1. 1
La gouvernance des communs
Quelles définitions pour les communs et leur gouvernance ?
MASTER 1 Innovation, Numérisation
et Développement Territorial - INDT
Alexandre Ruiz
Directeur de Mémoire :
Ali Douai, Maître de Conférences en économie à l'Université Nice Sophia Antipolis
Membre du Jury :
Soutenu le 12 Juillet 2017 à Nice
3. 3
La gouvernance des communs
Quelles définitions pour les communs et leur
gouvernance ?
4. 4
.
L’Université n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire :
ces opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur
5. 5
Avant-propos
. Durant mon Master, en Innovation, Numérisation
et Développement Territorial, nous avons abordé brièvement les recherches sur les communs
naturels mais aussi sur les communs informationnels. Ces organisations semblaient sortir de
l’habituel et portaient en elles une culture propre et différente de la culture de concurrence des
entreprises traditionnelles. Ces organisations d’un genre nouveau, en apparence, m’ont semblé
ouvrir une voie vers de nouvelles solutions face aux enjeux écologiques et c’est pour cela que
nous avons décidé de les étudier de plus près.
De nos jours, on entend de plus en plus parler des communs, force est de constater que cette
notion reste encore mal connue. Au premier abord les communs sont des organisations qui
réussiraient à faire travailler ensemble des individus, à gérer les conflits de façon démocratique
et à rendre commune une ressource tout en la préservant dans le temps. Le rapport avec les
enjeux écologiques est évident, les communs seraient la solution pour le « bien commun », en
étant un mode d’organisation idéal au sens où il respecterait les êtres humains et
l’environnement. Néanmoins cette utopie reste à nuancer, en effet comme nous le verrons, les
communs sont des organisations très complexes et variées.
Je tiens également à souligner que les travaux formidables d’Elinor Ostrom m’ont grandement
aidé dans la réalisation de ce mémoire.
6. 6
Remerciements
A mon directeur de mémoire Ali DOUAI, pour son accompagnement tout au long du mémoire.
A nos collaborateurs de la fabrique des mobilités, Gabriel PLASSAT et Simon SARAZIN, pour
leur aide précieuse, pour le temps que vous avez consacré à ce travail et pour les connaissances
que vous avez partagées.
A mes amis, Antonietta PUGLIESE et Arnaud PERSENDA, et mes parents, pour leurs soutiens.
7. 7
Sommaire
Quelles définitions pour les communs et leur gouvernance ?
Table des matières
I. Etat de l’art sur les communs ........................................................................................................ 11
1.1 Les travaux d’E. Ostrom comme point d’entrée dans le programme de recherche des
communs ........................................................................................................................................... 13
1.2 Une définition des communs................................................................................................. 18
1.3 Les communs numériques..................................................................................................... 21
II. Etude de cas de la fabrique des mobilités..................................................................................... 27
2.1 La fabrique des mobilités ...................................................................................................... 28
2.2 Méthodologie et concepts retenus....................................................................................... 35
III. Résultats de l’analyse qualitative des communs dans le secteur de la mobilité ...................... 39
3.1 Résultats pratiques pour l’amélioration du référencement. ................................................ 40
3.2 Résultats théoriques sur la gouvernance des communs......................................................... 49
3.3 Perspectives et limites........................................................................................................... 55
Conclusion............................................................................................................................................. 58
Mot clefs :
Les biens communs
E. Ostrom
Fabrique des mobilités
Economie contributive
Economie collaborative
Système droit/obligation
Gouvernance
Base de données sur les communs
Action collective
8. 8
Résumé :
Ce mémoire a pour but de mieux comprendre l’organisation des communs et de
contribuer à un essai sur la « théorie des communs » mais également d’un point de vue
opérationnel de réfléchir à l’outil de référencement des communs de la Fabrique des mobilités.
En partant des résultats de E. Ostrom, nous nous tournerons vers les travaux sur les communs
numériques pour avoir une vision large des organisations auto-gouvernées et auto-gérées que
sont les communs. Ensuite, à travers une étude qualitative d’une vingtaine de communs
numériques, nous proposerons un prototype de description standardisées des communs et un
modèle théorique pour penser leur gouvernance.
9. 9
Introduction
n 2015, est lancée OpenAI, une association à but non lucratif, parmi ses fondateurs
figure Elon Musk, l’actuel PDG de SpaceX et Tesla Motors, dont l’objectif est de
créer une intelligence artificielle « en commun », c’est-à-dire où chaque acteur
pouvant apporter son expertise au projet est disposé à y participer et ainsi sa contribution peut
bénéficier à tous. Plus concrètement que les brevets soient partagés et que chacun puisse utiliser
les avancés des autres sans être contraint par des droits de propriété privée.
Ce type d’organisation n’est plus marginale, aujourd’hui l’idée de mettre en commun des
ressources est de plus en plus acceptée, notamment dans des secteurs innovants comme dans
l’automobile avec l’ouverture des brevets des voitures électriques de Tesla et Toyota, dans le
secteur pharmaceutique avec l’open source drug discovery qui propose de mettre à disposition
les avancées sur la recherche de nouveaux médicaments ou encore dans le secteur des
biotechnologies avec Biological Innovation for Open Society.
Nous voyons donc se dessiner, aujourd’hui, dans le monde industriel, une volonté de sortir du
cadre de l’entreprise traditionnelle et de travailler avec différents agents, pour cela il faut que
les agents aient un retour de leurs efforts et non que leurs efforts bénéficient qu’à une seule
personne (physique ou morale) mais à l’ensemble de la communauté. C’est là que la notion des
communs prend tout son sens « un bien qui n’appartient à personne » et dont les utilisateurs et
les contributeurs peuvent bénéficier, cependant ces communs peuvent être sujet à des obstacles
à long terme notamment ceux de passager clandestin1
, de privatisation et de nationalisation,
voire d’autres obstacles plus spécifiques au contexte.
Les travaux de recherches sur les communs sont assez récents, aussi force est de constater que
cette notion reste peu connue, il s’agit pourtant, pour certains universitaires et praticiens, d’une
pratique qui tendrait à se développer jusqu’à devenir un paradigme de production et d’échange
alternatif au marché. Ce qui nous amène à nous demander quelle serait la définition qui
permettrait de saisir ce phénomène d’« auto-organisation » et ainsi mener un travail
exploratoire sur les formes d’« autogouvernance ».
Au cours de ce mémoire nous nous aiderons des travaux empiriques développés au sein de la
Fabrique des mobilités, organisme que nous décrivons dans la section II. Nous prendrons cette
organisation comme première entrée dans le monde des communs pour plusieurs raisons : la
1
Passager clandestin ou « free-rider » désigne un agent qui obtient l’usage d’un bien sans y contribuer, du
moins sans y contribuer autant qu’il le devrait.
E
10. 10
première étant que ce mémoire a pour mission de répondre à un objectif opérationnel, donner
des pistes à la fois de gestion pour les communs qui sont créés et répertoriés au sein de la
fabrique des mobilités mais également pour éviter le risque qu’un acteur « s’accapare » le
commun. Bien évidemment, les éléments avancés seront duplicables à d’autres communs ne
faisant pas partie du secteur des transports. De plus, l’état du référencement semble déjà
suffisamment abondant, avec 243 communs identifiés1
en février 2017, pour mener une enquête
sur un nombre d’échantillon raisonnable. En outre, nous essaierons également de théoriser ce
travail en mettant en perspective nos résultats avec les théories déjà existantes sur les communs.
Nous nous inscrivons dans la suite des travaux de Elinor Ostrom pour analyser les communs,
en 2009 ces travaux sur les communs ont été récompensés par le prix de la banque Suède pour
son apport, en démontrant que des ressources naturelles en commun « peuvent être gérées
efficacement par des associations d’usagers » 2
, ces résultats pourront alors nous éclairer sur les
communs et nous servir comme première approche.
Premièrement, nous présenterons une synthèse des recherches académiques qui traitent de la
question des communs, nous développerons particulièrement les travaux d’Elinor Ostrom mais
également ceux de chercheurs travaillant sur les communs numériques et ainsi nous essaierons
d’avoir une typologie des communs.
Deuxièmement nous présenterons la fabrique des mobilités (Fabmob) et l’avancé de son
commun « ancillaire »3
qui est la base de référencement. Nous montrerons qu’étant encore en
construction, il pourrait présenter un réel avantage pour la Fabmob mais aussi pour la recherche
sur les communs présent dans le secteur de la mobilité. Ainsi nous développerons une
proposition afin de rendre plus efficace le référencement. Nous mettrons également en lien la
définition académique retenue dans la section I avec le concept de communs développé dans la
fabrique.
Et enfin nous présenterons les résultats de notre analyse qualitative sur les traits saillants de la
gouvernance des acteurs du secteur de la mobilité, ainsi que la présentation d’un prototype
pouvant rendre la description des communs plus simple.
1
La fabrique des mobilités. Le site de référencement des communs de la fabrique. [En ligne]. Disponible sur :
http://communs.lafabriquedesmobilites.fr/#/p/list . (Page consultée le 01/02/2017)
2
Nobelpriz.org. Elinor Ostrom – Facts. In Nobel Media AB 2014 [En ligne]. Disponible sur:
http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/economic-sciences/laureates/2009/ostrom-facts.html. (Page
consultée le 10/06/2017)
3
Concept d’E Ruzé(2013) pour définir le déploiement d’un commun en annexe de l’organisation habituelle.
12. 12
« Qu’est-ce que se promener ensemble pour deux personnes ?
Commençons par une personne sortie seule faire une promenade,
et voyons ce qu’il faut ajouter pour dire que cette personne et une
autre sont sorties faire une promenade ensemble. »
Margaret Gilbert, Marcher ensemble. Essais sur les fondements des phénomènes collectifs,
traduit de l’anglais sous la direction d’Alban Bouvier, Paris, puf, 2003. 192 p.
13. 13
Ce chapitre a pour objectif de présenter une définition des communs et une synthèse des travaux
élémentaires réalisés sur les communs fonciers et numériques dans le but de mieux cerner les
débats autour de ce thème.
1.1 Les travaux d’E. Ostrom comme point d’entrée dans le programme de recherche des
communs
Dans cette partie nous présenterons les principaux éléments, qu’il semble nécessaire de voir,
pour comprendre le fondement des outils théoriques que nous utiliserons. Elinor Ostrom ayant
contribuée à la recherche sur les communs, ses apports seront pris comme référence.
1.1.1 Une nouvelle approche de l’action collective
Elinor Ostrom, dans ses travaux, a pour objectif de comprendre l’échec ou le succès d’un
commun et d’en déterminer les facteurs qui influencent ce résultat, Elle a aussi pour but de
démontrer que dans certains cas une ressource (naturelle) gérée en commun était gérée de façon
plus efficace et efficiente qu’en propriété publique ou privée, elle utilise comme principal outil
théorique la théorie des jeux.
