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Les Ateliers de Lectures et d'Etudes Freudiennes (A.L.E.F)
d'Orléans
Ecole régionale de l'Association Lacanienne Internationale
Paris.
*Bilan du débat suite à la projection à la salle ERASME du film de Pasolini « Salò
ou les 120 jours de Sodome » le 7 juillet 2015, sept personnes membres d’ALEF
ont pu échanger sur leur ressenti durant cette soirée.
En 1975, Pasolini dans son film, transpose les 120 jours de Sodome et Gomorre
du Marquis de Sade sous la République de Salo, à l’heure où le fascisme italien
brûle de ses derniers feux.
Salõ raconte la descente aux enfers de dix-huit adolescents capturés puis
enfermés dans un château où ils seront soumis aux désirs extrêmes de quatre
bourreaux sans noms, à la fois grotesques et immondes, hérauts quelconques
d’une barbarie planifiée qui se font appeler Duc, Excellence, Monseigneur et
Président. Ces quatre figures allégoriques représentent les émanations du
pouvoir : l'armée, la justice, la religion et le pouvoir politique. Ces titres
rappellent que c'est de la loi que le fascisme se revendique, en récupérant les
attributs des figures de l'autorité. Il se réfère à la loi pour mieux la subvertir et,
disons-le, la pervertir. Ces quatre personnages ne se nomment en hommes de la
loi que pour mieux la soumettre à leur jouissance.
Le château de Salõ est un lieu clos, hors du monde et de l’Histoire. Le motif
circulaire, sur lequel le film est construit, nourrit la sensation d’un espace
fantomatique, presque irréel, où le temps semble bégayer, comme voué à une
interminable répétition.
« Pour le monde, vous êtes déjà morts », annonce symboliquement l’un des
tortionnaires aux futurs suppliciés. De l’extérieur, plus de traces, si ce n’est le
bruit hors-champ de bombardiers sillonnant le ciel vers lesquels parfois, des
regards se tournent.
Le cercle des manies, le cercle de la scatologie puis celui du sang se succèdent
jusqu’à une cour carrée, ultime enroulement d’une infamie où les victimes,
torturées à mort, périront sous l’œil écarquillé des bourreaux. Il existe bien sûr
un autre cercle, qui englobe les trois autres et vers lequel tout converge, c’est
celui de la Mort industrialisée, qui n’appartient pas en propre au scénario du film
mais au souvenir inéluctable du spectateur à sa vision ; le fantôme des camps
hante chaque plan de Salo.
Dans Salõ, il n’est pas d’institution ou de figure autoritaire qui ne soit ridiculisée
: le mariage plusieurs fois parodié, la démocratie réduite à l’élection ciblée sur
les atours sexuels des suppliciés, ou encore la cène biblique, au cours de laquelle
on ne partage plus le pain mais ses propres excréments.
C'est ici que l'on retrouve l'un des traits les plus fondamentaux du rapport DU
pervers à la Loi : CELUI-CI SE DECLINE SELON TROIS MODALITES :
NOUS AVONS TOUT D'ABORD LA DISTORSION DU RAPPORT A LA
LOI que représente l'Autre du langage : la moquerie, la parodie obscène qui a
tout de même pour fonction, l'air de rien, de faire se rendre présent l'objet
polarisant de la jouissance.
PUIS, LA MISE EN ABIME DU RAPPORT A LA LOI POSITIVE,
INSTITUTIONNELLE : le mariage, par exemple, n'a plus pour vocation de
tisser du lien social, mais sert de prétexte à une orgie sordide dans laquelle on
mange ses excréments, où l'on viole et maltraite. A l’œuvre, dans toute son
horreur, l'exercice du Surmoi comme d'une instance obscène qui pousse-au-jouir
en permanence en dépit de l'instance limitante de la Loi morale, laquelle même
est détournée au point de devenir la justification de cette démarche, trait
commun à tous les régimes fascistes. En effet, le pouvoir fasciste s'est toujours
référé à la « loi de la nature », en particulier chez les nazis. Cette idée ne peut
que nous évoquer la similarité avec la « jouissance autre » que Lacan théorise et
loge aux croisements du Réel et de l'Imaginaire, destinataire de toutes les
adresses du pervers comme du fascisme.
Salõ constitue sans doute l’étude la plus radicale jamais filmée sur les rapports
de domination et de soumission qui fonde tout pouvoir, quelle qu'en soit sa
nature : religieuse, politique ou médiatique.
