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epuis 1957, le traité CEE
ambitionne d’établir en
Europe « une concurrence
libre et non faussée », tant
dans l’ordre économique
que dans l’organisation de
l’espace politique. Pourtant,
nos intellectuels français, si enclins aux divi
sions, se retrouvent pour dénoncer avec force,
dans un même élan de mépris hautain envers
l’Europe, le principe de la concurrence libre et
non faussée.
Or, cette référence à cette forme de concur
rence, propre à l’ordo-libéralisme a structuré
toute la construction des Communautés euro-
péenne. On peut être européen et contre cette
forme de concurrence. Elle exprime en réalité
un projet de civilisation, qui a permis l’invention
du droit de la concurrence européen, droit qui
se distingue assez fortement de l’Antitrust amé
ricain par ses finalités, droit d’un genre nouveau
dont l’objet n’est pas de sanctifier les positions
acquises, mais de laisser ouvert tous les pos
sibles, notamment au profit des « dismpteurs ».
UNE TARE CONGÉNITALE
DEL’UNION?
Depuis l’échec en 2005 du Traité établissant une
Constitution pour l’Europe, une unanimité éton
nante est apparue entre des opposants de tou
jours : des souverainistes comme Régis Debray,
des intellectuels de gauche comme Emmanuel
Todd et des contestataires comme Jean-Claude
Micliéa se retrouvent dans leur constante à viii-
pender la concurrence comme valeur, objectif
et finalité européenne.
Cette croyance dans les vertus d’une concur
rence libre et non faussée leur apparaît signer
le renoncement à un monde plus juste, plus
égalitaire, plus rationnel parce qu’ils assimilent
la concurrence à un état de chaos social et
d’inorganisation économique, un état infrapo
litique livré aux pulsions individuelles les plus
sauvages... Ils se défient de la possibilité que la
concurrence puisse s’exercer par les mérites.
La concurrence serait toujours, pour eux, non
l’arme des méritants, mais celles des dominants
contre un dominé et un outil de destruction des
solidarités entre dominés pour s’opposer aux
dominants. Projeter ce principe au coeur de
l’organisation de flotte continent relèverait de la
trahison civilisationnelie.
Pourtant, comme l’exposait Karl Popper ou
avant lui Schumpeter, l’élément central de toute
société ouverte - autre expression pour dire, en
réalité, société démocratique - tient à la possibi
lité d’une concurrence continue pour les places,
les statuts et surtout une sélection des élites, se
lon un mode permettant de faire déchoir celles
qui ont manqué aux promesses que l’on avait
placé en eux et de les renouveler par d’autres.
Comment ainsi l’Union européenne, pourrait-
elle être démocratique et tourner le dos, à tous
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péennes, à un processus de concurrence par
les mérites alors que l’Europe s’est tant abîmée
dans les empires et totalitarismes?
Tout mécanisme de promotion sociale
repose même en réalité sur la possibilité d’une
concurrence par les mérites. L’éducation est une
promesse fallacieuse pour les classes populaires
si la société vers laquelle se dirigent ceux que l’on
éduque n’admet pas une remise en cause des po
sitions mêmes antérieurement acquises par les
mérites, de ceux qui sont parvenus avant eux. Si
tous les postes sont verrouillés, si le plus jeune,
si l’immigrant n’a pas la possibilité de tenter sa
chance, de bousculer les hiérarchies, lui donner
une éducation revient à le frustrer: il n’aura pas
la possibilité d’expérimenter ses capacités.
CONCOURS ET CONCURRENCE
Comment même expliquer que la quasi-totalité
de nos élites, entretiennent à l’égard du principe
la concurrence par les mérites un préjugé plu
tôt critique? L’explication réside probablement
dans la circonstance que la france a cru long-
temps à travers la glorification du concours, no-
tamment ceux de la fonction publique, qu’elle
pouvait se doter d’un mode d’organisation supé
rieur à celui que propose le fonctionnement du
marché.
