coup d’imprudence, et surtout les « taxi moto » qui n’ont aucun souci pour les piétons. « Sur les trottoirs, on n’est même pas à l’abri, que dire si l’on marche au milieu même des rues ? », s’interroge le futur cadre. « Mais il y aurait une quelconque raison portant les gens à vendre sur les trottoirs ».  Une femme tient devant elle une brouette remplie de gazeuses et de sachets d’eau. C’est la première à nous parler mais elle veut garder l’anonymat. « Avant, je vendais dans un marché moi », a-t-elle lâché. Mais pourquoi elle aurait quitté le marché pour venir sur ces trottoirs ? Elle répond : « quand on a une place au marché, on doit s’attendre à tout moment à un « coup de poudre », mais ici il n’y a pas ça ». Voilà pourquoi cette jeune femme vend dans les rues, près du stade Sylvio Cator. Mais selon un autre commerçant qui vend des appareils électroniques, la raison de sa présence sur le trottoir est bien simple : « les places sont trop chères dans les marchés ». « Alors qu’ici on ne paie rien », ajoute-t-il. « Lajan bank paka fè tout bagay sa yo », a lancé une femme qui vend des fripes. « Et d’ailleurs, ajoute-t-elle, il est plus facile de vendre ici ». Ils subissent toute sorte de tortures sur les trottoirs. « Les policiers nous bastonnent souvent ici », a déclaré l’un de ces commerçants. Parfois, ils emportent tout ce dont nous possédons. Pour récupérer nos marchandises, nous devons nous rendre à la Mairie qui réclame une somme en guise de pénalité. « Mais ils n’ont pas à nous battre, il faut penser à nous donner un autre espace », martèle une jeune fille vendeuse de produits cosmétiques. Ces petits détaillants se disent prêts à quitter les trottoirs connaissant d’ailleurs le danger qu’ils encourent. Mais pour l’instant ils sont là. Ils vendent tout sur ces trottoirs : produits cosmétiques, appareils électroniques, fripes, chaussures, sous-vêtements, boissons… il y a une « croix des bossales » qui se dessine sur les trottoirs à Port- au-Prince avec tous ses dangers. Cette « croix des bossales », près de l’unique stade du pays, est déjà un fait qui doit retenir l’attention de tout un chacun. High-tech draguepar EDNA BLAISE Nouveaux marchés publics à Port-au-Prince par Ritzamarum Zetrenne De nos jours, à Port-au-Prince, les trottoirs sont de plus en plus occupés par de petits commerçants. Il semble que ceux-ci préfèrent bien la rue que les marchés. Ou peut-être, ils n’ont pas le choix et sont obligés de faire des trottoirs leur lieu de vente de prédilection. L’on est sûr au moins d’une chose : les trottoirs sont devenus désormais de tous nouveaux marchés publics à Port- au-Prince. HAÏTISOCIÉTÉ
  • 15. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 15 SOCIÉTÉ Perpétuel secours et déportations massives par Pierre Clitandre HAÏTISOCIÉTÉ/RELIGION L’Image religieuse catholique la plus vénérée en Haïti est celle de la Vierge : Notre Dame du Perpétuel Secours. Elle l’était bien avant le séisme qui a ravagé la Capitale, le 12 janvier 2010. L’histoire rapporte qu’une épidémie de petite vérole frappait durement la population de la Capitale. Les autorités religieuses catholiques de Port-au- Prince, ont eu l’idée de faire pèlerinage, à travers les rues, avec l’icône de la Vierge du Perpétuel Secours. L ’égliseoùlaViergeduPerpétuel Secours est adorée est toujours pleine de fidèles. Ils viennent de partout: de la province rec- ulée, des quartiers environnants de la ville, de la diaspora. On y apporte toutes formes de remerciements pour les bienfaits de la Vierge : un mar- iage, une voiture, un terrain, un visa, un compte en banque, un travail, la guérison d’une maladie. Et la chance apportée. La grande vénération pour la Vierge du Perpétuel Secours est née après que l’épidémie de petite vérole aurait cessé en intensité jusqu’à disparaître complètement à la grande satisfaction des port- aux-princiens Cependant le séisme du 12 janvier 2010 n’a pas épargné cette église. Mise à terre comme le Sacré-Cœur de Turgeau, le Saint Gérard de Carrefour-Feuilles, la Sainte-Anne de Morne à