Pratiques éditoriales en tiers-lieu : vers la pluralisation des formes de l’é...
Paths to Cooperation The cases of Montreal based Cultural Organizations
1. Canadian Journal of Administrative Sciences
Revue canadienne des sciences de l’administration (2015)
Mode coopétition dans un cluster culturel ? - Le cas du secteur Circassien
Montréalais
Serge Poisson-de Haro Alexandre Myard
HEC Montréal – Professeur agrégé HEC Montréal – Étudiant M.Sc
Résumé
L’objectif de cet article est de poser une
réflexion sur le potentiel du concept de
coopétition dans le secteur des Arts. En
analysant les interactions entre les parties
prenantes du secteur circassien montréalais,
nous montrons la pertinence de ce modèle
collaboratif entre concurrents tout en prenant
en compte les spécificités contextuelles de ce
secteur. Notre réflexion s’appuie sur le
phénomène de cluster culturel et les conclusions
issues des travaux abordant le thème de la
coopétition comme stratégie employée par les
entreprises dans le domaine des technologies. À
l’issue de ce travail prospectif, nous mettons en
avant le fait que cette pratique collaborative
permet d’accroitre la visibilité du secteur
circassien montréalais et de ses acteurs tant au
niveau local que international.
Abstract
The purpose of this paper is to prepare the
ground for thinking about the « coopetition
» concept and its application within the art
industry. Through a deep analysis of the
stakeholders’ interactions of the
Montreal’s circus industry, we attempt to
demonstrate the relevance of this
competitors-collaborative strategy with
regards to the contextual specificities of the
studied sector. Our analysis takes into
account two theoretical background: the
process of cultural cluster and the elements
related the coopetition application by
companies within the technology industry.
By pursuing a prospective analysis, we
highlights the fact that the application of
these collaborative practices by Montreal
circus actors generate recognition at the
local and worldwide.
Key Words : Coopetition, creativity, cultural
cluster, innovation,
Mots-clés: coopétition, créativité, cluster
culturel, innovation
Le secteur circassien montréalais se
porte bien. Cet été 2014, la cinquième
édition du festival Montréal complètement
cirque a rassemblé 185 000 personnes, soit
58 000 spectateurs de plus qu’en 2013 avec
en prime, de plus en plus d’artistes étrangers
venant participer à cet événement (Poisson-
de Haro et Boutonnet, 2015). À l’origine de
ce festival, il y a un ensemble d’acteurs et
plus particulièrement le Cirque du Soleil
(CDS), multinationale du divertissement, qui
2. a su recréer l’univers du cirque.
Accompagné de l’organisme et salle de
spectacle la Tohu ainsi que du collectif En
Piste, ils ont contribué à forger une
communauté circassienne montréalaise
dynamique, innovante, et soudée. Dans ce
contexte, il est intéressant de comprendre la
nature exacte des liens, tant sur les plans
vertical qu’horizontal, qu’entretiennent ces
différents acteurs entres eux. En
l’occurrence, il nous semble pertinent de
s’interroger sur la viabilité du concept de
coopétition dans le domaine des arts de la
Scène et en particulier dans le secteur
circassien. La coopétition est le processus
par lequel des entreprises collaborent tout en
se concurrençant simultanément (Bengtsson
et Kock, 2000). Une manière de voir la
coopétition est de considérer cette pratique
en deux étapes. D’abord, le processus de
création de valeurs qui est fait sur une base
commune, puis le processus d’appropriation
de la valeur, qui est fait sur une base
individuelle. Nous sommes donc amenés, en
considérant, par exemple, des phénomènes
comme le festival Montréal complètement
cirque, à nous interroger sur la possibilité
que l’on assiste à un cas d’alliance coopétitif
entre les différents acteurs du cirque
québécois, qui conjuguent leurs efforts
durant le festival pour mutuellement
renforcer leurs rayonnement au Québec,
mais aussi à l’étranger pour ensuite se
concurrencer lorsqu’ils délivrent leurs
prestations, que ce soit auprès du public ou
des agences de diffusion. Autrement dit,
dans quelles mesures le secteur circassien
montréalais permet-il l’émergence de
relations coopétitives? Ce travail s’inscrit
dans une démarche plus large dont la
vocation est d’appréhender dans sa juste
mesure la coopétition dans le secteur des
arts. Il est réalisé en empruntant aussi des
concepts issus de la littérature abordant le
concept de cluster et plus spécifiquement de
cluster culturel qui incarne un contexte
favorable à l’éclosion de relations
coopétitives. Ce travail explore également
les similarités contextuelles qui existent
avec le secteur circassien et le secteur des
3. hautes technologies, dans lequel toute une
littérature de coopétition a mis à l’avant sa
pertinence, notamment par les petites et
moyennes entreprises, afin de pallier à leurs
déficits de ressources et à l’incertitude qui
entoure le processus d’innovation. À l’issue
de ce travail, en tenant compte du contexte
spécifique de Montréal, nous formulons un
ensemble de propositions expliquant la
dynamique des relations coopétitives dans le
cadre du secteur du cirque.
Définition du concept de coopétition
Dans l’ère de l’hypercompétition
(Craig, 1996), où une firme établit et
renforce sa compétitivité en développant des
alliances stratégiques, des réseaux ou des
stratégies collectives (Dagino, 2007),
plusieurs auteurs ont conceptualisé le
concept de coopétion dans une perspective
théorique. La première contribution au
domaine de la coopétition est l’œuvre de
Brandenburger et Nalebuff (1996), qui en se
basant sur la théorie des jeux, contestent la
vision selon laquelle dans un environnement
concurrentiel, le bénéfice de l’un se fait au
détriment de l’autre. Ils proposent d’adopter
une optique de « complémentarité »
permettant de créer davantage de valeurs
pour tous. Reliant l’idée de complément au
modèle des cinq forces de Porter,
Brandenburger et Nalebuff ont proposé le
concept de réseau de valeurs « value net »
(Figure 1). Ce réseau représente les joueurs
et leurs interactions où l’entreprise
concernée est centrale. La dimension
verticale de cette entreprise est constituée
par ses clients et ses fournisseurs. C’est avec
eux que l’organisation effectue des
transactions. Sur le plan horizontal,
l’entreprise interagit avec les autres
entreprises avec qui elle peut coexister, se
concurrencer ou collaborer. Pour Nalebuff et
Brandenburger, cette entreprise peut choisir
de voir ces entités comme des substituts et
des complémentaires. Les substituts sont les
concurrents fournissant des biens similaires
ou alternatifs. Ils peuvent servir de sources
de substitution auprès des clients ou des
fournisseurs. Les complémentaires sont par
définition les pourvoyeurs de services ou de
biens complémentaires à l’entreprise
4. concernée. Dans une logique traditionnelle,
les substituts sont uniquement perçus
comme des ennemis, tandis que les
complémentaires sont des alliés. Les termes
« complémentaires » et « substituts » sont
utilisés par les auteurs, car ils élargissent le
champ d’analyse pour trouver des
opportunités de coopération. Le concept de
réseau de valeur est une carte cognitive qui
invite à explorer les relations
d’interdépendances entre les acteurs sous un
angle différent. Pour Nalebuff et
Brandenburger, le phénomène de
coopération permettra aux entreprises
concernées d'accroître leurs parts de marché
pour ensuite se les diviser via le processus
de compétition. De manière concrète, cela se
fera lorsque les entités, qu’elles soient
substituables ou complémentaires,
décideront de faire une offre
commune/combinée.