C’est bien l’absurdité que pointe Pasolini : la logique expansive intrinsèque du
pouvoir s’appuie sur un principe de destruction qui finit par se retourner contre
son initiateur, à l’image des bourreaux qui, au cours des orgies, n’hésitent pas à
se sodomiser entre eux. Phénomène contagieux et réversible qui s’échange par le
sexe et le sang, qui se transmet comme dans le cercle de l’analité et des
excréments, d’un trou à une bouche puis d’une bouche à un autre trou.
La tentative perverse vise à asservir le corps de l'autre et lui nier l'ancrage
symbolique qui lie tous les parlêtres entre eux (c'est la Loi), pour ensuite lui «
boucher les trous ». Mais, dans Salò, cela ne va pas sans la présence de spect-
acteurs, qu'il s'agisse des personnages du film ou de celles et ceux qui depuis
quarante ans se frottent à l'analyse du long-métrage, ce qui implique... de le
regarder. Il faut un regard, en effet, pour boucler la pulsion, un regard qui, peut-
être, « voit rien », lorsque le crime se déroule hors-champ ou dans une autre
pièce que la salle commune. Mais, de ne rien en voir, ce regard à qui l'acte
pervers est adressé sait. Le pervers en appelle au ça-voir de sa victime...
La délectation ou l'horreur se rejoignent dans ce dispositif effroyable, signe là
aussi d'un mépris du signifiant et de la dimension symbolique du désir. Horreur
ou délectation, peu importe, puisqu'il s'agit de forcer l'Autre à manger son
propre objet partiel, comme les nazis forçaient leurs victimes à creuser les fosses
communes où ils s'apprêtaient à les fusiller. « C'est ça que tu veux ! » pourrait en
être le slogan, tant chez les sadiques de Salò qui font manger des déjections à
une de leurs victimes pour que tous les autres se nourrissent de ce spectacle, ou
des fascistes qui présentent en offrande à « la Nature » ou à « la Nation »
l'immensité de leurs crimes. Mais, ce faisant, le pervers, comme le fasciste,
devient bien l'esclave de sa logique. Il lui faut ce regard pour fonctionner.
Le film se construit donc sur des brisures du scénario qui inversent les rapports
de domination, le dominant devant lui-même dominé. Il y a dans ces
renversements l'indice que ce que Pasolini nous montre est en même temps ce
qu'il est en train de dénoncer. Mais sa position ne va pas de soi : il y a toujours
un risque à voir le spectateur s'identifier avec le tortionnaire et jouir à tout va
dans - et de - la position dominante. En cela, le film de Pasolini prend un risque,
celui de favoriser le contresens, celui de se voir incompris, voire subverti. Mais
du coup, il incite aussi à faire preuve d'intelligence et de perspicacité. Il donne
ainsi à penser- il nous contraint à penser - et nous rend ainsi responsable si le
monde dans lequel nous évoluons devient le miroir de Salõ.
Le film s’achève par la réunion des suppliciés dans la cour des spectacles. Tous
dénudés, les voici soumis au regard des maîtres de cérémonie qui, les uns après
les autres, s’installent sur une chaise postée derrière une fenêtre, prêts à se
repaître des pouvoirs de l’horreur et de l’horreur du pouvoir. Le dispositif
renvoie à un écran de cinéma mais aussi, par la multiplication des carrés, il peut
laisser penser à de petites lucarnes télévisuelles. On ne peut pas alors ne pas
référer cette dernière séquence du film à la réalisation extrême et odieuse de la
téléréalité journalière et de ses avatars contemporains. Comme si, dans
l’histoire des images révoltantes, le film de Pasolini était moins à l’origine d’une
évolution à venir qu’au terme d’un processus symbolique encore inachevé.
Dans le château de Salõ, comme dans ses espaces clos et filmé où l’on enferme
des candidats en batterie, il y a des règles de bonne conduite et des professeurs
qui les édictent, des fautes et des châtiments, des alliances et des épreuves, des
éliminations arbitraires et des rafles sélectives comme autant d’atroces castings.
Mais il existe une différence fondamentale entre les victimes de Salõ et les
prétendants à la reconnaissance cathodique : les premiers sont encore
contraints et conscients de l’humiliation dont ils vont être l’objet tandis que les
seconds, eux, se ruent aux portes du château, volontaires et prêts à tout pour
pénétrer dans la cour des spectacles et livrer leur Moi à la jouissance des
regards.
