1. » P. 15
» P. 21
» P. 6
SPORT
SOCIÉTÉ
» lire page 14
» suite page 5
Anaïka, une fillette
pleine de rêves
par Lamy Obed
Haïti perd trois
places au classement
Mondial
par Gérald Bordes
Opont appelle au fair-play
pendant la campagnePar Noclès Débrérus
HAÏTI / ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015 NUMÉRO 36
WWW.LENATIONAL.HT
QUOTIDIEN • 25 gourdesRÉPUBLIQUE D’HAITI
ACTUALITÉ
Un deuxième CSPJ fait
son entrée dans l'histoire
HAÏTI / ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Un des nouveaux membres du CSPJ prononce le serment d’usage sous les regards du président Michel Joseph Martelly. Photo:
J. J. Augustin
L
es membres du Conseil élec-
toral provisoire ont procédé
officiellement au lancement de
la campagne électorale pour
les législatives de 2015, à l’hôtel Best
Western à Pétion-Ville, ce jeudi 9 juil-
let. Cette cérémonie s’est déroulée
en présence du ministre chargé des
questions électorales, Jean Fritz Jean-
Louis, du ministre de la Communi-
cation, Rotchild Francois Junior, du
directeur général de la Police nationale
d’Haïti, Godson Orélus, ainsi que de
certains partenaires nationaux et inter-
nationaux invités par le CEP.
« Map vote. Fanm, Gason, Jèn ann
patisipe. Eleksyon pou avni peyim »,
voilà quelques slogans que l’on peut
lire sur des t-shirts distribués par le
Conseilélectoralprovisoireàl’occasion
du lancement officiel de la campagne
électorale pour les législatives du 9
août 2015. Du 9 juillet au 7 août à
minuit, le CEP donne feu-vert à tous
les candidats, partis et groupements
politiques pour mener campagne sur
toute l’étendue du territoire national
en vue d’exposer leur vision, idéologie
et programme politique.
Trois morts par balles
par jour en Haïti,
selon la JILAP
par Lionel Edouard
2. 2 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
TRIBUNE
D
enombreuxDominicainsris-
quent chaque jour leur peau
pour défendre les droits de
la personne contre les viola-
tions des intérêts mesquins de leurs
gouvernants et de leurs concitoyens
d’extrême droite. Ces Dominicains
observent impuissants les injustices
faites aux Haïtiens et aux Domini-
cains d’origine haïtienne, mais ils
refusent de cautionner ce mal par
leur silence. Pas question pour eux
d’avaler aussi la propagande visant
à légitimer les mauvais traitements
infligés aux travailleurs haïtiens dans
leur pays.
Parmi ces Dominicains qui dénon-
cent l’escroquerie et les politiques
migratoires abominables des gou-
vernements dominicains et haï-
tiens, on trouve les courageux
journalistes Huchi Lora, Edith
Febles, Juan Bolívar Díaz, Rober-
to Cavada, Amelia Deshamps,
Marino Zapete. Dans leur mission
de directeurs d’opinion, ils écar-
tent toute considération métaphy-
sique pour se prononcer en toute
indépendance d’esprit et condam-
ner l’Arrêt TC 168-13 appliqué
contre les travailleurs haïtiens et
inspiré de la politique d’essence
trujilliste adoptée dans un souci
d’épuration à travers le pays de l’
« ethnie haïtienne ».
La perception négative dont
sont victimes les Haïtiens
en République Dominicaine
s’apparente à celle qui frappe les
Dominicains émigrés à Porto-Rico.
Dans tous ces cas, le racisme,
les discriminations et autres
préjugés orientent les attitudes
et jugements en stigmatisant un
groupe social. Mais le cas haïtien
est encore plus grave, car le
trujillisme a diffusé pendant plus
de trois décennies l’idéologie
antihaïtienne du racisme d’État
qui a culminé dans le massacre de
dizaines de milliers d’Haïtiens en
1937. Une politique d’épuration
ethnique qui est à nouveau
appliquée aujourd’hui avec les
départs soi-disant volontaires,
les rapatriements et expulsions
d’Haïtiens et de Dominicains
d’origine haïtienne.
Les stéréotypes racistes
antihaïtiens ne cessent d’être
attisés par les milieux dominicains
d’extrême-droite qui véhiculent
l’idée qu’Haïti est engagée dans la
conquête pacifique du territoire
dominicain. Au fait, l’Arrêt TC168-
13 est le résultat du matraquage
de l’opinion publique dominicaine
opéré par ce courant idéologique
et politique réactionnaire.
Qui a proposé dès 1999 que la
Constitution dominicaine soit
amendée pour supprimer le Jus
Soli (droit du sol) et ouvrir la voie
à la privation, rétroactivement à
partir de 1929, de la nationalité
conférée par ce principe aux
Dominicains d’origine haïtienne
[1]. Proposition réalisée avec
l’amendement de la Constitution
dominicaine en 2010.
Le refus de trancher devant
l’imposture et la recherche
de circonstances atténuantes
pour expliquer, sinon justifier,
l’inacceptable sont des tentatives
à peine voilées de détournement
de la vérité et des manifestations
évidentes de la pourriture
ambiante. Du moins dans les
esprits. Étape significative
avant que cette gangrène ne
gagne les corps des citoyens et
l’ensemble du corps social. Pour
éviter que la société dominicaine
aille à sa perte, les Dominicains
progressistes et démocrates
refusent de détourner les yeux
et mettent l’opinion publique
nationale et internationale
devant l’impasse créée par l’Arrêt
TC 168-13. Impasse politique,
économique, sociale, humanitaire.
Mais surtout impasse affective.
On ne peut en aucun cas parler
d’amour du prochain quand on
voit les Haïtiens harassés, battus,
lynchés, et tués comme du bétail.
C’est pour combattre ce
renoncement à l’amour que le
journaliste dominicain Marino
Zapete est intervenu dans le
débat sur les rapports haïtiano-
dominicains. Il représente les
confrères qui refusent d’être pris
en otage par le statu quo dominant
et qui informent au quotidien la
population en disant la vérité sur
la situation des Haïtiens et des
Dominicains d’origine haïtienne
ostracisés par l’Arrêt TC 168-
13. En collaboration avec sa
consœur Edith Febles, Marino
Zapete n’a cessé de révéler dans
ses reportages la vérité sur la
catastrophe actuelle. Animateurs
du programmeEl Despertador de
Color Vision, une des émissions
les plus vues de la télévision
dominicaine, Zapete et Febles
ont présenté une émission
particulièrement intéressante le
19 juin 2015.
Contrairement à d’autres qui
abandonnent sans avoir livré le
combat, Marino Zapete et Edith
Febles sont montés au créneau.
Leur intervention a mis mal à
l’aise le statu quo dominicain.
On les connaissait déjà pour
leur refus de propager le vide en
érigeant des non-événements en
actualité dans le but d’étourdir
les téléspectateurs et de les
maintenir dans l’illusion. À
cet égard, la prestation du 19
juin 2015 est remarquable,
car elle a permis de sortir les
téléspectateurs dominicains
de l’obscurité, de l’ombre et de
la cécité. À cette émission aux
multiples enseignements civiques
et politiques, les partisans de la
haine ont réagi avec violence en
cambriolant le domicile de Marino
Zapete le samedi 27 juin 2015.
Trois hommes ont fait sauter les
cadenas de la maison du journaliste
et ont volé son ordinateur qui
contenait, en plus de nombreuses
notes d’importance capitale,
le manuscrit d’un ouvrage en
préparation. Mais la police a mis
la main au collet des voleurs et
l’ordinateur a été retrouvé [2].
Cette tentative pour effrayer et
censurer Marino Zapete a été
condamnée par l’Association des
journalistes dominicains [Colegio
Dominicano de Periodistas
(CDP)] et tous les progressistes
et démocrates [3]. En solidarité
avec Marino Zapete, nous avons
sélectionné quelques points de
cette présentation du 19 juin 2015
et en avons fait une traduction
française. Nous le publions dans
la deuxième partie de ce texte en
y ajoutant des intertitres pour
illustrer le tête-à-tête des négriers
haïtiens et dominicains à la racine
du mal existant dans les rapports
entre les deux pays. Le tête-à-tête
du diable et du démon. Ce que nous
avons nommé « responsabilité
partagée dans le crime » dans notre
ouvrage Béquilles - Continuité et
ruptures dans les relations entre
la République Dominicaine et
Haïti, C3Éditions, 2014.
Présentées avec élégance, les
informations diffusées par Marino
Zapete sont exactes. Notamment
sur les ponctions dont sont
victimes les coupeurs de canne
haïtiens, à la pèse de la matière
brute, au paiement, non pas en
espèces, mais plutôt en bons
d’achat, acceptés uniquement par
les magasins des bateyes dont les
prix sont exorbitants, et enfin aux
prestations légales qui ne leur sont
pas payées. Lesquelles renvoient
surtout à la sécurité sociale, à
la pension et à l’indemnité fin
de carrière (liquidación). Sur ce
dernier point, signalons que selon
le code du travail dominicain,
l’indemnité en fin de carrière
est de 13 jours de travail par an
pour les travailleurs ayant entre
6 mois et 1 an de service dans
une entreprise ; est de 21 jours
de travail par an pour ceux ayant
entre 1 an et 5 ans de service ; et
enfin est de 23 jours de travail par
an pour ceux ayant plus de 5 ans
dans une entreprise.
Marino Zapete et Edith Febles
offrent des clés de réflexion sur
de nombreuses thématiques. Ils
exposent dans le menu détail les
visages derrière les instants de
malheur qui accablent la vie des
compatriotes haïtiens livrés aux
multiples services spéciaux de
sécurité en territoire voisin. Toute
la lumière est projetée maintenant
sur ce décor d’enfer. On se rappelle
que Daniel Supplice, alors ministre
des Haïtiens Vivant à l’Etranger
(MHAVE) avait été séquestré
par des bandits dominicains en
décembre 2011 alors qu’il était
en visite privée pour assister
à un mariage. On ne peut donc
pas s’étonner que les actes des
bandits se présentant sous les
apparences de policiers trouvent
écho chez les migrants haïtiens
livrés à eux-mêmes, sans défense
face aux actes répréhensibles et
autres « joyeusetés » du pouvoir
arbitraire. Devant ce problème
aussi encombrant et ravageur
dans les relations entre les deux
pays, ces journalistes sont restés
sereins. Pas de faux-fuyants ni
de piteux atermoiements. Leur
discours est celui d’un couple
qui gère la réalité en bon père et
en bonne mère de famille. Avec
amour. Loin de toute culture
d’intransigeance. (à suivre)
* Économiste, écrivain
Entre survie et usure jusqu'à la corde :
les rapports Haïtiano-dominicains (1 de 3)
Par Leslie Péan* / AlterPresse
3. DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015 N0
36 | 3
ACTUALITÉ
Le vide des idées
Ce9juillet,lacampagneélectoraledébutepourleslégislatives.
Danslevide.
Levidedesidées.Levidedesprojets.Levidedescœurs.
Sous l’égide d’une constitution avec laquelle les prédateurs ont appris à se sentir
bien.
Avecunprésidentquiseraélusansmajoritéparlementaire,onsaitd’avancecequiva
sepasser.Lesélectionslégislativesvontdrainerverslepouvoir,àmoinsd’unsursaut
citoyen,toutcequelasociétéhaïtiennedanscesannéesdedéchéanceaproduitde
médiocrité.Denouveauxélusvonts’organiserpourmonnayeràprixfortleurappui
etceseraencoreunefoispartipourlejeud’unepolitiquerongéeparlacorruption.
Etonn’aurapasledroitdejouerauxfiersquandlesDominicainscontinuerontàse
moquerdenousàcausedel’étatlamentabledenotregouvernance.
Lepouvoirpournousn’estquel’exercicedeprivilèges.L’exercicedesdroitsduchef
vu comme les chefs de bande dans les westerns d’autrefois, chefs de bande qui
s’établissaientdanslesvillespourlesrançonner.
L’environnement,s’ensoucie-t-onréellement?Quisepréoccupevraimentduchô-
mage, de la gourde qui dégringole, de la production nationale, de la santé, de
l’éducation,delasécuritédescitoyens?
Levidedesidées!