La deuxième contribution au
domaine de la coopétition est faite par Lado,
Boyd et Hanlon (1997). Ils optent pour une
version de la coopétition comme étant un
processus plus direct défini comme la
poursuite de stratégies compétitives et
coopératives de manière simultanée. Ils
utilisent le concept de comportement
syncrétique par lequel une entreprise accède
à une rente économique tout en achevant
une performance supérieure sur le long
terme grâce à la combinaison d’un
Figure 1: La perspective de « value network » selon Nalebuff et Brandenburger (1996).
Clients
Substitut Compagnie Complémentaires
Fournisseur
Relations (Interactions)
Pas de relations
5. comportement coopératif et d’un
comportement compétitif (1997) (Figure 2).
Cette approche s’appuie sur la théorie des
jeux, mais aussi sur celle de la dépendance
des ressources (Ressource-based View) et la
théorie des socio-économiques.
Figure 2 : Les différents modes coopératifs selon Lado et al. (1997).
Orientation compétitive
Faible Forte
Orientation
coopérative
Forte
Comportement
coopératif
Comportement
syncrétique
Faible
Comportement
monopolistique de
recherche de rente
Comportement
compétitif de
recherche de rente
Une définition plus centrale du
concept de coopétition émerge du travail de
Bengtsson et Kock (2000, 2014), pour qui la
coopétition est un phénomène inter
organisationnel qui correspond à toutes
situations où des entreprises concurrentes
coopèrent et se concurrencent en même
temps indépendamment du fait que les
acteurs soient sur la même chaîne de valeurs
(horizontale) ou sur une autre (verticale)
(Figure 3). La relation peut être dyadique ou
multilatérale. Ils abandonnent la théorie des
jeux et se focalisent sur une approche basée
sur la théorie des ressources et celle des
réseaux. L’une des conséquences de cette
conceptualisation est que la coopétition est
perçue comme un phénomène constitué
d’une interaction coopérative au niveau
d’une activité distincte et d’une interaction
compétitive avec la même firme, mais sur
des activités différentes (Gnyawali, Park,
2011). Par exemple, dans le cadre de la
6. chaîne de valeurs, certaines activités seront
mutualisées (ex.: production) tandis que les
activités de distribution se feront dans une
logique de compétition (Wilhelm 2011).
Figure 3 : La coopétition selon Bengtsson et Kock (2000).
Relations à dominante coopérative : La relation comporte plus
d’incitatifs collaboratifs que compétitifs.
Relations dites « égales » : La compétition et la coopération cohabitent
simultanément.
Relations à dominante compétitive : la relation comporte davantage
d’éléments compétitifs que collaboratifs
La dimension paradoxale de la
coopétition
D’une manière générale, toutes alliances,
même celles dites classiques, se
caractérisent par des tensions car chaque
partie tente de maximiser sa position (Das et
Teng, 2000). Dans le cadre de la
coopétition, il s’agit de comprendre la
balance entre les dimensions compétitives et
les dimensions coopératives qui coexistent
simultanément (Ketchen, Snow et Hoover,
2004). Dans la perspective de la coopétition,
Raza-Ullah, Bengtsson et Kock (2014)
configurent ce paradoxe via deux axes d’un
point de vue managérial. D’abord, il s’agit
de savoir pour les parties en présence
comment concilier deux tendances
supposément antagonistes dans le cadre des
tâches de partage des ressources et/ou
d’information, tout en protégeant leur
7. savoir-faire et en captant le savoir de l’autre.
Ce phénomène est notamment conceptualisé
via la notion de risque d’opportunisme
(Oxley et Sampson, 2004). Autrement dit, il
faut trouver un point d’équilibre. Afin de
contrer les tendances compétitives, il faut
également s’assurer que les avantages liés à
la coopération soient évidents et clairement
établis. Par exemple, dans le contexte de la
RD, ce type de stratégie semble justifié
dans deux cas précis. Premièrement,
lorsqu’un objectif commun a été
préalablement identifié, cela permet de
diminuer l’incertitude et de répartir avec
justesse la séparation des tâches de manière
à réaliser une construction commune. Le
deuxième cas est lorsque la finalité de la
coopération implique un processus de
recherche dont la finalité, plus générique,
s’inscrit dans une dynamique allant au-delà
d’un intérêt économique associé à une
logique de court terme (Miotti, Sachwald,
2003). Cette logique s’applique notamment
dans la mise en place de standards
techniques communs suite aux efforts
conjugués d’entreprises concurrentes.
Ensuite, le paradoxe inhérent à la
coopétition se traduit par une ambivalence
liée aux tensions sur le plan cognitif pour les
personnes impliquées dans l’alliance. D’un
côté, les gestionnaires concernés se doivent
de faire preuve d’un minimum de
transparence pour travailler ensemble et
gérer les aléas de la relation au quotidien.
De l’autre, ils se méfient les uns des autres
en raison de leurs volontés de défendre les
intérêts de leurs entreprises respectives. Il y
a donc une ambiguïté pouvant entraîner des
difficultés dans la poursuite du projet
commun. Cette ambiguïté renvoie au débat
abordé par la littérature en gestion sur
l’équilibre entre les mécanismes de contrôle
contractuels et ceux dits relationnels,
autrement dit la confiance (Das et Teng,
2000). Dans l’un des rares travaux consacrés
Perry et al (2004) démontrent que ces deux
mécanismes coexistent pour assurer la
pérennité de l’alliance. En prenant en
compte de cette ambiguïté, Bengtsson et
Kock (1999) proposent comme solution la
séparation des activités compétitives et des
activités collaboratives.
8. La coopétition dans une perspective de
réseau
La coopétition a été très rapidement
analysée sous l’angle des réseaux d’affaires
incluant l’étude des relations formelles et
informelles entre concurrents (Bengtsson et
Kock, 2000, 2014). La perspective de réseau
conçoit les marchés comme des réseaux de
relations d’affaires qui connectent les
acteurs les uns aux autres (Chetty et Wilson,
2003). Selon Provan, Fish et Sydow (2007)
le concept de réseau, au niveau inter-
organisationnel, renvoie à toute association
de trois ou de plusieurs organisations liées
de manière à faciliter la réalisation d'un
objectif commun. Les membres du réseau
peuvent être reliés par de nombreux types de
connexions et de flux sous forme
d’informations échangées, de matériaux
partagés, de ressources financières ainsi que
de services et soutien social. Les connexions
peuvent être établies de manière formelle,
donc fondées sur un contrat ou de nature non
informelle, basées sur la confiance (1998).
Les relations entre les membres du réseau
sont essentiellement non hiérarchiques et les
participants bénéficient le plus souvent
d’une autonomie de fonctionnement
substantielle. L’un des avantages du réseau
renvoie à sa flexibilité de modifier la
dynamique de la relation en modifiant les
arrangements initiaux et en faisant ainsi
évoluer les rôles initialement attribués
(Grandori et Soda, 1995).
Dans ce contexte on peut citer le
travail de Gnyawali et Madhavan (2006) qui
a examiné le phénomène de coopétition et
ses effets en utilisant la perspective de
réseau. Ils ont empiriquement prouvé qu’en
fonction de la configuration du réseau et de
la position des firmes à l’intérieur de ce
réseau, cela reflétait des asymétries de
ressource entre elles et que de telles
asymétries menaient à l’adoption de
différents comportements compétitifs. Dans
un autre registre, Ingram et Robert (2000)
étudient l’importance de réseaux
interpersonnels entre gestionnaires
compétiteurs dans l’industrie hôtelière. Ces
réseaux, dans lesquels les personnes tissent
des liens d’amitié, permettent l’échange
d’information facilitant la résolution de
9. problèmes et favorisant l’instauration de
normes communes régulant la dynamique
compétitive. On peut aussi citer les travaux
de Lechner et al. (2006) qui mentionnent
l’importance pour les entreprises dans le
domaine des technologies d’entretenir des
relations avec leurs concurrents. Dans cette
dynamique, les liens entre concurrents
peuvent aller de l’échange d’information à
des accords de sous-traitance.
