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Les Achats
et l'Agilité
HAExcellence
THE BRIDGE BETWEEN RESEARCH AND FIELD APPLICATION IN PURCHASING
DÉCEMBRE2015
5
Mot de la rédaction P.2
Note aux futurs contributeurs
de la revue « Excellence HA » P.3
DOSSIER N°1 P.4
Prospective de la fonction achat
dans la société de l’information
JÉRÔME BARRAND
Le point de vue d’un praticien P.12
TONY BOCOCK
DOSSIER N°2 P.17
Augmenter le Total Benefit of Ownership
par la compréhension du juste besoin
granulaire grâce à un regard systématique
et agile: une collaboration entre l’acheteur
NTIC et la DSI ?
GUILLAUME DERAEDT
Le point de vue d’une chercheuse P.23
NATHALIE MERMINOD
DOSSIER N°3 P.26
L’Internet Physique: de nouveaux
besoins d’agilité pour la fonction achats
PIERRE PAUL JOBERT
Le point de vue d’un praticien
BRUNO CRACCO P.32
PRÉSENTATION DES THÈSES
PROFESSIONNELLES P.34
L’achat de solutions:
quelle approche? P.35
SAMIRA TMASSOULI
Améliorer la performance et capter
l’innovation des fournisseurs par le
Management de la Relation Fournisseurs
(SRM) : est-ce envisageable au sein
d’une ETI? P.39
AMEL KARIMI
De la gestion des achats a la gestion
des ressources externes: éléments clés
d’une gouvernance P.43
PASCAL KEMPF
Rôles et impacts des outils
d’E-Purchasing sur le management des
relations fournisseurs P.46
PIERRE BEYLARD
PRÉSENTATION
DES THÈSES ACADÉMIQUES P.48
L’innovation fournisseur vue par les acheteurs
(à partir de la thèse d’Amine Rachi - 2013) P.49
Les compétences pour la création de valeur
(à partir de la thèse de François Jan- 2014) P.51
THIERRY SAUVAGE, AMINE RACHI ET FRANÇOIS JAN
Externalisation partielle des fonctions
Achats-Approvisionnement-Logistique:
le cas d’ALSTOM P.53
AFLATOUN KAMYABI MASK
CRITIQUE CROISÉE D’OUVRAGES P.58
COMITÉ DE RÉDACTION
ET COMITÉ SCIENTIFIQUE /
EDITORIAL BOARD P.59
2/60 Excellence HA n°5
Nicolas
Kourim,
Rédacteur
en chef
Hugues
Poissonnier,
Président
du Comité
Scientifique /
Editorial
Board
Richard Calvi,
membre du
comité de
rédaction
François
Girard
membre du
comité de
rédaction
MOT DE LA RÉDACTION
L
es événements au niveau local autant que global nous démontrent de manière toujours plus éminente que nous
vivons une période de changements importants – au regard de nos sociétés, de nos valeurs, et de nos structures et
modèles économiques.
Par rapport à il y a dix ans, la population mondiale est globalement mieux soignée, plus éduquée, et surtout beaucoup
plus connectée. Des études récentes en prospective ont permis d’identifier un nombre important de groupes socio-
culturels différents, coupant à travers tout critère traditionnel de classification sociétale. Ces groupes partagent des
valeurs très différentes et par conséquent ont des comportements différents de consommateurs dans le sens économique.
Le monde est en train de devenir à la fois plus connecté et plus complexe, faisant apparaître une multitude de différences,
d’opportunités et de risques dans un contexte qui évolue rapidement.
Nos structures et modèles économiques traditionnels sont en perte de vitesse et peinent à s’adapter pour trouver une
nouvelle dynamique. Nous sommes à la fin d’un modèle global, basé sur la production et la vente de produits de masse,
sur l’application des méthodes d’optimisation industrielle dans tous les domaines de notre vie, et sur la surconsommation
de nos ressources pour un objectif à court terme.
C’est pour des raisons multiples que nous nous orienterons à court et moyen terme vers un modèle nouveau, avec en
toile de fond un retour à la proximité. Proximité avec le terrain, avec nos clients, avec nos ressources, avec nos collabo-
rateurs et partenaires.
• La croissance de demain, moteur continu de nos économies à défaut d’avoir trouvé une recette alternative, ne viendra
- pour l’essentiel - plus des simples produits, mais des solutions plus ou moins complexes, donc de l’assemblage
intelligent des produits et services pour un besoin identifié à un moment donné.
• Les consommateurs changent leur comportement; ou bien ils disent non à une consommation traditionnelle en
changeant fréquemment leur attitude face aux différentes offres évolutives, ou bien ils prennent conscience de leur
vrai besoin et apprennent à l’exprimer concrètement.
•Des critères nouveaux apparaissent, comme la nécessité de gérer de manière plus durable nos ressources ou encore
la volonté de développer une économie solidaire à la portée du plus grand nombre, rajoutant à la complexité des
prérequis et la variabilité des facteurs.
L’ensemble de ces changements exerce une pression substantielle sur notre fonctionnement traditionnel et nous amène
à repenser nos modes et structures de travail en profondeur. Cette fois-ci il ne s’agit pas seulement d’opérer un autre
changement, mais d’installer une vraie capacité de changement structurelle et continue pour créer une nouvelle
compétence autant qu’une forme d’organisation – l’Agilité.
Demain ce seront les Hommes et leurs compétences qui seront au cœur de nos activités. Structurés en équipes ou en
écosystèmes ils représenteront - loin devant les machines et les processus - l’élément le plus agile dont nous disposons,
et le seul à véritablement pouvoir s’adapter fréquemment et rapidement pour répondre de manière effective aux besoins
changeants.
C’est l’acheteur avec son rôle de Gestionnaire des Ressources qui se trouve au cœur de ce changement, ou plutôt de l’or-
ganisation de ce changement, et de la capacité de nos organisations de se structurer de manière souple autour des
compétences de ces Hommes. L’Agilité sera un des axes majeurs dans l’évolution structurelle de notre modèle, et le
facteur t (temps) viendra au fur et à mesure remplacer le facteur c (coût) dans une notion de création de valeur globale.
Comme toujours nous vous proposons d’échanger via notre nouvelle adresse de contact e-mail excellenceha@cdaf.fr
autour des expériences, des suggestions et des commentaires afin d’enrichir le sujet pour tous. Soyons actifs pour être
agiles! n
Nicolas Kourim
3/60Excellence HA n°5
Dans Excellence HA nous appelons de nos vœux
plusieurs types de publications::
d Dossiers académiques: Des contributions d’acteurs
académiques dont les recherches portent sur la
fonction Achats et plus largement les relations clients-
fournisseurs. Il peut s’agir de contributions originales
ou de la refonte d’articles précédemment publiés dans
une revue (avec rappel de cette publication antérieure).
d Dossiers professionnels: Des réflexions et points de
vue de professionnels de la fonction Achats ou de
consultants en Achats. Excellence HA favorisera des
contributions de ce type lorsqu’elles sont ambitieuses,
innovantes et argumentées.
d Enrichissements: Pour favoriser le croisement des
regards, chaque contribution sera soumise à un
commentaire d’un expert du comité scientifique. Un
praticien pour la contribution d’un académique, et
inversement pour la contribution d’un praticien.
L’objectif sera d’enrichir chaque contribution par un
regard croisé d’un membre de l’autre communauté.
d Thèses/Mémoires: Des fiches synopsis des meilleurs
mémoires réalisés dans le cadre des formations Achats
(Master, MBA,..). Nous proposons aux responsables de
ces nombreuses formations de se servir de cette
tribune pour faire connaître les meilleurs travaux de
leurs étudiants.
d Critiques d’ouvrage: Un commentaire sur un ou
plusieurs ouvrages innovant orientés Achats ou
considérés par le comité de rédaction comme utile à
l’exercice de la fonction.
d Espace d’événement: Un court résumé des
événements en relation directe avec l’objet de la revue
(Conférences, activité des Think tanks…).
Toutes ces contributions doivent transiter par le comité
de rédaction (contact@excellenceha.com). Ce dernier,
après une première expertise, leur attribuera deux
relecteurs du comité éditorial pour avis et conseils.
Lorsqu’un article est définitivement accepté, l’auteur
fournit à la revue Excellence HA une version électron-
ique au format Word. Les articles acceptés pour
publication en fonction des thématiques annoncées dans
notre politique éditoriale ou dans ordre des dates d’ac-
ceptation. L’auteur s’engage à ne pas publier son article
dans un autre support sans autorisation de la rédaction
d’Excellence HA.
Format des articles:
1.Les articles sont, sauf exception à justifier, d’une longueur maximum
de 16 pages de 2 800 caractères chacune, en tenant compte de l’espace
pour les informations additionnelles (voir paragraphe suivant).
Ils comprennent une photo de haute résolution de l’auteur, une bibliogra-
phie d’une longueur maximum d’un tiers de page, ou 1000, et sont précédés
d’un bref résumé de 1000 caractères maximum (en français et en anglais)
mettant en évidence l’importance ou l’originalité de la contribution.
S’adressant principalement à un lectorat de praticiens, les textes proposés
ne comportent que les développements théoriques et méthodologiques
nécessaires à la compréhension du propos. Enfin ces articles doivent
pouvoir être utiles à la communauté Achats.
Les notes sont placées en bas de page et numérotées dans l’ordre
d’insertion. Leur nombre ne doit pas excéder une note par page. Les
références bibliographiques sont rédigées selon les modèles suivants:
d Ouvrage: Nom de l’auteur et initiale du prénom, Titre de l’ouvrage,
Editeur, Lieu d’édition, date de publication (exemple: Poissonnier H.,
Philippart M., Kourim N., 2012, Les achats collaboratifs: Pourquoi et
comment collaborer avec vos fournisseurs, Edition De Boeck)
d Article: nom de l’auteur et initiale du prénom, « Titre de l’article », Titre
de la revue, vol. x, n° x, date de publication, p. x-y, (exemple: Calvi R.,
Paché G., Jarniat P. 2010, Lorsque la fonction achats devient stratégique:
de l’éclairage théorique à la mise en pratique, Revue Française de
Gestion, vol 36, n° 205 juin-juillet, p 119-138.
Les références doivent être citées ainsi dans le corps du texte: Philippart et
al. (2012); Calvi et al. (2010)…
2.Les Enrichissements de dossiers comportent un maximum de deux
pages à 2 800 caractères chacune, espaces compris.
3.Les Thèses professionnelles sont présentées sous forme d’un bref
résumé de 2 à 3 pages de 2 800 caractères maximum par page (en
français et en anglais), espaces compris, mettant en évidence l’importance
ou l’originalité de la thèse. Elles comprennent une photo de haute
résolution de l’auteur, une bibliographie d’une longueur maximum d’un
huitième de page, ou 500 caractères – ces derniers éléments devant être
inclus dans le nombre total de caractères autorisé. Ces dernières sont aussi
choisies selon leur lien avec le thème du dossier
4.Les Thèses académiques récemment soutenues reprennent le format
des thèses professionnelles avec des limites x 2 sur toutes les
dimensions. Il n’y a pas la contrainte du lien avec le thème du dossier.
5.La critique d’ouvrage est écrite sur un maximum de deux pages à 2
800 caractères chacune, espaces compris.
6.Les résumés d’évènements et de travaux des Think Tanks se font sur
un maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espaces
compris n
Hugues Poissonnier et Richard Calvi
NOTE AUX FUTURS CONTRIBUTEURS
DE LA REVUE « EXCELLENCE HA »
Comme dans les numéros précédents voici un court rappel des consignes sur la forme et la quantité des
contributions avec lesquelles nous souhaitons régulièrement alimenter les différentes rubriques de la revue.
Nous comptons sur votre participation active que vous soyez académique ou praticien.
Aucune contribution ne doit comporter des notions de publicité, directe ou indirecte,
pouvant être interprétées comme ayant une vocation commerciale.
Pour toute question ou proposition: contact@excellenceha.com
4/60 Excellence HA n°5
Introduction
L’histoire récente de l’entreprise montre le lien évident qui
existe entre le contexte socio-économique et le mode de fonc-
tionnement stratégique, organisationnel et managérial des
entreprises. D’ailleurs, Cohen et March ont bien dit: « une
organisation est un agrégat de choix à la recherche de
problèmes, de solutions espérant la reconnaissance de
questions, de décisions cherchant comment et de quoi être la
réponse, d’objectifs à la recherche de situations auxquelles
correspondre » [1]. Dans un premier temps, nous analyserons
l’intense changement entre le management dans la société
industrielle et le management dans la société mondialisée de
l’information. En particulier, le passage de l’une à l’autre
oblige à revisiter les métiers, dont celui des achats.
Dans un second temps, nous insisterons sur les phénomènes
clés qui nous semblent caractériser la société qui se fait jour
par le développement des Technologies de l’Information et
de la Communication. Ces phénomènes sont si tranchés par
rapport à la société industrielle dans laquelle nous avons été
éduqués, que nous devons en tirer les enseignements en
termes de management de nos organisations humaines, en
particulier les entreprises.
Aussi, conclurons-nous par une description rapide de trans-
formation des offres des entreprises qui impactent nos
métiers, en particulier les métiers d’interface comme les
commerciaux et les acheteurs.
PROSPECTIVE
DE LA FONCTION ACHAT
dans la société de l’information
Résumé:L’objectif de cet article est de montrer le changement entre le management des achats dans
la société industrielle et le management des achats dans la société mondialisée de l’information. Nous
démontrons ainsi que le passage de l’une à l’autre oblige à revisiter les stratégies, les organisations, les
styles de management, et, finalement, les Hommes, vers une mode de fonctionnement dit « agile ».
Abstract:Thepurposeofthisarticleistoshowthechangebetweenthepurchasemanagementinthe
industrialsocietyandthepurchasemanagementintheglobaliseinformationsociety.Sowe
demonstratethatthetransitionfromonetoanotherrequirestorevisitthestrategies,theorganizations,
thekindofmanagement,andfinally,thePeople,towardsanewwaysocalled“agile”functioning.
JÉRÔME BARRAND
Jérôme Barrand est Docteur en Génie Industriel. Il a mené une triple carrière d’enseignant, de consultant et de
chercheur en prospective et stratégie. Créateur et responsable de l’institut d’Agilité des Organisations au sein de
Grenoble Ecole de Management, il est l’auteur de « Le manager agile », Dunod 2006, qui a reçu le prix Mutations et
Travail en 2007, réédité en 2012, de « L’entreprise agile », collectif, Dunod, 2012, et de « Développer l’agilité dans son
entreprise, avec Jocelyne Deglaine, Editions ESF, 2013, réédité en 2015. Il est également le co-fondateur et président
d’Agil’OA, société qui développe et vend des outils de mesure de l’agilité des Hommes et des Organisations.
Email: jerome.barrand@grenoble-em.com
5/60Excellence HA n°5
l l l
D O S S I E R N ° 1
Achat et entreprise dans la société
industrielle
La « martingale » productiviste des Trente
Glorieuses (1945-75)
Durant cette période d’après guerre, la croissance était
encore très soutenue et trois phénomènes externes sont
venus renforcer la donne:
- Premièrement, le monde ne se réduisait plus au pays. Au
contraire, la mondialisation était en marche (le cycle de vie
du produit, défini par Vernon [2], suggérait d’ailleurs de
conquérir d’abord son marché local avant de s’attaquer au
marché régional, national puis international);
- Deuxièmement, la guerre avait frustré les gens pendant 5
ans et l’appétit de chacun était démultiplié, suscitant le
besoin d’une part et stimulant l’esprit entrepreneurial
d’autre part;
- Troisièmement, la guerre avait fait faire de nombreux
progrès technologiques en peu de temps, ce qui allait
permettre la démultiplication de l’offre et de la concurrence.
Ainsi, dans un contexte économique de reconstruction et de
croissance, dans lequel la fin des restrictions suscite un fort
besoin de consommation, la demande s’est durablement
installée comme très supérieure à l’offre. L’entreprise s’inscrit
dans une logique de consommation de masse (c’est l’ère du
«  techno-push  ») et applique des logiques de volume
devenues opérables grâce à la rationalisation et l’automati-
sation du travail. La conception des produits est basée sur
une définition technique et leurs prix établis par la somme
des coûts de fabrication et de la marge et par la loi du marché
(offre-demande). Pour maximiser la performance, il suffit
alors de réduire les coûts.
Cette réduction des coûts se fait grâce à 2 leviers principaux:
- par l’accroissement des volumes, en particulier via l’au-
tomatisation. C’est la règle des économies d’échelle ou de
la courbe dite d’expérience qui domine. En moyenne, tous
secteurs confondus, à chaque fois qu’on double les volumes,
on baisse le coût unitaire de fabrication de 25 %. Dans
certains cas cela signifie qu’à chaque doublement des
volumes cumulés, on peut aller jusqu’à tripler la
rentabilité!
- par la maîtrise des coûts des matières premières et, plus
généralement, par la performance de la fonction « achats ».
Les achats sont donc un mal nécessaire. Il existe alors deux
manières de maximiser la performance de cette fonction:
soit on intègre verticalement pour n’avoir que des coûts de
cession interne, mais dans ce cas on risque d’augmenter les
batailles intestines déjà importantes dans une organisation
cloisonnée, soit on entre dans des négociations sévères, de
type gagnant-perdant, avec ses fournisseurs. Dans ce
dernier cas, les acteurs les plus importants gagnent face
aux fournisseurs plus petits. De même, les acteurs ayant la
meilleure planification ont un pouvoir non négligeable car
la remise en cause des prévisions peut s’avérer très
coûteuse. Lors de la renégociation de volumes supplémen-
taires, par exemple, le fournisseur ayant subi une forte
pression peut avoir tendance à se « venger » car tout d’un
coup le rapport de force s’inverse, le client ayant un besoin
urgent de corriger son erreur d’anticipation.
Une culture de la procédure se met en place, qui sous-tend un
modèle managérial basé sur l’obéissance dans l’exécution de
tâches. Dans un tel contexte, il n’est pas demandé à l’acheteur
d’avoir une valeur ajoutée mais seulement d’être un
« prédateur » : l’acheteur se doit de tirer les coûts vers le bas
lors de négociations très dures s’appuyant sur des arguments
très matérialistes du type « quantité » ou « prix », sans tenir
compte ni des externalités (positives ou négatives) ni des
relations. Cette place, ne nécessitant pas de compétences
autresqueleculotetuncertainmanqued’étatd’âme,n’estpas
considérée avec noblesse. On y trouve donc souvent des
acteurs rationnels et froids ou des personnes dont on ne sait
plus quoi faire et qui ne sont pas forcément très diplômés. Ce
placard va permettre en effet à certains de montrer ce dont ils
sont capables. Ils vivent ce poste à la fois comme une
dégradation et comme une seconde chance. Mais pour cela ils
vont devoir aller très loin dans la logique dominant-dominé,
ce qui va durablement influencer l’image de ce métier.
Les « Vingt Périlleuses » et l’inversion des
rapports de force entre clients et fournisseurs
(1975-95)
Dès le début de cette période, qui débute en France
seulement cinq ans après mai 68, une crise forte est apparue:
c’est la crise du pétrole de 1973. Cette crise est à la fois
une crise de régulation économique et une crise d’amplifica-
tion des phénomènes internationaux, tant politiques
qu’économiques.
6/60 Excellence HA n°5
Les secousses de cette crise économique marquent la fin des
années 70 et 80, par l’effet persistant et conjoint des chocs
pétroliers et de l’inflation [3]. C’est la crise du mode d’accu-
mulation basée sur les gains de productivité des industries
mécaniques, conséquence de l’incapacité des industries à
compenser les coûts du travail et de la concentration indus-
trielle par les gains de productivité. Le changement de
modèle économique dans les pays occidentaux, en partie mis
en œuvre par la dérégulation, renforce la concurrence et
donc la nécessaire compétitivité des entreprises. L’inversion
de rapport entre l’offre et la demande exige une nouvelle
logique de production. La technologie permet d’introduire de
la flexibilité et de la souplesse dans la production (en
particulier grâce aux machines à commande numérique ou
aux principes de la différenciation retardée)1
, vecteurs
principaux de la diversité demandée. Artificiellement, pour
compenser la saturation apparente des marchés domestiques
et pour prétendre à la création de valeur par le développe-
ment de nouvelles technologies, le cycle de vie des produits
est raccourci sans cesse et le client poussé à demander des
produits toujours plus sophistiqués.
Au levier des volumes vient s’ajouter le levier de la différen-
ciation (4). Le facteur clé de succès ne repose donc plus
seulement sur le prix mais aussi sur l’innovation, la vitesse
d’adaptation, la souplesse dans la production… L’entreprise
ne peut plus se permettre de tout faire et elle utilise de plus
en plus le levier du faire faire assorti d’analyses de risques,
ce qui pousse à un choix plus intelligent de fournisseurs.
Un bon fournisseur n’est donc plus seulement un acteur qui
baisse les prix et se soumet à la loi du client, c’est aussi un
acteur adaptable, raisonnant à court terme; c’est même de
plus en plus un complice, un partenaire. Les achats vont
progressivement représenter plus de 50 % du chiffre
d’affaires, et l’acheteur, par conséquent, va prendre qualita-
tivement de l’importance. C’est le début de la reconnaissance
véritable de ce métier, qui va du coup recruter des personnes
de plus haut niveau et de véritables spécialistes.
En effet, la fonction achat est de plus en plus reconnue
comme étant stratégique, car non seulement elle continue à
permettre la maîtrise des coûts mais, en plus, elle contribue
largement au maintien de la marge. L’acheteur est toujours
un « cost killer », mais il devient également un sécurisateur
des approvisionnements et un contributeur à la qualité, voire
des innovations. En effet, sa relation privilégiée avec les four-
nisseurs peut permettre un approfondissement technique et
une créativité organisationnelle qui va placer la fonction
achat parmi les contributeurs à l’innovation dans l’entreprise.
Les achats vont même devenir, durant cette période, le
premier contributeur à l’innovation dans l’entreprise. Le
marketing achat va apparaître, autant dans le but de repérer,
sélectionner et faire vivre un portefeuille de fournisseurs
fidèles que dans celui de se faire remarquer par les meilleurs
fournisseurs.
Pour autant, la logique de maîtrise des coûts demeure. Ce
cumul de logiques (volume, valeur) va contribuer à révolu-
tionner ce métier, à le rajeunir (dans ces approches et dans
son recrutement) et à améliorer son image.