En soi, la concurrence est cependant bien
différente des concours. Certes, les concours
mettent en concurrence des candidats à un
moment donné. Dans la conception française,
leur objet n’est cependant pas de certifier une
potentialité mais de sélectionner les plus méri:
tants d’un instant qui peuvent devoir beaucoup
à leur héritage culturel. Ils conduisent ainsi à at
tribuer des positions (le bénéfice d’un diplôme
comme droit d’exercer), à dispenser des rentes
de situation (par exemple, l’entrée dans la fonc
tion publique) et à protéger parfois à vie - pour
ceux qui l’ont réussi - de toute contestation, la
position sociale ainsi accordée. Le « concours
à la française» délivre ainsi une sorte de titre
de valeur mobilière qui pourrait s’apparenter à
une forme d’obligation d’Etat: faible rendement
en termes de rémunération monétaire, peu de
risque de perte du capital (la sécurité de l’em
ploi), grande mobilité dans le silo de l’économie
administrée ou <> capturée » par quelques grands
groupes, dont on ne s’étonnera pas alors qu’ils
les défendent mordicus contre tous les nou
veaux entrants ou les « disrupteurs ».
A la différence d’un processus concurren
tiel, les <> concours à la française» reposent ainsi
sur la préconception selon laquelle il serait pos
sible d’évaluer a priori l’adéquation d’une per
sonne à une fonction selon un standard abstrait,
et de donner à cette appréciation un caractère
relativement pérenne. Les titres délivrés par
notre système de sélection des élites reposent
sur la promesse implicite que ceux qui en béné
ficieront auront la garantie de n’êtrejamais vrai
ment pleinement «jugés sur pièces ».
Or, le processus concurrentiel représente
à l’inverse un processus continu d’évaluation
de la capacité de la personne, non à satisfaire à
un standard abstrait mais un besoin concret...
et mouvant. Et parce que la tentation la plus
humaine qui soit est, pour celui qui y parvient,
ponctuellement, de verrouiller sa position ac
quise, ii faut alors des institutions qui doivent
en permanence préserver la contestation (et
parfois la stimuler). Le marché, sorte de topo-
nyme pour la concurrence, n’est pour cela, lui-
même, jamais un état de nature. 11 s’agit d’une
construction sociale dont aujourd’hui le droitde
la concurrence révèle la complexité.
C’est même une construction sociale
authentiquement européenne. C’est sur cette
<t péninsule du continent asiatique », selon l’ex
pression de Paul Valéry, et nulle part ailleurs,
que s’est ainsi dégagée une concurrence des
ordres préfigurant celles des individus. Celle-cia
fait émerger un corpus de principes qui, patiem
ment, ont tendu à faire de l’expression des riva-
lités individuelles pour la conquête du pouvoir
des comportements socialement valorisés mais
précaires. Il s’agissait d’éviter la disparition de
la pluralité tout en assurant la permanence et le
renouvellement de pouvoirs, si possible, socia
lement responsables, ou à défaut de l’être, de
nature à pouvoir être évincés par d’autres qui le
seraient davantage. Toute véritable démocratie
est à ce prix.
LA CONCURRENCE, OBJECTIF
ET HORIZON AUTII1’NTIQUE
DEL’EUROPE
L’Union actuelle, issue du Traité de Rome, ne
peut ainsi atteindre sa finalité que si elle s’af
firme comme un espace de
libertés concurrentielles. L’en-
jeu est de maintenir dans un
espace, la possibilité d’une plu-
ralité de modèles sociaux/orga
nisations sociales, du moins de
ceux qui sontresponsables et
donc efficients. Pour cela, il faut
que leur mutation puisse s’exer
cer.[...]
Les discours sur lanécessité
d’une « Europe puissance » ou
« bouclier dans la mondialisa-
tion » correspondent d’ailleurs
trait pour trait à la fois à ceux
des entreprises dominantes et
des cartels qui veulent empê
cher ces évolutions. En effet,
l’entreprise dominante se dé-
voie dans l’abus de sa position
parce qu’elle ne croit plus
qu’elle pourra, parla seule force
de ses mérites, maintenir son
rang: elle verrouille ainsi son
marché. Les membres du cartel
s’essaient ensemble à bloquer
un ou plusieurs des paramètres
de la concurrence parce qu’ils
ne peuvent plus de s’adap
ter au monde. A chaque fois,
bien sûr, ni les membres d’un
cartel, ni l’entreprise dominante ne veulent
assumer leurs propres insuffisances, admettre
leur propre disparition. Ils en appellent alors
toujours à des considérations prétendument
supérieures pour se justifier. Le dominant, en
treprise publique, met en avant les intérêts pré
tendus du service public qu’il confond avec les
siens; le dominant entreprise privée, l’intérêt
immédiat du consommateur; les membres du
cartel, l’injustice de leur sort.