Le cluster: un cadre propice aux
interactions horizontales
Parmi les contextes les plus
susceptibles de créer un cadre favorable à
l’émergence de pratiques coopétitives, celui
du cluster, d’un point de vue théorique selon
Porter, présente un certain intérêt (1998).
Porter conceptualise ce concept de la
manière suivante : un cluster renvoie à une
concentration géographique d'entreprises et
d’institutions (université, agence de
régulation, association d’affaires, centre de
recherche, etc.) interconnectées appartenant
à un secteur donné ou dans des industries
apparentées. Les entreprises ayant des
activités similaires peuvent partager un
même domaine de compétences, produisant
ainsi des biens connexes ou
complémentaires. Les acteurs de ces clusters
sont étroitement liés entre eux et établissent
des relations horizontales et verticales de
différentes natures (sous-traitance,
coopération, contacts formels et informels,
partage de ressources et d’informations). La
concentration géographique permet de créer
des externalités positives comme la
réduction de certains coûts
d’investissements, la facilité d’acquisition
de main-d’œuvre qualifiée et de nouvelles
techniques, l’accès à des fournisseurs
communs et la contribution au transfert des
connaissances et des techniques entre firmes
(Lai et al, 2014; Tallman et al. 2004). Ce
processus de transfert de connaissances
entre acteurs dans le cadre des clusters
accroît les capacités innovatrices des acteurs
concernés (Arikan, 2009; Bell, 2005;
Casanueava et al. 2013; Tallman et al.
2004). Par ailleurs, Porter (1998) met
d’emblée à l’avant le fait que le phénomène
10. de coopétition puisse émerger dans le cadre
des clusters car selon lui, la coopération et la
compétition peuvent coexister car elles se
font entre différents acteurs et à différents
niveaux.
Un autre facteur favorisant les
échanges dans les clusters est la mobilité de
la main-d’œuvre. Cela est dû au fait que les
clusters se caractérisent par leur capacité à
regrouper un certain nombre de personnes
ayant des compétences spécifiques propres à
une industrie parfois issue des mêmes
filières de formation locale (universités,
écoles, etc.) (Hoffman, 2014). Nous
pourrions également évoquer les travaux de
Matusik et Hill (1998) qui démontrent le fait
que certaines connaissances sont transmises
grâce à l’existence d’un groupe de
travailleurs autonomes au sein des clusters.
Il peut s’agir de consultants externes,
d’ingénieurs ou de techniciens spécialisés
ayant accumulé une grande expérience en
réalisant des mandats pour différentes
compagnies. Avec leur connaissance, ces
professionnels forment une main-d'œuvre
fortement qualifiée pour disséminer des
informations actuelles répondant aux
demandes du marché. Ils apportent ainsi des
connaissances potentiellement utiles dans la
dynamique de production de produit ou de
processus innovants pour les entreprises qui
les emploient.
Enfin, le rôle des institutions locales
est clairement un outil dans la dissémination
de la connaissance à l’intérieur d’un cluster.
Le rôle d’organismes comme les chambres
de commerce, les syndicats, les organismes
professionnels et les agences de régulation
joue un rôle dans l’établissement et le
développement d’un cluster en mettant en
relation les différentes parties prenantes. Par
ailleurs, les gouvernements ont également
un rôle afin de stimuler la créativité. L’un
des mécanismes le plus utilisé est le
renforcement des liens entre les universités
et le centre de recherche avec les entreprises
privées (Hoffman et al. 2014).
Cluster dans les hautes technologies
Si d’un point de vue théorique le
concept de cluster présente un potentiel pour
appliquer le concept de coopétition, dans la
11. pratique, la littérature a souligné une réalité
plus contrastée. Mamberg et Maskell (2002),
qui s’interrogent sur ce phénomène, ne
constatent pas l’émergence d’un cadre
collaboratif sur le plan horizontal. En réalité,
la dynamique compétitive dans un contexte
de proximité géographique s’en retrouve
amplifiée. Les entreprises se battront
férocement pour avoir accès aux
consommateurs, mais aussi à la main-
d’œuvre qualifiée et aux matériaux.
Néanmoins, une certaine nuance s’impose
car tel que mentionné auparavant, le
phénomène de cluster s’est développé dans
différentes industries ayant chacune leur
logique. Ainsi, de manière générale, la
pratique de la coopétition semble
intéressante pour les entreprises choisissant
de s’allier avec un compétiteur afin de
gagner en légitimité (Tan, 2006). Par
ailleurs, on peut citer qu’une littérature est
en train d’émerger en ce qui concerne le
phénomène de cette coopétition dans les
clusters liés aux hautes technologies. Ce
phénomène est observé pour les PME en
Allemagne par Bouncken et Kraus (2013) à
l’instar de Lechner et al. (2006). Le secteur
des hautes technologies est par définition
soumis à la nécessité de l’innovation et donc
de la créativité. Néanmoins, le phénomène
de coopétition dans un cluster, y compris
ceux liés aux hautes technologies, est loin de
faire consensus à l’heure actuelle. On peut
citer à cet effet l’article de Letaifa et Rabeau
(2013), portant sur le phénomène coopératif
(incluant entre concurrents) dans le domaine
des technologies de l’information à
Montréal, démontrant qu’une trop grande
proximité géographique peut se montrer
préjudiciable pour les alliances.
De manière générale, le secteur des
hautes technologies est aujourd’hui soumis à
trois types de pression générant de
l’incertitude et contribuant à rendre
l’innovation risquée : un cycle de vie des
produits plus courts, la convergence de
nombreuses technologies et l’augmentation
des coûts en recherche et développement
(Gnyawali et Park, 2011). Dans le domaine
des hautes technologies, le cycle de vie est
réduit suite à l’évolution des goûts des
consommateurs et de la vitesse des
12. changements technologiques. Les
entreprises sont donc soumises à une
pression constante d’innovation sur une base
régulière (Lynn et Akgun, 1998). La
convergence technologique se réfère au
processus par lequel plusieurs technologies
différentes sont utilisées dans un même
produit comme des téléphones intelligents
qui incluent la technologie des
télécommunications et la technologie
informatique. D’autre part, la convergence
offre également des occasions aux
entreprises d’influencer sur les standards.
Ces standards posent les normes à partir
desquelles les entreprises devront
développer leurs produits et leurs services.
Les concurrents peuvent donc être amenés à
coopérer pour influencer les instances de
régulations afin de s’assurer que les
standards émergeant soient cohérents avec
leur savoir-faire. Enfin, les coûts associés au
développement des technologies via la
recherche et le développement ont
augmenté, d’autant plus que l’évolution
constante de ce domaine d’activité augmente
également le niveau d’incertitude. De tels
coûts en RD fournissent des motivations,
pour certaines entreprises, à coopérer avec
leurs concurrents. Le recours à la
coopétition est une façon efficace de
combiner les dépenses et l’expertise en
RD (Gnyawali et Park, 2011).
Cluster culturel
Le domaine circassien fait partie des
industries culturelles. Le concept
d’industries culturelles englobe des activités
comme les industries du cinéma, de la
musique, de la télévision, du théâtre, des
opéras, des arts visuels et de la scène.
Peltoniemi (2015) propose une définition
des industries culturelles intégrant les
industries produisant des biens comportant
une part d'expérience avec des éléments
créatifs considérables dont la finalité est la
consommation via la distribution de masse.
