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ORGANISER LA SYNERGIE ENTRE
MONDE RURAL ET MONDE URBAIN
DANS LA METROPOLE LYONNAISE :
VERS UN MODELE DE METROPOLE
INDUSTRIELLE VERTE ?
Synthèse des travaux de la session
2011-2012
Octobre 2012
Editeur : SEPL
Société d’Économie Politique
et d’Économie Sociale de Lyon
3
SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET D’ÉCONOMIE
SOCIALE DE LYON
Sommaire
1 – Note de synthèse des travaux de l’année 2011-2012…………………… 5
2 – Comptes-rendus des conférences de l’année 2011-2012
-Patrick MUNDLER, Enseignant chercheur (économie de
l’environnement) à l’ISARA Lyon, Agrapôle et Alexandre
BARONNIER et David RIVET, Direction Générale des
BOUCHERIES ANDRE
« Nourrir la métropole lyonnaise de
manière durable par des circuits de
proximité »………………………………………… 23
-Olivier FREROT, Directeur Général de l’Agence d’Urbanisme de Lyon
et Vincent COUTURIER, responsable de l’Observatoire Partenarial
Lyonnais de l’Economie (OPALE)
« Aménagement de l’espace et usage des sols
entre urbains et ruraux dans la métropole
lyonnaise ».................................................................... 31
-Gérard SEIGLE-VATTE, Président de la Chambre Régionale
d’Agriculture de Rhône-Alpes et
Céline BROGGIO, Géographe, Maître de Conférences à
l’Université Lumière Lyon3
« L’agriculture, un enjeu pour la métropole
lyonnaise »…………...............................................……… 35
-Anne DUBROMEL, Directrice de la Région Urbaine de Lyon
« Synergies dans les relations villes-campagnes :
perspectives à l’échelle de la région urbaine
de Lyon » …………………………….........................……. 41
Hôte d’Honneur :
Bernard BIGOT, Administrateur Général du Commissariat à l’Energie
Atomique et aux Energies Alternatives
« La nécessaire réindustrialisation de la
France, quelle contribution de la Recherche et
Développement Publique ? »………………........... 45
3) Annexes ………………………………………………………………….. 107
4
Contacts :
Robert PARIS, Président de la SEPL
e.mail : paris_robert@yahoo.fr
Yves MINSSIEUX, Vice-Président
e.mail : minssiye@gmx.fr
Marc BONNET, past Président de la SEPL
e.mail : bonnet@iseor.com
Philippe HUET
Secretariatgeneral.sepl@yahoo.fr
Renée JIMBERT, Secrétaire Administrative de la SEPL
e.mail : renee.jimbert@lcl.fr
5
NOTE DE SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS DE LA SEPL
1)Choix du thème
Il peut sembler surprenant que la SEPL ait choisi de faire porter son
thème de travail pour l’année 2011-2012 sur le monde rural dans la
métropole lyonnaise. En effet, ce groupe de réflexion et de
proposition est habituellement centré sur la nécessité du renouveau
industriel pour assurer un développement économique et social
durable de Lyon et des cités environnantes. Pourtant, les travaux de
cette session de la SEPL montrent que la complémentarité entre
monde rural et monde urbain est une des conditions du renouveau
industriel, ce qui doit être mieux explicité. En effet, une première
analyse laisse à penser que la complémentarité entre monde rural et
monde urbain dans notre métropole se limite principalement à la
gastronomie lyonnaise, où les savoir-faire artisanaux ont réussi à
créer un assemblage subtil des produits des terroirs extraor-
dinairement diversifiés et riches de traditions, dans un rayon de
moins de 100 km autour de Lyon . Toutefois, une analyse plus
approfondie présentée à la SEPL par le Professeur Jacques Bonnet1
a montré que le monde rural de notre métropole ne doit pas être
réduit à son apport à la gastronomie. D’une part, le développement
des activités agricoles est complémentaire du développement
urbain pour soutenir la croissance économique, comme l’illustre le
cas des Pays-Bas2
.ou encore celui de la « permaculture3
», visant
notamment à ajouter de la valeur aux productions agricoles locales
1.
Bonnet J., Broggio C., Millet N. (2010) : Entreprises et territoires. Ellipses.
2
Lyon et sa région ont aussi une activité horticole importante, par exemple pour
la création et la production de roses.
3
Mollison, B. Holmgren, D. (1978, 1986) : Permaculture 1, une agriculture
pérenne pour l'autosuffisance et les exploitations de toutes tailles, Éditions
Charles Corlet.
6
existantes, ainsi que les expériences d’agriculture urbaine4
et de
plantations hors-sol. D’autre part, le développement industriel de
notre métropole est en partie lié à celui du monde rural pour des
raisons historiques et géographiques : dès le 16ème siècle, l’activité
économique industrielle à Lyon a eu besoin du monde rural, par
exemple pour les vers à soie nécessaires au tissage, les plantes
médicinales pour la pharmacie ou encore les produits pour
l’imprimerie, etc….
L’interaction entre monde rural et monde urbain avait aussi été
soulignée à plusieurs reprises dans les réflexions de la Société
d’Economie Politique et d’Economie Sociale de Lyon, et les quatre
derniers ouvrages de la SEPL avaient mis en évidence les atouts
actuels et potentiels de la synergie entre les villes et les campagnes
de notre métropole :
- Les travaux de la session 2006-2007 centrés sur le tourisme
d’affaires5
montraient l’impact des activités de congrès et d’accueil
des visiteurs. La SEPL insistait alors sur la nécessité de remédier à
la fragmentation de l’offre afin de rester un pôle d’attraction pour
des investisseurs potentiels, comme dans l’exemple du congrès
BioVision : besoin d’hôtels gros porteurs à Lyon et manque de
chambres d’hôtes dans la métropole pour faire face aux pointes
d’activité, nécessité d’un plan d’action commun entre la
multiplicité des acteurs et des offices du tourisme à Lyon, dans le
Rhône, la Loire, etc., nécessité de structurer une offre variée en
associant les activités de tourisme urbain et de tourisme rural.
- La session 2007-2008 avait été centrée sur les avantages
stratégiques et d’attractivité de notre métropole, à la condition
d’adopter une méthode de travail en équipe entre Lyon et les
4
Boisot, H. (1999). Les représentations de l'agriculture péri-urbaine : Périgny-
sur-Yerres ou l'utopie d'un lieu de rencontre entre le monde rural et le monde
citadin. Ecole d'architecture de Paris-la-Villette et EHESS.
5
SEPL (2007) « Le développement du tourisme d’affaires à Lyon et dans sa
région. ». Rapport Sepl. Voir également le rapport de la Région Urbaine de
Lyon : « Tourisme métropolitain et territoires : des valeurs à ajouter ». Avril
2011.
7
agglomérations environnantes de la Région Urbaine de Lyon
(Lyon, Bourg en Bresse, Bourgoin et Portes de l’Isère, Vienne,
Givors, Saint-Etienne et Roanne). Ces travaux montraient la
nécessité de refuser tout « jacobinisme lyonnais »6
: contrairement
à une idée répandue, l’atout principal de notre métropole par
rapport à d’autres métropoles européennes comme Barcelone,
Milan ou Munich, est que Lyon soit une agglomération à taille
humaine. La stratégie proposée consistait par conséquent à faire
grandir la métropole sans faire grossir l’agglomération lyonnaise
aux dépens des agglomérations environnantes. L’alternative à une
grosse agglomération consiste à proposer d’organiser une
métropole de plus de 3 millions d’habitants (3,5 millions
d’habitants prévisibles à l’horizon des vingt prochaines années),
afin de créer une région urbaine verte, aérée, équilibrée et agréable
à vivre. Les témoins invités aux débats avaient en particulier
souligné l’importance d’éviter le « mitage » anarchique du
territoire par les lotissements et les locaux d’entreprise à la
périphérie de Lyon et ils insistaient sur la nécessité de conserver un
territoire urbain discontinu, par opposition à un mode de
développement concentrique7
constaté dans la plupart des grandes
métropoles comme Paris. En effet, cette croissance concentrique
serait très insuffisante pour obtenir une taille critique et serait
infiniment plus coûteuse que la mise en œuvre d’une politique
volontariste de développement métropolitain multipolaire8
.
6
SEPL (2008) : Construire Lyon Métropole. Ed Sepl, 167 p.
7
la SEPL alertait sur le risque de la politique de « la grenouille voulant devenir
aussi grosse que le bœuf » : laisser grossir l’agglomération de Lyon au détriment
des autres agglomérations de la métropole et du secteur rural permettrait à peine
d’atteindre un niveau de 2 millions d’habitants, ce qui nécessiterait sans doute de
tripler le tunnel de Fourvière et les périphériques pour absorber les flux de
voitures Est-Ouest, l’Ouest de Lyon étant peu facile à desservir par transports en
commun avec une bonne fréquence en raison de la dispersion de l’habitat.
8
De ce point de vue, le modèle de notre métropole peut s’inspirer de modèles
comme celui de la région de Stuttgart8
, une métropole industrielle et verte au
pied de la Forêt Noire, où des agglomérations environnantes telles que
Ludwigsburg (siège de Porsche), Metzingen (siège d’Hugo Boss), Sindelfingen
(Mercédès) et Tübingen (universités) sont en interaction pour créer une
dynamique en équipe. Bien sûr, l’histoire et la géographie de la région lyonnaise
sont très différentes de celle du Bade-Wurtemberg, mais les travaux de la SEPL
8
- Le thème de la session 2008-2009 portait sur le renouveau
industriel de la métropole lyonnaise9
. L’allocution de M. Bruno
Bonduelle10
à la SEPL comportait un avertissement aux
responsables économiques et politiques lyonnais : à son avis, les
habitants de la métropole lyonnaise, habitués depuis longtemps à
une relative prospérité, ne sont pas conscients des risques d’un
effondrement industriel qui serait catastrophique pour toutes les
autres activités de la région et pour la France : il appelait les
citoyens de Lyon et de la région à se mobiliser et à se mettre en
équipe pour sauvegarder leur industrie, entreprendre davantage et
régénérer les industries traditionnelles par l’innovation sans céder à
la tentation de les abandonner au profit d’une hypothétique
« économie de la connaissance ». Parmi les domaines industriels
variés examinés au cours de cette session de la SEPL, figurait en
bonne place le cas de l’industrie l’agro-alimentaire. Il s’agissait
alors de l’industrie la plus méconnue de la métropole, mais aussi la
moins menacée dans le cadre de la compétition mondiale. Ce
secteur industriel, qui continue à embaucher et à exporter, a besoin
d’une production agricole de qualité dans la région où il est
implanté.
- Enfin, le thème 2010-2011 de la SEPL, centré sur les synergies
entre recherche et industrie11
dans la métropole lyonnaise montrait
montrent que la région lyonnaise peut construire un modèle multipolaire à
condition de bâtir des projets en équipe d’agglomérations et de terroirs, car ces
projets façonnent progressivement le territoire. Dans l’exemple du Bade
Wurtemberg, on observe une présence forte de PME familiales très performantes
(le fameux Mittelstand évoqué par Jean Agnès) disséminées dans la campagne
où elles sont parfaitement intégrées, ce qui offre l’avantage de créer de l’emploi
de proximité et d’endiguer les flots migratoires quotidiens vers et hors des
grands centres urbains. Le Grand Lyon pâtit quotidiennement de ces flots
migratoires.
9
SEPL (2009) : Accélérer le renouveau industriel de la métropole lyonnaise. Ed.
Sepl, 119 p.
10
M Bonduelle était Président de la CCI du Grand Lille et dirigeant d’un grand
groupe industriel ayant des filiales à Lyon.
11
SEPL (2011) : Renforcer les synergies entre recherche et industrie dans la
métropole lyonnaise. Sepl, 111 p.
9
les points forts de notre métropole avec la présence de pôles
d’excellence de recherche et d’enseignement variés, y compris dans
les domaines de la production végétale, forestière et animale : Isara,
Vétagro-sup, département de biologie de l’ENS-Lyon, Mérial (pôle
industriel et de recherche en santé animale). Il était jugé dommage
que l’on n’encourage pas assez la création d’entreprises et de
filières industrielles pour valoriser ces atouts directement reliés au
monde rural.
Il est ainsi apparu que l’interaction entre monde rural et monde
urbain dans notre métropole est un atout essentiel, et qu’il était
nécessaire d’en être conscient et de prendre des initiatives pour
créer une performance globale, durable et endogène de la
métropole, sans attendre que des politiques nationales viennent
éventuellement nous aider.
2)Méthode de travail
En complément des lectures et des documentations examinées sur
le sujet12
, les débats de la SEPL ont été alimentés par trois
principales sources :
- Les conférences de « grands témoins » pour apporter des regards
complémentaires sur l’interaction entre monde rural et monde
urbain dans la métropole lyonnaise. Dans l’ordre de leur
intervention, il s’agissait de Patrick MUNDLER, Enseignant-
Chercheur à l'ISARA Lyon – Agrapôle, Alexandre BARONNIER
et David RIVET, Direction Générale des Boucheries ANDRE,
Olivier FREROT, Directeur Général de l'Agence d'Urbanisme de
Lyon, Vincent COUTURIER, responsable de l’Observatoire
12
Voir notamment le rapport du Conseil économique et social régional : « Pour
une maîtrise foncière dans les territoires de Rhône-Alpes en métropolisation ».
Novembre 2009. Voir aussi la Directive Territoriale d’Aménagement de l’Aire
Métropolitaine Lyonnaise (décret n°2007-45 du 09 janvier 2007), ainsi que les
documentations de l’Observatoire Partenarial Lyonnais en Economie (OPALE)
et les notes et statistiques de l’Agence d’Urbanisme de Lyon sur l’agriculture au
niveau de l’Inter-SCOT (par ex. la revue de presse réalisée par Y. Deguilhem).
10
Partenarial Lyonnais de l’Economie (OPALE), Gérard SEIGLE-
VATTE, Président de la Chambre Régionale d'Agriculture Rhône-
Alpes, Céline BROGGIO, Géographe, Maître de Conférences à
l'Université Jean Moulin Lyon 3, Anne DUBROMEL, Directrice
de la Région Urbaine de Lyon.
- Les réflexions des membres de la SEPL sous la présidence de
Robert PARIS : s’appuyant sur leur expérience de responsables
économiques et sociaux dans la métropole lyonnaise, ils apportent
leur contribution citoyenne à la réflexion stratégique pour le bien
commun à long terme de leur métropole.
