4. Exemple : les chauffeurs d’UBER : indépendants ou
salariés ?
Extrait de Liaisons sociales, 22/10/2015
• Un chauffeur de VTC lance une action aux
prud’hommes contre Uber
Un conducteur de voiture de tourisme avec chauffeur (VTC) a introduit, le 19 octobre, une
action auprès des prud’hommes de Paris pour réclamer la requalification de son contrat de
partenariat avec Uber en contrat de travail. Selon son avocat, il y a bien un lien de
subordination entre les chauffeurs et la plate-forme de réservation Uber. « Les chauffeurs
ont l’obligation de se connecter, il y a un prix minimum garanti, ils doivent accepter 90 %
des courses et obtenir un taux de satisfaction important sous peine d’être rayés des listes
d’Uber. Il y a tout de la relation de travail classique », estime l’avocat (avec l’AFP).
• Double contentieux :
Ø contentieux individuel : requalification de la relation en relation de travail
Ø contentieux Urssaf : si les chauffeurs sont considérés comme dans une situation de salariat, c’est à
l’entreprise de cotiser au régime général et non aux chauffeurs de cotiser au régime des
indépendants.
• Solution en droit américain :
http://www.ilsole24ore.com/pdf2010/Editrice/ILSOLE24ORE/ILSOLE24ORE/Online/_Oggetti_Correlati/Documenti/Notizi
e/2015/06/Uber-vs-Berwick.pdf
•
5. • La société Uber, du nom de l'application qui a pour finalité de mettre en relation un chauffeur avec un client,
est considérée comme ayant mis en place un modèle de développement disruptif. L'impact de ce modèle
est tellement puissant que les termes "uberisation" ou "uberiser" sont entrés dans le langage courant.
• Le modèle repose sur l'idée que le développement de la société a pour conséquence une rupture avec le
cadre juridique dans lequel évolue son activité. Disruptif, c'est toutes choses étant égales par ailleurs,
l'expression qui signifie que l'activité économique se développe en marge ou en parallèle avec le cadre
juridique existant. Dans le cas présent, Uber conteste le monopole des taxis pour justifier l'émergence
d'une nouvelle catégorie de chauffeurs : les V.T.C..
• Génie de l'économie moderne : alors que le trafic de stupéfiants est tout autant disruptif, il n'a jamais été
qualifié de cette façon.
• Ce point mis à part, l'existence d'Uber reste dépendant de la réglementation. Réglementation des transports
bien sûr ; mais également du droit du travail en raison du fait que la qualification d'une situation en
situation devant relever du droit du travail. Autrement dit, un chauffeur est en droit de demander la
requalification de sa relation en relation de travail en raison de la manière dont il exécute sa prestation.
• Dans ce cadre, comprendre Uber, c'est comprendre la réglementation dans lequel cette activité évolue. Dès
lors, compte tenu du déficit abyssal de cette société, celle-ci ne dispose que de deux options : soit
généraliser le recours à la voiture sans chauffeur, soit faire sauter les réglementations en présence.
•
6. Pour le moment, l'assurance voiture est à la charge du chauffeur qui se déclare comme
indépendant. Mais, si UBER supprime les chauffeurs, il devient automatiquement obligé
de souscrire une assurance pour l'ensemble de son parc automobile. UBER peut se
débarrasser de ses chauffeurs, il n'en réduira pas forcément ni ses coûts de
fonctionnement ni le prix de ses transactions.
Autre point : pour éviter les accidents, il y a fort à parier que ses voitures sans chauffeur
seront bridées, bien évidemment par les limitations de vitesse mais également par
l'entreprise elle-même pour éviter qu'un accident ne vienne entacher la viabilité du
nouveau service. Prenons un exemple simple : sur un trajet Paris-Roissy CDG, il peut y
avoir des ralentissements tout comme des moments où un chauffeur peut se permettre
des accélérations. Pas sûr qu'une voiture automatique sans chauffeur pourra réellement
intégrer ses paramètres. C'est encore un pari mais un pari qui peut coûter encore plus
cher que ceux déjà lancés par UBER car on imagine mal un client choisir une voiture sans
chauffeur à un prix proche de celui d'un taxi si c'est pour avancer comme un escargot. Et
encore, on ne parle même pas des risques de déprédation de ces voitures, des
conséquences d'un piratage ou d'une panne de réseau.