Les achats dans la société informationnelle ou
digitale:
François Caron, historien de l’économie, dans une interview
pour le Nouvel Economiste2
, dit: «  ce qu’on appelle la
révolution industrielle, ce n’est pas simplement le développe-
ment d’une technologie de plus, c’est un bouleversement
fondamental dans notre manière de produire et de
consommer ». La révolution industrielle est donc un de ces
moments où l’Homme est capable, dans un délai assez bref,
de transformer radicalement la société à partir d’une
technologie qui permettait à la fois une démultiplication de
volume de production et un accroissement de la communi-
cation par le raccourcissement des distances. Les technolo-
gies de l’information et de la communication (TIC)
s’inscrivent définitivement dans ce schéma, tout comme la
machine à vapeur ou l’électricité avant elle. François Caron
explique clairement que les caractéristiques de ces
révolutions sont toujours les mêmes:
- Émergence lente et progressive d’une technologie;
- Explosion de starts up;
- Créativité et innovations financières pour soutenir cette
nouvelle technologie;
- Sentiment de vivre une révolution radicale lorsque tout
d’un coup la demande s’accélère de façon vertigineuse;
1 Principe notamment utilisé par Swatch qui permet de travailler en grande série sur des composants communs entre toutes les montres
produites jusqu’à ce que les lignes de production se séparent pour permettre la production des composants spécifiques, les derniers à être
montés (cadrans, aiguilles, bracelets)
2 Entretien mené par Sandrine Delanglade en avril 2001 dans un numéro spécial du Nouvel Economiste.
7/60Excellence HA n°5
l l l
D O S S I E R N ° 1
- Impression que la technologie va apporter confort,
ouverture et finalement prospérité, en particulier en
répondant à de nouveaux besoins sociaux, ceux-ci venant
répondre à la fin des besoins sociaux précédents (quand
l’Homme est satisfait et repus, il est immédiatement en
quête d’autre chose!) ;
-…
Ces différentes caractéristiques affectent notre société
depuis une quinzaine d’années, au point que certains
l’appellent « la société de la connaissance à l’ère de la vie
numérique » [5].
Dans nos entreprises, on a ainsi vu l’émergence de nouveaux
modèles managériaux, notamment du fait de l’apparition des
technologies de l’information qui impactent nos modes de
communication, nos modes de travail et nos modes de
mémorisation ou de partage. De nouvelles opportunités
apparaissent. La suppression d’étapes de travail désormais
effectuées informatiquement raccourcit les processus et
augmente la flexibilité grâce à la réduction induite des
délais. La disponibilité de l’information permet une meilleure
maîtrise de l’environnement et favorise ainsi la réactivité. La
logique de vente de simples «  produits physiques  » se
transforme en vente d’un composé «  produit physique
+ services + formation + information + image + relation »
dont le principal vecteur de production est le système d’in-
formation. Rapidement, la création de valeur par les
systèmes d’information et les télécommunications devient
réelle. Si l’offre des entreprises est profondément modifiée,
le métier des achats est, quant à lui, totalement transformé.
Non seulement ils restent maîtres des coûts et créateurs de
valeur, mais, en plus, ils deviennent intrapreneurs, prospec-
tivistes, créatifs, performants en géopolitique ou intelligence
économique… L’acheteur n’est plus un simple acheteur mais
il devient justement un manager des ressources externes. Il
tisse un réseau de partenaires avec qui il entretient une
relation de qualité et, du fait des TIOC, dans une vitesse de
transaction jamais atteinte jusque-là. Les critères de
performance le concernant ne sont plus du tout les mêmes.
Les femmes et les hommes qui occupent cette fonction ne
peuvent non plus être les mêmes. Ils sont ouverts, stratèges,
douées de qualités relationnelles exceptionnelles et, surtout,
ils comprennent que l’entreprise d’aujourd’hui n’est plus la
même que celle d’hier car des phénomènes très forts
impactent notre société et les organisations qui y vivent.
Prospective de la fonction
dans la société industrielle
Les 5 phénomènes caractérisant la société de
l’information
Finalement, il nous faut admettre la véritable nature du
changement sociétal que nous vivons: c’est une révolution!
Pire, ou mieux encore, c’est une révolution comme l’humanité
n’en a encore jamais vécu. Cette révolution s’exprime par
l’adoption d’un nouveau modèle économique s’appuyant sur
de nouveaux rapports à l’espace, au temps et à l’autre; le
concept de développement durable tend d’ailleurs à rendre
compte de ces nouveaux rapports, même si cela reste encore
laborieux.
Nous disposons aujourd’hui d’une capacité unique à nous
déplacer ou à déplacer les biens économiques. Il y a un
siècle, un pays était un village distant de quelques kilomètres
d’un autre village. Il y a 30 ans, avant la construction de
grands blocs économiques comme la Communauté
Européenne, un pays était une nation partageant langue et
culture. Demain la notion même de pays aura-t-elle encore
un sens? On parle en effet de mondialisation, dans une
acception purement économique, oubliant qu’elle est plutôt
le reflet d’une situation révolutionnaire: nous sommes tous
amenés, d’abord et avant tout, à devenir des citoyens du
monde!
Notre approche du temps a été également radicalement
transformée durant cette même période. Il y a encore un
siècle, le temps de vie était presque exclusivement un temps
de travail. Il est aujourd’hui majoritairement un temps de
loisir. Il faut donc admettre que la valeur structurante de la
société est passée du travail à autre chose, le bien être par
exemple. Le temps est donc plus rapide, grâce aux technolo-
gies de l’information, qui permettent de communiquer dans
l’instant avec chacun à l’autre bout du monde, ou d’accéder
en une seconde à n’importe quelle information. Cela limite
d’ailleurs les possibilités de manipulation de cette dernière.
Mais le temps est également plus lent, au sens où chacun
souhaite de plus en plus prendre le temps: le temps de voir
grandir ses enfants, le temps d’apprendre le monde (le
temps culturel), le temps de prendre du temps c’est-à-dire
le temps des loisirs,… Bref, il n’existe plus un temps mais
des temps3
!
3 Les villes se dotent aujourd’hui de « bureaux du temps » pour gérer la multiplicité des « temps sociaux » !
8/60 Excellence HA n°5
Enfin, les rapports humains ne peuvent plus être les mêmes.
Chacun exprime de nouvelles exigences. Ces changements
de rapport à l’espace et au temps ont en effet permis la
démultiplication des perceptions, donc la démultiplication
des modes de fonctionnement individuels.
La société, comme l’entreprise qui en est son exact reflet, doit
permettre à chacun de s’épanouir dans ce nouveau contexte.
Pour ce faire, elle doit laisser libre cours aux initiatives et
soutenir cette transformation qui l’influencera fatalement.
Dans cette transformation radicale, nous retenons 5
phénomènes qui vont façonner, selon nous, la vie des
entreprises dans le futur: le contexte de finitude, la montée
de la complexité, la montée de l’interdépendance, la montée
de l’incertitude et la montée de l’individualité:
- le contexte de finitude, qui est le constat que les marchés
ne peuvent plus croître et que les ressources ne sont pas
infinies. C’est aussi le constat que la richesse maximum
n’est plus le sens de notre société et que des valeurs plus
qualitatives s’imposent. Ainsi sommes-nous poussés vers
des logiques d’optimum et de partage plutôt que vers des
logiques matérialistes de maximum et de possession;
- la montée de la complexité, qui pousse les Hommes à
s’organiser à l’intérieur d’entités à échelle humaine pour
réduire cette complexité et à coopérer davantage entre ces
petites unités opérationnelles;
- la montée de l’individualité, qui plaide pour une reconnais-
sance de la capacité de l’individu à penser et à agir, donc à
avoir son libre arbitre et ses exigences, qu’il soit placé dans
une posture de consommateur sur un marché ou de
producteur dans une organisation; la montée de l’incerti-
tude, qui impose naturellement la nécessité d’anticiper pour
améliorer encore nos capacités de réaction. En effet, nous
postulons qu’anticiper les scénarios du futur permet de s’y
préparer et de réagir plus vite le moment venu; la montée
de l’interdépendance, qui sous-tend le principe de partage
du pouvoir tant à l’intérieur d’une organisation qu’entre les
acteurs de l’économie d’un secteur par exemple.
De fait, nos économies s’épuisent et le modèle industriel basé
sur la croissance du volume de biens matériels atteint ses
limites malgré toutes les recettes palliatives que nous avons
mises en place: emplois aidés, délocalisations, secteurs
subventionnés, innovations inutiles…
De plus, la croissance du secteur dit immatériel ne tient pas
toutes ses promesses tout simplement parce que, par essence
même, la dématérialisation et la puissance informatique
permettent de traiter d’énormes volumes de transaction sans
créer autant d’emplois que dans le domaine du tangible. On
a beau soutenir l’entrepreneuriat de l’immatériel, il ne peut
pourvoir des emplois en proportion des efforts consentis.
À cela s’ajoutent des contraintes écologiques fortes:
épuisement des ressources et donc augmentation du prix des
matières premières, pollution lors des transports des
produits à travers le monde, gestion des déchets…
Bref, nous dépensons toujours plus et pourtant la croissance
et l’emploi ne sont pas au rendez-vous. Soit on attend une
embellie et on adopte une posture de fatalisme, soit on essaie
de mettre en place une politique industrielle volontariste,
qui peut placer la France, comme elle l’a longtemps été, en
position d’innovateur au service d’une économie performante
et écologique. Tel est notre pari ci-dessous.
La théorie de l’iceberg pour comprendre les
achats d’aujourd’hui et de demain
Force donc est de constater l’amorce d’un phénomène qui
nous paraît inéluctable, et qui, si on n’y prend pas garde, sera
la source des échecs ou des succès de demain. Ce
phénomène, nous le représentons avec ce que nous appelons
la théorie de l’iceberg.
Dans un iceberg, 10 % de la glace émergent tandis que 90 %
restent immergés sous l’eau. Symboliquement, nous
considérons la partie émergée comme représentant la
société matérialiste de consommation et d’accumulation de
biens tangibles.
A contrario, la partie immergée représente la société
humaniste et une consommation de biens intangibles. Nous
vivons, avec l’émergence de la société de l’information et la
prise de conscience de la finitude, une époque très partic-
ulière où les consommateurs ne veulent plus seulement
posséder un maximum de biens tangibles, mais plutôt
consommer des usages tout en respectant des valeurs fortes,
dont la principale est le respect du système dans lequel ils
vivent. D’une société à dominante bleue de fabrication basée
sur un modèle économique de volume, nous sommes en train
de basculer dans une société à dominante rouge de partage
d’émotions. C’est pourquoi on parle de plus en plus d’expéri-
ence client plutôt que de produit.
9/60Excellence HA n°5
l l l
D O S S I E R N ° 1
Aussi pensons-nous que notre économie bascule vers une
production de produits de bonne qualité à longue durée de
vie plutôt que de s’arc-bouter sur le principe de l’obsoles-
cence programmée. Cela signifie investir dans la conception
et le design. Cette production de qualité serait ensuite
relocalisée en France. Elle générerait des prix un peu plus
élevés, mais qui seraient compensés par une augmentation
des volumes en augmentant la part de marché des
producteurs français. On diminuerait également les coûts de
transport et on réduirait l’empreinte écologique nationale.
Cette logique de longue durée de vie générerait surtout de
l’emploi local, donc une redynamisation de tout le cycle
économique (emploi s consommation s rentrées fiscales…
). En effet, en cas de panne, on ne jetterait plus le produit, on
le ferait réparer par un artisan ou en employé de SAV local.
En cas de lassitude, on ne jetterait toujours pas le produit car
il serait réparable (par le fournisseur ou par nous-mêmes),
redesignable (changer la couleur par exemple) et upgradable
(intégrer des technologies nouvelles) ou recyclable et
revendable. Toutes ces prestations seraient traitées par des
emplois locaux, minimisant le chômage, diminuant les
pollutions, bref améliorant l’économie et l’écologie. Les
systèmes d’information faciliteront la gestion de ce modèle
industriel et la révolution de l’imprimante 3D contribuera
également largement à cette transformation.
Mais il faudra aussi changer les modèles de business des
entreprises et imaginer de louer plutôt que de vendre nos
produits. Le consommateur devra lui aussi muter en
développant sa conscience écologique et sa logique de
propriété vers une logique d’usage. Le gouvernement
contribuera en déplaçant les aides et incitations vers les
entreprises entrant dans ce nouveau modèle en espérant un
impact sur l’emploi et la croissance bien supérieur. En tout
cas aura-t-on essayé quelque chose de nouveau qui ira enfin
dans le sens du progrès et non dans celui de la conservation
d’un système qui ne marche plus et n’est pas prêt de
fonctionner à nouveau.
L’entreprise qui porte cette offre se doit d’être plus adaptable
etplusflexible,etd’évoluerbeaucoupplusvitequ’hier.Sil’en-
treprise des années 60 peut être considérée comme un bloc
unique, hiérarchique et centralisé, l’entreprise d’aujourd’hui
ressemblerait plutôt à un ensemble de petites unités
appartenant ou non juridiquement à la même société:
10 % émergé = tangible
Société matérialiste
Rationalité / Méthode
90 % immergé = intangible
Société humaniste
Emotion / Spontanéité
10/60 Excellence HA n°5
ces différentes unités partagent des choses, des valeurs, des
processus, ce qui permet à chacune d’évoluer dans la même
direction. Elles sont très interconnectées entre elles et
communiquent très rapidement. Cela signifie que si l’une
capte un changement de l’environnement, le signal est
directement renvoyé aux autres unités. Toutes peuvent
changer de direction de manière quasi instantanée. L’entre-
prise dispose pour se faire des outils informatiques, pour la
gestion interne et pour les relations avec les clients et les
autres acteurs de l’environnement. Cela permet essentielle-
ment la rapidité d’action, qui constitue l’enjeu d’aujourd’hui:
cette entreprise est dite « agile ». Elle propose une solution
globale, au prix d’une offre standard mais avec un haut
niveau de différenciation, incluant service et information.
Pour réussir ce pari, elle ne peut plus répondre seule.
L’équipe qui va répondre est une équipe mixte, pluri-fonc-
tionnelle, interne et externe à l’entreprise. L’entreprise peut
ainsi répondre à la demande non seulement en coopérant
avec des experts ou des sous-traitants mais également avec
un concurrent ou avec un fournisseur. L’alliance se fera au
sein d’une équipe projet ou d’une entreprise commune et
sera régie par une convention modifiable dès qu’un acteur
de l’alliance en ressentira le besoin.
L’entreprise agile est donc constituée d’unités à taille
humaine dotées d’une culture d’agilité et orientées vers une
finalité commune claire:
- l’entreprise mondiale doit donc se décomposer en unités
opérationnelles très proches du client, reconfigurables en
permanence et donc dotées de processus d’adaptation
organisationnelle très rapides (métaphore du banc de
poissons). Ces unités opérationnelles sont des capteurs
sensibles de l’environnement et sont capables de
changements organisationnels rapides grâce aux structures
de back-office en soutien. Celles-ci les libèrent des
problèmes financiers, ont des systèmes informatiques très
performants, apportent des ressources, et réalisent un
accompagnement psychologique, juridique ou encore
conceptuel. Elles mettent à leur disposition des systèmes
de partage, de capitalisation de l’information et de décen-
tralisation de la prise de décision;
- la PME-PMI, quant à elle, adopte les mêmes principes de
reconfigurabilité organisationnelle. Elle colle au client,
développe son écoute de l’environnement et noue un grand
nombre d’accords (convention) avec un grand nombre
d’acteurs autour d’elle pour l’aider à répondre aux menaces
qui l’entourent et pour co-développer sans cesse de
nouvelles solutions.
La fonction achat dans cette nouvelle société
Nous avons vu que notre société vit des changements
structurels forts et ne peut continuer à fonctionner sur les
seuls principes établis depuis la 1ère révolution industrielle
et portés depuis par ce qu’on appelle couramment le
taylorisme.
La performance immédiate quantitative plie devant la
performance pérenne qualitative et quantitative. Les
logiques de maximum (de taille, de CA, de rentabilité) ne
peuvent que progressivement disparaître au profit de
logiques d’optimum (multi critères et multi acteurs). La quête
de la richesse et du pouvoir laisse la place à une quête de
satisfaction et de sens. L’individualisme cède face à la
montée de l’altruisme. Plus que la technologie, l’Homme
devient la vraie source de création de valeur dans notre
société devenue relationnelle. Telles sont les tendances qui
vont permettre la pérennité des organisations face à la
turbulence. Telles sont les bases fondatrices d’un
management agile.
L’agilité est ainsi une perpétuelle recherche d’équilibre entre
une dimension active (faire et prouver que l’on sait faire),
une dimension réactive (être opportuniste face aux
changements observés pour fidéliser) et une dimension
proactive (création de valeur). Il faut savoir reconnaître dans
l’instant chaque situation et adopter spontanément le bon
fonctionnement. L’agilité ne saurait donc être un état stable
et définitif, mais une propension, une aptitude, un cadre
général à maintenir et alimenter constamment. L’agilité est
donc un modèle stratégique et comportemental.
Toutes les fonctions sont ainsi impactées, en particulier les
fonctions d’interface comme la fonction commerciale et la
fonction achat, qui, nous semble-t-il, sont les fonctions clés
de demain. En effet, dans cette nouvelle société, plus
personne ne pouvant assumer toutes les facettes de cette
offre globale agile ni ne pouvant contrôler tous les liens
entre les acteurs du système, les fonctions d’interface
deviennent clé. Ainsi, par exemple, les achats sont à
l’interface entre les fonctions internes de RD et production
et l’ensemble des acteurs amont avec qui l’entreprise est
11/60Excellence HA n°5
D O S S I E R N ° 1
obligée de travailler dorénavant. Certains vont même jusqu’à
dire que le métier d’interface est un seul et même métier et
que la vitesse d’exécution vers laquelle nous allons contraint
les entreprises à regrouper le métier des achats et de la
vente.
L’acheteur cumule désormais les objectifs de réduction de
coût, d’augmentation de valeur, d’innovation et de qualité
relationnelle tout en tenant compte des mutations sociétales.
Il se doit de connecter le client final avec le fournisseur le
plus amont tout en fédérant tous les acteurs intermédiaires.
Il est le garant du sens et du partage entre tous et, grâce à
cela, de la vitesse d’exécution de l’entreprise. Il stimule la
transformation de l’entreprise et mobilise autour de projets
de développement. Doué de compétences techniques, il met
également en œuvre des compétences comportementales
d’exception et fonctionne avec une pleine conscience
systémique. Mutant, complet et intelligent (au sens
étymologique c’est-à-dire capable de faire des liens de toutes
natures), il devient un personnage clé, agile, dans l’entre-
prise.
Mais ne nous leurrons pas: si l’acheteur est en pleine trans-
formation, l’entreprise aussi. Cette mutation ne se fera
malheureusement ni très vite ni sans une prise de conscience
généralisée et donc une mutation de toutes les fonctions de
l’entreprise, car un acteur seul ne peut changer tout le
système.
Conclusion
L’histoire de l’entreprise n’est pas une simple succession de modèles
qui s’ignorent. De même que la société se façonne à coups d’évolutions
et de révolutions sans pour autant faire disparaître les acquis du passé,
les entreprises se construisent par couches successives. L’agilité ne
vient donc pas en substitution aux modèles préexistants: elle ne renie
pas l’efficacité de la logique d’expérience (économies d’échelle) non
plus que les modèles managériaux qui permettent la flexibilité ou
encore les principes qui portent l’innovation. Elle s’impose dès lors,
non pas comme un nouveau modèle entrepreneurial, mais plutôt
comme un ensemble de principes basiques de comportements qui
permettront de réconcilier ces modèles entre eux alors qu’on les a
toujours décrits comme antinomiques. Ces comportements sont faits
d’anticipation, de coopération et d’innovation. L’acheteur est un
personnage clé de cette transformation et sera sans doute parmi les
premiers à adopter ces nouveaux comportements. Son métier
désormais d’interface lui permettra donc d’être un diffuseur de ces
comportements. Mais qu’il prenne garde à bien analyser le sens de ces
mots. Si l’anticipation était hier synonyme de prévision ou planification,
elle est aujourd’hui davantage une question de maîtrise des
conséquences. De même, si la coopération n’était qu’une question de
coordination de tâches, elle est désormais davantage une question de
sens commun et de partage de satisfaction (critères tangibles et
intangibles). Enfin, et pour conclure, si l’innovation a été longtemps
une question dogmatique, avec ses tenants de l’amélioration et ceux
de la rupture, elle est aujourd’hui essentiellement une question
d’ouverture au mouvement pertinent, c’est-à-dire une capacité à
changer collectivement juste ce qu’il faut quand il le faut, pas plus et
pas moins. n
Bibliographie
[1] MD. Cohen et RW. March (1972), “A
garbage can model of organizational choice”,
Administrative Science Quarterly, mars 1972,
vol.17, issue 1.
[2] R.Vernon (1966) « International investment
and international trade in the product cycle »,
Quaterly Journal of Economics.
[3] Y.Carsadale (1998)  « Les grandes étapes
de l’histoire économique », Ellipses-Les cours
de l’Ecole Polytechnique, Paris.
[4] Michael Porter, « Competitive Strategy.
Techniques for Analysing Industries and
Competitors », Free Press, 1980.
[5] « La société de la connaissance à l’ère de
la vie numérique » (2007), Colloque du 10ème
anniversaire du Groupe des Ecoles de Télé-
communication, 29 juin 2007, Paris.
12/60 Excellence HA n°5
LE POINT DE VUE D’UN PRATICIEN
SUR L’ARTICLE:
L'agilité dans les achats
TONY BOCOCK
Anglais, habitant en France depuis 25 ans. Ingénieur, Cambridge, 1980. Salarié chez Schlumberger, Valeo, Plastic Omnium,
Solving. Création cabinet de conseil Better Buying Concepts en 2003. 2015 : conseil aux entreprises dans l'amélioration de la
performance achats, intégrant notamment l’externalisation, les centres de services partagés et la prise en compte des impacts
de la révolution numérique.
email : tbocock@betterbuyingconcepts.com
Résumé
L'agilité d'une entreprise contribue à ses
résultats par le développement de sa capacité à
s'adapter à un environnement en constante
évolution. Un niveau faible d'agilité mène à des
performances moindres et peut conduire à la
faillite. La fonction achat contribue fortement à
l'agilité d'une entreprise car elle est un des
principaux canaux d'observation des marchés et
des ressources externes à l'entreprise. Le rôle
conventionnellement attribué aux achats n'a pas
permis l'expression d'un potentiel d'agilité. Ce
papier explore l'état des lieux et cherche les
voies de développement de fonctions achats
agiles qui apportent une contribution renforcée
et dynamique à la performance des entreprises.