Il en va de même des contempteurs de
l’Union et de son obsession légitime pour la
concurrence. A chaque fois, ils prétendent dé
duire du ciel des idées la forme idéale que doit
prendre leur Europe a-concurrentielle, cen
tralisée, jacobine, en un mot bonapartiste. Ils
convoquent l’Union européenne au tribunal de
leurs conceptions nostalgiques d’un « empire
introuvé », selon la belle expression de Jean
Baechler, pour dénoncer son incomplétude,
ses tares. Ce qui est en cause est pourtant seu
lement celui de l’obsolescence de certains mo
dèles d’organisation, notamment le nôtre, qui
refusent de s’adapter, pas de vouloir casser ce
qui permet l’adaptation continue des formes
d’organisation sociale. Olivier Fréget
@OFrget
s au Conseil
entrale euro
péenne. Heureusement les marchés et
nos partenaires internationaux savaient
à chaque épisode peu glorieux de ce
long feuilleton, dont le dernier chapitre
n’est d’ailleurstoujours pas écrit, qu’à
la fin des fins, si la gestion de la devise
européenne par les chefs d’État et de gou
vernement était erratique, ils pouvaient
compter sur les banquiers centraux pour
mener une politique monétaire garan
tissant r - ité de leurs
investissemene La raison
en est snnplc ‘tttution
supranatie”
i agitd
:espL.
Union e
e droit pr
CJUEviente e
monétaire de la] s des arrêts
qui devraient i conflitjuri
clictionnel. C’estainsiqu’elle a sécurisé
juridiquementcet été lemécanisme de
rachat massifde dette souveraine (OMT),
accentuant le caractère préventifde cet
instrument que la BCE garde en réserve
pour dissuader la spéculation. La CJUE
incarne la primauté du droit commu
nautaire, trop souvent malmené par des
Etats tentés de le contourner ou de le
minimiser.
Si l’épargnant européen doitbeau
coup àla BCE d’avoir sauvé ses écono
mies, I’internaute européen peut de son
pratiques de Facebookqui transfèrent
les données personnellesde ses abonnés
européens aux États-Unis qui n’est pas un
“havre de sécurité”, contrairement à ce
que prétend un accord transatlantique,
car ces données peuvent être transmises
sans réels motifs, ni contrôles aux autori
tés américaines. Lajustice européenne a
donc condamné l’ambiguïté du Conseil
qui légifère en faveur de la protection des
utilisateurs d’internet mais ne se donne
pas les moyens de mettre en oeuvre cette
protection.
Toutefois, BCE comme CJUE ne
peuvent aller au-delà du rôle que les
traités leur donnent et qu’elles assument
dans toute leur plénitude. Leur fonction
n’est pas de faire la politique économique
et budgétaire, ni de négocier des accords
avec des firmes ou desgouvernements
étrangers. Ces fonctions éminentes
reviennentau pouvoir exécutifet législa
tif. Au momentoù l’Unioneuropéenne
affronte une série de crises qullnterroge
sa capacité d’action, au momentoù
le monde est traversé de tensions qui
interpellent son existence même, ima
gine-t-on ce que seralent des Institutions
efficaces en mesure de prendre des
décisions etde les faire appliquer? C’est
à cet exercice quej’ai appelé récemment
François Hollande qui m’avait convié
à l’Elysée etquej’ai réitéré avec lui et
Angela Merkel venus à notre rencontre à
Strasbourg. L’heure est venue d’un grand
bond en avant.
