Le scandale de la viande de cheval, en mettant en lumière une filière d’approvisionnement aux multiples intermédiaires, soulève de nouveau le problème de la traçabilité dans l’industrie agroalimentaire. Dans cette quête vers plus de transparence, l’industrie agro-alimentaire pourrait s’appuyer sur l’emballage comme support privilégié de la traçabilité.
Five sustainability trends that will shape packaging
Scandale de la viande de Cheval : la traçabilité en question!
1. PROCÉDÉS & TECHNOLOGIE
48 | • V10N2
Scandale de la viande de cheval :
la traçabilité en question !
En mettant en lumière une filière d’approvisionnement aux multiples intermédiaires, le scandale de la viande
de cheval soulève de nouveau le problème de la traçabilité dans l’industrie agroalimentaire. Dans cette quête
de transparence, l’industrie agroalimentaire pourrait s’appuyer sur l’emballage comme support privilégié de
la traçabilité.
D
epuis le début de l’année, la décou-
verte de viande de cheval dans de
nombreux plats cuisinés estam-
pillés « viande de bœuf » crée l’émoi dans
la filière bovine et chez les consommateurs
européens. S’il n’y a certes pas de danger
sanitaire, le « Horsegate » est néanmoins le
révélateur de l’opacité qui entoure la pro-
duction des plats cuisinés. Dans la filière
viande, comme dans beaucoup d’autres fi-
lières alimentaires,l’approvisionnement s'est
articulé autour d’une chaîne très complexe,
alliant marchés internationaux de matière
première alimentaire et une cascade d’inter-
médiaires.À chaque étape,il peut y avoir des
défaillances. L’enquête doit encore détermi-
ner à quel niveau il y a eu tromperie sur la
marchandise.
Chronique d’un scandale
L'affaire éclate en trois temps.Mi-janvier,les
autorités sanitaires britanniques découvrent
que des steaks hachés certifiés « pur bœuf »
produits en Irlande contiennent de la viande
de cheval. Dix jours plus tard, on apprend
que des carcasses britanniques de chevaux,
contaminées par un médicament interdit,ont
été vendues en France en 2012. Aucun lien
direct n’existe entre ces deux événements,
mais ces scandales jettent un doute sur la
fiabilité du système européen de traçabilité
de la viande. Alerté par un sous-traitant, le
géant suédois Findus conduit des tests sur
ses produits et annonce ainsi début février
avoir trouvé de la viande équine dans ses
lasagnes, d'abord au Royaume-Uni puis en
France. L’entreprise retire aussi par précau-
tion ses moussakas et ses hachis parmentier
dans plusieurs pays européens.
Un circuit complexe et opaque
Selon les premiers résultats, ce scandale ali-
mentaire implique des intermédiaires de six
nationalités différentes : le groupe Findus
(en Suède) a sous-traité la fabrication des
plats préparés à l’usine luxembourgeoise
de Tavola, filiale de Comigel (à Metz,
France),fournie par l’importateur Spanghero
(à Castelnaudary, France) qui a acheté la
viande surgelée auprès d’un trader chy-
priote, qui a passé la commande à un trader
situé aux Pays-Bas,ce dernier s’étant appro-
visionné auprès d’un abattoir et d’un atelier
de découpe situés en Roumanie. Et chacun
se renvoie la balle.
Le scandale de la viande de cheval n’est pas
un problème sanitaire, mais une tromperie
économique. Une multiplication des inter-
médiaires qui augmente le risque d’erreurs
humaines, mais aussi de fraudes d’un sous-
traitant désireux d’augmenter ses marges.
Cette fraude est d’autant plus facilitée par
le manque de contrôles qui restent ponc-
tuels. Ce système met à mal la notion même
de traçabilité : qu’importe la provenance,
du moment qu’on s’approvisionne au plus
bas prix.
De la ferme à la fourchette
Le scandale de la viande de cheval met
incontestablement en avant un défaut de tra-
çabilité ayant pour conséquence un véritable
enjeu de transparence et un risque impor-
tant de confiance et de réputation altérées.
Dans le secteur agroalimentaire, pour cer-
tains produits,jusqu’à 80 % de la production
peuvent être réalisés en dehors des frontières
de l’entreprise. Le risque « fournisseurs » et
la traçabilité de l’ensemble des composants
depuis la source devient alors un paramètre
vital à gérer.
La traçabilité, c’est la capacité à décrire le
cheminement d’un produit tout au long de la
chaîne d’approvisionnement,du producteur
au consommateur en passant par l’expor-
tateur, le transformateur, le distributeur,
Par Islem Yezza
Directeur technique et développement des affaires, Cascades
islem_yezza@cascades.com | Twitter : @IslemYezza
Authenticité et traçabilité des Prosciutto di San Daniele
2. PROCÉDÉS & TECHNOLOGIE
le revendeur, etc. Un bon système de tra-
çabilité ajoute une valeur importante aux
produits distribués, ce qui confère à l’entre-
prise un net avantage sur ses concurrents.
L’industrie alimentaire demeure particuliè-
rement sensible non seulement à la sécurité
et la qualité des produits, mais aussi sur le
plan de la transparence et l’efficacité du pro-
cessus de distribution ; or, ces aspects sont
avantageusement soutenus par un système
approprié de traçabilité.
L’emballage : support privilégié
de la traçabilité
Dans cette quête vers plus de transpa-
rence, l’industrie agroalimentaire pourrait
s’appuyer sur l’emballage comme support
privilégié de la traçabilité. Ainsi les respon-
sabilités de chacun des intervenants seraient
mieux déterminées.
Parmi les technologies envisageables et déjà
utilisées, la traçabilité par RFID (identifica-
tion par radiofréquences) permet d’identifier
un animal de sa naissance à sa transfor-
mation. Les puces permettent d’établir un
dialogue entre deux éléments électroniques
sans nécessiter de contact physique ou visuel
assurant une meilleure traçabilité et une
meilleure sécurité alimentaire. Ces puces
peuvent être imprimées directement sur les
produits et devraient remplacer à terme les
codes à barres.
En Italie, pour protéger l’appellation d’ori-
gine protégée « Prosciutto di San Daniele »,
les producteurs insèrent des puces RFID sur
leurs jambons afin de retracer leur itiné-
raire depuis l’abattoir jusqu’à leur mise en
rayon et vérifier l’authenticité du prosciutto.
Ce type de technologie peut être utilisé sur
certains produits du terroir au Québec tels
que le sirop d’érable ou encore l’agneau de
Charlevoix.
Relever les failles
Le scandale de la viande de cheval dans
les produits cuisinés révèle les failles d’un
système agroalimentaire mondialisé deve-
nu complexe et dominé par des logiques
financières. Mais en entraînant des risques
de rappels massifs ou de réputation et de
mauvaise image de marque, ce genre de
dérapages pourrait coûter très cher aux in-
dustries agroalimentaires.Dans ce contexte,
l’emballage, à l’instar des étiquettes intelli-
gentes, peut offrir des pistes de solution qui
méritent d’être explorées.