Abstract
Theagilityofafirmisakeyfactorofits
profitabilitythroughitscapacitytoadaptwithina
continuallychangingbusinessenvironment.Poor
agilitywillresultininferiorresultsandmayeven
leadtofailure.Thepurchasingfunctioncan
contributesignificantlytoafirm'sagilitymainly
sinceitconstitutesaprivilegedobservationpoint
onmarketsandexternalresources.Therole
conventionallyassignedtopurchasinghasnot
required,norfacilitated,expressionofpotential
agility.Thispaperexploresthecurrentsituation
offirmsandtheirbuyersandlooksatpossible
axesforthedevelopmentofmoreagile
purchasingfunctionsthatcouldcontributemore
stronglyanddynamicallytocompany
performance.
Introduction.
Les dinosaures n'étaient pas agiles, ils ont disparu. Le
cheval, descendant de l'hyracotherium, est toujours là,
ayant fait preuve de son agilité par une transformation
pour tripler de taille.
Les comparaisons dans le monde de l'entreprise sont
nombreuses :
Agile Pas agile
Fuji Kodak
Samsung Nokia
et sans aller jusqu'à la disparition:
Renault-Nissan Peugeot-Citroën
Ces résultats sont les conséquences de la stratégie des
entreprises, pas d'une fonction particulière et a priori pas
des achats! Une fonction achat peu agile ne fait pas une
entreprise peu agile; mais il sera difficile pour une fonction
achat d'être agile dans une entreprise qui ne l'est pas.
Une entreprise agile sollicite sa direction achats sur
plusieurs angles, car cette fonction est le canal vers les
ressources externes qui offrent innovation, diversité,
flexibilité, et in fine une capacité à décupler sa propre
agilité. Le concept de l'entreprise étendue est un de ces
angles, donnant lieu à un réseau de contributeurs agissant
en harmonie pour le bénéfice de l'entreprise de tête.
13/60Excellence HA n°5
D O S S I E R N ° 1
1 LARGE (Ligue des Anciens Rugbymen des Grandes Ecoles) ww.large-rugby-management.com
2 Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen; Changer de modèle – de nouvelles idées pour une nouvelle croissance.
Odile Jacob, 2014.
Pour démontrer la versatilité de l'agilité, je vous propose
un regard vers le monde sportif.
Le rugby a su préserver ses valeurs fondamentales de
respect, soutien, esprit d'équipe… tout en adaptant les
règles chaque année pour mieux favoriser le développe-
ment du jeu et d'introduire les nouvelles technologies
(arbitrage vidéo…) Travaux de l'association LARGE 1
Le football a perdu l'essentiel des valeurs - on peut citer
le scandale de la FIFA et sur le terrain le manque de
respect des arbitres.
Cet article explore les composantes de l'agilité
pertinentes pour une direction achats qui contribue à sa
pleine mesure aux évolutions de son entreprise dans un
monde qui change de plus en plus rapidement.
On examinera deux facettes de l'agilité de la fonction
achat :
1. L'accompagnement des innovations nées dans
l'entreprise
2. La détection et la découverte d'innovations nées à
l'extérieur de l'entreprise
Peut-on décrire l'agilité?
On a exploré le concept de maturité, qui fournit un
chemin de progrès pour une organisation. Ce chemin se
dessine souvent par une démarche et des étapes ou
niveaux de maturité. On cherche l'amélioration continue
et enfin l'excellence.
L'agilité est proposée comme une mesure de la rapidité de
réaction, du temps nécessaire pour l'organisation de
s'adapter. Parfois les organisations ne s'adaptent pas… elles
n'en sont pas capables. Le cas Kodak est souvent mentionné,
mais la plupart du temps le manque d'agilité est moins
flagrant. L'agilité peut être vue comme une capacité à
changer – et les organisations offrent une résistance plus
ou moins forte au changement. C'est humain.
L'agilité est inhumaine ? Non. Bien au contraire – une
organisation agile s'adapte mieux aux changements qui
arrivent et les personnes travaillant dans l'organisation
sont plus heureuses car en meilleure adéquation avec
leur temps. Cette adaptation est d'autant plus nécessaire
aujourd'hui car la vitesse de changement s'accélère. On a
l'impression que les poteaux bougent presque tous les
jours.
L'agilité est donc un ensemble de caractéristiques qui
définit une capacité à évoluer, s'adapter rapidement ; et
surtout plus rapidement que ses concurrents. Nous allons
développer la contribution de la fonction achat à cette
agilité : dans son propre fonctionnement et dans son rôle
dans l'entreprise.
Il est intéressant de considérer les manques d'agilité des
sociétés citées selon ces capacités. Pour Kodak et Nokia il
s'agit d'un déficit d'innovation et d'anticipation. Pour
Peugeot c'est la culture de changement organisationnel qui
a manqué. On peut aussi dire que celles qui n'ont pas réussi
n'ont pas ajusté leur stratégie par rapport à un environ-
nement qui a évolué. Pour le cas Kodak il paraît évident que
l'entreprise n'a pas intégré, n'a pas cru dans une nouvelle
technologie venant d'ailleurs. Ce point est important.
La réussite des entreprises a toujours
bénéficié de l'agilité, mais aujourd'hui
cela devient une obligation
Deux phénomènes en particulier ont impacté récemment
les entreprises et la fonction achat de façon marquée :
•La mondialisation
•Le numérique
La mondialisation a fait naître les achats dits low cost.
Le sourcing en Asie a été un levier de compétitivité
puissant pour les entreprises plus agiles qui ont su
adapter leur stratégie d'achats. Ils ont mis en place une
stratégie de sourcing innovante avant les autres et ils y
ont gagné un avantage compétitif. Cet axe de productivité
concerne au départ, dès les années 90 pour les early
adopters, surtout les produits manufacturés en Chine et
les textiles en Asie du Sud.
Une analyse de la performance économique de la France
Changer de modèle, 2014, par Philippe Aghion et al2
constate que la France a peu bénéficié de la mondialisa-
tion dans la mesure où son taux d'extraversion moyen n'a
pas augmenté aussi vite que dans d'autres états ces 20
dernières années :
Agile Pas agile
Rugby Football
14/60 Excellence HA n°5
Pour améliorer cet indicateur un état doit importer plus
et exporter plus. Les principes de l'avantage comparatif
de Ricardo restent valables. On peut aussi parler d'une
agilité moindre car les échanges internationaux n'ont pas
progressé beaucoup.
La France a peu progressé sur cet indicateur ; ce qui veut
dire qu'elle na pas su saisir l'opportunité de la mondiali-
sation. L'économie française serait moins agile que celle
d'autres états ? Les entreprises françaises peuvent donc
encore développer leurs stratégies à l'international et
leurs acheteurs ont un rôle important à jouer – s'ils
démontrent plus d'agilité.
Cette opportunité peut aussi être considérée comme une
innovation, qu'il fallait détecter, évaluer, intégrer. Le plus
rapidement possible - pour en créer un avantage concur-
rentiel. Il revient bien à la fonction Achat de détecter et
évaluer ces phénomènes.
L'axe numérique et la révolution technologique en cours
concernent surtout les services et les achats intangibles
et les processus de fonctionnement internes. Le
développement de l'externalisation (ITO et BPO) a été
largement facilité par la possibilité de réaliser des
prestations à distance (programmation informatique,
gestion de transactions…). Les entreprises ayant eu
recours à l'externalisation offshore ont pu accéder à
des coûts de main d'œuvre nettement inférieurs et ont
amélioré leur compétitivité. Certains diront que l'exter-
nalisation n'a pas toujours été bénéfique – les
entreprises les plus agiles ont dû réussir mieux que
d'autres.
L'axe numérique continue à évoluer et permet désormais
l'automatisation de processus manuels jusqu'alors
réalisés par des personnes qualifiées, comptables par
exemple. Les Centres de Services Partagés (choix organi-
sationnel préféré à l'externalisation pour beaucoup d'en-
treprises françaises) vont pouvoir mettre en œuvre ces
solutions pour s'approcher des niveaux de performance
et de coût des prestataires externes, notamment en BPO.
La mise en œuvre de ces solutions technologiques
conduira à des effectifs en nette baisse, ce qui est bon
pour la productivité mais moins bon pour l'emploi. Une
gestion agile des conséquences sociétales facilitera l'ac-
ceptation de ces processus dématérialisés et nettement
plus efficaces.
Le rôle des achats sera dans l'identification et le sourcing
des solutions technologiques permettant de bénéficier de
cette révolution numérique. Si on compare la capacité
d'innovation interne (que les achats doivent
accompagner) à la capacité, et à l'intensité, d'innovations
externes à l'entreprise on arrive aisément à la conclusion
qu'il faut surtout être en mesure de détecter les innom-
brables innovations venant d'ailleurs, sur le marché.
C'est une capacité clé de la fonction achat. Ensuite c'est
3 CGI, IRIMA, Better Buying Concepts
15/60Excellence HA n°5
l l l
R U B R I Q U E ?
l'agilité de l'entreprise qui permettra d'intégrer ces
innovations – proposées par l'acheteur - en temps utile.
On retrouve une des conclusions de l'article dans l'Excel-
lence HA n°1 : … cet acheteur là n'est pas le même
animal. On fait référence à une enquête menée en 2012
sur La maturité des fonctions Achats dans le pilotage de
l’entreprise étendue3
dans laquelle on suggère le profil
de l'acheteur capable de piloter l'entreprise étendue (une
facette essentielle de l'agilité) : dotés d’une solide
formation économique, ce sont bien plus des community
managers de haut vol que des négociateurs de prix.
La conjugaison des activités d'une
direction achat avec l'agilité
La fonction doit apporter plus que de simples réductions
de coût. Une véritable performance achat ne peut se
résumer à cela ; une fonction agile encore moins. Le sujet
est développé en 3 rubriques ou sphères d'activité :
1. La routine, les contributions basiques sur les actions
qui sont couramment confiées aux achats
2. Une première extension au-delà de ce périmètre
3. Une deuxième extension vers le plein potentiel d'une
direction achat agile et sa contribution à l'entreprise
1.L'agilité de base
La gestion des panels fournisseurs doit être dynamique,
surtout dans les catégories de dépense sujettes à l'impact
de la révolution numériques et la mondialisation. Les
consultations doivent explorer les nouveaux arrivants sur
le marché. La veille est vitale – elle permet de mieux
anticiper les évolutions, bien entendu sur le marché
mondial.
On doit pouvoir changer de fournisseur sans trop de
difficulté. La résistance au changement se manifeste
souvent dans des processus d'homologation de produits
ou processus compliqués, qui ralentissent les projets
d'évolution.
Cependant, l'agilité ne se résume pas à la valse des four-
nisseurs ! Un travail conjoint de développement d'une
offre fournisseur, pour le bien commun est tout à fait
agile. L'acheteur doit donc se décider entre facilité de
changement de fournisseur et volonté de collaborer avec
eux.
Un aspect important de l'agilité consiste en la bonne
séparation des fonctions achat et approvisionnement. La
gestion des commandes et de leur livraison exige une
agilité logistique, concernant les choix court terme de
production. L'agilité achat est toute autre, et vise le moyen
/ long terme, ce qui nous emmène au point 2.
2. L'agilité au delà du périmètre achat.
Le développement de l'innovation est au cœur de cette
agilité. L'acheteur a la responsabilité d'observer le monde
à l'extérieur de l'entreprise et de recueillir les informa-
tions des marchés. Il doit attirer les fournisseurs pouvant
apporter les meilleures innovations. Une coopération avec
les fonctions techniques et la capacité à favoriser les
projets sur toute la chaine de valeur est à développer.
Une capacité à chercher l'optimum collectif permet aux
différentes fonctions de sortir de la logique d'un
maximum par fonction. Les achats ont un rôle majeur car
ils identifient les champs d'optimisation à l'extérieur de
l'entreprise.
Ce niveau d'agilité requiert déjà des compétences que
l'acheteur négociateur ne possède pas. On constate que
les personnes intégrant la fonction d'autres métiers ont
plus de facilité à construire la relation de business
partner qui peut être si fructueuse. L'établissement de
performance à ce niveau permet de contribuer à l'amélio-
ration de l'agilité de l'entreprise par la création de
coopérations multiples entre services internes et
externes.
L'acheteur est l'œil qui scrute à l'extérieur de l'entreprise
pour détecter l'innovation clé de demain.
16/60 Excellence HA n°5
3. La contribution à l'agilité de toute
l'entreprise
L'acheteur est partie-prenante dans l'innovation propre
de l'entreprise. Dès lors qu'une innovation nécessite une
compétence nouvelle, soit on la développe en interne, soit
on l'achète. Le sourcing accompagne le développement.
La révolution numérique a fait naître des possibilités de
productivité dans les fonctions support inimaginables
voici quelques années. Il est de plus en plus nécessaire
de mener une réflexion sur son activité cœur de métier et
de conduire des analyses make or buy pour déterminer
ce qu'il faut faire soi-même et ce qu'il vaut mieux faire
faire, c’est-à-dire acheter.
La fonction achat est notoirement absente de ces consid-
érations. Elle participe, parfois, aux analyses make or buy
mais est très rarement à l'origine d'une initiative de type
externalisation. Le terme externalisation est préféré à la
sous-traitance qui est trop souvent enclenchée par
nécessité opérationnelle, sans la réflexion stratégique
nécessaire. 60 % à 80 % des ressources d'une DSI sont
aujourd'hui externes, mais les prestations réalisées ne
font pas l'objet d'une stratégie globale de sourcing.
Une fonction achat agile doit apporter une meilleure
connaissance des possibilités offertes sur le marché :
logiciels SaaS, dématérialisation, optimisation de
processus, BPO, Business Process Outsourcing. La
compétitivité et donc la réussite de l'entreprise seront
renforcées par de tels apports.
Conclusions
L'environnement économique actuel, dans lequel les
nouveautés arrivent de plus en plus rapidement, nécessite
plus d'agilité dans le management de toutes les fonctions
des entreprises. L'innovation majeure semble être dans
la manière de produire ce qu'on a toujours produit que
dans le changement radical de ce qu'on produit. L'agilité
se traduit par une capacité à réagir, à s'adapter aux
changements extérieurs qui ne vont pas cesser de nous
bombarder. L'acheteur est la ressource vitale pour assurer
une interaction avec les marchés extérieurs. Tout n'est pas
bon à prendre, et certains phénomènes sont éphémères ;
ceux qui n'ont pas rejoint Covisint dès l'an 2000 n'ont pas
souffert… mais d'autres inventions pourront rendre l'en-
treprise non-rentable en l'état.
L'entreprise doit aussi développer son agilité pour
pouvoir se transformer plus aisément et bénéficier
pleinement des innovations et productivités potentielles.
La fonction achat a donc un rôle majeur à jouer dans le
développement de cette agilité, car elle est au croisement
des ressources internes et externes. Elle a la respons-
abilité de veiller sur les évolutions des marchés pour en
tirer bénéfice. Les directions achat doivent se mettre en
ordre de marche pour contribuer davantage par le biais
de stratégies de sourcing plus en phase avec les
évolutions des marchés et de la société.
Le changement est inévitable ; la résistance est rarement
payante dans un environnement où les forces de
l'évolution sont irrésistibles. L'agilité est une des clés
pour embrasser ces changements avec sérénité. n
17/60Excellence HA n°5
l l l
D O S S I E R N ° 2
GUILLAUME DERAEDT Guillaume DERAEDT est acheteur national en matière de Sécurité du Système d’Information
pour le GCS UniHA depuis 2009. Il est actuellement Responsable des Achats NTIC du CHRU de
Lille depuis 2013 et Président du comité technique de la Centrale des Achats de l’Informatique
Hospitalière (CAIH), qui fédère les achats de plus de 550 établissements de santé, depuis
2015. Cette thèse professionnelle a été réalisée dans le cadre du Mastère Spécialisé du
Management de la Fonction Achat de Grenoble Ecole de Management sous la direction de
Hugues Poissonnier et Salvator Maira.
email : Guillaume.DERAEDT@CHRU-LILLE.FR
AUGMENTER LE TOTAL
BENEFIT OF OWNERSHIP
par la compréhension du juste besoin granulaire
grâce à un regard systématique et agile:
une collaboration entre l’acheteur NTIC et la DSI
En matière de Nouvelles Technologies de l’Information et des Télécommunication, l’acheteur est
souvent confronté à une expression des besoins résumée en contraintes et spécifications techniques
parfois éloignée du juste besoin fonctionnel attendu. C’est dans sa capacité à accompagner les
Directions des Systèmes d’Information et les Directions Générale vers une vision du juste besoin
et de l’usage du SI que l’acheteur peut réaliser une belle performance achat.
Cette performance peut être augmentée par une agilité de
communication exogène à l’entreprise qui permet également
de prendre en compte les évolutions sociétales ou réglemen-
taires du contexte économique dans lequel exerce son
entreprise.
Cet argumentaire sera appuyé par un retour d’expérience
d’achat public en matière de progiciel.
Le contexte
Ceci s’explique par un contexte d’isolement et d’indépen-
dance créé par les Directions des Systèmes
d’Information (DSI): Immatériel et entouré d’un vocable inin-
telligible pour le commun des décideurs, les DSI bénéficient
encore aujourd’hui d’une faible évaluation de l’efficience du
Système d’Information (SI). Tant que ce dernier fonctionne
bien et évolue au rythme souhaité, il est aisé de faire valoir
sa valeur et de taire le coût d’une fonction devenue
stratégique.
Bâtisseurs de valeurs ajoutées, ces directions sont évaluées
par leur efficacité au dépend de l’efficience globale: Les DSI
sont jugées sur la Valeur du Système d’Information et non
pas sur le bénéfice réalisable sur la diminution d’un Système
d’Information construit sur des strates technologiques
rarement remises en cause et qui s’accumulent.
Ainsi ces directions ont le regard focalisé sur la réalisation
de projets dans les délais et sur la robustesse et la sûreté du
traitement de l’Information devenues vitales pour la compéti-
tivité de l’Entreprise.
Ayant plus une vision de prouesse et de performance plutôt
que d’efficience, au-delà de la non remise en cause de
l’existant par le pilotage d’un plan d’urbanisation technique
et fonctionnel, les DSI sont rarement chiches à négocier le
juste déploiement des technologies embarquées et des
progiciels vis-à-vis des utilisateurs internes: Il est bien plus
simple de tout installer que de gérer proprement les instal-
lations selon les missions de tout à chacun: Moins de charge
18/60 Excellence HA n°5
interne à l’exploitation permet d’augmenter les capacités à
lancer de nouveaux projets.
Les éditeurs de logiciels et les fournisseurs ont rapidement
détecté l’immaturité des DSI au juste achat et ont accéléré la
dépendance: La transformation de l’acquisition de licence
d’utilisation perpétuelle accompagnée d’une maintenance
curative et évolutive vers un abonnement annuel à l’usage
du logiciel auquel sont associés des services de prime abord
rassurants mais rarement utilisés.
Comment l’acheteur a besoin d’être
agile en interne?
Pour être légitime la DSI a compris qu’elle devait apporter le
service souhaité. Par mimétisme l’acheteur doit approcher la
DSI avec une vision d’offre de service global associé à son
acte d’achat.
Toute remise en cause d’habitude d’achat récurrent est de
facto perçue comme une perte de temps et d’énergie si elle
n’est pas accompagnée d’une démarche d’offre globale et
assumée de diagnostic du juste besoin: Toute tentative de
remise en cause d’une façon d’acheter doit apporter un
bénéfice aux DSI et être accompagnée d’une identification
précise et limitée des charges internes à la DSI.
Prenons l’exemple d’achat de progiciel:
L’achat initialement demandé est «  Il faut renégocier le
contrat de licence d’utilisation du produit bureautique de cet
éditeur précis avec les services de mise à jour et de
maintenance pour tant d’utilisateurs ». Il s’agit d’un achat
récurrent et d’une renégociation au terme d’un marché de 4
ans. L’éditeur est en place depuis plus d’une décennie.
Par questionnement l’acheteur peut s’intéresser d’une part à
la légitimité d’un acte d’achat ne remettant pas en cause un
fournisseur et d’autre part à l’évaluation du besoin en terme
de nombre de licences.
La non remise en cause de l’éditeur sera inexorablement
mise à mal par 4 arguments:
- L’adhérence technologique du logiciel; c’est-à-dire la
dépendance d’autres pans du système d’information à cet
éditeur précis pour bien fonctionner
- La satisfaction des utilisateurs
- Le coût de l’éventuel accompagnement au changement des
utilisateurs
- Le coût d’intégration d’un éventuel logiciel de remplace-
ment; c’est-à-dire la formation des équipes techniques et
les opérations techniques qui permettent aux autres pans
du système d’information de fonctionner correctement avec
le changement
Ces arguments cachent également l’inintérêt d’une DSI à
remettre en cause des relations privilégiées et appréciées
avec le temps. Le partenaire fait le travail; c’est efficace.
Non préparé à ces arguments non chiffrés et imprécis l’ini-
tiative de remise en concurrence sera éteinte avant même
d’avoir été évoquée.
L’autre question se porte sur le nombre de licences
nécessaires: C’est simple; il correspond au nombre d’instal-
lations effectuées. La justification de ces installations sera
la simplification du processus interne et des éléments de
productivité globale sur l’usage du Système d’Information:
La DSI est dans la vision du Total Value of Ownership (TVO)
de son système d’Information, l’optimisation du Total Cost of
Ownership (TCO) n’est pas la préoccupation majeure.
Cet argument cache également la difficulté pour une DSI
d’objectiver un refus d’installation d’un matériel ou d’un
progiciel à un utilisateur final qu’il soit médical, soignant ou
administratif. Fonction support la DSI à tout intérêt à être
appréciée de tous.
C’est là qu’intervient la force d’une
démarche achat agile et collaborative.
