D9 c03 dossier traitement de l'actualité sensible_crimes rituels_danedjo fouba_dorothée
1. 2
INTRODUCTION
L’actualité camerounaise est caractérisée depuis fin 2012 par l’enregistrement de
nombreux cas de décès « insolites » dans les métropoles du pays. Des corps en état de
décomposition avancé ont tour à tour été découverts par les populations dans les régions de
l’Ouest, du Littoral, du Sud et du Centre, dont le chef lieu est la capitale politique du pays :
Yaoundé. Caractère commun aux corps découverts, des femmes, des jeunes filles en majorité,
mutilées et violées. Une bonne dizaine de cas entre fin décembre 2012 et début janvier 2013
pour la seule ville de Yaoundé, principalement dans le quatrième arrondissement.
L’information est relayée en premier par la presse en ligne et imprimée, les articles sont
abondants. Le fait d’actualité est amplifié par les sons et les images dans les médias audiovisuels
et l’on a tôt fait de parler de crimes rituels. Pour cause, les populations, les médias, les politiques
et autres se basent sur la gent attaquée par les coupables de meurtres en séries, sur l’endroit de
trouvailles des corps et sur l’état dans lequel se trouve les cadavres.
Ce travail a pour objectif de déterminer en quoi cette information pourrait être qualifiée
d’actualité sensible, en quoi l’environnement socio-politique du Cameroun influence son
traitement (chapitre I). Il sera également question d’analyser quelques articles de presse collectés
durant le mois de janvier 2013. Ce corpus de presse est constitué en majorité des articles de cinq
des huit quotidiens qui existent au Cameroun et de quelques hebdomadaires du pays (chapitre
II).
2. 3
Chapitre I :
LES MEDIAS CAMEROUNAIS FACE ALES MEDIAS CAMEROUNAIS FACE ALES MEDIAS CAMEROUNAIS FACE ALES MEDIAS CAMEROUNAIS FACE A
L’ACTUALITEL’ACTUALITEL’ACTUALITEL’ACTUALITE
3. 4
1. Les médias camerounais dans leur environnement socio-
politique
Selon des statistiques disponibles au ministère de la communication, le Cameroun compte
plus de 100 chaînes de radio, une quinzaine de chaînes de télévision et près de 600 titres de
presse écrite. Parmi eux on compte, une chaîne de télévision nationale, un réseau de stations de
radio régionales et de chaînes de radio de proximité coiffé par une chaîne de radio à audience
nationale et un quotidien national bilingue. Tous ces médias sont régis par la loi du 19 décenbre
1990 régissant la liberté de communication sociale, le décret présidentiel du 03 avril libéralisant
le secteur de l’audiovisuel. A ces textes s’ajoutent un statut général du journaliste de la fonction
publique, un code de déontologie journalistique de l’union des journalistes du Cameroun et une
convention collective des journalistes et employés des médias.
Concrètement, la multiplication des organes de presse est survenue lors des vents de la
démocratisation en Afrique Centrale dans les années 1990. Le changement de régime politique
survenue à cette période a permis à certains titres de sortir de la clandestinité, Le Messager
notamment et à de nombreuses radio et télévisions privées de voir le jour. La création d’un
organe de presse écrite soumis à la seule déclaration à une préfecture et animée par la
suppression de la censure dans ce domaine aura revigoré de nombreux patrons de presse. En ce
sens les médias camerounais remplissent donc les missions régaliennes reconnues à la presse
dans le monde « information », « éducation » « divertissement.
En dehors de ces missions intrinsèques aux médias, l’on remarque également qu’en
temps de paix, il existe au Cameroun des journaux classifiables en différentes idéologies : on a
des médias pro-gouvernementaux fortement représentés par la presse à capitaux publics, des
médias dit « de l’opposition » parce que plus ouverts à la critique et à la réaction des populations
et publics, et des médias sans-opinion fortement représenté par la presse dite « du hilton ». Cette
dernière catégorie de journaux est adepte « du gombo », l’écriture des articles en fonction du
plus offrant, une pratique de corruption très répandue en milieu médiatique. Les hommes
politiques et le commun des mortels s’en servent généralement pour faire des règlements de
compte à leurs adversaires idéologiques.
4. 5
En temps de crise par exemple, les médias camerounais sont minés par
l’instrumentalisation politique et des arrestations arbitraires de journalistes. D’une manière
générale, l’information retrouvée dans la presse camerounaise est :
- Le fruit du travail de collecte, de traitement et de diffusion de l’information de la part des
journalistes :
- La résultante d’évènements ponctuels organisés par des tiers ;
- La conséquence de l’opération marketing d’une entreprise donnée ;
- L’objet d’une quête informationnelle exprimée par les publics.