Tuf ou la cathédrale de Port-au-Prince, l’église de la Vierge du Perpétuel Secours a, dans des hangars provisoires, con- tinué ses messes d’adoration qui sont demeurées très ferventes. Des jeunes résidents de la zone ont rapporté que des bandes de rara, après le séisme, ont composé des chansons grivoises non pas directement contre la Vierge mais du fait qu’on aurait découvert, sous les décombres du presby- tère, des objets insolites, sexuels et autres machins douteux inadap- tés aux lieux. D’OU VIENT L’IMAGE? L’image n’était pas fabriquée en Haïti pour chasser du pays la petite vérole. Elle daterait du 14e siècle européen si l’on tient compte de son aspect bizantin dans le traitement des vêtements. Elle serait un peu proche de Fra Angelico, peintre italien religieux annonçant les grandes œuvres de Michel Ange. L’icône semblait être réalisée pour l’église catholique en Europe (France, Italie) entre le moyen-âge et la renaissance. L’élite haïtienne et les intellec- tuels de l’époque n’avaient pas dit le plus simple mot sur une image qui n’avait rien à voir avec notre archétype collectif et racial. La décision de consécration n’était pourtant pas simpliste. Au Bel- Air, quartier d’intellectuels et de “frères maçons”, l’affaire devrait prendre une dimension de débat global. Mais, dans l’accablement de la petite vérole, l’image est passée comme une lettre à la poste. Le clergé Indigène ne s’était pas prononcé sur l’icône, alors que partout on proclamait l’ère de la nationalisation et de l’indigénisme de nos arts. La négritude était le cheval de bataille de ceux qui disaient défendre l’indépendance et l’authenticité culturelle du pays. Où étaient passés les Griots des années quarante? UNE ICONE RARE SUR LE MARCHÉ L’icône a t-elle été promenée dans les rues du pays contre l’épidémie du choléra? On n’en sait rien. Est-elle promenée, ces derniers jours, contre les déportations massives d’Haïtiens de la Répub- lique dominicaine? Dans nos rues ravagées par le séisme, peut-on espérer de la Vierge un secours pour la reconstruction de la Capi- tale? On peut décrire ainsi l’image de la Vierge du Perpétuel Secours. Une mère qui tient son enfant sur son bras gauche tandis que celui-ci retient le pouce de la Vierge de ses deux mains. L’enfant a la jambe droite un peu raide. Il perd une sandale. L’enfant et la mère ne se regardent pas. Il y a deux éléments qui ne sont pas religieusement standardisés. Le premier est le pouce entouré des deux mains. Le second est la sandale qui tombe. Il n’est pas aisé de dire pour nos lecteurs ce que peut signifier le pouce entouré des deux mains. On y décèle, toutefois, une sug- gestive motricité. Le spectateur aboutira, immanquablement, à une conclusion certaine au sujet de la sandale perdue. C’est une perte d’énergie. Cette image est l’une des plus rares à trouver dans nos marchés publics et les boutiques d’objets votifs. On l’achète comme de petits pains. L’image a traversé le temps. Elle a cohabité avec des familles et a apporté un peu de bonheur passager dans des moments d’angoisse et de solitude. Il est plus aisé d’affirmer que la belle européenne ne ressemble pas à une haïtienne. Alors, pourquoi sommes-nous restés fascinés par son “canon esthétique”? A moins que l’image ne réponde à un fan- tasme que comprendrait mieux Frantz Fanon dans son livre : Peau noire, masque blanc… Nous ne partageons pas les envolées d’un protestantisme fanatique qui traite les images de saintes catholiques « d’idoles du diable » ou de Jézabel des envoûtements les plus difficiles à guérir! Quand nos pasteurs protes- tants auront le courage de traiter la statue de la Liberté dans la baie de New-York avec la même verve contre nos Erzulie, nous dirons, enfin, qu’ils sont sur le chemin des “vérités universelles”. Mais, qu’en est-il des “Frères maçons”? Selon nos informations, ils ont des prières en honneur à La Vierge Immaculée, la Patronne d’Haïti. L’image de la Patronne est celle d’une femme pieuse à la sortie d’une…grotte! La grotte est un symbole important pour les psychanalystes. On