Recherche des éléments de motivation d’une DSI
en matière d’efficience
Dans un contexte de réduction des effectifs, l’argumentaire
de la DSI est entendable; pour faire évoluer une vision
centrée sur la performance, l’acheteur doit rechercher des
axes de motivation de son partenaire interne. Or, dans le
domaine des Systèmes d’Information de Santé, l’efficience
des DSI est évaluée sous plusieurs angles:
- La Haute Autorité de Santé demande une preuve d’une
démarche d’amélioration continue et s’intéresse à la
conformité du poste de travail vis-à-vis de la Politique
Ministérielle de la Sécurité du Système d’Information
(PMSSI);
- Le Programme Hôpital Numérique permet d’obtenir des
subventions à la mise en œuvre de projets éligibles sous
réserve de conformité aux prérequis de sécurité;
- La certification des comptes (FIDES) requiert la mise en
place des correctifs de sécurité au fil de l’eau (Patch
management);
- L’Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d’Information
a édicté le guide d’hygiène des règles de base;
- Enfin, la Direction Générale de l’Offre de Soins évalue la
performance globale selon des informations précises sur le
parc qui sont remontées à un Observatoire des systèmes
d’information de santé (O6).
19/60Excellence HA n°5
l l l
D O S S I E R N ° 2
Bien que, a priori, éloignés de la préoccupation d’un
acheteur, ces 4 regards croisés sur le Système d’Information
se concentrent sur le même objectif: La mesure de l’effi-
cience, c’est-à-dire le même besoin que celui de l’acheteur:
Quelle est la performance économique globale du système
d’information par rapport à son coût? L’usage est-il
largement déployé au sein de l’établissement concerné? est-
il utilisé? est-il installé de la même façon et évolue-t-il de
façon similaire sur l’ensemble du parc?
Comment?
Les réponses aux questions posées par ces tutelles sont
adressées par les DSI par des indicateurs globaux  et des
plans d’assurance qualité ad hoc sans réelle capacité à
contrôler unitairement les installations et usages; le rôle de
l’acheteur est de déterminer la façon d’y répondre de façon
granulaire selon une méthode automatisée et fiable afin
d’apporter au DSI des informations internes bien plus
intéressantes pour sa stratégie menée en matière de système
d’information et de négociation avec les pôles cliniques
internes sur les dotations de matériels et logiciels.
C’est dans ce sens qu’une Centrale d’Achat a mis en place un
projet de logimétrie « clef en main » qui consiste à proposer
à ses adhérents volontaires la possibilité de bénéficier d’un
service de mesure des installations et des usages de façon
très détaillée. Ce projet pilote s’est focalisé sur la mesure des
installations et de l’usage d’une suite bureautique sur un peu
moins de 50 000 postes de travail.
Afin d’assurer l’adhésion des DSI à ce projet plusieurs
garanties ont été prises:
- L’anonymisation des données remontées au niveau de la
centrale d’achat qui ne peut pas remonter précisément à
l’un des 40 établissements participants à la mesure
- L’identification claire et précise d’une charge de travail
interne inférieure à 1 jour homme
- L’absence de frais inhérent par anticipation des gains
achats.
Un sponsoring a été réalisé via un courrier du Fonctionnaire
de sécurité des systèmes d’information des ministères
chargés des affaires sociales motivé par une amélioration de
la sûreté de fonctionnement des Systèmes d’Information via
des tableaux de bords locaux dédiés.
Enfin,unservicedédiéetlocalaétéproposéauxDSIpourleur
permettre de connaître des mesures essentielles de leur SI.
Résultats
Les résultats obtenus permettent à l’acheteur et aux DSI de
diagnostiquer des axes d’améliorations et des leviers de
négociation essentiels:
L’inutilité de l’abonnement aux nouvelles versions
des progiciels
Les éditeurs ont tous globalement modifié le mode d’acqui-
sition des licences en passant à un mode locatif permettant
l’accès aux mises à jour des produits sous couvert d’évolu-
tions fonctionnelles essentielles à la compétitivité de leurs
entreprises clientes.
L’étude réalisée fin 2014 prouve la non utilisation des
nouvelles versions d’une suite bureautique dans un système
d’information de santé.
Les ¾ des licences installées reposent sur des versions de
logicielles qui ont plus de 11 ans. La présence d’un petit quart
d’une version de la suite bureautique datant de 2010
s’explique par une migration des postes de travail depuis
Windows XP vers Windows 7, système d’exploitation qui ne
supporte plus les anciennes versions de la suite bureautique
considérée.
La mauvaise installation technique des gammes de produits
installés
La suite bureautique, objet de l’étude existe dans 2 versions
distinctes: Une version premium et une version standard.
Alors que les DSI concernées respectent l’esprit des quotités
de droits d’usage entre les 2 gammes, la mauvaise commu-
nication entre gestionnaire du contrat et technicien a
provoqué l’utilisation du programme d’installation de la
gamme premium pour n’installer que les programmes de la
gamme standard. Là encore l’agilité est essentielle pour
assurer une éventuelle sortie de contrat.
20/60 Excellence HA n°5
La sous-utilisation des installations réalisées
Les données jusqu’à présent collectées sont déjà connues
des DSI des plus grands établissements dotés d’un progiciel
de gestion du parc. La seconde partie de l’étude concerne la
mesure de l’usage des logiciels au sein de chaque poste de
travail. La mesure est collectée sous forme de 4 semaines
glissante puis moyennées par jour travaillé.
Le simple fait de supprimer les installations des produits
bureautiques non utilisés sur une période glissante de 2 mois
permettrait de réduire de 20 % le nombre de licences
installées et donc consommées.
L’analyse des utilisations des logiciels spécifiques à la suite
Microsoft Professionnelle permet de réduire l’installation de
cette version, la plus onéreuse, de plus de 88 %
En proposant un produit de substitution, pour les utilisateurs
utilisant moins d’une heure par jour l’un des logiciels de la
suite, nous pourrions réduire de 47 % le nombre de licences
bureautiques installées.
Un potentiel de diminution de 47 % du coût lié à
la suite bureautique
Face à ces résultats les DSI sont enclins à passer d’un mode
installé à un mode géré sous couvert de conserver le
dispositif qui permet d’évaluer les usages et donc de
présenter des éléments tangibles aux directions concernées.
L’optimisation qui consiste à trouver une solution de
remplacement pour les usages de moins d’une heure pose 2
problèmes majeurs:
- Le premier est l’adhérence technologique des autres pans
du Système d’Information
- Le second est l’absence de connaissance sur l’utilisation
réalisée par les clients internes.
Sur le premier point la DSI est compétente et légitime à
investiguer, motivée par l’estimation potentielle des gains
qui pourrait être réaffectés, en interne, sur l’accélération de
projets fonctionnels plus stratégiques.
Sur le second point, un appel à un psychologue du travail
permet de supprimer les fantasmes sur l’utilité d’une suite
bureautique dans une entreprise orientée vers le bien-être
de ses patients.
Etude de l’usage par psychologue
du travail
Etudier s’il serait possible, sans altérer le travail des utilisa-
teurs, de remplacer la suite bureautique actuelle par une
suite issue du logiciel libre ou d’un concurrent moins
onéreux, est l’objectif principal de la demande.
Des entretiens dirigés par une grille interrogeant sur l’utili-
sation du traitement de texte, du tableau, de la messagerie
et d’un logiciel dédié aux présentations ont été réalisés pour
répondre à ces objectifs (Travaux de Ludivine Watblet):
- Auprès de 103 professionnels;
- Sur différents postes: accueil, secrétariat, bureau médical,
bureau de consultation, poste d’interprétation, facturation,
chercheurs.
Usage global autoévaluer par les utilisateurs
d Traitement de texte:
- 75 % d’utilisation
- 100 % d’utilisation de Traitement de texte chez les
médecins (plus ponctuellement en saisie) et les secrétaires
- 94 % des utilisateurs de Traitement de texte l’utilisent en
lecture et saisie contre 6 % en lecture exclusivement (dans
les bureaux de consultation)
- Le plus souvent utilisé lors de la lecture et la saisie d’un
courrier à travers un logiciel métier identifié et plus
rarement hors ce dernier (ex.: reconnaissance vocale).
d Tableur:
- 73,5 % d’utilisation (saisie et lecture)
- Utilisé le plus souvent pour soutenir une activité et/ou pour
un partage de l’information entre collègue. Il est utilisé
21/60Excellence HA n°5
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D O S S I E R N ° 2
pour pallier une fonctionnalité absente d’un logiciel métier
(un tableau de programmation des blocs opératoires, un
résumé des entrées et sorties patients, un résumé des cas
patients,…).
d Logiciel de présentation:
- 34 % d’utilisation (saisie et lecture)
- Utilisé par les médecins et les cadres pour des présenta-
tions à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital. Seules les
secrétaires rattachés aux chefs de services utilisent
PowerPoint.
d Messagerie:
- 73 % d’utilisation
- Utilisé par tous pour les échanges de mails (sauf quelques
bureaux d’accueil patients), rarement pour ses autres fonc-
tionnalités.
L’usage spécifique par métier permet d’anticiper la charge
de travail et d’identifier les adhérences techniques.
Il en ressort globalement que la suite bureautique est utilisée
de façon basique et que rares sont les utilisateurs exploitant
les fonctionnalités différentiant la suite de l’offre libre. Cela
nécessite toutefois de travailler à la suppression de quelques
dépendances logicielles et de mettre en place un vrai
programme d’accompagnement au changement. La remise
en cause de l’existant est donc faisable mais nécessite d’être
anticipée.
Résultats et gains sur achat immédiats sans
renégociation
À ce stade l’acheteur s’est intéressé au Total Cost of
Ownership (TCO) qui permet de transformer la vision pure
TVO de la DSI en une vision équilibrée sur la réelle valeur
d’usage et le bénéfice à utiliser un outil historique jamais
remis en cause.
La vision d’efficacité de la DSI confrontée à la vision coût de
l’acheteur permet d’obtenir une vision collective d’efficience
adaptée aux usages et à la consommation des utilisateurs
finaux.
La question subsidiaire est faut-il supprimer et remplacer ces
outils satisfaisants mais sous-utilisés au regard de ces
éléments; seule une agilité extra-entreprise permet
d’apporter une réponse d’achat gagnant à moyen terme:
Quels sont les scénarii à 5 ans de la modification des usages
de la suite bureautique?
L’agilité externe permet une
anticipation des besoins futurs
Identification de l’évolution des contraintes
externes
Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) succéderont
en 2016 aux communautés hospitalières de territoire (CHT).
Le GHT a « pour objet de permettre aux établissements de
mettre en œuvre une stratégie de prise en charge du patient
commune et graduée dans le but d’assurer une égalité
d’accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la ratio-
nalisation des modes de gestion par une mise en commun
de fonctions ou par des transferts d’activités entre établisse-
ments ». L’article 27 précise encore que « chaque
groupement élabore un projet médical partagé garantissant
une offre de proximité ainsi que l’accès à une offre de
référence et de recours ».
En termes de gouvernance, un établissement dit « support »
assurera pour le compte des établissements membres la
gestion d’un système d’information, celle d’un département
de l’information médicale de territoire, la fonction achats
ainsi que la coordination des instituts et écoles de formation
paramédicale et des plans de formation continue et de
développement professionnel continu des personnels des
établissements du groupement.
Dans le champ des systèmes d’information (SI), le texte
prévoit que les informations relatives à un patient pris en
charge par un établissement membre du groupement
pourront être « partagées », dans les conditions prévues par
le code de la Santé publique. Ceci nécessite d’identifier
l’ensemble des acteurs professionnels ou patients pour tracer
les règles de partage de l’information médicale.
Enfin, en termes de calendrier, chaque établissement public
de santé devra adhérer à un GHT avant le 1er janvier 2016,
le projet médical partagé pouvant être arrêté dans un délai
d’un an après la conclusion de la convention constitutive, au
plus tard le 1er juillet 2016
La création des GHT nécessite un Système d’Information
communiquant qui permette à un professionnel de santé
d’être identifié dans des établissements différents et aux
patients d’être identifiés dans des structures médicales aux
spécialités complémentaires: Ceci nécessite une gestion
partagée des référentiels des systèmes d’information qui
reposent dans leur quasi-globalité sur des solutions issues
du même éditeur que la suite bureautique.
22/60 Excellence HA n°5
Ceci nécessite une évolution majeure en terme de service
bureautique: Les équipes vont devoir communiquer et
travailler sur des documents partagés: L’apprentissage des
méthodes d’établissement différent nécessitera également
une traçabilité des versions et des modifications des
documents produits, ainsi il est vraisemblable que la suite
bureautique naguère jachère abandonnée des architectes
des systèmes d’information soit demain un besoin essentiel
aux décideurs et manageurs.
L’attractivité de l’hôpital public vis-à-vis d’une concurrence
accrue du secteur privé au fur et à mesure de la maîtrise
d’augmentation de l’objectif national des dépenses
d’assurance maladie (ONDAM) passe également par la fluid-
ification de ses échanges avec ses partenaires; médecins de
ville et professionnels libéraux de la santé. L’un des axes
d’amélioration de la performance est la mise en place de la
Messagerie Sécurisée de Santé qui permet de compléter les
informations du Dossier Médical Partagé par des éléments
plus précis dans le cadre du continuum de la prise en charge
médicale entre l’hôpital et le domicile du patient.
L’interconnexion entre la messagerie des hôpitaux
représentés par la centrale d’achat et la MSS gérée par
l’ASIP Santé a été pensée globalement sur des briques
logicielles intégrées dans une renégociation globale du
contrat. Elle repose principalement sur le client de
messagerie de la suite bureautique considérée ci-dessus
afin de réduire au strict minimum le besoin d’assistance au
déploiement de l’usage.
Conclusions
L’Agilité interne permet de complet l’angle de vue « de la valeur d’usage globale du SI » de la DSI par une vision granulaire
d’efficience et de cout associé du SI. La DSI connaît l’usage granulaire de son SI ce qui lui permet de refuser de façon objective
des demandes d’installation de programme ou de matériel.
L’acheteur accompagne, avec une démarche clef en main et budgétée sur les gains achats, la DSI qui connaît ainsi les usages
et la perception des utilisateurs: ceci gomme les freins au changement principaux obstacle à un changement de fournisseur
logiciel. Sa vision de Total Cost of Ownership complémente celle de la DSI.
L’intégration des contraintes externes permet d’anticiper les nouveaux besoins en logiciels associés et de les intégrer dans
une échéance de renégociation majeure ce qui permet un cout marginal nul de dépense qui, si elles n’avaient pas été anticipées,
auraient été onéreuses hors cadre global de renégociation quadriennale. La collaboration internet et externe, la compréhension
des objectifs et intérêts divergeant permettent de trouver un liant d’une démarche achat créatrice de valeur.
Ces éléments de négociation permettent d’aboutir à une renégociation d’un contrat équilibré qui anticipe les modernisations
et évolutions nécessaires d’un système d’information ce qui permet de prendre des décisions d’achat résolument gagnantes à
moyen et long terme au-delà du simple regard de la performance et au-delà de la vision du coût d’acquisition ce qui optimise
le Total Benefit of Ownership.
Une synergie DSI-Acheteur permet désormais de travailler en amont afin de préparer d’éventuels retraits de briques logicielles
et de permettre une négociation plus équilibrée vis-à-vis de fournisseur en situation d’oligopole. n
23/60Excellence HA n°5
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D O S S I E R N ° 2
Excellence HA n°5
LE POINT DE VUE D’UNE
CHERCHEUSE SUR L’ARTICLE:
LE MARKETING ACHATS AU CŒUR DES
ACHATS DE SYSTEMES D’INFORMATION
HOSPITALIERS
L’agilité comme compétence-clé
de l’acheteur
NATHALIE MERMINOD
Docteur en Sciences de Gestion, Maître de Conférences à Aix-Marseille Université, laboratoire
CRET-LOG; nathalie.merminod@univ-amu.fr
L’achat de logiciels ou progiciels au sein des entreprises du secteur public ou privé pose la question
de l’interface entre la Total Value of Ownership (TVO) portée par la Direction des Systèmes
d’Information et le Total Cost of Ownership (TCO) porté par la Direction des Achats, comme présenté
dans le cas du secteur hospitalier. Or, ces notions restent du domaine de « l’approximatif » et leurs
mesures sont encore très souvent « basiques » : continuité du SI pour les DSI et atteinte du meilleur
coût pour les Achats (sans que la mesure du coût complet soit précisément réalisée). La démarche
proposée ici relève pleinement du marketing achats: « démarche à disposition de l’acheteur qui lui
permet de prévoir et d’intervenir de façon active dans la relation d’échange avec le marché amont afin
d’adapter les besoins de l’entreprise aux possibilités du marché ou d’influencer l’offre à ses besoins
dans l’intérêt de son entreprise » (Sostenes, 1994)1.
L’acheteur est au cœur de cette démarche. Son rôle peut être apparenté à celui de chef de projet et il
est double: identifier le contexte interne de l’achat et le juste besoin et comprendre l’environnement lié
à l’achat effectué. L’objectif final réside dans la définition de la stratégie achats appropriée.
1 Sostenes, M-J. (1994), « Le partenariat dans l'optique marketing achat », Revue Française de Gestion, janvier-février, pp. 5-19
Comprendre le besoin achat: analyse
des performances attendues par le
client interne et l’utilisateur
Comme indiqué dans l’approche proposée par Guillaume de
Raedt, la compréhension du besoin achat est fondamentale.
Elle doit se faire dans une approche globale, c’est-à-dire (1)
identifier et analyser la performance souhaitée et mesurée
par le client interne, ici la DSI et (2) identifier et analyser
la performance attendue et mesurée par le client final, à
24/60 Excellence HA n°5Excellence HA n°5
savoir les utilisateurs du service – qui peuvent comme dans
ce cas être multiples. La difficulté réside dans l’articulation
de ces attentes. En effet, comme le met clairement en
perspective l’analyse proposée dans le cas des progiciels,
la compréhension du « contexte » du client interne et donc
de la « légitimité » de ce dernier dans l’entreprise ainsi que
ses motivations ne peut se faire qu’avec un diagnostic
approfondi. De la même manière, identifier précisément
l’inutilité de l’abonnement aux nouvelles versions et la
sous-utilisation des installations réalisées demande une
analyse fine de l’existant.
L’identification des contraintes internes, c’est-à-dire du
juste besoin vis-à-vis du marché fournisseurs, conduit
l’acheteur à travailler en équipe et à devenir un chef de
projet dont la mission est d’accompagner au mieux le client
interne dans sa définition du besoin et avant tout dans la
rédaction de ce besoin vis-à-vis du marché fournisseurs,
via le cahier des charges. Il est important à ce stade de
comprendre quel sera le besoin dans le futur et comment
ce dernier s’interface-t-il avec l’utilisation actuelle du
progiciel. Le rôle de « décodage » et « recodage » des infor-
mations est crucial pour ne pas tomber dans le piège d’un
cahier des charges sur-spécifié et « inintelligible » (comme
le mentionne Guillaume de Raedt). Cette capacité demande
une grande agilité à l’acheteur et un travail de fond (et donc
du temps…), nommée « agilité interne » dans l’approche
proposée.
Identifier le marché fournisseur et
l’environnement de l’achat
En parallèle et en complément de l’analyse interne,
l’acheteur doit réaliser une étude précise du marché four-
nisseurs, via l’analyse de l’offre, de la demande, du contexte
plus général et de la technologie achetée. Cette approche
permet de positionner son besoin par rapport au marché.
« L’agilité externe », telle que mentionnée, correspond à
cette capacité de regarder globalement l’environnement.
En effet, les évolutions de législation (comme c’est le cas
avec la création des groupements hospitaliers de territoire
– GHT) ouvrent des perspectives dans la démarche achats.
Comprendre également les leviers utilisés par les four-
nisseurs dans leurs offres commerciales permet de
structurer sa demande en conséquence. L’analyse de
l’évolution des technologies (stabilité, substitution
potentielle, cycle de vie) offre un élément de diagnostic
important également.
Cette analyse fine de l’environnement de l’achat donne des
leviers non seulement de compréhension des échanges
réalisés ou potentiels, mais également des pistes de
négociation interne pour l’acheteur. Identifier des scénarii
et leurs conséquences ouvre des opportunités de discussion
sur la création de valeur pour le client interne, tout en
prenant en compte le coût de la solution retenue. La valeur
ajoutée de l’acheteur dans cette seconde phase réside dans
sa capacité à mobiliser son «  agilité externe  », à savoir
s’ouvrir vers l’environnement et comprendre les enjeux
actuels et futurs qui se jouent. Cela ouvre des pistes
nouvelles potentielles pour le client interne et l’entreprise
dans sa globalité.
Définir une stratégie achats
et l’accompagner
Dans une dernière étape, la stratégie achats doit être
définie et sa déclinaison accompagnée. « L’agilité interne »
et « l’agilité externe » mobilisées par l’acheteur conduisent
ce dernier à proposer et à échanger avec le client interne
sur la déclinaison d’une approche à court, moyen et long
terme. La conclusion de l’article de Guillaume de Raedt met
en évidence ce point afin d’aboutir à une « synergie » entre
la DSI et l’acheteur. L’accompagnement de la démarche ne
peut se faire qu’avec un soutien et un suivi dans le temps,
tant du côté des fournisseurs que du côté du client interne
(ici le client final).
25/60Excellence HA n°5
l l l
D O S S I E R N ° 2
La démarche de marketing achats (cf. figure) est au cœur
du métier de l’acheteur. La complexité des environnements
actuels et des situations internes rencontrées par
l’acheteur, nécessite une capacité de diagnostic forte de la
situation et des scénarii potentiels. L’échange avec les
acteurs internes concernés par l’achat (DSI et utilisateurs
dans le cas présenté), dans un mode projet, permet de
s’assurer de la bonne compréhension de chacun, des enjeux
et donc des résultats attendus et obtenus. L’acheteur est
garant de la conduite de cette démarche afin que les
stratégies visées par chacune des fonctions raisonnent en
concordance. L’article de Guillaume de Raedt permet de
comprendre toute la complexité de cette approche et la
mobilisation par l’acheteur des compétences « d’agilités
interne et externe ». n
Démarche de marketing achats (N. Merminod, 2015).
d Sur la collectivité:
délocalisations, pertes
de savoir-faire,
26/60 Excellence HA n°5
PIERRE PAUL JOBERT Après 35 ans consacrés à la RD, en tant qu’ingénieur, acheteur, créateur d’entreprise et
consultant, Pierre Paul JOBERT est aujourd’hui professeur affilié à Grenoble Ecole de
Management, enseignant le Management des Opérations et de la Supply Chain, le pilotage
opérationnel des achats, la stratégie et le management de projets d’innovation.