Lafabriquede l’Opinion
L’invitédu i4Bas$ano
La concurrence « libre et non faussée, par les
mérites », un authentique projet européen
Olivierfréget: «L’élément central de toute société ouverte
tient à la possibifité d’une concurrence continue pourles places,
les statuts et surtout une sélection des élites»
souveraine, on h
européen qu’à la BL
FREGET
LA CONCURRENCE
Une idée toujours neuve -
en Europe t en franco
Les titres délivrés
par notre système de
sélection des élites
reposent sur la promesse
implicite que ceux qui en
bénéficieront auront la
Expert
ès-concurrence
Avocat chez fréget
Tasso de Panafieu,
Olivier Fréget est
spécialistedu droità
la concurrence et de la
régulation sectorielle. Il a
notamment représenté les
nouveaux entrants et des
entreprises ayant conquis
leur position par leurs
mérites.
La concurrence, une idée
toujours neuve en Europe et
en france, Editions Odile
Jacob, 345 p., 25,90€.
garantie de n’êtrejamais
vraimentpleinement
«jugés surpièces »
Ancien Premier minitre belge. Goy
Verliofstadt est prés]. le’ > h> l’•lliancc des
démocrates et do !!nn> pour l’Europe
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  • 1. epuis 1957, le traité CEE ambitionne d’établir en Europe « une concurrence libre et non faussée », tant dans l’ordre économique que dans l’organisation de l’espace politique. Pourtant, nos intellectuels français, si enclins aux divi sions, se retrouvent pour dénoncer avec force, dans un même élan de mépris hautain envers l’Europe, le principe de la concurrence libre et non faussée. Or, cette référence à cette forme de concur rence, propre à l’ordo-libéralisme a structuré toute la construction des Communautés euro- péenne. On peut être européen et contre cette forme de concurrence. Elle exprime en réalité un projet de civilisation, qui a permis l’invention du droit de la concurrence européen, droit qui se distingue assez fortement de l’Antitrust amé ricain par ses finalités, droit d’un genre nouveau dont l’objet n’est pas de sanctifier les positions acquises, mais de laisser ouvert tous les pos sibles, notamment au profit des « dismpteurs ». UNE TARE CONGÉNITALE DEL’UNION? Depuis l’échec en 2005 du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, une unanimité éton nante est apparue entre des opposants de tou jours : des souverainistes comme Régis Debray, des intellectuels de gauche comme Emmanuel Todd et des contestataires comme Jean-Claude Micliéa se retrouvent dans leur constante à viii- pender la concurrence comme valeur, objectif et finalité européenne. Cette croyance dans les vertus d’une concur rence libre et non faussée leur apparaît signer le renoncement à un monde plus juste, plus égalitaire, plus rationnel parce qu’ils assimilent la concurrence à un état de chaos social et d’inorganisation économique, un état infrapo litique livré aux pulsions individuelles les plus sauvages... Ils se défient de la possibilité que la concurrence puisse s’exercer par les mérites. La concurrence serait toujours, pour eux, non l’arme des méritants, mais celles des dominants contre un dominé et un outil de destruction des solidarités entre dominés pour s’opposer aux dominants. Projeter ce principe au coeur de l’organisation de flotte continent relèverait de la trahison civilisationnelie. Pourtant, comme l’exposait Karl Popper ou avant lui Schumpeter, l’élément central de toute société ouverte - autre expression pour dire, en réalité, société démocratique - tient à la possibi lité d’une concurrence continue pour les places, les statuts et surtout une sélection des élites, se lon un mode permettant de faire déchoir celles qui ont manqué aux promesses que l’on avait placé en eux et de les renouveler par d’autres. Comment ainsi l’Union européenne, pourrait- elle être démocratique et tourner le dos, à tous les niveaux d’organisation des sociétés euro péennes, à un processus de concurrence par les mérites alors que l’Europe s’est tant abîmée dans les empires et totalitarismes? Tout mécanisme de promotion sociale repose même en réalité sur la possibilité d’une concurrence par les mérites. L’éducation est une promesse fallacieuse pour les classes populaires si la société vers laquelle se dirigent ceux que l’on éduque n’admet pas une remise en cause des po sitions mêmes antérieurement acquises par les mérites, de ceux qui sont parvenus avant eux. Si tous les postes