Ostrom définit une ressource commune comme « un système de ressources suffisamment
important pour qu’il soit coûteux (mais pas impossible) d’exclure ses bénéficiaires potentiels
de l’accès aux bénéfices liés à son utilisation. » (Ostrom, 2010 [1990], p. 44).
La vision des Communs de Ostrom s’oppose à la « métaphore », de trois modèles théoriques,
utilisée pour décrire différentes réalités qui seraient plus complexes que ce que décrivent les
modèles mais qui ont eu une grande influence pour mettre en place des politiques de
nationalisation ou de privatisation.
Le premier est la « tragédie des biens communs » théorisé par Garrett Hardin dans « Science »
en 1968, cet article met en avant le fait que si deux éleveurs utilisent ensemble une ressource
limitée alors du point de vue du choix rationnel, c’est-à-dire de leurs intérêts à maximiser leurs
utilités, chaque éleveur a intérêt à augmenter son nombre d’animaux sur le pâturage même si
l’augmentation de celui-ci entraine une dégradation de cette ressource, étant donné que le
bénéfice de rajouter un animal est supérieur au coût de la dégradation subit pour les deux
éleveurs. La conclusion de Hardin fût que « Ruin is the destination toward which all men rush,
each pursuing his own best interest in a society that believes in the freedom of the commons.
14. 14
Freedom in a commons brings ruin to all. » (Hardin, 1698, p. 1244), ainsi pour Hardin la
privatisation de la ressource est une solution pour résoudre le problème de surexploitation.
Le reproche d’Ostrom a été la confusion qu’a faite Hardin entre bien commun et pâturage
« open to all »1
et d’avoir prescrit, pour toute situation similaire, l’intervention du marché.
Le deuxième modèle auquel elle s’oppose pour décrire les communs est le jeu du « dilemme du
prisonnier », souvent utilisé pour décrire la tragédie des communs, il représente une situation
de dilemme social où deux joueurs ont le choix entre une stratégie de coopération et de
défection, rationnellement les agents en tenant compte de la structure du jeu choisissent de ne
pas coopérer, ce qui mène vers un équilibre que l’on appelle « Pareto inférieur » contrairement
à la situation « Pareto supérieur » où les deux joueurs coopèrent. En d’autres termes les actions
individuelles mèneraient vers une solution moins avantageuse que si les agents coopéraient. Ce
dilemme soulève alors des problèmes de coopération dès lors qu’« il est impossible à des
créatures rationnelles de coopérer » (Campbell, 1985, p. 3), il est impossible de construire une
gestion durable commune.
Le troisième modèle qu’Ostrom remet en cause est celui de Mancur Olson (La logique de
l’action collective, 1965) sur l’action collective qui définit que l’intérêt commun ne suffirait
pas toujours à inciter un individu la volonté d’agir pour le bien collectif, comme le remarque
O. Weinstein, Ostrom reprendra une partie de sa vision sur « l’importance donnée à la
différenciation des groupes selon leur taille » (Weinstein, 2013, § 14) comme nous le verrons
avec les variables de succès dans la section 1.1.3.
Ce sont ces trois modèles qu’Ostrom retient comme les théories qui tentent d’expliquer les
résultats de l’action collective, c’est-à-dire pour expliquer l’interaction d’agents dans le but de
« réaliser des bénéfices collectifs » (Ostrom, op. cit, p. 19). Le principal problème serait donc
le passager clandestin (free rider). Ces théories mènent donc à penser que si l’intérêt individuel
pousse à adopter des stratégies à l’encontre de l’intérêt collectif, alors une gestion partagée entre
différents agents sera nécessairement sous optimal et il faudra donc privatiser (Robert J. Smith
1981 ; Sinn, 1984) ou nationaliser (Hardin, 1978 ; Carruthers et Stoner, 1981) la ressource.
E. Ostrom critique le fait que dans chacun des modèles, les agents sont contraints par la structure
même des modèles. Elle privilégiera alors d’étudier les façons dont les agents arrivent à ne plus
1
Traduit en accès libre, désigne un pâturage, par exemple, sans règles, sans gouvernance et sans communauté
établie
15. 15
être contraints par les intérêts divergents du dilemme social mais plutôt où ils réalisent une
action collective en minimisant les problèmes de free riding.
1.1.2 Les principes de conception
E. Ostrom synthétise les problèmes auxquels sont confrontés les utilisateurs d’une ressource
commune en trois questions qui ne sont pas expliquées de façon « cohérente » par les théories
vues précédemment.
Tout d’abord, le problème « de mise en place » (Ostrom, op. cit, p. 58) qui correspond à la
manière dont les agents vont se mettre d’accord sur des règles, E. Ostrom, en tant qu’économiste
néo-institutionnaliste, entend étudier comment les institutions émergent et impactent les
performances du collectif.
Le problème d’engagement crédible, qui rend compte de la difficulté des agents à respecter des
règles qui les limitent dans leurs actions, notamment dans le temps car comme nous l’avons vu
précédemment dans certains cas l’intérêt personnel va à l’encontre de l’intérêt collectif et les
agents « joueront » la défection. L’engagement des utilisateurs aux règles est essentiel pour
assurer la mise en place de nouvelles règles, car « sans engagement crédible, il n’y a aucune
raison de proposer de nouvelles règles » (Ostrom, op. cit, p. 62).
Le problème de la surveillance mutuelle, qui rend compte la difficulté de mettre en place une
surveillance efficace sur le respect des engagements des agents sur les règles que la
communauté aura mis en place.
Concernant le problème de l’engagement et de la surveillance, Ostrom identifie des cas qu’elle
considère comme efficaces, même si elle admet que l’optimalité est difficile à estimer, des
« principes de conception » qui seraient similaires entre les cas qu’elle a étudié et qui
permettraient de rester stable pendant de longues périodes. Il existe 7 principes de conception
(design principles) généraux, utilisés pour caractériser toutes les ressources communes, et un
8eme pour « des cas plus complexes et de plus grande échelle ».
Une première partie sur l’engagement :
1. « Des limites clairement définies »
16. 16
Les utilisateurs possédant les droits de prélever des unités de ressources d’une ressource
commune doivent être identifiables ainsi que la limite de la ressource en tant que telle.
Le but étant que les ressources créées ensemble ne puissent pas bénéficier à d’autres, ainsi l’on
réduit les externalités en fermant l’accès à des utilisateurs extérieurs. Ce principe serait le seul
distinguant institutions de propriété commune d’institutions de « libre accès » (Ciriacy-
Wantrup et Bishop, 1975).
2. « La concordance entre les règles d’appropriation et de fourniture et les condition locales »
Les règles créées sont spécifiques à la ressource, il n’existe pas de règle préétablie qui pourrait
s’appliquer à toutes les ressources communes.
3. « Des dispositifs de choix collectif »
Les individus subissant les règles « opérationnelles »1
peuvent participer à leurs modifications.
Le fait que les individus puissent participer à l’élaboration de leurs propres règles fait que celle-
ci sont mieux adaptées à leurs contextes, il y a également une plus grande réactivité en cas de
changement de leur situation.
Une seconde partie sur la surveillance mutuelle :
4. « La surveillance »
Il faut une surveillance pour examiner l’état de la ressource et le comportement de ceux qui
l’exploite.
5. « Des sanctions graduelles »
Il doit y avoir une échelle de condamnation selon la gravité de la violation aux règles en vigueur.
Et ces sanctions doivent être prises par les participants ou des représentants des utilisateurs et
non pas par les institutions publiques extérieures.
6. « Des mécanismes de résolution des conflits »
1
Ostrom définit trois niveaux de règles, les règles constitutionnelles qui influencent des règles de choix collectif
qui influencent des règles opérationnelles.
17. 17
Les conflits doivent être résolus de manière rapide et peu couteuse. Les règles peuvent être
interprétées de différentes façons et il faut pouvoir « discuter et déterminer ce qui constitue une
infraction » (Ostrom, op. cit, p. 125).
7. « Une reconnaissance minimale des droits d’organisation »
Les autorités gouvernementales reconnaissent ou au minimum ne remettent pas en cause les
règles établies par la communauté.
8. « Des entreprises imbriquées », pour les systèmes les plus complexes.
« Les activités d’appropriation, de fourniture, de surveillance, d’application des règles, de
résolution des conflits et de gouvernance sont organisées par de multiples niveaux d’entreprises
imbriquées » (Ostrom, op. cit, p. 115) .
Il faut toutefois préciser que sans « volonté fondamentale » (Ostrom, op. cit, p. 114) des
appropriateurs de la ressource, les principes de conception ne suffissent pas à rendre durable
les communs.
1.1.3 Les variables de succès
Pour qualifier le succès des communs, Ostrom identifie les facteurs qui expliquent leur réussite
par la mise en place collective de règles. Car si la gestion collective peut être une réussite il
existe des cas contraires.
Tout d’abord, il y a les variables à l’intérieur de l’organisation. Ostrom a classée six variables,
qui selon elle, influenceraient positivement le système de gouvernance du commun à changer
de règle, et qui sont énoncées en fonction de leur importance. Une majorité des appropriateurs
« partagent le jugement commun qu’ils subiront un préjudice s’ils n’adoptent pas une règle
alternative, qu’ils seront affectés de manière similaire par les changements de règles proposés,
qu’ils accordent une grande valeur à la continuation des activités liées à la ressources
communs », qu’ils bénéficient d’un faible coût d’informations, qu’ils partagent les normes de
réciprocité et qu’ils forment un groupe « petit et stable ». (Ostrom, op. cit, p. 250) D’un point
de vue externe, les communs doivent être « insérés dans un cadre où il existe un “gouvernement
facilitateur” » (Douai, 2014, p. 9).
18. 18
1.2 Une définition des communs
Pour avoir une idée claire de l’objet de notre étude, le premier travail essentiel semble être
l’élaboration d’une définition détaillée de ce que l’on entend par « commun ». Si de nos jours
cela semble un terme récurrent, il peut y avoir souvent des confusions du fait de son
rapprochement avec d’autre notions ou alors de la difficulté de délimiter l’espace de ces
organisations atypiques.
1.2.1 Les trois traits caractéristiques des communs.
Nous pouvons distinguer, grâce aux travaux d’Elinor Ostrom et à l’étude scientifique qui en a
été faite sous la direction de B. Coriat en 2015, trois « entrées » qui seront les grandes
caractéristiques d’un commun. Cette démarche est essentielle pour la suite de notre étude
puisqu’au regard de cette définition nous pourront juger si une ressource est un commun ou si
elle ne l’est pas.