2. Le prétexte de l’étude : les meurtres en séries au Cameroun
Nous avons choisi d’étudier un phénomène apparu en fin d’année 2012 dans le quotidien
des populations : Des meurtres de jeunes femmes et d’enfants. Un fait d’actualité qui s’est accru
dans la presse cybernétique et écrite notamment en janvier 2013.
Selon l’opinion publique, il s’agit de crimes rituels. Cette pensée est amplifiée par le fait
que les traditions et cultures ancestrales africaines, camerounaises notamment, place l’être
humain au centre du mystique. Cette idée s’accroit avec l’arrivée de nombreuses nouvelles
églises aux doctrines douteuses communément appelées « églises de réveil ». L’on lie très vite
les cas de meurtres enregistrés à la quête de pouvoir et de richesse par ceux qui l’auraient
commis. Les hautes personnalités de l’Etat sont indexées, les personnes arrêtées pour des besoins
d’enquêtes sont présentées comme des instruments d’atteintes de ces objectifs. La deuxième
partie de cette étude nous éclairera au mieux sur les faits relayés et la qualité du traitement
accordée à cette actualité.
5. 6
Chapitre II :
«««« CRIMES RITUELSCRIMES RITUELSCRIMES RITUELSCRIMES RITUELS »»»» :::: LA PRESSE ECRITELA PRESSE ECRITELA PRESSE ECRITELA PRESSE ECRITE
CAMEROUNAISE SOUS LE CHOCCAMEROUNAISE SOUS LE CHOCCAMEROUNAISE SOUS LE CHOCCAMEROUNAISE SOUS LE CHOC
6. 7
1. Les faits relatés dans la presse
Nous avons collecté un certain nombre d’articles d’une vingtaine d’éditions par quotidien
pour le mois de Juin. Les quotidiens utilisés dans notre corpus sont : Cameroon Tribune, Le Jour,
Mutations, Le Messager et La Nouvelle Expression. Nous y avons ajouté deux articles des
hebdomadaires : La Météo et Le Soir. Voici un tableau récapitulatif des informations données
par les différents articles recensés.
Les journaux L’article et sa description Les informations données
CAMEROON
TRIBUNE
(3 éditions)
Edition du 16 janvier 2013 « deux
corps découverts à Mimboman »
Colonne P .9 ; bas de page, annonce
en pied de Une
- Il s’agit de dépouilles de
jeunes filles près de l’école
maternelle de Mimboman,
l’une brutalisée et l’autre en
état de décomposition. ;
- Aucun des corps n’est encore
identifié ;
- Aucun cas de disparition de
filles dans le quartier ;
- Une enquête est ouverte à la
gendarmerie d’Emombo ;
- Les populations pensent que
les crimes sont commis
ailleurs et les corps déposés
dans le quartier.
Edition du 23 janvier : « la police en
renfort »
P.5 et photo du préfet donnant son
allocution, annonce en pied de Une
- Visite du préfet du Mfoundi
dans l’arrondissement
Yaoundé IV ;
- Les annonces du préfet :
délocalisation du commissariat
de Nkolmesseng pour
Mimboman (la zone
sinistrée) ; Amener les leaders
sociaux de l’arrondissement à
devenir des porte-voix
audibles ;
- Préfet occupé à faire le point
sur les inscriptions sur les
listes électorales.
Edition du 24 janvier 2013 « Crimes
en série à Yaoundé : 7 femmes
tuées », « Les clarifications du
gouvernement »
- Publication en français et en
Anglais de la déclaration du
Ministre de la Communication
à la presse sur le sujet
7. 8
P.8 entière, bilingue, annonce en pied
de Une
LE JOUR
(11 éditions)
Edition du 14 janvier 2013
P.9
- Le journal indique qu’il y a
déjà eu 12 mortes et 11 jeunes
femmes portées disparues
entre 16 et 25 ans, dernier
cadavre découvert le 10
janvier au carrefour Marabout
de Mimboman;
- La gendarmerie d’Emombo et
la brigade d’Ekounou sont
chargés de l’enquête ;
- Descriptif des victimes : corps
couché sur le dos en
décomposition, main droite
manquante repliée vers le
haut, T-shirt couvert de sang
retroussé, jambes écartées, slip
ou pantalon accroché à la
jambe gauche, sandales à côté
du corps, cerveau et cœur
enlevés, orbites défoncées,
parties génitales tailladées ;
- Découverte de 3 corps en 3
jours ;
- Populations vivant dans ka
terreur ;
- Qualification des crimes
comme rituels par les forces
de l’ordre : « signatures des
meurtriers semblables » ;
- Découverte du corps de
Claude Michèle le 08 janvier ;
- Témoignage d’une jeune fille
de 16 ans ayant échappé au
même sort et témoignage de la
mort suspecte d’un conducteur
de moto-taxi;
- Ce sont les conducteurs de
moto-taxi qui sont utilisés
pour livrer des jeunes femmes.