Pierre Paul JOBERT est également écrivain romancier (www.selvia.fr )
email : pierre-paul.jobert@grenoble-em.com
De l’Internet Digital à l’Internet
Physique
Nota: Ce chapitre s’appuie largement sur le contenu de la
conférence IPIC (International Physical Internet Conference), qui
s’est tenue du 6 au 8 juillet 2015 à l’Ecole des Mines de Paris, sous
l’égide des Professeurs Benoît Montreuil et Eric Ballot. Qu’ils en
soient remerciés pour la clarté de leurs exposés et la richesse des
définitions et commentaires, repris ici, en français, sous une
forme condensée.
L’Internet Digital transporte des données, d’un point de
départ (exemple un serveur) vers un point d’arrivée
(exemple le terminal, tablette, PC ou téléphone portable).
Ces données, standardisées (sous forme de 1 et de 0)
naviguent par paquets, selon des routes non préétablies,
au gré des disponibilités de flux dans un réseau en
perpétuelle mutation. L’Internet Physique peut alors être
compris comme une métaphore de l’Internet Digital. Il
L’INTERNET PHYSIQUE:
de nouveaux besoins d’agilité
pour la fonction achats
Atlanta,Printemps2015
John T. sort ébranlé du bureau de son directeur des achats. Acheteur chez UPS, il a l’habitude
d’acheter du carburant et des véhicules, des services logistiques, des prestations informatiques.
C’est le métier qui veut ça.
Aujourd’hui, il va falloir qu’il achète des imprimantes 3D!
UPS n’a pas changé de métier. Le métier évolue. Simplement. Les clients utilisent avec régularité les
services des points relais de la compagnie. La direction leur a demandé ce qu’ils aimeraient en plus
de ce qu’apportent habituellement ces établissements de stockage temporaire. La réponse ne fut pas
longue à sortir de la statistique: de l’impression 3D!
Alors, John T. va devoir comprendre un nouveau segment d’achats.
Tout ceci n’est-il qu’un épiphénomène? S’agit-il d’une opération ponctuelle du transporteur?
Évidemment non.
La raison à tout cela? L’Internet Physique.
Un concept qui révolutionne la conception et la structure de la supply-chain, et qui va impacter,
mécaniquement, la communauté des achats.
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  • 1. Les Achats et l'Agilité HAExcellence THE BRIDGE BETWEEN RESEARCH AND FIELD APPLICATION IN PURCHASING DÉCEMBRE2015 5 Mot de la rédaction P.2 Note aux futurs contributeurs de la revue « Excellence HA » P.3 DOSSIER N°1 P.4 Prospective de la fonction achat dans la société de l’information JÉRÔME BARRAND Le point de vue d’un praticien P.12 TONY BOCOCK DOSSIER N°2 P.17 Augmenter le Total Benefit of Ownership par la compréhension du juste besoin granulaire grâce à un regard systématique et agile: une collaboration entre l’acheteur NTIC et la DSI ? GUILLAUME DERAEDT Le point de vue d’une chercheuse P.23 NATHALIE MERMINOD DOSSIER N°3 P.26 L’Internet Physique: de nouveaux besoins d’agilité pour la fonction achats PIERRE PAUL JOBERT Le point de vue d’un praticien BRUNO CRACCO P.32 PRÉSENTATION DES THÈSES PROFESSIONNELLES P.34 L’achat de solutions: quelle approche? P.35 SAMIRA TMASSOULI Améliorer la performance et capter l’innovation des fournisseurs par le Management de la Relation Fournisseurs (SRM) : est-ce envisageable au sein d’une ETI? P.39 AMEL KARIMI De la gestion des achats a la gestion des ressources externes: éléments clés d’une gouvernance P.43 PASCAL KEMPF Rôles et impacts des outils d’E-Purchasing sur le management des relations fournisseurs P.46 PIERRE BEYLARD PRÉSENTATION DES THÈSES ACADÉMIQUES P.48 L’innovation fournisseur vue par les acheteurs (à partir de la thèse d’Amine Rachi - 2013) P.49 Les compétences pour la création de valeur (à partir de la thèse de François Jan- 2014) P.51 THIERRY SAUVAGE, AMINE RACHI ET FRANÇOIS JAN Externalisation partielle des fonctions Achats-Approvisionnement-Logistique: le cas d’ALSTOM P.53 AFLATOUN KAMYABI MASK CRITIQUE CROISÉE D’OUVRAGES P.58 COMITÉ DE RÉDACTION ET COMITÉ SCIENTIFIQUE / EDITORIAL BOARD P.59
  • 2. 2/60 Excellence HA n°5 Nicolas Kourim, Rédacteur en chef Hugues Poissonnier, Président du Comité Scientifique / Editorial Board Richard Calvi, membre du comité de rédaction François Girard membre du comité de rédaction MOT DE LA RÉDACTION L es événements au niveau local autant que global nous démontrent de manière toujours plus éminente que nous vivons une période de changements importants – au regard de nos sociétés, de nos valeurs, et de nos structures et modèles économiques. Par rapport à il y a dix ans, la population mondiale est globalement mieux soignée, plus éduquée, et surtout beaucoup plus connectée. Des études récentes en prospective ont permis d’identifier un nombre important de groupes socio- culturels différents, coupant à travers tout critère traditionnel de classification sociétale. Ces groupes partagent des valeurs très différentes et par conséquent ont des comportements différents de consommateurs dans le sens économique. Le monde est en train de devenir à la fois plus connecté et plus complexe, faisant apparaître une multitude de différences, d’opportunités et de risques dans un contexte qui évolue rapidement. Nos structures et modèles économiques traditionnels sont en perte de vitesse et peinent à s’adapter pour trouver une nouvelle dynamique. Nous sommes à la fin d’un modèle global, basé sur la production et la vente de produits de masse, sur l’application des méthodes d’optimisation industrielle dans tous les domaines de notre vie, et sur la surconsommation de nos ressources pour un objectif à court terme. C’est pour des raisons multiples que nous nous orienterons à court et moyen terme vers un modèle nouveau, avec en toile de fond un retour à la proximité. Proximité avec le terrain, avec nos clients, avec nos ressources, avec nos collabo- rateurs et partenaires. • La croissance de demain, moteur continu de nos économies à défaut d’avoir trouvé une recette alternative, ne viendra - pour l’essentiel - plus des simples produits, mais des solutions plus ou moins complexes, donc de l’assemblage intelligent des produits et services pour un besoin identifié à un moment donné. • Les consommateurs changent leur comportement; ou bien ils disent non à une consommation traditionnelle en changeant fréquemment leur attitude face aux différentes offres évolutives, ou bien ils prennent conscience de leur vrai besoin et apprennent à l’exprimer concrètement. •Des critères nouveaux apparaissent, comme la nécessité de gérer de manière plus durable nos ressources ou encore la volonté de développer une économie solidaire à la portée du plus grand nombre, rajoutant à la complexité des prérequis et la variabilité des facteurs. L’ensemble de ces changements exerce une pression substantielle sur notre fonctionnement traditionnel et nous amène à repenser nos modes et structures de travail en profondeur. Cette fois-ci il ne s’agit pas seulement d’opérer un autre changement, mais d’installer une vraie capacité de changement structurelle et continue pour créer une nouvelle compétence autant qu’une forme d’organisation – l’Agilité. Demain ce seront les Hommes et leurs compétences qui seront au cœur de nos activités. Structurés en équipes ou en écosystèmes ils représenteront - loin devant les machines et les processus - l’élément le plus agile dont nous disposons, et le seul à véritablement pouvoir s’adapter fréquemment et rapidement pour répondre de manière effective aux besoins changeants. C’est l’acheteur avec son rôle de Gestionnaire des Ressources qui se trouve au cœur de ce changement, ou plutôt de l’or- ganisation de ce changement, et de la capacité de nos organisations de se structurer de manière souple autour des compétences de ces Hommes. L’Agilité sera un des axes majeurs dans l’évolution structurelle de notre modèle, et le facteur t (temps) viendra au fur et à mesure remplacer le facteur c (coût) dans une notion de création de valeur globale. Comme toujours nous vous proposons d’échanger via notre nouvelle adresse de contact e-mail excellenceha@cdaf.fr autour des expériences, des suggestions et des commentaires afin d’enrichir le sujet pour tous. Soyons actifs pour être agiles! n Nicolas Kourim
  • 3. 3/60Excellence HA n°5 Dans Excellence HA nous appelons de nos vœux plusieurs types de publications:: d Dossiers académiques: Des contributions d’acteurs académiques dont les recherches portent sur la fonction Achats et plus largement les relations clients- fournisseurs. Il peut s’agir de contributions originales ou de la refonte d’articles précédemment publiés dans une revue (avec rappel de cette publication antérieure). d Dossiers professionnels: Des réflexions et points de vue de professionnels de la fonction Achats ou de consultants en Achats. Excellence HA favorisera des contributions de ce type lorsqu’elles sont ambitieuses, innovantes et argumentées. d Enrichissements: Pour favoriser le croisement des regards, chaque contribution sera soumise à un commentaire d’un expert du comité scientifique. Un praticien pour la contribution d’un académique, et inversement pour la contribution d’un praticien. L’objectif sera d’enrichir chaque contribution par un regard croisé d’un membre de l’autre communauté. d Thèses/Mémoires: Des fiches synopsis des meilleurs mémoires réalisés dans le cadre des formations Achats (Master, MBA,..). Nous proposons aux responsables de ces nombreuses formations de se servir de cette tribune pour faire connaître les meilleurs travaux de leurs étudiants. d Critiques d’ouvrage: Un commentaire sur un ou plusieurs ouvrages innovant orientés Achats ou considérés par le comité de rédaction comme utile à l’exercice de la fonction. d Espace d’événement: Un court résumé des événements en relation directe avec l’objet de la revue (Conférences, activité des Think tanks…). Toutes ces contributions doivent transiter par le comité de rédaction (contact@excellenceha.com). Ce dernier, après une première expertise, leur attribuera deux relecteurs du comité éditorial pour avis et conseils. Lorsqu’un article est définitivement accepté, l’auteur fournit à la revue Excellence HA une version électron- ique au format Word. Les articles acceptés pour publication en fonction des thématiques annoncées dans notre politique éditoriale ou dans ordre des dates d’ac- ceptation. L’auteur s’engage à ne pas publier son article dans un autre support sans autorisation de la rédaction d’Excellence HA. Format des articles: 1.Les articles sont, sauf exception à justifier, d’une longueur maximum de 16 pages de 2 800 caractères chacune, en tenant compte de l’espace pour les informations additionnelles (voir paragraphe suivant). Ils comprennent une photo de haute résolution de l’auteur, une bibliogra- phie d’une longueur maximum d’un tiers de page, ou 1000, et sont précédés d’un bref résumé de 1000 caractères maximum (en français et en anglais) mettant en évidence l’importance ou l’originalité de la contribution. S’adressant principalement à un lectorat de praticiens, les textes proposés ne comportent que les développements théoriques et méthodologiques nécessaires à la compréhension du propos. Enfin ces articles doivent pouvoir être utiles à la communauté Achats. Les notes sont placées en bas de page et numérotées dans l’ordre d’insertion. Leur nombre ne doit pas excéder une note par page. Les références bibliographiques sont rédigées selon les modèles suivants: d Ouvrage: Nom de l’auteur et initiale du prénom, Titre de l’ouvrage, Editeur, Lieu d’édition, date de publication (exemple: Poissonnier H., Philippart M., Kourim N., 2012, Les achats collaboratifs: Pourquoi et comment collaborer avec vos fournisseurs, Edition De Boeck) d Article: nom de l’auteur et initiale du prénom, « Titre de l’article », Titre de la revue, vol. x, n° x, date de publication, p. x-y, (exemple: Calvi R., Paché G., Jarniat P. 2010, Lorsque la fonction achats devient stratégique: de l’éclairage théorique à la mise en pratique, Revue Française de Gestion, vol 36, n° 205 juin-juillet, p 119-138. Les références doivent être citées ainsi dans le corps du texte: Philippart et al. (2012); Calvi et al. (2010)… 2.Les Enrichissements de dossiers comportent un maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espaces compris. 3.Les Thèses professionnelles sont présentées sous forme d’un bref résumé de 2 à 3 pages de 2 800 caractères maximum par page (en français et en anglais), espaces compris, mettant en évidence l’importance ou l’originalité de la thèse. Elles comprennent une photo de haute résolution de l’auteur, une bibliographie d’une longueur maximum d’un huitième de page, ou 500 caractères – ces derniers éléments devant être inclus dans le nombre total de caractères autorisé. Ces dernières sont aussi choisies selon leur lien avec le thème du dossier 4.Les Thèses académiques récemment soutenues reprennent le format des thèses professionnelles avec des limites x 2 sur toutes les dimensions. Il n’y a pas la contrainte du lien avec le thème du dossier. 5.La critique d’ouvrage est écrite sur un maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espaces compris. 6.Les résumés d’évènements et de travaux des Think Tanks se font sur un maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espaces compris n Hugues Poissonnier et Richard Calvi NOTE AUX FUTURS CONTRIBUTEURS DE LA REVUE « EXCELLENCE HA » Comme dans les numéros précédents voici un court rappel des consignes sur la forme et la quantité des contributions avec lesquelles nous souhaitons régulièrement alimenter les différentes rubriques de la revue. Nous comptons sur votre participation active que vous soyez académique ou praticien. Aucune contribution ne doit comporter des notions de publicité, directe ou indirecte, pouvant être interprétées comme ayant une vocation commerciale. Pour toute question ou proposition: contact@excellenceha.com
  • 4. 4/60 Excellence HA n°5 Introduction L’histoire récente de l’entreprise montre le lien évident qui existe entre le contexte socio-économique et le mode de fonc- tionnement stratégique, organisationnel et managérial des entreprises. D’ailleurs, Cohen et March ont bien dit: « une organisation est un agrégat de choix à la recherche de problèmes, de solutions espérant la reconnaissance de questions, de décisions cherchant comment et de quoi être la réponse, d’objectifs à la recherche de situations auxquelles correspondre » [1]. Dans un premier temps, nous analyserons l’intense changement entre le management dans la société industrielle et le management dans la société mondialisée de l’information. En particulier, le passage de l’une à l’autre oblige à revisiter les métiers, dont celui des achats. Dans un second temps, nous insisterons sur les phénomènes clés qui nous semblent caractériser la société qui se fait jour par le développement des Technologies de l’Information et de la Communication. Ces phénomènes sont si tranchés par rapport à la société industrielle dans laquelle nous avons été éduqués, que nous devons en tirer les enseignements en termes de management de nos organisations humaines, en particulier les entreprises. Aussi, conclurons-nous par une description rapide de trans- formation des offres des entreprises qui impactent nos métiers, en particulier les métiers d’interface comme les commerciaux et les acheteurs. PROSPECTIVE DE LA FONCTION ACHAT dans la société de l’information Résumé:L’objectif de cet article est de montrer le changement entre le management des achats dans la société industrielle et le management des achats dans la société mondialisée de l’information. Nous démontrons ainsi que le passage de l’une à l’autre oblige à revisiter les stratégies, les organisations, les styles de management, et, finalement, les Hommes, vers une mode de fonctionnement dit « agile ». Abstract:Thepurposeofthisarticleistoshowthechangebetweenthepurchasemanagementinthe industrialsocietyandthepurchasemanagementintheglobaliseinformationsociety.Sowe demonstratethatthetransitionfromonetoanotherrequirestorevisitthestrategies,theorganizations, thekindofmanagement,andfinally,thePeople,towardsanewwaysocalled“agile”functioning. JÉRÔME BARRAND Jérôme Barrand est Docteur en Génie Industriel. Il a mené une triple carrière d’enseignant, de consultant et de chercheur en prospective et stratégie. Créateur et responsable de l’institut d’Agilité des Organisations au sein de Grenoble Ecole de Management, il est l’auteur de « Le manager agile », Dunod 2006, qui a reçu le prix Mutations et Travail en 2007, réédité en 2012, de « L’entreprise agile », collectif, Dunod, 2012, et de « Développer l’agilité dans son entreprise, avec Jocelyne Deglaine, Editions ESF, 2013, réédité en 2015. Il est également le co-fondateur et président d’Agil’OA, société qui développe et vend des outils de mesure de l’agilité des Hommes et des Organisations. Email: jerome.barrand@grenoble-em.com
  • 5. 5/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 1 Achat et entreprise dans la société industrielle La « martingale » productiviste des Trente Glorieuses (1945-75) Durant cette période d’après guerre, la croissance était encore très soutenue et trois phénomènes externes sont venus renforcer la donne: - Premièrement, le monde ne se réduisait plus au pays. Au contraire, la mondialisation était en marche (le cycle de vie du produit, défini par Vernon [2], suggérait d’ailleurs de conquérir d’abord son marché local avant de s’attaquer au marché régional, national puis international); - Deuxièmement, la guerre avait frustré les gens pendant 5 ans et l’appétit de chacun était démultiplié, suscitant le besoin d’une part et stimulant l’esprit entrepreneurial d’autre part; - Troisièmement, la guerre avait fait faire de nombreux progrès technologiques en peu de temps, ce qui allait permettre la démultiplication de l’offre et de la concurrence. Ainsi, dans un contexte économique de reconstruction et de croissance, dans lequel la fin des restrictions suscite un fort besoin de consommation, la demande s’est durablement installée comme très supérieure à l’offre. L’entreprise s’inscrit dans une logique de consommation de masse (c’est l’ère du «  techno-push  ») et applique des logiques de volume devenues opérables grâce à la rationalisation et l’automati- sation du travail. La conception des produits est basée sur une définition technique et leurs prix établis par la somme des coûts de fabrication et de la marge et par la loi du marché (offre-demande). Pour maximiser la performance, il suffit alors de réduire les coûts. Cette réduction des coûts se fait grâce à 2 leviers principaux: - par l’accroissement des volumes, en particulier via l’au- tomatisation. C’est la règle des économies d’échelle ou de la courbe dite d’expérience qui domine. En moyenne, tous secteurs confondus, à chaque fois qu’on double les volumes, on baisse le coût unitaire de fabrication de 25 %. Dans certains cas cela signifie qu’à chaque doublement des volumes cumulés, on peut aller jusqu’à tripler la rentabilité! - par la maîtrise des coûts des matières premières et, plus généralement, par la performance de la fonction « achats ». Les achats sont donc un mal nécessaire. Il existe alors deux manières de maximiser la performance de cette fonction: soit on intègre verticalement pour n’avoir que des coûts de cession interne, mais dans ce cas on risque d’augmenter les batailles intestines déjà importantes dans une organisation cloisonnée, soit on entre dans des négociations sévères, de type gagnant-perdant, avec ses fournisseurs. Dans ce dernier cas, les acteurs les plus importants gagnent face aux fournisseurs plus petits. De même, les acteurs ayant la meilleure planification ont un pouvoir non négligeable car la remise en cause des prévisions peut s’avérer très coûteuse. Lors de la renégociation de volumes supplémen- taires, par exemple, le fournisseur ayant subi une forte pression peut avoir tendance à se « venger » car tout d’un coup le rapport de force s’inverse, le client ayant un besoin urgent de corriger son erreur d’anticipation. Une culture de la procédure se met en place, qui sous-tend un modèle managérial basé sur l’obéissance dans l’exécution de tâches. Dans un tel contexte, il n’est pas demandé à l’acheteur d’avoir une valeur ajoutée mais seulement d’être un « prédateur » : l’acheteur se doit de tirer les coûts vers le bas lors de négociations très dures s’appuyant sur des arguments très matérialistes du type « quantité » ou « prix », sans tenir compte ni des externalités (positives ou négatives) ni des relations. Cette place, ne nécessitant pas de compétences autresqueleculotetuncertainmanqued’étatd’âme,n’estpas considérée avec noblesse. On y trouve donc souvent des acteurs rationnels et froids ou des personnes dont on ne sait plus quoi faire et qui ne sont pas forcément très diplômés. Ce placard va permettre en effet à certains de montrer ce dont ils sont capables. Ils vivent ce poste à la fois comme une dégradation et comme une seconde chance. Mais pour cela ils vont devoir aller très loin dans la logique dominant-dominé, ce qui va durablement influencer l’image de ce métier. Les « Vingt Périlleuses » et l’inversion des rapports de force entre clients et fournisseurs (1975-95) Dès le début de cette période, qui débute en France seulement cinq ans après mai 68, une crise forte est apparue: c’est la crise du pétrole de 1973. Cette crise est à la fois une crise de régulation économique et une crise d’amplifica- tion des phénomènes internationaux, tant politiques qu’économiques.