À noter, alors, dans Salò, la séquence fondamentale où l'on découvre en cascade
que de nombreux prisonniers ont transgressé ces fameuses règles, dont on
appréciera la teneur : pas de photos de proches, pas de relations hétérosexuelles,
pas de relations sentimentales, pas de référence à Dieu...Chacun, surpris,
renvoyant le bourreau à un autre acteur d'une autre transgression. Faut-il encore
préciser que le pouvoir réalise sa puissance lorsqu’il parvient à faire de la
victime - le prisonnier, le surveillé, le filmé, l’humilié - son propre bourreau ?
Finalement, sont surpris un des jeunes hommes avec une des servantes du
château. On devine qu'ils s'aiment et qu'ils
font l'amour, pas seulement qu'ils « baisent ». Ils sont l'un après l'autre
assassinés brutalement, après que lui ait dressé son poing gauche, à la fois geste
éminemment phallique, de désir, et signe salut révolutionnaire : renvoyant ainsi
à Félix Guattari, « la force révolutionnaire du désir » évoquée dans Capitalisme
et Schizophrénie. Le désir qui tranche dans la jouissance, nous dit Lacan,
coupure insupportable pour le fonctionnement pervers (l'Autre manque, il
manifeste ce manque par son salut qui présentifie ce qu'il vient d'admettre ne pas
avoir, car « il n'y a pas de rapport sexuel chez l'être parlant »). Ce geste est une
provocation, une subversion, mais aussi le seul acte de parole véritable du film.
Il y a chez Lacan deux notions de jouissance, la jouissance phallique et la
jouissance Autre. C'est à la seconde que le pervers s'aliène. Et la première lui est
difficile à supporter puisque, aux croisements du Symbolique et du Réel, elle se
soutient de la parole et est par essence relevant d'un ensemble fini, puisque l’on
n’échappe pas, hors-position d'exception, à la castration. La jouissance Autre,
elle, est hors-limites, à l'image de l'Etat d'exception permanent du fascisme.
En cela, celui-ci s'illustre bien comme procédant d'une logique similaire à la
perversion. Le désir de l'Autre, qui signe qu'il y a du subjectif et que l'on ne peut
pas additionner les êtres vivants pour tendre vers l'Un qui résulterait de ce
comptage, est insupportable pour le pervers, car il signe les trous, les coupures,
l'opérativité de S(Ⱥ). De même, le fasciste, nous l'avons vu, s'adresse et s'aliène
à, pourrait-on dire, « la mère-patrie ». En caricaturant un peu, on pourrait faire
correspondre ce terme avec l'idée du démenti de la castration : souvenons-nous
du rêve de « la femme au pénis »... Il se met au service de cette entité,
incarnation du Grand Autre maternel, et de sa « pureté » (de sa jouissance en
fait), en excluant par parole et par les agirs tous ceux qui pourraient supposer
que des trous, des différences, des coupures existent, par exemple sur des
questions de langage : c'est là toute la question de la « langue maternelle » dans
le fascisme et le nazisme, comme élément de ségrégation. Est exclu, au fond,
celui qui, se référant à un langage « venu d'ailleurs », amène la possibilité du
désir comme possible séparation d'avec le groupe, la masse...
Qu’entend-on depuis la cour des spectacles ? Précisément rien. Or, « si le son
manque, manque le monde », il manque un cri aux bouches hurlantes des
victimes, ceci est d’ailleurs logique puisque nous voyons tout à travers l’œil du
bourreau et que celui-ci n’entend pas la souffrance.
L’absence de son achève de désincarner les images dans Salõ. De même, dans
la téléréalité, la froideur des images cathodiques fait de ce dispositif un lieu où
finalement tout événement, aussi insoutenable soit-il, se transformant en un
spectacle, devient malgré tout consommable. On assiste alors à une véritable
atomisation du sujet, par la projection de son essence vers un réel mortifère.
C'est donc - paradoxalement - un appel à la moralité, à la suprématie de la raison
sur le pulsionnel, que lance ici Pasolini. Il faut que la cruauté et le sadisme qu’il
nous montre nous choquent afin que nous puissions lutter contre nos dérives
toujours possibles vers la toute-puissance.