Les produits culturels se définissent comme
des biens non matériels visant un public de
consommateurs et ont davantage une nature
esthétique et expressive plutôt qu'une
fonction utilitaire (Hirsch, 2000). Or, on
constate que le concept de cluster a trouvé
13. un certain écho dans l’industrie culturelle.
Concrètement, pour Mommaas (depuis une
quinzaine d’années, le développement de
cluster culturel fait partie des stratégies
mises en place par les villes dans une
optique de redynamisation urbaine.
Premièrement, cela s’explique selon le fait
que les clusters permettent de créer un
climat stimulant pour les travailleurs des
domaines créatifs. Deuxièmement, si la
dynamique est bonne, le cluster attire
d'autres travailleurs des domaines créatifs
tels des designers, des gens du théâtre ou
encore des spécialistes de l'information et de
la communication. Plus directement, les
grappes génèrent un contexte facilitant la
socialisation, la confiance, l’échange et
l’inspiration permettant l’innovation dans un
environnement caractérisé par des niveaux
élevés de risque et d'incertitude (Mommaas,
2004).
Les clusters, en favorisant
l’émergence de réseaux nécessaire à la
dynamique d’innovation, apparaissent tout à
fait adéquats dans le contexte de cette
industrie qui est de plus en plus
pluridisciplinaire. Cette logique de
proximité se traduit notamment par des
ressources communes (ex.: infrastructure)
permettant des économies d’échelle (Hitters
et Richard, 2002). Mommaas cite à cet égard
des exemples tel le quartier de Temple Bar à
Dublin, le Museums Quartier de Vienne, le
Custard Factory à Birmingham, le quartier
de Ticinese à Milan, le cluster multimédia
de Hoxton à Londres ou le complexe Lowry
à Salford. Ainsi, comme nous le constatons,
le développement de projet culturel centré
spécialement dans les villes tend à se
populariser. Le degré d’implication des
politiques publiques est systématiquement
présent, mais sa nature et sa portée tendent à
varier selon les contextes. Alors que par le
passé les politiques culturelles se limitaient à
un rôle de redistribution dans une logique
d’organisation et d’interaction verticale, ces
politiques s’insèrent aujourd’hui dans une
dynamique plus complète en incluant
politiques s’insèrent aujourd’hui dans une
dynamique plus complète en incluant
l’existence de liens de types horizontaux
entre les différents acteurs, qu’ils
14. appartiennent aux secteurs publics, privés ou
associatifs (Mommaas, 2004).
Cadre conceptuel
Le concept de coopétition a donc
trouvé un certain écho dans la littérature de
gestion, notamment avec un constat de son
application par les PME dans le domaine des
hautes technologies ainsi que dans le
domaine des industries culturelles. D’une
part, les PME sont fragiles. Elles sont plus
vulnérables à l’évolution de leur
environnement. Elles ne disposent pas des
mêmes disponibilités financières que les
grandes firmes. Elles ont tendance à se
focaliser sur une ligne de production /
services en accord avec leurs stratégies de
niches (Gnyawali, Park, 2009). On peut se
référer au concept de « liability of smallness
», auquel les PME sont confrontées pour
justifier le recours à la collaboration (Baum
et al, 2000). Ce handicap renvoie aux
difficultés des PME quant à l’obtention de
capitaux et de brevets. D’autre part, ces
entreprises ont des parts de marchés
restreintes rendant l’innovation risquée. La
coopération est un conduit significatif pour
exposer une PME à de nouvelles sources
d'idées grâce aux interactions répétées entre
les personnes impliquées dans les projets
collaboratifs. Cela permet à la PME
d’améliorer son accès aux inputs et
d’accroître le transfert de connaissances
ainsi que les opportunités d’innovation. En
effet, en collaborant avec d'autres sociétés
qui possèdent des atouts appropriés, les
PME peuvent obtenir l'accès aux atouts
(compétences intrinsèques) qui créent de la
valeur et qui ne sont pas nécessairement
disponibles à l'achat sur le marché de par
leur dimension tacite.
L’accumulation de ses éléments tend
à rendre viable les alliances coopétitives
dans ce secteur en particulier,
indépendamment de la taille de l’entreprise
(Gnyawali et Park, 2011), mais s’avère
particulièrement intéressante pour les PME,
car ce sont elles qui innovent le plus
(Bouncken et Kraus, 2013 / Figure 4). Cette
incertitude propre au domaine des hautes
technologies a notamment l’impact de
15. rendre acceptable le risque d’opportunisme
inhérent à la dimension paradoxale de la
coopétition. Toute une littérature a émergé
pour mettre en avant la pertinence de ce
concept (Belderbos et al. 2004 ; Knudsen,
2007 ; Levy, Loebbecke et Powel, 2003 ; et
Haeussler et al, 2012 / Annexe 1).
Figure 4: la coopétition pour les PME dans le secteur des hautes technologies
17. 7. Considérations méthodologiques et
empiriques
Cet article constitue avant tout une
analyse de type théorique avec une mise en
perspective documentaire du secteur
circassien afin de conclure sur des
propositions pour une recherche empirique.
Il entend démontrer le potentiel que
représente le concept de coopétition dans le
domaine circassien en empruntant des
éléments appartenant à la littérature liée aux
concepts de coopétition, de cluster et
d’alliances coopétitives, notamment dans le
secteur des PME dites de hautes
technologies qui disposent de moyens plus
limités pour innover. Ces éléments sont
alors mis en perspective par rapport à la
dynamique des arts circassiens montréalais.
Les sources de cet article sont donc avant
tout d’ordre académique et documentaire,
ainsi que de la connaissance d’un des
auteurs du secteur circassien.
8. Le secteur montréalais circassien: un
cluster culturel
Nous sommes amenés à considérer
le secteur circassien de Montréal comme un
cluster culturel. En effet, à l’instar de Porter
(1998) qui définit un cluster comme un
groupe d’acteurs privés ou publics, proche
géographiquement, appartenant au même
secteur d’activité ou exerçant des activités
complémentaires, et entretenant différents
types de liens entre eux, il semble que le
secteur circassien montréalais possède les
caractéristiques de cette approche. Le
cirque, parfois appelé les arts de la piste, fait
l’objet d’un renouveau au Québec de
manière remarquée dans les années 1980
avec l'émergence de deux acteurs clés: le
Cirque du Soleil (1984) et l’École nationale
de cirque (1981). Ces institutions ont ainsi
contribué à l’émergence d’une communauté
circassienne composée d’artistes, de
compagnies, d’organisations, de structures,
et de réseaux qui partagent des valeurs et des
préoccupations communes centrées sur le
développement et la pérennisation de leur
18. discipline (Poisson-de Haro et Boutonnet,
2015).