Cevide,certainss’yhabituent,oublianttoutefoisquelesdonnéesréelles,concrètes
produisentdeseffetsqu’àunmomentinéluctableonnepeutpascontrôler.Certains
avaientvupartird’unbonœilceuxqu’ilsconsidéraientcommedesmiséreuxvers
laRépubliquedominicaine.Ilsnousreviennentennousforçantàconstaterceque
nousavonsrefusédefaire.S’attaquerauméprisinscritpartoutdansnotresociété,
œuvrer pour créer pour tous des opportunités, cesser de prendre ce pays une fois
arrivéaupouvoirpour«lejardindenotrepère».
Detoutemanière,lejardindenospères,nousl’avonsdepuislongtempsdétruit.Et
cesélectionsannoncéesnelaissentprésagerriendebonsilamajoritédescitoyens
secantonnedansl’expectative.
Silespolitiquessontàcourtd’idées,ilfautentrouverautrepart.
Etfaireensortequenousnousarmionsdecesidéesafind’entamerlecombatpour
larenaissance.
Le National
Édito
Des agents de la PNH sécurisent la marche de la Plaforme Verite
Encore une marche pour
exiger la réintégration de
Jacky Lumarque
Par Reynold Aris
HAÏTI/ÉLECTIONS/VERITE
L
a Plateforme « Verite » a organ-
isé une marche pacifique afin
de continuer d’exiger la réin-
tégration de Jacky Lumarque,
son poulain à la présidentielle.
La Plateforme « Verite » a une
nouvelle fois marché dans les rues de
Port-au-Prince, le jeudi 9 juillet 2015.
Partant du carrefour de l’Aéroport,
longeant l’autoroute de Delmas, les
militants de la plateforme jaune et
vert ont ensuite fait escale devant les
locaux du Conseil électoral provisoire
à la rue Ogé (Pétion-Ville). Ils étaient
plusieurs milliers.
L’objectif consiste à exiger la
réintégration du candidat à la
présidence de cette structure, Jacky
Lumarque, écarté par le Conseil
électoral provisoire (CEP) le 19 juin
dernier pour absence de certificat de
décharge lors de sa gestion comme
coordonnateur du groupe de travail
sur l’Éducation et la Formation
(GTEF)allant de la période de 2008
à 2010. Selon l’organe électoral, le
recteur de l’Université Quisqueya est
en contravention avec l’article 90 du
décret électoral, alinéa (H).
Munis de pancartes sur lesquelles on
pouvait lire « li lè li tan pou Jacky
Lumarque retounen nan kous la,
Opont se restavèk Boulos ak tout
fanmi li » ; « Plis nou pi plis, plis nou
pi fò », a été les principaux slogans
de ces milliers de protestataires de
cette plateforme.
Surtoutleurparcours,ilsontfustigéle
comportement des membres du CEP
qu’ils accusent être de connivence
avec certains secteurs politiques. À
leur avis, ceux-ci redoutent le profil
de leur candidat qui, disent-ils, jouit
d’une bonne réputation dans le pays
en raison de son honnêteté.
Il s’agit d’une injustice de l’organe
électoral décidant de retirer de la
course électorale des candidats de
manière arbitraire, si l’on en croit les
propos du grand conseiller de l’« Inite
», Paul Denis.
L’ancien ministre de la Justice
informe avoir apporté sa solidarité
à tous les candidats écartés
illégalement de la compétition
électorale, particulièrement celui de
la plateforme « Verite » à la présidence
et celui de l’OPL à la députation
(Saint-Marc), soulignant que lorsque
le droit d’un citoyen est violé, c’est le
droit de tous les autres citoyens qui
sont menacés.
Si l’instance électorale continue à
s’aventurer dans de pareilles voies,
tous les autres compétiteurs seront
menacés, a prévenu l’ancien Garde
des Sceaux de la République. Face
à une telle situation, il appelle à
la mobilisation en vue de ramener
l’organisme électoral sur la voie de
la raison.
Quant à sa présence dans cette
marche comme membre de l’« Inite
»,l’ancien sénateur a affirmé que le
problème n’a rien à voir avec une
affaire de personne, de parti ou de
secteur politique. Il s’agit d’une
question de principe. Lorsqu’une
décision arbitraire est prise contre
un candidat, il revient à tous les
autres concurrents inscrits dans la
compétition de se mobiliser. « Peu
importe la structure politique à
laquelle il appartient », soutient M.
Denis.
Loin de s’inquiéter sur l’organisation
des prochains scrutins, il dit souhaiter
que ces compétitions se tiennent
dans le courant de cette année.
Un rejet que ne partage pas non
plus les sympathisants, partisans
et membres de cette plateforme.
« Le professeur n’a pas besoin de
décharge ». « Il n’a pas été comptable
de denier public ». Selon eux, il s’agit
d’une décision arbitraire suite à des
pressions politiques en provenance
d’autres secteurs redoutant la
candidature de Jacky Lumarque.
De son côté, le candidat au sénat pour
le département de l’Ouest, Alix Didier
Fils-Aimé a fait savoir qu’il est un
impératif pour le CEP de réintégrer
le recteur de l’Université Quisqueya.
Antonio Chéramy (Don Kato), lui
aussi, candidat au sénat de l’Ouest
a, aussi indiqué qu’il exige de
l’institution électorale le respect
du droit de Jacky Lumarque de
participer aux prochaines joutes. Le
chanteur vedette de Brothers Posse
promet de continuer avec le flambeau
de la mobilisation jusqu’à ce qu’il
obtienne gain de cause.
4. WWW.LENATIONAL.HT
2, DELMAS 40 B
EMAIL: INFO@LENATIONAL.HT
PUBLICITE@LENATIONAL.HT
REDACTION@LENATIONAL.HT
(509) 4611-1010 / 3214-5554
PROPRIÉTAIRE : LE NATIONAL. SA
DIRECTEUR :
JEAN GARDY LORCY
PUBLICITÉ:
SASKIA P.L.MICHEL
DIRECTION ARTISTIQUE :
FABRICE LAFLEUR
RÉDACTEUR EN CHEF :
GARY VICTOR
RÉDACTEUR EN CHEF ADJ :
HENRI ALPHONSE
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION :
JACQUES DESROSIERS
JDESROSIERS@LENATIONAL.HT
CONSEILLER À LA RÉDACTION :
PIERRE CLITANDRE
SECTION ACTUALITÉ :
LIONEL EDOUARD
SECTION CULTURE :
DANGELO NÉARD
SECTION ECONOMIE :
HENRI ALPHONSE
SECTION SPORTS :
GERALD BORDES
SECTION SOCIÉTÉ :
JOE ANTOINE JN-BAPTISTE
RÉDACTEURS :
NOCLÈS DEBRÉUS, CADET JEAN MICHEL,
STÉPHANIE BALMIR, EDDY LAGUERRE,
VANTZ BRUTUS, KENSON DÉSIR,
MONDÉSIR JEAN BILLY, REYNOLD ARIS,
ISABELLE THÉOSMY, WALTER CAMEAU,
SCHULTZ LAURENT JUNIOR
PHOTOGRAPHES :
JEAN JACQUES AUGUSTIN, RUBEN CHÉRY
CORRECTEURS :
JEAN ERIC FOUCHÉ, FRANTZ CLERGÉ,
JACKSON JOSEPH
GRAPHISTE : JUNIOR ADME
CARICATURISTE : FRANCISCO SILVA
DISTRIBUTION : PIERRE PAUL EMMANUEL
ADMINISTRATION : RACHELLE COMPÈRE
•••••••••••••
IMPRIMÉ EN HAÏTI PAR
LES ÉDITIONS DES ANTILLES S.A
4 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
ACTUALITÉ
Mission de l'OEA sur l'île, pour évaluer
la situation migratoire de la population
haïtienne
Sources : Alterpresse
Nouveau cris d'alarme de la société civile
sur la violence à la veille des élections
Sources : HPN
HAÏTI/RÉPUBLIQUEDOMINICAINE/MIGRATION
HAÏTI/SÉCURITÉ
L
’Organisation des États améri-
cains (OEA) délègue, en Haïti
et République Dominicaine,
une mission, qui sera dirigée
par le secrétaire des affaires poli-
tiques, Francisco Guerrero, a annon-
cé le secrétaire général de l’OEA,
l’Uruguayen Luis Leonardo Almagro
Lemes, lors d’un conseil extraordi-
naire le 8 juillet 2015 à Washington
pour recevoir le ministre ad interim
haïtien des affaires étrangères, Lener
Renauld.
La mission de l’OEA est attendue du
vendredi 10 au mardi 14 juillet 2015,
d’abord en République Dominicaine,
puis en Haïti.
Son but sera « d’évaluer la situation
migratoire de la population haïtienne
en République Dominicaine… dans
le cadre de [la] volonté [de l’OEA] de
faciliter une solution durable quant à
la régularisation de ces personnes ».
« Au-delà de leur statut juridique, les
migrants possèdent les mêmes droits
que toute autre personne », précise
Luis Almagro, excluant fermement
toute politique « deux poids deux
mesures » en matière de droits
humains.
Depuis la fin, le 17 juin 2015,
d’un Programme national de
régularisation des étrangers (PNRE)
en République Dominicaine, 18 mille
personnes ont afflué côté haïtien
dans des conditions, faisant craindre
une catastrophe humanitaire à
l’administration politique en Haïti.
Le gouvernement haïtien essaie
obtenir de l’équipe du président
dominicain Danilo Medina - sans
succès à date - la signature d’un
protocole, fixant le nombre de points
de rapatriement de sans papiers
haïtiens à deux : Malpasse / Malpaso-
Jimani (Ouest) et Ouanaminthe /
Dajabon (Nord-Est).
Pour l’instant, les rapatriés arrivent
à la fois sur des postes officiels et
des points non officiels. Ce qui
complique notamment leur accueil
et leur enregistrement.
La position de Port-au-Prince est
qu’en aucun cas le pays ne recevra
de Dominicains apatrides.
Mais, cela n’est pas évident, compte
tenu des conditions dans lesquelles
ont lieu les déportations.
D
es organisations de défense
des droits humains dont le
RNDDH, CONHANE et le
CNO attirent l’attention des
autorités concernées sur la situation
de violence qui prévaut à la veille des
élections dans le pays, principalement
dans la commune de Petit-Goâve.
Dans un communiqué acheminé à
HPN, ces organisations informent qu’à
Petit-Goâve la situation sécuritaire
est très précaire et très affectées par
des groupes armés. Certains endroits
de la ville sont déjà déclarés « zones
rouges », où les citoyens ne peuvent
circuler librement et pourraient avoir
peur de participer aux élections.
De citoyens dénoncent des situations
de tensions causées des partisans
de candidats dont l’ancien député
candidat à sa succession Stevenson
Jacques Timoléon, et le candidat de
la Plate-forme VERITE Germain Fils
Alexandre.
Tirs répétés d’arme à feu, jets de
pierres et de bouteilles, sont entre
autre quelques situations dont la
population fait face dans cette ville
à la tombée de la nuit.
Ces organisations font encore
remarquées que le candidat sous le
parti PHTK Stevenson Timoléon a
encore en sa possession, plusieurs
véhicules officiels qu’il utilise pour
des activités électorales.
Ces organisations de défense des
droits humains déplorent, que
jusqu’ici les bandits ayant saccagés
les locaux du BEC n’ont pas encore
été arrêtés et poursuivis.
Ainsi, le RNDDH, le CNO et la
CONAHNE invitent les autorités à
accorder une attention spéciale au
développement de la violence dans
le pays, précisément à Petit-Goâve.
Pour Petit-Goâve, elles demandent
à ce que des « mesures immédiates
de restrictions, de port d’armes à
feu soient prises par les autorités
afin d’éviter des drames à répétition
et d’encourager une participation
massive des électeurs au scrutin ».
Elles envisagent enfin de conclure
avec tous les secteurs impliqués
dans les élections, un pacte de
non-agression et de non-violence
pour la libre expression du vote
du citoyen.
5. DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015 N0
36 | 5
ACTUALITÉ
ÉCHO
Haïti n'accueillera
pas des Dominicains
dénationalisés
Le ministre dominicain des Affaires
extérieures, Andres Navarro, n’a
pas tenu ses promesses, a déploré
LenerRenauld,ministrehaïtiendes
Affaires étrangères et des Cultes,
lors de la session extraordinaire
du Conseil permanent de
l’Organisation des États américains
(OEA) durant laquelle on planchait
sur la crise migratoire haïtiano-
dominicaine. « Monsieur Navarro
avait promis qu’il n’y aurait pas
de déportations massives. On a
déposé les personnes rapatriées
sur la frontière comme des
chiens », dénonce le ministre
Renauld, renouvelant la décision
du gouvernement haïtien de ne
pas accueillir des Dominicains
dénationalisés.
Quick Pay, un nouveau
produit de Western
Union
Avec le service Quick Pay, on
peut désormais effectuer une
commande par téléphone ou sur
le site d’une compagnie locale et
payer le produit ou le service en
question chez l’un des 630 agents
de Western Union disponibles dans
les dix départements du pays ou
à l’étranger. C’est ce qu’a indiqué
Soraya Millet, directrice du
développement à la Soge-Express.
Psugo, des écoles
exclues pour fraude
Quatre-vingt-cinq établissements
scolaires du Programme de
scolarisation universelle gratuite
et obligatoire (Psugo) sont exclus
pour cause de fraude. C’est ce
qu’a indiqué un communiqué de
presse du ministère de l’Éducation
nationale et de la Formation
professionnelle (MENFP). Les
dossiers de ces établissements
scolaires localisés à Carrefour et
à Gros-Morne sont transmis aux
autorités judiciaires pour les suites
utiles.
À un mois des
législatives, Francisco
DE LACRUZ sceptique
« De sérieux doutes planent sur
la réalisation des prochaines
législatives le 9 août de l’année
en cours ». C’est ce qu’a estimé
le sénateur Francisco De Lacruz
qui encourage les conseillers
électoraux à assumer leurs
responsabilités.
« La situation économique qui
s’aggrave, l’insécurité grandissante
dans le pays me rend sceptique
quant à l’organisation des joutes
électorales », a argumenté
monsieur De LACRUZ.
CEP : pas d'inquiétude
pour les centres de
vote
Le pays dispose de 1550 centres
de vote pour un total de 13 746
bureaux, informe maître Mosler
Georges, directeur exécutif du
Conseil électoral provisoire (CEP),
qui n’écarte pas la possibilité de
délocalisation de certains centres
de vote.
Monsieur Georges rassure que
le CEP tient au financement
des candidats et maîtrise une
formule devant faciliter une bonne
répartition des fonds. Il revient au
pouvoir exécutif de débloquer ces
fonds, a-t-il expliqué.
Pierre-Louis Opont
n'entend pas lâcher
prise
Les élections législatives partielles
se tiendront aux dates prévues.
C’est ce qu’a réitéré Pierre-Louis
Opont, président du Conseil
électoral provisoire (CEP), qui dit
prendre très au sérieux l’assassinat
de Wikenson Bazile, 31 ans,
membre du cabinet du conseiller
Jaccéus Joseph.
campagne électorale des législatives du 9 août 2015. Photo: J. J. Augustin
Opont appelle au
fair-play pendant
la campagnePar Noclès Débréus
HAÏTI/ÉLECTIONSLÉGISLATIVES
« Me basant sur l’article 114-1 du
décret-électoral du 2 mars 2015,
édictant que le début et la fin de
la période de campagne électorale
sont fixés par le CEP, je déclare
solennellement ouverte la campagne
électorale des législatives de 2015 »,
a lancé le président de l’organisme
électoral, Pierre Louis Opont, qui a
félicité au passage tous les conseillers
électoraux qui se sont attelés à la
tache depuis cinq mois pour rendre
effective la date du 9 août. C’était
aussi le moment pour le patron du
CEP de remercier les membres des
Bureaux électoraux départementaux
(BED), ainsi que ceux des Bureaux
électoraux communaux (BEC),
pour les efforts déployés dans
l’accomplissement du processus
électoral sans avoir reçu, à date, le
salaire qui leur est dû.
Tout en souhaitant bonne chance
aux candidats, Pierre Louis Opont
a prôné surtout le « fair-play » lors
de cette campagne électorale qui
prendra fin le 7 août à minuit. Le
CEP dans son rôle d’arbitre a jugé
bon de rappeler aux candidats, ainsi
qu’à leurs sympathisants les règles
du jeu. Marie Carmelle Paul Austin a
ainsi évoqué le chapitre 8 du décret-
électoral en ses articles 114 à 119
fixant les règles auxquelles doivent se
soumettre les différents compétiteurs
engagés dans la course électorale.
Quant aux sanctions prévues, la
conseillère électorale invite tout un
chacun à se référer au chapitre 13
du présent décret en ses articles 191
et suivants.
Dans la même veine, le ministre
Délégué auprès du Premier ministre
chargé des questions électorales,
Jean Fritz Jean-Louis, ainsi que
son confrère de la Communication
ont salué au nom du gouvernement
de la République les différents pas
déjà franchis dans le processus
et ont réaffirmé la ferme volonté
de l’exécutif d’accompagner le
CEP tout au long des opérations
électorales. « Depuis janvier 2015,
le gouvernement de la République n’a
pas ménagé ses efforts en essayant de
tout mettre en œuvre pour arriver
aux échéances fixées par le CEP dans
le calendrier électoral », a fait savoir
Jean Fritz Jean-Louis, avant de
féliciter les membres de l’institution
électorale pour les efforts consentis
dans l’accomplissement de leur tâche
ainsi que les partis politiques qui ont
compris la nécessité et l’importance
de ces élections.
Réagissant à la question de la
subvention allouée au financement
des partis politiques, Jean Fritz Jean-
Louis a informé qu’une enveloppe
de 500 millions de gourdes était
disponible dans le budget. Il dit
attendre que le CEP définisse les
modalités d’attribution de ce fonds
aux différents partis politiques ayant
des candidats agréés aux élections.
D’ici la semaine prochaine, les
premiers décaissements pourront
avoir lieu, informe-t-il. Cette
déclaration va à l’encontre de celle
tenue, le mardi 7 juillet dernier, par
le directeur exécutif du CEP, Mosler
Georges, qui affirmait avoir adressé
une correspondance au gouvernement
via le ministre chargé des questions
électorales et qu’aucune réponse ne
lui était parvenue.
» suite de la première page
Outre les difficultés économiques et
financières, ces élections s’annoncent
dans un climat de sécurité délétère.
L’insécurité bat son plein un peu
partout dans le pays. Certaines
organisations de la société civile
attirent l’attention des autorités
sur les violences électorales déjà
perpétrées dans certaines zones
du pays. Pour dissiper certaines
inquiétudes, le directeur général de la
Police nationale Haïti, Godson Orélus
qui participait à la cérémonie de
lancement de la campagne électorale
a promis de fournir un encadrement
spécial au processus électoral.
Actuellement, dit-il, la commission
électorale de la PNH sillonne le
pays en vue de tester le pouls de la
situation.
Tout en promettant de faire respecter
les dispositions du décret-électoral,
Godson Orélus entend aussi prendre
les mesures nécessaires pour
garantir une certaine neutralité au
sein de l’institution policière lors
de ces joutes électorales. « Les
policiers doivent faire l’équilibre en
fournissant le même encadrement
à tous les candidats », a conclu le
patron de la PNH.
6. 6 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
ACTUALITÉ
A
lors que tous les projecteurs
étaient restés braqués sur le
lancement officiel de la cam-
pagne électorale qui s’est
déroulé à Pétion-Ville, au cœur de
Port-au-Prince, au local de la Pastorale
universitaire, la Plateforme Jistis ak
Lapè (JILAP) présentait à travers un
rapport une autre réalité marquée par
la hausse inexorable de l’insécurité
qui endeuille les familles haïtiennes.
Environ trois morts par balles sont
enregistrés, par jour, depuis le début
de l’année, avance-t-elle.
Près de 450 personnes ont été tuées
par balles durant le premier semes-
tre de 2015. Un chiffre qui n’est pas
exhaustif. Parmi ces victimes, la
JILAP a recensé, pour le deuxième
trimestre de l’année, 29 femmes,
3 policiers et 2 enfants. Le mois
d’avril a été très sanglant, à en croire
ce rapport. Quatre-vingt-douze per-
sonnes y sont mortes par balles,
dont 90 suite à l’attaque de bandits.
En ce qui a trait à mai et juin, le
nombre des victimes a légèrement
baissé, avec respectivement 62 et
59 décès par balles, dont 62 et 47
tués par des malfrats. Pour les trois
premiers mois (janvier, février et
mars), respectivement 78, 104 et
92 morts qui ont été recensés, dont
73, 81 et 78 par balles.
Le sentiment d’insécurité continue
de croître au milieu de la population.
Même à domicile. Certaines
zones, en vertu du nombre de
cas de meurtres enregistrés, ont
été mentionnées dans ce rapport
inquiétant de la JILAP sur la
situation sécuritaire du pays.
Le bloc regroupant le boulevard La
Saline, Cité-Soleil, Route Nationale
#1 » et la zone de Carrefour avec
21 et 22 meurtres ont été les plus
violents durant ces trois derniers
mois. Suivent Pétion-Ville/Route de
Frères avec 14 cas, et Gran Ravin/
Martissant avec 12 cas.
Alors que dans son premier
rapport de l’année la JILAP avait
dénombré sept meurtres à l’arme
blanche pour les mois de janvier,
février et mars, durant le deuxième
trimestre, aucun cas du genre n’a
été répertorié.
Toutefois, faut-il le souligner, au
cours de cette période, aucun
présumé voleur ou kidnappeur
n’a été tué par balle, selon les
enquêteurs de la plateforme. En
moyenne, ce seraient environ trois
personnes qui seraient mortes
par balles, par jour, dans le pays,
depuis début 2015, ont expliqué
les conférenciers qui disent n’avoir
pas rapporté les cas sur lesquels il
existerait certains doutes.
Parallèlement à ce bilan présenté
sur les actes de banditisme
durant l’année en cours, cette
plateforme qui dit œuvrer pour
la Justice et la Paix, a également
démontré à travers un graphe la
montée vertigineuse des actes de
sécurité qui ont miné l’existence
des citoyens durant cette dernière
décennie. Le pic a été atteint en
2012 avec 964 morts par balles.
Suit de près, l’année 2014, avec
941 décès par balles.
Ces chiffres dépassent de loin
l’année 2004, marquée par des
troubles politiques divers dont la
fameuse opération Bagdad. Cette
année-là, Jistis ak Lapè avait
noté 687 morts par balles, pour
la plupart, durant les mois de
janvier et de février. Avec les 445
morts par balles déjà enregistrés
seulement pour les six premiers
mois de l’année en cours, malgré les
garanties de la PNH sur l’existence
d’un éventuel plan de sécurité pour
combattre la criminalité, cette
année 2015 risque de battre tous
les records.
L’insécurité ne peut empêcher
les élections
Bien que ses recommandations
n’aient jamais été prises en compte
par les responsables de la sécurité
du pays, la JILAP continue d’en
prodiguer, une manière d’arriver
à un climat de paix et de stabilité
à travers tout le pays, selon le
père Jean Hansen. Pour l’homme
d’Église, les zones d’insécurité se
sont un peu diversifiées. Delmas,
Pétion-Ville et même le Champ de
Mars, dans le voisinage du Palais
national, seraient aujourd’hui des
zones rouges.
Les banques n’aident pas non
plus, poursuit-il, à créer un
climat sécuritaire dans le pays.
« Elles n’investissent pas assez
pour la sécurité des clients.
» Conséquemment, parmi les
nombreuses recommandations
faites par Jitis ak Lapè, figure une
politique de sécurité dans plusieurs
domaines. Aussi appelle-t-elle la
justice haïtienne à mener jusqu’au
bout certains dossiers afin que
justice soit rendue aux victimes.
Un meilleur contrôle sur la
circulation des armes dans le pays,
l’identification des chauffeurs
de motocyclette, une éducation
à la citoyenneté, un service de
sécurité dans les marchés publics,
l’élaboration d’un code d’éthique
pour les partis politiques sont,
entre autres, les recommandations
faites ou réactualisées par la JILAP.