Premièrement, un commun est composé d’une ou plusieurs ressources partagées. Ce système
de ressources peut être de formes diverses, nous pouvons d’ailleurs en percevoir deux grandes
catégories. La première catégorie serait les CPR (Common-Pool Ressource ) qui se caractérisent
par des biens tangibles, c’est le cas des forêts ou des pêcheries, les poissons. Comme nous
pouvons le remarquer, les poissons par exemple, sont des biens qui peuvent être détruits par
l’usage, aussi ces ressources font partie d’un « stock » rival (Coriat, 2015, p. 30). Le problème
majeur avec ces ressources c’est que si j’extrais l’ensemble du stock, les autres utilisateurs
n’auront plus cette ressource. L’autre problème c’est que ces ressources sont difficilement
excluables puisque, dans des cas comme des zones de pêche ou des pâturages, il me serait
coûteux d’exclure les autres utilisateurs. Dans la littérature scientifique, le plus souvent, nous
pouvons ces cas retrouver sous le nom de biens communs fonciers. Le deuxième grand système
est celui des biens intangibles, ou bien commun informationnel1
, il s’agit de biens non rivaux
et difficilement excluables, ces biens étant non détruits par l’usage puisque duplicables à un
coût presque nul. De plus, il est difficile d’exclure des personnes de l’utilisation de ces biens,
c’est le cas des logiciels ou des œuvres en ligne.
Deuxièmement, un commun est composé d’un régime de règles et obligations, il peut y avoir
des situations très diverses mais à chaque fois elles se caractérisent par une propriété qui s’écarte
1
Les bien informationnels désignent l’échange et la production d’informations au sein d’une communauté.
19. 19
d’un régime de propriété exclusif pour aller vers une propriété commune. Pour qu’il y ait
propriété commune Ostrom distingue qu’« au moins les droits de choix collectifs de gestion et
d’exclusion en relation avec un système de ressources et avec les unités de ressources produites
par ce système » (Ostrom et Hess, 2010, p. 67) soit exercés au sein de la communauté. Pour
mieux comprendre cela il faut se pencher sur l’analyse de la propriété qu’à développer E.
Ostrom et E. Schlager (1992) Cette vision de la propriété comme faisceau du droit (Bundle of
right) dissocie des droits d’accès et de prélèvement qui seraient à un niveau opérationnel et les
droits de gestion, exclusion et aliénation qui seraient à un niveau de choix collectifs. ( cf. annexe
1, p 62)
Selon F. Orsi la vision que développe Ostrom et Schlager est « une contribution théorique
majeure, en ce sens qu’en mobilisant une certaine manière de concevoir la propriété, Ostrom
ouvre un véritable espace pour repenser la propriété, et tout particulièrement la propriété
commune aujourd’hui ». Penser la propriété par le faisceau du droit nous amène à différencier
plusieurs types de règles pouvant être détenues par des groupes différents, l’un des exemples
pour comprendre cela est la distribution des droits dans une pêcherie où l’on distingue 4 groupes
et aux deux extrémités il y a les owner (propriétaires) qui disposent de tous les droits du faisceau
et de l’autre les authorized users (utilisateurs autorisés) qui disposent que des droits d’accès et
de prélèvement. ( cf. annexe 2, p 62)
Troisièmement, il existe des structures de gouvernance collective inhérentes au commun. Le
commun étant une organisation réunissant plusieurs groupes d’acteurs, comme nous l’avons vu
précédemment, une bonne gouvernance est nécessaire pour mettre en adéquation les actions des
membres au sein du commun avec les intérêts particuliers des acteurs qui peuvent être, eux,
différents. Le commun nécessite, par conséquent, la mise en place de structures de gouvernance
collectives qui puissent rendre le commun soutenable. Les structures de gouvernance sont ainsi
garantes de la gestion à long terme, en s’appuyant sur la mise en place, par une délibération
(plus ou moins) démocratique, de dispositifs réduisant les problèmes de « free-riding » ou de
surexploitation par exemple. Les design principles vus dans la section 1.1.2 sont à voir comme
une mise en exergue de « structures de gouvernance assurant une distribution des droits […]et
visant à l’exploitation ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction sur le long terme »
(Coriat, op. cit, p.39) ainsi « le commun doit plutôt être pensé comme la construction d’un
cadre réglementaire et d’institutions démocratiques qui organisent la réciprocité afin d’éviter
les comportements de type passager clandestin » (Laval, 2011).
20. 20
1.2.2 Une définition novatrice, restrictive et complexe
Ainsi le commun se définit par trois « piliers », il faut noter que cette conception d’un commun
se différencie de ce qui a longtemps été appelé dans la littérature économique les biens
communs au sens de P. Samuelson1
( cf. Annexe 3, p 62) , où les biens rivaux et non excluables
seraient par nature des biens communs or cette analyse se limite à la nature même de la
ressource et met de côté les institutions qui l’entourent, dans notre perception d’un commun
nous plaçons les institutions comme un élément caractéristique d’un commun, comme le
rappelle G. Azzam « Il n’y a pas de commun s’il n’y a pas de communauté » 2
.
Les confusions peuvent survenir aussi quand on parle du Bien commun, qui est une notion
philosophique désignant le bien de tous ou encore l’intérêt général3
, bien que les communs
puissent contribuer au « Bien commun », c’est notamment le cas des communs comme Open
Source Écologie qui permet de mettre des plans en commun pour la construction d’une
économie moins polluante. Cela dit le but d’autres communs peut être tout à fait neutre vis-à-
vis de l’intérêt général. Les confusions peuvent également émerger avec les « biens communs
(de l’humanité) » ou « patrimoine commun de l’humanité » (Ost, 1995) comme l’eau,
l’atmosphère qui ne sont pas non plus des communs puisque aucune gouvernance n’est effective
pour gérer ces ressources d’un point de vue global.
La définition que l’on essaye de mettre en œuvre est donc restrictive puisque certains biens qui
font l’objet de partage ne seront pas forcement des communs, d’autre part elle laisse toutefois
une place assez grande à des organisations très diverses qui pourraient être de prime abord
difficile à identifier. Jusqu’à présent nous pouvons représenter les diverses composantes
générales, un commun s’appuie donc sur les trois caractéristiques présentées dans la partie
précédente et il peut y avoir des formes très diverses de combinaison s’inscrivant dans un
« continuum » de règles et de fonctionnement. Nous allons pouvoir identifier facilement les
« communs purs »4
qui vont être « conformes à l’idéal type de commun » c’est-à-dire une
ressource ouverte, partagée avec un degré d’ouverture universel et une forme de gouvernance
1
Samuelson, « The Pure Theory of Public Expenditure», 1954
2
Lors de la conférence « Penser les biens communs dans les espaces ruraux ». [En ligne], Disponible sur :
https://www.canal-
u.tv/video/universite_toulouse_ii_le_mirail/les_communs_quelles_definitions_quels_enjeux_genevieve_azam.
13502 ( Page consultée le 01/06/2017)
3
Voir Thomas d’Aquin (XIIIe)
4
Cela renvoie à la distinction faite lors du colloque de Cerisy, le 9 septembre 2016, par Sébastien Broca.
21. 21
horizontale. Néanmoins, quand on s’éloigne des formes « idéales » de structures, on pourrait
parler de communs impurs, qui seraient sur certains points beaucoup plus discutables. Nous
pouvons dire alors, que pour certains biens, la frontière entre le système privatif et le système
de ressources partagées devient floue.
1.3 Les communs numériques
Les premiers travaux sur la gouvernance des communs en tant que tels ont surtout eu pour objet
les communs fonciers et plus précisément les CPR, ainsi la « théorie des communs » s’est
longtemps construite autour des ressources tangibles or aujourd’hui les communs qui émergent
et deviennent porteurs d’enjeux nouveaux pour économie contributive sont les biens
informationnels. Il a même fallu, selon C. Hess « plusieurs années aux chercheurs sur les
communs pour considérer les nouveaux communs (informationnels) comme un champ
d’investigation légitime[...] ». Dans ce chapitre nous présenterons comment on est parvenu à
étudier les logiciels libres/ ouverts sous le point de vue des communs. Nous nous attarderons
brièvement sur l’histoire et les spécificités des logiciels et des œuvres numériques pour décrire
comment peu à peu ils ont permis de construire un nouveau système de propriété. Puis nous
nous pencherons un cas de commun informationnel (Wikipédia) afin d’initier une réflexion sur
la gouvernance des communs numériques.
1.3.1 Les liens entre communs informationnels et communs fonciers
E Ostrom et C Hess mettent en liens les deux communs dans « Understanding Knowledge as a
Commons » (2007), cette ouvrage peut alors être vu comme un point de convergence entre deux
voies, l’une étant les mouvements effectués pour les logiciels libres et l’autre étant les
recherches sur les ressources naturelles.
Comme nous l’avons dit précédemment, les biens informationnels sont des biens non rivaux et
difficilement excluables, du fait de leur caractère intangible leur consommation n’engendre pas
de perte de ressources. Cela est important car pour construire une théorie qui veut regrouper
ensemble communs tangibles et intangibles il faut trouver ce qui pourrait rendre compte de cette
différence et adopter des formes de règles et de gouvernance adaptée pour garantir la
soutenabilité de l’organisation. Avec des ressources intangibles la logique d’« exploitation »
peut être différente, en effet si les RPC ont pour objectif la préservation d’une ressource limitée,
les communs numériques ont pour objectif de développer une ressource beaucoup plus
22. 22
« riche ». Ainsi l’enrichissement de cette ressource peut passer par, ce qu’on appelle en
économie, les effets de réseaux, cela veut dire que plus il y a d’utilisateurs plus l’utilité* ou la
satisfaction de consommer ce bien augmente. On comprend alors qu’un bien informationnel se
devrait d’avoir une ouverture plus grande qu’un bien foncier, car non sujet au risque de
surexploitation mais au contraire sujet à des effets de réseaux. Pour différencier ce phénomène
B. Coriat nous propose de rajouter « à côté » des règles d’enrichissement, les règles
d’« additionalité » (Coriat, 2015, p. 45) qui seraient des règles précisant comment doit
fonctionner le processus d’enrichissement du commun.
Ces différents modes d’organisation autour de la ressource expliquent pourquoi pendant
longtemps « il était rare que les principaux protagonistes du «
libre» (développeurs, entreprises, associations, fondations) s'y réfèrent. » (Broca et Coriat,
2015, p. 1). Ce qui explique qu’aujourd’hui nous les rassemblons tient aux faits que ces deux
« univers » se sont construits en réaction au système privatif et exclusif, l’un, comme on l’a
expliqué, aux théories prescrivant l’enclosure des ressources naturelles et l’autre face aux
phénomènes des logiciels propriétaires, privant l’enrichissement par des développeurs « non
propriétaires » et permettant à des sociétés de vendre des logiciels avec un code source fermé.
