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0123
Jeudi 31 mars 2016
Leconsensus,unidéaldémocratique?
ChantalMouffeprôneaucontraire unevraie confrontationdesidées,seuleàmêmede
garantiruneréellepluralité
Pourunepolitiqueduconflit ?
marc-olivier bherer
SURLIGNE ERIC LEGER
L
e salut viendra-t-il du grand mé-
chant loup? La démocratie jette
un regard plein d’inquiétude sur
l’essor du populisme, générale-
ment perçu comme une menace. La phi-
losophe belge Chantal Mouffe estime,
dans L’Illusion du consensus, court et ac-
cessible ouvrage, qu’il faut au contraire se
réjouir de son succès croissant, car s’y
trouve la possibilité de redynamiser la vie
politique et de la libérer du carcan qui en-
trave le débat. Ce parfait contre-pied n’est
pasqu’uneprovocation,ilestunactemili-
tant et réfléchi d’une auteure de réputa-
tionplanétaire,maisencoretroppeucon-
nueenFrance,oùsonœuvre(écriteenan-
glais) tarde à être traduite.
Ce n’est pas faute pour elle de connaître
notre pays. Chantal Mouffe a fait un sé-
jour de plus de dix ans au Collège interna-
tional de philosophie, à Paris, à l’invita-
tion de Jacques Derrida, entre 1986 et
1995. Son époux, le philosophe argentin
ErnestoLaclau,disparuen2014,jouitchez
nousd’uneplusgranderenommée.Onse
souvient notamment de lui comme le
théoricien de la nouvelle gauche sud-
américaine. En toute justice, il faudrait
également souligner l’apport de Chantal
Mouffe à cette élaboration intellectuelle
et politique.
Elle obtient aujourd’hui réparation en
étant perçue, en Espagne, comme la mar-
rainedePodemos.PabloIglesias,lecharis-
matique leader de ce mouvement de gau-
che radicale, ne cache pas son admiration
pour elle. A cela, il faut encore ajouter que
ChantalMouffeestprofesseureàl’univer-
sité de Westminster, à Londres, et qu’elle
est une philosophe de l’art dont la ré-
flexion porte sur la définition de straté-
gies esthétiques (artistiques) capables de
résister au marché.
S’il ne manque pas d’auteurs pour
dénoncer la pauvreté de l’offre politique,
entre une gauche convertie au libé-
ralisme économique et une droite hégé-
monique, Chantal Mouffe va plus loin.
Contre l’air du temps, elle propose de
sortir de l’obsession du consensus. Elle
croit nécessaire d’accepter le conflit, un
élémentconstitutifàsesyeuxdece qu’est
le politique. S’inspirant ici des idées de
Carl Schmitt (1888-1985), penseur anti-
libéral et juriste nazi, elle suggère de pen-
ser «avec lui contre lui», afin de réaffir-
mer les identités politiques et d’établir la
confrontation entre elles.
Mais, plutôt que d’appréhender cet af-
frontement en termes d’ami-ennemi,
comme le fait Schmitt, Chantal Mouffe
veut aménager une voie qui préserve le
pluralisme démocratique. Elle tente
donc de définir une forme d’«antago-
nisme apprivoisé» capable de préserver
l’association politique et de ne pas ver-
ser dans la violence. Cet antagonisme
tempéré, elle le nomme «agonisme»,
une relation entre adversaires où cha-
cun reconnaît la légitimité de l’autre et
des institutions partagées.
Ambitieuse et systématique
Les propositions de Chantal Mouffe
s’appuient sur la critique des Allemands
Jürgen Habermas et Ulrich Beck, ainsi
que du Britannique Anthony Giddens. Ce
dialogue avec leurs œuvres, et l’examen
point par point de ce qu’elle estime dé-
faillant dans leurs conceptions du politi-
que, ont grandement contribué à établir
laréputationdecetteauteureambitieuse
et systématique. Selon elle, l’influence de
ces trois philosophes, amplifiée par la
prétendue fin des idéologies après la
chute de l’URSS, a participé à la diffusion
de l’idée d’une politique sans clivage et
finalement soumise au néolibéralisme.