- Les références conceptuelles à trois approches scientifiques. La
première concerne la prospective territoriale et a été développée par
Michel GODET13
et son équipe au CNAM- Paris. Les deux autres
sont d’origine lyonnaise et bénéficient d’une aura internationale : la
théorie économique de François PERROUX14
avec notamment le
concept de développement global, intégré et endogène, et l’école
d’Henri SAVALL et de l’ISEOR, en particulier en ce qui concerne
la recherche de solutions-racines et d’investissements immatériels
pour bâtir des projets socio-économiques de développement
durable15
.
L’hypothèse formulée dans les travaux de la SEPL est que le
territoire défini au sens de la région urbaine de Lyon recèle de
façon cachée et dispersée toutes les ressources nécessaires pour
devenir un modèle de métropole durablement prospère. La seule
condition de réussite de ce projet est de rassembler tous les acteurs
autour d’un véritable projet métropolitain et de rendre ce projet
complémentaire des points forts des métropoles voisines du Grand
13
Durance P., Godet, Mirenowicz P., Pacini V. (2008) : La prospective
territoriale. Cahiers du LIPSOR. Ed. CNAM.
14
Perroux F. (1981) : Pour une philosophie du nouveau développement. Aubier-
Presses de l’Unesco. Voir également le livre de l’Association des Amis de
François Perroux : « Pour une mondialisation apprivoisée ». Ed Iseor (2008).
15
Savall H. & Zardet V. (1987-2009) : Maîtriser les coûts et performances
cachés : le contrat d’activité périodiquement négociable. Economica.
11
Sud-Est16
, en particulier avec Paris, la métropole Grenoble-Sillon-
Alpin, la métropole franco-baldo-genevoise17
, la métropole
Clermont-Auvergne et Marseille-Méditerranée. Au cours des
débats, la SEPL a bien mesuré tous les blocages retardant la
construction d’une métropole, mais il a été constaté que la lenteur
de la coopération présente un risque très sérieux de déclin de Lyon
et de la métropole. Le risque perçu appelle la construction rapide
d’un projet stratégique en équipe. Dans ce projet global, il serait
nécessaire de ne pas oublier les apports du monde rural.
3)Apports actuels et potentiels du monde rural à la
métropole lyonnaise
Les débats ont fait ressortir sept principales productions matérielles
et immatérielles du monde rural à la métropole de la région urbaine
de Lyon. La plupart de ces activités productives est implicite ou
informelle, en partie cachée au regard des statistiques et de la seule
valeur marchande à court terme:
- Création de valeur ajoutée économique directe. Sous réserve des
données statistiques qui resteraient à affiner par l’OMPREL18
au
niveau de la RUL et de l’Inter-scot, le chiffre d’affaires de
l’agriculture de la métropole peut être estimé au tiers de celui de la
Région Rhône-Alpes, soit plus de 1,5 milliard d’Euros et celui de
l’agroalimentaire à plus de 3 milliards d’Euros. Cette activité est
16
Dans ses travaux antérieurs sur la construction d’une métropole multipolaire,
la SEPL n’avait pas ignoré l’importance du travail en équipe d’agglomérations
au niveau de la Région Rhône-Alpes, mais elle constate que son périmètre
devrait être élargi à Mâcon au Nord et à l’Auvergne à l’Ouest. Il faudrait aussi ne
pas ignorer la réalité de Genève en tant que métropole trans-frontalière, avec la
Haute Savoie et l’est du département de l’Ain. Voir à ce sujet la revue « Rhône-
Alpes-Méditerranée », dirigée par Daniel Navrot.
17
Bien qu’informelle, la riche métropole genevoise, avec Annecy, la vallée de
l’Arve et le pays de Gex a un poids économique et une attractivité internationale
supérieurs à Lyon pour des raisons historiques et politiques. La SEPL juge que
Lyon ne pourra équilibrer son influence grandissante que par une stratégie de
différenciation consistant à créer une grande métropole industrielle multipolaire.
18
OMPREL : Observatoire Partenarial de la Région Economique Lyonnaise.
12
fortement exportatrice et contribue à l’emploi dans la métropole :
plus de 20 000 emplois stables dont la moitié dans
l’agroalimentaire, avec notamment des emplois pour tous, même
pour les personnes qui ne sont pas diplômées.
- Entretien de la qualité et de la diversité des paysages, ce qui
participe à l’attrait de la région, non seulement aux yeux de la main
d’œuvre qualifiée fuyant les nuisances de Paris et des trop grandes
agglomérations, mais aussi du point de vue des investisseurs
étrangers. Cette production immatérielle est multiforme : par
exemple, des agriculteurs apportent souvent des services
indispensables et peu coûteux aux collectivités territoriales et aux
particuliers : services de déneigement et entretien d’espaces verts et
des abords de routes avec une disponibilité de 365 jours par an, etc.
- Qualité, variété et traçabilité des produits agricoles, qui apportent
les ingrédients indispensables du bien-manger, du goût et de la
gastronomie. Cette qualité des produits des terroirs contribue à la
notoriété internationale de la métropole. Il faut y ajouter les effets
économiques induits de cette activité sur le tourisme et sur
l’organisation de salons professionnels : Salon international des
métiers de bouche (SIRHA), événement mondial du pain, salons
des vins, Toques Blanches, etc.
- Economicité de l’approvisionnement alimentaire lié aux faibles
distances entre lieux de production et de consommation, ainsi qu’à
la qualité des infrastructures logistiques de la métropole. Cela
concerne aussi les réseaux de distribution directs et de proximité :
baisse des frais de transport et de réfrigération et impacts positifs
sur le bilan carbone.
- Potentiel important de production de matières premières et de
valorisation des produits du bois, à condition de développer cette
filière (voir par exemple l’initiative de MACEO pour l’ensemble
du Massif Central) ainsi que des sources complémentaires
d’énergie et de biomasse.
13
- Sécurité alimentaire de la métropole, à une période de l’histoire
du monde occidental où l’opulence alimentaire à bon marché risque
de toucher à sa fin, notamment en raison de l’augmentation de la
population mondiale, des bouleversements géopolitiques en cours
et des changements climatiques observables. Il faut aussi noter que
la diversité, la qualité et la traçabilité des produits agricoles de
notre région contribuent significativement à la santé.
- Potentiel d’interactions avec les pôles de compétitivité, en
particulier avec Lyon Biopôle et avec le pôle de la chimie
(Axelera) pour fournir des molécules, notamment dans le cadre de
la chimie verte. A titre d’exemple, le laboratoire Boiron peut être
approvisionné en arnica par le Parc Naturel du Pilat.
4) Menaces pour le maintien et le développement de cette
richesse
En raison du caractère informel et caché de la performance du
monde rural dans la métropole, cette activité est très peu prise en
considération dans les décisions stratégiques de notre « millefeuille
administratif français », ce qui handicape gravement le
développement économique de la métropole lyonnaise au seul
bénéfice de quelques intérêts particuliers. Lors des débats, la SEPL
a insisté sur la nécessité de prendre conscience de trois principales
menaces sur le monde rural qui affectent directement ou
indirectement le développement à court et à long terme de la
métropole lyonnaise19
:
- Risques liés à l’augmentation excessive et mal répartie des
surfaces artificialisées à usage logistique et de lotissements,
notamment autour de Lyon et dans la plaine du Forez. L’espace
19
Conjointement, ces trois dysfonctionnements contribuent au cercle vicieux
constaté actuellement : la désertification des campagnes de notre région vers les
agglomérations est suivie par les « siphonnages de populations et de valeurs» en
série des villes périphériques de la métropole (comme St-Etienne) vers
l’agglomération lyonnaise, suivie enfin par l’exode vers Paris, puis de Paris vers
Londres ou vers les zones de croissance dans le reste du monde (Amérique et
Asie).
14
rural est grignoté (environ 30 000 hectares perdus depuis 20 ans) et
les terres restant disponibles à proximité des agglomérations
deviennent de plus en plus chères en raison de la pression foncière,
même quand les terrains ne sont pas encore constructibles (exemple
de terrains achetés par des fonds à vocation spéculative autour de
l’aéroport de Saint-Exupéry). En outre, deux départs d’agriculteurs
sur trois ne sont pas remplacés en raison de difficultés de location
de terres et de manque d’attractivité de la profession.
- Effets pervers induits par les distorsions des conditions de
concurrence en raison du laisser-fairisme économique, malgré les
effets compensateurs de la Politique Agricole Commune : les
céréales importées des Etats-Unis, la viande en provenance
d’Amérique Latine ou encore certains fruits et légumes cultivés au
Sud de l’Europe sont en apparence bon marché, mais cet avantage à
court terme masque deux inconvénients : de nombreux produits
importés avec des procédures de contrôle insuffisantes contiennent
des doses élevées de produits phytosanitaires potentiellement
nuisibles pour la santé, tandis que les normes sont contrôlées de
façon bien plus scrupuleuse pour la production agricole française,
avec l’application d’un principe de précaution jugé excessif et
injuste par le monde agricole de notre métropole. En outre, des prix
artificiellement bas de certains produits agricoles masquent un
dumping social et monétaire, avec un risque de forte volatilité des
cours des produits agricoles à l’avenir, sans compter les risques
d’augmentation des coûts des transports.
- La troisième catégorie de menace tient au découplage sociétal
entre monde rural et monde urbain. La distance culturelle entre ces
deux mondes s’est accentuée au cours des cinquante dernières
années, avec l’urbanisation croissante de notre civilisation. Il en
résulte que de nombreux décideurs économiques et politiques de la
métropole n’ont pas assez conscience des atouts actuels et
potentiels du monde rural. Cela entraîne aussi une prise en compte
insuffisante des projets de développement agricole dans les
Schémas de Cohérence Territoriale, se traduisant par une
15
diminution inquiétante à long terme des surfaces agricoles. Un
deuxième exemple de risque est le manque de dialogue entre
certains groupes de pression écologiques d’origine urbaine et le
monde agricole, avec la fixation des normes et des réservations
d’espaces naturels qui pénalisent le monde agricole.
5)Propositions de la SEPL
Afin de devenir un modèle européen de métropole verte et durable,
la région métropolitaine de Lyon doit entreprendre des projets pour
renforcer la synergie entre monde rural et monde urbain. A cet
effet, la SEPL lance deux catégories de propositions pour stimuler
les débats et les initiatives : mieux formaliser l’identité de la
métropole et sa gouvernance et mettre en synergie les points forts
du monde rural dans la stratégie de la métropole.
a)Mieux formaliser l’identité de la métropole et de sa
gouvernance en y incorporant le monde rural.
La métropole de la région de Lyon a encore besoin de
construire une identité et une gouvernance véritables
avec une appellation stable pour le territoire urbain-rural
de la métropole lyonnaise. Il s’agit de mieux affirmer que le
territoire de projet correspondant grosso modo à la Région
Urbaine de Lyon est le niveau le plus pertinent pour bâtir un
projet de développement socio-économique « global,
intégré et endogène ». A cet égard, il convient d’éviter le
risque lié à une barrière à l’entrée du système de
gouvernance du G4 (Grand Lyon, Saint-Etienne, Capi et
Vienne). En effet, le G4 est un territoire correspondant
implicitement à une croissance concentrique de Lyon, dont
le monde rural de la métropole est exclu, où Saint-Etienne
fait figure de banlieue industrielle de Lyon , et où s’accélère
la spéculation foncière et immobilière dans le Nord Isère et
dans la plaine de l’Ain au détriment d’une valorisation
16
globale et intégrée de la métropole20
. Ce dispositif du G4 a
certes l’avantage de permettre un certain apprentissage de la
gouvernance métropolitaine, mais les enjeux stratégiques à
court terme et à long terme de la métropole lyonnaise ne
peuvent pas attendre le temps d’une acclimatation des
systèmes politiques: la SEPL propose de « changer de
braquet » et de passer dès maintenant à la construction
d’une stratégie sur le territoire pertinent d’une métropole
élargie jusqu’à Bourg-en-Bresse, Givors, Roanne et
Villefranche-sur-Saône, afin de mettre en synergie les
stratégies des 8 principales agglomérations de la métropole.
Il y a urgence à favoriser une répartition de la croissance
démographique dans la métropole, car l’inaction en ce
domaine entraîne mécaniquement une croissance
déséquilibrée et fragile de la grande agglomération
lyonnaise.
b)Mettre en synergie les points forts du monde rural dans la
stratégie de la métropole
Pour créer une stratégie intégrée, globale et endogène de
développement durable, il est nécessaire d’introduire dans
la stratégie de la métropole un axe relatif au renforcement
de l’interaction entre monde rural et monde urbain. Cela
peut être réalisé en associant les entreprises et les
collectivités concernées, notamment dans l’Inter-Scot à un
ensemble cohérent de projets d’actions telles que les
suivantes (sans exhaustivité) :
- Accompagnement des projets de circuits alimentaires
courts et de proximité, en levant les obstacles à leur
développement : même si les circuits longs sont nécessaires
et permettent la croissance de l’industrie alimentaire, il est
possible d’observer que les 4% actuels de part de marché
20
A titre d’exemple, l’Aderly constate que des entreprises renoncent à s’installer
en région lyonnaise car elles ne trouvent plus à des prix raisonnables de grands
terrains embranchés sur la voie ferrée.
17
des circuits courts et de proximité conservent une forte
marge de progression, à la fois au profit des consommateurs
et au bénéfice du revenu des agriculteurs. Cela suppose
notamment un accompagnement de ces projets de circuits
en termes de logistique et de surfaces de vente.
- Prise en compte de la gestion des paysages de la métropole
au niveau de l’Inter-Scot. Cela concerne non seulement le
souci du bon équilibre entre les différentes utilisations des
surfaces, mais aussi les actions d’urbanisme et
d’architecture nécessaires à la valorisation des terroirs. Des
progrès ont été faits pour la réhabilitation des centres villes,
mais les visiteurs venant d’Europe du Nord nous font
remarquer que nos villages et nos abords de villes ont
continué à s’enlaidir21
ces dernières années, avec des
lotissements et des villas mal intégrés dans les paysages, et
par les affichages pléthoriques dans les zones commerciales.
Il s’agit bien sûr d’un chantier à très long terme, mais
pourquoi ne pas proposer que notre métropole se donne
pour objectif de devenir un territoire d’expérimentation
pour la réhabilitation des paysages ?
