SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  4
Télécharger pour lire hors ligne
Fresh thinking, smart decisions.
F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s
MARKET INTELLIGENCE
Lettre Numéro 2 – 28 avril 2022
EUROPE DES PAIEMENTS : DE
L’ÉQUILIBRE ENTRE RÉGULATION ET
INNOVATION
Le régulateur européen a longtemps œuvré dans une logique
d’harmonisation des pratiques et standards techniques au service de
l’émergence d’un marché unique stable et robuste. A cela se sont
ajoutées de nombreuses initiatives visant à protéger le
consommateur final, qu’il s’agisse de l’information du client, de la
transparence, de la réduction des coûts, avec une volonté de
favoriser la concurrence intra-européenne.
L’application de cette vision dans les paiements a notamment permis
la construction de la norme SEPA, unifiant le paysage des virements
et prélèvements sur le continent. La concurrence a favorisé l’entrée
de nouveaux acteurs, le foisonnement d’innovations et la création
d’usages au bénéfice des consommateurs. Parfois au détriment d’une
consolidation européenne et de l’émergence de champions
européens.
La crise Covid et le conflit russo-ukrainien ont replacé les enjeux de
souveraineté vis-à-vis des autres blocs au centre des préoccupations
(infrastructures, sanctions, …), ravivant ainsi une inquiétude déjà
présente et symbolisée par le rachat de Visa Europe ou plus
globalement la montée en puissance des big techs américaines et
chinoises sur le continent.
SI l’affirmation de la souveraineté comme priorité pourrait être
favorable aux acteurs communautaires, l’Union Européenne
souhaite également faire face à d’autres enjeux : inclusion,
régulation des alternatives aux monnaies banque centrale, lutte
accrue contre la fraude, mise en place de l’euro numérique … un
agenda chargé qui définit un nouveau cadre et interroge la
pertinence des trajectoires actuelles des acteurs.
EN SYNTHÈSE
Le marché européen des
paiements est encore très
largement fragmenté, malgré
les initiatives européennes des
dernières années qui ont
grandement harmonisé les
pratiques et usages.
Fort de ce constat et d’objectifs
toujours ambitieux, le
régulateur européen souhaite
ouvrir une nouvelle séquence,
avec une direction davantage
soucieuse des sujets de
souveraineté et d’émergence de
champions européens.
Cette évolution, plutôt favorable
aux acteurs de l’écosystème,
s’accompagne toutefois
d’exigences en termes de lutte
contre la fraude et d’une volonté
de régulation accrues,
notamment dans le domaine de
la monnaie.
L’espace pour faire émerger des
acteurs innovants et des
écosystèmes ouverts
paneuropéens pourrait donc
être étroit, avec un changement
d’échelle délicat à opérer.
Fresh thinking, smart decisions.
F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s
LA COMMISSION EUROPÉENNE S’EST
DOTÉE D’UN AGENDA AMBITIEUX POUR
LES PROCHAINES ANNÉES
Des succès mitigés ces dernières années
La Commission souhaite accélérer sur la création
d’un marché unique des paiements et
l’harmonisation des pratiques et usages en la
matière.
Ces objectifs se sont traduits dernièrement par le
développement de l’instant payment, que le
régulateur voudrait encore accroître en luttant
notamment contre ce qui est décrit comme une
« fragmentation » du marché, c’est-à-dire des
disparités fortes dans l’adoption de cet usage en
fonction des pays et du coût éventuel du service.
Un autre axe de travail consiste à approfondir et
développer l’écosystème européen des paiements
dans la continuité de la dynamique d’Open Banking
insufflée par la DSP2.
Le régulateur reconnaît un besoin de réviser la
DSP2, dont les objectifs n’ont été que partiellement
atteints (délais importants entre les textes et les
mises en vigueur successives, difficulté à
promouvoir un standard technique, développement
des uses cases par les acteurs du secteur encore
très incomplets). Cette révision des RTS reconnaît
notamment l’utilité d’assouplir les règles
d’authentification et devra permettre d’aboutir sur
