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UN article parmi d'autres : La politique spectacle mine la démocratie
- 1. L’Echo, 30/04/2009, page/bladzijde 19
Interview
«La politique spectacle mine la démocratie»
de Roger-Gérard Schwartzenberg. Et non plus son programme. Pour président de l’UMP, Sarkozy a eu des sujets difficiles. D’autres « gou- Maison Blanche, présenté le même être une bonne chose. Utilisé une
être efficace, une campagne doit l’occasion de réfléchir sur sa doc- rous » de la communication sou- jour à la presse que le plan de refon- fois tous les deux ans sous de
Roger-Gérard À quoi attribuez-vous cette dérive chercher non à convaincre, mais à trine, ce qui s’est traduit par la pu- tiennent la thèse contraire. Ainsi, dation économique. Il y a chez Gaulle, le référendum n’a depuis
Schwartzenberg vers la politique-spectacle ? séduire, non à argumenter, mais à blication de nombreux rapports et Jacques Pilhan, conseiller de Fran- Obama un mélange de gravité et de lors été utilisé qu’une fois tous les
La cause première de cette dérive plaire. de livres. Il reste que c’est un prési- çois Mitterrand puis de Jacques Chi- frivolité. Mais une chose est cer- huit ans en France. C’est dommage
Professeur, ancien ministre et qui mine la démocratie, c’est le dent hyper-communiquant. Il tient rac, plaide pour la retenue médiati- taine : la crise rendra la communi- car le référendum permet au ci-
auteur de « L’État spectacle 2 » Les mandataires politiques ne
triomphe de l’image sur l’écrit. La à occuper l’espace médiatique en que : il ne faut pas que le président cation moins frivole. toyen de prendre la parole et de par-
sont-ils pas également responsa-
télévision est devenue la principale permanence en pratiquant ce que s’exprime trop souvent, sous peine ticiper à la prise de décision. Je
bles d’avoir sauté pieds joints Face à ce constat, quelles solutions
source d’information. Autant la Tony Blair faisait déjà avant lui, à sa- de voir son propos confondu avec le plaide par ailleurs pour une réduc-
L
dans le système ? préconisez-vous ?
a politique s’apparente de presse écrite fait appel à l’analyse et voir la maîtrise de l’ordre du jour bruit ambiant. C’est un peu ce que tion des dépenses électorales et
plus en plus à un show do- au jugement rationnel, autant la té- Les hommes et les femmes politi- (agenda-setting). Il crée deux ou l’on constate aujourd’hui : trop de Plusieurs solutions s’imposent. Il pour l’instauration d’un code mo-
miné par le « star- lévision fait surtout appel à l’affec- ques portent une part de responsa- trois événements par jour de ma- communication tue la communi- faut aider davantage la presse écrite ral pour changer les mœurs des res-
system ». Ce constat avait tivité et à l’émotion. Ceci dit, même bilité. Il y a chez beaucoup d’entre nière à attirer l’attention et faire cation. Le citoyen ressent un phé- qui est le vrai support du débat ponsables politiques. On a fini par
été dressé de manière prémoni- la presse écrite n’est pas à l’abri. Les eux une propension à profiter de ce l’actualité. C’est ce que Alastair nomène de saturation. d’idées. Il faut également impliquer l’oublier, mais la politique peut être
toire par Roger-Gérard Schwartzen- hebdomadaires dits « généralis- système et des facilités qu’il offre. davantage le citoyen dans le fonc- morale. La vie publique peut s’iden-
berg dans son best-seller « L’État tes », comme Le Nouvel Observa- En se limitant à un programme po- tionnement de notre démocratie. À tifier à la rectitude du comporte-
spectacle », publié en 1978, à un teur ou Le Point, font des couvertu- litique flou, ils ratissent large. Au cet égard, je vois d’un bon œil ment. Comme elle l’a fait en France
«Une chose est certaine: la crise rendra
moment où cette dérive commen- res people, à la manière de VSD ou point de rassembler dans l’ambi- l’émergence d’un « journalisme ci- avec Condorcet, Jaurès, Blum et
çait seulement à poindre. Au- de Gala, même lorsqu’il est ques- guïté des électorats contradictoires. toyen » sur les forums internet. Je Mendès France.