- Les transports : il s’agit d’une part de planifier les
compléments d’infrastructures nécessaires pour que la
métropole puisse fonctionner de façon décentralisée. Il reste
bien sûr à trouver des solutions pour les liaisons entre Lyon
et la Loire (Saint-Etienne et Roanne) mais il faut aussi
profiter du caractère rural de la métropole et de la densité
unique au monde de petites routes et de chemins pour les
mettre en réseau, en assurer la continuité et le balisage et
valoriser ainsi l’interaction entre monde rural et monde
urbain. Un projet à étudier pourrait consister à compléter,
aménager et dédier partiellement certaines voies pour
permettre la circulation à pied et à vélo entre les diverses
21
Voir le rapport SEPL 2007 sur le tourisme d’affaires dans la région lyonnaise.
18
agglomérations jusqu’aux centres villes, à l’image de la
Voie Léman-Méditerranée qui va permettre la circulation
pédestre et cycliste depuis le centre de Genève jusqu’à
Marseille en passant par le cheminement des berges du
Rhône.
- Organiser la mise en équipe des agglomérations et des
terroirs pour mieux structurer l’offre de tourisme de la
métropole22
, en commençant sans doute par la création d’un
site Web commun rassemblant toutes les informations des
différents offices de tourisme et des multiples activités
culturelles et de loisirs. Bien sûr, le centre de Lyon inscrit
au patrimoine de l’Unesco est un élément d’attraction fort
pour le tourisme métropolitain, mais cela n’est pas assez
relayé par une mise en synergie entre tourisme urbain et
tourisme rural. Lorsque des visiteurs s’obligent à faire eux-
mêmes l’effort de construire leur parcours de découverte de
la région, ils sont éblouis comme lors d’un voyage en
Toscane par la diversité et la richesse des paysages et des
terroirs, par la découverte de joyaux méconnus23
ainsi que
par le charme du « petit patrimoine24
». La mise en commun
des actions touristiques de la métropole lyonnaise recèle un
fort potentiel de développement dont les habitants de la
région ne sont pas assez conscients.
- Mettre en place avec les entreprises concernées et les pôles
de compétitivité un groupe de pilotage sur les
développements d’activités en lien avec le monde rural :
filière bois, santé animale et végétale, agro-alimentaire, etc.
22
A titre d’exemple, voir l’action de la RUL sur le Tourisme-Patrimoine du
XXème siècle.
23
Certains lieux et monuments de la métropole mériteraient aussi de figurer dans
la liste de l’Unesco, comme la Bâtie d’Urfé, le village de Pérouges ainsi que le
réseau des églises et sites romans du Brionnais.
24
Par exemple, le réseau des musées du textile et de l’habillement, ainsi que le
musée du chapeau de Chazelles-sur-Lyon.
19
Conclusion
La région lyonnaise aborde une période pleine de nouvelles
opportunités qu’il convient de saisir rapidement sous peine
de connaître un déclin profond et durable. La qualité de vie
et les sources de richesses apportées par le monde rural à
cette métropole industrielle peuvent devenir un des atouts
essentiels pour renforcer l’attractivité de la métropole non
seulement aux yeux des parisiens lassés par les nuisances
d’une trop grande agglomération, mais aussi pour des
nombreux investisseurs étrangers séduits par notre région et
pour les habitants eux-mêmes attachés à leur territoire. Pour
saisir cette opportunité, il s’agit de mettre en œuvre, en
équipe, une métropole multipolaire et bâtir une stratégie de
métropole industrielle verte qui peut être un modèle porteur
d’espoir dans le mouvement mondial de l’urbanisation.
COMPTES RENDUS DES CONFERENCES
DE LA SESSION 2011-2012
23
« Nourrir la métropole lyonnaise de manière
durable par des circuits de proximité »
Patrick MUNDLER
Enseignant-chercheur à l’ISARA-Lyon, Agrapôle
Alexandre BARONNIER et David RIVET
Direction Générale des BOUCHERIES ANDRE
Le Président Robert PARIS accueille les invités et remercie
en particulier Emmanuel IMBERTON, Vice-président de la CCI de
Lyon et délégué par le Président Philippe GRILLOT pour suivre les
travaux de la SEPL. Blandine VIGNON, responsable de la
communication de la CCI de Lyon, participe également à notre
séance de travail.
Michel GIELLY, Membre du Bureau de la SEPL, présente
Patrick MUNDLER, qui est enseignant-chercheur à l’ISARA Lyon
et membre du Laboratoire d’Etudes Rurales. Il est originaire de
Suisse où il a commencé par effectuer un apprentissage agricole,
avant de poursuivre ses études jusqu’à un doctorat d’économie. Il
est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont le dernier écrit avec Lahsen
ABDELMALKI (Université Lyon 2) porte sur l’économie de
l’environnement et du développement durable (éditions de Boeck).
Nicolas MILLET, Membre du Bureau de la SEPL, présente
à son tour Alexandre BARONNIER et David RIVET, des
Boucheries ANDRE. Alexandre BARONNIER a une formation
commerciale et marketing et représente la troisième génération de
dirigeants de cette entreprise familiale de 220 employés. David
RIVET est le Directeur du développement des Boucheries
ANDRE. L’entreprise est un modèle économique innovant
caractérisé par la dimension humaine, la vision à long terme,
24
l’ancrage sur le territoire et la valorisation émotionnelle du « pré »
au moment de l’acte d’achat. C’est un modèle qui est à l’opposé de
celui des traders et des algorithmes qui dominent l’économie
mondiale actuellement.
1)Exposé de Patrick MUNDLER
Après avoir salué la présence de Louis LEMOINE, ancien
Président de l’ISARA, Patrick. Mundler commence son exposé en
définissant les circuits courts et de proximité, par opposition aux
circuits longs :
- les circuits courts (cf. le Plan Barnier) sont définis comme étant
sans intermédiaire et avec une distance moyenne inférieure à 80
km,
- les circuits de proximité peuvent comprendre un ou deux
intermédiaires, et sont plus à même de fournir des gros marchés
comme celui des cantines scolaires.
Ces propos sont illustrés par quelques images permettant de
concrétiser le concept de circuits courts et de proximité : les
cabanes à sucre de sirop d’érable au Québec, les paniers
hebdomadaires « AMAP » avec un abonnement à l’année pour
recevoir des produits de la ferme, le point de vente « Uniferme » à
Mornant, un magasin fermier en ville, des éoliennes sur un terrain
agricole, et une production de bûchettes de bois de chauffage. Il
faut quand même noter que la France n’est pas en avance par
rapport à d’autres pays. On peut citer par exemple le cas d’un «
agriculteur » allemand de la région d’Augsbourg, dont la ferme
produit 10 000 œufs par jour écoulés en circuit court : avec ses 17
employés, il a un restaurant, une mini-usine de pâtes aux œufs, et
trois véhicules sillonnent la ville pour livrer les œufs frais et les
pâtes.
25
Dans la métropole lyonnaise, les circuits courts sont
particulièrement développés dans les Monts du Lyonnais et dans
les Coteaux du Lyonnais. On peut encore citer le cas de la cantine
du groupe scolaire de Saint Martin en Haut, approvisionnée en
circuits très courts grâce à la mise en réseau des agriculteurs de la
commune : les élèves mangent à midi des salades ramassées le
matin même à 10 h !
Ces exemples tranchent avec les tendances des années
passées, notamment de 1945 aux années 90, caractérisées par les
phénomènes suivants :
- effondrement de la population active agricole, réduite à 800 000
personnes en France, soit 3% de la population active : les
agriculteurs sont des survivants, alors qu’il va falloir attirer les
jeunes vers cette profession,
- contexte d’opulence et oubli des pénuries alimentaires, bien que
cette impression d’opulence soit trompeuse compte tenu des
tensions de plus en plus fréquentes sur les marchés de produits
agricoles,
- découplement des systèmes urbains et agricoles, avec
l’urbanisation des ceintures agricoles qui existaient autour des
villes,
- développement sectoriel de l’agriculture, avec une hyper
spécialisation des exploitations, une concentration et une
financiarisation.
Le mouvement de retour vers la territorialisation de
l’alimentation correspond à un phénomène visant à contrebalancer
la globalisation. Il a été accentué par des crises telles que celles de
la vache folle et la pollution à la dioxine. Il s’appuie sur des valeurs
de recherche du goût (éducation au goût et à la santé), de
militantisme pour l’achat local issu de l’agriculture biologique et il
y a une demande sociale croissante pour une alimentation saine. Il
trouve aussi son expression dans les orientations du Grenelle de
l’Environnement qui imposent par exemple pour les cantine
26
scolaires un pourcentage minimal de 20 % d’approvisionnements
issus de l’agriculture biologique. La réforme du code des marchés
publics de 2010 permet aussi de favoriser l’approvisionnement de
proximité.
Il est difficile d’obtenir des statistiques précises sur les
circuits courts et de proximité, car les méthodes de recensement ne
prenaient pas en compte ce critère jusqu’au recensement de 2010,
qui n’est pas encore complètement dépouillé. On peut cependant
estimer que près du quart des agriculteurs a des activités rentrant
dans cette catégorie, et que cela représente plus de 2% de l’achat
alimentaire, et même 4 % si l’on intègre les marchés. Même si la
France n’est pas en avance sur cette tendance, on peut estimer que
le phénomène tend à se développer puisque plus de la moitié des
agriculteurs qui s’installent créent des activités de commer-
cialisation. Ces pourcentages sont même supérieurs dans le cas des
productions fromagères et viticoles. En outre, les circuits de
distribution jouent de plus en plus le jeu sur les circuits courts,
même si le dialogue est parfois difficile sur les prix. Certaines
entreprises agro-alimentaires de notre région commencent aussi à
re-territorialiser leur approvisionnement.
D’un point de vue économique, les circuits courts sont
avantageux pour les agriculteurs, grâce à la stabilité des prix et à
des revenus plus élevés. Les agriculteurs concernés n’ont par
exemple pas souffert de l’effondrement des prix du lait en 2009. Ils
bénéficient également d’une plus grande reconnaissance sociale
grâce aux relations directes avec les clients : satisfaction de voir
son produit arriver jusque chez le consommateur, socialisation
grâce aux occasions de rencontres. Cela permet aussi un
développement de l’emploi plus important que dans le cas des
circuits de grande distribution. Il s’agit d’ailleurs d’emplois non
délocalisables et qui contribuent à la vie des territoires en luttant
contre la désertification de certaines campagnes. Il faut aussi
ajouter que les besoins en investissements sont moindres que pour
les grandes exploitations ultra mécanisées qui pâtissent ainsi à la
27
fois d’une barrière à l’entrée et d’une barrière à la sortie en raison
des frais sur les successions ou transmissions. En outre, les circuits
courts permettent de valoriser les savoir-faire des terroirs, et la
métropole lyonnaise dispose de ce point de vue, d’une immense
richesse et d’une grande diversité.
Des avantages des circuits courts et de proximité sont aussi
observés au plan écologique et du développement durable :
maintien des espaces naturels et agricoles à proximité des villes de
la métropole, biodiversité des espèces cultivées, réduction de la
consommation d’énergie grâce à la réduction des frais de transport
lorsque les quantités livrées sont suffisantes, moindre besoin de
réfrigération grâce à la consommation de produits de saison, etc.
Cette évolution apporte un contre-argument aux accusations de
pollution qui ont été mal vécues par le monde agricole. Toutefois,
le dialogue reste encore difficile avec les associations de défense de
l’environnement, notamment parce que la gestion politique de
l’agriculture a été centralisée au niveau national et parce que la
légitimité des associations environnementales est peu reconnue. On
note aussi des difficultés techniques que les consommateurs ne
comprennent pas toujours facilement : il y a par exemple des
situations où on ne sait pas se passer de certains traitements
phytosanitaires.
Le développement des circuits courts est accompagné par
une diversification des activités de service. Les agriculteurs ont des
savoir-faire et des matériels qui permettent de vendre des services
tels que le déneigement, le débardage, la semence de gazon, etc.
L’espace agricole peut aussi être valorisé pour les loisirs et des
activités pédagogiques. Cette diversification témoigne d’une
grande inventivité, et elle nécessite un développement de la
polyvalence qui permet le maintien de la main d’œuvre sur le
territoire rural de la métropole.
Ces évolutions ont toutefois du mal à s’institutionnaliser car
elles bouleversent les institutions, le droit et les statuts
28
professionnels. Elle peut aussi être perçue par d’autres métiers
comme une concurrence déloyale.
2)Exposé d’Alexandre BARONNIER et de David RIVET
Boucheries ANDRE est une entreprise familiale créée en 1933 à
Collonges au Mont d’Or, et qui a ensuite déménagé dans la
Dombes. Au moment du passage à la deuxième génération,
l’entreprise est devenue fournisseur de la grande distribution, ce qui
a entraîné quelques années plus tard une situation de dépendance
dangereuse. Grâce à la confiance des fournisseurs, des clients et des
banquiers, l’entreprise a créé un premier magasin au Confluent
(Lyon, 2ème
). Alexandre Baronnier a intégré le groupe en 1994 et a
développé l’entreprise, dont l’effectif est passé de 34 personnes à
220 personnes à ce jour. Le siège est situé à Rillieux la Pape et
l’entreprise dispose de 7 points de vente dans la métropole :
Confluent, Vaulx-en-Velin, Rillieux, Vénissieux, Champagne, Isle
d’Abeau, et Villefranche. Il y a aussi une activité de production qui
emploie 70 personnes : un site de valorisation de la viande à
Corbas, et un site de traiteur repris en 2004, qui produit les
jambons, le pâté en croûte, les brochettes, les saucissons et la
charcuterie.
« Du pré à l’assiette » : l’entreprise est très intégrée de
l’amont à l’aval puisqu’elle a aussi des activités d’élevage de
bovins charolais et limousins et elle a noué des partenariats de long
terme avec des éleveurs, ce qui garantit la qualité du produit, à la
différence des pratiques de vente de vaches laitières réformées sous
l’appellation de viande de bœuf. Les Boucheries André sont les
seules de la région à disposer d’une autorisation de circuit de
distribution de steak haché frais. Une activité de franchise est
également envisagée. Un tel modèle d’intégration en circuit de
proximité est semble-t’il unique en France.