les objectifs de standardisation et d’émergence
d’écosystèmes plus ouverts avec des modèles
économiques viables.
L’ambition du régulateur est résolument de passer
d’une logique d’Open Banking telle qu’initiée avec la
DSP2 à une logique d’Open Finance, socle
d’écosystèmes plus ouverts, plus innovants,
englobant un ensemble de services financiers plus
larges que les seuls paiements.
Les attentes du régulateur européen en matière de
paiement devaient se concrétiser avec l’initiative
EPI - European Payments Initiative – visant à
concurrencer et proposer une alternative aux
schémas Visa ou Mastercard.
Cette volonté de créer une solution souveraine de
référence dans ce domaine n’a pas été couronnée
de succès : les participants à l’initiative ont vu leurs
rangs se réduire et l’ambition de disposer d’une
carte de paiements a été abandonnée. Ne reste dans
le périmètre que le wallet et le volet instant
payment.
Or il s’agit bien d’un enjeu de souveraineté
européenne dans l’esprit de la Commission, dans la
mesure où les acteurs européens ne peuvent se
cantonner aux seules applications métier.
Ce succès en demi-teinte, comme celui de la DSP 2,
témoigne de la difficulté sur un marché large et
avec des disparités importantes à offrir un cadre
unique et applicable. Et ce, malgré des attentes des
consommateurs finaux aujourd’hui très semblables
d’un pays à l’autre (agrégation de comptes,
paiement fractionné, peer-to-peer…).
Un agenda ambitieux pour les prochaines
années
L’agenda européen ne s’arrête pas là, avec de
nombreux textes à venir et devant répondre aux
enjeux politiques et technologiques à venir.
Fresh thinking, smart decisions.
F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s
Face à cette multiplication des textes et forts des
précédentes expériences, les acteurs des
paiements semblent aujourd’hui attentifs à
collaborer de façon plus étroite avec le régulateur
pour ne pas reproduire les schémas précédents,
avec une crainte que les multiples objectifs
poursuivis ne deviennent des freins à l’innovation et
à la création de valeur.
Le cas des crypto-actifs
A titre d’illustration, la Place est actuellement
confrontée à cette problématique dans le cadre des
discussions autour de la régulation des cryptoactifs.
Le règlement MiCA (Market in Crypto Assets) vise à
réguler un écosystème très innovant mais
également source de perturbations possibles
notamment pour le marché des paiements.
Par ailleurs, le régulateur est très vigilant vis-à-vis
des émissions de monnaie privée, considérant
comme une menace le fait de disposer d’unités de
compte en dehors de la monnaie européenne, voire
un risque systémique et de souveraineté.
Il s’en est fallu de peu que MiCA n’interdise de facto
la preuve de travail (Proof of Work), prouvant une
fois de plus la difficulté à réconcilier la volonté de
créer un cadre favorable à l’innovation et la
concurrence, avec d’autres enjeux périphériques
pour l’Europe, ici, la protection de l’environnement.
Si le lobbying de l’écosystème blockchain a réussi à
faire prendre conscience des implications d’une
telle interdiction, un autre projet de directive vient
assombrir le paysage.
En effet, la directive TFR (Transfer of Funds
Regulation), par son extension aux crypto-
monnaies, pourrait obliger à divulguer l’ensemble
des transactions et des adresses des portefeuilles
numériques, ce qui, comme pour la tentative de
suppression de Proof of Work, constitue une
atteinte même aux principes structurels de
fonctionnement de la Blockchain.
A nouveau, le régulateur se trouve dans un conflit
entre innovation, émergence de nouveaux acteurs
et nouveaux usages d’une part, et régulation du
secteur sur fond de lutte contre le blanchiment, la
protection du consommateur et les enjeux de
souveraineté d’autre part.
La prise de conscience que les usages apportés par
les cryptomonnaies reposent actuellement sur
l’existence des stablecoins reste embryonnaire
dans la doctrine du régulateur. Or nous avons la
conviction qu’une régulation trop stricte sur les