1.3.2 L’approche de la propriété comme faisceau de droits pour les communs
numériques
Le mouvement du logiciel libre trouve ses origines en 1983, avec le projet GNU (GNU Not
Unix) lancé par Richard Stallman. De facto le partage des logiciels était une pratique acceptée,
car elle permettait une concertation entre chercheurs ce qui favorisait le partage de
connaissances et l’innovation, du moins jusqu’au développement de la micro-informatique et
l’introduction de l’ordinateur dans les secteurs marchands qui engendra la vente de logiciels
propriétaire dans les années 1970 et le durcissement des règles de droits d’auteur. Ainsi de jure
les logiciels, dans les années 80, étaient encadrés par des lois de droits d’auteur interdisant, par
exemple, le partage. Face à çela, R. Stallman met en place le projet GNU et la licence publique
générale GNU (GPL) pour permettre d’utiliser librement un logiciel, il distingue d’ailleurs
quatre « libertés fondamentales » (voir ci-dessous) propres au logiciel libre de la Free Software
Foundation (FSF).
23. 23
Figure 1. Les quatre libertés du logiciel libre. D'après https://www.gnu.org/philosophy/free-
sw.fr.html
Néanmoins il y a eu beaucoup de débats autour des logiciels libres de la FSF, et face à ceux-ci
on peut trouver des logiciels dont seul le code source est ouvert en effet « la différence entre les
courants « logiciel libre » et « logiciel open source » tient essentiellement dans les acceptions
du mot « liberté », qui dans la GNU GPL se traduit parfois par obligation de redistribution » 1
.
Les partisans de l’open source initiative favorisent ainsi la distribution de licences dont seul
l’accès au code source est nécessaire. On comprend ainsi que en partant du droit privé
l’« auteur » peut concéder plusieurs droits plus ou moins contraignants. C’est pour cela que ces
licences ne sont pas à voir comme « une simple négation, mais construction d’une solution
alternative fondée sur les privilèges exclusifs conférés aux auteurs ». 2
Il en va de même pour les licences creatives commons, créées en 2001 par Lauwrence Lessig,
pour encadrer différentes œuvres par le faisceau du droit, comme nous pouvons le voir ci-
dessous, nous pouvons distinguer plusieurs droits et obligations allant d’un système plus ou
moins « fermé » à d’autres utilisations vers un système beaucoup plus « ouvert ». Comme le
soulignent Broca et Coriat « Chez Ostrom comme chez Lessig, on perçoit donc – notamment à
travers l’utilisation de la notion de bundle of rights – une même volonté de dépasser la
conception monolithique du droit de propriété, et d’échapper à la dichotomie traditionnelle
entre une propriété privée exclusive d’un côté et une propriété commune conçue comme res
nullius, c’estàdire comme espace de “ non propriété”, de l’autre » (Broca et Coriat, op.
cit, p.11).
1
GIRAUDON G. Le logiciel libre et ouvert : révolution ou évolution ?. In : interstices.info [En ligne]. Disponible
sur: https://interstices.info/jcms/c_14658/le-logiciel-libre-et-ouvert-revolution-ou-evolution (Page consultée
le 12/06/2017)
2
BROCA B., CORIAT C., 2015. Le logiciel libre et les communs. In <hal-01174746> [En ligne]. Disponible sur :
https://hal-univ-paris13.archives-ouvertes.fr/hal-01174746/document (Page consultée le 12/06/2017)
24. 24
Figure 2.Les familles de licences Creative Common. D'après
https://fr.wikipedia.org/wiki/Licence_Creative_Commons
1.3.3 La gouvernance complexe des communs numériques : le cas de Wikipédia
Comme chacun le sait, Wikipédia est une encyclopédie participative qui a réussi à devenir
suffisamment documentée pour concurrencer les encyclopédies traditionnelles tout en restant
libre d’utilisation. En un sens Wikipédia est le modèle type d’un commun pur, la ressource (
« le savoir encyclopédique ») est intangible, les règles favorisent un degré d’ouverture et de
modification universel.
Wikipédia est d’ailleurs un cas très étudié par les chercheurs (Auray et al. 2009 ; Cardon et
Levrel, 2009 ; Fallery et Rodhain, 2013) qui s’intéressent aux communs, en effet comme nous
avons une idée de la réussite et de la stabilité de ce commun il est intéressant de savoir comment
sont pensées la gouvernance et les règles autour de la ressource pour assurer que, malgré le
manque d’un contrôle centralisé, la bonne qualité des articles.
25. 25
La gouvernance de Wikipédia est étudiée de façon consistante dans l’article de D. Cardon et J.
Levrel1
, il est intéressant de voir que la conception des designs principles, évoqués dans la
section 1, sont applicables pour étudier le cas de Wikipédia et ils sont vérifiés. En effet la
décentralisation de l’activité de production va de pair avec une décentralisation des activités de
surveillance (principes 4) les contributeurs disposent de sanctions graduelles ( de la discussion
à la sanction d’exclusion cf. Annexe 4, p 63) et la régulation est décentralisée (principes 5 et
8), le statut des membres est transparent (principe 1), les règles sont spécifiques à l’écriture de
pages (principes 2), les votes et les discussions se font à faible coût à partir des pages de
discussions (principe 3 et 7).
L’article de B. Fallery et F. Rodhain2
sur « l’apport des analyses d’E. Ostrom dans le champ de
la gouvernance sur Internet », et plus particulièrement sur Wikipédia, s’avère également très
intéressant du point de vue de notre sujet. Leurs principales conclusions sont que Wikipédia est
un « régime de consensus approché associant vigilance critique, régulation des conflits et
sanctions graduées. » et le rôle de la légitimité du contrôle local étant essentielle à l’auto
régulation. Notons que les auteurs mettent en avant un aspect démocratique de Wikipédia
« toutes les personnes volontaires participent aux décisions à chaque niveau »(Fallery et
Rodhain, 2013, p. 14) en faisant l’hypothèse que la remise en question continuelle des règles
« empêche sans doute la constitution d’une élite oligarchique. » (Fallery et Rodhain, op. cit, p
15)
Néanmoins le système de gouvernance s’éloigne de la conception occidentale de la démocratie :
d’après les contributeurs, Wikipédia « n’est pas une démocratie, ni expérience politique »3
, pour
le cofondateur de Wikipédia, Jimmy Wales, « la gouvernance de Wikipédia est un mélange de
consensus, de démocratie, d'aristocratie et de monarchie, soulignant également le fait particulier
dont les contributeurs délibèrent sur les questions de gestion des pages, « […] these votes are
just text typed into a page.This is not really a vote so much as it is a dialogue»4
. P C. Langlais
1
Cardon Dominique, Levrel Julien, « La vigilance participative. Une interprétation de la gouvernance de
Wikipédia », Réseaux, 2009/2 (n° 154), p. 51-89. DOI : 10.3917/res.154.0051. URL :
http://www.cairn.info/revue-reseaux-2009-2-page-51.htm
2
Fallery Bernard, Rodhain Florence, « Gouvernance d'Internet, gouvernance de Wikipedia : l'apport des
analyses d'E. Ostrom sur l'action collective auto-organisée », Management & Avenir, 2013/7 (N° 65), p. 169-
188. DOI : 10.3917/mav.065.0169. URL : http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-7-page-
169.htm
3
Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Ce_que_Wikip%C3%A9dia_n%27est_pas
4
D’après la conférence « On the birth of Wikipédia » disponible sur :
https://www.ted.com/talks/jimmy_wales_on_the_birth_of_wikipedia/transcript?language=en#t-1078792
26. 26
(2014)1
propose une étude du système politique de Wikipédia qui « peut être comprise comme
une démocratie au sens où l’entendent les études sur la négociation », ou encore comme un
« modèle composite, qualifié par Giraud de “démocratie délibérative populaire” », avec comme
idée que si « des personnalités charismatiques peuvent peser sur son orientation, le débat public
n’est jamais capté par une petite minorité spécialisée. ».
1
Langlais Pierre-Carl, « La négociation contre la démocratie : le cas Wikipedia », Négociations, 2014/1 (n° 21),
p. 21-34. DOI : 10.3917/neg.021.0021. URL : http://www.cairn.info/revue-negociations-2014-1-page-21.htm
28. 28
Dans cette partie nous présenterons la fabrique des mobilités, son fonctionnement et le contexte
dans lequel elle est apparue. Par la suite nous nous focaliserons sur la base de référencement de
la fabrique et nous présenterons les avancés mais aussi les limites. En concluant qu’aujourd’hui
la base de référencement ne fournit pas suffisamment de détails sur les communs qui y sont
référés, l’objectif sera de trouver des pistes pour rendre cet outil beaucoup plus complet. Nous
ferons l’hypothèse que malgré la complexité des communs il soit possible de les détailler selon
plusieurs critères identifiés à l’avance, puis d’en déduire différents modèles de gouvernance.
Nous présenterons alors la méthodologie retenue pour répondre aux objectifs.
2.1 La fabrique des mobilités
2.1.1 Le mouvement des communs en France
Avant de présenter la fabrique des mobilités il semble important de faire un bref panorama de
la situation en France des communs, ou du moins sur les organisations dont le but est d’encadrer
l’émergence des communs, et qui s’inscrivent dans ce que l’on appelle le « mouvement des
communs ».
Parmi les principales organisations il y a la chambre des Communs1
et l’assemblée des
communs2
. Ces organismes sont très reliés dans leurs fonctionnements, ils s’inspirent des
travaux d’E. Ostrom et de M. Bauwens (Fondateur de la Peer-to-Peer Foundation) mais
également de plusieurs rencontres entre des acteurs, qui viennent de milieux différents, comme
Bernard Stiegler, Michel Briand, Bernard Brunet ou encore Frederic Fultan et bien d’autres.
Les objectifs de ces organisations sont ; d’une part pour l’assemblée de réunir, référencer et
contribuer à l’émergence des communs ; d’autre part pour la chambre d’« organiser les activités
économiques » des communs et donc semblerait être plus accès sur les logiques de contributions
et rémunérations mais aussi les problèmes de capture de valeur. Ci-dessous est joint le schéma
de la place théorique de ces organisations.
1
La chambre des communs [En ligne]. Disponible sur : http://chambredescommuns.org/ (Page consultée le
02/06/2017)
2
L’assemblée des communs [En ligne]. Disponible sur : http://assembleedescommuns.org/ (Page consultée le
02/06/2017)
29. 29
Figure 3. Le modèle tripartite des communs. D'après
http://wiki.lescommuns.org/wiki/La_Chambre_des_Communs
Il y a également l’association VECAM 1
qui joue un rôle informatif très important dans ce
mouvement avec plusieurs interventions et publications sur ce thème. Cette association a
d’ailleurs « impulsé » le Temps des communs, un festival qui s’est tenu fin 2015 pour rendre
plus visible le phénomène de ressources partagées, notamment dans le paysage urbain. Pour
encadrer ce mouvement il y a également de nombreux sites qui ont pour but de documenter et
faire connaitre les communs, comme Remix the commons2
, qui se différencie par un grand
nombre de vidéo, le blog francophone de la P2P fondation, et plus récemment Les communs
d’abord3
orientés surtout sur la diffusion d’article. Enfin le site Unisson4
qui se distingue par
un référencement d’envergure sur les communs « libres » (avec une logique d’ouverture forte).