L’entreprise revendique des valeurs lyonnaises de développement
durable :
29
- le respect de l’environnement : choix d’un élevage de qualité,
proximité entre l’élevage et la consommation (maximum d’une
heure de transport), l’ancrage dans les terroirs proches de Lyon, la
valorisation de tous les quartiers de la viande sans déchet,
- le souci du développement économique durable : solidarité avec
les éleveurs lorsqu’ils sont en difficulté, réponse aux besoins des
consommateurs qui exigent de plus en plus la proximité et les
qualités organoleptiques, maîtrise de l’amont et de la traçabilité à la
différence des bouchers qui achètent des muscles sans en connaître
la provenance, qualité de la viande pour un prix inférieur de 10 à 15
% à celui de la grande distribution,
- le respect des hommes : les valeurs de l’entreprise consistent à
promouvoir les savoir-faire, le savoir-être et la confiance en soi. Il
y a également une prise en compte des valeurs des entreprises
familiales, qui font la force du territoire auquel elles sont attachées
et qui permettent d’assurer la pérennité de la filière viande de
qualité. Cette filière peut être représentée sous la forme d’une
pâquerette dont les différents pétales correspondent à des
compétences et à des métiers variés qui doivent travailler ensemble
pour assurer la fraîcheur du produit.
La prouesse des Boucheries ANDRE en termes de modèle
économique est toutefois handicapée par deux principales
difficultés :
- l’impossibilité de créer de nouveaux magasins en ville compte
tenu du coût du foncier.
- des difficultés de recrutement compte tenu du manque de filières
de formation et du faible nombre de vocations pour le métier de
boucher.
En conclusion, le modèle des Boucheries ANDRE est une
contribution au développement harmonieux entre monde rural et
monde urbain : il s’agit de ramener la campagne à la ville.
31
« Les dynamiques métropolitaines de la région
lyonnaise »
Olivier FREROT, Directeur Général de l’Agence d’Urbanisme
pour le développement de l’agglomération lyonnaise
Le Président Robert Paris présente le conférencier, Olivier
FREROT, diplômé de l’Ecole Polytechnique et des Ponts et
Chaussées, qui a dirigé la Direction de l’Equipement de la Loire
après être passé au Ministère de l’Equipement. Il est accompagné
de Vincent COUTURIER, responsable de l’Observatoire
Partenarial Lyonnais de l’Economie (OPALE).
L’exposé commence par la présentation de l’Agence
d’Urbanisme, qui est une association comprenant 35 membres et
prend en charge la réflexion sur la gestion de l’espace au niveau de
la métropole lyonnaise, composée de territoires très différenciés,
organisés autour d’une quinzaine de Schémas de Cohérence
Territoriale (SCOT)
Il existe une réalité métropolitaine au niveau de la région
urbaine de Lyon, même si la structure politique n’existe pas encore.
Un début de formalisation de partenariat commence à être organisé
entre quatre premiers ensembles urbains (Lyon, Saint-Etienne,
Vienne et Nord-Isère). Il porte notamment sur quatre grandes
thématiques :
- la mobilité et les déplacements
32
- l’économie, l’innovation et l’enseignement supérieur et la
recherche.
- l’aménagement et la planification des territoires.
- a culture, les loisirs et le tourisme.
La caractéristique de la métropole lyonnaise est d’être aérée
et verte, puisqu’elle comprend seulement 20 % d’espaces urbanisés
sur un total de 10 000 Kilomètres carrés. Ce phénomène de
métropolisation concerne l’ensemble de la région Rhône-Alpes,
avec deux autres métropoles en cours de constitution : Grenoble-
sillon alpin, et le Franco-Valdo-Genevois.
Considérée au sens large, au niveau de la Région Urbaine
de Lyon, la métropole lyonnaise comprend 3,1 millions d’habitants
et constitue un vaste bassin de 1,3 million d’emplois si l’on prend
en compte Ambérieu, Roanne et Villefranche sur Saône. A ce
niveau, la métropole lyonnaise approche la taille des grandes
métropoles européennes telles que Milan (3,9 millions d’habitants)
ou Barcelone (4,8 millions d’habitants).
Au cours des 50 dernières années, cette métropole a connu
un fort exode rural, et la plus grande partie de la croissance urbaine
s’est faite dans la première couronne de Lyon et de Saint-Etienne,
avant de s’étaler dans les deuxième et troisième couronnes,
notamment dans l’Est lyonnais et dans la plaine du Forez. Les
surfaces artificialisées ont augmenté plus vite que la population, à
la fois en raison de la taille des lots, et du fait de la création de
nombreuses zones d’activité, notamment en ce qui concerne la
logistique. Au seul niveau de l’agglomération lyonnaise, c’est
l’équivalent de la surface du parc de Miribel-Jonage de terres
agricoles qui est consommé depuis 10 ans tandis que les espaces
naturels restent à peu près préservés.
Au cours des 20 dernières années, la croissance de la
population urbaine s’est faite loin des centres, principalement avec
des maisons individuelles, dont la moitié sous forme de
33
lotissements. Ce phénomène peut s’expliquer à la fois par des
facteurs économiques tels que les prêts aidés, le coût élevé du
foncier en ville, ainsi que par des facteurs sociologiques : quête de
la nature, recherche de sécurité, choix d’un environnement social et
diminution du nombre d’habitants par logement. Il faut ajouter à
ces facteurs la facilité de circulation automobile, ce qui a conduit
au doublement des navettes domicile-travail depuis 20 ans, et au
doublement de la distance moyenne entre domicile et travail depuis
1975.
Les perspectives d’évolution au cours des prochaines années sont
les suivantes :
- un vieillissement de la population, puisque l’on prévoit qu’il y
aura en 2020 autant de personnes de plus de 60 ans que de jeunes
en dessous de 20 ans, ce qui aura de lourdes conséquences que l’on
a du mal à anticiper,
- une augmentation de la population de l’ordre de 300 000 à
500 000 habitants d’ici à 2030,
- une incertitude sur le volume de la croissance de l’agglomération
lyonnaise, avec des scénarios d’augmentation variant de + 30 000 à
+ 150 000 habitants.
Ces évolutions amènent à s’interroger sur les politiques à adopter :
- freiner l’étalement urbain et éviter la perte d’espaces agricoles, ce
qui suppose une densification en ville et une organisation de la
péri-urbanisation tout en offrant à chacun un accès à la nature,
- densifier les bâtiments industriels et logistiques (activités en
étages ?) malgré le relativement faible coût actuel du foncier,
- développer la mixité entre activité et logement,
- organiser l’urbanisme autour des gares structurantes : il y a
actuellement 100 gares dans la métropole, et 80 % de la population
habite à moins de 5 km d’une gare,
- rechercher une organisation urbaine multipolaire et pas forcément
une croissance focalisée sur la seule agglomération lyonnaise,
34
- définir des normes architecturales qui s’inscrivent dans la longue
durée, même si la volonté et la capacité d’action publiques sont
actuellement moins fortes que dans le passé,
- accélérer les mises aux normes techniques de Haute Qualité
Environnementale et produire de l’énergie en ville de façon
décentralisée.
En conclusion, la gestion de l’espace au niveau de notre
métropole nécessite une réflexion de fond sur les conditions du
vivre ensemble et de la coopération, dans un contexte où le rôle de
l’Etat tend à disparaître au niveau des territoires.
35
« L’agriculture, un enjeu pour la métropole
lyonnaise »
Gérard SEIGLE-VATTE
Président de la Chambre régionale d’agriculture Rhône-Alpes
Céline BROGGIO
Géographe, Maître de conférences à l’Université
Jean Moulin Lyon 3
Le Président Robert PARIS accueille les invités et rappelle le
thème de l’année centré sur l’interaction entre monde rural et
monde urbain au niveau de la Région Urbaine de Lyon. Il s’agit
que notre métropole à vocation industrielle et diversifiée conserve
tous ses atouts, y compris celui d’une région urbaine multipolaire,
verte et aérée, et dont les espaces agricoles participent à son
attractivité et à sa valeur ajoutée économique.
1)Exposé de Céline BROGGIO
On observe une perte de terres agricoles dans la métropole
lyonnaise comme dans la région Rhône-Alpes, qui ne compte plus
que 65 000 actifs agricoles, soit 41 000 de moins qu’il y a 20 ans.
La perte des terres agricoles dans une région déjà fortement boisée
tient non seulement au développement de l’habitat et à
l’artificialisation des sols, mais aussi à la croissance des espaces
naturels protégés (Natura 2000), ce qui est parfois dommage car il
faudrait considérer les espaces agricoles comme naturels, tout en
générant de l’emploi et de la valeur ajoutés. Toutefois, les
exploitations se sont agrandies (40 ha contre 27 ha), et la valeur
ajoutée globale a augmenté malgré une baisse des prix du lait, de la
viande et du vin. L’économie agricole de notre métropole est très
36
diversifiée. Elle comprend des espaces dynamiques à proximité des
villes, des campagnes en reconversion et des espaces agricoles en
difficulté, notamment dans la partie Ouest.
Notre production agricole est caractérisée par une forte intensité
de démarches qualité, signes de confiance entre les urbains et les
ruraux, puisque 80 % de la surface est concernée par des labels et
par des Appellations d’Origine Protégée, qui englobent désormais
les Appellations d’Origine Contrôlée. Ces signes de qualité
tiennent soit à l’origine, soit au mode de production (bio), soit
encore à un territoire qui se valorise par la qualité de ses produits.
Leur variété rendrait inutile la création d’un label global au niveau
régional et il convient d’éviter la prolifération. Les acteurs de la
qualité sont multiples : Etat (dénominations nationales, sites
remarquables du goût), parcs naturels, exploitants (groupements de
producteurs, produits fermiers), EPCI, départements, etc..Des
circuits courts se développent, comme les AMAP (abonnements à
des paniers) qui sont nombreux dans la Loire. Les productions bio
sont en revanche plus éloignées des centres urbains et sont surtout
localisées en Ardèche ou dans la Drôme.
Cette production bénéficie dans notre métropole de puissants
outils de valorisation en aval, non seulement au niveau de l’agro-
alimentaire, mais aussi grâce à la gastronomie, qui apporte une
notoriété nationale et internationale à nos produits régionaux :
Toques Blanches, événement mondial du pain, salon des vins, etc.,
outre les effets d’entraînement sur d’autres activités, comme le
salon international des métiers de bouche à Lyon (Sirha) ou encore
le secteur de l’emballage.
La qualité des produits agricoles est pourtant loin d’être une
évidence dans nos territoires, car les consommateurs sont à la fois
regardants sur les conditions de production ou d’élevage, la qualité
de la transformation, la réduction des risques alimentaires, tout en
exigeant des prix bas, et en voulant des repas de plus en plus
37
rapides. Ces demandes contradictoires nécessiteront de plus en plus
d’innovations.
Il convient ainsi de ne pas sous-estimer l’importance de nos
espaces ruraux, qui participent pleinement à la richesse actuelle et
potentielle de notre métropole et à la qualité de vie et de
consommation des citadins.
Les questions posées amènent le Professeur Jacques BONNET
à apporter des précisions sur l’importance historique de
l’agriculture dans le développement économique de Lyon. Cela a
commencé dès le 16ème
siècle avec les cultures utilisées pour la
médecine, l’imprimerie, la soierie. L’art des jardins a été développé
à Lyon au 18ème
siècle et la culture des roses est une activité
économique à part entière dans l’agglomération de Lyon. Il ne faut
pas oublier que les Pays-Bas sont un pays très urbanisé, où
l’agriculture est puissante.
2)Exposé de Gérard SEIGLE-VATTE
Il ne faut pas limiter l’agriculture à son seul poids économique
visible, car c’est un enjeu de société tant du point de vue des
volumes de production dans un monde en croissance
démographique que du point de vue de la qualité et de la sécurité
alimentaire. Nous sommes situés dans une Europe qui a tout intérêt
à conserver son autonomie alimentaire, en dépit des distorsions des
conditions de production au niveau mondial (Amérique du Sud par
exemple pour la production de viande à bas prix). Malgré les
subventions européennes, l’agriculture de notre région doit
continuer à se moderniser sous peine de disparaître. Il s’agit d’un
enjeu très important, à la fois compte tenu du poids économique de
l’agriculture dans notre région 70 000 emplois pour 4,5 milliards
d’Euros de production annuelle, et de celui de notre industrie agro-
alimentaire (70 000 emplois également et 9 milliards d’euros de
chiffre d’affaires).
38
Au niveau de notre région et de notre métropole lyonnaise,
notre agriculture fait face à de nombreuses difficultés :
- difficulté d’installation : au niveau de la région, nous
constatons 2 000 à 3 000 départs par an, contre seulement 1 000
installations. Seuls 20% des agriculteurs sont propriétaires de leurs
terres. Les exploitations sont devenues des entreprises, qui
nécessitent des capitaux importants à la fois au niveau des
équipements et des bâtiments, ce qui ne permet pas à de nombreux
agriculteurs d’acheter le foncier et ce qui entraîne aussi une
difficulté de reprise des exploitations par des jeunes agriculteurs.
Avec le morcellement des propriétés, on trouve aussi des cas
d’exploitations de 50 hectares avec 25 propriétaires.
- déperdition de terres agricoles : en 20 ans, notre région a
perdu 80 000 hectares au profit de l’urbanisation et des espaces
protégés, soit l’équivalent des terres arables de la Savoie. Il faudra
à l’avenir conserver du foncier pour l’agriculture, s’inspirer des
allemands qui détruisent beaucoup moins de terres agricoles que
nous, et apprendre à reconstruire la ville sur la ville plutôt que
d’étendre l’urbanisation, avec parfois des absurdités comme la
construction de logements étudiants sur des terres agricoles en zone
périurbaine. La pression foncière entraîne aussi un accroissement
des coûts : le coût du foncier est ainsi de 8 000 € par hectare dans le
Rhône, contre 4 000 € dans la Loire et 1 500 € dans les Deux
Sèvres ; En outre, le mitage des zones périurbaines accroît les coûts
d’exploitation.
- la multiplication des réglementations, qui se superposent :
Natura 2000, trames vertes, interdiction de certains produits
phytosanitaires dont on ne peut pas se passer. Il y a aussi les
groupes de pression de certains écologistes urbains, qui ne
connaissent pas les contraintes du monde agricole : il faudra plus
de pragmatisme et moins d’idéalisme !
Il faut garder à l’esprit que notre agriculture est un atout dans la
métropole lyonnaise. Elle participe à la diversité et à la qualité des
39
paysages. Elle sert de support à la gastronomie, qui fait partie de la
richesse de Lyon, avec des réalisations remarquables comme
l’Institut Paul Bocuse et les salons de gastronomie. Pour se
développer, notre agriculture aura aussi besoin de recherche,
notamment pour mettre au point des espèces plus résistantes aux
variations climatiques, ainsi que pour mettre au point de nouvelles
pratiques et les transférer, par exemple dans le domaine de
l’agriculture biologique.