nous rapporte que dans cer- taines loges, on ne célèbre plus ni les Vierges catholiques, ni les Erzulies. Mais plutôt Isthar, une entité féminine qui apporterait plus facilement la prospérité et les biens matériels. Dans cette maison de la quête médiatique de notre identité nationale, la Vierge Immaculée, la Patronne d’Haïti, soucieuse de la recrudescence en série de nos catastrophes: séisme, choléra, déportations, peut aider ceux qui croient en ses miracles à aller de victoire en succès. Il y a toujours une femme derrière les grandes œuvres! Au Bel-Air de l’écrivain du chaos Frankétienne, l’excès de désir peut accabler considérablement les lieux de résistance personnelle et collective d’un pays mis tragiquement à genou. Il nous faut, me semble t-il, une concep- tion plus haute et plus élaborée du baiser!… ...
  • 16. 16 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 SOCIÉTÉ I ls sont au nombre de 111 pension- naires âgés d’au moins 65 ans qui viventdanscetasile.Quatre-vingts d’entre eux sont abandonnés par leurs familles. Et la majorité souffre d’un handicap physique. D’autres sont diabétiques, hypertendus ou atteints d’Alzheimer et/ou d’une autre maladie. Des pathologies qui nécess- iteraient une prise en charge sérieuse avec emphase sur une alimentation équilibrée, rythmée et contrôlée. Cependant, dans cet espace où sont logés les pensionnaires, tout le monde déguste le même menu tous les jours : riz, pois et sauce, si possible. Une nourriture dite « nourriture pour- tout-le-monde », préparée régulière- ment avec les mêmes ingrédients. Assis sur son lit sans couverture, dans une salle commune avec 11 autres pensionnaires, Serge Castor se dit insatisfait des conditions dans lesquelles il vit. « Je mange du sucre en attendant la nourriture, car je n’ai rien pris depuis ce matin », se plaint-il. Il a 75 ans et est hébergé à l’Asile depuis dix ans environ. Proche parent de l’ancienne vedette sportive Sylvio Cator, cet ancien employé de la Chambre du commerce et de l’industrie explique que son sort ne s’améliore qu’en présence des missionnaires. Ceux-ci lui font don d’un peu d’argent, de bonbons et d’un repas convenable. En termes de loisir, ce sexagénaire a expliqué qu’il n’en existe aucun dans ce centre. Pourtant il raconte avoir souvent envie de jouer aux cartes et aux dominos. Dans cet asile où il partage son quotidien avec les autres pensionnaires, les responsables, dit-il, n’ont pris aucune disposition pour assurer sa détente. « Je suis diabétique et hyperten- du… les médecins m’ont interdit, explique-t-il, de consommer du café, trop de sel, de sucre. Cepen- dant, ici, il est impossible de me soumettre à un régime alimentaire équilibré », s’inquiète-t-il. « Hormis le café, je mange tout ce qui est servi », explique la veuve Ruth Simon, une autre pension- naire hébergée à l’asile, depuis un an, suite à la mort de son mari. « Nous avons 12 pensionnaires sous la surveillance de trois ou quatre responsables par salle. Vêtements, chaussures… tout est partagé », explique M. Gaspard Marcellus, intendant de l’Asile, signalant que les vêtements n’appartiennent à personne. « Nous ne sommes pas en mesure d’acheter des vêtements pour chaque pensionnaire », regrette- t-il. Il s’agit, selon Fritz Dufresne, directeur de l’Asile communal de Port-au-Prince, d’un centre d’hébergement pour les personnes du troisième âge qui ne peut offrir un bien meilleur traitement que cela. « Nous assurons l’administration de l’Asile, explique-t-il, avec 55 personnes, dont 10 infirmières. Le budget ne répond pas vraiment aux besoins des pensionnaires, mais grâce aux dons et aux repas chauds que nous recevons de la part des missionnaires, nous assurons les besoins primaires et les soins nécessaires », ajoute-t-il. Le directeur a profité de notre passage pour expliquer comment ces vieillards atterrissent dans ce centre. « Pour la plupart, dit-il, ils ont été retrouvés dans la rue par des passants, journalistes, agents de la mairie, policiers qui les ramènent ici. On les reçoit, s’il y a des