Notre attention s’est portée sur une organisation particulière qui est la Fabrique des mobilités,
qui a émergé durant ce phénomène d’essor et de profusion des travaux sur les communs.
1
VECAM. [En ligne]. Disponible sur : http://vecam.org/-Association- (Page consultée le 02/06/2017)
2
Remix the commons. [En ligne]. Disponible sur : http://www.remixthecommons.org/ (Page consultée le
02/06/2017)
3
Les communs d’abord. [En ligne]. Disponible sur : http://www.les-communs-dabord.org/ (Page consultée le
02/06/2017)
4
Unisson. [En ligne]. Disponible sur : http://unisson.co/communs/ (Page consultée le 02/06/2017)
30. 30
2.1.2 L’origine et les objectifs de la fabrique des mobilités
La Fabrique des mobilités (Fabmob) est un projet amorcé par l’ADEME (agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) au début de l’année 2015, avec ambition de créer
un nouveau dispositif d’innovation autour de la mobilité. L’idée est de faire émerger des
nouvelles innovations, sur le thème de la mobilité des personnes, principalement pour diminuer
l’émission de CO2 causée par les modes de transports actuels.
La Fabmob émerge ainsi dans une période où de nombreux projets d’innovation sont portés par
des acteurs privés mais où les pratiques de mobilités peinent à évoluer. L’un des faits majeurs
est aussi le développement du numérique dans tous les secteurs économiques, mais également
le développement des communs comme un nouveau paradigme d’organisations plus innovantes
que les anciennes organisations, notamment dans le monde des logiciels.
Le document « La fabrique des mobilités EDITION 2015 »1
présente les principales
composantes du projet. L’objectif principal serait de fournir « un nouveau dispositif de soutien
aux projets de rupture imprégnés de numérique » 2
qui viendrait compléter les soutiens publics
à l’innovation en France comme par exemple BPI France, la French Tech etc... La Fabmob se
présente donc comme un incubateur3
et un accélérateur 4
européen et se veut de réunir toutes
les ressources nécessaires au développement d’un projet. Ces ressources peuvent être
numériques, physiques ou encore des compétences ou de la ressource humaine accessible sur
demande. Néanmoins la spécificité de la Fabmob est de ne pas financer directement5
les projets.
Les projets d’ailleurs sont ouverts et n’ont pas de coût d’entrée financier.
La Fabmob poursuit quatre objectifs, tout d’abord, (1) réunir au sein d’un écosystème différents
acteurs comme des entrepreneurs, des chercheurs, des territoires et des industriels pour former
une communauté et développer un écosystème innovant. Suite à cela (2) repérer, caractériser
et/ou construire des communs afin de les utiliser dans l’écosystème (3) pour d’accompagner la
transition numérique et écologique d’acteurs industriels et des territoires (4) mais surtout aider
1
La fabrique des mobilités. EDITION 2015. In slideshare [En ligne]. Disponible sur
https://fr.slideshare.net/FabMob/la-fabrique-des-mobilits-livre-edition-2015 (Page consultée le 03/06/2017)
2
La fabrique des mobilités. EDITION 2015, Op cit, p. 5
3
Un incubateur est un organisme d'aide et d'accompagnement à la création d'entreprise. Sa mission principale
est d'assister les porteurs d'un projet innovant en vue de créer une société. Source : JDN
4
L’accélérateur de startups est un programme dédié aux entrepreneurs, qui a pour objectif d’accélérer la
croissance des start-ups.
5
La fabrique ne donne pas directement les ressources financières à ses membres, néanmoins des dispositifs
peuvent être mis en place pour trouver des aides extérieures ou un business model plus avantageux.
31. 31
les entrepreneurs porteurs de projet disruptifs qui seraient capables d’apporter des solutions aux
enjeux de la mobilité.
Les cinq grandes « entités » numériques de la fabrique sont : le site principal de la fabrique des
mobilités1
qui présente de façon générale la fabrique. Sur ce site figure également un blog2
présentant des articles en lien avec le secteur des innovations dans le secteur de la mobilité. Il
y a également deux communs rattachés à la fabrique, qui sont le wiki et la base de référencement
(que nous présenterons plus en détail par la suite). Le wiki sert à rendre visible et centraliser
l’ensemble des documentations et savoirs accumulés par les acteurs mais également pour y
inscrire les « appelles à commun »3
. Nous pouvons noter que contrairement à Wikipédia, sur le
wiki, les contributeurs ne sont pas anonymes mais doivent obligatoirement avoir un compte. Le
Slack4
est également un outil indispensable à la fabrique car il permet aux contributeurs de
discuter ce qui fournit une « arène locale » : lieu de discussion et de résolution de conflit. Plus
récemment la fabrique a lancé l’ « Open Challenge » afin de rassembler en open innovation des
parties prenantes composées d’acteurs hétérogènes ( entreprises, laboratoires, startups,
territoires etc…).
2.1.3 Le fonctionnement de la base de référencement de la FabMob
Durant notre étude nous allons nous intéresser à l’objectif de la fabrique de construire des
communs (dans le secteur de la mobilité), les repérer et les analyser. Le principal outil pour
indexer les communs est le site de référencement des communs5
, qui est lui-même pensé comme
un commun. Nous pourrons nous servir de la grille de lecture développée dans la section I pour
décrire cette organisation (voir Tableau 1 ).
1
La fabrique des mobilités. [En ligne]. Disponible sur http://lafabriquedesmobilites.fr/
2
Avec comme responsable de publication, Gabriel Plassat.
3
Il s’agit de la création de communautés pour répondre à des défis identifiés par les acteurs de la fabrique.
4
Le Slack est une plateforme de discussion en ligne. L’inscription sur le groupe de la fabrique se fait par l’envoi
d’un mail à lafabriquedesmobilites@gmail.com
5
Disponible sur http://communs.lafabriquedesmobilites.fr/#/p/list
32. 32
Tableau 1. Analyse de la base de référencement à l'aide des principes de conception.
L’enjeu de cette base de référencement est d’y inscrire, de façon centralisée, des communs que
les contributeurs auront repérés. Ces communs pourraient servir aux communautés de la
fabrique pour résoudre les enjeux actuels. L’objectif est alors de trouver des communautés déjà
existantes réunies autour d’une ressource qui pourrait faire l’objet d’un intérêt pour le secteur
de la mobilité. Mais la fabrique veut aller plus loin que simplement trouver des communautés
existantes, elle veut aussi identifier des communs qui seraient utiles de créer ou des ressources
pouvant être partagées mais qui ne le sont pas encore.
L’étape suivante est la caractérisation de ces communs qui, comme nous le verrons, est
structurée autour de six caractéristiques. Analyser les communs permet de rendre visible la
façon dont ils fonctionnent sans avoir à rechercher, de façon fastidieuse, toutes les informations.
Les informations qui intéresseront en premier les communautés sont principalement les
dispositifs de partages et de participations. Les principes de partages, nous indiquerons la façon
dont un commun pourrait apporter à un projet des ressources. Les principes de contribution
nous informerons sur la façon dont des contributeurs externes peuvent venir participer à
l’enrichissement, et modifier ou améliorer certaines fonctionnalités pour que la ressources soit
plus pertinente au projet porté par la communauté. L’indexation permettrait ainsi de faire
bénéficier plus facilement, les projets en cours, d’effet de réseau et d’éviter la duplication des
activités.
33. 33
Concernant le fonctionnement du site nous pouvons dire que la ressource étant une base de
données, elle est intangible est peut faire l’objet d’un enrichissement collectif puisque la
contribution est ouverte aux membres inscrits ou possédant un compte sur les réseaux sociaux.
Nous pouvons voir ci-dessous1
l’une des pages du site, il s’agit de la page principale où nous
avons accès aux communs référencés.
Figure 4. Le site de référencement.
Le système de filtrage aujourd’hui se caractérise par des « tags » c’est-à-dire des mots clefs qui
vont être ajoutés par les contributeurs dans la fiche de description. Pour contribuer il suffit
d’appuyer sur la touche avec le crayon et de changer ou compléter les parties de la fiche de
description (cf. Annexe 5 p 63). La description se décompose en plusieurs catégories, tout
d’abord il faut décrire la ressource, son nom, sa localisation, sa raison d’être etc... Ensuite nous
trouvons des parties sur chaque « ingrédient »2
(Voir Figure 5), c’est-à-dire les éléments
caractéristiques retenus pour définir un commun. Ces éléments sont : la gouvernance, le
partage, le juridique, les partenaires et la contribution.3
Nous pouvons noter que les utilisateurs
1
L’ensemble des images de la partie 2.1.3 proviennent du site de la fabrique des mobilités, [En ligne],
disponible sur : http://communs.lafabriquedesmobilites.fr/#/p/list (Page consultée le 20/06/2017).
2
Terme inspiré du groupe Unisson, pour plus détaille voir http://unisson.co/a-propos/
3
Nous reviendrons sur ces termes dans la partie 2.2.2.
34. 34
sont libres d’écrire sous la forme d’un texte, dans chaque partie, les informations qu’ils auront
récoltées.
Figure 5. Les 6 ingrédients des communs. D'après
https://rennesencommuns.wordpress.com/2016/05/17/compte-rendu-de-la-deuxieme-
assemblee/
Les règles sont assez simples pour l’instant, une grande partie de ces règles sont comprises dans
la licence utilisée pour le site qui est une licence libre Creative Commons BY-SA 4.0, ce qui
implique que le site peut être répliqué par d’autre acteurs mais que celui-ci devra garder la
même licence CC.
Le mode de gouvernance est encore en développement, un outil de décision pourrait bientôt
être utilisé dans la fabrique, il s’agit de Loomio, une plateforme en ligne pour voter sur des
décisions. Nous pouvons distinguer au moins deux arènes locales, tout d’abord le Slack,
présenté précédemment. La deuxième arène locale prend la forme d’un groupe sur Trello1
afin
de partager les tâches à effectuer pour améliorer collectivement le site ou développer des
1
Trello est une plateforme en ligne de gestion de projet.
35. 35
documents présentant un intérêt pour l’avancement du projet1
. Certains fichiers sont publiés de
façon transparente sur Google Drive2
.
2.2 Méthodologie et concepts retenus
2.2.1 Une base de données encore en construction
Le 25 mai 2017 le site de référencement comptait 262 communs, ainsi en 2 ans il semble que
des contributeurs aient réussi à identifier des communs afin de les mettre à disposition des
communautés, néanmoins nous pouvons nous poser des questions sur l’avancement des
contributions sur la qualification de ces communs selon les 6 ingrédients retenus, et également
sur les communs en eux-mêmes, nous regarderons alors si tous ces communs en sont réellement.
Suite à une étude quantitative réalisée sur l’ensemble des communs pour savoir quelles
informations étaient disponibles selon les 6 ingrédients, seuls 28 sont décrits au minimum sur
l’un des ingrédients (voir graphique ci-dessous) 3
.