41
« Synergies dans les relations villes-
campagnes :
Perspectives à l’échelle de la Région
Urbaine de Lyon »
Anne DUBROMEL
Directrice de la Région Urbaine de Lyon
Le Président Robert Paris introduit Anne Dubromel, Directrice de
la RUL, qui avait déjà eu l’occasion d’apporter son éclairage à la
SEPL il y a trois ans sur le thème de la métropolisation. La Région
Urbaine de Lyon partage en effet avec la SEPL la même définition
du territoire pertinent de la métropolisation de Lyon et des villes
environnantes : Grand Lyon, Saint-Etienne, Roanne, Villefranche
sur Saône, Bourg en Bresse, Communautés d’agglomérations du
Nord-Isère, Vienne et Givors. Ce territoire se différencie du G4
(Lyon-Saint-Etienne-CAPI et Vienne) et de l’inter-SCOT (Schémas
de cohérence territoriale), embryons de ce que devrait être une
véritable métropole, avec un niveau permettant de mieux répondre
aux défis du développement durable qu’au niveau des
agglomérations. Il rappelle aussi que l’atout de notre métropole
RUL est d’être un territoire à la fois industriel et campagnard. C’est
une métropole multipolaire où il fait bon vivre, où l’on a réussi
jusqu’à maintenant à concilier innovation et tradition en créant des
richesses grâce à l’effet d’entraînement de l’industrie sur
l’ensemble des activités économiques. Dans les travaux de ces
dernières années, la SEPL a répété avec insistance que cette
prospérité est gravement menacée si une stratégie de coopération
en équipe n’est pas rapidement mise en œuvre au niveau de la RUL
42
pour faire face à la crise et aux cercles vicieux de la
désindustrialisation.
Anne Dubromel commence son exposé en rappelant que la RUL,
créée en 1989, est une instance de réflexion, de concertation et
d’anticipation pour préparer les changements qui s’amorcent. La
RUL est actuellement co-présidée par le Président de la Région
Rhône-Alpes (Jean-Jacques Queyranne) et le Président du Grand
Lyon (Gérard Collomb). Le travail de la RUL permet de préparer
l’avenir avec un budget très limité (moins de 0, 6 million d’Euros
par an pour un organisme, y compris les locaux, les frais de
fonctionnement et l’emploi de 4 salariés). Elle permet de susciter et
d’encourager des initiatives et des projets grâce à sa fonction de
management de projet, de transversalité et de travail collaboratif
entre des organisations en partie cloisonnées : services de l’Etat,
agglomérations, acteurs économiques. A titre d’exemple, la RUL
joue ce rôle de « cluster » ou d’incubateur pour des projets tels que
celui de l’inter-modularité route-fer-fluvial au niveau de la
métropole. La RUL peut jouer ce rôle car elle ne constitue pas un
enjeu politique et elle ne fait pas peur aux institutions en place
grâce à sa discrétion.
En 2010, il a été décidé de lancer un travail de prospective pour
préparer les changements prévisibles à l’horizon de 2030 :
mutations économiques, énergétiques, vieillissement de la
population. Ces changements radicaux nécessitent d’identifier des
pistes de stratégie pour l’action sans préconiser la décroissance.
L’hypothèse formulée dans le cadre de ces travaux animés par
Martin Vanier (Arcadie) est que la diversité du territoire de la RUL
constitue un atout pour trouver des solutions originales pour un
développement durable, c'est-à-dire la recherche de compatibilité
entre développement économique, développement social et respect
des équilibres écologiques. Il s’agit en effet d’un territoire riche de
sa diversité, une espace de rencontre entre terroirs et ouvert sur
l’Europe habité par une population ingénieuse et porteuse des
43
valeurs de l’humanisme. Les thèmes abordés ont été notamment les
suivants :
- comment gérer la complexité de la métropole lyonnaise en faisant
coopérer démocratiquement tous les acteurs publics et privés, et pas
seulement les collectivités territoriales ? Comment organiser les
solidarités entre les diverses parties du territoire ?
- quelle politique commune de l’attractivité de ce territoire en
créant un pôle de développement de niveau européen ?
- comment favoriser l’attractivité touristique et culturelle grâce à la
diversité de nos terroirs et de nos agglomérations, en faisant du
tourisme urbain la porte d’entrée des terroirs ?
- comment trouver ensemble les voies d’un développement
économique et social en donnant accès à tous à l’âge de la
connaissance, en acceptant la diversité sous toutes ses expressions
et en créant des emplois pour tous, y compris au niveau des petits
métiers de service qui permettent aux habitants de la métropole de
vivre ensemble ?
- comment produire localement de l’énergie et découvrir de
nouvelles solutions de mobilité et de déplacements dans la
métropole ?
- comment nourrir la population de façon durable en produisant
davantage localement et en valorisant notre gastronomie et le
« bien manger », qui font partie du savoir vivre ensemble.
La réponse à ces questions nécessite de renforcer la conviction des
trois millions d’habitants de ce territoire que l’une des clés de la
réussite est la synergie entre monde urbain et monde rural au
niveau de la RUL. Cela suppose en particulier de considérer que
l’agriculture est à la fois une gardienne des paysages et une
productrice d’aliments de qualité. Cette synergie passe également
44
par une meilleure coordination et un plus grand professionnalisme
pour structurer l’offre touristique. Elle nécessite aussi de réfléchir à
la politique foncière, notamment pour préserver les espaces
périurbains et éviter la fragmentation des propriétés et des forêts.
A l’occasion du débat, les questions portent notamment sur la
comparaison avec Stuttgart et Turin, qui sont aussi des métropoles
multipolaires qui associent activités industrielles et agriculture et
tourisme rural. Ce débat amène le Professeur Jacques Bonnet
(Université Lyon 3) à apporter quelques précisions à caractère
géographique et historique sur ce territoire qui a des atouts uniques
à ses yeux pour permettre une politique de renforcement de
l’attractivité:
- la région urbaine de Lyon est celle qui a la plus grande densité
industrielle de France, et c’est la capitale française des PMI. Elle a
une histoire industrielle et une tradition de libre entreprise, comme
cela a été décrit par Fernand Braudel.
- ce territoire a quelque chose d’allemand dans sa culture
industrielle, ce qui peut aussi s’expliquer par le fait qu’il appartient
à l’ancienne Lotharingie.
- cette métropole ne pourra vivre qu’en raisonnant au niveau d’une
échelle de projet plus grande que celle des agglomérations qui la
composent : le territoire de la RUL est celui qui est pertinent.
- le point clé est celui de l’attractivité
La séance se termine par une intervention de Nicolas Millet (CCI-
Lyon) qui insiste sur la nécessité de penser le développement de
façon multipolaire, sans reproduire autour de Lyon le mode de
développement bilatéral en étoile que l’on connaît entre Paris et les
principales villes de notre France centralisée.
45
• SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET
• D’ÉCONOMIE SOCIALE DE LYON
• – : –
• DÎNER-DÉBAT du MERCREDI 7JUIN 2012
• Sur le thème :
• La nécessaire réindustrialisation de la
France, quelle contribution de la Recherche
et Développement publique ?
La séance est ouverte par le Président
Robert PARIS à 20 heures.
M. THOMAS.- Je vais passer la parole à
Robert PARIS, Président de la Société d'Economie
Politique et d'Economie Sociale de Lyon.
M. PARIS.- Merci beaucoup Michel. Je
vois que vous êtes efficace puisque vous avez obtenu
que les gens soient assis, presque tous, et puis qu'il y
ait le silence. C'est formidable, je vous repasserai la
parole bientôt.
Mesdames et Messieurs, chers amis, je vous
remercie d'abord d'être venus nombreux assister à la
conférence de M. Bernard BIGOT, Administrateur
Général du Commissariat à l'Energie Atomique et aux
Énergies Alternatives, le CEA.
Je laisserai la place tout à l’heure à Michel
THOMAS qui le présentera comme il sait si bien le
faire et ce sera une partie de plaisir pour nous tous.
46
M. Bernard BIGOT interviendra sur un
sujet extrêmement important en ce moment (il l’a
toujours été en fait) : c'est celui de la
réindustrialisation. Vous savez que c'est un sujet qui
m'occupe depuis longtemps et qui continuera de le
faire. Bernard BIGOT est un grand spécialiste et, en
tous cas, en matière d'énergie, il est imbattable. Il l’a
démontré tout à l'heure lors d'une mini-conférence de
presse et il s'appuiera sur ce qu'il connaît des
possibilités de la recherche et du développement public
pour présenter le sujet de cette soirée.
Je connais bien Bernard BIGOT puisque
j’ai eu le plaisir de réfléchir avec lui sur un thème qui
nous a mobilisés bien longtemps : il s'agissait de
proposer et de justifier l'implantation d'un réacteur
nucléaire en Rhône-Alpes.
Mais avant de passer la parole à Michel
THOMAS et à Bernard BIGOT, je voudrais ouvrir cette
soirée en vous disant quelques mots sur la SEPL et ses
activités.
Vous savez tous que la SEPL est une
société de réflexion et de prospective qui a été créée en
1866. C'est une société apolitique qui a été fondée à
l'époque par des personnalités lyonnaises influentes en
particulier le Président du Crédit Lyonnais, Henri
Germain et le Secrétaire Général de la CCI de Lyon,
Jean TISSEUR, dont je salue aujourd'hui les
représentants.
Cette société apolitique a donc une grande
liberté de parole dont elle n'abuse pas. Parmi ses lettres
de noblesse sachez qu'elle a reçu des personnalités
importantes du monde politique et économique depuis
1866, c'est-à-dire 146 ans, les trois dernières étant Jean
Pierre RAFFARIN, Gérard COLLOMB et Luc FERRY
qui avaient été de brillants orateurs. Je suis persuadé
que M. Bernard BIGOT les rejoindra dans cette
47
catégorie. Je ne citerai pas tous les autres, car cela
serait beaucoup trop long.
L'un d'entre eux avait dit que la
prospective exigeait de voir large et loin et surtout de
penser à l'homme. En cette période de crise il est
important de s'en inspirer, surtout quand on sait que nos
objectifs, ceux de la SEPL, sont clairement d'aider le
monde politique et économique à réaliser ses ambitions,
notamment celle de faire de Lyon une grande métropole
multipolaire et aussi parler de la réindustrialisation de
cette métropole.
Pour cela il fallait nous appuyer sur les
jeunes, les écoles, les universités, sur la recherche et
nous avons ouvert un grand chapitre sur les synergies
avec l'entreprise.
Ceci étant, je veux remercier tout
particulièrement les intervenants de la session écoulée :
Jean AGNES, Président du Groupe GABIS,
ancien Président de la CCI de Lyon et Catherine
MERCIER SUISSA, I.A.E. de Lyon, Maître de
conférences. Jean ARCAMONE, Président de ARCHE
MANAGEMENT et Alfred REITER, Directeur Général
de CINETIC MACHINING (Groupe Fives), Patrick
MUNDLER, Enseignant-Chercheur à l’Isara Lyon et
Guillaume BARONNIER, Direction Générale des
Boucheries ANDRE, Gérard SERGLE-VATTE,
Président de la Chambre d’Agriculture Rhône-Alpes et
Céline BROGGIO, Géographe, Maître de conférences à
Lyon3, ( parce qu'on a aussi parlé d'agriculture) Enfin,
Olivier FREROT, Directeur Général de l’Agence
d’Urbanisme au Grand Lyon et Anne DUBROMEL ,
Directrice de la Région Urbaine de Lyon.
Je salue la présence d’Alain MERIEUX qui
est peut-être le plus grand serviteur de la cause
industrielle lyonnaise, avec Michel ROBATEL qui est
48
également parmi nous et a beaucoup œuvré pour
l'industrie dans la région Rhône-Alpes.
Je remercie également les représentants de
la CRCI Rhône-Alpes et des CCI de Lyon et Bourg-en-
Bresse ( je me réjouis de constater que le Département
de l’Ain est représenté à notre soirée ), le 1er Vice-
Président de Lyon III, Alain ASQUIN, Bernard
BUISSON, Directeur Général Adjoint du Crédit
Agricole Centre Est, Pascal. DESAMAIS, Directeur
Général d’ISARA Lyon, que j'ai vu tout à l'heure mais
que je n'ai pas pu saluer, Jean-Luc DUFLOT, Directeur
du Réseau Rhône-Alpes Auvergne de LCL qui fait
partie des membres du Conseil d’Orientation de notre
Association, Emmanuel IMBERTON, Vice-Président de
la CCI de Lyon, qui représente le Président Philippe
GRILLOT, également membre de notre Conseil, Jean-
Louis MARTIN, Président de l'UIC Rhône-Alpes,. Jean
Roger REGNIER, Délégation Régionale EDF, Bernard
SINOU, Directeur Général de la CCI,. Michel SIMON,
Président de la SFEN Rhône-Alpes, la Société Française
d'Energie Nucléaire, Yves-Marie UHLRICH, Maire
d'Ecully, fidèle de nos dîners-débat et bien d'autres que
vous me pardonnerez de ne pas citer faute de temps.
Je remercie aussi Mme JIMBERT que tout
le monde connaît et les membres du Bureau de la SEPL
qui nous ont aidé dans la réalisation de cette soirée.
Je pense que vous prendrez du plaisir tout à
l’heure à écouter M. BIGOT et je vais maintenant
appeler votre attention sur le déroulement de la soirée.
Nous servirons tout d’abord l’entrée (ce qui
est en cours d’ailleurs). Ensuite, Michel THOMAS,
Membre de notre Bureau, présentera notre Hôte
d’Honneur avant de lui donner la parole pour exposer
ses vues sur le sujet que nous traitons ce soir.
49
Le repas se poursuivra ensuite et avant le
dessert, Bernard BIGOT se prêtera au jeu des questions-
réponses que vous aurez bien voulu préparer à chaque
table. Ces questions seront « récoltées » par Michel
THOMAS qui, comme à l’accoutumée, en fera un
résumé pour les soumettre ensuite à Bernard BIGOT.
Un mot pour finir. Comme vous le savez
sans doute, la SEPL va changer de Président, puisque
mon mandat va s’achever avec l’Assemblée Générale
qui se tiendra en Octobre. C’est Yves MINSSIEUX,
banquier, qui a été pressenti pour me remplacer et qui
a accepté.