Edition du 15 janvier 2013 « Circulez
y a rien à voir ! »
P. 9, photo d’une des victimes de son
vivant (Claudine Michèle Mballa
Mvogo)
- Le premier cas enregistré en
mi-octobre ;
- Il s’agit du 11ème
corps
découvert en deux mois ;
- Le capitaine responsable de
8. 9
l’enquête ne dit plus rien à ce
sujet (Instructions de ses
supérieurs hiérarchiques) ;
- Le chef de bloc, Gabriel
Ndoumou explique que les
forces de l’ordre sont arrivés
sur les lieux 24h après la
découverte d’un des corps, les
concernés ayant évoqué des
problèmes de transport depuis
la veille ;
-
Edition du 17 janvier 2013 « Cœur,
sexe, reins…que cache la chasse aux
organes humains ? »
Une du journal développé en dossier
de deux pages P.2-3
- Reportage dans la famille de
l’une des défuntes : Claude
Michèle ;
- Interview d’une psychologue,
d’un anthropologue et
enseignant d’université et d’un
avocat au barreau du
Cameroun ;
- Réactions des populations ;
- Le réseau serait alimenté par
des personnalités de la
République en vue de
l’utilisation des organes pour
des pratiques mystiques ;
- Historique des faits :
découverte le 5 juillet 2012 du
corps d’une fille de 10 ans
dans une autre ville,
Bafoussam, arrestation d’un
jeune ayant avoué le forfait.
Assassinat de la fillette pour
17 millions de F.CFA ;
arrestation de 5 camerounais
en possession de reste humain
dans la ville de Djoum qui
avouent que les corps sont
transportés via des valises
diplomatiques par le Nord du
pays, le coût des organes étant
moins cher au Cameroun par
rapport au Nigéria et au
Philippines ;
- L’article 276 du code pénal
réprime l’atteinte à la vie puis
9. 10
l’utilisation d’organes de la
victime ;
- L’article 274 du code pénal
réprime la violation du
tombeau et du cadavre d’un
individu.
Edition du 18 janvier 2013
« Mimboman, la psychose »
P.23
- Les habitants du quartier
obligés de changer
d’habitudes, adoption de
mesures préventives : fini les
sorties nocturnes, mesures de
sécurité au lycée ;
- Mimboman a désormais une
réputation de « coupe-
gorge » ;
- Le quartier possède 17km de
voirie bitumée contre 65km, il
y a des problèmes d’éclairages
public et les maisons sont trop
distantes les unes des autres,
les gendarmes y sont laxistes ;
- Evocation d’une déclaration
dans les médias audiovisuels
du Ministre de la
communication : la thèse des
« crimes rituels » est
accréditée selon les
journalistes.
Edition du 21 janvier 2013 « Des
suspects des crimes rituels
interpellés »
Une, P. 4-7
- Des rafles ont été organisées
dans l’arrondissement de
Yaoundé IV : une vingtaine de
contucteurs de moto-taxi sans
pièces d’identité ;
- La sœur d’une des victimes
(Claude Michèle) écrit au
président de la république :
elle se nomme Débora Ngo
Tonyé epouse Mvaebeme, elle
est journaliste ;
- Des suspects ont été arrêtés
grâce à l’analyse du téléphone
d’une des victimes décédée le
14 décembre 2012, personnes
interpellées dans la capitale
économique du pays
Edition du 22 janvier 2013 - Descente sur le terrain du
10. 11
Une et page 5 Secrétaire Général de la
présidence de la République
en compagnie du délégué
général à la sureté nationale et
du secrétaire d’Etat en charge
de la gendarmerie ;
- Le journal parle de 14 filles
tuées entre le 02 décembre
2012 et le 10 janvier 2013
avec 7 suspects aux arrêts
appartenant à deux gangs : 5
exécutants et 2 comparses,
tous conducteurs de moto-taxi
ou chargeurs à la gare routière
de Mimboman ;
- Le premier corps découvert à
Yaoundé en octobre 2012.