1
Communs de la mobilité. In Trello [En ligne]. Disponible sur : https://trello.com/b/qxKy2pMk/communs-de-la-
mobilit%C3%A9 ( Page consultée le 21/06/2017)
2
Fabmob #communs. In Google drive [En ligne]. Disponible sur :
https://drive.google.com/drive/folders/0BzUW0ZSBFWPeT0tpaUVYTFhocms?usp=sharing (Page consultée le
21/06/2017)
3
Etude en annexe, l’étude intégrale est disponible sur : ****
https://docs.google.com/spreadsheets/d/1VY0KUmvJXq1ZGUg-
iXsJu2Bc_r0DohJiSNrs9rHa0fA/edit?usp=sharing
36. 36
Figure 6. Histogramme de la quantité d'information disponible pour chaque commun.
Sur les 262 communs seul un est décrit totalement avec la grille retenue par la fabrique, il s’agit
de l’Open project database. Les aspects le plus décrit parmi les 28 communs sont la contribution
et le juridique et les ingrédients les moins décrits sont le financement et la gouvernance ( voir
Figure 7).
Nos conclusions sont qu’avec seulement 10,7% des communs décrits, il y a encore un travail à
faire afin d’utiliser cette base de données pour mener des études empiriques suffisamment
Figure 7. Nombre d'informations disponibles selon les ingrédients.
37. 37
robustes. Ensuite il semblerait que ce soit les éléments de gouvernance et de financement qui
posent le plus problème dans la description. Nous choisirons pour la suite de ce mémoire
d’explorer des pistes possibles pour l’amélioration des descriptions, avec une attention
particulière sur les aspects de gouvernance qui semblent être les plus problématique à cerner.
2.2.2 Démarche méthodologique
Suite à l’étude réalisée sur le site de la fabrique, nous pouvons suggérer des propositions pour
améliorer son fonctionnement.
Nous développerons l’idée que l’on peut, pour une partie des « ingrédients », identifier des
modèles qui pourraient s’appliquer à tous les communs afin de les décrire. Ces « modèles »
seraient proposés pour chaque inscription, sous forme de liste déroulante (questions/réponses)
par exemple, afin d’avoir une visibilité directe sur le fonctionnement du communs. Suite à cela
les communs pourraient être comparés entre eux puisque les éléments de réponse seront
standardisés et non en « texte libre ».
D’un point de vue opérationnel, les avantages attendus de cette démarche seraient un
abaissement des « barrières à l’engagement »1
, mais aussi de fournir aux contributeurs une
meilleure ou une plus rapide compréhension de l’information qu’ils doivent inscrire. D’un point
de vue théorique nous aurons une meilleure connaissance des communs présents dans le secteur
de la mobilité. Et nous pourrons commencer un travail sur leur gouvernance.
Pour effectuer cette analyse qualitative, afin de faire ressortir les différents modes de
fonctionnement, nous étudierons plus en détail les 28 communs qui ont fait l’objet de
description (cf. Annexe 6 p 63). Néanmoins avant de faire cette analyse il semble important de
distinguer les ressemblances et les différences qu’ils pourraient y avoir entre la définition
« scientifique » des communs (voir chapitre I) et les « ingrédients » de la Fabmob. Il semblerait
que les ingrédients réussissent bien à correspondre à notre définition des communs puisque le
système de ressource est décrit dans sa « raison d’être ». Le système de gouvernance est décrit
dans la partie du même nom, mais également peut-on dire que la partie financement, partenaire
et partage sont une description du système de gouvernance autour de la ressource. Concernant
les systèmes de droits et obligations, les ingrédients de contribution et du système juridique
nous fournissent une grande partie des informations. Dans une certaine mesure le système de
1
Selon l’hypothèse que certains contributeurs n’auraient pas le désir de participer à la contribution si celle-ci
lui est trop coûteuse (temps, argent etc…)
38. 38
partenariat et de partage nous informe également des règles en vigueur. Par la suite de ce
mémoire nous choisirons donc de garder la conception de la Fabmob pour élaborer le prototype,
car elle ne rentre pas en conflit avec notre vision d’un commun et sera, à notre avis, plus
conforme aux attentes opérationnelles.
Figure 8. Relation entre la définition scientifique des communs et celle de la Fabmob.
39. 39
III. Résultats de l’analyse qualitative des communs
dans le secteur de la mobilité
40. 40
Dans le chapitre précédent, nous avons voulu améliorer la description des communs, avec
comme hypothèse qu’il serait possible d’identifier des modèles pour chaque élément de
définition.
Cette partie aura donc pour objectif de présenter les résultats principaux de notre étude. Elle se
décomposera en trois parties. Premièrement, nous présenterons les avancées, sur le plan
opérationnel, des questions/réponses standardisées. Dans une seconde partie nous
développerons le système de gouvernance, plus en détail, sur le plan théorique. Et enfin, nous
mettrons en avant les perspectives et les limites de notre approche.
3.1 Résultats pratiques pour l’amélioration du référencement.
Tout d’abord, nous présenterons le prototype de questions/réponses qui sera surtout exposé sous
forme de différents tableaux, cela permettra d’avoir rapidement et simplement une vision large
de l’ensemble des résultats. Une grande partie des documentations qui ont permises de
ressembler les réponses proviennent du site Unisson.co ou le Wiki la fabrique. Ensuite nous
pourrons mettre en avant quelques recommandations en termes de gestion et conception pour
l’indexation.
3.1.1 Présentation d’un prototype de listes déroulantes
Premièrement, plusieurs types de ressources ont été identifiés, elles sont présentes ci-dessous
avec des exemples.
Tableau 2. Les différents types de ressources.
Description de la ressource Exemples
API Open trafic est une API qui collecte les données sur la position
des véhicules et qui les redistribue de façon anonyme. °
Application mobile Transportr est une application mobile pour l’accès aux données
des transports publics.
Application web Mapzen est une application en ligne pour modifier des cartes. °
Base de données Passim est une base de données qui indexe les offres de
services de transport et les services d'information.
41. 41
Communs de la connaissance
ou documentation
Le Wiki de la fabrique des mobilités. °
Data serveur IM
Open Hardware XYZ CARGO est un matériel libre servant à créer des vélos
« fonctionnels ». °
Logiciel Le logiciel Chouette permet l’échange de données d’offre
planifiée de transport collectif
Marque IM
Plateforme La plateforme Sensilo récupère l’information des capteurs de la
ville de Barcelone.
Projet W3C Automotive and web platform business group est un
groupe dont le but est de déterminer les données sur les
véhicules qui devraient être exposées par une ou plusieurs API
Web.
Ressource(s) physique(s) IM
Tiers-lieu IM
Légende :
° : Ne fait pas partie de l’étude
IM : information manquante
Concernant la question juridique, de nombreuses licences ont été repérées et son énumérées
dans le document avec l’ensemble de l’avancée du projet. Nous développerons ici une partie
que nous trouvons plus pertinente. Il s’agit de pouvoir relier à chaque ressource (ici les bases
de données et l’open hardware) une licence qui est propre à sa nature, en effet un logiciel n’aura
pas à disposition les mêmes licences qu’une image par exemple.
42. 42
Tableau 3. Les licences spécifiques aux bases de données et aux Hardwares
En ce qui concerne la contribution et le partenariat, l’idée a été d’énoncer d’abord les
différents types d’acteurs pouvant nouer des partenariats ou contribuer avec le commun.
Tableau 4. Les partenaires et contributeurs possibles.
Contributeur(s)
individuel(s)
Collectivité(s) /
territoire(s)
Autre(s) Commun(s)
Organisation(s) à but non
lucratif
Ecole(s) Entrepreneur(s) /
Startup(s)
Acteur(s) public(s) Financeur(s)
Organisation(s) à but
lucratif
Laboratoire(s) de
recherche
43. 43
Pour la question de la contribution, les questions principales sont : Quelles sont les indications
données par rapport à l’enrichissement ? Qui participe à la contribution ? Comment les agents
contribuent ? Cette contribution est-elle visible ? Et de façon plus détaillée peut-on voir le rôle
des contributeurs ?
Tableau 5. Eléments de contribution
Concernant les partenariats, ils peuvent prendre différentes formes avec des acteurs différents,
cette partie demande à être plus détaillée, néanmoins elle fournit quelques éléments de réponses
concernant les formes que peuvent prendre les relations avec des partenaires.
Tableau 6. Les formes de partenariat.
44. 44
Sur le partage, une grande partie pourrait être rattachée aux partenariats. Néanmoins la partie
concernant les activités « concurrentes » ne serait pas décrite, ainsi les questions suivantes
pourraient nous informer là-dessus.
Tableau 7. Les éléments de partage
L’aspect de financement recouvre aujourd’hui un enjeu important dans le développement des
communs, nous allons essayer de résumer quelles seraient aujourd’hui les possibilités de
financement de ces organisations. Cette partie a d’ailleurs été fortement inspirée des travaux de
S. Broca1
et F. Moreau sur les business models.( Cf. Annexe 7 pour un aperçu du prototype p
64)
1
BROCA S. Les business models des communs numériques – Audio. In Remix biens communs [En ligne].
Disponible sur http://wiki-
beta.remixthecommons.org/index.php/Les_business_models_des_communs_num%C3%A9riques_-_Audio (
Page consultée le 5/06/2017)
45. 45
Tableau 8. Les questions de répartition et de transparence du financement
Tableau 9. Les bussiness models possibles pour les communs
Bussiness models Explications
Don Le commun reçoit un financement par contribution volontaire d’agents
individuels
Coût à l'entrée Il existe un prix pour utiliser la ressource
Cotisation(s) annuelle(s) Une somme peut être demandée en fonction du temps d’utilisation
Service associé Un service payant est proposé
Vente bien lié rival Un bien physique est vendu
Financement publique
direct
Le commun reçoit un financement des institutions publiques
Financement mutualisé Le commun reçoit un financement de plusieurs entreprises ou entités.
Financement privé Le commun reçoit un financement d’une entreprise privée.
Externalisé Le commun externalise son processus de financement
Création d'une monnaie
interne
Une monnaie interne est créée pour permettre l’échange à l’intérieur
de l’organisation
Marché biface Par exemple la publicité ou d’autres pratiques ayant comme structure
un marché biface
46. 46
Pour finir, nous décrirons les aspects de gouvernance. Notons que ce critère sera repris dans la
prochaine partie, sous un angle plus théorique, pour réussir à créer des modèles qui puissent
expliquer une partie des différences de gouvernance des communs.
Tableau 10. Eléments du système de gouvernance
47. 47
3.1.2 Pistes exploratoires pour rapprocher le référencement avec les enjeux de la
fabrique des mobilités
Suite à l’étude réalisée sur le site de référencement quelques erreurs (majeures) ont été repérées,
en effet certaines ressources n’étaient pas vraiment des communs dans le sens où nous
l’entendions. Ci-dessous ont été répertoriés les noms des erreurs et les communs qui y ont été
sujets.