crypto-monnaies serait de nature à freiner le
développement des usages, sauf à geler toute
innovation le temps de mettre en place des
monnaies numérique de banque centrale.
La Commission et la Banque centrale, très
intéressées par le développement de ces usages,
travaillent activement à la création d’une monnaie
numérique de banque centrale pour accompagner
et profiter de ce type d’initiatives, avec des
réflexions autour de l’euro numérique, pour une
mise en œuvre à partir de 2026, une échéance
relativement tardive par rapports aux homologues
d’autres zones économiques, illustrant cette
difficulté à innover tout en régulant.
Les cas d’usage associés à l’euro numérique sont
d’ailleurs un champ d’exploration que le régulateur
laisse également volontiers aux mains des acteurs
financiers.
Ainsi, cette initiative pourrait permettre aux
institutions européennes de reprendre la main en
matière de crypto-monnaies et offrir une forme de
concurrence aux crypto existantes.
Des acteurs avertis et exigeants vis-à-vis de
leur régulateur
Les acteurs du secteur ont formulé plusieurs
demandes au régulateur afin de les aider à
réconcilier leurs enjeux business avec des objectifs
règlementaires assez contraignants.
Parmi ceux-ci, on peut notamment citer :
• Une harmonisation des textes et une
recherche de cohérence d’ensemble (a
minima paiement, digital et data)
Fresh thinking, smart decisions.
F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s
• Un soutien du secteur par la commande
publique (assorti d’une absence de sélection
d’acteurs extra-communautaires)
• Une concertation avec l’écosystème
paiement pour la DSP3, dans une logique
orientée business
• Une inclusion des standards techniques
dans la règlementation, en veillant à ne pas
se contenter uniquement des règles
juridiques (les acteurs les plus puissants
pouvant ensuite imposer leurs standards)
• Une liberté de consolidation intra-
européenne
• Une démarche de réciprocité dans la
règlementation vers l’extérieur, afin de ne
pas instaurer une concurrence « déloyale »
des acteurs extra-communautaires
Nous pouvons désormais anticiper que le
changement de doctrine du régulateur aide à
satisfaire une grande partie de ces demandes.
LES ENJEUX DU SECTEUR : INNOVER ET
CONSOLIDER
Quelles mesures devront prendre les acteurs
des paiements pour sortir renforcés de la
compétition ?
Si la période qui s’ouvre va être indubitablement
favorable aux acteurs européens, la concurrence
intra-communautaire restera forte. Le déterminant
de la réussite pour chacun sera toujours lié à sa
capacité d’innovation.
Nous avons la conviction que le secteur sera
traversé par un mouvement de consolidation entre
acteurs et de concentration en termes d’usages.
Pour ne pas être distancé dans cette compétition
qui s’annonce, nous estimons qu’il est impératif de :
• Développer les nouveaux usages de
paiement en avance de phase sur la
régulation et indépendamment de ce qui
pourrait être contraint ou non dans l’avenir
• Elargir les initiatives Open banking nées de
la mise en œuvre de la DSP2 aux autres
services financiers (épargne, assurance…),
qui pourront jouer en accélérateur des
usages purs paiement
• Créer des écosystèmes ouverts accueillant
les innovations d’acteurs de tous horizons
(notamment en dehors des acteurs
financiers traditionnels)
• Travailler dès à présent sur les use cases de
l’euro numérique en investissant sur
l’écosystème crypto actuel
Le seul changement de doctrine du régulateur ne
suffira pas à briser l’avance qu’on prise certains
acteurs extra-communautaires dans les
innovations autour des paiements.
Les investissements immédiats à consentir sur ces
4 axes sont déterminants afin d’aborder le
mouvement de consolidation avec des zones de
forces dans les usages de paiement, cohérentes
avec les attentes des consommateurs et avec le
nouveau train de règlementations.
Fondé en 2022, Frame est un nouveau
cabinet de conseil en stratégie et
management auprès des institutions
financières
Adrien Flederick, Associé