Entreprises Date de
création
Chiffre
d’affaires/Budget
Concept # Employé
Cirque du Soleil
(CDS) 1984
1 milliard $ (2013)
Entreprises de
divertissement
4000 employés
(monde)
Cirque Éloize
1993
10 millions $
(2013)
Entreprises de
divertissement
Environ 100
employés
permanents et
300
surnuméraires
Les 7 doigts de la
main
2002
10 millions $
(2013)
Collectif
d’artistes
200 employés
École Nationale
de Cirque 1981
Institution de
formation
supérieure en
arts du cirque
40 employés
La Tohu, cité des
arts du cirque 2004 5.7 millions $
Diffuseur de
spectacles de
cirque
100 employés
En Piste
1996
Organisme de
promotion des
arts du cirque
Source : Poisson de Haro et Boutonnet (2005)
En plus de ces acteurs (qui sont présents
aussi bien à Montréal qu’à l’international),
on peut évoquer d’autres compagnies
comme le cirque Alfonse, Cavalia, ou la
compagnie Flip Fabrique. En tout, on
comptabilise une quarantaine de compagnies
de cirque et des centaines d’artistes
professionnels de la piste, essentiellement
présents à Montréal. Ce secteur est
également caractérisé par la présence
d’instituts de formation spécialisée. Outre
l’École Nationale de Cirque, il y a l’École
19. de cirque de Verdun (1988), et l’École de
cirque de Québec (1995). À cela il faut
ajouter plusieurs structures collégiales (ex.:
Collège Jean Eudes) qui dispensent des
formations spécifiques à ce milieu (Artère,
2015). On peut également évoquer
l’existence de plusieurs organismes
d’intervention sociale comme le Cirque du
Monde (parrainé par le Cirque du Soleil),
Artcirq, Dr Clown, Clown sans frontières, et
la Fondation Éloize contribuant à renforcer
la présence de la communauté circassienne
sur le plan culturel et social. Ce secteur est
porté par une infrastructure très poussée
avec tout d’abord la Tohu qui est l’un des
plus grands diffuseurs de spectacles de
cirque au Canada (Poisson-de Haro et
Boutonnet, 2015). La Tohu incarne le
concept de cluster culturel dans toute sa
consistance car elle tend à créer un espace
bien défini réservé aux activités du cirque :
ses installations sont à proximité, tels les
bureaux du CDS et de l’organisme En piste.
D’autres endroits font la promotion de ce
type d’art comme le Lion d’Or, l’Olympia,
l’Espace Go, la salle Pauline-Julien etc. Ce
secteur dispose aussi du soutien d’une
dizaine d’agences de production spécialisées
dans le divertissement (Moment Factory,
Géodézik, Solotech et Paréb en 2014).
Enfin, il convient de mentionner
l’importance des organismes institutionnels
comme le Conseil des arts des lettres du
Québec (CALQ), le Conseil des arts de
Montréal (CAM) et le conseil des arts du
Canada (CAC) qui ont chacun reconnu
graduellement le cirque comme une
discipline artistique à part entière ouvrant la
voie à l’accès aux subventions et à la
reconnaissance (Poisson-de Haro et
Boutonnet, 2015). Ainsi, en 2014 la
compagnie les 7 doigts de la main a acquis
l’ancien Musée Juste pour rire pour en faire
son quartier général. Pour couvrir ce projet
de 13,2 millions de dollars, la compagnie a
bénéficié de diverses subventions (Siag,
2014).
De plus, du fait que ce secteur
concentre géographiquement une multitude
d’acteurs, on constate que ces acteurs
entretiennent divers liens entre eux.
D’abord, le personnel administratif et
20. artistique est très souvent issu des rangs du
Cirque du Soleil comme dans le cas du
Cirque Éloize et des 7 doigts de la main,
dirigés par d’anciens membres du CDS qui
pouvaient parfois bénéficier du soutien
financier et technique du CDS. Plus
précisément, 50 % du capital du cirque
Éloize est contrôlé par le CDS (Normand,
2013). Autre exemple parmi tant d’autres,
Yves Neveu qui est l’actuel directeur de
l’École de cirque de Québec et un ancien
cadre du CDS (Bompart, 2014). Ces
éléments mettent en avant l’influence du
CDS sur la scène circassienne montréalaise.
Ces liens entre les différents acteurs sont
notamment consacrés par l’existence de « la
Tohu, la cité des arts du cirque », dont le
bâtiment contient un espace circulaire dans
lequel de nombreuses présentations dédiées
à l’art du cirque sont organisées et qui
résultent de l’alliance entre le CDS, l’École
nationale de cirque, et le collectif En Piste.
D’autre part, l’École nationale de cirque
travaille avec l’université Concordia dans le
cadre d’un groupe de travail sur le cirque.
Ce groupe de travail a pour objectif, entre
autres, d’assurer la rétention des
connaissances spécialisées dans la formation
et la pratique des arts du cirque, des artistes
et des pédagogues (P. Leroux, Résonance,
2014).
Nous sommes donc confrontés à un
processus de dissémination de la
connaissance mis en avant par la recherche
sur les clusters. Nous pouvons également
noter l’existence même du collectif En Piste,
qui contribue à forger la communauté
circassienne montréalaise par son action. À
titre d’exemple, En Piste a organisé dans le
passé deux États généraux du cirque, l’un en
1999, l’autre en 2009 (EnPiste.ca, 2015).
Ces événements ont permis de réunir des
professionnels du milieu, pour la très grande
majorité sont membres d’En Piste (artistes
autonomes; organismes de production de
spectacles; organismes de formation
professionnelle, préparatoire ou récréative;
organismes de diffusion; organismes
fournisseurs) ainsi que des représentants
d’instances décisionnelles politiques et
culturelles (partenaires actuels et potentiels
du milieu). Ces États généraux furent
21. l’occasion pour le milieu d’échanger, de se
rallier et de faire émerger une voix
commune sur les grands enjeux de
développement, de création, de production
et de diffusion en vue de dresser l’état de la
situation actuelle des arts du cirque ainsi que
sur l’avenir du secteur (En Piste, 2007).
Enfin, l’existence de liens entre tous ces
acteurs s’est concrétisée avec l’événement
majeur qu’est la création du festival
Montréal complètement Cirque. Cette
initiative de renommée maintenant
internationale organisée à chaque été depuis
2009 à Montréal réunit toute une série
d’acteurs de ce domaine dont les principaux
sont la Tohu, le Cirque Éloize, les 7 Doigts
de la main, le CDS, l’École nationale de
cirque, et En Piste. Au cours de ce festival,
qui se tient sur plusieurs semaines,
différentes représentations sont offertes
(Poisson-de Haro et Boutonnet, 2015).
Les défis du secteur circassien
montréalais
Le secteur circassien, par son jeune
âge, est confronté au manque de main
d’œuvre qualifiée dans certains domaines,
en particulier en ce qui a trait aux expertises
d’ordres financier et administratif. Plus
précisément, les artistes autonomes, les
gestionnaires et les petites compagnies,
émergentes ou non, ne sont pas
suffisamment et adéquatement outillées au
plan administratif et de la gestion (Poisson-
de Haro et Boutonnet, 2015). Ils manquent
d’encadrement et d’accompagnement dans
différentes tâches liées à la gestion et au
développement : démarrage d’entreprises et
de projets, planification, recherche et
sollicitation de financement (subventions,
commandites, bourses, etc.), production,
marketing, conseil juridique, etc. Aussi, ils
requièrent des services professionnels pour
faire face à la précarité de leur statut,
assurances, etc. (Siag, 2013).
Le deuxième défi auquel le domaine
du cirque nous renvoie est la dialectique
entre créativité, innovation et rentabilité.
Tout d'abord, les biens culturels résultent de
l’expérience personnelle des consommateurs
qui demandent plus de nouveauté. Toutefois,
ce besoin de nouveauté est corrélé au fait
22. que le succès d’un projet est très difficile à
anticiper. Il est donc impossible d'identifier
à l'avance les retombées d’un produit dit
culturel (Peltroniemi, 2015). Ces éléments
mettent en relief la grande part d’incertitude
qui caractérise l’industrie culturelle
(Lampel, Land, et Shamsie, 2000). À
l’origine de ces observations, il y a le fait
que les prestations délivrées par cette
industrie soient de nature non utilitariste. Par
conséquent, cela donne à cette même
industrie une dimension d’intangibilité
permanente. Cette problématique est
particulièrement présente dans l’industrie
circassienne montréalaise, car sous
l’impulsion du CDS, le cirque a été
réinventé. Il est devenu la marque de
fabrique de ce cluster obligeant par la même
occasion ses composants à innover sur une
base constante (Paré, 2014).
