Présentation faite par Émilie Côté, conseillère technique
Fédération démocratique de la métallurgie,
des mines et des produits chimiques - CSD
Cette présentation ne constitue pas un avis juridique et a été dispensée au colloque de la CSD dans une perspective pédagogique.
2. Pourquoi la Loi C-21?
Faciliter
les poursuites envers les personnes
morales;
Protéger
la sécurité des employés en
milieu de travail;
3. Comment?
En
créant une présomption de
connaissance et de participation envers
les dirigeants (Articles 22.1 et 22.2 C.cr.);
En créant une obligation légale de
prévention susceptible d’engager la
responsabilité criminelle de l’entreprise et
des dirigeants (Article 217.1 C.cr.);
4. Négligence criminelle
Le Code criminel définit le crime de négligence
criminelle de la façon suivante:
219.(1) Négligence criminelle - Est coupable de négligence
criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose ;
b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son
devoir d’accomplir,
montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la
vie ou de la sécurité d’autrui.
(2) Définition de « devoir » - Pour l’application du présent
article, « devoir » désigne une obligation imposée par la loi.
5. Deux façons de commettre
l’infraction
a) Soit en faisant
quelque chose;
Par exemple, en
conduisant un charriot
élévateur à grande
vitesse dans un endroit
bondé de gens.
b) soit en omettant de
faire quelque chose
qu’il est de son devoir
d’accomplir;
Par exemple, un
employeur qui n’effectue
aucun entretien sur sa
flotte de véhicule
sachant que des
composantes de sécurité
sont défectueuses.
6. « Devoir d’accomplir »
Cela fait référence à une obligation légale, peu
importe que la loi soit fédérale ou provinciale.
On peut alors penser aux obligations du travailleur
prévues à la Loi sur la santé et sécurité au travail
(article 49).
À la Loi sur les normes du travail qui oblige l’employeur
à
fournir
un
milieu
exempt
d’harcèlement
psychologique.
On peut aussi penser à une loi de portée plus générale
tel que le Code de la sécurité routière ou à toutes
autres réglementations propres au milieu de travail.
7. À considérer dans l’évaluation
de la négligence:
Les geste posés ou l’omission devront, pour
constituer de la négligence criminelle, être des
comportements indiquant une dérogation
marquée et importante à la norme de
comportement qu’on attend d’une personne
raisonnablement prudente dans les
circonstances.
Évaluation objective et circonstancielle du
comportement
8. État d’esprit de l’accusé
Lorsqu’il
est
déterminé
que
le
comportement constitue un écart marqué
et important, il faut alors évaluer l’état
d’esprit de l’accusé au moment où ce
comportement est observé.
L’ignorance ne suffit pas à exonérer le
responsable, seule la diligence raisonnable
pourra constituer une défense.
9. Cas d’application
R. c. Scrocca, 2010 QCCQ 8218
Les faits:
L’accusé est propriétaire d’une
rétrocaveuse achetée neuve en 1976. Il
exploite depuis cette date une entreprise
d’aménagement paysager.
Un accident survient et un de ses salariés
décède, écrasé entre la rétrocaveuse et
un mur;
10. La preuve démontre que seuls des
entretiens sommaires ont été faits sans
aucune vérification exhaustive de la
rétrocaveuse et ce, depuis 30 ans.
Le véhicule présente des défectuosités
majeures, notamment au système de
freinage.
Questions soulevées:
Les
défectuosités
relèvent-elles
d’un
manquement à un devoir ou une
obligation?
Si oui, cela constitue-t-il de la négligence?
11. DÉCISION DE LA COUR
La Cour statue que l’accusé avait le devoir
d’entretenir sa rétrocaveuse de manière à
remplir son obligation prévue à l’article 217.1 du
Code criminel. Soit de prendre toutes les
mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de
blessures corporelles pour autrui.
De plus, la Cour ajoute qu’il existe un écart
marqué entre le comportement de l’accusé et
celui qu’adopterait une personne raisonnable
dans les mêmes circonstances.
12. Ignorance?
L’accusé plaide qu’il ignorait l’état
véritable du système mécanique. La Cour
rejette cet argument, cela ne suffit pas.
Encore aurait-il fallu que l’accusé démontre
avoir fait l’entretien nécessaire et avoir pris
les moyens raisonnables pour vérifier l’état
de la machinerie lourde. Or, la dernière
vérification date de plus de cinq ans. C’est
donc une négligence qui n’est pas que
momentanée ou circonstancielle.