Or, «la politique a toujours eu une di-
mension partisane et, pour que les gens
puissent s’y intéresser, il faut qu’ils aient la
possibilité de choisir entre des partis qui
présentent de vraies alternatives». Ce que ne
font plus les grands partis de gouvernement.
Les populistes sont seuls à s’avancer sur ce
terrain: à ce titre, «ils donnent aux gens un
certain espoir, en assurant que les choses peu-
vent changer». Chantal Mouffe est résolu-
ment de gauche, et rejette la «xénophobie»
des formations comme le Front national, qui
se livrent à une essentialisation des iden-
tités politiques. Cependant, le succès de cette
droite est pour elle révélateur;lagauchedoit
nepasresteren retrait et accepter le combat. p
l’illusion
du consensus
(On the Political),
de Chantal Mouffe,
traduit de l’anglais
par Pauline Colonna
d’Istria, Albin Michel,
196 p., 17,50€ (en
librairie le 7avril
2016).
EXTRAIT
«Une société démocratique exige un débat sur toutes les alternatives
possibles et elle doit proposer des formes d’identification collective
autour de positions démocratiques clairement différenciées.
Evidemment le consensus est nécessaire, mais il doit s’accompagner
de dissensus. Il faut qu’il y ait consensus sur les institutions de base
de la démocratie et les valeurs éthico-politiques qui définissent
l’association politique – liberté et égalité pour tous –, mais il existera
toujours des désaccords sur le sens de ces principes et la façon dont
ils devraient être mis en œuvre. Dans une démocratie pluraliste,
ces désaccords sont non seulement légitimes, mais nécessaires. Ce sont
eux qui donnent à la politique démocratique son sens.»
l’illusion du consensus, page 50
VENDREDI 1ER
AVRIL 2016
0123
Pourunsyndicalismeréformiste
Mêmes’ilestopposéàla«loitravail»,Forceouvrière
défendleréformismeetplaidepourquelesyndicalisme
soitunmaillonduprogrès social.D’autressyndicats
sontréformateursetpréfèrentjouerunrôlesociétal
Par JEAN-CLAUDE MAILLY
Pour qualifier les syndicats
qui trouvent que le projet de
loi sur le travail va dans le
bon sens, des ministres les quali-
fient de réformistes. Par opposition
à ceux qui demandent le retrait du
projet de loi, qualifiés, eux, de con-
testataires. D’une manière générale,
nous sommes habitués aux visions
binaires de type oui/non ou pour/
contre, notamment caractéristiques
des processus référendaires.
Mais, au-delà de cette vision quel-
que peu simplifiée, voire simpliste,
l’opposition réformiste/contestataire
ne peut pas décrire le syndicalisme.
Si une opposition entre deux termes
a existé, c’est entre réformiste et ré-
volutionnaire, entre syndicalisme de
classe et syndicalisme du bien com-
mun en tant que corps intermé-
diaire. Aujourd’hui, le syndicalisme
révolutionnaire organisé n’existe
plus. Cela signifie-t-il que tous les
syndicats sont réformistes? Non.
De la même manière que Jean Jau-
rès disait «le courage c’est d’aller à
l’idéal et de comprendre le réel»,
nous considérons que le pragma-
tisme syndical ne saurait s’exonérer
de l’idéal d’émancipation, sauf à
perdre son sens, son cap, sa raison
d’être.
Force ouvrière est une organisa-
tion réformiste. Notre réformisme
s’est toujours exprimé, sans dévier,
par un attachement au principe et à
la pratique du contrat collectif et de
la négociation qui va de pair, pour
nous, avec la liberté de comporte-
ment et l’indépendance du syndicat.
Cela se traduit notamment par la
signature de nombreux accords, à
tous les niveaux, quand nous ju-
geons que le compromis est effecti-
vement atteint. Cela explique aussi
que nous ne signons pas certains ac-
cords quand, justement, nous pen-
sons que le compromis est mauvais.