Par ailleurs, Jistis ak Lapè dénote
une certaine violence liée aux
élections, qui fait de nombreuses
victimes en Haïti. Il cite également
des zones sensibles durant les
périodes électorales comme le
bas-Artibonite, la Grand-Anse et le
Plateau central. L’impunité résultant
des troubles liés aux élections est
une autre cause pouvant inciter les
citoyens à la violence, a expliqué le
père Hansen.
Cependant, le responsable de la
JILAP croit que l’insécurité ne
peut pas empêcher la tenue de
bonnes élections. Il faudrait juste,
selon lui, que les acteurs affichent
leur volonté. « Les politiciens
doivent croire en la démocratie
comme un outil non violent pour
déterminer qui va diriger le pays »,
insiste-il. « Il faudra donc que tous
acceptent de respecter les règles
du jeu et rejettent la violence
comme moyen de pression pour
pousser les citoyens à voter pour
eux », conclut-il.
Trois morts par balles par jour
en Haïti, selon la JILAPpar Lionel Edouard
HAÏTI/INSÉCURITÉ
Des responsables de la Jilap en conférence de presse, le jeudi 9 juillet.
Photo: Lionel Edouard
7. DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015 N0
36 | 7
ACTUALITÉ
Les juges réclament justicePar Jean Michel Cadet
GRAND-ANSE/JUSTICE
Les juges de la juridiction de la Grand-Anse se solidarisent de leur pair, le juge Miken Nordé qui aurait été agressé
physiquement, le 6 juin dernier, par l’ex-député Sorel Jacinthe. Ils lancent, à cet effet, un arrêt de travail général
de deux jours au niveau de tous les tribunaux où ils siègent. Réclamant justice et respect de la fonction de
Magistrats, ce mouvement, selon la victime présumée, pourrait s’étendre à toutes les juridictions du pays.
J
oint par téléphone, Me Nordé
affirmequecetarrêtdetravailest
lancé en signe de protestation et
de prévention. La Magistrature,
déplore-t-il, est souvent outragée par
des politiciens se croyant au-dessus
de la loi. Rappelant que son présumé
agresseur, un colérique, dit-il, n’est
pas à son coup d’essai. Réfutant la
thèse selon laquelle ce mouvement
constitue une forme de pression sur
le système, il affirme avoir respecté
les procédures en adressant formel-
lement une plainte contre l’ex-député
de Moron-Chambellan, en attendant
qu’une enquête soit diligentée sur la
question.
Retour sur les faits
Le juriste revient sur les faits. Nous
sommes au lundi 6 juillet. Il est
11h du matin. Selon Me Nordé, le
candidat au sénat sous la bannière
de la Plateforme « Inite », Sorel
Jacinthe, en furie, s’amène au
tribunal de la commune de Moron,
demandant grossièrement à voir le
juge Lavoix Duprevil. Ce dernier
serait accusé par l’ex-député de
persécuter ses partisans. De quoi
il en est réellement ?
Selon les explications du juge
suppléant, Me Duprevil avait
siégé comme juge au Bureau du
contentieux électoral communal
(BCEC) et avait rendu un verdict
défavorable à l’encontre des
candidats à la mairie de Moron,
proches de Sorel Jacinthe. Il s’agit,
selon Me Nordé, d’ex-membres
de cartel communal dont les
candidatures ont été contestées
pour n’avoir pas remis les biens
de l’État dont ils étaient en
possession après avoir quitté leur
poste depuis tantôt trois ans. Ces
ex-administrateurs communaux,
usant de subterfuge, auraient
insidieusement introduits ces
matériels au tribunal le jour de la
contestation. Tenant le juge pour
responsable, Sorel Jacinthe était
venu lui régler ses comptes, dit-il.
En l’absence du juge titulaire,
il bute sur le suppléant qui l’a
rappelé à l’ordre tant ses propos
étaient irrévérencieux à l’endroit
de Me. Duprevil. Mais le dirigeant
de parti politique, en aurait profité
pour déverser sa frustration sur le
juge Nordé. Des propos grossiers.
De l’agitation. Le député tempête.
Devant ce spectacle de mauvais
goût, M. Jacinthe a été invité à
quitter la salle d’audience dudit
tribunal. Dans un accès de colère,
Sorel Jacinthe aurait agressé
physiquement Me Nordé. Et pour
comble, un de ses agents de
sécurité a dégainé son arme à feu
en direction de l’avocat, menaçant
de l’abattre. Une scène qui,
raconte la victime, s’est passée au
vu et au su de tout le personnel du
tribunal. D’où, l’indignation des
Magistrats ayant lancé un arrêt de
travail de deux jours.
Sorel Jacinthe a sa version
des faits
Pour l’ex président de la chambre
basse de la 49e législature, c’est
lui qui aurait été agressé par le
juge Nordé. Celui-ci, affirme M.
Jacinthe dans certains médias de
la Capitale, aurait sorti son arme
à feu, ce rien que pour avoir
demandé des explications sur ses
partisans qui seraient persécutés.
Il assimile les allégations du juge
à une manœuvre politique de
déstabilisation de son électorat
à l’approche des législatives qui
débutent dans un mois.
Le journal a tenté de le joindre
au téléphone mais sans succès.
D’aucuns auraient aimé connaitre
les explications de M. Jacinthe sur
la nature des persécutions dont,
selon lui, ses partisans feraient
l’objet. Pour le reste, il s’agit de
la parole du juge contre celle du
candidat au Sénat. Il revient alors
à la Justice de trancher.
Les actes d’agression sur
des Magistrats ne datent pas
d’aujourd’hui. Le sénateur en
fonction, Edwin Zenny s’en était
pris à coup de crachats et de
menaces verbales à l’encontre
du juge Robert Simonis au cours
d’une émission radiophonique
dans la commune de Jacmel.
8. 8 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
MONDE
L
e pape François s’est insurgé
jeudi au deuxième jour de sa
visite en Bolivie, un des pays
les plus pauvres d’Amérique
latine, contre une culture du « rejet »
qui “cherche à tout transformer en
objet de consommation”.
Lors de la grande messe célébrée
sur la place du Christ Rédempt-
eur de Santa Cruz, au pied d’une
gigantesque statue de bronze
et devant un million de fidèles,
le pape a réitéré son message
d’intégration et de justice sociale.
« Jésus continue de nous dire
sur cette place : cela suffit avec
le rejet », a déclaré le souverain
pontife, qui a dénoncé « la logique
qui prétend s’imposer dans le
monde d’aujourd’hui, une logique
qui cherche à tout transformer
en objet d’échange de consom-
mation, qui rend tout négociable
(...) en écartant tous ceux qui ne
produisent pas ».
Dans son homélie, prononcée
devant des milliers d’indigènes
boliviens de diverses ethnies,
quechua, guarani, aymara, dont le
président Evo Morales au premier
rang, le souverain pontife a évoqué
les oubliés et les exclus dans le
monde, en particulier les femmes
« qui portent sur leurs épaules
des déceptions, des tristesses et
des chagrins, une injustice qui
semble ne pas avoir de fin ». Le
service de près de deux heures
a été accompagné de chants et
cantiques religieux avec la partici-
pation d’un millier de musiciens
jouant notamment de la musique
baroque, introduite au 18e siècle
par les missionnaires jésuites qui
évangélisèrent la population et
dont la tradition reste vivace en
Bolivie.
Autour de la place, des écrans
géants avaient été installés et la
journée a été déclarée fériée. La
vente d’alcool et les spectacles
musicaux sont interdits durant
tout le séjour du pape dans le
pays, encadré d’un dispositif de
sécurité de 17 000 policiers et
militaires.
Le pape de 78 ans, premier pape
jésuite et latino-américain de
l’Histoire, était arrivé mercredi
à La Paz, ne passant que quatre
heures dans la capitale bolivienne,
perchée à 3 600 mètres d’altitude,
avant de rejoindre Santa Cruz
(est), capitale économique et ville
la plus peuplée du pays.
Visite d’une prison vendredi
De manière insolite, c’est un
simple local de la chaîne de res-
tauration rapide Burger King,
situé à côté, qui a servi de sac-
ristie, pour permettre au pape et
aux évêques de se changer avant
la messe.
Dans l’après-midi, le pape se
réunira à 16H00 (20H00 GMT)
avec 4 000 membres de la com-
munauté religieuse dans le collège
Don Bosco, avant de conclure sa
journée en participant à la deux-
ième Rencontre mondiale des
mouvements populaires.
Cette rencontre, dont la première
édition s’était déroulée à Rome
en octobre 2014, réunit des mou-
vements du monde entier, dont
des représentants de travailleurs
précaires, de paysans sans terre,
d’indigènes, de migrants et de
militants anti-mondialisation.
Elle permettra au pape François
de mesurer l’écho de sa récente
encyclique « Laudato si » (« Loué
sois-tu »), qui prenait la défense
de l’environnement et des pau-
vres.
Le souverain pontife, qui part ven-
dredi au Paraguay, avait d’ailleurs
profité de la première étape de
son voyage, en Equateur, pour
lancer un appel pressant à ne plus
“tourner le dos” à « notre mère
la Terre ». Depuis le début de
son périple, le message du pape
François repose aussi très large-
ment sur l’intégration et la justice
sociale.
Dès son arrivée, il a rappelé la
« dette » de l’Amérique latine,
région la plus inégalitaire de la
planète, envers « les plus fragiles
et les plus vulnérables ».
Mercredi, il a d’ailleurs salué les
« pas importants » de la Bolivie,
nation la plus pauvre d’Amérique
du Sud, « pour inclure d’amples
secteurs dans la vie économique,
sociale et politique du pays ».
Pour sa part, Evo Morales, pre-
mier président indigène du pays et
chantre de la gauche radicale du
continent, a remercié son « frère,
le pape », « le pape des pauvres »
de « nous rendre visite chez nous,
avec un message d’espérance et de
libération ».
Avant de s’envoler pour Asuncion,
le pape visitera le centre péniten-
tiaire Palmasola, une des pris-
ons parmi les plus surpeuplées
et violentes de Bolivie, où vivent
également une centaine d’enfants
partageant la réclusion de leurs
parents.
En Bolivie, le pape dénonce la culture
du « rejet » et de la « consommation »
Sources : AFP
Le pape François célèbre la messe à Santa Cruz, en Bolivie, le 9 juillet 2015. / Photo: AFP/AFP
9. DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015 N0
36 | 9
MONDE
L
a Caroline du Sud était jeudi
en passe de retirer le drapeau
confédéré, symbole de racisme
pour beaucoup aux Etats-
Unis, de son parlement près de trois
semaines après un massacre dans une
église noire commis par un jeune par-
tisan de la suprématie blanche.
La Chambre des représentants de
cet Etat du sud-est du pays a voté
dans la nuit de mercredi à jeudi, peu
avant l’aube, à l’issue d’une journée
et d’une nuit de débats passionnés:
une très forte majorité de 94 voix
contre 20 s’est prononcée en faveur
du retrait. Il fallait deux tiers des
voix pour entériner la mesure. La
décision, déjà adoptée mardi par
le Sénat de Caroline du Sud par 37
voix contre 3, doit être transmise
à la gouverneure de l’Etat, Nikki
Haley, qui devrait la ratifier jeudi
après-midi.
« C’est un nouveau jour pour la
Caroline du Sud, un jour dont nous
devons tous être fiers, un jour qui
nous rapproche tous ensemble
alors que nous continuons à
nous remettre » du massacre à
Charleston, a écrit Mme Haley
sur sa page Facebook. Le drapeau
flotte depuis une quinzaine
d’années à côté d’un monument en
souvenir de la Guerre de Sécession
(1861-1865), dans les jardins du
parlement de Columbia, la capitale
de l’Etat. Le drapeau pourrait
être décroché dès vendredi car la
gouverneure dispose de 24 heures
après ratification de la mesure pour
en faire la demande.
« C’est une bonne nouvelle et c’est
un progrès », a estimé Josh Earnest,
porte-parole de la Maison Blanche,
saluant l’entente bipartisane sur ce
texte.
Symbole de haine raciste
Dylann Roof, 21 ans, avait tué neuf
paroissiens noirs à Charleston le 17
juin. Ce partisan de la suprématie
blanche a été inculpé et écroué
pour les neuf meurtres qu’il avait
justifiés a priori, sur un blog qui
lui a été attribué, par sa haine
des Noirs. Sur ce même site, il
apparaissait sur plusieurs photos
brandissant le drapeau confédéré.