C’est un homme précis et brillant et je suis
persuadé que notre Association sera alors dans de très
bonnes mains.
Par ailleurs, Yves Minssieux aura un
bureau élargi par l’arrivée de deux jeunes membres :
Guillaume COCHET, Président de la
Fédération des Jeunes Chambres Economiques Rhône-
Alpes, Agent Général AXA Assurances
Gaétan de SAINTE MARIE, Président de
PME CENTRALE
La Vice-Présidence de la SEPL devrait être
confiée à Gaétane HAZERAN, Crédit-Manager
consulting opérationnel ARCANSAS CMC PLUS,
Présidente d d’Honneur d’Action’elles
Ces nominations devraient être validées
également lors de l’AG du mois d’Octobre.
50
Je vous souhaite un bon appétit à tous.
Profitez de votre soirée qui, je l’espère sera détendue et
conviviale. Comme vous l’aurez constatez, nous avons
placé sur chaque table des documents d’information sur
la SEPL, et, notamment un bulletin d’adhésion que je
vous invite à remplir et à remettre à Madame JIMBERT
car, bien évidemment, notre souhait est de réunir le plus
possible d’adhérents !
(Applaudissements)
(Suspension de séance)
M. THOMAS.- Mesdames, Messieurs, vous
ne pensez tout de même pas que vous êtes venus ici
pour bavarder. Je vais donc avoir l'honneur de vous
présenter M. Bernard BIGOT si vous voulez bien me
prêter votre attention.
Bernard BIGOT n'est pas de chez nous. Il
est né à Blois en janvier 1950 et il est tombé très tôt
dans les questions relatives à l'énergie puisque son père
dirigeait une petite entreprise de distribution de
combustibles. C'est vous dire. Il va faire de très
brillantes études secondaires à Tours puis s'oriente vers
la chimie, aboutit à l'Ecole Normale Supérieure de
Saint-Cloud. À l'issue de sa formation et de ses études
il devient agrégé de chimie, docteur ès sciences
physiques.
Par conséquent, vous avez affaire à un
chimiste.
Il a également mené une très belle carrière
universitaire qui l'a emmené en particulier jusque dans
notre bonne ville de Lyon pour y exercer à l'Ecole
Normale Supérieure sciences d'abord en qualité de
directeur adjoint chargé de la recherche puis en
51
assumant la direction de cette école elle-même de 2000
à 2003.
Ce passage à Lyon en fait quasiment l'un
des nôtres et nous sommes donc très heureux qu'il ait
accepté d'être ce soir l'hôte d'honneur de la Société
d'Economie Politique.
Mais, en fait, Bernard BIGOT est
également et surtout un des acteurs essentiels de la
recherche scientifique dans notre pays. En effet, quand
on cumule de pareilles compétences on ne peut
évidemment pas rester cantonné dans une fonction
d'enseignant pour belle et noble que soit cette tâche.
C'est ainsi qu'il a été appelé très souvent à occuper de
hautes fonctions au sein de l'administration et de la
recherche.
Jugez-en, je cite au hasard : chef de la
mission scientifique et technique, puis directeur général
de la recherche et de la technologie au Ministère chargé
de la recherche de 1993 à 1997, il était alors déjà
membre du Comité à l'Energie Atomique.
Directeur de l'Institut de recherche sur la
catalyse (1998-2002), directeur du cabinet de Claudie
HAIGNERE (ministre déléguée à la Recherche et aux
Nouvelles Technologies), puis directeur adjoint du
cabinet de Luc FERRRY que nous avons reçu l'an
dernier comme hôte d'honneur lorsque celui-ci était
Ministre de la Jeunesse, de l'Education Nationale et de
la Recherche entre 2002 et 2003.
En juillet 2003, Bernard BIGOT est nommé
Haut-Commissaire à l'Energie Atomique, poste qu'il
conservera jusqu'en mai 2009. Il est, notez-le bien, le
septième à occuper ce poste depuis la création de cette
fonction en 1945, fonction dans laquelle il a succédé à
des précurseurs prestigieux comme Frédéric JOLIOT-
CURIE ou Francis PERRIN.
52
Entre temps, il a été nommé en janvier
2009 Administrateur Général du Commissariat à
l'Energie Atomique et il est entré également en 2009 au
Conseil d'Administration d'Areva. Il y a quelques mois
il a été reconduit en qualité d'administrateur général du
Commissariat à l'Energie Atomique pour une durée de
trois ans à compter de janvier 2012.
Je ne m'attarderai pas sur ses autres
fonctions ici et là, au Conseil Économique de la
Défense, au Centre informatique national de
l'enseignement supérieur ou à l'Alliance Nationale de
Coordination de la Recherche pour l'énergie.
Je ne vous parlerai pas non plus de ses
nombreuses publications scientifiques sur la physico-
chimie quantique appliquée à la photochimie, à la
catalyse hétérogène, à la réactivité en phase liquide et à
l'énergie nucléaire.
Eh bien non ! je ne vais pas vous parler de
tout cela. Pour préparer cette petite présentation j'ai
préféré folâtrer sur Internet pour retrouver un certain
nombre de ses interventions, de ses avis ou de ses
opinions sur la science, l'énergie et même sur le monde.
Et j'en ai isolé quelques-unes, qu'il me
pardonnera d'avoir sortie de leur contexte, pour
simplement montrer qu'on peut être un scientifique de
très haut niveau, conserver les pieds sur terre et surtout
savoir se projeter dans l'avenir en dépassionnant les
choses.
Ainsi, par exemple, Monsieur BIGOT, vous
vous êtes beaucoup exprimé sur l'énergie, ce qui est
bien normal compte tenu de vos fonctions. Je vous cite
au hasard :
"Sans le nucléaire, la facture énergétique
de la France exploserait".
"La sortie du nucléaire, c'est un coût
probable de 700 milliards d'euros."
53
"On ne fait pas du nucléaire par plaisir
mais par nécessité, pour la production massive
d'électricité avec un prix acceptable et sans émissions
de CO2".
"Descendre à 50 % de nucléaire, pourquoi
pas ? Mais pas de manière précipitée."
"Si nécessaire, organisons un débat sincère
où le pays se donne une vraie vision de la manière dont
il se projette dans l'avenir pour ses moyens de
production de l'électricité dont il aura besoin".
Ecoutez celle-là : "Le nucléaire n'est pas
dangereux aussi longtemps qu'on a la certitude qu'il
peut l'être."
Moi je trouve cela remarquable de bon
sens.
Vous essayez également, Monsieur BIGOT,
de vous projeter dans l'avenir lorsque vous dites : "Il
n'y a pas de "tout" : pas de tout nucléaire, de tout
électrique ou de tout renouvelable. Il n'y a pas une
énergie qui présente tous les avantages tout le temps
pour tous les usages. Il y a nécessairement un bouquet
énergétique."
Ou encore, "Il est très vraisemblable qu'un
bouquet énergétique s'imposera, accompagné d'une
réduction drastique de notre consommation par
habitant." Cela c'est pour les lendemains qui chantent.
Vous conviendrez que cette perspective
n'est pas très encourageante pour nous qui avons pris
l'habitude de vivre dans le confort énergétique.
Et pourtant vous êtes encore un optimiste
démoniaque lorsque vous dites : "40 litres d'eau et la
batterie d'un ordinateur portable contiennent
suffisamment de lithium, précurseur du tritium, et de
deutérium pour satisfaire la consommation électrique
actuelle d'un Européen pendant quarante ans !". Cela
c'est magnifique parce que je trouve que c'est une
54
preuve d'optimisme considérable dans la capacité de la
science à résoudre nos problèmes.
Enfin, vous énoncez une critique à peine
voilée au sujet de notre système de formation en
soulignant que "pour la plupart des jeunes les métiers
de la chimie se résument à ceux de chercheur ou
d'ingénieur. Or, il y a toute une chaîne de métiers, du
technicien (niveau CAP) jusqu'à l'ingénieur, qui sont
moins connus mais tout aussi importants".
Et vous dites encore à titre d'exemple, "La
France manque de toxicologues. Du coup, les études
toxicologiques sont réalisées aux Pays-Bas. Vous
trouvez ça normal ?"
On en pose des questions.
Au hasard de mes recherches j'ai très
souvent trouvé dans votre bouche le mot "confiance."
Ce mot vous est très souvent reproché dans
les nombreux blogs, articles ou interviews de vos
contradicteurs, qui sont même parfois, on peut bien le
dire, des détracteurs.
L'optimisme est certes une qualité, et
surtout une excellente façon de lutter contre le stress.
Mais n'est-il pas aussi une façon de se masquer la
réalité des choses ou de sous-estimer les risques ?
J'aimerais bien avoir ce soir votre avis sur ce point
précis.
Le thème que vous avez choisi de traiter
devant nous est "la nécessaire réindustrialisation de la
France, quelle contribution de la Recherche et du
Développement Public ?"
Tout le monde sait bien que ce qui fait la
force de nos voisins allemands c'est le formidable tissu
industriel sur lequel repose leur économie.
Nous semblons quant à nous depuis des
années avoir plutôt voulu développer les services au
détriment de la production industrielle. On constate
55
également que près de la moitié des ressources de nos
compatriotes sont des revenus de redistribution et non
des revenus de production.
Lorsqu'on regarde les chiffres de l'emploi
on constate un prodigieux déficit en matière de
formation d'ingénieurs, de techniciens, en un mot de
producteurs. En revanche, on a une pléthore de
commerciaux qui n'ont rien à vendre ou se bornent à
acheter pour revendre et de gestionnaires qui n'auront
bientôt plus rien à gérer si cela continue. Le reste c'est
la merveilleuse "économie de service" dont je me
demande parfois quelle est sa valeur ajoutée....
Ce constat met en évidence qu'il convient
de mener dans notre pays un énorme effort de
restructuration non seulement de son système productif
mais bien aussi de son système de valeurs, de son
système de formation, voire de son système de
répartition des richesses. C'est un enjeu majeur qui ne
me paraît pas avoir été abordé de quelque façon que ce
soit au cours de la récente campagne présidentielle et
qui est encore plus absent dans la quasi confidentialité
de l'actuelle campagne législative.
Monsieur l'Administrateur Général, nous
sommes impatients de vous entendre sur cet enjeu qui
conditionne sans aucun doute l'avenir de nos enfants, de
nos petits enfants et les petits enfants de nos petits-
enfants.
Alors, avant de vous céder le micro je vais
simplement rappeler les modalités de continuation de
cette soirée. M. BIGOT va nous faire part de son avis
sur le thème qu'il nous a proposé. Ensuite, nous
prendrons le plat principal et pendant que vous aurez à
déguster ce plat vous réfléchirez. Au moment où on
vous apportera le fromage vous rédigerez pour chaque
table une question à poser à notre conférencier. La table
d'honneur aura droit à deux questions. Et puis je
56
passerai ramasser les copies. J'essaierai de faire une
synthèse de ces questions parce que l'expérience montre
que quelquefois elles se regroupent et on ramènera cela
à quatre ou cinq questions génériques que je poserai en
votre nom à notre conférencier. Je lui cède maintenant
la parole et vous remercie de votre attention.
(Applaudissements)
M. PARIS.- Merci Michel, vous avez été
égal à vous-même. Donc, cela a été très bien et il faut
souhaiter que notre conférencier soit sur le même
rythme.
M. BIGOT.- Merci beaucoup, Monsieur le
Président. Je vais essayer de partager avec vous
quelques-uns des éléments de conviction qui sont les
miens quant à cet enjeu de réindustrialisation.
Tout d'abord, l'introduction qui a été faite
démontre une chose, l'incroyable puissance qui est celle
d'Internet aujourd'hui. Vous ne pouvez pas prononcer
un mot sans qu'il soit complètement inscrit dans le
marbre et diffusé où que ce soit, même s'il est
complètement déformé.
Par exemple, je n'ai jamais dit que cela
coûterait 750 milliards. Je peux vous donner exactement
la genèse de cet évènement. J'étais dans mon bureau
pour une interview qui devait parler d'énergie
renouvelable et cela le même jour où une banque
allemande disait que sortir du nucléaire coûterait sans
doute pour l'Allemagne 250 milliards d'Euros. Le
journaliste m'a dit "Monsieur BIGOT, savez-vous
combien cela va coûter ?" Je lui ai dit "je n'en sais
rien, personne ne peut savoir parce que cela va
dépendre des hypothèses que nous allons prendre, dans
quelles conditions vont se situer l'énergie nucléaire et
les énergies renouvelables". J'ai bien senti qu'il ne s'en
contenterait pas et je lui ai dit "voilà, c'est très simple,
57
nous avons trois fois plus de nucléaire que l'Allemagne,
à vous de juger."
Et vous savez très bien le titre qu'il a fait.
En fait, l'article traduisait très fidèlement mon propos,
mais le titre était complètement réducteur, bien
évidemment. Cela fait partie du jeu.
Je vais peut-être vous surprendre parce que
pour beaucoup d'entre vous, le CEA, c'est la vision du
CEA historique qui a été créé en 1945, qui a reçu
mission du Général de Gaulle de tirer le meilleur parti
de l'atome dans le domaine de l'industrie.
C'est très intéressant, le premier mot est
l'industrie. Venaient ensuite la recherche, la défense et
en dernier lieu la santé.
Mais le CEA est comme tout un chacun, il
évolue dans le temps. Et, après, je le crois, avoir assez
brillamment réussi à aider la France à se doter d'une
capacité nucléaire dans les champs que je viens de vous
expliquer il s'est ouvert à d’autres domaines par une
histoire que je voudrais vous raconter si cela vous
intéresse.
Réindustrialisation, je crois que chacun a
conscience que la France connaît une effroyable
destruction progressive de son tissu industriel depuis 20
ans. Ce n'est un secret pour personne. L'industrie a
perdu plus de 100.000 emplois industriels en 3 ans.
Entre 2000 et 2010 le poids de l'industrie dans
l'économie française est passé de 17,8 % à 12,6% dans
le produit intérieur brut.
C'est une perte de 5,2 points, presque un
tiers en proportion en 10 ans.
Cela représente une perte de l'ordre de 100
milliards dans le produit intérieur brut en année pleine
et pour que chacun mesure bien ce que cela veut dire il
convient de savoir que le montant de notre produit
intérieur brut en 2011 a été de l'ordre de 2000 milliards.