Cette difficulté à concilier création
et rentabilité renforce la problématique de la
gestion de la visibilité que subit ce secteur et
se retrouve au cœur de la création du festival
Montréal Complètement cirque, véritable
vitrine festivalière pour le secteur circassien
montréalais. De plus, le festival montréalais
doit conjuguer avec d’autres festivals de
cirque organisés de part et d’autre, comme le
Festival mondial du Cirque de Demain, le
Festival international du Cirque de Monte-
Carlo et le Cirque Circa. Si le festival
Montréal Complètement Cirque se distingue
d’abord par son positionnement unique en
Amérique du Nord et ensuite par sa capacité
à incarner un Cirque d’un nouvel âge à
l’image du positionnement stratégique du
CDS, il est soumis à un impératif de
créativité et de réinvention artistique
permanent. Le festival est très important
pour les troupes québécoises car il sert de
vitrine au savoir-faire local et c’est
notamment durant le festival que les
programmeurs internationaux se présentent
pour acheter des spectacles (Cloutier, 2014).
Enfin, le festival a pour vocation d’accroître
la visibilité du secteur des arts de la scène,
un secteur encore méconnu auprès du grand
public et soumis à la concurrence des autres
secteurs du divertissement (ex.: événements
sportifs). Ce manque de visibilité se traduit
encore par des difficultés à trouver des
23. sources de financement auprès des bailleurs
de fonds privé (Paré, 2011).
Le concept de coopétition dans le secteur
circassien montréalais
Nous sommes ici amenés à
considérer l’éventualité que le festival
Montréal Complètement cirque incarne le
concept d’alliance coopétitive comme nous
l’avons décrit précédemment. Par ailleurs, la
littérature abordant le concept de cluster
culturel qui s’assimile très bien au paysage
circassien Montréalais a bien mis en
évidence l’existence de relations verticales
et horizontales entre les acteurs de ce type
de milieu. Si l’existence de relations
informelles sur le plan horizontal ne fait
aucun doute, l’existence de type de liens de
nature formelle et / ou contractuelle reste à
éclaircir. Or, en tant que tel, l’existence de
relations coopétitives entre les entreprises du
cirque montréalais apparaît fondée. Nous
pouvons notamment citer la relation
qu’entretiennent le CDS et le Cirque Éloize.
D’un côté, ces deux troupes sont en
concurrence car elles proposent parfois des
prestations dans les mêmes villes. De
l’autre, le CDS contrôle 50% du capital-
actions du Cirque Éloize et lui apporte
également une assistance technique
(Normand, 2013). On peut également citer
que la pratique de la coopétition tend à se
multiplier dans le domaine des arts en
général à travers une littérature qui reste
toutefois, à l’heure actuelle, embryonnaire.
Ainsi, Guintcheva et Passebois-Ducros
(2012) décrivent l’existence de relations
coopératives entre plusieurs Musées de la
région de Lilles (France). Dans ce cas, les
Musées appartenant au même niveau de la
chaîne de valeur, se concurrençant
habituellement pour capter une clientèle,
s’allient au niveau du marketing en intégrant
un réseau intitulé : « The Lille Metropolitan
Art Program » (Lille MAP). La création
d’une identité commune avait également
pour but de trouver de nouveaux sponsors
dédiés uniquement au réseau. Dans le cadre
de ce projet, les partenaires concentrent
leurs images et organisent des activités
communes. Ils mutualisent donc leurs
ressources respectives de manière à être
24. complémentaires tout en faisant en sorte de
préserver l’identité et l’autonomie de
chacun.
Un autre cas, celui-ci ouvertement
coopétitif, peut être cité avec les travaux de
Mariani (2007) dans le domaine des Opéras
en Italie. Il définit trois aspects dans lesquels
les opéras italiens sont en compétition.
D’abord, ils concurrencent pour avoir accès
aux sources de financements publics. Ils
rivalisent également pour l’accès aux
compétences artistiques nécessaires à leurs
prestations. Enfin, ils se disputent l’attention
du public sensible à ce type d’art.
Cependant, les opéras sont amenés à
coopérer en coordonnant leurs activités,
notamment en effectuant une promotion
commune de leurs prestations, en
collaborant sur le plan artistique, en
coproduisant certaines activités impliquant
un partage de ressources et en partageant les
bonnes pratiques de gestion. L’un des
apports de ce travail est de mettre à l’avant
le fait que la coopétition a été imposée aux
opéras par les autorités publiques de par leur
position face aux sources de financement.
Enfin, on peut également évoquer
l’initiative « 1+1=1 ». Il s’agit de
l’exposition organisée conjointement par les
deux Musées d’art montréalais, le Musée
des Beaux-Arts et le Musée d’Art
contemporain. Dans le cadre de cette
exposition commune, les œuvres de chaque
Musée n’étaient pas mises en opposition,
mais plutôt présentées en complémentarité
(Ici Radio-Canada, 2014) et ce, bien qu’un
esprit compétitif latent ait ponctué la relation
d’alliance (Juilliard, 2014).
Ainsi, à ce stade, nous sommes
amenés à voir le festival Montréal
Complètement cirque comme l’incarnation
la plus évidente de relations coopétitives
entre entreprises appartenant au secteur des
arts de la scène, circassien en l’occurrence.
On identifie deux étapes dans le processus
de coopétition. D’abord, le processus de
création de valeurs, qui est fait sur une base
commune, puis le processus d’appropriation
de la valeur, qui est fait sur une base
individuelle (Nalebuff et Brandenburger,
1995). Dans le cas du festival, on observe un
ensemble d’acteurs (CDS, Cirque Éloize,
25. Les 7 doigts de la main, etc.) qui collaborent
ensemble avec le soutien d’organismes
institutionnels, gouvernementaux, et para-
gouvernementaux (Tourisme Québec, la
ville de Montréal et le gouvernement du
Canada, Loto Québec, la Société de
Transport de Montréal, Ici Radio-Canada).
Dans le cadre du festival, les différentes
parties prenantes se créent une identité
commune via le festival pour augmenter la
visibilité du secteur circassien auprès du
public par l’intermédiaire de spectacles
gratuits et payants, et offrent à ces mêmes
compagnies de cirque une occasion d’être
mis en contact avec les principaux diffuseurs
mondiaux. Le festival a ainsi permis à de
nombreuses troupes de gagner en
reconnaissance pour ensuite réaliser leurs
prestations dans des tournées à
l’international (Daignault, 2014). Par
ailleurs, si le festival Montréalais permet
avant tout aux artistes québécois de se
mettre à l’avant, d’autres artistes issus
d’ailleurs au Canada ou d’autres pays
participent au festival. Par leur présence, ils
renforcent l’image de qualité du festival tout
en bénéficiant à leur tour de la possibilité
d’être mis en contact avec les diffuseurs et
producteurs. Dans cette dynamique, la
dimension paradoxale est largement minorée
car l’aspect coopératif incarné par le festival
qui contribue à la visibilité et à la promotion
des acteurs présents semble largement
bénéfique pour tous. Par ailleurs, ce schéma
de reconnaissance comme raison de la
stratégie coopétitive est cohérent avec la
littérature abordant son adaptation dans le
domaine des hautes technologies où son
application est justifiée par la mise en place
de standards communs (Miotti et Sachwald,
2003).
En conclusion, on pourrait
considérer que l’application du schéma
coopétitif au secteur circassien montréalais a
un certain biais par l’omniprésence du
Cirque du Soleil qui, de fait, a formé
directement ou indirectement les artistes et
gestionnaires de ce milieu à Montréal et
parfois exerce un contrôle sur ses
concurrents comme nous avons pu le voir
avec le cirque Éloize. Plus précisément, ces
éléments démontrent une consanguinité
26. entre les acteurs circassiens Montréalais.