Contenu connexe

Similaire à Frame - Lettre 2 - Avril 2022 - Europe des paiements.pdf

Klein blue "Fintech Horizon"
Klein blue "Fintech Horizon"Klein blue "Fintech Horizon"
Klein blue "Fintech Horizon"Roger Peverelli
 
Plan national dematerialisation marchés publics
Plan national dematerialisation marchés publicsPlan national dematerialisation marchés publics
Plan national dematerialisation marchés publicsEl Gaton
 
Les Cahiers de la Banque - Edition 2018
Les Cahiers de la Banque - Edition 2018Les Cahiers de la Banque - Edition 2018
Les Cahiers de la Banque - Edition 2018Emilie Scalla
 
Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?
Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?
Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?Sage france
 
LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...
LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...
LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...Lara Piot
 
20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptx
20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptx20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptx
20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptxulrichdjofang
 
Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...
Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...
Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...The Shift Project
 
La PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open Banking
La PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open BankingLa PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open Banking
La PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open BankingFritsch Patrice
 
Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...
Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...
Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...Retis be
 
Prise de position de la Chambre de Commerce
Prise de position de la Chambre de CommercePrise de position de la Chambre de Commerce
Prise de position de la Chambre de CommercePaperjam_redaction
 
Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie
Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie
Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie FactaMedia
 
Fintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance Vie
Fintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance VieFintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance Vie
Fintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance VieGenovefa APEDOH
 
Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015
Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015
Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015Vermeille & Co
 
IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...
IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...
IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...Philippe DEWOST
 
Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017
Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017
Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017PROFLUID
 
Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010
Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010
Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010gdeswini
 

Similaire à Frame - Lettre 2 - Avril 2022 - Europe des paiements.pdf (20)

Klein blue "Fintech Horizon"
Klein blue "Fintech Horizon"Klein blue "Fintech Horizon"
Klein blue "Fintech Horizon"
 
Plan national dematerialisation marchés publics
Plan national dematerialisation marchés publicsPlan national dematerialisation marchés publics
Plan national dematerialisation marchés publics
 
CSSF_RA_2022_FR
CSSF_RA_2022_FRCSSF_RA_2022_FR
CSSF_RA_2022_FR
 
Les Cahiers de la Banque - Edition 2018
Les Cahiers de la Banque - Edition 2018Les Cahiers de la Banque - Edition 2018
Les Cahiers de la Banque - Edition 2018
 
Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?
Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?
Mise en conformité de votre Trésorerie : comment réussir votre projet ?
 
LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...
LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...
LIVRE BLANC - Les nouveaux enjeux de la lutte contre la fraude / Payments & C...
 
20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptx
20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptx20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptx
20170318_club_banque_ia_bloackchain_0.pptx
 
Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...
Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...
Pierre Lachaize - « Commande publique et innovation » : lancement du groupe d...
 
La PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open Banking
La PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open BankingLa PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open Banking
La PSD2: un petit pas pour le paiement, un grand pas pour l'Open Banking
 
Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...
Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...
Un marché de l’e-commerce loyal en Europe: Pistes de mesures pour réduire les...
 
La lettre dgcis_n-062
La lettre dgcis_n-062La lettre dgcis_n-062
La lettre dgcis_n-062
 
Prise de position de la Chambre de Commerce
Prise de position de la Chambre de CommercePrise de position de la Chambre de Commerce
Prise de position de la Chambre de Commerce
 
Fiscalité du numérique
Fiscalité du numériqueFiscalité du numérique
Fiscalité du numérique
 
Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie
Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie
Fiscalité du numérique rapport de France Stratégie
 
Fintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance Vie
Fintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance VieFintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance Vie
Fintech et assurtech dans la chaîne de valeur Assurance Vie
 
Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015
Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015
Droit et innovations radicales - présentation du 25 mai 2015
 
IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...
IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...
IDATE DigiWorld Summit Nov 2016 - Philippe Dewost opening keynote on the Bloc...
 
Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017
Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017
Profluid infos Numéro 79 - Avril 2017
 
TIC21 Valenciennes
TIC21 ValenciennesTIC21 Valenciennes
TIC21 Valenciennes
 
Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010
Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010
Cr ConféRence Sepa Du 22 11 2010
 

Frame - Lettre 2 - Avril 2022 - Europe des paiements.pdf

  • 1. Fresh thinking, smart decisions. F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s MARKET INTELLIGENCE Lettre Numéro 2 – 28 avril 2022 EUROPE DES PAIEMENTS : DE L’ÉQUILIBRE ENTRE RÉGULATION ET INNOVATION Le régulateur européen a longtemps œuvré dans une logique d’harmonisation des pratiques et standards techniques au service de l’émergence d’un marché unique stable et robuste. A cela se sont ajoutées de nombreuses initiatives visant à protéger le consommateur final, qu’il s’agisse de l’information du client, de la transparence, de la réduction des coûts, avec une volonté de favoriser la concurrence intra-européenne. L’application de cette vision dans les paiements a notamment permis la construction de la norme SEPA, unifiant le paysage des virements et prélèvements sur le continent. La concurrence a favorisé l’entrée de nouveaux acteurs, le foisonnement d’innovations et la création d’usages au bénéfice des consommateurs. Parfois au détriment d’une consolidation européenne et de l’émergence de champions européens. La crise Covid et le conflit russo-ukrainien ont replacé les enjeux de souveraineté vis-à-vis des autres blocs au centre des préoccupations (infrastructures, sanctions, …), ravivant ainsi une inquiétude déjà présente et symbolisée par le rachat de Visa Europe ou plus globalement la montée en puissance des big techs américaines et chinoises sur le continent. SI l’affirmation de la souveraineté comme priorité pourrait être favorable aux acteurs communautaires, l’Union Européenne souhaite également faire face à d’autres enjeux : inclusion, régulation des alternatives aux monnaies banque centrale, lutte accrue contre la fraude, mise en place de l’euro numérique … un agenda chargé qui définit un nouveau cadre et interroge la pertinence des trajectoires actuelles des acteurs. EN SYNTHÈSE Le marché européen des paiements est encore très largement fragmenté, malgré les initiatives européennes des dernières années qui ont grandement harmonisé les pratiques et usages. Fort de ce constat et d’objectifs toujours ambitieux, le régulateur européen souhaite ouvrir une nouvelle séquence, avec une direction davantage soucieuse des sujets de souveraineté et d’émergence de champions européens. Cette évolution, plutôt favorable aux acteurs de l’écosystème, s’accompagne toutefois d’exigences en termes de lutte contre la fraude et d’une volonté de régulation accrues, notamment dans le domaine de la monnaie. L’espace pour faire émerger des acteurs innovants et des écosystèmes ouverts paneuropéens pourrait donc être étroit, avec un changement d’échelle délicat à opérer.
  • 2. Fresh thinking, smart decisions. F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s LA COMMISSION EUROPÉENNE S’EST DOTÉE D’UN AGENDA AMBITIEUX POUR LES PROCHAINES ANNÉES Des succès mitigés ces dernières années La Commission souhaite accélérer sur la création d’un marché unique des paiements et l’harmonisation des pratiques et usages en la matière. Ces objectifs se sont traduits dernièrement par le développement de l’instant payment, que le régulateur voudrait encore accroître en luttant notamment contre ce qui est décrit comme une « fragmentation » du marché, c’est-à-dire des disparités fortes dans l’adoption de cet usage en fonction des pays et du coût éventuel du service. Un autre axe de travail consiste à approfondir et développer l’écosystème européen des paiements dans la continuité de la dynamique d’Open Banking insufflée par la DSP2. Le régulateur reconnaît un besoin de réviser la DSP2, dont les objectifs n’ont été que partiellement atteints (délais importants entre les textes et les mises en vigueur successives, difficulté à promouvoir un standard