1. Numériques en communs, NEC 2018
Pourquoi avoir initié une dynamique de structuration de votre écosystème respectif ? quels sont
les objectifs poursuivis ? les premières étapes ?
Nous pensons qu’un écosystème d’acteur ne se structure pas, il peut par contre évoluer et améliorer
son fonctionnement. Composé d’acteurs hétérogènes, c’est-à-dire d’entités ayant des tailles, des
moyens, des objectifs et des cultures très différentes, cet écosystème de la mobilité se transforme en
continue. Il s’agit avant tout de lui permettre de se voir globalement, tout en améliorant les échanges
en son sein. Idéalement, chaque acteur comprend de mieux en mieux les autres et leur point de vue,
et perçoit les effets de ses actions sur le tout. Il y a des allers-retours permanents entre les membres
individués et l’ensemble. Cela passe progressivement par la construction d’une culture commune,
sans avoir à l’énoncer.
Les premières étapes sont essentielles pour faire toucher du doigt ces objectifs sans les formaliser.
Un écosystème performant, résilient, entreprenant est composé d’acteurs qui le sont tout autant et
qui ont créé de nouvelles compétences « systémiques ». Ces compétences sont aujourd’hui peu
valorisées, mal exprimées et rarement mises en valeur. Travailler en écosystème conduit à mieux
écouter, laisser la parole, comprendre des points différents, … dont les principales qualités sont la
bienveillance et l’empathie.
Comment identifier les intérêts des parties prenantes et les faire converger autour d'un enjeu
commun, les convaincre de travailler ensemble, de partager leurs actifs, etc ?
Il nous a fallu quelques mois pour faire émerger une méthode empirique répondant à ce besoin de
collaboration, dans un environnement où le hardware est omniprésent. En premier lieu,
l’exemplarité d’acteurs permet de montrer que d’autres réalités existent : Android, Apollo, Genivi …
Libre à chacun de s’intéresser aux communs et à l’open source, la Fabrique n’a pas vocation à
convaincre mais plutôt à accompagner les acteurs volontaires pour explorer. Ensuite les problèmes
ou défis sont à « découper en sous-domaine » pour arriver à un défi et des besoins clairement
exprimables associés à une taille de communauté de 15-20 personnes.
Cette 1ère
étape franchie, un peu de temps est nécessaire pour que les personnes se connaissent, se
comprennent et identifient une liste de besoins utiles et faisables en répondant à la question « De
quoi avez-vous besoin maintenant et que vous avez intérêt à faire ensemble ? ». Cette 2ème
étape
permet d’obtenir une liste de besoins formulés sous forme de question « Comment partager plus de
vélo ? ». La communauté des acteurs du vélo cherche ainsi une solution permettant de partager plus
de vélo, n’expriment pas de solution technique et seront prêts à expérimenter en usage réel les
futures réponses.
La production des solutions peut nécessiter d’impliquer d’autres acteurs : des prototypistes, makers,
développeurs selon le type de ressource. En leur proposant un défi spécifique à relever « Comment
partager plus de vélo ? », les makers s’engagent dans la production d’une version béta. Ce prototype
est alors expérimenté par les différents acteurs de la communauté. Il forme un début de commun.
Pourquoi avoir choisi les modèles ouverts (Open Source / Open Hardware) ?
Nous sommes en présence d’un écosystème large, formé d’une multitude d’acteurs hétérogènes,
potentiellement concurrents mais également dépendant les uns des autres. Par ailleurs, de nouveaux
2. acteurs mondiaux arrivent dans l’écosystème et enfin, la part de valeur portée par le numérique
grandit. Tout ceci se passe dans un temps réduit au regard des capacités d’adaptation des outils
industriels. Cet ensemble de contraintes pèse sur les acteurs individuellement et collectivement.
Pour redonner des degrés de liberté, il est essentiel d’apporter des ressources utiles, ouvertes et
manipulables par le plus grand nombre. Ces ressources facilitent l’entrée de petits acteurs qui les
utilisent pour prototyper et tester leurs idées, elles réduisent également la charge pour un acteur
pour maintenir une ressource. Elles jouent aussi un rôle collectif essentiel en obligeant les acteurs à
travailler ensemble et se voir progresser à travers la ressource. Il n’est plus nécessaire d’avoir un
tiers, un donneur d’ordre puisque la ressource est utile, ouverte et documentée, elle se suffit à elle-
même. Les communs jouent alors le rôle d’objets-liens (voir un article sur ce sujet). Les objets-liens
assurent la synchronisation des acteurs tout en leur apportant une valeur.
Face à l’ensemble des problèmes à résoudre, aux nombres d’acteurs en présence, la mise en œuvre
de communs n’est plus une option. Ceci doit être combiné avec des compétences individuelles et
collectives nouvelles à développer pour pouvoir utiliser les communs, produire de nouveaux et
construire de nouvelles stratégies industrielles « anti-fragiles » grâce aux communs.
Quel cadre de collaboration avez-vous mis en place ? Documents structurants, gouvernance, socle
de valeurs, etc. Comment donner confiance ?
Nous explorons ce sujet avec un objectif : le minimalisme. Faire d’abord et voir quels sont les
besoins. Une charte décrit plutôt un code de savoir être. La Fabrique est une association dont le but
est d’enrichir l’écosystème des mobilités durables de communs utiles. Toutes les personnes
volontaires pour s’impliquer dans ce sens sont les bienvenues ! Nous donnerons à chaque
communauté/commun le soin de choisir la meilleure gouvernance pour lui permettre de protéger et
faire grandir la ressource.
Comment encourager / faciliter la contribution aux communs ?
Nous avons beaucoup moins d’expérience là-dessus. Pour le moment, nous cherchons à impliquer
largement tous les acteurs dans chaque communauté, à valoriser les contributeurs, à les mettre en
valeur.
Nous nous intéressons, avec d’autres comme Open Law, à un système de badge numérique pour
indexer les compétences que nous souhaitons développer, pour ensuite les reconnaitre et mettre en
valeur celles et ceux qui les portent.
Dès le début, nous avons cherché à faire de la Fabrique, un commun pour qu’elle soit elle-même
réplicable. Nous avons réussi au Québec et commençons en Afrique. Ce réseau peut être un moyen
de valoriser les contributeurs en les connectant à d’autres écosystèmes étrangers.
Comment pérenniser les communs ? Les valoriser ?
Nous n’avons pas assez de retour d’expérience dans la Fabrique sur ce sujet. Reparlons-en l’année
prochaine