  • 6. 6/60 Excellence HA n°5 Les secousses de cette crise économique marquent la fin des années 70 et 80, par l’effet persistant et conjoint des chocs pétroliers et de l’inflation [3]. C’est la crise du mode d’accu- mulation basée sur les gains de productivité des industries mécaniques, conséquence de l’incapacité des industries à compenser les coûts du travail et de la concentration indus- trielle par les gains de productivité. Le changement de modèle économique dans les pays occidentaux, en partie mis en œuvre par la dérégulation, renforce la concurrence et donc la nécessaire compétitivité des entreprises. L’inversion de rapport entre l’offre et la demande exige une nouvelle logique de production. La technologie permet d’introduire de la flexibilité et de la souplesse dans la production (en particulier grâce aux machines à commande numérique ou aux principes de la différenciation retardée)1 , vecteurs principaux de la diversité demandée. Artificiellement, pour compenser la saturation apparente des marchés domestiques et pour prétendre à la création de valeur par le développe- ment de nouvelles technologies, le cycle de vie des produits est raccourci sans cesse et le client poussé à demander des produits toujours plus sophistiqués. Au levier des volumes vient s’ajouter le levier de la différen- ciation (4). Le facteur clé de succès ne repose donc plus seulement sur le prix mais aussi sur l’innovation, la vitesse d’adaptation, la souplesse dans la production… L’entreprise ne peut plus se permettre de tout faire et elle utilise de plus en plus le levier du faire faire assorti d’analyses de risques, ce qui pousse à un choix plus intelligent de fournisseurs. Un bon fournisseur n’est donc plus seulement un acteur qui baisse les prix et se soumet à la loi du client, c’est aussi un acteur adaptable, raisonnant à court terme; c’est même de plus en plus un complice, un partenaire. Les achats vont progressivement représenter plus de 50 % du chiffre d’affaires, et l’acheteur, par conséquent, va prendre qualita- tivement de l’importance. C’est le début de la reconnaissance véritable de ce métier, qui va du coup recruter des personnes de plus haut niveau et de véritables spécialistes. En effet, la fonction achat est de plus en plus reconnue comme étant stratégique, car non seulement elle continue à permettre la maîtrise des coûts mais, en plus, elle contribue largement au maintien de la marge. L’acheteur est toujours un « cost killer », mais il devient également un sécurisateur des approvisionnements et un contributeur à la qualité, voire des innovations. En effet, sa relation privilégiée avec les four- nisseurs peut permettre un approfondissement technique et une créativité organisationnelle qui va placer la fonction achat parmi les contributeurs à l’innovation dans l’entreprise. Les achats vont même devenir, durant cette période, le premier contributeur à l’innovation dans l’entreprise. Le marketing achat va apparaître, autant dans le but de repérer, sélectionner et faire vivre un portefeuille de fournisseurs fidèles que dans celui de se faire remarquer par les meilleurs fournisseurs. Pour autant, la logique de maîtrise des coûts demeure. Ce cumul de logiques (volume, valeur) va contribuer à révolu- tionner ce métier, à le rajeunir (dans ces approches et dans son recrutement) et à améliorer son image. Les achats dans la société informationnelle ou digitale: François Caron, historien de l’économie, dans une interview pour le Nouvel Economiste2 , dit: «  ce qu’on appelle la révolution industrielle, ce n’est pas simplement le développe- ment d’une technologie de plus, c’est un bouleversement fondamental dans notre manière de produire et de consommer ». La révolution industrielle est donc un de ces moments où l’Homme est capable, dans un délai assez bref, de transformer radicalement la société à partir d’une technologie qui permettait à la fois une démultiplication de volume de production et un accroissement de la communi- cation par le raccourcissement des distances. Les technolo- gies de l’information et de la communication (TIC) s’inscrivent définitivement dans ce schéma, tout comme la machine à vapeur ou l’électricité avant elle. François Caron explique clairement que les caractéristiques de ces révolutions sont toujours les mêmes: - Émergence lente et progressive d’une technologie; - Explosion de starts up; - Créativité et innovations financières pour soutenir cette nouvelle technologie; - Sentiment de vivre une révolution radicale lorsque tout d’un coup la demande s’accélère de façon vertigineuse; 1 Principe notamment utilisé par Swatch qui permet de travailler en grande série sur des composants communs entre toutes les montres produites jusqu’à ce que les lignes de production se séparent pour permettre la production des composants spécifiques, les derniers à être montés (cadrans, aiguilles, bracelets) 2 Entretien mené par Sandrine Delanglade en avril 2001 dans un numéro spécial du Nouvel Economiste.
  • 7. 7/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 1 - Impression que la technologie va apporter confort, ouverture et finalement prospérité, en particulier en répondant à de nouveaux besoins sociaux, ceux-ci venant répondre à la fin des besoins sociaux précédents (quand l’Homme est satisfait et repus, il est immédiatement en quête d’autre chose!) ; -… Ces différentes caractéristiques affectent notre société depuis une quinzaine d’années, au point que certains l’appellent « la société de la connaissance à l’ère de la vie numérique » [5]. Dans nos entreprises, on a ainsi vu l’émergence de nouveaux modèles managériaux, notamment du fait de l’apparition des technologies de l’information qui impactent nos modes de communication, nos modes de travail et nos modes de mémorisation ou de partage. De nouvelles opportunités apparaissent. La suppression d’étapes de travail désormais effectuées informatiquement raccourcit les processus et augmente la flexibilité grâce à la réduction induite des délais. La disponibilité de l’information permet une meilleure maîtrise de l’environnement et favorise ainsi la réactivité. La logique de vente de simples «  produits physiques  » se transforme en vente d’un composé «  produit physique + services + formation + information + image + relation » dont le principal vecteur de production est le système d’in- formation. Rapidement, la création de valeur par les systèmes d’information et les télécommunications devient réelle. Si l’offre des entreprises est profondément modifiée, le métier des achats est, quant à lui, totalement transformé. Non seulement ils restent maîtres des coûts et créateurs de valeur, mais, en plus, ils deviennent intrapreneurs, prospec- tivistes, créatifs, performants en géopolitique ou intelligence économique… L’acheteur n’est plus un simple acheteur mais il devient justement un manager des ressources externes. Il tisse un réseau de partenaires avec qui il entretient une relation de qualité et, du fait des TIOC, dans une vitesse de transaction jamais atteinte jusque-là. Les critères de performance le concernant ne sont plus du tout les mêmes. Les femmes et les hommes qui occupent cette fonction ne peuvent non plus être les mêmes. Ils sont ouverts, stratèges, douées de qualités relationnelles exceptionnelles et, surtout, ils comprennent que l’entreprise d’aujourd’hui n’est plus la même que celle d’hier car des phénomènes très forts impactent notre société et les organisations qui y vivent. Prospective de la fonction dans la société industrielle Les 5 phénomènes caractérisant la société de l’information Finalement, il nous faut admettre la véritable nature du changement sociétal que nous vivons: c’est une révolution! Pire, ou mieux encore, c’est une révolution comme l’humanité n’en a encore jamais vécu. Cette révolution s’exprime par l’adoption d’un nouveau modèle économique s’appuyant sur de nouveaux rapports à l’espace, au temps et à l’autre; le concept de développement durable tend d’ailleurs à rendre compte de ces nouveaux rapports, même si cela reste encore laborieux. Nous disposons aujourd’hui d’une capacité unique à nous déplacer ou à déplacer les biens économiques. Il y a un siècle, un pays était un village distant de quelques kilomètres d’un autre village. Il y a 30 ans, avant la construction de grands blocs économiques comme la Communauté Européenne, un pays était une nation partageant langue et culture. Demain la notion même de pays aura-t-elle encore un sens? On parle en effet de mondialisation, dans une acception purement économique, oubliant qu’elle est plutôt le reflet d’une situation révolutionnaire: nous sommes tous amenés, d’abord et avant tout, à devenir des citoyens du monde! Notre approche du temps a été également radicalement transformée durant cette même période. Il y a encore un siècle, le temps de vie était presque exclusivement un temps de travail. Il est aujourd’hui majoritairement un temps de loisir. Il faut donc admettre que la valeur structurante de la société est passée du travail à autre chose, le bien être par exemple. Le temps est donc plus rapide, grâce aux technolo- gies de l’information, qui permettent de communiquer dans l’instant avec chacun à l’autre bout du monde, ou d’accéder en une seconde à n’importe quelle information. Cela limite d’ailleurs les possibilités de manipulation de cette dernière. Mais le temps est également plus lent, au sens où chacun souhaite de plus en plus prendre le temps: le temps de voir grandir ses enfants, le temps d’apprendre le monde (le temps culturel), le temps de prendre du temps c’est-à-dire le temps des loisirs,… Bref, il n’existe plus un temps mais des temps3 ! 3 Les villes se dotent aujourd’hui de « bureaux du temps » pour gérer la multiplicité des « temps sociaux » !
  • 8. 8/60 Excellence HA n°5 Enfin, les rapports humains ne peuvent plus être les mêmes. Chacun exprime de nouvelles exigences. Ces changements de rapport à l’espace et au temps ont en effet permis la démultiplication des perceptions, donc la démultiplication des modes de fonctionnement individuels. La société, comme l’entreprise qui en est son exact reflet, doit permettre à chacun de s’épanouir dans ce nouveau contexte. Pour ce faire, elle doit laisser libre cours aux initiatives et soutenir cette transformation qui l’influencera fatalement. Dans cette transformation radicale, nous retenons 5 phénomènes qui vont façonner, selon nous, la vie des entreprises dans le futur: le contexte de finitude, la montée de la complexité, la montée de l’interdépendance, la montée de l’incertitude et la montée de l’individualité: - le contexte de finitude, qui est le constat que les marchés ne peuvent plus croître et que les ressources ne sont pas infinies. C’est aussi le constat que la richesse maximum n’est plus le sens de notre société et que des valeurs plus qualitatives s’imposent. Ainsi sommes-nous poussés vers des logiques d’optimum et de partage plutôt que vers des logiques matérialistes de maximum et de possession; - la montée de la complexité, qui pousse les Hommes à s’organiser à l’intérieur d’entités à échelle humaine pour réduire cette complexité et à coopérer davantage entre ces petites unités opérationnelles; - la montée de l’individualité, qui plaide pour une reconnais- sance de la capacité de l’individu à penser et à agir, donc à avoir son libre arbitre et ses exigences, qu’il soit placé dans une posture de consommateur sur un marché ou de producteur dans une organisation; la montée de l’incerti- tude, qui impose naturellement la nécessité d’anticiper pour améliorer encore nos capacités de réaction. En effet, nous postulons qu’anticiper les scénarios du futur permet de s’y préparer et de réagir plus vite le moment venu; la montée de l’interdépendance, qui sous-tend le principe de partage du pouvoir tant à l’intérieur d’une organisation qu’entre les acteurs de l’économie d’un secteur par exemple. De fait, nos économies s’épuisent et le modèle industriel basé sur la croissance du volume de biens matériels atteint ses limites malgré toutes les recettes palliatives que nous avons mises en place: emplois aidés, délocalisations, secteurs subventionnés, innovations inutiles… De plus, la croissance du secteur dit immatériel ne tient pas toutes ses promesses tout simplement parce que, par essence même, la dématérialisation et la puissance informatique permettent de traiter d’énormes volumes de transaction sans créer autant d’emplois que dans le domaine du tangible. On a beau soutenir l’entrepreneuriat de l’immatériel, il ne peut pourvoir des emplois en proportion des efforts consentis. À cela s’ajoutent des contraintes écologiques fortes: épuisement des ressources et donc augmentation du prix des matières premières, pollution lors des transports des produits à travers le monde, gestion des déchets… Bref, nous dépensons toujours plus et pourtant la croissance et l’emploi ne sont pas au rendez-vous. Soit on attend une embellie et on adopte une posture de fatalisme, soit on essaie de mettre en place une politique industrielle volontariste, qui peut placer la France, comme elle l’a longtemps été, en position d’innovateur au service d’une économie performante et écologique. Tel est notre pari ci-dessous. La théorie de l’iceberg pour comprendre les achats d’aujourd’hui et de demain Force donc est de constater l’amorce d’un phénomène qui nous paraît inéluctable, et qui, si on n’y prend pas garde, sera la source des échecs ou des succès de demain. Ce phénomène, nous le représentons avec ce que nous appelons la théorie de l’iceberg. Dans un iceberg, 10 % de la glace émergent tandis que 90 % restent immergés sous l’eau. Symboliquement, nous considérons la partie émergée comme représentant la société matérialiste de consommation et d’accumulation de biens tangibles. A contrario, la partie immergée représente la société humaniste et une consommation de biens intangibles. Nous vivons, avec l’émergence de la société de l’information et la prise de conscience de la finitude, une époque très partic- ulière où les consommateurs ne veulent plus seulement posséder un maximum de biens tangibles, mais plutôt consommer des usages tout en respectant des valeurs fortes, dont la principale est le respect du système dans lequel ils vivent. D’une société à dominante bleue de fabrication basée sur un modèle économique de volume, nous sommes en train de basculer dans une société à dominante rouge de partage d’émotions. C’est pourquoi on parle de plus en plus d’expéri- ence client plutôt que de produit.
  • 9. 9/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 1 Aussi pensons-nous que notre économie bascule vers une production de produits de bonne qualité à longue durée de vie plutôt que de s’arc-bouter sur le principe de l’obsoles- cence programmée. Cela signifie investir dans la conception et le design. Cette production de qualité serait ensuite relocalisée en France. Elle générerait des prix un peu plus élevés, mais qui seraient compensés par une augmentation des volumes en augmentant la part de marché des producteurs français. On diminuerait également les coûts de transport et on réduirait l’empreinte écologique nationale. Cette logique de longue durée de vie générerait surtout de l’emploi local, donc une redynamisation de tout le cycle économique (emploi s consommation s rentrées fiscales… ). En effet, en cas de panne, on ne jetterait plus le produit, on le ferait réparer par un artisan ou en employé de SAV local. En cas de lassitude, on ne jetterait toujours pas le produit car il serait réparable (par le fournisseur ou par nous-mêmes), redesignable (changer la couleur par exemple) et upgradable (intégrer des technologies nouvelles) ou recyclable et revendable. Toutes ces prestations seraient traitées par des emplois locaux, minimisant le chômage, diminuant les pollutions, bref améliorant l’économie et l’écologie. Les systèmes d’information faciliteront la gestion de ce modèle industriel et la révolution de l’imprimante 3D contribuera également largement à cette transformation. Mais il faudra aussi changer les modèles de business des entreprises et imaginer de louer plutôt que de vendre nos produits. Le consommateur devra lui aussi muter en développant sa conscience écologique et sa logique de propriété vers une logique d’usage. Le gouvernement contribuera en déplaçant les aides et incitations vers les entreprises entrant dans ce nouveau modèle en espérant un impact sur l’emploi et la croissance bien supérieur. En tout cas aura-t-on essayé quelque chose de nouveau qui ira enfin dans le sens du progrès et non dans celui de la conservation d’un système qui ne marche plus et n’est pas prêt de fonctionner à nouveau. L’entreprise qui porte cette offre se doit d’être plus adaptable etplusflexible,etd’évoluerbeaucoupplusvitequ’hier.Sil’en- treprise des années 60 peut être considérée comme un bloc unique, hiérarchique et centralisé, l’entreprise d’aujourd’hui ressemblerait plutôt à un ensemble de petites unités appartenant ou non juridiquement à la même société: 10 % émergé = tangible Société matérialiste Rationalité / Méthode 90 % immergé = intangible Société humaniste Emotion / Spontanéité
  • 10. 10/60 Excellence HA n°5 ces différentes unités partagent des choses, des valeurs, des processus, ce qui permet à chacune d’évoluer dans la même direction. Elles sont très interconnectées entre elles et communiquent très rapidement. Cela signifie que si l’une capte un changement de l’environnement, le signal est directement renvoyé aux autres unités. Toutes peuvent changer de direction de manière quasi instantanée. L’entre- prise dispose pour se faire des outils informatiques, pour la gestion interne et pour les relations avec les clients et les autres acteurs de l’environnement. Cela permet essentielle- ment la rapidité d’action, qui constitue l’enjeu d’aujourd’hui: cette entreprise est dite « agile ». Elle propose une solution globale, au prix d’une offre standard mais avec un haut niveau de différenciation, incluant service et information. Pour réussir ce pari, elle ne peut plus répondre seule. L’équipe qui va répondre est une équipe mixte, pluri-fonc- tionnelle, interne et externe à l’entreprise. L’entreprise peut ainsi répondre à la demande non seulement en coopérant avec des experts ou des sous-traitants mais également avec un concurrent ou avec un fournisseur. L’alliance se fera au sein d’une équipe projet ou d’une entreprise commune et sera régie par une convention modifiable dès qu’un acteur de l’alliance en ressentira le besoin. L’entreprise agile est donc constituée d’unités à taille humaine dotées d’une culture d’agilité et orientées vers une finalité commune claire: - l’entreprise mondiale doit donc se décomposer en unités opérationnelles très proches du client, reconfigurables en permanence et donc dotées de processus d’adaptation organisationnelle très rapides (métaphore du banc de poissons). Ces unités opérationnelles sont des capteurs sensibles de l’environnement et sont capables de changements organisationnels rapides grâce aux structures de back-office en soutien. Celles-ci les libèrent des problèmes financiers, ont des systèmes informatiques très performants, apportent des ressources, et réalisent un accompagnement psychologique, juridique ou encore conceptuel. Elles mettent à leur disposition des systèmes de partage, de capitalisation de l’information et de décen- tralisation de la prise de décision; - la PME-PMI, quant à elle, adopte les mêmes principes de reconfigurabilité organisationnelle. Elle colle au client, développe son écoute de l’environnement et noue un grand nombre d’accords (convention) avec un grand nombre d’acteurs autour d’elle pour l’aider à répondre aux menaces qui l’entourent et pour co-développer sans cesse de nouvelles solutions. La fonction achat dans cette nouvelle société Nous avons vu que notre société vit des changements structurels forts et ne peut continuer à fonctionner sur les seuls principes établis depuis la 1ère révolution industrielle et portés depuis par ce qu’on appelle couramment le taylorisme. La performance immédiate quantitative plie devant la performance pérenne qualitative et quantitative. Les logiques de maximum (de taille, de CA, de rentabilité) ne peuvent que progressivement disparaître au profit de logiques d’optimum (multi critères et multi acteurs). La quête de la richesse et du pouvoir laisse la place à une quête de satisfaction et de sens. L’individualisme cède face à la montée de l’altruisme. Plus que la technologie, l’Homme devient la vraie source de création de valeur dans notre société devenue relationnelle. Telles sont les tendances qui vont permettre la pérennité des organisations face à la turbulence. Telles sont les bases fondatrices d’un management agile. L’agilité est ainsi une perpétuelle recherche d’équilibre entre une dimension active (faire et prouver que l’on sait faire), une dimension réactive (être opportuniste face aux changements observés pour fidéliser) et une dimension proactive (création de valeur). Il faut savoir reconnaître dans l’instant chaque situation et adopter spontanément le bon fonctionnement. L’agilité ne saurait donc être un état stable et définitif, mais une propension, une aptitude, un cadre général à maintenir et alimenter constamment. L’agilité est donc un modèle stratégique et comportemental. Toutes les fonctions sont ainsi impactées, en particulier les fonctions d’interface comme la fonction commerciale et la fonction achat, qui, nous semble-t-il, sont les fonctions clés de demain. En effet, dans cette nouvelle société, plus personne ne pouvant assumer toutes les facettes de cette offre globale agile ni ne pouvant contrôler tous les liens entre les acteurs du système, les fonctions d’interface deviennent clé. Ainsi, par exemple, les achats sont à l’interface entre les fonctions internes de RD et production et l’ensemble des acteurs amont avec qui l’entreprise est
  • 11. 11/60Excellence HA n°5 D O S S I E R N ° 1 obligée de travailler dorénavant. Certains vont même jusqu’à dire que le métier d’interface est un seul et même métier et que la vitesse d’exécution vers laquelle nous allons contraint les entreprises à regrouper le métier des achats et de la vente. L’acheteur cumule désormais les objectifs de réduction de coût, d’augmentation de valeur, d’innovation et de qualité relationnelle tout en tenant compte des mutations sociétales. Il se doit de connecter le client final avec le fournisseur le plus amont tout en fédérant tous les acteurs intermédiaires. Il est le garant du sens et du partage entre tous et, grâce à cela, de la vitesse d’exécution de l’entreprise. Il stimule la transformation de l’entreprise et mobilise autour de projets de développement. Doué de compétences techniques, il met également en œuvre des compétences comportementales d’exception et fonctionne avec une pleine conscience systémique. Mutant, complet et intelligent (au sens étymologique c’est-à-dire capable de faire des liens de toutes natures), il devient un personnage clé, agile, dans l’entre- prise. Mais ne nous leurrons pas: si l’acheteur est en pleine trans- formation, l’entreprise aussi. Cette mutation ne se fera malheureusement ni très vite ni sans une prise de conscience généralisée et donc une mutation de toutes les fonctions de l’entreprise, car un acteur seul ne peut changer tout le système. Conclusion L’histoire de l’entreprise n’est pas une simple succession de modèles qui s’ignorent. De même que la société se façonne à coups d’évolutions et de révolutions sans pour autant faire disparaître les acquis du passé, les entreprises se construisent par couches successives. L’agilité ne vient donc pas en substitution aux modèles préexistants: elle ne renie pas l’efficacité de la logique d’expérience (économies d’échelle) non plus que les modèles managériaux qui permettent la flexibilité ou encore les principes qui portent l’innovation. Elle s’impose dès lors, non pas comme un nouveau modèle entrepreneurial, mais plutôt comme un ensemble de principes basiques de comportements qui permettront de réconcilier ces modèles entre eux alors qu’on les a toujours décrits comme antinomiques. Ces comportements sont faits d’anticipation, de coopération et d’innovation. L’acheteur est un personnage clé de cette transformation et sera sans doute parmi les premiers à adopter ces nouveaux comportements. Son métier désormais d’interface lui permettra donc d’être un diffuseur de ces comportements. Mais qu’il prenne garde à bien analyser le sens de ces mots. Si l’anticipation était hier synonyme de prévision ou planification, elle est aujourd’hui davantage une question de maîtrise des conséquences. De même, si la coopération n’était qu’une question de coordination de tâches, elle est désormais davantage une question de sens commun et de partage de satisfaction (critères tangibles et intangibles). Enfin, et pour conclure, si l’innovation a été longtemps une question dogmatique, avec ses tenants de l’amélioration et ceux de la rupture, elle est aujourd’hui essentiellement une question d’ouverture au mouvement pertinent, c’est-à-dire une capacité à changer collectivement juste ce qu’il faut quand il le faut, pas plus et pas moins. n Bibliographie [1] MD. Cohen et RW. March (1972), “A garbage can model of organizational choice”, Administrative Science Quarterly, mars 1972, vol.17, issue 1. [2] R.Vernon (1966) « International investment and international trade in the product cycle », Quaterly Journal of Economics. [3] Y.Carsadale (1998)  « Les grandes étapes de l’histoire économique », Ellipses-Les cours de l’Ecole Polytechnique, Paris. [4] Michael Porter, « Competitive Strategy. Techniques for Analysing Industries and Competitors », Free Press, 1980. [5] « La société de la connaissance à l’ère de la vie numérique » (2007), Colloque du 10ème anniversaire du Groupe des Ecoles de Télé- communication, 29 juin 2007, Paris.