sont verrouillés, si le plus jeune, si l’immigrant n’a pas la possibilité de tenter sa chance, de bousculer les hiérarchies, lui donner une éducation revient à le frustrer: il n’aura pas la possibilité d’expérimenter ses capacités. CONCOURS ET CONCURRENCE Comment même expliquer que la quasi-totalité de nos élites, entretiennent à l’égard du principe la concurrence par les mérites un préjugé plu tôt critique? L’explication réside probablement dans la circonstance que la france a cru long- temps à travers la glorification du concours, no- tamment ceux de la fonction publique, qu’elle pouvait se doter d’un mode d’organisation supé rieur à celui que propose le fonctionnement du marché. En soi, la concurrence est cependant bien différente des concours. Certes, les concours mettent en concurrence des candidats à un moment donné. Dans la conception française, leur objet n’est cependant pas de certifier une potentialité mais de sélectionner les plus méri: tants d’un instant qui peuvent devoir beaucoup à leur héritage culturel. Ils conduisent ainsi à at tribuer des positions (le bénéfice d’un diplôme comme droit d’exercer), à dispenser des rentes de situation (par exemple, l’entrée dans la fonc tion publique) et à protéger parfois à vie - pour ceux qui l’ont réussi - de toute contestation, la position sociale ainsi accordée. Le « concours à la française» délivre ainsi une sorte de titre de valeur mobilière qui pourrait s’apparenter à une forme d’obligation d’Etat: faible rendement en termes de rémunération monétaire, peu de risque de perte du capital (la sécurité de l’em ploi), grande mobilité dans le silo de l’économie administrée ou <> capturée » par quelques grands groupes, dont on ne s’étonnera pas alors qu’ils les défendent mordicus contre tous les nou veaux entrants ou les « disrupteurs ». A la différence d’un processus concurren tiel, les <> concours à la française» reposent ainsi sur la préconception selon laquelle il serait pos sible d’évaluer a priori l’adéquation d’une per sonne à une fonction selon un standard abstrait, et de donner à cette appréciation un caractère relativement pérenne. Les titres délivrés par notre système de sélection des élites reposent sur la promesse implicite que ceux qui en béné ficieront auront la garantie de n’êtrejamais vrai ment pleinement «jugés sur pièces ». Or, le processus concurrentiel représente à l’inverse un processus continu d’évaluation de la capacité de la personne, non à satisfaire à un standard abstrait mais un besoin concret... et mouvant. Et parce que la tentation la plus humaine qui soit est, pour celui qui y parvient, ponctuellement, de verrouiller sa position ac quise, ii faut alors des institutions qui doivent en permanence préserver la contestation (et parfois la stimuler). Le marché, sorte de topo- nyme pour la concurrence, n’est pour cela, lui- même, jamais un état de nature. 11 s’agit d’une construction sociale dont aujourd’hui le droitde la concurrence révèle la complexité. C’est même une construction sociale authentiquement européenne. C’est sur cette <t péninsule du continent asiatique », selon l’ex pression de Paul Valéry, et nulle part ailleurs, que s’est ainsi dégagée une concurrence des ordres préfigurant celles des individus. Celle-cia fait émerger un corpus de principes qui, patiem ment, ont tendu à faire de l’expression des riva- lités individuelles pour la conquête du pouvoir des comportements socialement valorisés mais précaires. Il s’agissait d’éviter la disparition de la pluralité tout en assurant la permanence et le renouvellement de pouvoirs, si possible, socia lement responsables, ou à défaut de l’être, de nature à pouvoir être évincés par d’autres qui le seraient davantage. Toute véritable démocratie est à ce prix. LA CONCURRENCE, OBJECTIF ET HORIZON AUTII1’NTIQUE DEL’EUROPE L’Union actuelle, issue du Traité de Rome, ne peut ainsi atteindre sa finalité que si elle s’af firme comme un espace de libertés concurrentielles. L’en- jeu est de maintenir dans un espace, la possibilité d’une plu- ralité de modèles sociaux/orga nisations sociales, du moins de ceux qui sontresponsables et donc efficients. Pour cela, il faut que leur mutation puisse s’exer cer.