la communication moins frivole.»
jourd’hui, le professeur et ancien tion de politique. Il y a bien sûr des exceptions. À gau- réfute l’idée du citoyen qui ne servi- Propos recueillis par
ministre que François Mitterrand Le second facteur, c’est l’entrée en che, Lionel Jospin n’a jamais fonc- rait qu’à déposer une fois tous les Jean-Paul Bombaerts
« L’État spectacle 2 », Roger-Gé-
plaçait « au premier rang de nos force des conseillers en communi- tionné de la sorte. À droite, François cinq ans un bulletin dans l’urne.
rard Schwartzenberg, éditions
Obama joue-t-il également le jeu
écrivains politiques », remet le cou- cation, souvent appelés « spin doc- Fillon se démarque également du Campbell, l’ancien conseiller de Dans le même ordre d’idées, le réfé-
Plon, 394 pages, 22 euros
de l’État spectacle ?
vert avec « L’État spectacle 2 ». Seuls tors » pour leur talent à manipuler phénomène de « starisation ». Tony Blair, appelait « faire la mé- rendum, utilisé loyalement, peut
les acteurs ont changé : Obama, l’information. Or ces spécialistes de téo ». Si au contraire les responsa- Durant sa campagne, Obama a pré-
Le paroxysme de cette dérive, c’est
Sarkozy, Royal ont remplacé les la publicité et de la communication bles politiques laissent les journa- senté un programme assez vague,
Quatre catégories
Nicolas Sarkozy ?
Kennedy, de Gaulle, Giscard qui partagent tous la même convic- listes prendre l’initiative, ils se fiant aux conseils de David Axel-
étaient alors au cœur de l’analyse tion : le candidat, c’est le message. Le paroxysme non. Lorsqu’il était risquent de se laisser conduire vers rod qui, lui-même, s’est inspiré de
de leaders politiques
Roger Hails, un autre gourou de la
communication qui en 1982 a sorti
Dans ce système qui donne une prio- séduire. Obama, Sarkozy et Blair relè-
un livre retentissant intitulé « You
rité absolue à l’image, la politique est vent de cette typologie.
are the message ». Le candidat, c’est
devenue un casting avec une distri- Enfin, il y a le père, la figure tutélaire
le message. Obama s’est comporté,
bution de rôles entre acteurs de la vie d’autorité, qui s’emploie à rassurer
comme l’a dit « Newsweek », en
publique. Les catégories identifiées par la maturité, la compétence, l’ex-
rock-star. J’ai eu l’impression qu’il y
par Roger Gérard Schwartzenberg en périence acquise par l’âge. John
avait chez le candidat démocrate
1978 restent d’actualité en 2009. McCain en est l’exemple parfait.
davantage d’idéaux que d’idées.
Il y a le héros : c’est le guide infailli- Chacune de ces vedettes du box-of-
L’éclatement de la crise financière à
ble, le chef providentiel, le sauveur. fice politique poursuit son objectif
partir de la mi-septembre 2008 a
Ce sont Poutine, Chavez et Kadhafi. privilégié : fasciner pour le héros, res-
ensuite contraint les deux candi-
À l’opposé, il y a l’homme ordinaire, sembler pour l’homme ordinaire, sé-
dats à se prononcer avec plus de
le monsieur Tout-le-monde : c’est le duire pour le leader de charme, ras-
précision. En tant que président
citoyen type qui incarne l’opinion surer pour le père. Désormais plus
pris dans la bourrasque de la crise
moyenne, le bon sens et les vertus nombreuses, les femmes politiques
économique et financière, Obama
communes. Bush et Chirac ont joué s’inscrivent dans ces différents regis-
s’est transformé en décideur, tout
sur ce registre. tres. Séduction: Ségolène Royal.
en continuant à jouer sur le registre
Il y a aussi le leader de charme, qui Proximité: Angela Merkel. Valeurs
de la « peopolisation ». On en a en-
s’attache non à convaincre, mais à maternelles: Sarah Palin.
core eu un exemple avec l’animal
de compagnie (« first pet ») de la
© Jean Chiscano
Photo News
«Trop de communication tue la communication», relève Roger-Gérard Schwartzenberg.
Quand on parle de nous,
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