lits disponibles. Des fois, on demande à quelques-uns de venir avec leurs lits. » En termes d’infrastructure, trois bâtiments abritent l’Asile. À l’intérieur, une mini pharmacie quasiment vide s’offre au regard curieux des passants. Pas un seul véhicule pour le transport des pensionnaires. « En cas d’urgence, conclut froidement M. Marcellus, l’Asile loue un « taptap ». Une autre catégorie délaisséepar Bob S. SIMON HAÏTI/PERSONNESDU3EÂGE Les résidents des asiles communaux en Haïti évoluent dans des conditions difficiles. Une simple visite permet de constater les nombreux manques auxquels sont confrontés nos aînés démunis. À l’Asile communal de Port-au- Prince, sous les yeux des autorités, la situation qui prévaut ne diffère pas de celle des autres asiles. ...
  • 17. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 17 CULTURE La colère et l'indignation face au crime de l'occupation américaine d'Haïti Par Dangelo Néard L ’État haïtien jusqu’à présent, si ce n’est quelques conférences organisées à la Bibliothèque nationale et quelques poignées de main échangées à l’ambassade américaine, ne manifeste aucune volonté réelle de marquer les cent ans de l’occupation américaine en Haïti. Peut-être même qu’en juillet, parce qu’on a l’argent pour ces choses-là, on aura droit à un car- naval de « gouyad » en bonne et due forme. Tout le monde sera au Champ-de-mars, on viendra avec les enfants, on sera content, le chef de l’État chantera et dansera et toute sa famille et les ministres suivront. On a dit « peut-être », on espère que tout ce qui est dit là ne restera qu’au stade du pronostic facile et vulgaire. Entre-temps, des citoyens agissent Rodolphe Mathurin est écrivain et professeur de mathématiques de carrière. En face de chez lui, à la rue Camelot, à quelques encab- lures de la faculté de Linguistique appliquée, entre des pancartes avec des inscriptions appelant à la colère et à l’indignation, on voit deux portes qui se cherchent une carrure. Sur l’une d’elle, le bico- lore haïtien est en bandoulière sous la mention 1915-2015, en bas de cette porte nous lisons « nou bouke, sa n ap fè ». Sur l’autre porte, nous voyons ce qu’il reste d’un mannequin en jeans, torse nu, attaché par une corde à la porte. Le sym- bolisme est fort. Il porte la mémoire de l’assassinat de l’un des plus farouches opposants à l’occupation américaine d’Haïti : Charlemagne Péralte. Ce mannequin sur cette porte rappelle que Charlemagne Péralte a été trahi par l’un de ses proches Jean Conzé. Ce mannequin sur cette porte rappelle que Charlemagne Péralte a été cloué à une porte par des soldats américains pour y être fusillé lâchement. Ensuite, son cadavre a été conduit, trainé doit-on dire jusqu’au Cap-Haïtien. C’était le trophée des marines, il fallait montrer à tout le peuple le sort qui était réservé aux opposants. Mais plus loin dans l’analyse, le geste de Rodolphe Mathurin dit toutes les horreurs de l’occupation. Le pillage systématique des res- sources d’Haïti, l’ouverture du marché haïtien au libéralisme, le kidnapping et l’assassinat des opposants et la liste peut-être longue, très longue. Nous parlons quand même de 19 ans d’exploitations et d’horreurs. Le geste de Rodolphe Mathurin dit que même si l’actualité nous enferme dans la tourmente des élections, même si l’État haï- tien refuse de nommer le mal de l’occupation américaine , des citoyens, un peu partout à trav- ers le pays, peuvent monter aux créneaux et marquer la mémoire collective, dire l’innommable. Aux environs du Bois-Verna, à la rue Camelot, une exposition hors déclaration ministérielle dit qu’il ne faut pas chercher dans le présent-présent le drame du peuple haïtien. À bien y regarder, si toute Haïti est concentrée à Port-au-Prince, c’est la faute en grande partie aux Américains. Si beaucoup de ports des villes de province sont dysfonctionnels, c’est la faute en grande partie aux Américains, si l’économie haïtienne est sous intraveineuse et vit de la manne de l’aide internationale, c’est la faute en grande partie aux Améri- cains. L’écrivain-citoyen