  • 12. 12/60 Excellence HA n°5 LE POINT DE VUE D’UN PRATICIEN SUR L’ARTICLE: L'agilité dans les achats TONY BOCOCK Anglais, habitant en France depuis 25 ans. Ingénieur, Cambridge, 1980. Salarié chez Schlumberger, Valeo, Plastic Omnium, Solving. Création cabinet de conseil Better Buying Concepts en 2003. 2015 : conseil aux entreprises dans l'amélioration de la performance achats, intégrant notamment l’externalisation, les centres de services partagés et la prise en compte des impacts de la révolution numérique. email : tbocock@betterbuyingconcepts.com Résumé L'agilité d'une entreprise contribue à ses résultats par le développement de sa capacité à s'adapter à un environnement en constante évolution. Un niveau faible d'agilité mène à des performances moindres et peut conduire à la faillite. La fonction achat contribue fortement à l'agilité d'une entreprise car elle est un des principaux canaux d'observation des marchés et des ressources externes à l'entreprise. Le rôle conventionnellement attribué aux achats n'a pas permis l'expression d'un potentiel d'agilité. Ce papier explore l'état des lieux et cherche les voies de développement de fonctions achats agiles qui apportent une contribution renforcée et dynamique à la performance des entreprises. Abstract Theagilityofafirmisakeyfactorofits profitabilitythroughitscapacitytoadaptwithina continuallychangingbusinessenvironment.Poor agilitywillresultininferiorresultsandmayeven leadtofailure.Thepurchasingfunctioncan contributesignificantlytoafirm'sagilitymainly sinceitconstitutesaprivilegedobservationpoint onmarketsandexternalresources.Therole conventionallyassignedtopurchasinghasnot required,norfacilitated,expressionofpotential agility.Thispaperexploresthecurrentsituation offirmsandtheirbuyersandlooksatpossible axesforthedevelopmentofmoreagile purchasingfunctionsthatcouldcontributemore stronglyanddynamicallytocompany performance. Introduction. Les dinosaures n'étaient pas agiles, ils ont disparu. Le cheval, descendant de l'hyracotherium, est toujours là, ayant fait preuve de son agilité par une transformation pour tripler de taille. Les comparaisons dans le monde de l'entreprise sont nombreuses : Agile Pas agile Fuji Kodak Samsung Nokia et sans aller jusqu'à la disparition: Renault-Nissan Peugeot-Citroën Ces résultats sont les conséquences de la stratégie des entreprises, pas d'une fonction particulière et a priori pas des achats! Une fonction achat peu agile ne fait pas une entreprise peu agile; mais il sera difficile pour une fonction achat d'être agile dans une entreprise qui ne l'est pas. Une entreprise agile sollicite sa direction achats sur plusieurs angles, car cette fonction est le canal vers les ressources externes qui offrent innovation, diversité, flexibilité, et in fine une capacité à décupler sa propre agilité. Le concept de l'entreprise étendue est un de ces angles, donnant lieu à un réseau de contributeurs agissant en harmonie pour le bénéfice de l'entreprise de tête.
  • 13. 13/60Excellence HA n°5 D O S S I E R N ° 1 1 LARGE (Ligue des Anciens Rugbymen des Grandes Ecoles) ww.large-rugby-management.com 2 Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen; Changer de modèle – de nouvelles idées pour une nouvelle croissance. Odile Jacob, 2014. Pour démontrer la versatilité de l'agilité, je vous propose un regard vers le monde sportif. Le rugby a su préserver ses valeurs fondamentales de respect, soutien, esprit d'équipe… tout en adaptant les règles chaque année pour mieux favoriser le développe- ment du jeu et d'introduire les nouvelles technologies (arbitrage vidéo…) Travaux de l'association LARGE 1 Le football a perdu l'essentiel des valeurs - on peut citer le scandale de la FIFA et sur le terrain le manque de respect des arbitres. Cet article explore les composantes de l'agilité pertinentes pour une direction achats qui contribue à sa pleine mesure aux évolutions de son entreprise dans un monde qui change de plus en plus rapidement. On examinera deux facettes de l'agilité de la fonction achat : 1. L'accompagnement des innovations nées dans l'entreprise 2. La détection et la découverte d'innovations nées à l'extérieur de l'entreprise Peut-on décrire l'agilité? On a exploré le concept de maturité, qui fournit un chemin de progrès pour une organisation. Ce chemin se dessine souvent par une démarche et des étapes ou niveaux de maturité. On cherche l'amélioration continue et enfin l'excellence. L'agilité est proposée comme une mesure de la rapidité de réaction, du temps nécessaire pour l'organisation de s'adapter. Parfois les organisations ne s'adaptent pas… elles n'en sont pas capables. Le cas Kodak est souvent mentionné, mais la plupart du temps le manque d'agilité est moins flagrant. L'agilité peut être vue comme une capacité à changer – et les organisations offrent une résistance plus ou moins forte au changement. C'est humain. L'agilité est inhumaine ? Non. Bien au contraire – une organisation agile s'adapte mieux aux changements qui arrivent et les personnes travaillant dans l'organisation sont plus heureuses car en meilleure adéquation avec leur temps. Cette adaptation est d'autant plus nécessaire aujourd'hui car la vitesse de changement s'accélère. On a l'impression que les poteaux bougent presque tous les jours. L'agilité est donc un ensemble de caractéristiques qui définit une capacité à évoluer, s'adapter rapidement ; et surtout plus rapidement que ses concurrents. Nous allons développer la contribution de la fonction achat à cette agilité : dans son propre fonctionnement et dans son rôle dans l'entreprise. Il est intéressant de considérer les manques d'agilité des sociétés citées selon ces capacités. Pour Kodak et Nokia il s'agit d'un déficit d'innovation et d'anticipation. Pour Peugeot c'est la culture de changement organisationnel qui a manqué. On peut aussi dire que celles qui n'ont pas réussi n'ont pas ajusté leur stratégie par rapport à un environ- nement qui a évolué. Pour le cas Kodak il paraît évident que l'entreprise n'a pas intégré, n'a pas cru dans une nouvelle technologie venant d'ailleurs. Ce point est important. La réussite des entreprises a toujours bénéficié de l'agilité, mais aujourd'hui cela devient une obligation Deux phénomènes en particulier ont impacté récemment les entreprises et la fonction achat de façon marquée : •La mondialisation •Le numérique La mondialisation a fait naître les achats dits low cost. Le sourcing en Asie a été un levier de compétitivité puissant pour les entreprises plus agiles qui ont su adapter leur stratégie d'achats. Ils ont mis en place une stratégie de sourcing innovante avant les autres et ils y ont gagné un avantage compétitif. Cet axe de productivité concerne au départ, dès les années 90 pour les early adopters, surtout les produits manufacturés en Chine et les textiles en Asie du Sud. Une analyse de la performance économique de la France Changer de modèle, 2014, par Philippe Aghion et al2 constate que la France a peu bénéficié de la mondialisa- tion dans la mesure où son taux d'extraversion moyen n'a pas augmenté aussi vite que dans d'autres états ces 20 dernières années : Agile Pas agile Rugby Football
  • 14. 14/60 Excellence HA n°5 Pour améliorer cet indicateur un état doit importer plus et exporter plus. Les principes de l'avantage comparatif de Ricardo restent valables. On peut aussi parler d'une agilité moindre car les échanges internationaux n'ont pas progressé beaucoup. La France a peu progressé sur cet indicateur ; ce qui veut dire qu'elle na pas su saisir l'opportunité de la mondiali- sation. L'économie française serait moins agile que celle d'autres états ? Les entreprises françaises peuvent donc encore développer leurs stratégies à l'international et leurs acheteurs ont un rôle important à jouer – s'ils démontrent plus d'agilité. Cette opportunité peut aussi être considérée comme une innovation, qu'il fallait détecter, évaluer, intégrer. Le plus rapidement possible - pour en créer un avantage concur- rentiel. Il revient bien à la fonction Achat de détecter et évaluer ces phénomènes. L'axe numérique et la révolution technologique en cours concernent surtout les services et les achats intangibles et les processus de fonctionnement internes. Le développement de l'externalisation (ITO et BPO) a été largement facilité par la possibilité de réaliser des prestations à distance (programmation informatique, gestion de transactions…). Les entreprises ayant eu recours à l'externalisation offshore ont pu accéder à des coûts de main d'œuvre nettement inférieurs et ont amélioré leur compétitivité. Certains diront que l'exter- nalisation n'a pas toujours été bénéfique – les entreprises les plus agiles ont dû réussir mieux que d'autres. L'axe numérique continue à évoluer et permet désormais l'automatisation de processus manuels jusqu'alors réalisés par des personnes qualifiées, comptables par exemple. Les Centres de Services Partagés (choix organi- sationnel préféré à l'externalisation pour beaucoup d'en- treprises françaises) vont pouvoir mettre en œuvre ces solutions pour s'approcher des niveaux de performance et de coût des prestataires externes, notamment en BPO. La mise en œuvre de ces solutions technologiques conduira à des effectifs en nette baisse, ce qui est bon pour la productivité mais moins bon pour l'emploi. Une gestion agile des conséquences sociétales facilitera l'ac- ceptation de ces processus dématérialisés et nettement plus efficaces. Le rôle des achats sera dans l'identification et le sourcing des solutions technologiques permettant de bénéficier de cette révolution numérique. Si on compare la capacité d'innovation interne (que les achats doivent accompagner) à la capacité, et à l'intensité, d'innovations externes à l'entreprise on arrive aisément à la conclusion qu'il faut surtout être en mesure de détecter les innom- brables innovations venant d'ailleurs, sur le marché. C'est une capacité clé de la fonction achat. Ensuite c'est 3 CGI, IRIMA, Better Buying Concepts
  • 15. 15/60Excellence HA n°5 l l l R U B R I Q U E ? l'agilité de l'entreprise qui permettra d'intégrer ces innovations – proposées par l'acheteur - en temps utile. On retrouve une des conclusions de l'article dans l'Excel- lence HA n°1 : … cet acheteur là n'est pas le même animal. On fait référence à une enquête menée en 2012 sur La maturité des fonctions Achats dans le pilotage de l’entreprise étendue3 dans laquelle on suggère le profil de l'acheteur capable de piloter l'entreprise étendue (une facette essentielle de l'agilité) : dotés d’une solide formation économique, ce sont bien plus des community managers de haut vol que des négociateurs de prix. La conjugaison des activités d'une direction achat avec l'agilité La fonction doit apporter plus que de simples réductions de coût. Une véritable performance achat ne peut se résumer à cela ; une fonction agile encore moins. Le sujet est développé en 3 rubriques ou sphères d'activité : 1. La routine, les contributions basiques sur les actions qui sont couramment confiées aux achats 2. Une première extension au-delà de ce périmètre 3. Une deuxième extension vers le plein potentiel d'une direction achat agile et sa contribution à l'entreprise 1.L'agilité de base La gestion des panels fournisseurs doit être dynamique, surtout dans les catégories de dépense sujettes à l'impact de la révolution numériques et la mondialisation. Les consultations doivent explorer les nouveaux arrivants sur le marché. La veille est vitale – elle permet de mieux anticiper les évolutions, bien entendu sur le marché mondial. On doit pouvoir changer de fournisseur sans trop de difficulté. La résistance au changement se manifeste souvent dans des processus d'homologation de produits ou processus compliqués, qui ralentissent les projets d'évolution. Cependant, l'agilité ne se résume pas à la valse des four- nisseurs ! Un travail conjoint de développement d'une offre fournisseur, pour le bien commun est tout à fait agile. L'acheteur doit donc se décider entre facilité de changement de fournisseur et volonté de collaborer avec eux. Un aspect important de l'agilité consiste en la bonne séparation des fonctions achat et approvisionnement. La gestion des commandes et de leur livraison exige une agilité logistique, concernant les choix court terme de production. L'agilité achat est toute autre, et vise le moyen / long terme, ce qui nous emmène au point 2. 2. L'agilité au delà du périmètre achat. Le développement de l'innovation est au cœur de cette agilité. L'acheteur a la responsabilité d'observer le monde à l'extérieur de l'entreprise et de recueillir les informa- tions des marchés. Il doit attirer les fournisseurs pouvant apporter les meilleures innovations. Une coopération avec les fonctions techniques et la capacité à favoriser les projets sur toute la chaine de valeur est à développer. Une capacité à chercher l'optimum collectif permet aux différentes fonctions de sortir de la logique d'un maximum par fonction. Les achats ont un rôle majeur car ils identifient les champs d'optimisation à l'extérieur de l'entreprise. Ce niveau d'agilité requiert déjà des compétences que l'acheteur négociateur ne possède pas. On constate que les personnes intégrant la fonction d'autres métiers ont plus de facilité à construire la relation de business partner qui peut être si fructueuse. L'établissement de performance à ce niveau permet de contribuer à l'amélio- ration de l'agilité de l'entreprise par la création de coopérations multiples entre services internes et externes. L'acheteur est l'œil qui scrute à l'extérieur de l'entreprise pour détecter l'innovation clé de demain.
  • 16. 16/60 Excellence HA n°5 3. La contribution à l'agilité de toute l'entreprise L'acheteur est partie-prenante dans l'innovation propre de l'entreprise. Dès lors qu'une innovation nécessite une compétence nouvelle, soit on la développe en interne, soit on l'achète. Le sourcing accompagne le développement. La révolution numérique a fait naître des possibilités de productivité dans les fonctions support inimaginables voici quelques années. Il est de plus en plus nécessaire de mener une réflexion sur son activité cœur de métier et de conduire des analyses make or buy pour déterminer ce qu'il faut faire soi-même et ce qu'il vaut mieux faire faire, c’est-à-dire acheter. La fonction achat est notoirement absente de ces consid- érations. Elle participe, parfois, aux analyses make or buy mais est très rarement à l'origine d'une initiative de type externalisation. Le terme externalisation est préféré à la sous-traitance qui est trop souvent enclenchée par nécessité opérationnelle, sans la réflexion stratégique nécessaire. 60 % à 80 % des ressources d'une DSI sont aujourd'hui externes, mais les prestations réalisées ne font pas l'objet d'une stratégie globale de sourcing. Une fonction achat agile doit apporter une meilleure connaissance des possibilités offertes sur le marché : logiciels SaaS, dématérialisation, optimisation de processus, BPO, Business Process Outsourcing. La compétitivité et donc la réussite de l'entreprise seront renforcées par de tels apports. Conclusions L'environnement économique actuel, dans lequel les nouveautés arrivent de plus en plus rapidement, nécessite plus d'agilité dans le management de toutes les fonctions des entreprises. L'innovation majeure semble être dans la manière de produire ce qu'on a toujours produit que dans le changement radical de ce qu'on produit. L'agilité se traduit par une capacité à réagir, à s'adapter aux changements extérieurs qui ne vont pas cesser de nous bombarder. L'acheteur est la ressource vitale pour assurer une interaction avec les marchés extérieurs. Tout n'est pas bon à prendre, et certains phénomènes sont éphémères ; ceux qui n'ont pas rejoint Covisint dès l'an 2000 n'ont pas souffert… mais d'autres inventions pourront rendre l'en- treprise non-rentable en l'état. L'entreprise doit aussi développer son agilité pour pouvoir se transformer plus aisément et bénéficier pleinement des innovations et productivités potentielles. La fonction achat a donc un rôle majeur à jouer dans le développement de cette agilité, car elle est au croisement des ressources internes et externes. Elle a la respons- abilité de veiller sur les évolutions des marchés pour en tirer bénéfice. Les directions achat doivent se mettre en ordre de marche pour contribuer davantage par le biais de stratégies de sourcing plus en phase avec les évolutions des marchés et de la société. Le changement est inévitable ; la résistance est rarement payante dans un environnement où les forces de l'évolution sont irrésistibles. L'agilité est une des clés pour embrasser ces changements avec sérénité. n
  • 17. 17/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 2 GUILLAUME DERAEDT Guillaume DERAEDT est acheteur national en matière de Sécurité du Système d’Information pour le GCS UniHA depuis 2009. Il est actuellement Responsable des Achats NTIC du CHRU de Lille depuis 2013 et Président du comité technique de la Centrale des Achats de l’Informatique Hospitalière (CAIH), qui fédère les achats de plus de 550 établissements de santé, depuis 2015. Cette thèse professionnelle a été réalisée dans le cadre du Mastère Spécialisé du Management de la Fonction Achat de Grenoble Ecole de Management sous la direction de Hugues Poissonnier et Salvator Maira. email : Guillaume.DERAEDT@CHRU-LILLE.FR AUGMENTER LE TOTAL BENEFIT OF OWNERSHIP par la compréhension du juste besoin granulaire grâce à un regard systématique et agile: une collaboration entre l’acheteur NTIC et la DSI En matière de Nouvelles Technologies de l’Information et des Télécommunication, l’acheteur est souvent confronté à une expression des besoins résumée en contraintes et spécifications techniques parfois éloignée du juste besoin fonctionnel attendu. C’est dans sa capacité à accompagner les Directions des Systèmes d’Information et les Directions Générale vers une vision du juste besoin et de l’usage du SI que l’acheteur peut réaliser une belle performance achat. Cette performance peut être augmentée par une agilité de communication exogène à l’entreprise qui permet également de prendre en compte les évolutions sociétales ou réglemen- taires du contexte économique dans lequel exerce son entreprise. Cet argumentaire sera appuyé par un retour d’expérience d’achat public en matière de progiciel. Le contexte Ceci s’explique par un contexte d’isolement et d’indépen- dance créé par les Directions des Systèmes d’Information (DSI): Immatériel et entouré d’un vocable inin- telligible pour le commun des décideurs, les DSI bénéficient encore aujourd’hui d’une faible évaluation de l’efficience du Système d’Information (SI). Tant que ce dernier fonctionne bien et évolue au rythme souhaité, il est aisé de faire valoir sa valeur et de taire le coût d’une fonction devenue stratégique. Bâtisseurs de valeurs ajoutées, ces directions sont évaluées par leur efficacité au dépend de l’efficience globale: Les DSI sont jugées sur la Valeur du Système d’Information et non pas sur le bénéfice réalisable sur la diminution d’un Système d’Information construit sur des strates technologiques rarement remises en cause et qui s’accumulent. Ainsi ces directions ont le regard focalisé sur la réalisation de projets dans les délais et sur la robustesse et la sûreté du traitement de l’Information devenues vitales pour la compéti- tivité de l’Entreprise. Ayant plus une vision de prouesse et de performance plutôt que d’efficience, au-delà de la non remise en cause de l’existant par le pilotage d’un plan d’urbanisation technique et fonctionnel, les DSI sont rarement chiches à négocier le juste déploiement des technologies embarquées et des progiciels vis-à-vis des utilisateurs internes: Il est bien plus simple de tout installer que de gérer proprement les instal- lations selon les missions de tout à chacun: Moins de charge
  • 18. 18/60 Excellence HA n°5 interne à l’exploitation permet d’augmenter les capacités à lancer de nouveaux projets. Les éditeurs de logiciels et les fournisseurs ont rapidement détecté l’immaturité des DSI au juste achat et ont accéléré la dépendance: La transformation de l’acquisition de licence d’utilisation perpétuelle accompagnée d’une maintenance curative et évolutive vers un abonnement annuel à l’usage du logiciel auquel sont associés des services de prime abord rassurants mais rarement utilisés. Comment l’acheteur a besoin d’être agile en interne? Pour être légitime la DSI a compris qu’elle devait apporter le service souhaité. Par mimétisme l’acheteur doit approcher la DSI avec une vision d’offre de service global associé à son acte d’achat. Toute remise en cause d’habitude d’achat récurrent est de facto perçue comme une perte de temps et d’énergie si elle n’est pas accompagnée d’une démarche d’offre globale et assumée de diagnostic du juste besoin: Toute tentative de remise en cause d’une façon d’acheter doit apporter un bénéfice aux DSI et être accompagnée d’une identification précise et limitée des charges internes à la DSI. Prenons l’exemple d’achat de progiciel: L’achat initialement demandé est «  Il faut renégocier le contrat de licence d’utilisation du produit bureautique de cet éditeur précis avec les services de mise à jour et de maintenance pour tant d’utilisateurs ». Il s’agit d’un achat récurrent et d’une renégociation au terme d’un marché de 4 ans. L’éditeur est en place depuis plus d’une décennie. Par questionnement l’acheteur peut s’intéresser d’une part à la légitimité d’un acte d’achat ne remettant pas en cause un fournisseur et d’autre part à l’évaluation du besoin en terme de nombre de licences. La non remise en cause de l’éditeur sera inexorablement mise à mal par 4 arguments: - L’adhérence technologique du logiciel; c’est-à-dire la dépendance d’autres pans du système d’information à cet éditeur précis pour bien fonctionner - La satisfaction des utilisateurs - Le coût de l’éventuel accompagnement au changement des utilisateurs - Le coût d’intégration d’un éventuel logiciel de remplace- ment; c’est-à-dire la formation des équipes techniques et les opérations techniques qui permettent aux autres pans du système d’information de fonctionner correctement avec le changement Ces arguments cachent également l’inintérêt d’une DSI à remettre en cause des relations privilégiées et appréciées avec le temps. Le partenaire fait le travail; c’est efficace. Non préparé à ces arguments non chiffrés et imprécis l’ini- tiative de remise en concurrence sera éteinte avant même d’avoir été évoquée. L’autre question se porte sur le nombre de licences nécessaires: C’est simple; il correspond au nombre d’instal- lations effectuées. La justification de ces installations sera la simplification du processus interne et des éléments de productivité globale sur l’usage du Système d’Information: La DSI est dans la vision du Total Value of Ownership (TVO) de son système d’Information, l’optimisation du Total Cost of Ownership (TCO) n’est pas la préoccupation majeure. Cet argument cache également la difficulté pour une DSI d’objectiver un refus d’installation d’un matériel ou d’un progiciel à un utilisateur final qu’il soit médical, soignant ou administratif. Fonction support la DSI à tout intérêt à être appréciée de tous. C’est là qu’intervient la force d’une démarche achat agile et collaborative. Recherche des éléments de motivation d’une DSI en matière d’efficience Dans un contexte de réduction des effectifs, l’argumentaire de la DSI est entendable; pour faire évoluer une vision centrée sur la performance, l’acheteur doit rechercher des axes de motivation de son partenaire interne. Or, dans le domaine des Systèmes d’Information de Santé, l’efficience des DSI est évaluée sous plusieurs angles: - La Haute Autorité de Santé demande une preuve d’une démarche d’amélioration continue et s’intéresse à la conformité du poste de travail vis-à-vis de la Politique Ministérielle de la Sécurité du Système d’Information (PMSSI); - Le Programme Hôpital Numérique permet d’obtenir des subventions à la mise en œuvre de projets éligibles sous réserve de conformité aux prérequis de sécurité; - La certification des comptes (FIDES) requiert la mise en place des correctifs de sécurité au fil de l’eau (Patch management); - L’Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d’Information a édicté le guide d’hygiène des règles de base; - Enfin, la Direction Générale de l’Offre de Soins évalue la performance globale selon des informations précises sur le parc qui sont remontées à un Observatoire des systèmes d’information de santé (O6).