Edition du 23 janvier 2013 « Crimes
rituels : l’expérience gabonaise »
Une, P.3
- Les organes extraits seraient
« utilisés par le pouvoir
gabonais » ;
- Un sénateur aux arrêts :
Gabriel Eyeghe Ekomié serait
le commanditaire du meurtre
d’une fille de 12 ans à des fins
rituelles. Il a été accusé par
Aristide Pambou Moussounda.
Il aurait commandé la langue
et le sexe d’une fille contre 20
millions de F.CFA ;
- D’autres cas sont enregistrés
dans une église et près d’une
plage gabonaise.
Edition du 25 janvier 2013 « Des
étrangers parmi les suspects »
P.7
- Article prenant pour prétexte
le point de presse du ministre
de la communication de la
veille ;
- Le MINCOM parle cette fois
là de « crimes
sacrificatoires » ;
- La police et la gendarmerie
possèdent chacune une dizaine
de suspects ;
- 7 corps de jeunes filles
retrouvés parmi lesquels 4
identifiés avec des
caractéristiques communes :
11. 12
âgées entre 15 et 30 ans,
violées, amputées, retrouvées
dans des maisons abandonnées
ou de la broussaille, en état de
décomposition.
Edition du 28 janvier 2013
P.7, petite Une
- Deux nouvelles victimes
enregistrées : une fille de 12
ans et un garçon de 10 ans
(orbites défoncées, violés,
corps mutilés) ;
- Suspects indexés, conducteurs
de moto-taxi rémunérés de
100 000 à 300 000 F.CFA par
livraison ;
- Victimes camouflées par
repassage du corps en vue de
les décomposer
Edition du 30 janvier 2013 « le film
de l’arrestation »
Une P.8
- C’est le téléphone d’une des
victimes qui met les forces de
l’ordre sur la piste des
suspects au travers de
l’exploitation de son code
IMEI ;
- Il s’agissait du téléphone de
Claude Michèle, la sœur de la
journaliste qui a été remis par
un des suspects à une de sa
petite amie vivant à Douala ;
- Quelques noms de suspects
cités : Bertrand Ndambou
(23ans), Blaise Monthé (26
ans), Julius Tamba alias
Général sans sommeil, Ouaffo
Kemta, Wakam Waffo : des
exécutants d’au moins quinze
filles agissant soit en bande,
soit en petit groupe, sois
individuellement ;
- Livraison des filles à des
hommes en costume et cravate
dans des 4X4 RAV 4
habituellement garées devant
un petit bar sans nom près du
lieu Feicom Mimboman ,
contre 100 000 à 300 000
F.CFA
12. 13
Edition du 31 janvier 2013 « Kah
Walla chassée de Mimboman »
Petite Une
- Présidente du parti politique
Cameroon’s People Party
reçue par une trentaine
d’habitants du quartier pour
une visite interrompue par le
sous-préfet en charge de
l’arrondissement 40mn plus
tard.
MUTATIONS
(5 éditions)
Edition du 21 janvier 2013 « Peur
dans la ville »
P.3
- Editorial du directeur de
publication et dessin satirique
- L’information a commencé
depuis deux semaines dans la
presse en ligne, les tabloïds
puis les médias audiovisuels,
- Assassinat de petites et
adolescentes filles ;
- Description historique et
géographique de
l’arrondissement de Yaoundé
IV : Un seul poste de police à
Emombo, une caserne des
sapeurs pompiers à l’entrée de
Mimboman, à peine une demie
douzaine de policiers.
Edition du 22 janvier 2013 - Enquête dans le journal
décrivant le mode opératoire
des « kidnappeurs-tueurs »,
témoignages des personnes
ayant découvert quelques
corps, descente à la
gendarmerie et à la police ;
- Mutisme des forces de
l’ordre ;
- Mesures préventives adoptées
par les populations
Edition du 23 janvier 2013 « Le
préfet du Mfoundi pour la
collaboration des populations) P.5
- Retour sur la descente du
préfet dans l’arrondissement
de Yaoundé IV : les moto-
taximen sont des bouc-
émissaires selon lui ;
- Les populations indexent les
personnalités
Edition du 25 janvier 2013 « une
vingtaine de personnes interpellées »
P.6 en colonne
- Retour sur le point de presse
du Mincom : filles disparues
en cascades entre le 2
décembre et le 10 janvier, 7
13. 14
filles assassinées, 4 identifiées,
2 en état de putréfaction
avancé, une à la morgue de
l’hôpital central de Yaoundé,
entre 15 et 30 ans ;
- Les noms des suspects sont
secrets parce qu’ils bénéficient
de la présomption
d’innocence ;
- Point de vue du journal : sortie
médiatique n’ayant point
informée ;
- Evocation d’une rumeur
soutenant la thèse selon
laquelle une femme a été
interpellée avec un sac
contenant des crânes
humains ;
- Autre rumeur faisant état d’un
conducteur de moto-taxi
transformé en moto, puis en
trousseau de clefs puis en
cercueil.