Lacan dans le séminaire XI « Les quatre concepts fondamentaux de la
psychanalyse », pour expliquer ce que signifie l’aliénation du sujet parle du
VEL, comme « aliénation ou choix forcé » du sujet prend l’exemple du choix
entre « la bourse ou la vie », il y explique l’aliénation du sujet avec d’un côté le
ou comme produisant du sens, car produit du signifiant de l'autre pourtant, il
apparaît comme aphanisis ; disparition du sujet.
L’aliénation pour nos suppliciés dans le film Salȏ consiste dans ce vel, qui –
citons Lacan, si le mot condamné n’appelle pas d’objections de notre part –
« condamne le sujet à n’apparaître que dans cette division, […] s’il apparaît d’un
côté comme sens, produit par le signifiant, de l’autre il apparaît comme
aphanisis ». (Lacan, 1973) ; c'est-à-dire pour nos suppliciés livre de chair de
leur bourreau, voués à disparaître, à mourir. Payer de sa chair, d'une "livre de
chair", n'est-ce pas alors cher payer les effets d'une dé-liaison qui désarrime le
réel du corps de ses signifiants?
Il faut que le sujet reste barré et que la partie la plus obscure de nous-mêmes
reste soumise à notre plus haute vigilance sous peine de nous perdre en tant
qu'homme. Mais cette dénonciation, cette mise en garde, encore faut-il savoir la
déchiffrer, dirait Freud, « à la manière d'un mauvais rêve qu'il conviendrait de
savoir interpréter ». Là réside le risque de l'intelligence; là réside aussi le devoir
de juger et de prendre parti pour l'humanité que nous voulons ou non voir
advenir pour notre espèce. L'Homme a à se construire, à se façonner à partir
d'une image non spéculaire qu'il se donne volontairement à lui-même. En cela,
le mal que présente Salõ prend sens : il est ce qui nous confronte à notre liberté
et à la responsabilité que nous avons de nous faire nous-mêmes ce que nous
voulons être.
Texte coécrit par :
-Brigitte JUVIGNY.
Psychologue-Psychanalyste responsable de l’Atelier de lecture à ALEF
« L’Angoisse » séminaire X (1962-1963) de Jacques Lacan.
-Laurence LACROIX.
Philosophe- Membre de L’association Lacanienne et Freudienne.
-Hadrien BRAULT
Infirmier – Membre des Ateliers de Lecture et d’Études Freudiennes.

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  • 1. Les Ateliers de Lectures et d'Etudes Freudiennes (A.L.E.F) d'Orléans Ecole régionale de l'Association Lacanienne Internationale Paris. *Bilan du débat suite à la projection à la salle ERASME du film de Pasolini « Salò ou les 120 jours de Sodome » le 7 juillet 2015, sept personnes membres d’ALEF ont pu échanger sur leur ressenti durant cette soirée. En 1975, Pasolini dans son film, transpose les 120 jours de Sodome et Gomorre du Marquis de Sade sous la République de Salo, à l’heure où le fascisme italien brûle de ses derniers feux. Salõ raconte la descente aux enfers de dix-huit adolescents capturés puis enfermés dans un château où ils seront soumis aux désirs extrêmes de quatre bourreaux sans noms, à la fois grotesques et immondes, hérauts quelconques d’une barbarie planifiée qui se font appeler Duc, Excellence, Monseigneur et Président. Ces quatre figures allégoriques représentent les émanations du pouvoir : l'armée, la justice, la religion et le pouvoir politique. Ces titres rappellent que c'est de la loi que le fascisme se revendique, en récupérant les attributs des figures de l'autorité. Il se réfère à la loi pour mieux la subvertir et, disons-le, la pervertir. Ces quatre personnages ne se nomment en hommes de la loi que pour mieux la soumettre à leur jouissance. Le château de Salõ est un lieu clos, hors du monde et de l’Histoire. Le motif circulaire, sur lequel le film est construit, nourrit la sensation d’un espace fantomatique, presque irréel, où le temps semble bégayer, comme voué à une interminable répétition. « Pour le monde, vous êtes déjà morts », annonce symboliquement l’un des tortionnaires aux futurs suppliciés. De l’extérieur, plus de traces, si ce n’est le bruit hors-champ de bombardiers sillonnant le ciel vers lesquels parfois, des regards se tournent. Le cercle des manies, le cercle de la scatologie puis celui du sang se succèdent jusqu’à une cour carrée, ultime enroulement d’une infamie où les victimes, torturées à mort, périront sous l’œil écarquillé des bourreaux. Il existe bien sûr un autre cercle, qui englobe les trois autres et vers lequel tout converge, c’est celui de la Mort industrialisée, qui n’appartient pas en propre au scénario du film mais au souvenir inéluctable du spectateur à sa vision ; le fantôme des camps hante chaque plan de Salo. Dans Salõ, il n’est pas d’institution ou de figure autoritaire qui ne soit ridiculisée : le mariage plusieurs fois parodié, la démocratie réduite à l’élection ciblée sur les atours sexuels des suppliciés, ou encore la cène biblique, au cours de laquelle on ne partage plus le pain mais ses propres excréments.