Toutefois et comme nous l’avons vu, ce
secteur est confronté à deux défis. D’une
part, c’est un secteur relativement jeune qui
est encore dans une démarche de
reconnaissance. D’autre part, ce secteur doit
toujours se renouveler, en particulier à
Montréal, compte tenu de l’influence du
CDS. Or, l’innovation va de pair avec
l’incertitude. On retrouve ici la pertinence
des éléments avancés par la littérature
abordant la coopétition observés au sein de
petites et moyennes entreprises évoluant
dans le secteur des hautes technologies où
ces dernières ont un esprit plus
entrepreneurial, mais de par leur taille,
disposent de ressources limitées dans un
environnement où l’innovation est risquée
compte-tenu de la vitesse des changements
qui ponctuent le secteur des technologies.
Dans ce contexte, le fait que le CDS
entretienne des liens directs ou indirects
avec la plupart des acteurs de ce secteur
apparaît nécessaire, car pour le CDS car cela
ouvre des conduits pour de nouvelles idées,
générant ainsi de l’innovation. À cela nous
ajouterons que suite aux éditions du festival,
nous avons constaté une augmentation du
nombre de troupes de cirques au Québec
comme Throw2Catch, Les parfaits inconnus
et la bande artistique (Siag, 2013).
Discussion et propositions
Cette étude prospective nous amène
à avancer un certain nombre de conclusions
que nous formulerons sous la forme de
propositions. D’abord, comme nous l’avons
constaté, l’usage de stratégie coopétitive,
dans le secteur des hautes technologies, se
décline dans le domaine circassien. La
raison est que cela permet de diminuer les
tensions liées à l’incertitude intrinsèque au
processus d’innovation et de créativité qui,
plus généralement dans le domaine des
industries culturelles, s’en retrouve
exacerbée par la dimension subjective des
prestations proposées par les entreprises qui
constituent ce secteur.
Proposition 1: Dans le cadre de l’industrie
circassienne montréalaise, l’existence de
27. pratiques coopétitives est corrélée à
l’incertitude liée à la créativité.
Nous avons également pu voir que
le secteur circassien est soumis au défi de
combler certains déficits en termes de
ressources, plus précisément sur le plan
administratif, mais également sur le plan
technique et financier. C’est notamment
dans ce cadre que l’on peut comprendre les
raisons pour lesquels le CDS apporte une
aide à certains de ses concurrents comme le
cirque Éloize et la troupe Les 7 doigts de
main. Le cirque Éloize étant rentable grâce à
ses propres recettes et son activité à
l’international, il reçoit de l’aide du
gouvernement du Québec pour financer une
part de son budget (Robert, 2013). Il faut
ajouter à cela que ce manque de ressources
est également une problématique pour les
nouvelles troupes de cirques émergentes et
dont le développement est sérieusement
entravé par le manque de soutien individuel
accordé par les instances publiques via des
subventions. En 2012, le secteur circassien
québécois a reçu 1,2 million de dollars en
aide de la part du Conseil des Arts et des
lettres (CALQ), c’est-à-dire vingt fois moins
que le secteur théâtral (Siag, 2013).
Proposition 2: Dans le cadre de l’industrie
circassienne montréalaise, l’existence de
pratiques coopétitives est corrélée par le
manque de ressources que subissent les
PME, tant sur le plan administratif que
financier.
Paradoxalement, si certaines troupes
de par leurs dimensions de PME souffrent
de manque de soutien sur le plan
institutionnel, le secteur circassien
québécois bénéficie d’autres formes d’aides
allouées par l’État, par exemple le réseau de
formation mis à leur disposition (École
Nationale de Cirque). Dans une perspective
plus large, il y a une réelle volonté de la part
du gouvernement québécois et de la ville de
Montréal à positionner le Québec comme un
acteur de premier plan dans le secteur du
cirque au niveau mondial. Cet élément est
congruent avec les travaux de Mommaas
(2004) qui démontre que le développement
28. de cluster culturel est appuyé par les
politiques urbaines dans une perspective de
prestige, tout en favorisant le développement
des activités créatives et leurs externalités
sur l’ensemble de la communauté, tant sur le
plan culturelle qu’économique. Il ajoute que
ces clusters sont caractérisés par l’existence
de relations horizontales entre les acteurs.
Par ailleurs, cette observation est corroborée
par Mariani (2007) qui démontre que c’est
sous l’impulsion des pouvoirs publics que
les opéras italiens collaborent ensemble. En
2012, le festival Montréal complètement
cirque a bénéficié de 2.85 millions de
dollars en aide fournis conjointement par le
ministère de la culture, la ville de Montréal
et le ministère du Patrimoine canadien (Paré,
2012).
Proposition 3: Dans le cadre de l’industrie
circassienne montréalaise, l’existence de
pratiques coopétitives est corrélée à
l’existence de politiques publiques visant à
assurer la pérennité de ce secteur.
Lorsque ces éléments sont identifiés,
ils contribuent à justifier le recours de
pratiques coopératives entre les entreprises
du secteur circassien. Nous sommes amenés
à considérer l’existence d’un ensemble de
maillages entre les acteurs favorisant la
stabilité de cette pratique, considérée comme
paradoxale, se traduisant par des tensions
entre gestionnaires. Dans ce contexte, des
éléments comme l’action de l’organisme En
Piste qui contribue à forger une communauté
circassienne autour de valeurs communes, le
fait que de nombreux professionnels sont
issus du Cirque du Soleil (Poisson-de Haro
et Boutonnet, 2015) et rejoignent ensuite des
troupes concurrentes (Siag, 2013) et enfin, la
mobilité de la main-d’œuvre incarnée par les
artistes autonomes propres à toutes
industries culturelles impliquent l’existence
de liens interindividuels entre
professionnels. Tous ces éléments renvoient
au domaine du cirque comme une
communauté (Parker, 2011).
Proposition 4: Dans le cadre de l’industrie
circassienne montréalaise, l’entérinement de
29. pratiques coopétitives est corrélé par
l’existence de relations interindividuelles
entre les professionnels de ce milieu.
Enfin, on conclura que l’existence
de pratiques coopétitives est rendue
nécessaire pour les acteurs privés du secteur
circassien, qui à l’exception du CDS, sont
des PME, afin d’accroître leur visibilité à
l’international. En effet, l’écosystème
circassien montréalais est d’une part
relativement jeune (30 ans) et est porté par
un acteur phare (CDS). D’un autre côté, les
troupes de cirques québécoises ne peuvent
se limiter uniquement au marché québécois
(Siag, 2013). Elles sont donc soumises à la
concurrence des autres industries nationales
circassiennes, localement très bien établies
(Italie, Allemagne / Parker, 2011). Elles
doivent également faire face à la
concurrence des autres industries du
divertissement (sport, musique, cinéma,
opéra, théâtre). Ainsi, à l’instar de Tan
(2006), qui considérait que la poursuite de
stratégie coopérative entre concurrents dans
un cluster était possible dans le cycle
d’émergence du cluster afin d’assurer la
crédibilité de celui-ci, on considère que la
pratique de la coopétition par le secteur
circassien montréalais est justifiée compte-
tenu de ses fragilités. Ce besoin de légitimer
explique partiellement la création du festival
Montréal Complètement cirque.
Proposition 5: Dans le cadre de l’industrie
circassienne montréalaise, la finalité de
l’usage de pratiques coopétitives est corrélée
au besoin par la visibilité des acteurs qui
composent cette industrie.