Edition du 28 janvier 2013 « Peur
dans la ville » P.3
- Re-publication intégrale de
l’éditorial du 21 janvier.
LE MESSAGER
(4 éditions)
Edition du 15 janvier 2013
« Nkoabang une jeune élève
retrouvée morte »
Deux articles en colonne
- Claude Michèle : violée,
mutilée, tuée, circonstance de
sa disparition ;
- Description de l’état de
frayeur des populations ;
- Facteurs favorables identifiés :
électricité partielle dans
l’arrondissement, lenteur des
procédures policières.
Edition du 21 janvier 2013 « frayeur
à l’école publique de Mimboman »
P.4
- Reportage à l’école publique
de Mimboman : parents
massés devant l’école pendant
les cours, accompagnement
des enfants jusqu’à
l’établissement, suspension
des évaluations pendant cette
période ;
- Des suspects autour de
l’école : un homme masqué a
été molesté par des élève le 17
janvier, deux messieurs en
14. 15
4X4 ont essayé d’attirer des
enfants avec des biscuits, les
enfants plus avertis ont alertés
les populations
Edition du 25 janvier 2013
Une, P.7
- Analyse du point de presse du
Mincom : « le mincom
annonce que les crimes ont
cessé », « Issa Tchiroma
décrète la cessation des
crimes »
- Avis d’un crypto-
communicologue sur la nature
des crimes
Edition du 30 janvier 2013 P.10 - Publication de la pétition
commune de plusieurs acteurs
de la société civile contre ces
crimes
LA NOUVELLE
EXPRESSION
(2 éditions)
Edition du 21 janvier 2013
P.8-9
- Dossier d’enquête sur le sujet :
rappel des faits, encadrés
explicatifs, mode opératoire
des tueurs en série, mesures
sécuritaires prises,
commentaire sur l’action des
forces de sécurités.
- Forces de l’ordre exerçant plus
dans le contrôle de dossiers de
véhicules, racket des
populations que dans la
protection des biens et des
personnes ;
- Le sang des jeunes filles fait
courir les malfaiteurs ;
- Le bilan des victimes s’est
alourdi le 15 janvier, premier
cas le 1er
décembre ;
- 14 janvier un individu surpris
en train de ligoté deux enfants
caché dans un sac ; corruption
du conducteur de moto-taxi
avec 6000 F.CFA de frais de
transport contre 100F.CFA
habituel pour la même
distance, alerte donnée par le
conducteur et abandon du sac ;
- 12 janvier : jeune fille de 12
ans droguée et violée
15. 16
retrouvée vivante sur une
véranda, 3 enfants disparus sur
le chemin de l’école : un seul
retrouvé mort et mutilé ;
- Contrôle des cartes nationales
d’identité des personnes
venant chercher les enfants à
la sortie des écoles de la zone
Edition du 24 janvier 2013
« Insécurité à Yaoundé : le
gouvernement se réveille » P.5
- Extrait de la déclaration du
Mincom lors de son point de
presse
LA METEO et LE
SOIR
(une édition
chacune)
Edition de la semaine du 21 janvier :
Exposition des photos de quelques
suspects en Une
- Appartenance régionale des
suspects
2. L’analyse du contenu et de l’aspect visuel des articles
Sur les 27 éditions de journaux recensées, l’on se rend compte que 11 éditions ont été
consacrées à ce sujet par le quotidien Le Jour. Dans la plupart d’entre elles, l’image utilisée pour
illustrer les articles est celle de l’une des victimes : Claude Michèle Mballa Mvogo. Cette
dernière était âgée de 17 ans, élève au Lycée bilingue de Yaoundé. La jeune fille est peinte dans
les différentes colonnes du tabloïd de même que dans celles des quotidiens Le Messager et La
Nouvelle expression comme un modèle. En observant attentivement les textes des différentes
publications, on sent comme une insistance de la part des rédacteurs des articles de presse sur
cette victime. La thèse se confirmera par la suite lorsque l’une des proches de la victime écrira à
visage découvert au président de la République et lorsque des suspects seront arrêtés par les
force de l’ordre grâce à l’exploitation du code IMEI d’un des téléphones de la victime qui
s’avère être Claude Michèle.