  • 2. C'est ici que l'on retrouve l'un des traits les plus fondamentaux du rapport DU pervers à la Loi : CELUI-CI SE DECLINE SELON TROIS MODALITES : NOUS AVONS TOUT D'ABORD LA DISTORSION DU RAPPORT A LA LOI que représente l'Autre du langage : la moquerie, la parodie obscène qui a tout de même pour fonction, l'air de rien, de faire se rendre présent l'objet polarisant de la jouissance. PUIS, LA MISE EN ABIME DU RAPPORT A LA LOI POSITIVE, INSTITUTIONNELLE : le mariage, par exemple, n'a plus pour vocation de tisser du lien social, mais sert de prétexte à une orgie sordide dans laquelle on mange ses excréments, où l'on viole et maltraite. A l’œuvre, dans toute son horreur, l'exercice du Surmoi comme d'une instance obscène qui pousse-au-jouir en permanence en dépit de l'instance limitante de la Loi morale, laquelle même est détournée au point de devenir la justification de cette démarche, trait commun à tous les régimes fascistes. En effet, le pouvoir fasciste s'est toujours référé à la « loi de la nature », en particulier chez les nazis. Cette idée ne peut que nous évoquer la similarité avec la « jouissance autre » que Lacan théorise et loge aux croisements du Réel et de l'Imaginaire, destinataire de toutes les adresses du pervers comme du fascisme. Salõ constitue sans doute l’étude la plus radicale jamais filmée sur les rapports de domination et de soumission qui fonde tout pouvoir, quelle qu'en soit sa nature : religieuse, politique ou médiatique. C’est bien l’absurdité que pointe Pasolini : la logique expansive intrinsèque du pouvoir s’appuie sur un principe de destruction qui finit par se retourner contre son initiateur, à l’image des bourreaux qui, au cours des orgies, n’hésitent pas à se sodomiser entre eux. Phénomène contagieux et réversible qui s’échange par le sexe et le sang, qui se transmet comme dans le cercle de l’analité et des excréments, d’un trou à une bouche puis d’une bouche à un autre trou. La tentative perverse vise à asservir le corps de l'autre et lui nier l'ancrage symbolique qui lie tous les parlêtres entre eux (c'est la Loi), pour ensuite lui « boucher les trous ». Mais, dans Salò, cela ne va pas sans la présence de spect- acteurs, qu'il s'agisse des personnages du film ou de celles et ceux qui depuis quarante ans se frottent à l'analyse du long-métrage, ce qui implique... de le regarder. Il faut un regard, en effet, pour boucler la pulsion, un regard qui, peut- être, « voit rien », lorsque le crime se déroule hors-champ ou dans une autre pièce que la salle commune. Mais, de ne rien en voir, ce regard à qui l'acte pervers est adressé sait. Le pervers en appelle au ça-voir de sa victime... La délectation ou l'horreur se rejoignent dans ce dispositif effroyable, signe là aussi d'un mépris du signifiant et de la dimension symbolique du désir. Horreur ou délectation, peu importe, puisqu'il s'agit de forcer l'Autre à manger son propre objet partiel, comme les nazis forçaient leurs victimes à creuser les fosses communes où ils s'apprêtaient à les fusiller. « C'est ça que tu veux ! » pourrait en être le slogan, tant chez les sadiques de Salò qui font manger des déjections à
  • 3. une de leurs victimes pour que tous les autres se nourrissent de ce spectacle, ou des fascistes qui présentent en offrande à « la Nature » ou à « la Nation » l'immensité de leurs crimes. Mais, ce faisant, le pervers, comme le fasciste, devient bien l'esclave de sa logique. Il lui faut ce regard pour fonctionner. Le film se construit donc sur des brisures du scénario qui inversent les rapports de domination, le dominant devant lui-même dominé. Il y a dans ces renversements l'indice que ce que Pasolini nous montre est en même temps ce qu'il est en train de dénoncer. Mais sa position ne va pas de soi : il y a toujours un risque à voir le spectateur s'identifier avec le tortionnaire et jouir à tout va dans - et de - la position dominante. En cela, le film de Pasolini prend un risque, celui de favoriser le contresens, celui de