Rodolphe Mathurin a dit depuis son lieu, et sa démarche doit être inscrite dans l’exemplarité, qu’Haïti a été mise à genoux par le peuple américain. Oui, Rodolphe, on doit s’indigner, se mettre en colère, oui Rodolphe les américains nous ont fait du mal ; Fok nou sonje… La porte des indignés. Un certain 28 Juillet de l’année 1915, à la rade de Bizoton, des soldats américains ont débarqué. Ils n’étaient pas venus faire le gentil touriste américain, ils étaient venus piller. Armés comme on ne peut pas l’être, animés de haine, de racisme, emmaillotés dans la rage de l’impérialisme, les soldats étoilés allaient rester sur le territoire haïtien pendant dix-neuf ans. Juillet 2015 est la porte d’à côté. Cent ans depuis que les Yankees s’étaient installés ici. Pour sauver la mémoire historique et la dignité nationale, quelques citoyens haïtiens, hors d’un train de mesures officielles, jettent des pavés dans la mare et appellent à l’indignation et à la colère.
  • 18. 18 | N0 25 JEUDI 25 JUIN 2015 CULTURE U n concert gratuit au Champ- de-Mars que nous offrent les productions Big O d’Olivier Martelly et Swizz Beatz. Pour quelle occasion ? Mario Viau fils, un autre pro- ducteur, a annoncé dans un tweet que les deux rappeurs seront en Haïti pour un concert le 26 juin au Champ de Mars et coûteront la somme de 1 million de dollars US environ. Il avait organisé le concert de Sean Paul en décembre 2012. En plus, les rappeurs exigeront des promoteurs de Big O, un jet privé, transport, hôtel, sécurité, etc. ça a provoqué un véritable tollé sur les réseaux depuis l’annonce de ce concert qui choque sur l’enveloppe demandée par les représentants des stars. Une belle occasion pour ces fans des deux rappeurs de les voir évoluer au Champ-de-Mars. Mais, que de questions se posent à un moment où le pays traverse péniblement une crise du « dollar » et du refoulement de nos compa- triotes qui vivent en République Dominicaine. Répondant à des questions de Ticket magazine, le principal responsable de BigO, Olivier Mar- telly a expliqué « qu’il a eu long- temps déjà la chance de rencontrer plusieurs promoteurs, dont Swizz Beatz, qui s’intéressent à Haïti ». Et c’est ainsi qu’ils ont travaillé ensemble sur une liste, bâtie par Olivier, des stars populaires en Haïti. Ensuite il a reçu un e-mail sur le projet. « Le mois dernier, à ma grande surprise, Swiss Beatz m’a proposé Lil Wayne et Chris Brown à la seule condition que le concert soit gratuit », déclare le fils du président haïtien. M. Olivier a fait savoir qu’il ne faut pas se fier à tout ce qui dit sur internet sans pour autant démen- tir la somme et les exigences des rappeurs américains. Un animateur de radio très bran- ché et très populaire, contacté pour être le Mc de ce concert le vendredi 26 juin, n’est pas trop intéressé, trouvant le moment inopportun. Devant se rendre aux États-Unis à la même date, avons-nous appris, on lui offre une enveloppe « bien chargée » pour qu’il reste faire la fête ! Présentons les rappeurs : Lil Wayne, de son vrai nom Dwayne Michael Carter Jr, est né le 27 septembre 1982 à La Nou- velle-Orléans, Louisiane, rappeur, producteur de musique et entre- preneur américain. En activité depuis le milieu des années 1990, il est particulière- ment connu pour sa quadrilogie Tha Carter, son flow grinçant, ses métaphores typées, ses jeux de mots caractéristiques, ses com- paraisons et le label Young Money Entertainment dont il est le fonda- teur. Sa fortune est estimée à 140 millions de dollars. Christopher Maurice « Chris » Brown, né le 5 mai 1989 à Tap- pahannock (Virgi- nie), est un chanteur, danseur-chorégraphe, auteur-compositeur-interprète, acteur, rappeur et réalisateur américain. Débutant dans le chant et la danse dès son jeune âge. Brown signe avec le label Jive Records en 2004, et fait paraî- tre son premier album éponyme l’année suivante. Il atteint la seconde place du Billboard 200 américain, et est plus tard certifié double disque de platine par la Recording Industry Association of America (RIAA). Avec son premier single Run It! En pôle position du Billboard Hot 100 américain, Brown devient le premier musicien, depuis Diddy en 1997, dont le premier single se classe en première position. Sa fortune est estimée à 30 millions de dollars. Lil Wayne et Chris Brown en HaïtiPar Walcam C’est sur les réseaux que l’annonce tombe pour la première fois. Les rappeurs américains « Lil Wayne et Chris Brown attendus en Haïti pour un concert le 26 juin ». Chris Brown. Lil wayne.