58
C'est 5 % grosso modo qui a été réduit. Et pour que
chacun mesure bien encore ce que cela signifie, la
totalité de nos exportations en année pleine est de
l'ordre de 430 milliards d'Euros. Donc, 100 milliards,
un quart de notre capacité exportatrice.
À ce rythme ce n'est pas difficile de
comprendre que si nous continuons comme cela dans
une génération nous n'aurons plus d'industrie
manufacturière. Et cette tendance n'est pas seulement
celle de la France, cette tendance est générale en
Europe puisque entre 2000 et 2010 le poids de la valeur
ajoutée cette fois-ci manufacturière dans le produit
intérieur brut européen est passé de 19,2 % à 15,5 %,
soit un recul de 3,7 points de cette valeur.
Ce n'est pas égal pour tous les pays.
L'Allemagne elle-même a reculé. Elle a reculé de 20,8 à
18,7 mais la France, elle, a reculé de 14,4 à 9,3. Donc,
nous sommes passés en-dessous des 10 % de la valeur
ajoutée dans l'ensemble de notre produit intérieur brut
qui relève de l'industrie.
Il y a là un vrai problème et pour donner
quelques chiffres encore j'ai lu qu'il y a 30 ans en
France parmi les produits manufacturiers de grande
consommation, ceux qui étaient les plus utilisés, 40 %
d'entre eux étaient produits en quasi-totalité dans notre
pays. Aujourd'hui c'est moins de 5 %.
Ce constat est général et il n'est pas, d'une
certaine manière, contestable. Il est évident que nous
avons reculé dans ce domaine.
Quelques indicateurs au hasard : un
indicateur de compétitivité industrielle aujourd'hui est
le nombre de robots installés dans les usines.
En 2010 en France il y avait grosso modo
35.000 robots industriels. Il y en a deux fois plus en
Italie, 62.500, 4 fois plus en Allemagne, 148.000. Et
l'écart ne tend qu’à se creuser. Quand les industriels
59
français installaient 3000 nouveaux robots en France en
2011, les industriels allemands en installaient 20.000 et
les industriels chinois 52.000. En Corée actuellement
vous avez plus de 100.000 robots et je ne parle pas du
Japon où vous en avez 290.000. Il est clair qu'il y a des
diagnostics qui parlent d'eux-mêmes.
Et, surtout, ne me dites pas que les robots
sont destructeurs d'emploi, au contraire, ils sont
créateurs d'emploi. Un robot nécessite au minimum
trois personnes pour être effectivement en fonc-
tionnement. Donc si le robot gagne en productivité,
vous conquérez des marchés et par là même vous créez
de l'emploi.
Un autre indicateur performant est la
balance commerciale. On est dans un monde ouvert.
Comme vous le savez sans doute la France est
largement déficitaire. En 2011, c'était 70 milliards de
déficit. Nous avons une couverture inférieure à 86 %.
L'Allemagne a fait plus 180 milliards d'euros de
surplus, donc 107 % de couverture. Voilà quelques
éléments que je voulais partager avec vous pour vous
convaincre que le mot réindustrialisation n'est pas un
vain mot, c'est une urgence et une nécessité.
C'est, d'une certaine manière, l'obsession de
tous ou tout du moins ce que je souhaite c'est que cela
le soit depuis l'ouvrier jusqu’à l'ingénieur, de
l'entrepreneur ou le jeune à la recherche d'emploi
jusqu’au retraité inquiet de la valeur de sa pension.
Mais cette préoccupation, cette obsession
de la réindustrialisation, je voudrais vous convaincre
qu'elle est aussi celle du CEA, et ce depuis des
décennies. Ce qu'est le CEA aujourd'hui est bien
différent de ce qu'il était en 1945 quand il a été créé.
C'est, aujourd'hui, un organisme de recherche et
développement tout entier mobilisé pour créer de la
valeur économique et favoriser l'emploi technologique,
60
c’est créer de notre valeur ajoutée dans ses domaines de
compétence et son mot d'ordre qui se trouve désormais
sur son logo type récemment adopté est "de la recherche
à l'industrie", de la compréhension la plus fondamentale
des phénomènes de la nature jusqu'à un démonstrateur
préindustriel susceptible d'intéresser l'industriel, de le
convaincre qu'effectivement il y a avec cette innovation
une vraie capacité à conquérir des parts supplé-
mentaires de marché.
Dans le monde entier, et plus
particulièrement depuis les années 50, la performance
économique et notamment industrielle d'un pays est
fortement corrélée à son investissement dans la
recherche. Plus particulièrement dans la recherche
technologique et dans la répartition des moyens
consacrés à la recherche entre les trois composantes de
la recherche, même si celles-ci ne sont pas cloisonnées,
bien évidemment, il y a de la perméabilité entre elles.
La recherche la plus fondamentale, c'est-à-
dire la recherche exploratoire, celle qui développe des
concepts entièrement nouveaux, qui découvre les
éléments de rupture les plus inattendus. Ce n'est pas en
essayant d'améliorer la bougie qu'on a découvert le
transistor. C'est vraiment la liberté la plus complète qui
doit prévaloir.
Vous avez ensuite la recherche techno-
logique, celle qui a pour mission justement l'intégration
de ces découvertes dans un système ou procédé
innovant et qui vise d’en faire démonstration à l’échelle
du laboratoire ou de l'organisme.
Et puis le dernier composant, bien sûr,
c’est le développement industriel.
Vous le savez peut-être, à eux seuls les
Etats-Unis, l'Union Européenne et le Japon représentent
plus de 70 % des dépenses mondiales de recherche et
développement. Ce n'est pas par hasard que ce sont les
61
plus dynamiques du point de vue industriel. Les Etats-
Unis c'est 34 %, l'Union Européenne 27 % et le Japon
13 % environ.
La Chine que vous savez particulièrement
dynamique occupe juste la troisième place derrière les
Etats-Unis et l’Allemagne, au même niveau que le
Japon avec 9,3% et elle progresse à un extrêmement
grand rythme.
Si on cite tous les pays qui ont une activité
de recherche et développement vous avez, bien sûr,
outre ceux cités, la Corée du Sud, par exemple, très
clairement qui est dans le jeu.
Voilà ce que je voulais vous dire d'entrée.
Dans tous les cas l'investissement public représente
généralement de 35 à 60 % de l’investissement national
dans la recherche et développement il est en effet
nécessaire qu'il y ait de l'investissement public sinon il
n'y a pas de socle de savoir pour véritablement avoir
une politique de recherche active.
Un des points importants est qu'en France
on consacre 45 milliards d’euros (l'ensemble de la
collectivité nationale) à la recherche. Je vous ai donné
l'ordre de grandeur du PIB 2000 milliards. Ce n'est pas
tout à fait négligeable (2,25%). En France, ces 45
milliards, c'est 64 % fourni par le monde industriel et le
complément est fourni par l'État, c'est-à-dire à peu près
15 milliards que la puissance publique apporte
effectivement au soutien de la recherche dans son
ensemble.
La question essentielle est : est-ce que cet
investissement porte tous les fruits attendus, notamment
quand on compare notre situation à d'autres pays ?
Pour cela je voudrais comparer la
proportion des investissements totaux de recherche et
développement entre les trois catégories de recherche
que j'ai mentionnées : recherche fondamentale,
62
recherche technologique, développement industriel
d'une part aux Etats-Unis et d'autre part en France.
Aux Etats-Unis, comme dans tous les autres
grands pays industriels que j’ai cités à quelques
pourcents près, c'est 18 % de la totalité de
l'investissement de recherche nationale qui est consacré
à la recherche fondamentale, 22 % à la recherche
technologique, 60 % à la cherche industrielle.
En France c'est 33 % à la recherche
fondamentale, 5 % à la recherche technologie et 62 % à
la recherche industrielle.
Je crois que ces chiffres parlent d'eux-
mêmes. Nous ne sommes pas nécessairement en déficit
au moins en proportion sur le développement industriel.
Nous sommes surdimensionnés dans notre
pays en termes de recherche fondamentale et nous
sommes totalement sous-gréés pour ce qui concerne la
recherche technologique.
C'est un rapport pratiquement d'un quart,
comme vous le constatez, entre le poids de la recherche
technologie dans les Etats-Unis et en France. Pour tous
les grands pays industriels, grosso modo, c'est de
l'ordre de 60 % pour la cherche industrielle, de l'ordre
d'un cinquième environ pour la recherche technologique
et à peu près l'équivalent pour la recherche fonda-
mentale. Généralement, la recherche technologique est
un peu plus forte.
Pour moi ce n'est pas le seul facteur de
notre déficit, mais c'est un des facteurs essentiels. Nous
ne savons pas transformer des découvertes
fondamentales sur lesquelles la France est tout à fait au
meilleur niveau en produits.
Et le CEA effectivement se situe
exactement sur ce créneau d'essayer d'aller depuis la
recherche la plus fondamentale jusqu'à l'extrême de la
recherche technologique, c'est-à-dire la démonstration.
Organiser la synergie entre monde rural et monde urbain
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  • 1. ORGANISER LA SYNERGIE ENTRE MONDE RURAL ET MONDE URBAIN DANS LA METROPOLE LYONNAISE : VERS UN MODELE DE METROPOLE INDUSTRIELLE VERTE ? Synthèse des travaux de la session 2011-2012 Octobre 2012 Editeur : SEPL Société d’Économie Politique et d’Économie Sociale de Lyon
  • 2.
  • 3. 3 SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET D’ÉCONOMIE SOCIALE DE LYON Sommaire 1 – Note de synthèse des travaux de l’année 2011-2012…………………… 5 2 – Comptes-rendus des conférences de l’année 2011-2012 -Patrick MUNDLER, Enseignant chercheur (économie de l’environnement) à l’ISARA Lyon, Agrapôle et Alexandre BARONNIER et David RIVET, Direction Générale des BOUCHERIES ANDRE « Nourrir la métropole lyonnaise de manière durable par des circuits de proximité »………………………………………… 23 -Olivier FREROT, Directeur Général de l’Agence d’Urbanisme de Lyon et Vincent COUTURIER, responsable de l’Observatoire Partenarial Lyonnais de l’Economie (OPALE) « Aménagement de l’espace et usage des sols entre urbains et ruraux dans la métropole lyonnaise ».................................................................... 31 -Gérard SEIGLE-VATTE, Président de la Chambre Régionale d’Agriculture de Rhône-Alpes et Céline BROGGIO, Géographe, Maître de Conférences à l’Université Lumière Lyon3 « L’agriculture, un enjeu pour la métropole lyonnaise »…………...............................................……… 35 -Anne DUBROMEL, Directrice de la Région Urbaine de Lyon « Synergies dans les relations villes-campagnes : perspectives à l’échelle de la région urbaine de Lyon » …………………………….........................……. 41 Hôte d’Honneur : Bernard BIGOT, Administrateur Général du Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives « La nécessaire réindustrialisation de la France, quelle contribution de la Recherche et Développement Publique ? »………………........... 45 3) Annexes ………………………………………………………………….. 107
  • 4. 4 Contacts : Robert PARIS, Président de la SEPL e.mail : paris_robert@yahoo.fr Yves MINSSIEUX, Vice-Président e.mail : minssiye@gmx.fr Marc BONNET, past Président de la SEPL e.mail : bonnet@iseor.com Philippe HUET Secretariatgeneral.sepl@yahoo.fr Renée JIMBERT, Secrétaire Administrative de la SEPL e.mail : renee.jimbert@lcl.fr
  • 5. 5 NOTE DE SYNTHÈSE ET PROPOSITIONS DE LA SEPL 1)Choix du thème Il peut sembler surprenant que la SEPL ait choisi de faire porter son thème de travail pour l’année 2011-2012 sur le monde rural dans la métropole lyonnaise. En effet, ce groupe de réflexion et de proposition est habituellement centré sur la nécessité du renouveau industriel pour assurer un développement économique et social durable de Lyon et des cités environnantes. Pourtant, les travaux de cette session de la SEPL montrent que la complémentarité entre monde rural et monde urbain est une des conditions du renouveau industriel, ce qui doit être mieux explicité. En effet, une première analyse laisse à penser que la complémentarité entre monde rural et monde urbain dans notre métropole se limite principalement à la gastronomie lyonnaise, où les savoir-faire artisanaux ont réussi à créer un assemblage subtil des produits des terroirs extraor- dinairement diversifiés et riches de traditions, dans un rayon de moins de 100 km autour de Lyon . Toutefois, une analyse plus approfondie présentée à la SEPL par le Professeur Jacques Bonnet1 a montré que le monde rural de notre métropole ne doit pas être réduit à son apport à la gastronomie. D’une part, le développement des activités agricoles est complémentaire du développement urbain pour soutenir la croissance économique, comme l’illustre le cas des Pays-Bas2 .ou encore celui de la « permaculture3 », visant notamment à ajouter de la valeur aux productions agricoles locales 1. Bonnet J., Broggio C., Millet N. (2010) : Entreprises et territoires. Ellipses. 2 Lyon et sa région ont aussi une activité horticole importante, par exemple pour la création et la production de roses. 3 Mollison, B. Holmgren, D. (1978, 1986) : Permaculture 1, une agriculture pérenne pour l'autosuffisance et les exploitations de toutes tailles, Éditions Charles Corlet.
  • 6. 6 existantes, ainsi que les expériences d’agriculture urbaine4 et de plantations hors-sol. D’autre part, le développement industriel de notre métropole est en partie lié à celui du monde rural pour des raisons historiques et géographiques : dès le 16ème siècle, l’activité économique industrielle à Lyon a eu besoin du monde rural, par exemple pour les vers à soie nécessaires au tissage, les plantes médicinales pour la pharmacie ou encore les produits pour l’imprimerie, etc…. L’interaction entre monde rural et monde urbain avait aussi été soulignée à plusieurs reprises dans les réflexions de la Société d’Economie Politique et d’Economie Sociale de Lyon, et les quatre derniers ouvrages de la SEPL avaient mis en évidence les atouts actuels et potentiels de la synergie entre les villes et les campagnes de notre métropole : - Les travaux de la session 2006-2007 centrés sur le tourisme d’affaires5 montraient l’impact des activités de congrès et d’accueil des visiteurs. La SEPL insistait alors sur la nécessité de remédier à la fragmentation de l’offre afin de rester un pôle d’attraction pour des investisseurs potentiels, comme dans l’exemple du congrès BioVision : besoin d’hôtels gros porteurs à Lyon et manque de chambres d’hôtes dans la métropole pour faire face aux pointes d’activité, nécessité d’un plan d’action commun entre la multiplicité des acteurs et des offices du tourisme à Lyon, dans le Rhône, la Loire, etc., nécessité de structurer une offre variée en associant les activités de tourisme urbain et de tourisme rural. - La session 2007-2008 avait été centrée sur les avantages stratégiques et d’attractivité de notre métropole, à la condition d’adopter une méthode de travail en équipe entre Lyon et les 4 Boisot, H. (1999). Les représentations de l'agriculture péri-urbaine : Périgny- sur-Yerres ou l'utopie d'un lieu de rencontre entre le monde rural et le monde citadin. Ecole d'architecture de Paris-la-Villette et EHESS. 5 SEPL (2007) « Le développement du tourisme d’affaires à Lyon et dans sa région. ». Rapport Sepl. Voir également le rapport de la Région Urbaine de Lyon : « Tourisme métropolitain et territoires : des valeurs à ajouter ». Avril 2011.