En conclusion, nos propositions
forment un cadre conceptuel permettant de
comprendre l’émergence et l’entérinement
des pratiques coopétitives au sein du cluster
circassien montréalais.
30. Figure 6 : Cadre conceptuel de pratiques coopétitives pour le secteur circassien montréalais
Conclusion, implications managériales et
perspective de recherche
Afin de maintenir la créativité, il
apparaît donc nécessaire aux gestionnaires
impliqués dans cette industrie de continuer à
forger une dynamique où compétition et
collaboration se font de manière simultanée
et équilibrée. La littérature en gestion a mis
de l’avant le risque d’isomorphisme
mimétique qui menace les clusters,
notamment dans les cas d’une forte
incertitude où pour économiser sur les
investissements en RD pour innover. Les
entreprises imitent le comportement de leurs
concurrents (Tan, 2006). Le processus
d’isomorphisme est également justifié par
Incertitude liée
à la créativité
Manque de
ressource
Supports
institutionnels
Visibilité
individuelle et
collective
accrue
Comportements
coopétitifs en
réseau
Logique de
communauté
31. les nouveaux arrivants comme un moyen de
gagner en légitimité (Tan et al. 2013). Or
l’isomorphisme, en impliquant
l’homogénéisation des pratiques, est par
définition néfaste à la créativité. Toutefois,
certains auteurs ont démontré que
l’isomorphisme n’était pas une fatalité
(Greenwood et Suddaby, 2013 ; Tan et al.
2013). Dans les faits, il a été prouvé qu’à
l’intérieur d’un cluster, ce sont les firmes
périphériques qui tendent à subir un
processus d’isomorphisme tandis que les
firmes occupant une position centrale
conservent leurs capacités de créativité tout
en utilisant leurs réseaux pour innover et
forger l’environnement institutionnel. À
l’heure actuelle, on constate que c’est
précisément la stratégie utilisée par le CDS
qui, notamment grâce à son positionnement
mondial multiplie les partenariats favorisant
ses capacités d’innovation (Bompart, 2014).
D’une part, il serait cependant intéressant de
s’interroger sur les implications de cette
situation pour le secteur circassien
montréalais, en particulier pour des
organisations telles que le cirque Éloize et
Les 7 doigts de la main. Pour le secteur
circassien, ces entreprises à but non lucratif
ont pour intérêt initial d’être de par leur
dimension de PME les éléments qui
génèrent l’innovation. Or, comme on vient
de le voir, ce fait est loin d’être aussi
évident. D’autre part, le CDS, de par sa
stature mondiale, n’a pas de réel concurrent
direct localement, en plus de la
multiplication de ses partenaires (Club Med,
Bell) et de la volonté des autres entreprises à
intégrer son capital (Brousseau-Pouliot,
2015).
Ce travail est principalement
théorique. Il reste donc à faire une étude
empirique à partir de la série de propositions
avancées. En effet, nous avons tenté de
mettre en avant la pertinence du modèle
coopétitif dans le secteur circassien.
Toutefois, ce travail n’a pas la vocation
d’apporter la preuve sur le plan empirique à
ce stade de l’applicabilité de ce concept. Un
travail avec collecte de données aurait pour
intérêt d’explorer la manière dont le concept
de coopétition serait applicable à Montréal
non seulement au sein du secteur circassien
32. mais aussi peut-être à d’autres sous-secteurs
des arts de la scène. En particulier, il serait
intéressant d’explorer la manière dont la
dimension paradoxale inhérente à la
coopétition est appréhendée par les
gestionnaires du secteur au quotidien, tant
sur le plan stratégique que managériale.
Étant donné qu’il y a déjà eu des cas
d’alliance coopétitive à Montréal (relation
CDS, cirque Éloize, 1+1=1), il serait
intéressant d’avoir un retour d’expérience
des personnes impliquées dans ces projets.
Des travaux futurs auraient également
intérêt à évaluer l’impact de ce type
d’alliance sur les capacités innovatrices des
entités concernées puisque le secteur des
PME « coopétitionne » principalement pour
innover. Enfin, le présent travail est
également limité par le fait qu’il soit illustré
uniquement par le secteur circassien
montréalais. Or, il s’agit d’un secteur
comptant relativement peu d’acteurs
(souvent moins expérimentés) qui sont
concentrés à Montréal, avec une culture
locale propre au Québec. Ce sont des
joueurs à but non lucratif, face à un joueur
dominant (le Cirque du Soleil) à but lucratif.
Le cas étudié n’est peut-être donc pas
représentatif de l’industrie culturelle. Dans
cette conjoncture, il serait intéressant
d’évaluer les dynamiques sectorielles de
collaboration en concurrence entre les
acteurs du secteur circassien dans d’autres
contextes à une échelle internationale mais
aussi de voir comment ces dynamiques
opèrent dans d’autres sous-secteurs culturels
au Québec.
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of Business Venturing. 28. 83-97.
-Wilhelm, M.M (2011) Managing
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37. of analysis. Journal of Operations
Management. Vol 29, N. 7/8, pp663-676
Annexe 1 : Articles faisant état de la pratique et des implications de la coopétition dans le
secteur des hautes technologies par les petites et moyennes entreprises.
38. Auteurs Thème Résultats
Baum, Calabrese, et Silvermane
(2000)
Combinent des éléments liés à la
théorie sur les réseaux de
l'alliance et de celle liée aux
alliances pour comprendre
comment la variation dans la
composition des réseaux
d’alliance des startups en
biotechnologie a un impact sur
leur performance.
Dans l'ensemble, l’étude
démontre le rôle des réseaux
d’alliance et leur configuration
créée par des startups dans le
succès de celles-ci.
Belderbos, Carree, et Lokshin
(2004)
Analysent les résultats des
alliances dans le domaine des
R.D en fonction du type de
partenaire (Compétiteurs,
fournisseurs, clients, et
universités.
Constatent que les alliances avec
des compétiteurs favorisent
l’innovation de type incrémental
et améliorent la productivité des
firmes.
Bouncken et Kraus (2013)
Étudient le phénomène de
coopétition dans un cluster
technologique entre PME.
La coopétition est encouragée par
le partage de connaissances et
l’apprentissage entre partenaires
et l’incertitude technologique.
Gnyawali et Park (2009)
Développent un argumentaire
dans lequel ils soutiennent que la
coopétition est une stratégie
efficace pour les PME pour les
aider à renforcer leurs capacités
d’innovation.
Présentent un modèle conceptuel
dans lequel ils incorporent des
facteurs propres aux contextes et
aux caractéristiques des firmes
pour expliquer les motivations à
l’origine de la coopétition ainsi
que des avantages et des
inconvénients associés à cette
stratégie.
Knudsen (2007)
Explore la nature et l’importance
des différents types de partenaire
dans les relations interfirme et
leurs implications quant aux
succès du produit résultant de
l’alliance.
Considère que les relations avec
les compétiteurs peuvent être
préjudiciables aux résultats de
l’alliance.
Levy, Loebbecke et Powel (2003)
Analyse le processus d’échange
d’information entre partenaires et
entre PME dans le cadre de
relations coopétitives.
Démontrent que les alliances
coopétitives permettent l’échange
d’informations. Toutefois, les
entreprises partenaires ne sont
pas forcément aptes à exploiter
adéquatement ces nouvelles
connaissances.
39. Auteurs Thème Résultats
Haeussler, Patzelt, et Zahra
(2012)
S’intéressent au phénomène de
risque dans le cadre de relation
d’alliance (verticale/horizontale)
entre petites entreprises dans le
secteur des hautes technologies
Le risque diminuera en fonction
du degré de spécialisation
respectif des partenaires.