Régulièrement critiqué par les
associations noires car symbolisant
l’esclavage, le drapeau fait l’objet
d’une vive polémique aux Etats-
Unis depuis la tuerie, y compris
dans les milieux économiques,
plusieurs distributeurs ayant
décidé de ne plus commercialiser
de produits floqués de l’emblème.
La controverse a agité jeudi les
élus fédéraux à Washington. Les
parlementaires de la Chambre des
représentants avaient adopté mardi
par consensus un amendement
bannissant les drapeaux confédérés
des cimetières fédéraux. Mais
la majorité républicaine, sous
pression d’élus du Sud, a fait
machine arrière jeudi en proposant
un nouvel amendement protégeant
l’emblème.
Tollé immédiat chez les démocrates:
des élus ont descendu un drapeau
confédéré dans l’hémicycle pour le
dénoncer un symbole « de haine
raciste et d’oppression », selon les
termes du démocrate noir Hakeem
Jeffries. Après quelques heures
de polémique, le président de la
Chambre, le républicain John
Boehner, a finalement décidé
d’annuler le vote pro-drapeau
confédéré. « Les républicains du
Congrès (...) semblent avoir des
valeurs et des priorités » différentes,
a fustigé la Maison Blanche.
Hillary Clinton, candidate
démocrate à la Maison Blanche, a
estimé jeudi que « retirer ce symbole
du passé raciste de notre nation est
une étape importante vers l’égalité
et les droits civiques en Amérique
». De nombreux parlementaires
locaux se sont également réjouis
de l’issue du vote.
« Cela a mis du temps à venir
mais j’ai toujours senti que ce
jour viendrait », a écrit dans un
tweet James Clyburn, membre
de la Chambre des représentants
et afro-américain. Le pasteur
noir et sénateur local Clementa
Pinckney, à qui ses collègues ont
rendu hommage, faisait partie des
victimes. Son pupitre avait été
recouvert d’un drap noir pendant
les deux jours de débats, lundi et
mardi.
Les quelques opposants au retrait
du drapeau avaient tenté un baroud
d’honneur au Sénat en évoquant,
avant le vote, l’histoire des Etats du
Sud, dont il était l’emblème militaire
pendant la Guerre de Sécession.
Une fois retiré, le drapeau sera
exposé dans un musée, précisément
pour présenter l’histoire du sud des
Etats-Unis.
« Le drapeau appartient au musée »,
avait lui-même affirmé le président
Barack Obama après la tuerie.
L
es fils de dépêches de l’Agence
France-Presse(AFP)vontrester
muets, ou en tout cas forte-
ment perturbés, vingt-quatre
heures de plus. Le mouvement de
grève, qui touche l’agence de presse
depuis mardi, a été prolongé jusqu’au
vendredi 10 juillet, dans l’après-midi.
De nombreux journalistes de
quotidiens et sites d’information
– dont Le Monde – resteront donc
privés d’une de leurs sources
d’information, l’agence étant
complètement bloquée, avec des
piquets de grève sur les « desks»,
pour empêcher l’envoi de toute
dépêche. Mais le front syndical s’est
lézardé, jeudi. Le PDG, Emmanuel
Hoog, s’est engagé à une augmenta-
tion générale des salaires en 2016.
Majoritaires dans la rédaction,
la CFDT et le SNJ ont dès lors
appelé à suspendre le mouvement
de grève jusqu’au 20 juillet, date
de reprise des négociations sur le
nouvel accord d’entreprise, qui est
à l’origine du conflit.
Par contre, quatre autres syndicats
(CGC, CGT, FO, SUD) ont appelé à
poursuivre le mouvement. Le degré
de perturbation jeudi soir et ven-
dredi reste donc incertain.
Dénonciation de 117 accords
sociaux par le PDG.
À l’origine de ce conflit, la
renégociation des accords sociaux
en vigueur dans l’entreprise, qui
est en cours depuis novembre
2013. Les 2 260 salariés de l’AFP
(journalistes, techniciens, cadres…)
travaillent dans un cadre complexe :
117 accords se sont empilés depuis
la création de l’agence, en 1944.
La direction souhaite parvenir à
un accord d’entreprise unique, qui
harmonise les temps de travail,
actuellement disparates (44 jours de
congés pour les journalistes et une
cinquantaine pour les techniciens),
qui tienne compte de l’évolution des
métiers (il n’y a plus de coursiers
à l’agence, mais des techniciens
audiovisuels, des informaticiens…)
ou qui fixe un mécanisme
unique d’évolution salariale.
Trois syndicats – Confédération
française démocratique du travail
(CFDT), Syndicat national des
journalistes (SNJ) et l’union
syndicale Solidaires (SUD) — sont
entrés en négociation depuis la fin
2013, mais d’autres, notamment la
Confédération générale du travail
(CGT), s’y opposent. Une situation
qui n’empêche pas de conclure un
accord (qui peut être signé avec
des syndicats représentant 30 %
des salariés), mais qui permet aux
syndicats qui y sont hostiles de le
dénoncer.
Lire l’entretien du PDG de l’AFP :
Emmanuel Hoog : « Nous voulons
développer la couverture live de
l’actualité »
Une décision qui intervient
C’est pour éviter ce risque que la
direction a choisi de dénoncer les
accords en place, ce qui ouvre une
nouvelle phase de négociations
de quinze mois. Son objectif
semble être que tous les syndicats
participent à cette nouvelle phase.
Une décision qui a eu pour résultat
le blocage complet de l’agence.
Pour le SNJ – à l’origine de l’appel
à la grève avec la CGT, la CFDT, FO,
SUD et la CGC –
« Cette dénonciation des accords
intervient très opportunément
dans la torpeur de l’été alors
qu’Emmanuel Hoog [PDG de
l’AFP] pense avoir les mains
libres, maintenant que la course
en vue de France Télévisions est
terminée, que son mandat à l’AFP a
été prorogé de trois à cinq ans [soit
jusqu’en 2018 au lieu de 2016] et
que son contrat d’objectifs et de
moyens avec l’Etat a été signé ».
Mercredi, la direction a appelé les
salariés « à reprendre le travail afin
que la place de l’AFP, 3e agence
mondiale, ne soit pas compromise
». Les clients étrangers de l’agence
ne sont pas impactés par cette
grève qui concerne la production
dédiée au marché français.
Un drapeau confédéré le 27 juin 2015
à Columbia, en Caroline du Sud. /
Photo: LAFP/AFP
La grève à l'Agence France-Presse reconduite
pour un troisième jours
Sources : Le Monde.fr
La Caroline du Sud s'apprête à retirer son
drapeau confédéré
sources : AFP
ETATS-UNIS
10. 10 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
ÉCONOMIE
La fédération des Caisses « Le Levier» admise
à la Chambre de compensation de la BRH
Par Nonais Dérisiers
Après treize années d’attente, la Banque de la République d’Haïti (BRH) signait le 4 février dernier avec la
Fédération des caisses « Le Levier » un accord mettant en application l’article 111 de la loi sur les coopératives
d’épargne et de crédit (CEC) et stipulant que « les fédérations de CEC sont admises à la Chambre de compensation
assurée par la BRH.
L
e gouverneur Charles Castel
et le président de la Fédéra-
tion, l’agronome Bercy Rich-
ard ont, en présence des diri-
geants des caisses populaires et de
quelques organisations intervenant
dans le secteur de la finance en Haïti
et sous les feux des caméras de la
presse, paraphé l’accord autorisant
la fédération Le Levier à participer à
la Chambre de compensation.
Par cet accord, les caisses affiliées
à Le Levier sont autorisées à
émettre des chèques comme les
banques, qui seront reçus par
les entreprises et peuvent être
déposés dans n’importe quelle
banque et caisse populaire en
Haïti. Cet accord donne aussi
la possibilité à la fédération de
participer au système de paiement
interbancaire haïtien de la BRH
communément appelé SPIH. Un
sociétaire peut recevoir sur son
compte ou réaliser à partir de son
compte un virement bancaire d’un
ou vers un compte d’une autre
banque en Haïti. Cet accord ouvre
aussi la voie aux caisses pour
offrir tous les services financiers
traditionnellement offerts par les
banques, les cartes de crédit y
compris.
PourCharlesCastel,cetévènement,
qui est l’aboutissement de
beaucoup d’efforts, mérite d’être
marqué parce qu’il participe à
l’inclusion financière. Il marque
aussi un progrès majeur dans
les habitudes dans le système
financier haïtien. Il souligne que
le réseau de Le Levier, composé
de 42 caisses fédérées ou « en
transition », a un actif de 4,8
milliards de gourdes, un fonds
propre de 1,3 milliard de gourdes
et compte 561 mille sociétaires.
Le gouverneur affirme être
heureux et fier de voir ce grand
jour. Il s’agit pour lui d’un grand
pas vers l’inclusion financière et
l’inclusion tout court. Les caisses
sont, d’après le gouverneur, des
institutions par excellence de
bancarisation dans des endroits
éloignés où il sera trop coûteux
d’avoir une banque. Il encourage,
par ailleurs, les caisses populaires
à se structurer à partir de la
fédération ou de n’importe quelle
autre fédération – puisque la loi ne
limite le mouvement à une seule
fédération. Cette déclaration est
une porte ouverte à des institutions
comme Anacaph qui œuvrent
pour doter le pays d’une deuxième
fédération. Qu’elle y entre du bon
pied ! Pas pour nous offrir une
fédération en plus, mais pour
renforcer le secteur, donner du
chalenge à la fédération existante
et lui donner rendez-vous un jour
dans une confédération de caisses.
Après les propos combien élogieux
à l’égard des caisses – une première
de la part d’un si haut responsable
haïtien – il revenait au président
de la fédération de faire son
allocution de circonstance.
D’entrée de jeu, il annonce que
l’évènement du jour représente
l’un des objectifs des caisses
populaires en créant la fédération.
Il ne s’agit pas d’un don ou d’un
cadeau de la BRH, martèle-t-
il, mais de la détermination du
secteur à enlever les embûches
qui se dressent sur son chemin.
Les caisses vont utiliser cette
facilité pour attirer et fidéliser
plus de sociétaires. Le président
a aussi présenté tous les avantages
que les caisses et les sociétaires
vont tirer de ce système. Il a
également remercié le gouverneur
qui fait de l’inclusion financière
son cheval de bataille.
Cet accord, comme l’a souligné
le gouverneur, va profondément
remodeler l’architecture du sys-
tème financier haïtien. Les caisses
vont pouvoir se tailler une place
et une part de marché beaucoup
plus large, et aussi jouir d’une
image plus intéressante auprès du
public. Les caisses ne seront plus
considérées comme « collectrices
de sous » pour les banques, étant
donné qu’elles y déposaient une
partie de l’épargne des sociétaires.
Un coopérateur n’a plus de pré-
texte pour avoir un ou plusieurs
comptes dans des banques en plus
de son compte dans sa caisse.
Il va pouvoir émettre des chèques,
réaliser ou recevoir des virements
bancaires, consulter son compte à
partir de son téléphone intelligent
ou son ordinateur, avoir sa carte
de crédit émise par sa caisse et,
par-dessus le marché, aura des
attestations avec une confiance
accrue.
Que d’avantages ! Surtout pour
la classe moyenne, la petite bour-
geoisie haïtienne, les professi-
onnels, les entrepreneurs, les
fonctionnaires, les citadins bien
lotis… Qu’en sera-t-il pour que la
majorité, notamment les 1 018
951 exploitants agricoles avec leur
famille, dont 530,731 d’eux, soit
52,3 % du total, ne savent ni lire
ni écrire, dont 257 670, soit 25 %
des exploitations sont exploitées
par des femmes agricultrices
et 11,3 % gérées par de jeunes
agriculteurs de moins de 30 ans,
totalisent 114,444 exploitants
(MARNDR, Recensement général
de l’agriculture, 2008/2009) ? Au
nom de l’inclusion financière, il
faut trouver le chemin pour aller
vers les marginaux et exclus de
l’économie formelle. Il faut pou-
voir marcher cinq heures pour
se rendre à Ka Michel (Cabaret,
département Ouest) pour apporter
des services financiers aux agri-
culteurs et « madan sara ».
