AFFICHE. Solidarité et subventions croisées pour le financement de l’assurance santé du Burkina Faso : des concepts compris par les populations de Kaya mais des inquiétudes sur leur mise en œuvre. Présentée lors de la Conférence Régionale «Politiques d’exemption pour les services de santé maternelle en Afrique: évaluation, expériences et partage des connaissances ». Ouagadougou, du 25 au 28 novembre 2013
DREES : la solidarité dans les complémentaires santé
Solidarité et subventions croisées pour le financement de l’assurance santé du Burkina Faso
1. Solidarité et subventions croisées pour le
financement de l’assurance santé du Burkina Faso :
des concepts compris par les populations de Kaya mais des inquiétudes sur leur mise en œuvre.
auteurs :
Isabelle Agier ,
1,2
Kadidiatou Kadio ,
1,3
Valéry Ridde
1
Centre de recherche du Centre Hospitalier de l’Université de Montréal, Canada
2
Institut de Recherche en Sciences de la Santé, CNRST Burkina Faso
3
Ecole de Santé Publique de l’Université de Montréal, Canada
1
Introduction
Objectif
Méthodes
Les politiques d’exemption du paiement des soins de santé
peuvent constituer une première étape vers la couverture
universelle souhaitée par le Burkina Faso. Cependant, ces
initiatives ne donnent pas d’indication sur les modes de
financement les plus adaptés en accord avec les valeurs de
la société.
Le financement actuel du système de santé est fragmenté
et laisse peu de place aux subventions croisées entre
catégories de population. Cette étude vise à comprendre
le degré d’adhésion de la population aux principes sousjacents à la couverture universelle : i) le paiement anticipé
et étalé, ii) le partage des risques, iii) la progressivité de la
contribution (Figure 1).
La première étape de cette recherche est qualitative et vise
à définir ces trois principes dans le contexte. Neuf entretiens
individuels ont été menés auprès de promoteurs de mutuelles
et de micro-assurances. Douze groupes de discussion (n=72
personnes) ont été constitués parmi les ménages du district
de Kaya selon : i) le statut socio-économique, ii) le genre et
iii) le milieu. Les exemples de la vie quotidienne ont permis
de vérifier la compréhension de ces notions.
Compréhension des concepts
Selon les personnes rencontrées, la notion de risque peut être
illustrée par les aléas climatiques (inondations, incendies) mais
celui le plus souvent cité concerne la santé (fractures, accidents,
césarienne).
Le principe de partage de risque (subvention des
bien-portants vers les malades) semble bien accepté et déjà
appliqué entre voisins ou au sein de la famille. Il implique une
réciprocité. La différentiation entre petits et grands risques se
fait au niveau des démarches nécessaires pour réunir les fonds :
i) l’épargne (anticipation), ii) la famille et le voisinage (réciprocité non remboursable), iii) l’emprunt (trésorerie) (Figure 2).
COUVERTURE
UNIVERSELLE
PARTAGE DES RISQUES
(Bien portants vers malade)
ANTICIPATION
(Étalement)
PROGRESSIVITÉ
(Riches vers pauvres)
L’anticipation est appréhendée par le fait de constituer
une épargne. La principale stratégie d’épargne est l’achat
d’animaux (poulet, mouton, bœuf). Les autres stratégies sont
la tontine, le collecteur d’épargne itinérant, les personnes
âgées, la thésaurisation, le stockage de récoltes. Cette épargne
n’est pas spécifique aux imprévus de santé. Elle est plus
importante chez les ménages plus aisés ce qui leur permet
i) d’avoir très peu recours à l’entourage ou à l’emprunt et
ii) de couvrir l’ensemble des dépenses de santé (même les
grands risques) contrairement aux plus pauvres (Figure 2)
L’étalement de l’épargne, ou de la cotisation, n’est pas
dissocié de la notion d’anticipation. Cette modalité n’est
d’ailleurs pas pertinente pour toute la population car elle
dépend de la fréquence des revenus (récolte annuelle ou
ventes régulières du commerce).
Les catégories moyennes et pauvres sont favorables à la
progressivité de la contribution. Les moins pauvres sont
plus réticents et soulignent que cette pratique existe de façon
informelle entre membres d’une même communauté. En
contrepartie, ils reçoivent la bénédiction divine associée à
l’acte de charité et une
reconnaissance communautaire. La représentation graphique de la
notion de progressivité, la
plus adaptée au contexte
est celle matérialisant la
cotisation en nombre de
poulets et la catégorie
de revenu selon le type
de logement (Figure 3).
Une cotisation unique
pour tous serait représentée par un nombre
de poulets égal entre les
trois catégories.
Avantages, défis et recommandations pour la couverture universelle
Conclusion
Dans le tableau 1, nous résumons les avantages et les défis liés à la couverture universelle selon les personnes rencontrées.
• Les composantes de la couverture universelle
sont bien comprises par les populations.
Avantages
• Couvrir les risques liés aux dépenses de
santé par essence imprévisibles.
• Ne plus retarder les soins faute de trésorerie
• Ne pas exposer son épargne à divers aléas
(perte de bétail, de récolte, vol de liquide
ou de cheptel)
• Couverture des petits risques autant que
des gros.
• Abolir la concurrence entre dépenses imprévues (santé vs autres).
• Éliminer les éventuelles surfacturations
appliquées aux membres de mutuelles.
Défis
• Rendre la cotisation obligatoire pour tous
en même temps alors que chacun ne souhaite participer que si les autres participent.
• Capacité du gestionnaire à déterminer les
véritables revenus des contributeurs et les
mettre à jour
• Réticence des riches sur le caractère obligatoire
• Pas de consensus sur l’institution à laquelle confier la gestion de la couverture
maladie (CSPS, mairie ou association).
• Bonne gestion des fonds : pas de demandes
de paiement supplémentaires des professionnels de santé ou d’utilisation des
contributions à d’autres fins que l’assurance.
Recommandations
• Ne pas faire l’avance des frais pour ne pas
retarder les soins.
• Organiser la collecte de cotisation en
phase avec le rythme de rentrées d’argent
des cotisants.
• Laisser les communautés locales (ex :
commerçants) établir les classements de
revenu précis et discrets.
• Mandater une institution plus proche pour
rend plus de compte. Le gouvernement
inspire plus confiance que les institutions
locales.
• De nombreux avantages sont exprimés :
réduire le temps de recours aux soins, sécuriser l’épargne.
• Mais également de grands défis sont notés :
déterminer et mettre à jour les catégories de
ressources, imposer le caractère obligatoire
surtout pour les mieux lotis, transparence et
bonne gestion des fonds.
• Besoin de sensibilisation sur les modalités et
le fonctionnement de la couverture universelle en santé.