1. La loi sur la continuité des entreprises fait
parfois pire que bien
Charles Markowicz
Associé Costmasters
Bâtie sur les fonts baptismaux du concordat judiciaire qui ne répondait pas aux attentes économiques du XXIe
siècle, la loi sur la continuité des entreprises (LCE) vit le jour en 1999. S'inspirant notamment du droit
américain, en particulier de la procédure dite du "Chapter 11" et d'une philosophie donnant droit à une
seconde chance juste avant un échec total, elle voulait favoriser le redémarrage d'entreprises en difficultés. En
gelant les dettes du passé, on favoriserait le maintien d'emplois et d'activités dans la mesure du possible.
La loi offre trois possibilités concrètes à une entreprise (personne physique ou société) qui y fait appel: un
accord à l'amiable avec un ou plusieurs créanciers; la réorganisation de sa dette qui concrètement en annule la
majeure partie; le transfert de certains actifs à des tiers. Toute entreprise candidate doit faire intervenir un
professionnel du chiffre, payer un droit de greffe de 1000 euros et soumettre son plan à l'approbation du
Tribunal de commerce dont elle dépend.
Pour le meilleur comme pour le pire...
Pour le meilleur comme pour le pire, une entreprise est mise sous la protection du tribunal de commerce dès
qu'elle introduit sa requête en réorganisation judiciaire. Ses créanciers ne peuvent plus en exiger la mise en
faillite. C'est donc aussi leur pérennité qui peut être mise en cause par un effet domino.
La motivation de donner une seconde chance à une entreprise en difficultés ayant encore de bonnes
perspectives est parfaitement louable. Cependant le manque de moyens des tribunaux de commerce les
empêche d'effectuer des contrôles suffisants avant et après qu'un plan leur ait été soumis, ouvrant dès lors des
failles permettant de faire pire que bien.
Quand les entrepreneurs tirent les ficelles
Que toutes les tentatives de redressement n'aboutissent pas est logique. Mais que des entrepreneurs tirent les
ficelles de la loi à leur principal avantage, au détriment de certains créanciers pourtant de bonne foi, l'est
moins. Un dirigeant mal intentionné peut effectivement utiliser le temps de la protection pour se délester des
meilleurs actifs, se rembourser prioritairement avant d'éventuellement déposer le bilan de la société. Pendant
ce temps, ses créanciers sont désarmés.
Malheureusement aucun tribunal de commerce n'a les moyens d'analyser la faisabilité et le bien fondé des
mesures qui lui sont proposées. Pas plus qu'ils ne peuvent suivre la réalisation des plans qui leur sont soumis,
ce qui laisse une autonomie totale aux dirigeants des entreprises protégées, pour le bien comme pour le mal.
Lorsque le plan de réorganisation est accepté par le tribunal, les créanciers ne peuvent plus que surveiller si
leur créance rabotée (éventuellement de 85%) leur est effectivement payée comme prévu.
Si ce n'est pas le cas, en vertu de l'article 58 de la LCE, ils peuvent demander au tribunal de révoquer le plan
de réorganisation. Mais cela implique une nouvelle action en justice avec les frais inhérents, alors que le
créancier subit déjà une perte.
Page 1 sur 2Journal en Ligne
20-08-15http://journal.lecho.be/