Tout compte fait, l’évènement de
ce 4 février 2015 sera considéré
un jour probablement comme le
plus grand évènement du début
du XXIe siècle sur le plan financier
en Haïti. Après la première
révolution des caisses populaires
à la fin des années quatre-vingt-
dix, cet évènement participera
certainement à l’avènement
de la deuxième révolution des
caisses pour nous donner des
caisses 2.0 . Elle sera « une
révolution économique, sociale,
technologique, environnementale
où la satisfaction des besoins
et le développement des
parties prenantes (sociétaires,
collaborateurs et communauté)
seront sacralisés ».
ÉCONOMIESOCIALEETSOLIDAIRE
Le gouverneur Charles Castel et le président de la Fédération, l’agronome Bercy Richard, ont paraphé l’accord autorisant
la fédération Le Levier à participer à la Chambre de compensation. / Photo : haiti-coop.blogspot.com
11. DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015 N0
36 | 11
ÉCONOMIE
Des applications pour aider les fermiers
à avoir de grandes récoltespar Jewel Fraser
CARAÏBES
P
eter Thompson de l’Autorité
jamaïcaine de développement
de l’agriculture en milieu
rural (RADA) a déclaré
que la technologie des Systèmes
d’information géographique (SIG)
est de plus en plus utilisée pour
suivre des “conditions localisées,
des parasites et la prévalence des
maladies. Cette technologie ajoutera
de la valeur non seulement pour nous,
mais aussi pour les agriculteurs en
donnant les informations dont ils ont
besoin”.
Thompson a parlé à IPS lors de
la Semaine de l’agriculture des
Caraïbes (CWA), qui a eu lieu du
6 au 12 octobre à Paramaribo, au
Suriname.
Une grande attention a été
accordée à “l’intensification”
de l’intégration de la technolo-
gie dans les pratiques agricoles
quotidiennes à la CWA 2014,
co-parrainée par le Centre tech-
nique de coopération agricole et
rurale (CTA) du groupe ACP-UE et
l’Institut de recherches agricoles
et de développement des Caraïbes
(CARDI).
L’Université des Antilles, à Saint
Augustine, a présenté des appli-
cations que les étudiants du
Département de l’informatique et
de la technologie de l’information
ont développées dans le cadre du
projet AgriNeTT, un effort de col-
laboration entre le département,
la Faculté de l’alimentation et
l’agriculture, et les représentants
des agriculteurs.
Chef/coordinatrice du de projet
AgriNeTT, Dr Margaret Bernard, a
indiqué que “l’objectif principal
... est de développer des systèmes
intelligents dans l’agriculture.
Il y a un manque de données [et]
la plupart des modèles en cours
de développement ne disposaient
pas de données réelles provenant
du terrain”.
Les applications sont destinées
à soutenir l’agriculture, a-t-elle
souligné à IPS. “Une grande
partie du projet AgriNeTT, c’est
le développement d’un référentiel
de Données ouvertes, notamment
pour loger les données agricoles
au niveau national ... Ce référen-
tiel abritera différents ensembles
de données, y compris les don-
nées de production au niveau des
fermes, les prix et les volumes des
produits de base, les données spa-
tiales foncières, les sols, le climat,
ainsi que les données de suivi des
mauvais insectes et des maladies”.
Dr Bernard a dit que le but du
référentiel de Données ouvertes
était de construire une plateforme
qui serait accessible à travers les
Caraïbes. Le projet vise à encour-
ager toute la communauté agri-
cole des Caraïbes à partager en
téléchargeant des données afin
que “les équipes de promoteurs
puissent utiliser ces données de
manière créative et développer des
applications [pour l’agriculture]”.
Elle a ajouté que la création
d’applications et d’outils basés sur
ces données permettrait de mod-
erniser l’agriculture dans les Cara-
ïbes. “La collecte, l’agrégation,
l’analyse, la visualisation et la
diffusion des données sont impor-
tantes pour la compétitivité des
Caraïbes”, a déclaré Dr Bernard.
Dr Bernard nourrit de grands
espoirs pour une nouvelle applica-
tion appelée AgriExpenseTT, que
son équipe a développée pour la
tenue des informations agricoles.
Cette application, aujourd’hui
disponible pour être téléchargée
sur Google Play, permet aux agri-
culteurs de surveiller les dépenses
de plus d’une culture à la fois,
suivre les achats des produits
agricoles qu’ils utilisent sur leurs
fermes, ainsi que de savoir quelle
quantité des produits achetés est
effectivement utilisée pour chaque
culture.
Elle a dit que les agriculteurs
qui ont opté pour le service
d’abonnement pour cette applica-
tion auraient alors leurs données
stockées, qui permettraient aux
chercheurs “de vérifier certains
des modèles pour les coûts de pro-
duction; ainsi, nous savons que
c’est ce qu’il coûte pour produire
une quantité X de [toute culture]”.
L’autre raison d’encourager
l’utilisation des TIC dans
l’agriculture, c’est la nécessité
de rendre l’agriculture un métier
plus attrayant pour les jeunes, a
expliqué, Michael Hailu, directeur
du CTA. Il a dit qu’une dimension
importante de l’agriculture famil-
iale, le thème de la CWA de cette
année, c’est le rôle important que
les jeunes devraient et pourraient
jouer dans le développement de
l’agriculture dans la région.
Puisque la population agricole
de la région vieillit, “nous au
CTA, nous faisons un effort spé-
cial pour encourager les jeunes à
s’engager dans l’agriculture – par
des manières à travers lesquelles
ils peuvent s’identifier, en util-
isant de nouvelles technologies
qui sont loin de la vieille image de
l’agriculture”, a-t-il indiqué.
A cette fin, le CTA a offert un
prix à de jeunes promoteurs
d’applications dans la région qui
développeraient des applications
de TIC innovantes pour relever
les principaux défis agricoles dans
les Caraïbes et encourager l’agro-
entreprise chez les jeunes.
Bon nombre des applications
développées pour la compétition
AgriHack Talent de la CWA 2014
se sont concentrées sur la four-
niture aux agriculteurs des infor-
mations utiles qui ne sont pas
toujours facilement disponibles.
Jason Scott, qui fait partie de
l’équipe jamaïcaine qui a rempor-
té le hackathon agricole avec leur
application nommée Node 420,
a déclaré: “La collecte des infor-
mations dont ils ont besoin peut
être un véritable problème pour
les fermiers”. Il a dit que lui et
son collègue Orane Edwards “ont
décidé de concevoir un certain
matériel qui pourrait rassembler
toutes sortes d’informations pour
les aider avec leur culture, y com-
pris la plantation, le semis et la
récolte”.
Thompson de la RADA a indiqué
que “L’application de ces technol-
ogies dans l’agriculture attirera les
jeunes. Si vous vous concentrez
sur les moyens traditionnels, il
y des chances que l’agriculture
meurt d’une mort naturelle ...
Nous avons ces jeunes gars qui
font leur entrée qui ont simple-
ment envie de faire des choses
en termes de technologie. Nous
devons les aider”.
Toutefois, Faumuina Tatunai,
une spécialiste des médias qui
travaille avec ‘Women and Busi-
ness Development’ ‘Femmes et
développement des entreprises),
une ONG qui appuie 600 agri-
culteurs au Samoa, a déclaré à
IPS que la concentration exces-
sive sur l’attraction des jeunes
vers l’agriculture à travers les TIC
peut être à courte vue.
“La réalité de l’agriculture est
que nous avons besoin des jeunes
dans les fermes dans le cadre de
la famille. Pour ce faire, nous
devons les attirer de façons tout
à fait holistiques ... et les TIC ne
sont qu’une partie de la solution,
mais elles constituent pas la seule
solution”.
Elle a dit que son organisation
cherche à encourager l’intérêt
pour l’agriculture chez les jeunes
en adoptant une approche centrée
sur la famille et en encourageant
tous les membres de la famille
à en apprendre davantage sur
l’agriculture et grandir ensemble
en tant qu’agriculteurs à travers
la formation et d’autres opportu-
nités.
“Tout le monde dans la famille
est un agriculteur, qu’ils aient six
ou 70 ans ... notre approche con-
siste à renforcer les capacités de
la mère, du père et de l’enfant”, a
expliqué Tatunai.
Les fermiers des Caraïbes sont encouragés à utiliser davantage des applications agricoles et d’autres formes de
Technologies de l’information et de la communication (TIC) dans un effort visant à accroître les connaissances
disponibles pour prendre des décisions agricoles judicieuses et rentables.
La technologie des Systèmes d’information géographique (SIG) est de plus en
plus utilisée pour suivre des “conditions localisées, des parasites et la prévalence
des maladies. / Photo : jamaicavolunteerprograms
14. 14 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
JUSTICE
L
a cérémonie a été solennelle.
Greffiers et un huissier audien-
cier de la Cour de cassation ont
siégé sous les regards des juges
de la Cour de cassation, de ceux des
cours d’appel, placés en bonne posi-
tion à l’extrémité droite d’une estrade
décorée des couleurs nationales. Au
milieu du podium s’est trouvé le chef
de l’État, Michel Martelly, ayant à ses
côtés le président du Sénat, Andris
Riché. À l’extrémité gauche, les mem-
bres du deuxième CSPJ de l’histoire
d’Haïti. La cérémonie a débuté avec
la lecture, par l’huissier en chef de
la cour de cassation, maître André
Bignon, de l’arrêté présidentiel du 30
juin 2015 nommant les neufs mem-
bres de la deuxième composition du
Conseil supérieur du pouvoir judici-
aire.
La plupart d’entre eux étaient déjà
membres dudit conseil et ont pu
obtenir un nouveau vote de leur
organe de désignation. C’est le cas
pour maître Wendel Cop Thélot,
représentante des juges à la Cour
de cassation, maître Max Elibert,
représentant des juges à la Cour
d’appel, maître Jean Etienne
Mercier, représentant des juges
de paix et maître Dilia Lemaire,
désignée par les organisations de
droits humains. Les deux membres
d’office du Conseil, qui ont eux
aussi prêté serment, n’avaient pas
besoin d’être réélus ou désignés
pour gagner leurs sièges au CSPJ.
Maître Jules Cantave présidera
donc le CSPJ tant qu’il sera pré-
sident de la Cour de cassation et
maître Thiers Malette, commis-
saire du gouvernement près cette
même cour, est bel et bien parti
pour un nouveau mandat de trois
ans au sein du CSPJ.
Deux nouvelles têtes ont fait leur
entrée au CSPJ, ce jeudi : maître
Noé Pierre-Louis Massillon, doyen
du tribunal de première instance
de Saint-Marc, et maître Clamé-
Ocnam Daméus, chef du parquet
près le tribunal de première
instance de Port-au-Prince. En
présence du Premier minsitre a.
i., Jude Hervé Day, du ministre
de la Justice, maître Pierre-Rich-
ard Casimir, des conseillers de la
Cour des comptes, des membres
du Conseil électoral provisoire
et de plusieurs représentants
des ambassades et des organisa-
tions internationales en Haïti,
les neuf membres du CSPJ ont
juré de « respecter la Constitu-
tion, les lois et les règlements de
la République, de veiller au fonc-
tionnement régulier du pouvoir
judiciaire et à la protection des
droits des justiciables ».
Le CSPJ se donne des objectifs
ambitieux
Le discours du président du
CSPJ a particulièrement retenu
l’attention de l’assistance. Plus-
ieurs fois ovationné pendant son
discours, maître Jules Cantave a
touché des dossiers brûlants au
sein de la magistrature, tel, le
paiement prochain des arriérés
de salaire très attendus par un
grand nombre de juges. Il promet
qu’à court terme le CSPJ va tout
mettre en œuvre, de concert avec
l’exécutif, pour que ces arriérés
soient versés dans le meilleur
délai. Cette promesse a immé-
diatement été applaudie par les
juges présents.
Maître Cantave a aussi listé parmi
ses objectifs à court terme : la
régularisation du fonctionnement
des décanats, l’évacuation de tous
les dossiers pendants par-devant
le tribunal disciplinaire au sein
du CSPJ, la publication régulière
des statistiques judiciaires et
du rapport annuel du CSPJ. Le
Conseil a jusqu’ici reçu environ
300 plaintes des justiciables qui
s’estiment victimes d’une action
posée par un juge.