Par ailleurs, et l’un de nos slogans
historiques est de ce point de vue
révélateur (« un syndicat, pas un
parti »), nous considérons qu’en dé-
mocratie syndicat et parti ont des
rôles différents. Tous deux relèvent
de la démocratie par mandat, repré-
sentative, mais le syndicat repré-
sente les salariés (actifs, chômeurs
et retraités) quand le parti s’adresse
aux citoyens. D’autres ont une con-
ception différente du syndicat. Ce
dernier doit être porteur d’un projet
de société, impliqué dans la gestion
de l’entreprise ou de l’Etat, autoges-
tionnaire hier et cogestionnaire
aujourd’hui. Ce syndicalisme-là se
rapproche du mode de fonctionne-
ment des partis politiques: il mise
beaucoup sur les élections et est fa-
vorable aux référendums.
Une autre différence réside dans le
rapport à la République: nous som-
mes profondément attachés aux
principes républicains et à leur mise
en œuvre réelle. Ainsi, l’égalité de
droits impose le niveau national de
négociation dans la branche quand
d’autres prônent la décentralisation
de la négociation au niveau de l’en-
treprise.
INDÉPENDANCE
Nous sommes réformistes. Ils sont
réformateurs. Ils donnent au syndi-
cat un rôle sociétal, là où nous lui
donnons un rôle social. L’antonyme
de « réformateur », c’est d’ailleurs
« conservateur ». Cela explique
pourquoi Laurent Berger, secrétaire
général de la CFDT, dit: «C’est la ré-
forme ou le statu quo.» L’antonyme
de réformiste, c’est réactionnaire.
C’est pourquoi nous soutenons une
réforme – quand elle relève du rôle
du syndicat – si elle est pour nous
synonyme de progrès social. Sinon,
nous la combattons comme nous le
faisons actuellement pour la «loi
travail».
C’est aussi pourquoi nous n’ac-
compagnons jamais un gouverne-
ment quel qu’il soit. Etre réformiste
militant impose l’indépendance du
syndicat. Etre réformateur non. p
NOUS
N’ACCOMPAGNONS
JAMAIS UN
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¶
Jean-Claude Mailly est secrétaire
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  • 1. 0123 Jeudi 31 mars 2016 Leconsensus,unidéaldémocratique? ChantalMouffeprôneaucontraire unevraie confrontationdesidées,seuleàmêmede garantiruneréellepluralité Pourunepolitiqueduconflit ? marc-olivier bherer SURLIGNE ERIC LEGER L e salut viendra-t-il du grand mé- chant loup? La démocratie jette un regard plein d’inquiétude sur l’essor du populisme, générale- ment perçu comme une menace. La phi- losophe belge Chantal Mouffe estime, dans L’Illusion du consensus, court et ac- cessible ouvrage, qu’il faut au contraire se réjouir de son succès croissant, car s’y trouve la possibilité de redynamiser la vie politique et de la libérer du carcan qui en- trave le débat. Ce parfait contre-pied n’est pasqu’uneprovocation,ilestunactemili- tant et réfléchi d’une auteure de réputa- tionplanétaire,maisencoretroppeucon- nueenFrance,oùsonœuvre(écriteenan- glais) tarde à être traduite. Ce n’est pas faute pour elle de connaître notre pays. Chantal Mouffe a fait un sé- jour de plus de dix ans au Collège interna- tional de philosophie, à Paris, à l’invita- tion de Jacques Derrida, entre 1986 et 1995. Son époux, le philosophe argentin ErnestoLaclau,disparuen2014,jouitchez nousd’uneplusgranderenommée.Onse souvient notamment de lui comme le théoricien de la nouvelle gauche sud- américaine. En toute justice, il faudrait également souligner l’apport de Chantal Mouffe à cette élaboration intellectuelle et politique. Elle obtient aujourd’hui réparation en étant perçue, en Espagne, comme la mar- rainedePodemos.PabloIglesias,lecharis- matique leader de ce mouvement de gau- che radicale, ne cache pas son admiration pour elle. A cela, il faut encore ajouter que ChantalMouffeestprofesseureàl’univer- sité de Westminster, à Londres, et qu’elle est