  • 19. JEUDI 25 JUIN 2015 N0 25 | 19 CULTURE Gasner Raymond par son œuvre « Rosita »Par Carl-Henry Pierre « Rosita », négresse leoganaise, laisse sa campagne à 22 ans et s’installe à Port-au-Prince avec sa mère sor charité . Elle vit en placage, tout en le trompant, avec un certain Lebon, mais elle a mis tout cela sous les comptes de « cousin- zaka ». Lebon est arrêté injustement et disparait des yeux de tous, suite à ses disputes avec Rosita après l’avoir surprise avec un curé. Peu de temps après, Rosita vit avec un riche député du nom de Kepler mombin. Rosita, ambitieuse de se son état, en vient même à éliminer l’épouse du député par le biais d’une société maléfique. Une société « Zo-bop ». Kepler n’a pas été réélu aux élections législatives et mourut par la suite. Les projets de Rosita _ avoir une belle contessa, habiter une petite maison à Bois- verna_ tombaient dans l’eau. Rosita, malade et déçue, se prostitue un bout de temps et s’efface dans le milieu. La nouvelle « Rosita » est écrite en aout 1975. Cette nouvelle se termine presqu’à la « Thérèse en mille morceaux » de lyonel trouil- lot. Les quatre autres nouvelles mettent en relief la question des préjugés de couleurs, le rapport de l’homme avec le pouvoir, les gabegies administratives, les mas- sacres et les affaires. C’est tout un pan d’histoire d’Haïti qu’il nous fait visiter à un moment où le rara était au service du satyre social. Ces tableaux, il nous les peints brièvement et par endroit, humoristiquement, où l’on peut même voir entre les lignes le style de Mona Guérin. Dans « la famille Alcemon », l’auteur fait montre d’une com- préhension hautement poussée des problèmes de classe de la société haïtienne. Alcemon est une riche famille de bois-verna dont le chef Derilus rêve de marier Tania, sa fille unique, à un homme à peau claire et aux yeux bleus. Et Tania est tombée sur Éric. Ils se sont fiancés et mariés dans un temps bref. Tout le monde sem- blait être content. Mais tout allait être renversé jusqu’au jour où Éric avoua à sa femme qu’il n’est qu’un pauvre prolétaire poitrinaire de naissance et à qui la nature a donné une peau claire pour son malheur. Et Éric de déclarer : « moi, je n’aspire qu’à boire du clairin, jouer au domino avec mes amis de bel-air ». Cette déception occasionne la mort des époux Alcemon. Leur gendre Éric meurt par la suite. Tania se trouve seule, vend les biens et s’embarque pour Nassau. Le nom de Gasner fait la une dans certaines œuvres de Son ami Dany Laferrière, precisement dans « les cris des oiseaux fous » qui lui a été dédié et aussi dans le cadre de la deuxième Edition du festival « Libérez la parole » du centre Pen- Haïti de 2013, un hommage lui a été rendu, notamment le samedi 13 juillet à Petit-Goâve après avoir débattu la thématique « la censure et ses refus ». En lisant «Rosita», on peut sentir parfois l’immaturité de l’œuvre, mais par endroit l’auteur laisse entrevoir une grande promesse. Savou- rons l’incipit du texte « 112 ans l’affaire tante jeanne » : « Celui qui visite sans-fil, faubourg de port- au –prince, peut voir quelque part le petit cimetière pelé. Cimetière aux tombes crevées, blanches et aux croix de bois penchées sur les bourrades répétées du vent pous- siéreux et violent, où la nuit des champouels vagabonds viennent boire du tafia et danser la chica avant que les cloches de l’église Saint-Jo ne sonnent les trois coups annonçant l’approche de l’aube et la fin des ribambelles maléfiques ». Humm! Que c’est beau! Les deux autres nouvelles (Tonton Nord et Cecee, Tirésias A.S Sam, le fainéant) sont