Le président de la plus haute
instance judiciaire du pays
estime que le non-renouvellement
des mandats de plusieurs juges
d’instruction est une entrave à la
lutte contre la détention préven-
tive prolongée. Il promet que
le CSPJ va forcer l’exécutif à
renouveler les mandats des juges
tout en soulignant que des juridic-
tions comme les Cayes, Hinche et
Saint-Marc sont tout bonnement
paralysées en raison de la fin du
mandat des juges d’instruction
qui y sont affectés.
MAître Jules Cantave, qui dit
vouloir obtenir du ministère de la
Justice le transfert du personnel
judiciaire, espère aussi que dès le
prochain exercice fiscal le CSPJ
aura droit à un « budget plus adé-
quat ». Le chef du pouvoir judici-
aire croit opportun pour le CSPJ
de produire, à court terme, une
proposition d’amendement de la
Constitution ainsi qu’une modi-
fication de la loi du 13 novembre
2007 sur le CSPJ.
À moyen terme, le CSPJ voudrait
boucler le processus de certifica-
tion des 15 000 magistrats actuel-
lement en fonction sur l’ensemble
du territoire national. Déjà une
commission technique de certifi-
cation est à pied d’œuvre et est en
train de procéder à la certification
d’une cinquantaine de juges.
Le CSPJ entend, au cours des
trois prochaines années, prioriser
l’intégration des femmes dans la
magistrature haïtienne, respectant
ainsi le quota de 30 % de femmes
fixé par la Constitution. Aussi le
Conseil se promet-il de mettre en
place ses cinq bureaux déconcen-
trés dans les régions prévues dans
les règlements internes. Selon le
président du CSPJ, ces règlements
ont été élaborés par le Conseil et
attendent d’être publiés au jour-
nal officiel, Le Moniteur.
« Le CSPJ s’engage à travailler au
bon renom de la justice. Il s’engage
aussi à faire triompher la force
du droit sur le droit de la force »,
a conclu maître Cantave qui ne
jure que par l’indépendance et la
bonne image du pouvoir judici-
aire.
Le président Martelly attend
beaucoup du CSPJ
Le président Michel Martelly
a paradoxalement dressé un
sombre tableau sur le rendement
de l’appareil judiciaire, malgré
l’existence du CSPJ. « Dans le
système pénal haïtien, les droits
humains sont systématiquement
violés », a confessé le chef de
l’État, qui regrette que la déten-
tion préventive prolongée soit
encore un fléau non éradiqué. Il
va jusqu’à reconnaître que les rap-
ports internationaux sur les droits
humains ont parfois raison de sig-
naler des violations flagrantes en
Haïti. « Le système judiciaire ne
fonctionne pas à souhait et c’est
le moins que l’on puisse », a ren-
chéri le président la République
en présence de presque tous les
chefs des différentes instances
judiciaires du pays.
Cependant le président Mar-
telly dit espérer que le CSPJ, au
cours de son second mandat, va
mettre tout son poids dans la
balance pour opérer les change-
ments nécessaires. « Je suis fier
d’être le témoin de la prestation
de serment des membres de cette
prestigieuse institution », a dit le
Président en invitant les nouveaux
conseillers à ne ménager aucun
effort nécessaire à une meilleure
image de la justice.
« Quand des juges sont accusés
de connivence, c’est l’État qui est
affaibli », estime le chef de l’État,
qui dit beaucoup attendre des
membres du CSPJ.
Il convient de noter la présence de
l’ancien président Prosper Avril,
accompagné de son épouse, à la
prestation de serment des mem-
bres du CSPJ. Le président Mar-
telly l’a salué au début de son
discours.
La cérémonie s’est tenue à Frères,
au local qui abrite encore la Cour
de cassation et le CSPJ.
Mais les neuf membres de ce
deuxième CSPJ de l’histoire haï-
tienne devraient bientôt trans-
férer leurs bureaux au Champ de
Mars, puisque l’inauguration du
nouveau bâtiment du palais de la
Cour cassation, fraîchement con-
struit presque en face de l’ancien
Palais national, est annoncée pour
bientôt.
Un deuxième CSPJ fait son entrée
dans l'histoirepar Eddy Laguerre
Le président Michel Joseph Martelly
Le président de la Cour de cassation, Maître Jules Cantave.
15. DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015 N0
36 | 15
SOCIÉTÉ
A
naïka a vécu seulement trois
ans de sa vie avec ses deux
pieds jusqu’à ce terrible
après-midi du 12 janvier
2010. Les quelques secondes de ce
meurtrier séisme qui a dévasté la
Capitale haïtienne, allaient changer
définitivement le cours de son exis-
tence. « Pendant qu’elle rentrait dans
la cuisine, la maison s’est effondrée
et elle est restée sous les décombres
», raconte courageusement sa mère,
Fabiana Pierre. Fracturée sévèrement,
elle a dû être amputée de sa jambe
droite.
Trois mois après son opération, la
fillette de trois ans a déjà appris
à marcher à l’aide de ses petites
béquilles. Quatre ans plus tard,
elle bouge, s’adonne habilement
à ses activités avec ou sans ses
béquilles.
Mais, à porter sa prothèse, elle
éprouve des difficultés, car elle
marche assez lentement. « Je ne
suis pas à l’aise avec la prothèse,
je me sens embarrassée », lâche-
t-elle sous un ton larmoyant, pour
ensuite ajouter « je suis plus à
l’aise avec les béquilles ».
Sa mobilité, quoique réduite,
cette enfant, pleine de vivacité, ne
s’impose aucune limite. Ne dit- elle
pas : « Je ne suis pas ennuyée».
De toute gaieté, elle renchérit :
« je suis un enfant aussi », pour
rassurer qu’elle est une fillette
normale comme celles de son âge.
À l’impasse Eddy à Carrefour-
Feuilles où elle habite, on la
voit souvent s’associer à ses
petits amis du quartier, jouant
au football, sautant à la corde,
courant çà et là. En classe de
3e année fondamentale, elle
pratique aussi le sport à l’école et
dégage une bonne performance
académique. Elle est hyperactive
et prête facilement ses services
à des tâches ménagères: faire la
vaisselle, balayer la cour.
Cette fille unique de sa maman, n’a
pourtant jamais connu l’affection
d’un père de fort caractère. « Elle
ne pleure jamais de sa situation,
ni ne se plaigne de quelque chose
qui lui fait mal », avoue sa maman.
Elle se montre plutôt réaliste, «
ce n’est pas moi qui ai coupé ma
jambe ».
Dans une société où les handicapés
éprouvent beaucoup de difficultés
en termes d’intégration ou
d’accessibilité, Anaïka, grâce à
son âge ou à son aptitude, est
plutôt chanceuse.
Elle s’attire l’attention et la
sympathie de tous. En pleine rue,
elle se fait aider même par des
inconnus. Elle vit au quotidien
sous l’œil vigilant de sa maman qui
se fait le devoir de la surveiller de
près tout en menant ses activités
commerciales.
Tandis qu’elle grandit au jour
le jour, Anaïka doit subir une
opération chirurgicale au niveau
de son moignon (partie qui reste
de la jambe) tous les trois ans,
jusqu’à l’âge de 18 ans.
Pour ses soins médicaux, sa
maman a bénéficié, au départ, de
l’aide des ONG comme Médecins
sans Frontières et Handicap
International qui, aujourd’hui, ne
sont plus sur le terrain. La jeune
mère s’inquiète pour le futur, car
les moyens économiques lui font
défaut.
À ses sept ans, Anaïka regarde
déjà l’avenir bien grand. Elle
rêve de devenir professeure. Mais
sa mère, sans s’opposer à cette
idée, souhaite plutôt l’envoyer à
l’étranger, là où elle trouverait
plus d’accès.
Toutefois, optimiste, elle croit que
rien ne peut handicaper l’avenir de
sa fille. «L’essentiel c’est d’envoyer
l’enfant à l’école, lui permettre
d’avoir une profession. Ainsi, je
suis prête à tous les sacrifices ».
Anaïka, une fillette
pleine de rêvespar Lamy Obed
PORTRAITD’UNEUNIJAMBISTE
Les handicaps ne sont pas tous innés. Certains sont
causés par une maladie, un accident. Tel est le cas
d’Anaïka Stéphie Pierre. Elle a sept ans et elle est
unijambiste. Pourtant, elle aime marcher. Et elle
avance...
Anaïka Stéphie Pierre, 7 ans.
A
lbert Buron affalé dans un fauteuil. Le visage défait. Il a en main
un verre plein de whisky. Pas de musique. Il a l’air de quelqu’un en
pleine angoisse métaphysique. Parfois, il laisse échapper une plainte.
Il n’aperçoit même pas son fils Buron Junior qui vient d’entrer dans
le salon. Buron Junior s’approche et regarde longuement son père.
-Papa, c’est vrai ce qu’on raconte ?
-Quoi, mon fils ? répond Buron
-On t’a battu ?
Buron soupire et prend une gorgée de whisky.
-Les gens aiment trop les « zen » dans ce pays, Junior.
Buron Junior secoue la tête. C’est le genre d’ado qui n’abandonne pas
quand il tient à quelque chose.
-Ce n’est pas « un zen » papa. J’ai vu l’article dans le journal. Mes amis
m’ont dit que c’est un journaliste sérieux qui l’a écrit.
-Journaliste sérieux ! Laisse-moi rire, Junior.
Buron Junior s’énerve.
-Papa, mes amis du quartier se moquent de moi depuis ce matin. Je
veux savoir ce qui t’est arrivé. Yo kale w vre ?
-Ou bezwen konnen si yo kale m ?
-Oui, dit Buron Junior en regardant son père droit dans les yeux.
Buron prend un autre verre de whisky.
-Wi, yo kale m.
Buron Junior affiche un air à la fois surpris et offusqué.
-Ou kite yo kale w, papa ?
C’est au tour d’Albert Buron de s’énerver.
-Mais ce n’était qu’un kal… Ç’aurait pu être pire avec Georges.
-Georges, l’ami du président ? Celui qui t’a permis de trouver le djòb ?
-Il ne m’a pas permis de trouver le djòb… Il me l’a vendu.
-Et alors ? Poukisa li kale w ?
-Parce qu’il voulait plus que ce qui était convenu entre nous et je ne
pouvais pas le lui donner.
Buron Junior soupire.
-Ce pays est compliqué, papa. Ou pa bat msye tou ?
Buron regarde son fils en secouant la tête.
-Mon fils… Dans ce pays, il faut savoir protéger ses arrières. M ap bati
kay, les femmes me tombent dessus. M chèf… Si m pa t kite msye bat
mwen pou l dechaje konsyans li, m tap pèdi tou sa.
-Se pa vre ! Ou kite mseye bat ou ?
Buron dépose son verre avec colère.
-M di w se bat li bat mwen sèlman. Ç’aurait pu être pire, Junior.
-Pire comment ? insiste Buron Junior.
-À l’ère d’Obama, on est chanceux de protéger ses arrières, surtout
avec un énergumène pervers comme Georges. Il peut croire qu’il peut
tout se permettre maintenant.
Buron soupire encore.
-Enfin, cela se termine bien après ce petit malentendu. M kenbe djòb
mwen.
Buron Junior lève ses deux mains en signe de découragement.
-Donc, pour toi, cela se termine bien.
Buron se verse un autre whisky.
-Ce n’est qu’un kal. Si se pa t kal lan sèlman, Junior, zanmi w yo se pa
plezi sèlman yo ta p pran avè w…. La première leçon, Junior, dans ce
pays, c’est d’apprendre à protéger ses arrières, et ceci dans tous les
sens. Mais cela va devenir de plus en plus difficile dans ce monde où
n’importe qui peut arriver au pouvoir. Très… Très difficile.
-Je peux te venger, papa ?
-Gade ti gason ! Fè respè w… Afè n ap mache byen. Ce n’est qu’un kal.
Et notre situation vaut même plus qu’un kal.. Même plus qu’un kal.
Savoir protéger ses arrières. Voici la morale de l’histoire.
