1. témoignage
«J’ai voyagé un an en famille de semaine. Très vite, on s’est rendu compte de la diffi-
culté. Apprendre à un enfant, c’est très difficile. Et puis
j’avoue que j’ai découvert les limites de ma patience. Les
à travers trois continents»
«Un an à quatre autour du monde», c’est ainsi que Sophie, 39 ans, a nommé
faire travailler aura été l’une des choses les plus délicates
du voyage. D’ailleurs, les deux refont leur année, mais
comme Timo avait de l’avance et qu’ils ont quand même
acquis des choses l’année dernière, ça se passe très bien.
Donc pas vraiment de regrets.
le blog qu’elle a tenu de juillet 2010 à juillet 2011, tout au long de A part les grands trajets entre pays, nous ne nous
son périple. Avec mari et enfants, elle a mis sa routine entre parenthèses déplacions qu’en trains ou en bus locaux. Guest-houses,
pour vivre une vraie aventure familiale. petits hôtels, pensions, petit meublé en Thaïlande et
TEXTE JENNIFER SEGUI PHOTO MERCEDES RIEDY petite maison à Bali, nous ont servis de points de chute.
Après quelques mois en Amérique, le vrai choc a été
notre arrivée à Hanoï. Là, tous, nous avons du lâcher nos
repères, nos références. C’était vraiment l’aventure, l’im-
mersion totale dans une autre culture. On a alors vécu
«Départ l’année dernière, juste moment n’était finalement pas des moments magiques… Un bain dans une rivière avec
après le Paléo Festival. Retour, si mal choisi. Nous venions de des moines au Laos, un moment de connexion totale
juste avant l’édition de cette année. vendre notre maison dans la entre Timo et une vieille éléphante dans un parc en
Pour nous, ce sont des dates un région nyonnaise pour vivre dans Thaïlande, un cours de cuisine thaï avec mon grand – chose
peu mythiques, autour d’un rendez- un appartement. Nous avions le que je n’aurais jamais faite ici –, Arno et les singes du
vous qu’en bons Nyonnais, nous budget, disponible immédiate- Cambodge. En Australie, je nous revois, Yves et moi, parler
ne ratons sous aucun prétexte. ment. Et puis, lorsqu’on vous des heures et des heures, refaire le monde à l’avant du
Même pas pour cause de tour annonce ce genre de maladie, camping-car sur d’interminables routes…
du monde! Ce voyage, ça n’était la notion de temps devient plus
pas un but ultime dans notre vie. immédiate… On a arrêté la date Des moments difficiles, il y en a eu aussi, comme
Même si personnellement, de départ à la fin de ma formation, ce «pétage de plombs» après le Cambodge. Toute
j’adore voyager. J’ai pas mal bour- en juillet 2010. Quand on l’a cette misère, cette souffrance, cette histoire lourde qu’il
lingué avec mes parents quand annoncé à Timo et Arno qui ont faut tenter d’expliquer aux enfants ont fait remonter des
j’étais petite. A 20 ans, je suis 13 et 7 ans aujourd’hui, ils n’étaient choses. On a eu un coup de blues. En plus, on était crevés,
partie avec une copine faire le pas très emballés. Quitter leurs on bougeait tout le temps. Au lieu de tout arrêter et de
Costa Rica à pied pendant deux copains, leur maison, leurs habitu- rentrer, on a décidé de poursuivre et de se poser un peu en
mois. Mais Yves, mon mari, n’est Timo, Sophie, Yves et Arno, à Ny des… Timo, qui est le fruit de louant un meublé pour un mois à Chiang Mai, dans le nord
pas du genre trip sac à dos. le 9 octobre 2011. on, mon premier mariage, s’inquiétait de la Thaïlande. On a même vécu le tremblement de terre
Cette envie, ce besoin devrais-je aussi de quitter son papa. Ledit qui a secoué cette ville en mars 2011. Mais ça a suffi pour
dire, de partir, il est venu soudai- papa, lui, n’était pas contre l’idée, recharger les batteries.