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8. Nous lisons qu'une société spécialisée dans la location de voitures entre particuliers vient de réaliser un important appel de
fonds. La société décline en matière d'automobiles ce que réalise Air Bnb en matière de location d'appartements.
Dans un cas comme dans l'autre, la conception du monde sous-jacente est la même : les relations interindividuelles sont par
nature pacifiques et l'activité de location ne pose aucun problème. Pourtant, peut-être que les choses sont un peu plus
compliquées :
pour Airbnb, les Etats réagissent et demandent à présent que soit acquittée la taxe de séjour ; le site est massivement
squatté par des loueurs professionnels dont on peut se demander s'ils n'utilisent pas la plateforme pour éluder leurs
obligations. Sans compter bien sûr les anecdotes sordides du cadavre trouvé au fond du jardin ou de la balançoire mal fixée
dont l'utilisation conduit au décès du locataire. Le prix de la prestation ne se comprend véritablement parce que
généralement, il n'inclut pas le coût de l'assurance liée à l'activité ;
en matière de location de voitures entre particuliers, on peut lister des problèmes similaires. Quid d'une utilisation abusive
du véhicule pour faire du rodéo ? Quid d'un excès de vitesse avec la voiture louée d'un particulier ? Généralement, les
conducteurs sont assurés. Mais, là encore, les primes d'assurance risquent de rapidement s'envoler.
C'est le grand paradoxe : l'économie collaborative repose sur l'inter-dépendance généralisée que crée internet mais ignore la
dimension assurantielle de cette inter-dépendance. La pertinence du modèle économique de ces sociétés n'est peut-être pas
encore suffisamment fiable.
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10. Il y a dans l'économie collaborative la construction d'un modèle économique qui repose sur une abstraction des
contraintes juridiques. Mais voilà, le droit c'est comme la nature, cela a horreur du vide. C'est ce qui ressort des projets de
taxation des revenus générés par les plateformes comme AirbNb ou le boncoin, voire le contrôle URSSAF que doit
assumer UBER.
Et puis, il y a des plateformes qui, au contraire, ne cherchent pas à éluder la règle mais construisent leur modèle sur
l'articulation entre la perception des règles et leur mise en oeuvre. C'est le cas par exemple de Locat'me. Le principe est
simple : permettre aux propriétaires d'être mis en contact avec de potentiels locataires et vice-versa. Le locataire présente
son dossier tandis que le propriétaire décrit son bien. L'objectif est clairement annoncé : louer sans agence immobilière.
Les agences immobilières se servent d'internet pour faire la promotion des biens qui leur ont été confiés ; le site Locat'me
leur signifie que cette étape d'exposition n'est plus suffisante. Ou du moins elle ne justifie pas le coût des honoraires. Bref,
une agence immobilière qui n'en est pas une. D'où dans les mentions légales :
Carte professionnelle transaction numéro T15729 :
Préfecture de délivrance de la carte professionnelle : préfecture de Police
Garantie financière : aucune garantie souscrite, la société Tenant Cloud SAS ne perçoit d'autres sommes que celles de sa
rémunération.
Au passage, il n'est pas précisé si la société a fait la démarche ou si elle a estimé de son propre chef qu'elle était dispensée
de garantie financière. La société tend plutôt à se présenter comme une société conceptrice de sites web. Sauf erreur,
aucune mention relative à la protection des données personnelles.
On ne sait pas non plus comment les locataires entreront physiquement en contact avec les propriétaires. En somme une
intermédiation dématérialisée qui repose sur le tropisme de l'économie collaborative : tout le monde est de bonne foi à
partir du moment où il utilise une plateforme. C'est prendre une présomption pour une réalité.
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12. Qui sommes nous
• Legal Tools est le fruit de la rencontre entre l’expertise juridique et l’expertise
informatique.
• Jacques Amar, maître de conférences en droit privé HDR, Université Paris-
Dauphine enseigne le droit des affaires depuis plus de 15 ans. Il est spécialisé
dans l’expertise juridique de sites informatiques.
• Lionel Chemla, ingénieur, président de la SAS Catalyse It, spécialisée dans la mise
en place de business process management. Son expérience comme ses
qualifications en font un expert reconnu en matière de crédit-impôt recherche
et de système d’information.
• Contact : contact@legal-tools.fr