Tableau 11. Les erreurs repérées grâce à notre étude
Erreurs Noms
Le commun apparait plusieurs fois - Fabrique des mobilités en commun & Fabrique des mobilités
- L'observatoire Open Data Transport du Cerema & PASSIM
Sujet à débat, car trop administré
par l’Etat ou une entreprise
- Open Data taxi
- Vulog
Projet peu développé - Licence de partage
- Forge des données de transport
- Welo-plateforme
Projet en difficulté - Open Cyclo
- La Zooz
Eloigné du secteur de la mobilité - MusicBrainz
Ces erreurs nous poussent à prescrire quelques conseils afin de les corriger, mais surtout pour
permettre de rendre plus pertinent et plus utile l’indexation des communs.
(1) Avoir une page de discussion pour chaque fiche de description.
Disposer d’une « arène locale » plus proche permettrait d’afficher plus facilement les débats
sur les conflits ou divergences, mais également de les résoudre.
(2) Développer un indicateur de l’état du commun.
48. 48
Si des communautés, ou communs, sont en état de développement ou si elles sont en difficultés
un indicateur devrait le faire apparaitre. Cela permettrait d’avoir une meilleure estimation de la
« trajectoire » de la ressource.
(3) Mettre en lien ce référencement avec d’autres.
Comme nous l’avons vu, il se peut que des communs fassent partie d’un autre secteur d’activité.
L’imbrication de plusieurs sites de référencement de secteur différents permettrait de résoudre
ce problème tout en gardant les informations. Il existe d’ailleurs le site d’Unisson pour le
référencement de tous les communs (numériques principalement). Une imbrication à partir d’un
niveau « supérieur » serait donc possible.
(4) Permettre un meilleur filtrage des données.
Si les questions/réponses peuvent décrire facilement le fonctionnement d’un commun, elles
peuvent aussi servir de système de filtrage plus précis pour chercher les ressources qui
intéressent les communautés.
(5) Construction d’un graphique de caractérisation des communs.
Les éléments que nous avons collectés pour les questions/réponses nous permettent, d’une
certaine manière, d’avoir une idée du détail de fonctionnement du commun. Actuellement un
graphique est en test sur un site de référencement d’Unisson (Voir Figure 9). Grâce à une
utilisation plus poussée des résultats obtenus, en quantifiant par exemple chaque réponse, nous
pourrions réussir à créer ce graphique.
Figure 9. Caractérisation du commun. D'après Unisson.co
49. 49
3.2 Résultats théoriques sur la gouvernance des communs
Dans cette partie nous présenterons tout d’abord une représentation nouvelle de la nature des
ressources mises en communs. Cette représentation viendra compléter la définition du système
de ressources et de règles que l’on a présentée au chapitre 1.
Ensuite nous présenterons un point que nous avons négligé, celui de la hiérarchie dans le
communs et du rapport de force qu’il peut exister entre contributeurs d’origine et les
contributeurs entrants. Cette sous partie constituera donc un essai pour classer des communs
qui auraient une gouvernance différente.
3.2.1 Proposition d’un nouveau modèle pour repenser la gestion des biens en pool
commun
Précédemment nous avons présenté les communs naturels qui constitueraient le corps de
recherche sur les communs physiques. Ensuite, nous avons abordé les communs numériques
qui seraient des communs intangibles soumis à un devoir d’enrichissement plutôt que de
préservation. Nous avons vu que ces communs avaient des prédispositions différentes et ont
des origines théoriques très diverses. Aussi, peut-être, les a-t-on opposés pour comprendre les
débats sur les règles d’additionnalités et d’accès. Créant ainsi une « séparation » entre, d’un
côté les communautés se réunissant autour de ressources tangibles, ces ressources devant être
encadrées par règles pour éviter de trop fortes externalités négatives. Et d’un autre côté, les
communautés numériques cherchant les effets de réseau et devant chercher à s’ouvrir autant
qu’elles le pouvaient pour bénéficier d’externalités positives de la part des contributions.
Toutefois nous avons vu qu’un commun ne se caractérisait pas par une ressource plus ou moins
tangible mais par l’organisation autour de cette ressource ou ces ressources. Cette organisation
doit avoir une « self-governance » collective disposant de règles pour la gestion de l’activité.
Nous exposons le fait que les ressources au sein de la communauté peuvent avoir des règles de
gestion différente (faisceau du droit). Notons aussi que la nature de ces ressources peut varier.
Nous pouvons alors distinguer trois grands types de communs en fonction de leurs systèmes de
ressources (cf. Annexe 8 p 65). D’abord, nous avons les communs dont la caractéristique
première est d’être tangible, c’est précisément dans cette catégorie que se placent les ressources
naturelles. Ce type de ressource sont appelées, comme nous l’avons vu, les ressources en pool
50. 50
commun (CPR). De l’autre côté nous avons les communs numériques (ou informationnels) qui
caractérisent le plus souvent des communautés numériques produisant ou échangeant des
ressources non tangibles. Mais force est de constater qu’entre ces deux notions très
documentées, les communautés gérant à la fois des ressources physiques et des ressources
immatérielles (« Ressources Mixtes en Pool Commun ») ne sont pas aussi visibles dans les
recherches sur les communs.
Durant notre étude nous avons pu relever deux RMPC. Le premier système est celui la fabrique
des mobilités qui doit gérer des ressources en ligne comme nous l’avons vu dans la section 2.1.2
mais également des ressources tangibles comme les tiers lieux où se tiennent les « ateliers ». Le
deuxième est Open Source Bike Share, il s’agit d’un système open source de réservation de
vélos, les vélos étant eux même mis en partage dans une communauté. Ainsi dans ces systèmes
il semblerait qu’il faille trouver un juste milieu entre préservation de la ressource et effet de
réseau. Si une ressource est trop ou mal exploitée la dégradation sera plus rapide, mais si le
commun ne réussit pas à avoir une masse critique suffisante il pourrait s’avérer moins
intéressant que des modes alternatifs.
3.2.2 Les différentes formes de gouvernances des communs
Nous en savons maintenant beaucoup plus sur les diverses formes que peuvent prendre la
gouvernance d’un commun. Si nous résumons le travail fait jusqu’à présent, nous pouvons faire
correspondre les design principles, à voir comme une prescription d’un système de gouvernance
efficace, avec les questions/ réponses trouvées. Les questions juridiques nous informent des
limites de la ressource, on peut savoir qui pourrait l’utiliser et dans quelle mesure. La
concordance entre les règles et les ressources est donnée par les fiches concernant le système
de contribution. Les dispositifs de choix collectif sont perçus dans les modes de communication
et de résolution de problème. La surveillance serait corolaire d’un niveau d’activité (pour les
communs numériques notamment). Nous pouvons avoir une idée des sanctions graduelles avec
les processus de résolution des conflits. Les mécanismes de résolution de conflit sont compris
dans les systèmes de communication et de dispositif de gestion de conflit. Même s’il est vrai
que la reconnaissance des droits d’organisation est légèrement absente à notre analyse, l’aspect
juridique nous donne un indicateur de ce que reconnait l’Etat (à savoir la licence). Et enfin, les
51. 51
entreprises imbriquées seraient indiquées dans les relations de contribution avec d’autres
organisations.
Comme nous l’avons vu le système de gouvernance, dans la définition scientifique, est une
notion qui regroupe diverses réalités, de la gestion de conflit aux processus de changement
institutionnel par exemple. Jusqu’à présent nous n’avons pas discerné les différences
fondamentales entre les divers systèmes de gouvernance, à part les différences techniques.
Néanmoins il semble important de savoir quelles sont les grandes structures de gouvernance,
comment les repérer et les différencier. Cette question demande de mettre en lien les éléments
que l’on aurait collectés1
avec des éléments que l’on aurait omis pour essayer de comparer les
communs entre eux. Nous retiendrons ici trois dimensions à la gouvernance pour comparer les
communs entre eux.
La première dimension est le rapport du commun avec l’Etat et le marché. En effet les
communs, comme nous l’avons vu, s’opposent à deux visions de l’encadrement des activités
économiques qui sont le « tout Etat » et le « tout marché ». Néanmoins les communs ne
s’opposent pas à ces concepts en les rejetant systématiquement mais en présentant une
alternative qui puissent permettre une auto-gestion collective. Ainsi certains communs
(managériaux) regroupant une majorité de salariés d’entreprises auront un lien fort avec le
secteur marchand. Comme exemple de lien fort avec le secteur marchand il y a Genivi, qui est
un consortium d’entreprises, qui produit et échange en open source les avancées des logiciels
en rapport avec l’In-Vehicle Infotainment.. D’autre communs auront un lien fort avec les
institutions, c’est notamment le cas des services soutenu par l’Etat. PASSIM, un annuaire des
données de services d’informations des transports par exemple, publie ces données sous une
licence libre2
et fait appel à des contributeurs extérieurs, néanmoins il reste très attaché à un
soutien de l’Etat. Et plus loin de ces deux conceptions nous avons les communs qui sont
hybrides puisqu’ils regroupent des acteurs publics et privés ou des communs (collectifs) comme
les communautés de développeurs.
1
Dans la partie 3.1.1
2
La licence ouverte Etalab a été créée pour permettre aux institutions publiques françaises d’ouvrir leurs
données.
52. 52
Figure 10. Les communs : entre "tout marché" et "tout Etat"
La deuxième dimension est le degré d’hétérogénéité des agents, qui nous permet de mettre en
avant les différences entre des communautés où les acteurs sont relativement homogènes,
comme les contributeurs de Wikipédia qui sont pour la grande majorité des contributeurs
individuels. Et de l’autre côté les organisations hybrides, réunissant plusieurs contributeurs en
tant que représentants d’entités diverses. Certes cela peut être difficilement calculable
néanmoins nous pouvons en avoir une idée en regardant les acteurs de la contribution et du
partenariat.
Figure 11. La gouvernance des communs en fonction du rapport au marché et à l'Etat et de
l'hétérogénéité des contributeurs
53. 53
La dernière dimension est le beaucoup plus complexe, il s’agit de la structure organisationnelle.