se voir incompris, voire subverti. Mais du coup, il incite aussi à faire preuve d'intelligence et de perspicacité. Il donne ainsi à penser- il nous contraint à penser - et nous rend ainsi responsable si le monde dans lequel nous évoluons devient le miroir de Salõ. Le film s’achève par la réunion des suppliciés dans la cour des spectacles. Tous dénudés, les voici soumis au regard des maîtres de cérémonie qui, les uns après les autres, s’installent sur une chaise postée derrière une fenêtre, prêts à se repaître des pouvoirs de l’horreur et de l’horreur du pouvoir. Le dispositif renvoie à un écran de cinéma mais aussi, par la multiplication des carrés, il peut laisser penser à de petites lucarnes télévisuelles. On ne peut pas alors ne pas référer cette dernière séquence du film à la réalisation extrême et odieuse de la téléréalité journalière et de ses avatars contemporains. Comme si, dans l’histoire des images révoltantes, le film de Pasolini était moins à l’origine d’une évolution à venir qu’au terme d’un processus symbolique encore inachevé. Dans le château de Salõ, comme dans ses espaces clos et filmé où l’on enferme des candidats en batterie, il y a des règles de bonne conduite et des professeurs qui les édictent, des fautes et des châtiments, des alliances et des épreuves, des éliminations arbitraires et des rafles sélectives comme autant d’atroces castings. Mais il existe une différence fondamentale entre les victimes de Salõ et les prétendants à la reconnaissance cathodique : les premiers sont encore contraints et conscients de l’humiliation dont ils vont être l’objet tandis que les seconds, eux, se ruent aux portes du château, volontaires et prêts à tout pour pénétrer dans la cour des spectacles et livrer leur Moi à la jouissance des regards. À noter, alors, dans Salò, la séquence fondamentale où l'on découvre en cascade que de nombreux prisonniers ont transgressé ces fameuses règles, dont on appréciera la teneur : pas de photos de proches, pas de relations hétérosexuelles, pas de relations sentimentales, pas de référence à Dieu...Chacun, surpris, renvoyant le bourreau à un autre acteur d'une autre transgression. Faut-il encore préciser que le pouvoir réalise sa puissance lorsqu’il parvient à faire de la victime - le prisonnier, le surveillé, le filmé, l’humilié - son propre bourreau ? Finalement, sont surpris un des jeunes hommes avec une des servantes du château. On devine qu'ils s'aiment et qu'ils
  • 4. font l'amour, pas seulement qu'ils « baisent ». Ils sont l'un après l'autre assassinés brutalement, après que lui ait dressé son poing gauche, à la fois geste éminemment phallique, de désir, et signe salut révolutionnaire : renvoyant ainsi à Félix Guattari, « la force révolutionnaire du désir » évoquée dans Capitalisme et Schizophrénie. Le désir qui tranche dans la jouissance, nous dit Lacan, coupure insupportable pour le fonctionnement pervers (l'Autre manque, il manifeste ce manque par son salut qui présentifie ce qu'il vient d'admettre ne pas avoir, car « il n'y a pas de rapport sexuel chez l'être parlant »). Ce geste est une provocation, une subversion, mais aussi le seul acte de parole véritable du film. Il y a chez Lacan deux notions de jouissance, la jouissance phallique et la jouissance Autre. C'est à la seconde que le pervers s'aliène. Et la première lui est difficile à supporter puisque, aux croisements du Symbolique et du Réel, elle se soutient de la parole et est par essence relevant d'un ensemble fini, puisque l’on n’échappe pas, hors-position d'exception, à la castration. La jouissance Autre, elle, est hors-limites, à l'image de l'Etat d'exception permanent du fascisme. En cela, celui-ci s'illustre bien comme procédant d'une logique similaire à la perversion. Le désir de l'Autre, qui signe qu'il y a du subjectif et que l'on ne peut pas additionner les êtres vivants pour tendre vers l'Un qui résulterait de ce comptage, est insupportable pour le pervers, car il signe les trous, les coupures, l'opérativité