une philosophe de l’art dont la ré- flexion porte sur la définition de straté- gies esthétiques (artistiques) capables de résister au marché. S’il ne manque pas d’auteurs pour dénoncer la pauvreté de l’offre politique, entre une gauche convertie au libé- ralisme économique et une droite hégé- monique, Chantal Mouffe va plus loin. Contre l’air du temps, elle propose de sortir de l’obsession du consensus. Elle croit nécessaire d’accepter le conflit, un élémentconstitutifàsesyeuxdece qu’est le politique. S’inspirant ici des idées de Carl Schmitt (1888-1985), penseur anti- libéral et juriste nazi, elle suggère de pen- ser «avec lui contre lui», afin de réaffir- mer les identités politiques et d’établir la confrontation entre elles. Mais, plutôt que d’appréhender cet af- frontement en termes d’ami-ennemi, comme le fait Schmitt, Chantal Mouffe veut aménager une voie qui préserve le pluralisme démocratique. Elle tente donc de définir une forme d’«antago- nisme apprivoisé» capable de préserver l’association politique et de ne pas ver- ser dans la violence. Cet antagonisme tempéré, elle le nomme «agonisme», une relation entre adversaires où cha- cun reconnaît la légitimité de l’autre et des institutions partagées. Ambitieuse et systématique Les propositions de Chantal Mouffe s’appuient sur la critique des Allemands Jürgen Habermas et Ulrich Beck, ainsi que du Britannique Anthony Giddens. Ce dialogue avec leurs œuvres, et l’examen point par point de ce qu’elle estime dé- faillant dans leurs conceptions du politi- que, ont grandement contribué à établir laréputationdecetteauteureambitieuse et systématique. Selon elle, l’influence de ces trois philosophes, amplifiée par la prétendue fin des idéologies après la chute de l’URSS, a participé à la diffusion de l’idée d’une politique sans clivage et finalement soumise au néolibéralisme. Or, «la politique a toujours eu une di- mension partisane et, pour que les gens puissent s’y intéresser, il faut qu’ils aient la possibilité de choisir entre des partis qui présentent de vraies alternatives». Ce que ne font plus les grands partis de gouvernement. Les populistes sont seuls à s’avancer sur ce terrain: à ce titre, «ils donnent aux gens un certain espoir, en assurant que les choses peu- vent changer». Chantal Mouffe est résolu- ment de gauche, et rejette la «xénophobie» des formations comme le Front national, qui se livrent à une essentialisation des iden- tités politiques. Cependant, le succès de cette droite est pour elle révélateur;lagauchedoit nepasresteren retrait et accepter le combat. p l’illusion du consensus (On the Political), de Chantal Mouffe, traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria, Albin Michel, 196 p., 17,50€ (en librairie le 7avril 2016). EXTRAIT «Une société démocratique exige un débat sur toutes les alternatives possibles et elle doit proposer des formes d’identification collective autour de positions démocratiques clairement différenciées. Evidemment le consensus est nécessaire, mais il doit s’accompagner de dissensus. Il faut qu’il y ait consensus sur les institutions de base de la démocratie et les valeurs éthico-politiques qui définissent l’association politique – liberté et égalité pour tous –, mais il existera toujours des désaccords sur le sens de ces principes et la façon dont ils devraient être mis en œuvre. Dans une démocratie pluraliste, ces désaccords sont non seulement légitimes, mais nécessaires. Ce sont eux qui donnent à la politique démocratique son sens.» l’illusion du consensus, page 50