  • 19. 19/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 2 Bien que, a priori, éloignés de la préoccupation d’un acheteur, ces 4 regards croisés sur le Système d’Information se concentrent sur le même objectif: La mesure de l’effi- cience, c’est-à-dire le même besoin que celui de l’acheteur: Quelle est la performance économique globale du système d’information par rapport à son coût? L’usage est-il largement déployé au sein de l’établissement concerné? est- il utilisé? est-il installé de la même façon et évolue-t-il de façon similaire sur l’ensemble du parc? Comment? Les réponses aux questions posées par ces tutelles sont adressées par les DSI par des indicateurs globaux  et des plans d’assurance qualité ad hoc sans réelle capacité à contrôler unitairement les installations et usages; le rôle de l’acheteur est de déterminer la façon d’y répondre de façon granulaire selon une méthode automatisée et fiable afin d’apporter au DSI des informations internes bien plus intéressantes pour sa stratégie menée en matière de système d’information et de négociation avec les pôles cliniques internes sur les dotations de matériels et logiciels. C’est dans ce sens qu’une Centrale d’Achat a mis en place un projet de logimétrie « clef en main » qui consiste à proposer à ses adhérents volontaires la possibilité de bénéficier d’un service de mesure des installations et des usages de façon très détaillée. Ce projet pilote s’est focalisé sur la mesure des installations et de l’usage d’une suite bureautique sur un peu moins de 50 000 postes de travail. Afin d’assurer l’adhésion des DSI à ce projet plusieurs garanties ont été prises: - L’anonymisation des données remontées au niveau de la centrale d’achat qui ne peut pas remonter précisément à l’un des 40 établissements participants à la mesure - L’identification claire et précise d’une charge de travail interne inférieure à 1 jour homme - L’absence de frais inhérent par anticipation des gains achats. Un sponsoring a été réalisé via un courrier du Fonctionnaire de sécurité des systèmes d’information des ministères chargés des affaires sociales motivé par une amélioration de la sûreté de fonctionnement des Systèmes d’Information via des tableaux de bords locaux dédiés. Enfin,unservicedédiéetlocalaétéproposéauxDSIpourleur permettre de connaître des mesures essentielles de leur SI. Résultats Les résultats obtenus permettent à l’acheteur et aux DSI de diagnostiquer des axes d’améliorations et des leviers de négociation essentiels: L’inutilité de l’abonnement aux nouvelles versions des progiciels Les éditeurs ont tous globalement modifié le mode d’acqui- sition des licences en passant à un mode locatif permettant l’accès aux mises à jour des produits sous couvert d’évolu- tions fonctionnelles essentielles à la compétitivité de leurs entreprises clientes. L’étude réalisée fin 2014 prouve la non utilisation des nouvelles versions d’une suite bureautique dans un système d’information de santé. Les ¾ des licences installées reposent sur des versions de logicielles qui ont plus de 11 ans. La présence d’un petit quart d’une version de la suite bureautique datant de 2010 s’explique par une migration des postes de travail depuis Windows XP vers Windows 7, système d’exploitation qui ne supporte plus les anciennes versions de la suite bureautique considérée. La mauvaise installation technique des gammes de produits installés La suite bureautique, objet de l’étude existe dans 2 versions distinctes: Une version premium et une version standard. Alors que les DSI concernées respectent l’esprit des quotités de droits d’usage entre les 2 gammes, la mauvaise commu- nication entre gestionnaire du contrat et technicien a provoqué l’utilisation du programme d’installation de la gamme premium pour n’installer que les programmes de la gamme standard. Là encore l’agilité est essentielle pour assurer une éventuelle sortie de contrat.
  • 20. 20/60 Excellence HA n°5 La sous-utilisation des installations réalisées Les données jusqu’à présent collectées sont déjà connues des DSI des plus grands établissements dotés d’un progiciel de gestion du parc. La seconde partie de l’étude concerne la mesure de l’usage des logiciels au sein de chaque poste de travail. La mesure est collectée sous forme de 4 semaines glissante puis moyennées par jour travaillé. Le simple fait de supprimer les installations des produits bureautiques non utilisés sur une période glissante de 2 mois permettrait de réduire de 20 % le nombre de licences installées et donc consommées. L’analyse des utilisations des logiciels spécifiques à la suite Microsoft Professionnelle permet de réduire l’installation de cette version, la plus onéreuse, de plus de 88 % En proposant un produit de substitution, pour les utilisateurs utilisant moins d’une heure par jour l’un des logiciels de la suite, nous pourrions réduire de 47 % le nombre de licences bureautiques installées. Un potentiel de diminution de 47 % du coût lié à la suite bureautique Face à ces résultats les DSI sont enclins à passer d’un mode installé à un mode géré sous couvert de conserver le dispositif qui permet d’évaluer les usages et donc de présenter des éléments tangibles aux directions concernées. L’optimisation qui consiste à trouver une solution de remplacement pour les usages de moins d’une heure pose 2 problèmes majeurs: - Le premier est l’adhérence technologique des autres pans du Système d’Information - Le second est l’absence de connaissance sur l’utilisation réalisée par les clients internes. Sur le premier point la DSI est compétente et légitime à investiguer, motivée par l’estimation potentielle des gains qui pourrait être réaffectés, en interne, sur l’accélération de projets fonctionnels plus stratégiques. Sur le second point, un appel à un psychologue du travail permet de supprimer les fantasmes sur l’utilité d’une suite bureautique dans une entreprise orientée vers le bien-être de ses patients. Etude de l’usage par psychologue du travail Etudier s’il serait possible, sans altérer le travail des utilisa- teurs, de remplacer la suite bureautique actuelle par une suite issue du logiciel libre ou d’un concurrent moins onéreux, est l’objectif principal de la demande. Des entretiens dirigés par une grille interrogeant sur l’utili- sation du traitement de texte, du tableau, de la messagerie et d’un logiciel dédié aux présentations ont été réalisés pour répondre à ces objectifs (Travaux de Ludivine Watblet): - Auprès de 103 professionnels; - Sur différents postes: accueil, secrétariat, bureau médical, bureau de consultation, poste d’interprétation, facturation, chercheurs. Usage global autoévaluer par les utilisateurs d Traitement de texte: - 75 % d’utilisation - 100 % d’utilisation de Traitement de texte chez les médecins (plus ponctuellement en saisie) et les secrétaires - 94 % des utilisateurs de Traitement de texte l’utilisent en lecture et saisie contre 6 % en lecture exclusivement (dans les bureaux de consultation) - Le plus souvent utilisé lors de la lecture et la saisie d’un courrier à travers un logiciel métier identifié et plus rarement hors ce dernier (ex.: reconnaissance vocale). d Tableur: - 73,5 % d’utilisation (saisie et lecture) - Utilisé le plus souvent pour soutenir une activité et/ou pour un partage de l’information entre collègue. Il est utilisé
  • 21. 21/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 2 pour pallier une fonctionnalité absente d’un logiciel métier (un tableau de programmation des blocs opératoires, un résumé des entrées et sorties patients, un résumé des cas patients,…). d Logiciel de présentation: - 34 % d’utilisation (saisie et lecture) - Utilisé par les médecins et les cadres pour des présenta- tions à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital. Seules les secrétaires rattachés aux chefs de services utilisent PowerPoint. d Messagerie: - 73 % d’utilisation - Utilisé par tous pour les échanges de mails (sauf quelques bureaux d’accueil patients), rarement pour ses autres fonc- tionnalités. L’usage spécifique par métier permet d’anticiper la charge de travail et d’identifier les adhérences techniques. Il en ressort globalement que la suite bureautique est utilisée de façon basique et que rares sont les utilisateurs exploitant les fonctionnalités différentiant la suite de l’offre libre. Cela nécessite toutefois de travailler à la suppression de quelques dépendances logicielles et de mettre en place un vrai programme d’accompagnement au changement. La remise en cause de l’existant est donc faisable mais nécessite d’être anticipée. Résultats et gains sur achat immédiats sans renégociation À ce stade l’acheteur s’est intéressé au Total Cost of Ownership (TCO) qui permet de transformer la vision pure TVO de la DSI en une vision équilibrée sur la réelle valeur d’usage et le bénéfice à utiliser un outil historique jamais remis en cause. La vision d’efficacité de la DSI confrontée à la vision coût de l’acheteur permet d’obtenir une vision collective d’efficience adaptée aux usages et à la consommation des utilisateurs finaux. La question subsidiaire est faut-il supprimer et remplacer ces outils satisfaisants mais sous-utilisés au regard de ces éléments; seule une agilité extra-entreprise permet d’apporter une réponse d’achat gagnant à moyen terme: Quels sont les scénarii à 5 ans de la modification des usages de la suite bureautique? L’agilité externe permet une anticipation des besoins futurs Identification de l’évolution des contraintes externes Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) succéderont en 2016 aux communautés hospitalières de territoire (CHT). Le GHT a « pour objet de permettre aux établissements de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge du patient commune et graduée dans le but d’assurer une égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la ratio- nalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établisse- ments ». L’article 27 précise encore que « chaque groupement élabore un projet médical partagé garantissant une offre de proximité ainsi que l’accès à une offre de référence et de recours ». En termes de gouvernance, un établissement dit « support » assurera pour le compte des établissements membres la gestion d’un système d’information, celle d’un département de l’information médicale de territoire, la fonction achats ainsi que la coordination des instituts et écoles de formation paramédicale et des plans de formation continue et de développement professionnel continu des personnels des établissements du groupement. Dans le champ des systèmes d’information (SI), le texte prévoit que les informations relatives à un patient pris en charge par un établissement membre du groupement pourront être « partagées », dans les conditions prévues par le code de la Santé publique. Ceci nécessite d’identifier l’ensemble des acteurs professionnels ou patients pour tracer les règles de partage de l’information médicale. Enfin, en termes de calendrier, chaque établissement public de santé devra adhérer à un GHT avant le 1er janvier 2016, le projet médical partagé pouvant être arrêté dans un délai d’un an après la conclusion de la convention constitutive, au plus tard le 1er juillet 2016 La création des GHT nécessite un Système d’Information communiquant qui permette à un professionnel de santé d’être identifié dans des établissements différents et aux patients d’être identifiés dans des structures médicales aux spécialités complémentaires: Ceci nécessite une gestion partagée des référentiels des systèmes d’information qui reposent dans leur quasi-globalité sur des solutions issues du même éditeur que la suite bureautique.
  • 22. 22/60 Excellence HA n°5 Ceci nécessite une évolution majeure en terme de service bureautique: Les équipes vont devoir communiquer et travailler sur des documents partagés: L’apprentissage des méthodes d’établissement différent nécessitera également une traçabilité des versions et des modifications des documents produits, ainsi il est vraisemblable que la suite bureautique naguère jachère abandonnée des architectes des systèmes d’information soit demain un besoin essentiel aux décideurs et manageurs. L’attractivité de l’hôpital public vis-à-vis d’une concurrence accrue du secteur privé au fur et à mesure de la maîtrise d’augmentation de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) passe également par la fluid- ification de ses échanges avec ses partenaires; médecins de ville et professionnels libéraux de la santé. L’un des axes d’amélioration de la performance est la mise en place de la Messagerie Sécurisée de Santé qui permet de compléter les informations du Dossier Médical Partagé par des éléments plus précis dans le cadre du continuum de la prise en charge médicale entre l’hôpital et le domicile du patient. L’interconnexion entre la messagerie des hôpitaux représentés par la centrale d’achat et la MSS gérée par l’ASIP Santé a été pensée globalement sur des briques logicielles intégrées dans une renégociation globale du contrat. Elle repose principalement sur le client de messagerie de la suite bureautique considérée ci-dessus afin de réduire au strict minimum le besoin d’assistance au déploiement de l’usage. Conclusions L’Agilité interne permet de complet l’angle de vue « de la valeur d’usage globale du SI » de la DSI par une vision granulaire d’efficience et de cout associé du SI. La DSI connaît l’usage granulaire de son SI ce qui lui permet de refuser de façon objective des demandes d’installation de programme ou de matériel. L’acheteur accompagne, avec une démarche clef en main et budgétée sur les gains achats, la DSI qui connaît ainsi les usages et la perception des utilisateurs: ceci gomme les freins au changement principaux obstacle à un changement de fournisseur logiciel. Sa vision de Total Cost of Ownership complémente celle de la DSI. L’intégration des contraintes externes permet d’anticiper les nouveaux besoins en logiciels associés et de les intégrer dans une échéance de renégociation majeure ce qui permet un cout marginal nul de dépense qui, si elles n’avaient pas été anticipées, auraient été onéreuses hors cadre global de renégociation quadriennale. La collaboration internet et externe, la compréhension des objectifs et intérêts divergeant permettent de trouver un liant d’une démarche achat créatrice de valeur. Ces éléments de négociation permettent d’aboutir à une renégociation d’un contrat équilibré qui anticipe les modernisations et évolutions nécessaires d’un système d’information ce qui permet de prendre des décisions d’achat résolument gagnantes à moyen et long terme au-delà du simple regard de la performance et au-delà de la vision du coût d’acquisition ce qui optimise le Total Benefit of Ownership. Une synergie DSI-Acheteur permet désormais de travailler en amont afin de préparer d’éventuels retraits de briques logicielles et de permettre une négociation plus équilibrée vis-à-vis de fournisseur en situation d’oligopole. n
  • 23. 23/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 2 Excellence HA n°5 LE POINT DE VUE D’UNE CHERCHEUSE SUR L’ARTICLE: LE MARKETING ACHATS AU CŒUR DES ACHATS DE SYSTEMES D’INFORMATION HOSPITALIERS L’agilité comme compétence-clé de l’acheteur NATHALIE MERMINOD Docteur en Sciences de Gestion, Maître de Conférences à Aix-Marseille Université, laboratoire CRET-LOG; nathalie.merminod@univ-amu.fr L’achat de logiciels ou progiciels au sein des entreprises du secteur public ou privé pose la question de l’interface entre la Total Value of Ownership (TVO) portée par la Direction des Systèmes d’Information et le Total Cost of Ownership (TCO) porté par la Direction des Achats, comme présenté dans le cas du secteur hospitalier. Or, ces notions restent du domaine de « l’approximatif » et leurs mesures sont encore très souvent « basiques » : continuité du SI pour les DSI et atteinte du meilleur coût pour les Achats (sans que la mesure du coût complet soit précisément réalisée). La démarche proposée ici relève pleinement du marketing achats: « démarche à disposition de l’acheteur qui lui permet de prévoir et d’intervenir de façon active dans la relation d’échange avec le marché amont afin d’adapter les besoins de l’entreprise aux possibilités du marché ou d’influencer l’offre à ses besoins dans l’intérêt de son entreprise » (Sostenes, 1994)1. L’acheteur est au cœur de cette démarche. Son rôle peut être apparenté à celui de chef de projet et il est double: identifier le contexte interne de l’achat et le juste besoin et comprendre l’environnement lié à l’achat effectué. L’objectif final réside dans la définition de la stratégie achats appropriée. 1 Sostenes, M-J. (1994), « Le partenariat dans l'optique marketing achat », Revue Française de Gestion, janvier-février, pp. 5-19 Comprendre le besoin achat: analyse des performances attendues par le client interne et l’utilisateur Comme indiqué dans l’approche proposée par Guillaume de Raedt, la compréhension du besoin achat est fondamentale. Elle doit se faire dans une approche globale, c’est-à-dire (1) identifier et analyser la performance souhaitée et mesurée par le client interne, ici la DSI et (2) identifier et analyser la performance attendue et mesurée par le client final, à
  • 24. 24/60 Excellence HA n°5Excellence HA n°5 savoir les utilisateurs du service – qui peuvent comme dans ce cas être multiples. La difficulté réside dans l’articulation de ces attentes. En effet, comme le met clairement en perspective l’analyse proposée dans le cas des progiciels, la compréhension du « contexte » du client interne et donc de la « légitimité » de ce dernier dans l’entreprise ainsi que ses motivations ne peut se faire qu’avec un diagnostic approfondi. De la même manière, identifier précisément l’inutilité de l’abonnement aux nouvelles versions et la sous-utilisation des installations réalisées demande une analyse fine de l’existant. L’identification des contraintes internes, c’est-à-dire du juste besoin vis-à-vis du marché fournisseurs, conduit l’acheteur à travailler en équipe et à devenir un chef de projet dont la mission est d’accompagner au mieux le client interne dans sa définition du besoin et avant tout dans la rédaction de ce besoin vis-à-vis du marché fournisseurs, via le cahier des charges. Il est important à ce stade de comprendre quel sera le besoin dans le futur et comment ce dernier s’interface-t-il avec l’utilisation actuelle du progiciel. Le rôle de « décodage » et « recodage » des infor- mations est crucial pour ne pas tomber dans le piège d’un cahier des charges sur-spécifié et « inintelligible » (comme le mentionne Guillaume de Raedt). Cette capacité demande une grande agilité à l’acheteur et un travail de fond (et donc du temps…), nommée « agilité interne » dans l’approche proposée. Identifier le marché fournisseur et l’environnement de l’achat En parallèle et en complément de l’analyse interne, l’acheteur doit réaliser une étude précise du marché four- nisseurs, via l’analyse de l’offre, de la demande, du contexte plus général et de la technologie achetée. Cette approche permet de positionner son besoin par rapport au marché. « L’agilité externe », telle que mentionnée, correspond à cette capacité de regarder globalement l’environnement. En effet, les évolutions de législation (comme c’est le cas avec la création des groupements hospitaliers de territoire – GHT) ouvrent des perspectives dans la démarche achats. Comprendre également les leviers utilisés par les four- nisseurs dans leurs offres commerciales permet de structurer sa demande en conséquence. L’analyse de l’évolution des technologies (stabilité, substitution potentielle, cycle de vie) offre un élément de diagnostic important également. Cette analyse fine de l’environnement de l’achat donne des leviers non seulement de compréhension des échanges réalisés ou potentiels, mais également des pistes de négociation interne pour l’acheteur. Identifier des scénarii et leurs conséquences ouvre des opportunités de discussion sur la création de valeur pour le client interne, tout en prenant en compte le coût de la solution retenue. La valeur ajoutée de l’acheteur dans cette seconde phase réside dans sa capacité à mobiliser son «  agilité externe  », à savoir s’ouvrir vers l’environnement et comprendre les enjeux actuels et futurs qui se jouent. Cela ouvre des pistes nouvelles potentielles pour le client interne et l’entreprise dans sa globalité. Définir une stratégie achats et l’accompagner Dans une dernière étape, la stratégie achats doit être définie et sa déclinaison accompagnée. « L’agilité interne » et « l’agilité externe » mobilisées par l’acheteur conduisent ce dernier à proposer et à échanger avec le client interne sur la déclinaison d’une approche à court, moyen et long terme. La conclusion de l’article de Guillaume de Raedt met en évidence ce point afin d’aboutir à une « synergie » entre la DSI et l’acheteur. L’accompagnement de la démarche ne peut se faire qu’avec un soutien et un suivi dans le temps, tant du côté des fournisseurs que du côté du client interne (ici le client final).
  • 25. 25/60Excellence HA n°5 l l l D O S S I E R N ° 2 La démarche de marketing achats (cf. figure) est au cœur du métier de l’acheteur. La complexité des environnements actuels et des situations internes rencontrées par l’acheteur, nécessite une capacité de diagnostic forte de la situation et des scénarii potentiels. L’échange avec les acteurs internes concernés par l’achat (DSI et utilisateurs dans le cas présenté), dans un mode projet, permet de s’assurer de la bonne compréhension de chacun, des enjeux et donc des résultats attendus et obtenus. L’acheteur est garant de la conduite de cette démarche afin que les stratégies visées par chacune des fonctions raisonnent en concordance. L’article de Guillaume de Raedt permet de comprendre toute la complexité de cette approche et la mobilisation par l’acheteur des compétences « d’agilités interne et externe ». n Démarche de marketing achats (N. Merminod, 2015). d Sur la collectivité: délocalisations, pertes de savoir-faire,
  • 26. 26/60 Excellence HA n°5 PIERRE PAUL JOBERT Après 35 ans consacrés à la RD, en tant qu’ingénieur, acheteur, créateur d’entreprise et consultant, Pierre Paul JOBERT est aujourd’hui professeur affilié à Grenoble Ecole de Management, enseignant le Management des Opérations et de la Supply Chain, le pilotage opérationnel des achats, la stratégie et le management de projets d’innovation. Pierre Paul JOBERT est également écrivain romancier (www.selvia.fr ) email : pierre-paul.jobert@grenoble-em.com De l’Internet Digital à l’Internet Physique Nota: Ce chapitre s’appuie largement sur le contenu de la conférence IPIC (International Physical Internet Conference), qui s’est tenue du 6 au 8 juillet 2015 à l’Ecole des Mines de Paris, sous l’égide des Professeurs Benoît Montreuil et Eric Ballot. Qu’ils en soient remerciés pour la clarté de leurs exposés et la richesse des définitions et commentaires, repris ici, en français, sous une forme condensée. L’Internet Digital transporte des données, d’un point de départ (exemple un serveur) vers un point d’arrivée (exemple le terminal, tablette, PC ou téléphone portable). Ces données, standardisées (sous forme de 1 et de 0) naviguent par paquets, selon des routes non préétablies, au gré des disponibilités de flux dans un réseau en perpétuelle mutation. L’Internet Physique peut alors être compris comme une métaphore de l’Internet Digital. Il L’INTERNET PHYSIQUE: de nouveaux besoins d’agilité pour la fonction achats Atlanta,Printemps2015 John T. sort ébranlé du bureau de son directeur des achats. Acheteur chez UPS, il a l’habitude d’acheter du carburant et des véhicules, des services logistiques, des prestations informatiques. C’est le métier qui veut ça. Aujourd’hui, il va falloir qu’il achète des imprimantes 3D! UPS n’a pas changé de métier. Le métier évolue. Simplement. Les clients utilisent avec régularité les services des points relais de la compagnie. La direction leur a demandé ce qu’ils aimeraient en plus de ce qu’apportent habituellement ces établissements de stockage temporaire. La réponse ne fut pas longue à sortir de la statistique: de l’impression 3D! Alors, John T. va devoir comprendre un nouveau segment d’achats. Tout ceci n’est-il qu’un épiphénomène? S’agit-il d’une opération ponctuelle du transporteur? Évidemment non. La raison à tout cela? L’Internet Physique. Un concept qui révolutionne la conception et la structure de la supply-chain, et qui va impacter, mécaniquement, la communauté des achats.