dans cette même verve portée sur l’anecdote et le satyre de la société haïtienne à travers un Idéal de justice et de liberté. «Chaque mot écrit est une victoire contre la mort». Michel butor dans le but de pousser les gens à l’acte d’écrire n’a pas tort d’écrire cela. Et Gasner Raymond se procrée, se perpétue et résiste au néant. Toutefois, s’il est immortel par son œuvre de Rosita, il n’en demeure pas moins que l’œuvre est mécon- nue pour certains, inconnue pour d’autres et trop souvent oubliée. Il faut la rééditer pour le bonheur des yeux et de l’esprit. «Rosita», recueil de cinq nouvelles de Gasner Raymond, accompagné de certains textes et témoignages de ses proches de la rédaction du « petit samedi soir ». Il est paru à l’occasion du 2ème anniversaire de sa mort sous la direction des Éditions Fardins. Le journaliste Gasner Raymond, né en 1953 et retrouvé mort le 1er juin 1976 à Braches (près de Léogâne), au bord de la route nationale numéro 2. Pour son tricentenaire, Limbé accueille Livres en libertéPar Schultz Laurent Junior S ous les rayons brûlants et étincelants du soleil de l’été, la ville de Limbé, qui célèbre cette année les trois cents ans de sa fondation (1715-2015), accueillera la quarante-deuxième Édition de Livres en liberté. Cette activité culturelle et intellectuelle qui se déroulera les 28 et 29 juin 2015 à la bibliothèque Georges Castera recevra le prolifique écrivain Gary Victor. Selon Clément Benoit, l’une des chevilles ouvrières de cette foire, Livres en liberté occupe une place importante dans le milieu culturel et intellectuel haïtien. Elle fait véhiculer le livre dans tous les recoins du pays pour permettre à un grand nombre d’haïtiens d’avoir accès à la lecture et de rencontrer les auteurs. « « Livres en liberté est né à Limbé en 2002. C’était pour nous une façon de suivre l’exemple de Livres en folie, le plus grand salon littéraire haïtien organisé depuis vingt ans par le journal Le Nou- velliste et la Unibank. Pour notre première édition, l’on avait invité le poète Bonel Auguste, auteur de « Nan dans fan’m », et « Fas doub lanmo ». Depuis Livres en liberté a grandi. Il devient maintenant une institution importante qui fait désormais la promotion de la lit- térature haïtienne et accompagne du même coup les écrivains dans la diffusion de leurs œuvres. » Pour cette édition, plus d’une ving- taine d’auteurs seront en signa- ture. Cinq cent titres seront égale- ment disponibles. Et diverses maisons d’éditions y seront égale- ment représentées. Citons entre autres C3 Éditions, les Éditions de l’Université d’État d’Haïti, sans oublier Kopi vit, Aksyon sosyal, et Communication Plus. Toujours selon Clément Benoit, Livres en liberté sera un moment de part- age et de rencontre, les Limbéens auront l’opportunité de rencon- trer les grosses pointures de nos lettres, lesquelles animeront des ateliers d’écriture et des panels de réflexions sur l’ensemble de leurs œuvres. Reconnaissant la faiblesse du pouvoir d’achat des lecteurs, Benoit a souligné qu’il y aura un rabais de trente pour cent sur tous les ouvrages disponibles. Pour l’invité d’honneur Gary Victor, l’heureux auteur de Le Revenant, Dossiers Interdits et Nuit Albinos Livres en liberté est une initiative qui aurait dû être organisée par l’État haïtien. Il en a profité pour encourager et féliciter Clément Benoit qui se démène comme un diable dans un bénitier pour organiser cette caravane du livre. « Pour moi c’est un insigne honneur de participer à cette grande fête de lecture et de la culture. Deux raisons justifieront ma présence à Limbé ce week-end. Tout d’abord, soutenir cette louable entreprise puis, être en chair et en os, en pensée et en esprit, dans cette ville qui fête ses trois cents ans. » La quarante-deuxième édition de Livres en liberté c’est pour ce weekend. Clément Benoit invite tout le monde à venir passer la fête de Saint-Pierre à Limbé, pour découvrir les charmes de cette ville accueillante qui sera parée de ses plus beaux appâts. Venez à Limbé nous a-t-il dit pour vivre et espérer.