[...] Les discours sur lanécessité d’une « Europe puissance » ou « bouclier dans la mondialisa- tion » correspondent d’ailleurs trait pour trait à la fois à ceux des entreprises dominantes et des cartels qui veulent empê cher ces évolutions. En effet, l’entreprise dominante se dé- voie dans l’abus de sa position parce qu’elle ne croit plus qu’elle pourra, parla seule force de ses mérites, maintenir son rang: elle verrouille ainsi son marché. 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Ils convoquent l’Union européenne au tribunal de leurs conceptions nostalgiques d’un « empire introuvé », selon la belle expression de Jean Baechler, pour dénoncer son incomplétude, ses tares. Ce qui est en cause est pourtant seu lement celui de l’obsolescence de certains mo dèles d’organisation, notamment le nôtre, qui refusent de s’adapter, pas de vouloir casser ce qui permet l’adaptation continue des formes d’organisation sociale. Olivier Fréget @OFrget s au Conseil entrale euro péenne. Heureusement les marchés et nos partenaires internationaux savaient à chaque épisode peu glorieux de ce long feuilleton, dont le dernier chapitre n’est d’ailleurstoujours pas écrit, qu’à la fin des fins, si la gestion de la devise européenne par les chefs d’État et de gou vernement était erratique, ils pouvaient compter sur les banquiers centraux pour mener une politique monétaire garan tissant r - ité de leurs investissemene La raison en est snnplc ‘tttution supranatie” i agitd :espL. Union e e droit pr CJUEviente e monétaire de la] s des arrêts qui devraient i conflitjuri clictionnel. C’estainsiqu’elle a sécurisé juridiquementcet été lemécanisme de rachat massifde dette souveraine (OMT), accentuant le caractère préventifde cet instrument que la BCE garde en réserve pour dissuader la spéculation. La CJUE incarne la primauté du droit commu nautaire, trop souvent malmené par des Etats tentés de le contourner ou de le minimiser. Si l’épargnant européen doitbeau coup àla BCE d’avoir sauvé ses écono mies, I’internaute européen peut de son pratiques de Facebookqui transfèrent les données personnellesde ses abonnés européens aux États-Unis qui n’est pas un “havre de sécurité”, contrairement à ce que prétend un accord transatlantique, car ces données peuvent être transmises sans réels motifs, ni contrôles aux autori tés américaines. Lajustice européenne a donc condamné l’ambiguïté du Conseil qui légifère en faveur de la protection des utilisateurs d’internet mais ne se donne pas les moyens de mettre en oeuvre cette protection. Toutefois, BCE comme CJUE ne peuvent aller au-delà du rôle que les traités leur donnent et qu’elles assument dans toute leur plénitude. Leur fonction n’est pas de faire la politique économique et budgétaire, ni de négocier des accords avec des firmes ou desgouvernements étrangers. Ces fonctions éminentes reviennentau pouvoir exécutifet législa tif. Au momentoù l’Unioneuropéenne affronte une série de crises qullnterroge sa capacité d’action, au momentoù le monde est traversé de tensions qui interpellent son existence même, ima gine-t-on ce que seralent des Institutions efficaces en mesure de prendre des décisions etde les faire appliquer? C’est à cet exercice quej’ai appelé récemment François Hollande qui m’avait convié à l’Elysée etquej’ai réitéré avec lui et Angela Merkel venus à notre rencontre à Strasbourg. L’heure est venue d’un grand bond en avant. Lafabriquede l’Opinion L’invitédu i4Bas$ano La concurrence « libre et non faussée, par les mérites », un authentique projet européen Olivierfréget: «L’élément central de toute société ouverte tient à la possibifité d’une concurrence continue pourles places, les statuts et surtout une sélection des élites» souveraine, on h européen qu’à la BL FREGET LA CONCURRENCE Une idée toujours neuve - en Europe t en franco Les titres délivrés par notre système de sélection des élites reposent sur la promesse implicite que ceux qui en bénéficieront auront la Expert ès-concurrence Avocat chez fréget Tasso de Panafieu, Olivier Fréget est spécialistedu droità la concurrence et de la régulation sectorielle. Il a notamment représenté les nouveaux entrants et des entreprises ayant conquis leur position par leurs mérites. La concurrence, une idée toujours neuve en Europe et en france, Editions Odile Jacob, 345 p., 25,90€. garantie de n’êtrejamais vraimentpleinement «jugés surpièces » Ancien Premier minitre belge. Goy Verliofstadt est prés]. le’ > h> l’•lliancc des démocrates et do !!nn> pour l’Europe A[)LE) au Pari :u>’:: our ‘