technique, développement des uses cases par les acteurs du secteur encore très incomplets). Cette révision des RTS reconnaît notamment l’utilité d’assouplir les règles d’authentification et devra permettre d’aboutir sur les objectifs de standardisation et d’émergence d’écosystèmes plus ouverts avec des modèles économiques viables. L’ambition du régulateur est résolument de passer d’une logique d’Open Banking telle qu’initiée avec la DSP2 à une logique d’Open Finance, socle d’écosystèmes plus ouverts, plus innovants, englobant un ensemble de services financiers plus larges que les seuls paiements. Les attentes du régulateur européen en matière de paiement devaient se concrétiser avec l’initiative EPI - European Payments Initiative – visant à concurrencer et proposer une alternative aux schémas Visa ou Mastercard. Cette volonté de créer une solution souveraine de référence dans ce domaine n’a pas été couronnée de succès : les participants à l’initiative ont vu leurs rangs se réduire et l’ambition de disposer d’une carte de paiements a été abandonnée. Ne reste dans le périmètre que le wallet et le volet instant payment. Or il s’agit bien d’un enjeu de souveraineté européenne dans l’esprit de la Commission, dans la mesure où les acteurs européens ne peuvent se cantonner aux seules applications métier. Ce succès en demi-teinte, comme celui de la DSP 2, témoigne de la difficulté sur un marché large et avec des disparités importantes à offrir un cadre unique et applicable. Et ce, malgré des attentes des consommateurs finaux aujourd’hui très semblables d’un pays à l’autre (agrégation de comptes, paiement fractionné, peer-to-peer…). Un agenda ambitieux pour les prochaines années L’agenda européen ne s’arrête pas là, avec de nombreux textes à venir et devant répondre aux enjeux politiques et technologiques à venir.
  • 3. Fresh thinking, smart decisions. F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s Face à cette multiplication des textes et forts des précédentes expériences, les acteurs des paiements semblent aujourd’hui attentifs à collaborer de façon plus étroite avec le régulateur pour ne pas reproduire les schémas précédents, avec une crainte que les multiples objectifs poursuivis ne deviennent des freins à l’innovation et à la création de valeur. Le cas des crypto-actifs A titre d’illustration, la Place est actuellement confrontée à cette problématique dans le cadre des discussions autour de la régulation des cryptoactifs. Le règlement MiCA (Market in Crypto Assets) vise à réguler un écosystème très innovant mais également source de perturbations possibles notamment pour le marché des paiements. Par ailleurs, le régulateur est très vigilant vis-à-vis des émissions de monnaie privée, considérant comme une menace le fait de disposer d’unités de compte en dehors de la monnaie européenne, voire un risque systémique et de souveraineté. Il s’en est fallu de peu que MiCA n’interdise de facto la preuve de travail (Proof of Work), prouvant une fois de plus la difficulté à réconcilier la volonté de créer un cadre favorable à l’innovation et la concurrence, avec d’autres enjeux périphériques pour l’Europe, ici, la protection de l’environnement. Si le lobbying de l’écosystème blockchain a réussi à faire prendre conscience des implications d’une telle interdiction, un autre projet de directive vient assombrir le paysage. En effet, la directive TFR (Transfer of Funds Regulation), par son extension aux crypto- monnaies, pourrait obliger à divulguer l’ensemble des transactions et des adresses des portefeuilles numériques, ce qui, comme pour la tentative de suppression de Proof of Work, constitue une atteinte même aux principes structurels de fonctionnement de la Blockchain. A nouveau, le régulateur se trouve dans un conflit entre innovation, émergence de nouveaux acteurs et nouveaux usages d’une part, et régulation du secteur sur fond de lutte contre le blanchiment, la protection du consommateur et les enjeux de souveraineté d’autre part. La prise de conscience que les usages apportés par les cryptomonnaies reposent actuellement sur l’existence des stablecoins reste