14. L’organisation
Selon
le cas:
a) corps constitué, personne
morale, société, compagnie, société de
personnes, entreprise, syndicat professionnel
ou municipalité;
b) association de personne qui, à la fois:
(i) est formée en vue d’atteindre un but
commun;
(ii) est dotée d’une structure organisationnelle;
(iii) se présente au public comme une
association de personnes.
15. L’Agent
« S’agissant d’une organisation, tout
administrateur, associé, employé, membre, mand
ataire ou entrepreneur de celle-ci »
Celui-ci est susceptible d’engager la responsabilité
de son organisation par sa propre négligence et par
le fait même, sa responsabilité personnelle.
Auparavant, seul l’âme dirigeante de la compagnie
pouvait engager la responsabilité de l’organisation.
16. L’individu qui dirige le travail
En vertu de l’article 217.1, quiconque dirige
l’exécution d’un travail peut engager sa
responsabilité, même s’il n’est pas l’auteur
réel.
Nécessite la présence d’un lien de
subordination, peu importe le niveau de
hiérarchie;
Les victimes peuvent être des collègues ou des
membres du public;
Le travail peut avoir été dirigé à titre gratuit ou
onéreux, cela n’a pas d’importance.
17. Tout individu
Tout
individu étant l’auteur réel de la
négligence et aussi:
Celui qui aide;
Celui qui encourage;
Celui qui conseille.
18. Peines
Pour
Emprisonnement maximum de 10 ans dans
le cas de lésions corporelles;
Emprisonnement à perpétuité dans le cas
de décès.
Pour
un individu:
une organisation:
Amende dont le maximum est illimité en
cas de poursuite par acte criminel.
19. Comment éviter une telle
situation?
La Diligence Raisonnable
•
•
•
La prévoyance;
L’efficacité;
L’autorité.
20. La prévoyance
Identifier
les risques
Les législateurs en matière de santé et
sécurité au travail imposent à l’employeur
l’obligation d’identifier les risques reliés au
travail et de les contrôler.
Le Syndicat doit prendre son rôle au
sérieux dans l’identification des risques lors
des comités de prévention.
21. L’efficacité
Mise
en place des mesures appropriées
Il ne suffit pas d’identifier les risques, encore
faut-il les corriger. Les mesures doivent être
concrètes et appliquées avec efficacité.
Le Syndicat ne doit pas empêcher ces
changements.
22. L’Autorité
Intervention immédiate
L’employeur ne peut se permettre de fermer les
yeux sur des situations représentant un danger. Il
doit assumer son autorité et empêcher ces
comportements.
Cela n’empêche pas un syndicat d’intervenir
et de contester une mesure. Par contre, il en
va de soi que le syndicat ne doit pas
encourager l’adoption de comportements
dangereux.
23. Cas d’application
R. c. Transpavé inc., 2008 QCCQ 1598
Un
salarié décède, écrasé par le grappin
d’un palettiseur, en tentant d’enlever une
rangée de blocs excédentaires suite à un
carambolage de planches.
La
Compagnie reconnaît dès lors sa
culpabilité à l’infraction de négligence
criminelle.
24. Décision de la Cour
Défauts de Transpavé inc.:
Manquement à son devoir de prévoyance. Les
carambolages étaient fréquents, elle devait
chercher la cause et corriger la situation.
Manquement au devoir d’efficacité en ne
mettant pas en place les mesures de sécurité
appropriées pour pallier aux risques.
Manquement au devoir d’autorité en ne
s’assurant pas que les mesures mises en place
étaient respectées. D’ailleurs, un système de
sécurité avait été désactivé.
25. Peine prononcée
Amende de 110 000 $
Facteurs atténuants:
Transpavé n’a pas profité de l’infraction;
Sensible à la situation, Transpavé a investi plus
de 750 000 $ en santé et sécurité;
Plaidoyer de culpabilité;
Collaboration avec la CSST, toutes les
recommandations ont été appliquées;
Entreprise familiale, capacité financière de
payer une amende sans mettre en péril les
emplois.
26. Qui poursuit?
Différentes
personnes pourront être
appelées à enquêter:
CSST, Policiers, Coroner, etc.
Seul le Directeur aux poursuites criminelles
et pénales a le pouvoir de déposer des
accusations criminelles;
Cette décision se prend sur la base de
l’enquête lui étant remise par les policiers.
27. Que faire lors de l’enquête?
Lorsqu’une situation aussi délicate que
celle-ci se présente, la meilleure chose à
faire sera de faire appel à un avocat.
Celui-ci pourra vous guider dans votre
obligation de collaborer avec la CSST tout
autant qu’il vous conseillera par rapport à
votre droit au silence dans le cadre d’une
enquête criminelle.