Sans vouloir jetter du discrédit sur la victime sus-citée, l’on se rend à l’évidence que ce
fait d’actualité aura été amplifié par les liens de parenté de la concernée avec un acteur de la
16. 17
presse. Au-delà des faits perceptibles dans la presse, l’on découvre que la journaliste, sœur de la
victime, Débora Ngo Tonyé épouse Mvaebeme, a exercé dans les premières heures du quotidien
Le Jour, et est l’une des figures montantes de la presse camerounaise : directrice de publication
d’un mensuel L’emploi et chroniqueuse au quotidien de l’Economie.
Sur un plan plus textuel, la plupart des publications hormis Cameroon Tribune font un
acharnement à peine voilé sur les fores de l’ordre et les pouvoirs publics. On a des termes
comme : « laxisme, mutisme, l’enquête est ouverte, aucune information ne filtre, pas d’opération
coup de cœur.. » sont implicitement mis en exergue par les reporters pour accentuer l’idée selon
laquelle, ces acteurs politiques et garants de la sécurité ont fait preuve de « négligence et de
silence » pendant la période d’enregistrement de ces crimes. Les journaux comme La Météo et
Le soir iront par ailleurs affichés les visages des présumés innocents suspectés comme des
coupables dans les colonnes et sur les Unes de leur publication. Des informations à peine voilée
par les autres journaux : les uns donnant les noms de interpellés, les autres s’en tenant à la
déclaration officielle du gouvernement lors du point de presse du ministre de la communication,
porte-parole du gouvernement.
Le caractère sensible de cette actualité appelée soit « crimes rituels », soit « crimes
sacrificatoires », soit « crimes en séries » est mis en exergue dans la mise en page des différents
journaux. Au départ mis en exergue dans les pages destinées aux faits divers, l’information se
déportera peu à peu dans les pages de droites des publications, puis vers les petites Unes des
journaux et enfin en grande Une des tabloïds. L’on remarquera que l’unique quotidien à capitaux
publics Cameroon Tribune « évitera » d’en faire un commentaire éditorial, réussira à « contenir »
le caractère sensible de l’information en limitant son nombre d’articles sur le sujet et en s’en
tenant à la version officielle des faits. Le temps des verbes utilisés par ce dernier sera très
dubitatif : imparfait du subjonctif et identification des personnes appelées à témoigner. Dans les
autres quotidiens, on ajoutera aux reportages, enquêtes et déclarations, l’interview de divers
spécialistes et des extraits de réactions de populations s’insurgeant contre ces meurtres.
17. 18
CONCLUSION
Au terme de cet essai de dossier d’actualité sur les corps de jeunes filles et d’enfants
retrouvés en série dans les villes du Cameroun en général et dans la ville de Yaoundé, le quartier
Mimboman en particulier, il ressort que l’on est bel et bien en face d’une actualité sensible. La
blessure informationnelle aura été accentuée par le fait que la plupart des 27 éditions des divers
journaux examinés ont usé de sensationnalisme dans leur publication. Pour cause l’information
qui se vend généralement chez le public est faite des 3 S : sexe, sang et scandale. Les journalistes
auront usés de la souffrance des proches des victimes et des populations de Mimboman pour
convaincre le public de ce que l’on serait en face de « crimes rituels ». En second lieu, cette
même presse aura convaincu le politique de la nature des crimes en passant par la description de
la présentation des divers corps et le fait de décrier leur ras-le-bol contre les forces de l’ordre
(gendarmerie et police). Ce qui aura pour conséquence le non respect des règles éthiques et
déontologiques dans certaines publications notamment La météo et Le Soir, qui ont publiés les
images et les noms des présumés innocents interpellés dans cette affaire. L’on peut donc
aisément identifier le quotidien Cameroon Tribune comme celui qui aura véhiculer le discours
officiel sur les crimes rituels, Le jour, Mutations, Le Messager et La Nouvelle Expression
comme la presse d’opposition aux informations données par les officiels et La Météo et Le Soir
comme les plus instrumentalisés pour servir les opinions de certains individus.