Le « kal »
d'Albert Buron !par Gary VICTOR
EXIT
16. 16 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
SOCIÉTÉ
L
es crises sociopolitiques
éclipsent les problèmes de
l’environnement en Haïti. La
quotidienneté de nos soucis
nous tenaille et nous fait dériver.
Le manger et le boire, les deux plus
grands désagréments journaliers de
l’Haïtien, constituent une étreinte
viscérale. Environ quatre millions
de compatriotes vivent en insécurité
alimentaire s’il faut croire les propos
de Garry Mathieu, coordonateur de
la CNSA (Coordination nationale de
la sécurité alimentaire). D’un autre
côté, la question dominicaine de rapa-
triement et les élections sont venues
ombrager un peu plus la précarité
environnementale du pays.
Plus d’un observateur est d’avis
que ce mal du pays est la résul-
tante de la pauvreté accrue qui
caractérise cette société. Près de
78 % de la population haïtienne
vit sous le seuil de la pauvreté
absolue et 56 % dans l’extrême
pauvreté, pour citer l’Unicef dans
son dernier rapport. La coupe des
arbres, l’exploitation anarchique
des carrières, entre autres, devien-
nent les rares moyens de subsis-
tance. Pierre Chauvet, directeur
exécutif de la Fan (Fédération des
amis de la nature), reconnaît que
près de 30 à 40 millions d’arbres
sont abattus tous les ans.
Le Bureau des mines et de
l’énergie, l’une des instances de
l’État responsables de la gestion
des carrières, est rarement au cou-
rant de leur exploitation qui se fait
dans l’anarchie totale et au péril
de ceux qui s’y aventurent sans
expérience.
La déforestation a atteint près de
98,5 % du territoire et une érosion
importante des sols en est résul-
tée. En 2008, les catastrophes
naturelles au cours de la saison
cyclonique ont causé des dom-
mages estimés à près d’un milliard
de dollars américains, équivalant
à 15 % du PIB. Il y a près de cinq
ans, 5 000 espèces de plantes,
d’arbres et de buissons ont été
recensées, dont plus d’un tiers est
considéré comme endémique. À
ce rythme effréné de la dégrada-
tion de l’environnement, d’aucuns
croient que le pays est en train
de perdre un nombre important
des espèces les plus rares. Les
espaces dits protégés sont les
moins sécurisés. En témoignent
ces incendies qui ont ravagé au
cours de 2012 et 2013 le parc
Macaya, la forêt des Pins et le parc
La Visite.
L’État haïtien, au cours des années,
ne s’est jamais montré très con-
cerné par cette question. Par
inconscience ou par ignorance,
le problème de la dégradation de
l’environnement n’a jamais été
considéré dans toute sa dimen-
sion ou disons qu’il a toujours
été sous l’ombre de l’économique
et du politique. La catastrophe
indicible du 12 janvier 2010 n’a,
semble-t-il, été qu’un éclair, un
nuage dans un ciel serein.
Il fut juste une erreur de la nature,
une faute, une injustice même des
dieux, des forces de la nature, s’il
faut croire la tranquillité des âmes
haïtiennes qui ne paraissent red-
outer aucun autre séisme, aucune
autre catastrophe d’une telle
envergure. Pourtant, le risque est
permanent. L’ingénieur-géologue
Claude Prepetit le confirmerait
lui-même et nous mettrait en
garde.
Nous sommes toujours dans le
sillage des catastrophes naturel-
les. Peu importe la sérénité que
nous affichons. Les années 2004,
pour se souvenir de la ville des
Gonaïves et de Fond-Verrettes avec
Jeanne, et 2008 pour se rappeler
Ike, Hanna et Gustave si nous
voulons seulement illustrer nos
propos par de récents exemples.
Les inconséquences, les irre-
sponsabilités de l’État sont en
tout temps notre partage, notre
passivité, et nos négligences nous
perdent toujours.
L’année 2012, on s’en souvi-
ent, a été décrétée l’année
de l’environnement et de
l’agriculture. C’est le président
de la République lui-même qui
avait tenu à le dire. Mais plus de
trois ans après, quels sont les
constats ? Qu’avons-nous semé ?
Des efforts ont-ils été accomplis
dans le sens de la sauvegarde de
l’environnement ? Pouvons-nous
être rassurés dans l’éventualité
d’un nouveau séisme de la trempe
de celui du 12 janvier 2010 ? Les
30 bassins versants du pays ont-
ils été reboisés ? Le parc La Visite,
le parc Macaya et la forêt des Pins,
ces patrimoines sont-ils en sur-
veillance constante ? Qu’en est-il
du Grand Nord menacé constam-
ment par séisme et tsunami ? Mais
qu’en est-il du pays en général ?
Voilà un nombre important de
questions auxquelles il faud-
rait répondre pour croire que la
promesse du chef de l’État en
2012 n’était pas une autre envolée
poétique décousue, dépourvue de
logique.
En ces temps d’élections, il nous
sera donné de choisir entre les
beaux discours et l’action, entre
les menteurs invétérés et les Haï-
tiens honnêtes conscients de la
décrépitude de ce pays en mal de
vivre.
Nous devrons mettre hors jeu les
« patricides », les antinationaux à
qui nous devons dire anathème !
Plus qu’une urgence, la dégrada-
tion de l’espace physique du pays,
la vulnérabilité de l’environnement
doivent nous interpeller tous dans
notre conscience de filles et de fils
de cette terre.
C’est notre seul bien commun.
Travaillons à sa sauvegarde !
Érosion par ravinement extrêmement grave. / Photo: fr.groups.yahoo.com
Plus qu'une urgence !par Jackson Joseph
18. 18 | N0
36 DU VENDREDI 10 AU DIMANCHE 12 JUILLET 2015
CULTURE
Fin de partie, dit-ilPar Dangelo Néard (notre envoyé spécial en Europe)
C
e serait vous mentir que de
vous dire littéralement que
Beckett, dans la pièce de
théâtre intitulée « Fin de
partie », parle de la fin du monde. Ce
serait vous mentir. Vous mentir d’un
regard froid et hagard si je vous lais-
sais lire que Beckett est triste, qu’il
peint dans cette pièce un monde qui
épouse la mesure de sa tristesse et de
ses multiples déconvenues.
« Fin de partie » est une pièce de
théâtre qui met en scène des per-
sonnages qui vivent dans l’amitié.
À ce niveau, on peut dire oui tout
comme on peut dire non. Dans
« Fin de partie » si amitié et
complicité il devrait y avoir, ce
serait surtout dans le pathos, la
haine inavouée, ce serait des liens
humains qui prêteraient leur souf-
fle au syndrome de Stockholm.
Les personnages cherchent le nord
dans toute la pièce. Ils cherchent
le bel air. Ils sont dans des rapports
inextricables. On ne pense même
pas à situer leur relation dans le
temps. On sent qu’ils se sont tou-
jours aimés, tout comme on sent
qu’ils se sont toujours détestés. Ils
sont dans des rapports de domi-
nation. À vous d’aller chercher si
le sadomasochisme peut se faire
une carrière dans ce théâtre. Le
génie de Beckett brille de ses mille
feux, surtout quand les person-
nages sont en instance de divorce.
Le lecteur se constate vouloir la
rupture parce que les rapports
des personnages sont inégaux,
injustes, balancés d’un côté ; en
même temps, à son grand dam,
le lecteur se rend compte qu’en
dehors de ce train de relation, il
perd intérêt à la pièce et le jeu
dramatique tombe dans le normal.
Et toute démarche artistique qui
tombe dans le normal perd de
son essence esthétique et devient
matière pour le vulgaire.
Dans la tête de celui ou de celle
qui lit « Fin de partie », autant il
est injuste que des êtres humains
réduisent à leur service d’autres
êtres humains, autant il est injuste
de n’avoir personne capable de
nous venir en aide face à la pug-
nacité du malheur.
« Fin de partie » est une pièce
à lire sur des escabeaux. Il faut
faire attention au fil des pages,
peut-être pourrez-vous tomber. La
tension n’arrête pas de monter. Le
rire viendra, se frayera un chemin
à la commissure de vos lèvres de
temps en temps. L’absurde vous
étourdira et vous n’y comprendrez
rien : de toute façon, nous sommes
à la maison Beckett. Et tout au
moins, au bout de l’expérience,
vous vous direz : « Voilà, fin de
partie ! »
En marge des vingt ans de la
disparition de René PhiloctètePar Schultz Laurent Junior
L
e poète René Philoctète,
l’un des fondateurs du spi-
ralisme, est mort il y a déjà
deux décennies. Les mem-
bres de sa famille, pour honorer sa
mémoire, vont organiser une journée
d’hommages le vendredi 17 juillet en
leur résidence à Santo 13.
René Philoctète est considéré
comme l’un des grands poètes
de la littérature haïtienne. Né
à Jérémie, Grand-Anse, le 16
novembre 1932, il a occupé une
place prépondérante dans le milieu
intellectuel haïtien en publiant des
œuvres qui ont été saluées par la
critique littéraire. Décédé le 17
juillet 1995, sa famille, ses amis
écrivains lui rendront un hommage
posthume durant toute la journée
du vendredi 17 juillet 2015.
Son fils, Richard Philoctète, était
passé au journal Le National dans
l’après-midi du mercredi 8 juillet
pour nous parler des activités
qui seront organisées dans le
cadre de cette commémoration.
Peintre, Richard profitera de cette
journée pour présenter ses œuvres
picturales inspirées de l’œuvre
poétique et romanesque de son
feu père. Des artistes de Noailles
qui se sont spécialisés dans l’art
de la récupération en profiteront
aussi pour exhiber leurs créations.
Plusieurs sketches sont également
prévus au programme sans
oublier la participation de Woully
Saint-Louis qui interprétera des
chansons du terroir et celles tirées
de son album « Quand la parole se
fait chanson ». Plusieurs artistes
sont attendus à cette journée,
parmi lesquels Franckétienne avec
qui il a fondé le spiralisme. « Entre
les saints des saints », ouvrage de
René Philoctète, sera publié à titre
posthume.
Toute l’intimité de l’auteur d’une «
Saison de cigale » sera dévoilée. Les
invités auront l’opportunité de se
réapproprier l’auteur de « Margha
» en visitant sa bibliothèque, sa
chambre à coucher et toucher
les objets ayant appartenu à
celui qui avait reçu beaucoup de
distinctions à l’étranger. Invité à
évoquer le souvenir de son père,
Richard, ému , n’avait plus les
mots. « René Philoctète, c’est la
générosité. En lisant ses recueils
de poèmes, on sent qu’il avait le
souffle poétique. Sa générosité
était à fleur de peau. Même dans
ses romans, on retrouve aussi cette
poésie qui coule comme une source
chantante. Je suis fasciné par ses
romanset je crois que mes deux
autres frères et sœurs ont la même
opinion que moi. Mon père était
tout simplement admirable. Nous
voulons tout simplement perpétuer
sa mémoire afin qu’il continue de
vivre dans nos cœurs. »
Il faut souligner que René
Philoctète est l’auteur de recueils
de poèmes et de romans. Poète
humaniste, sensible à la beauté
des choses, il a publié « Ces îles
qui marchent », « Margha », «
Promesse », « Les tambours du
soleil », « Une saison de cigale »,
« Pour que les dieux ne meurent
jamais ». Fondateur du mouvement
Haïti littéraire au début des années
soixante, avec Serge Legagneur,
Anthony phelphs, Davertige
Roland Morisseau, etc, il est co-
fondateur du Collège Jean Price-
Mars où il a pendant longtemps
dispensé des cours de littérature.
En 2003, sous la direction de
Lyonel Trouillot, les Éditions Actes
Sud ont publié une anthologie des
meilleurs textes du poète qui pense
qu’écrire, c’est répandre la lumière
sur les yeux aveugles ».
Il y a différentes façons d’entrer dans une pièce de théâtre. On peut y entrer côté piscine, côté bonne humeur, côté
surprise, côté jardin, côté cour. Mais le théâtre de Beckett n’est pas un théâtre. On ne peut donc y entrer. Beckett
n’a pas de temps pour le théâtre, il est trop occupé à faire jouer la vie et ses travers dans une ambiance absurde,
dans une ambiance de fin des choses, de fin de partie.
René Philoctète.