  • 2. VENDREDI 1ER AVRIL 2016 0123 Pourunsyndicalismeréformiste Mêmes’ilestopposéàla«loitravail»,Forceouvrière défendleréformismeetplaidepourquelesyndicalisme soitunmaillonduprogrès social.D’autressyndicats sontréformateursetpréfèrentjouerunrôlesociétal Par JEAN-CLAUDE MAILLY Pour qualifier les syndicats qui trouvent que le projet de loi sur le travail va dans le bon sens, des ministres les quali- fient de réformistes. Par opposition à ceux qui demandent le retrait du projet de loi, qualifiés, eux, de con- testataires. D’une manière générale, nous sommes habitués aux visions binaires de type oui/non ou pour/ contre, notamment caractéristiques des processus référendaires. Mais, au-delà de cette vision quel- que peu simplifiée, voire simpliste, l’opposition réformiste/contestataire ne peut pas décrire le syndicalisme. Si une opposition entre deux termes a existé, c’est entre réformiste et ré- volutionnaire, entre syndicalisme de classe et syndicalisme du bien com- mun en tant que corps intermé- diaire. Aujourd’hui, le syndicalisme révolutionnaire organisé n’existe plus. Cela signifie-t-il que tous les syndicats sont réformistes? Non. De la même manière que Jean Jau- rès disait «le courage c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel», nous considérons que le pragma- tisme syndical ne saurait s’exonérer de l’idéal d’émancipation, sauf à perdre son sens, son cap, sa raison d’être. Force ouvrière est une organisa- tion réformiste. Notre réformisme s’est toujours exprimé, sans dévier, par un attachement au principe et à la pratique du contrat collectif et de la négociation qui va de pair, pour nous, avec la liberté de comporte- ment et l’indépendance du syndicat. Cela se traduit notamment par la signature de nombreux accords, à tous les niveaux, quand nous ju- geons que le compromis est effecti- vement atteint. Cela explique aussi que nous ne signons pas certains ac- cords quand, justement, nous pen- sons que le compromis est mauvais. Par ailleurs, et l’un de nos slogans historiques est de ce point de vue révélateur (« un syndicat, pas un parti »), nous considérons qu’en dé- mocratie syndicat et parti ont des rôles différents. Tous deux relèvent de la démocratie par mandat, repré- sentative, mais le syndicat repré- sente les salariés (actifs, chômeurs et retraités) quand le parti s’adresse aux citoyens. D’autres ont une con- ception différente du syndicat. Ce dernier doit être porteur d’un projet de société, impliqué dans la gestion de l’entreprise ou de l’Etat, autoges- tionnaire hier et cogestionnaire aujourd’hui. Ce syndicalisme-là se rapproche du mode de fonctionne- ment des partis politiques: il mise beaucoup sur les élections et est fa- vorable aux référendums. Une autre différence réside dans le rapport à la République: nous som- mes profondément attachés aux principes républicains et à leur mise en œuvre réelle. Ainsi, l’égalité de droits impose le niveau national de négociation dans la branche quand d’autres prônent la décentralisation de la négociation au niveau de l’en- treprise. INDÉPENDANCE Nous sommes réformistes. Ils sont réformateurs. Ils donnent au syndi- cat un rôle sociétal, là où nous lui donnons un rôle social. L’antonyme de « réformateur », c’est d’ailleurs « conservateur ». Cela explique pourquoi Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, dit: «C’est la ré- forme ou le statu quo.» L’antonyme de réformiste, c’est réactionnaire. C’est pourquoi nous soutenons une réforme – quand elle relève du rôle du syndicat – si elle est pour nous synonyme de progrès social. Sinon, nous la combattons comme nous le faisons actuellement pour la «loi travail». C’est aussi pourquoi nous n’ac- compagnons jamais un gouverne- ment quel qu’il soit. Etre réformiste militant impose l’indépendance du syndicat. Etre réformateur non. p NOUS N’ACCOMPAGNONS JAMAIS UN GOUVERNEMENT, QUEL QU’IL SOIT ¶ Jean-Claude Mailly est secrétaire général de la Confédération générale du travail-Force ouvrière