nement un jour de novembre mais émettait juste des réserves Aujourd’hui, notre façon de voir les choses a complète-
2008 lorsque nous avons appris qu’Yves était par rapport à l’école. Avec raison, ment changé. On ne dit plus «je dois» ou «il faut»,
atteint de la maladie de Parkinson. Il avait 39 ans, l’expérience nous l’a prouvé… mais «j’ai envie» ou «ça me fait plaisir de». Depuis notre
moi 36. En sortant de l’hôpital de Genève, on était retour, on allège notre vie. A la mai-
abasourdis. En marchant, nous sommes passés à Nous avons choisi les destinations ensemble son, on trie, on recycle, on donne.
pied devant une librairie. En vitrine, il y avait une et pris les billets. Ce serait Canada, l’ouest des C’est fou ce qu’on peut amasser
immense carte du monde. Ça a fait tilt. On est allé Etats-Unis, Singapour, Viêt Nam, Cambodge, Laos, comme choses inutiles. On s’en rend VERSION BLOG
s’acheter des pâtisseries, on s’est assis et on s’est Thaïlande, Australie, Bali pour finir par la Malaisie. compte quand on a vécu un an avec
‘‘
Le récit de voyage et
dit: «C’est la merde, on va se tirer!» L’idée, c’était de Trois jours avant le départ, un peu «à l’arrache», on ce qui rentre dans un sac à dos. Les les photos de Sophie
figer le temps. On a réalisé que notre vie actuelle, a fait nos bagages. Un sac à dos plus un petit sac enfants ont acquis une grande ouver- et sa famille sont sur
que ce que nous aimions allait foutre le camp. chacun. Vêtements, guides, médicaments, ordina- ture d’esprit. Tout le monde remar- http://swissfamilytrip.
On avait envie de se faire de beaux souvenirs de teur, appareil photos, montagnes de livres pour que qu’ils sont beaucoup moins intro- blogspot.com
famille. De pouvoir se dire, dans les moments l’école… parés pour le décollage! Le 26 juillet 2010, vertis qu’avant. On consomme autre-
difficiles, qu’on a fait un truc génial ensemble. dans l’avion, j’ai soudain réalisé. Je n’avais plus de ment, on juge mois les autres sur des
Ensuite, on a réfléchi. J’avais un boulot où ça JE N’AVAIS PLUS DE
NATEL, PLUS D’AGENDAS,
natel, plus d’agendas, plus de rendez-vous. Plus a priori. Moi, j’ai retrouvé du plaisir à et vous,
bougeait pas mal, j’allais commencer une forma- PLUS DE RENDEZ-VOUS. aucune obligation. Ce sentiment s’est renforcé dès le être avec mes enfants, à partager avec AVEZ-VOUS VÉCU UN VOYAGE
tion. Yves, lui, démarrait un nouveau job. On a premier matin au Canada. Une sensation de liberté eux. Avec Yves, on était déjà très com- VRAIMENT MARQUANT?
PLUS AUCUNE OBLIGATION.
RÉAGISSEZ PAR COURRIER À
d’abord pensé que ça n’était pas le moment idéal. CE SENTIMENT S’EST extraordinaire, que je n’avais jamais connue. Nous plices, maintenant, on est solidaires.
RENFORCÉ DÈS LE PREMIER FEMINA, AV. DE LA GARE 39,
Puis on a réalisé que, pour entreprendre une telle MATIN AU CANADA. UNE avions un an pour faire ce que nous voulions! Et puis on profite de chaque jour qui 1001 LAUSANNE
aventure, ce n’était JAMAIS le bon jour. Dans un SENSATION DE LIBERTÉ Seule contrainte, l’école. Depuis le départ, c’était passe. Comme les Asiatiques, on se OU PAR E-MAIL À
EXTRAORDINAIRE, QUE JE FEMINA@EDIPRESSE.CH
deuxième temps, on s’est rendu compte que le N’AVAIS JAMAIS CONNUE… convenu que nous nous y mettions tous les matins dit que la vie, c’est ici et maintenant!»
26 FEMINA 13.11.11
ö Retrouvez tous les témoignages
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