Si dans les organisations traditionnelles on faisait une dichotomie entre d’une part la structure
pyramidale et la structure horizontale, cette notion de rôle dans le commun change. En effet
construire une organisation en collectif implique la « disparition » plus ou moins marquée du
sommet stratégique. Nous l’avons vu dans cas de Wikipédia, la structure semble horizontale et
la vision des leaders influence peu l’orientation des activités. Ce que nous apprend l’étude des
divers cas c’est que la structure peut être formelle ou informelle et que la prise de participation
peut s’avérer différemment encadrée. Notons que dans les communs les formes de hiérarchie
informelle peuvent s’avérer même essentielles pour comprendre le fonctionnement d’un
commun (Ruzé, 2013). Ainsi peut-on parler finalement d’une hiérarchie qui serait plus ou
moins sujet à remise en question par les acteurs. D’après nous la capacité des acteurs à proposer
un changement institutionnel serait un indicateur de cette hiérarchie. Prenons l’exemple des
comités de direction, dans de nombreux communs nous avons un groupe de direction formelle
(un comité de directeurs est élu) et ces représentants ont un pouvoir plus ou moins fort sur les
stratégies adoptées par le collectif, mais notons surtout que ces représentants sont élus pour une
durée fixe, c’est le cas de Genivi. Dans les communautés de développeurs un groupe peut aussi
mener le projet de façon autoritaire, pour Linux par exemple on entend parler souvent de
« dictateur bienveillant » (Raymond, 1999) pour désigner le fait que même si le projet est
collectif la vision du dirigeant reste forte. Néanmoins pour nuancer ces gouvernances qui
semblent fixes, il faut analyser par ailleurs la liberté laissée aux contributeurs, les
« forks1
» pour les communs numériques sont intéressants puisqu’ils permettent une menace
crédible pour rendre les projets plus horizontaux, en cas de désaccord, ils permettent également
de changer totalement de gouvernance. Donc si l’on essaye de résumer on pourrait penser la
gouvernance comme un éventail de possibilités qui irait d’une gouvernance fixe à une
gouvernance beaucoup plus flexible.
1
Fork ou fourche en français est une réplication d’un logiciel existant repris par une nouvelle communauté de
développeurs.
54. 54
Figure 12. Modèle tripartite de la gouvernance des communs
Finalement nous pouvons « mapper » les communs dans un espace de gouvernance qui rend
compte de la structure interne, de son rapport avec l’externe (marché et Etat) et de la diversité
des agents s’organisant autour de la ressource.
55. 55
3.3 Perspectives et limites
3.3.1 Les limites et perspectives opérationnelles
Une des premières limites concerne le « prototype ». En effet il mérite beaucoup plus d’études
et de connaissances autour de toutes les formes existantes de combinaison d’ingrédients
possibles pour venir l’alimenter. Les études sur les communs ont été faites de façon externe et
n’ont pas toujours suffi à récolter des informations précises sur le fonctionnement intégral des
communautés, et il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement une grande partie des
communautés travaille de façon interne, c’est-à-dire que la majeure partie des communications
ne se font pas de façon visible pour les membres extérieurs. La seconde raison est qu’au cours
de ce mémoire nous disposions d’un temps limité, or l’apprentissage du fonctionnement d’une
communauté demande un coût important en termes de temps. La troisième raison tient au fait
que certaines organisations ne dévoilent ou n’ont tout simplement pas rendu transparents les
divers aspects de leurs fonctionnements.
Un référencement efficace passerait, sans doute, par l’inscription de la communauté par un
contributeur qui en ferait partie, néanmoins pour cela il faut rendre intéressant le fait d’inscrire
sa communauté sur le site. Diverses pistes de conception intéressante peuvent être trouvées
pour résoudre ce problème. L’une des pistes serait peut-être de voir le site comme une structure
biface où les contributeurs voulant développer un projet inciteraient les développeurs à décrire
leurs activités sur leur communauté afin de bénéficier de nouvelles contributions. L’un des
éléments facilitateurs pourrait être l’utilisation générale des communautés de la fabriques des
mobilités sur le site qui permettrait d’afficher une visibilité des communautés présentes dans la
fabrique et d’augmenter la notoriété de ce système dans l’écosystème d’innovation autour des
enjeux de mobilité.
Suite à des discussions avec les membres de la fabrique, aujourd’hui les informations du site de
référencement seraient mutées vers le wiki de la fabrique, néanmoins le travail effectué durant
ce mémoire peut aider à la construction d’une future base de référencement qu’elle soit dans le
secteur de la mobilité ou dans d’autres secteurs.
56. 56
3.3.2 Les limites et perspectives théoriques
Si nous nous rappelons de notre objectif, nous voulions créer un modèle qui permettrait de
différencier divers modes de gouvernance quel que soit le commun. Toutefois les études qui
ont permis à induire ces différents modes se sont faites sur des communs « libres », ouverts à
la contribution et à l’utilisation extérieure, néanmoins certains communs sont « fermés ». Ces
communs fermés sont moins intéressants pour les contributeurs extérieurs néanmoins ils
pourraient permettre d’intéressants travaux sur leur système de gouvernance et notamment sur
les business models. En effet nous avons présenté des business models en supposant que comme
la ressource est « ouverte » et donc que la valeur ne peut pas être capturée, il fallait effectuer
un déplacement de valeur sur d’autres système de revenues. Concernant les communs
« fermés » nous pourrions nous demander si cela est toujours le cas, et si des communs peuvent
capturer de la valeur et de quelle façon le font-ils.
Nous avons finalement présenté un modèle triptyque de la gouvernance dans un commun,
beaucoup de théories sont à rajouter à ce modèle, par exemple comment arrive-t-on à un point
de l’espace de gouvernance ? Et à quoi cela est dû. Les pistes possibles, seraient pour nous,
dans un système dynamique d’étudier l’évolution des rapports de force des différents acteurs
présents dans le communs pour expliquer sa proximité avec divers modes de fonctionnement.
Et enfin nous pourrions nous demander ce que ce modèle triptyque pourrait nous apprendre au-
delà des fonctionnements des communs. L’une des pistes, là encore que nous ayons retenue,
concerne la vérification des problèmes survenant quand on s’éloigne du « centre de l’espace de
gouvernance » et qui peuvent nuire à leur durabilité. Quand les acteurs sont trop hétérogènes il
pourrait y avoir une forte chance de conflit, quand les acteurs sont trop homogènes l’écosystème
ne semble pas assez élargi. Une gouvernance trop fixe serait un frein la volonté des
contributeurs de participer pleinement ou alors parce que le processus de décision est plus lent.
Une gouvernance trop souple ferait perdre beaucoup de ressources par exemple si les
discussions occupent une grande part de l’activité, ce qui rend là encore le processus de décision
lent. Concernant le lien avec les entreprises, si un communs est trop fortement lié à une
entreprise il se peut que les intérêts dans le commun ne lui soient pas propres mais soit plutôt
lié aux soutiens d’une entreprises extérieurs. Un lien trop fort avec l’Etat, serait de n’avoir pas
réussi à intéresser les citoyens par exemple, ou alors d’avoir mis trop de règles ad hoc. La encore
de nombreuses recherches peuvent venir alimenter ces questionnements.
58. 58
Conclusion
Nous nous sommes demandé comment définir les communs et leur système de gouvernance.
Nous avons présenté une partie non exhaustive des travaux académiques traitant des communs
qui nous ont apporté une grille de lecture utile. Puis nous avons réalisé une étude empirique sur
26 communs afin de définir les éléments clefs d’un commun pour permettre sont référencement
plus facilement et d’en déduire des systèmes de gouvernance différents. Sur le plan opérationnel
nous avons présenté un prototype de questions/ réponses pour décrire un commun. Nous avons
ensuite retenu un modèle théorique se découpant en trois parties : le lien du commun avec le
marché et l’Etat, l’hétérogénéité des membres du commun, et la flexibilité de sa gouvernance.
Les questions/réponses pourront s’affiner et s’enrichir grâce à plus de travaux sur les communs.
Le modèle théorique soulève de nombreuses questions sur l’efficacité des différentes formes de
gouvernance qui mériterait d’être vérifiées. Ce travail ouvre la voie ou du moins mettrait en
lien de nombreux travaux à venir ou même déjà développés sur les modes de gouvernance des
communs. La question est maintenant de savoir comment ces modes de gouvernance impactent
différemment la valeur à l’intérieur et à l’extérieur du commun et dans quelles mesures. Mais
également si un mode de gouvernance en particulier permettrait de rendre plus durable un
commun dans le temps.
59. 59
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62. 62
Annexes
Annexe 2 : Les bundles of rights appliqué à une pêcherie. D’après S. Schlager et E. Ostrom
(1992)
Annexe 3 : La classification des biens.
Rival Non Rival
Excluable Bien privé Bien public impur ou bien
commun
Difficilement excluable Bien de club Bien public ou bien collectif
pur
63. 63
Annexe 4. Les étapes de la régulation dans Wikipédia. D’après D. Cardon et J. Levrel (2009)
Annexe 5 : Les techniques de modification des fiches de description.
Annexe 6 : Les communs retenue pour notre étude qualitative.
Open Project Database
Logiciel Chouette
Open Trip Planner (OTP)
Sensilo
Fabrique des mobilités
OPEN CYCLO
Cartography
Licences de partage
Transportr - Public transportation
Forge de données de transport
64. 64
MusicBrainz
OpenLaw
Passim (annuaire services de transport)
Genivi In-Vehicle Infotainment
Adresse.data.gouv
Open Data Taxi
Fabrique des mobilités en commun
VULOG - Car Sharing Solutions
L'observatoire Open Data Transport du Cerema
W3C Automotive and web platform business
group
La Zooz
Automotive Grade Linux
VROOM - Optimisateur de trajets routiers
Welo-platform
OpenSource Bike Share
MLDB - Datacritic
Data.pe
Open Pilon
Annexe 7 : Representation visuel de l’utilisation du prototype
65. 65
Annexe 8 : Différenciation de trois types d’organisations selon leurs ressources mises en
commun
Table des figures
Figure 1. Les quatre libertés du logiciel libre. D'après https://www.gnu.org/philosophy/free-sw.fr.html
............................................................................................................................................................... 23
Figure 2.Les familles de licences Creative Common. D'après
https://fr.wikipedia.org/wiki/Licence_Creative_Commons .................................................................. 24
Figure 3. Le modèle tripartite des communs. D'après
http://wiki.lescommuns.org/wiki/La_Chambre_des_Communs ........................................................... 29
Figure 4. Le site de référencement. ....................................................................................................... 33
Figure 5. Les 6 ingrédients des communs. D'après
https://rennesencommuns.wordpress.com/2016/05/17/compte-rendu-de-la-deuxieme-assemblee/ ..... 34
Figure 6. Histogramme de la quantité d'information disponible pour chaque commun........................ 36
Figure 7. Nombre d'informations disponibles selon les ingrédients...................................................... 36
Figure 8. Relation entre la définition scientifique des communs et celle de la Fabmob. ...................... 38
Figure 9. Caractérisation du commun. D'après Unisson.co................................................................... 48
Figure 10. Les communs : entre "tout marché" et "tout Etat" ............................................................... 52
Figure 11. La gouvernance des communs en fonction du rapport au marché et à l'Etat et de
l'hétérogénéité des contributeurs ......................................................................................................... 52
Figure 12. Modèle tripartite de la gouvernance des communs.............................................................. 54
Figure 13. Les limites des modes de gouvernances .............................................................................. 57