embryonnaire dans la doctrine du régulateur. Or nous avons la conviction qu’une régulation trop stricte sur les crypto-monnaies serait de nature à freiner le développement des usages, sauf à geler toute innovation le temps de mettre en place des monnaies numérique de banque centrale. La Commission et la Banque centrale, très intéressées par le développement de ces usages, travaillent activement à la création d’une monnaie numérique de banque centrale pour accompagner et profiter de ce type d’initiatives, avec des réflexions autour de l’euro numérique, pour une mise en œuvre à partir de 2026, une échéance relativement tardive par rapports aux homologues d’autres zones économiques, illustrant cette difficulté à innover tout en régulant. Les cas d’usage associés à l’euro numérique sont d’ailleurs un champ d’exploration que le régulateur laisse également volontiers aux mains des acteurs financiers. Ainsi, cette initiative pourrait permettre aux institutions européennes de reprendre la main en matière de crypto-monnaies et offrir une forme de concurrence aux crypto existantes. Des acteurs avertis et exigeants vis-à-vis de leur régulateur Les acteurs du secteur ont formulé plusieurs demandes au régulateur afin de les aider à réconcilier leurs enjeux business avec des objectifs règlementaires assez contraignants. Parmi ceux-ci, on peut notamment citer : • Une harmonisation des textes et une recherche de cohérence d’ensemble (a minima paiement, digital et data)
  • 4. Fresh thinking, smart decisions. F r a m e S A S – 1 r u e d e S t o c k h o l m – 7 5 0 0 8 P a r i s • Un soutien du secteur par la commande publique (assorti d’une absence de sélection d’acteurs extra-communautaires) • Une concertation avec l’écosystème paiement pour la DSP3, dans une logique orientée business • Une inclusion des standards techniques dans la règlementation, en veillant à ne pas se contenter uniquement des règles juridiques (les acteurs les plus puissants pouvant ensuite imposer leurs standards) • Une liberté de consolidation intra- européenne • Une démarche de réciprocité dans la règlementation vers l’extérieur, afin de ne pas instaurer une concurrence « déloyale » des acteurs extra-communautaires Nous pouvons désormais anticiper que le changement de doctrine du régulateur aide à satisfaire une grande partie de ces demandes. LES ENJEUX DU SECTEUR : INNOVER ET CONSOLIDER Quelles mesures devront prendre les acteurs des paiements pour sortir renforcés de la compétition ? Si la période qui s’ouvre va être indubitablement favorable aux acteurs européens, la concurrence intra-communautaire restera forte. Le déterminant de la réussite pour chacun sera toujours lié à sa capacité d’innovation. Nous avons la conviction que le secteur sera traversé par un mouvement de consolidation entre acteurs et de concentration en termes d’usages. Pour ne pas être distancé dans cette compétition qui s’annonce, nous estimons qu’il est impératif de : • Développer les nouveaux usages de paiement en avance de phase sur la régulation et indépendamment de ce qui pourrait être contraint ou non dans l’avenir • Elargir les initiatives Open banking nées de la mise en œuvre de la DSP2 aux autres services financiers (épargne, assurance…), qui pourront jouer en accélérateur des usages purs paiement • Créer des écosystèmes ouverts accueillant les innovations d’acteurs de tous horizons (notamment en dehors des acteurs financiers traditionnels) • Travailler dès à présent sur les use cases de l’euro numérique en investissant sur l’écosystème crypto actuel Le seul changement de doctrine du régulateur ne suffira pas à briser l’avance qu’on prise certains acteurs extra-communautaires dans les innovations autour des paiements. Les investissements immédiats à consentir sur ces 4 axes sont déterminants afin d’aborder le mouvement de consolidation avec des zones de forces dans les usages de paiement, cohérentes avec les attentes des consommateurs et avec le nouveau train de règlementations. Fondé en 2022, Frame est un nouveau cabinet de conseil en stratégie et management auprès des institutions financières Adrien Flederick, Associé