de S(Ⱥ). De même, le fasciste, nous l'avons vu, s'adresse et s'aliène à, pourrait-on dire, « la mère-patrie ». En caricaturant un peu, on pourrait faire correspondre ce terme avec l'idée du démenti de la castration : souvenons-nous du rêve de « la femme au pénis »... Il se met au service de cette entité, incarnation du Grand Autre maternel, et de sa « pureté » (de sa jouissance en fait), en excluant par parole et par les agirs tous ceux qui pourraient supposer que des trous, des différences, des coupures existent, par exemple sur des questions de langage : c'est là toute la question de la « langue maternelle » dans le fascisme et le nazisme, comme élément de ségrégation. Est exclu, au fond, celui qui, se référant à un langage « venu d'ailleurs », amène la possibilité du désir comme possible séparation d'avec le groupe, la masse... Qu’entend-on depuis la cour des spectacles ? Précisément rien. Or, « si le son manque, manque le monde », il manque un cri aux bouches hurlantes des victimes, ceci est d’ailleurs logique puisque nous voyons tout à travers l’œil du bourreau et que celui-ci n’entend pas la souffrance. L’absence de son achève de désincarner les images dans Salõ. De même, dans la téléréalité, la froideur des images cathodiques fait de ce dispositif un lieu où finalement tout événement, aussi insoutenable soit-il, se transformant en un spectacle, devient malgré tout consommable. On assiste alors à une véritable atomisation du sujet, par la projection de son essence vers un réel mortifère. C'est donc - paradoxalement - un appel à la moralité, à la suprématie de la raison sur le pulsionnel, que lance ici Pasolini. Il faut que la cruauté et le sadisme qu’il
  • 5. nous montre nous choquent afin que nous puissions lutter contre nos dérives toujours possibles vers la toute-puissance. Lacan dans le séminaire XI « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse », pour expliquer ce que signifie l’aliénation du sujet parle du VEL, comme « aliénation ou choix forcé » du sujet prend l’exemple du choix entre « la bourse ou la vie », il y explique l’aliénation du sujet avec d’un côté le ou comme produisant du sens, car produit du signifiant de l'autre pourtant, il apparaît comme aphanisis ; disparition du sujet. L’aliénation pour nos suppliciés dans le film Salȏ consiste dans ce vel, qui – citons Lacan, si le mot condamné n’appelle pas d’objections de notre part – « condamne le sujet à n’apparaître que dans cette division, […] s’il apparaît d’un côté comme sens, produit par le signifiant, de l’autre il apparaît comme aphanisis ». (Lacan, 1973) ; c'est-à-dire pour nos suppliciés livre de chair de leur bourreau, voués à disparaître, à mourir. Payer de sa chair, d'une "livre de chair", n'est-ce pas alors cher payer les effets d'une dé-liaison qui désarrime le réel du corps de ses signifiants? Il faut que le sujet reste barré et que la partie la plus obscure de nous-mêmes reste soumise à notre plus haute vigilance sous peine de nous perdre en tant qu'homme. Mais cette dénonciation, cette mise en garde, encore faut-il savoir la déchiffrer, dirait Freud, « à la manière d'un mauvais rêve qu'il conviendrait de savoir interpréter ». Là réside le risque de l'intelligence; là réside aussi le devoir de juger et de prendre parti pour l'humanité que nous voulons ou non voir advenir pour notre espèce. L'Homme a à se construire, à se façonner à partir d'une image non spéculaire qu'il se donne volontairement à lui-même. En cela, le mal que présente Salõ prend sens : il est ce qui nous confronte à notre liberté et à la responsabilité que nous avons de nous faire nous-mêmes ce que nous voulons être. Texte coécrit par : -Brigitte JUVIGNY. Psychologue-Psychanalyste responsable de l’Atelier de lecture à ALEF « L’Angoisse » séminaire X (1962-1963) de Jacques Lacan. -Laurence LACROIX. Philosophe- Membre de L’association Lacanienne et Freudienne. -Hadrien BRAULT Infirmier – Membre des Ateliers de Lecture et d’Études Freudiennes.