  • 7. 7 agglomérations environnantes de la Région Urbaine de Lyon (Lyon, Bourg en Bresse, Bourgoin et Portes de l’Isère, Vienne, Givors, Saint-Etienne et Roanne). Ces travaux montraient la nécessité de refuser tout « jacobinisme lyonnais »6 : contrairement à une idée répandue, l’atout principal de notre métropole par rapport à d’autres métropoles européennes comme Barcelone, Milan ou Munich, est que Lyon soit une agglomération à taille humaine. La stratégie proposée consistait par conséquent à faire grandir la métropole sans faire grossir l’agglomération lyonnaise aux dépens des agglomérations environnantes. L’alternative à une grosse agglomération consiste à proposer d’organiser une métropole de plus de 3 millions d’habitants (3,5 millions d’habitants prévisibles à l’horizon des vingt prochaines années), afin de créer une région urbaine verte, aérée, équilibrée et agréable à vivre. Les témoins invités aux débats avaient en particulier souligné l’importance d’éviter le « mitage » anarchique du territoire par les lotissements et les locaux d’entreprise à la périphérie de Lyon et ils insistaient sur la nécessité de conserver un territoire urbain discontinu, par opposition à un mode de développement concentrique7 constaté dans la plupart des grandes métropoles comme Paris. En effet, cette croissance concentrique serait très insuffisante pour obtenir une taille critique et serait infiniment plus coûteuse que la mise en œuvre d’une politique volontariste de développement métropolitain multipolaire8 . 6 SEPL (2008) : Construire Lyon Métropole. Ed Sepl, 167 p. 7 la SEPL alertait sur le risque de la politique de « la grenouille voulant devenir aussi grosse que le bœuf » : laisser grossir l’agglomération de Lyon au détriment des autres agglomérations de la métropole et du secteur rural permettrait à peine d’atteindre un niveau de 2 millions d’habitants, ce qui nécessiterait sans doute de tripler le tunnel de Fourvière et les périphériques pour absorber les flux de voitures Est-Ouest, l’Ouest de Lyon étant peu facile à desservir par transports en commun avec une bonne fréquence en raison de la dispersion de l’habitat. 8 De ce point de vue, le modèle de notre métropole peut s’inspirer de modèles comme celui de la région de Stuttgart8 , une métropole industrielle et verte au pied de la Forêt Noire, où des agglomérations environnantes telles que Ludwigsburg (siège de Porsche), Metzingen (siège d’Hugo Boss), Sindelfingen (Mercédès) et Tübingen (universités) sont en interaction pour créer une dynamique en équipe. Bien sûr, l’histoire et la géographie de la région lyonnaise sont très différentes de celle du Bade-Wurtemberg, mais les travaux de la SEPL
  • 8. 8 - Le thème de la session 2008-2009 portait sur le renouveau industriel de la métropole lyonnaise9 . L’allocution de M. Bruno Bonduelle10 à la SEPL comportait un avertissement aux responsables économiques et politiques lyonnais : à son avis, les habitants de la métropole lyonnaise, habitués depuis longtemps à une relative prospérité, ne sont pas conscients des risques d’un effondrement industriel qui serait catastrophique pour toutes les autres activités de la région et pour la France : il appelait les citoyens de Lyon et de la région à se mobiliser et à se mettre en équipe pour sauvegarder leur industrie, entreprendre davantage et régénérer les industries traditionnelles par l’innovation sans céder à la tentation de les abandonner au profit d’une hypothétique « économie de la connaissance ». Parmi les domaines industriels variés examinés au cours de cette session de la SEPL, figurait en bonne place le cas de l’industrie l’agro-alimentaire. Il s’agissait alors de l’industrie la plus méconnue de la métropole, mais aussi la moins menacée dans le cadre de la compétition mondiale. Ce secteur industriel, qui continue à embaucher et à exporter, a besoin d’une production agricole de qualité dans la région où il est implanté. - Enfin, le thème 2010-2011 de la SEPL, centré sur les synergies entre recherche et industrie11 dans la métropole lyonnaise montrait montrent que la région lyonnaise peut construire un modèle multipolaire à condition de bâtir des projets en équipe d’agglomérations et de terroirs, car ces projets façonnent progressivement le territoire. Dans l’exemple du Bade Wurtemberg, on observe une présence forte de PME familiales très performantes (le fameux Mittelstand évoqué par Jean Agnès) disséminées dans la campagne où elles sont parfaitement intégrées, ce qui offre l’avantage de créer de l’emploi de proximité et d’endiguer les flots migratoires quotidiens vers et hors des grands centres urbains. Le Grand Lyon pâtit quotidiennement de ces flots migratoires. 9 SEPL (2009) : Accélérer le renouveau industriel de la métropole lyonnaise. Ed. Sepl, 119 p. 10 M Bonduelle était Président de la CCI du Grand Lille et dirigeant d’un grand groupe industriel ayant des filiales à Lyon. 11 SEPL (2011) : Renforcer les synergies entre recherche et industrie dans la métropole lyonnaise. Sepl, 111 p.
  • 9. 9 les points forts de notre métropole avec la présence de pôles d’excellence de recherche et d’enseignement variés, y compris dans les domaines de la production végétale, forestière et animale : Isara, Vétagro-sup, département de biologie de l’ENS-Lyon, Mérial (pôle industriel et de recherche en santé animale). Il était jugé dommage que l’on n’encourage pas assez la création d’entreprises et de filières industrielles pour valoriser ces atouts directement reliés au monde rural. Il est ainsi apparu que l’interaction entre monde rural et monde urbain dans notre métropole est un atout essentiel, et qu’il était nécessaire d’en être conscient et de prendre des initiatives pour créer une performance globale, durable et endogène de la métropole, sans attendre que des politiques nationales viennent éventuellement nous aider. 2)Méthode de travail En complément des lectures et des documentations examinées sur le sujet12 , les débats de la SEPL ont été alimentés par trois principales sources : - Les conférences de « grands témoins » pour apporter des regards complémentaires sur l’interaction entre monde rural et monde urbain dans la métropole lyonnaise. Dans l’ordre de leur intervention, il s’agissait de Patrick MUNDLER, Enseignant- Chercheur à l'ISARA Lyon – Agrapôle, Alexandre BARONNIER et David RIVET, Direction Générale des Boucheries ANDRE, Olivier FREROT, Directeur Général de l'Agence d'Urbanisme de Lyon, Vincent COUTURIER, responsable de l’Observatoire 12 Voir notamment le rapport du Conseil économique et social régional : « Pour une maîtrise foncière dans les territoires de Rhône-Alpes en métropolisation ». Novembre 2009. Voir aussi la Directive Territoriale d’Aménagement de l’Aire Métropolitaine Lyonnaise (décret n°2007-45 du 09 janvier 2007), ainsi que les documentations de l’Observatoire Partenarial Lyonnais en Economie (OPALE) et les notes et statistiques de l’Agence d’Urbanisme de Lyon sur l’agriculture au niveau de l’Inter-SCOT (par ex. la revue de presse réalisée par Y. Deguilhem).
  • 10. 10 Partenarial Lyonnais de l’Economie (OPALE), Gérard SEIGLE- VATTE, Président de la Chambre Régionale d'Agriculture Rhône- Alpes, Céline BROGGIO, Géographe, Maître de Conférences à l'Université Jean Moulin Lyon 3, Anne DUBROMEL, Directrice de la Région Urbaine de Lyon. - Les réflexions des membres de la SEPL sous la présidence de Robert PARIS : s’appuyant sur leur expérience de responsables économiques et sociaux dans la métropole lyonnaise, ils apportent leur contribution citoyenne à la réflexion stratégique pour le bien commun à long terme de leur métropole. - Les références conceptuelles à trois approches scientifiques. La première concerne la prospective territoriale et a été développée par Michel GODET13 et son équipe au CNAM- Paris. Les deux autres sont d’origine lyonnaise et bénéficient d’une aura internationale : la théorie économique de François PERROUX14 avec notamment le concept de développement global, intégré et endogène, et l’école d’Henri SAVALL et de l’ISEOR, en particulier en ce qui concerne la recherche de solutions-racines et d’investissements immatériels pour bâtir des projets socio-économiques de développement durable15 . L’hypothèse formulée dans les travaux de la SEPL est que le territoire défini au sens de la région urbaine de Lyon recèle de façon cachée et dispersée toutes les ressources nécessaires pour devenir un modèle de métropole durablement prospère. La seule condition de réussite de ce projet est de rassembler tous les acteurs autour d’un véritable projet métropolitain et de rendre ce projet complémentaire des points forts des métropoles voisines du Grand 13 Durance P., Godet, Mirenowicz P., Pacini V. (2008) : La prospective territoriale. Cahiers du LIPSOR. Ed. CNAM. 14 Perroux F. (1981) : Pour une philosophie du nouveau développement. Aubier- Presses de l’Unesco. Voir également le livre de l’Association des Amis de François Perroux : « Pour une mondialisation apprivoisée ». Ed Iseor (2008). 15 Savall H. & Zardet V. (1987-2009) : Maîtriser les coûts et performances cachés : le contrat d’activité périodiquement négociable. Economica.
  • 11. 11 Sud-Est16 , en particulier avec Paris, la métropole Grenoble-Sillon- Alpin, la métropole franco-baldo-genevoise17 , la métropole Clermont-Auvergne et Marseille-Méditerranée. Au cours des débats, la SEPL a bien mesuré tous les blocages retardant la construction d’une métropole, mais il a été constaté que la lenteur de la coopération présente un risque très sérieux de déclin de Lyon et de la métropole. Le risque perçu appelle la construction rapide d’un projet stratégique en équipe. Dans ce projet global, il serait nécessaire de ne pas oublier les apports du monde rural. 3)Apports actuels et potentiels du monde rural à la métropole lyonnaise Les débats ont fait ressortir sept principales productions matérielles et immatérielles du monde rural à la métropole de la région urbaine de Lyon. La plupart de ces activités productives est implicite ou informelle, en partie cachée au regard des statistiques et de la seule valeur marchande à court terme: - Création de valeur ajoutée économique directe. Sous réserve des données statistiques qui resteraient à affiner par l’OMPREL18 au niveau de la RUL et de l’Inter-scot, le chiffre d’affaires de l’agriculture de la métropole peut être estimé au tiers de celui de la Région Rhône-Alpes, soit plus de 1,5 milliard d’Euros et celui de l’agroalimentaire à plus de 3 milliards d’Euros. Cette activité est 16 Dans ses travaux antérieurs sur la construction d’une métropole multipolaire, la SEPL n’avait pas ignoré l’importance du travail en équipe d’agglomérations au niveau de la Région Rhône-Alpes, mais elle constate que son périmètre devrait être élargi à Mâcon au Nord et à l’Auvergne à l’Ouest. Il faudrait aussi ne pas ignorer la réalité de Genève en tant que métropole trans-frontalière, avec la Haute Savoie et l’est du département de l’Ain. Voir à ce sujet la revue « Rhône- Alpes-Méditerranée », dirigée par Daniel Navrot. 17 Bien qu’informelle, la riche métropole genevoise, avec Annecy, la vallée de l’Arve et le pays de Gex a un poids économique et une attractivité internationale supérieurs à Lyon pour des raisons historiques et politiques. La SEPL juge que Lyon ne pourra équilibrer son influence grandissante que par une stratégie de différenciation consistant à créer une grande métropole industrielle multipolaire. 18 OMPREL : Observatoire Partenarial de la Région Economique Lyonnaise.
  • 12. 12 fortement exportatrice et contribue à l’emploi dans la métropole : plus de 20 000 emplois stables dont la moitié dans l’agroalimentaire, avec notamment des emplois pour tous, même pour les personnes qui ne sont pas diplômées. - Entretien de la qualité et de la diversité des paysages, ce qui participe à l’attrait de la région, non seulement aux yeux de la main d’œuvre qualifiée fuyant les nuisances de Paris et des trop grandes agglomérations, mais aussi du point de vue des investisseurs étrangers. Cette production immatérielle est multiforme : par exemple, des agriculteurs apportent souvent des services indispensables et peu coûteux aux collectivités territoriales et aux particuliers : services de déneigement et entretien d’espaces verts et des abords de routes avec une disponibilité de 365 jours par an, etc. - Qualité, variété et traçabilité des produits agricoles, qui apportent les ingrédients indispensables du bien-manger, du goût et de la gastronomie. Cette qualité des produits des terroirs contribue à la notoriété internationale de la métropole. Il faut y ajouter les effets économiques induits de cette activité sur le tourisme et sur l’organisation de salons professionnels : Salon international des métiers de bouche (SIRHA), événement mondial du pain, salons des vins, Toques Blanches, etc. - Economicité de l’approvisionnement alimentaire lié aux faibles distances entre lieux de production et de consommation, ainsi qu’à la qualité des infrastructures logistiques de la métropole. Cela concerne aussi les réseaux de distribution directs et de proximité : baisse des frais de transport et de réfrigération et impacts positifs sur le bilan carbone. - Potentiel important de production de matières premières et de valorisation des produits du bois, à condition de développer cette filière (voir par exemple l’initiative de MACEO pour l’ensemble du Massif Central) ainsi que des sources complémentaires d’énergie et de biomasse.
  • 13. 13 - Sécurité alimentaire de la métropole, à une période de l’histoire du monde occidental où l’opulence alimentaire à bon marché risque de toucher à sa fin, notamment en raison de l’augmentation de la population mondiale, des bouleversements géopolitiques en cours et des changements climatiques observables. Il faut aussi noter que la diversité, la qualité et la traçabilité des produits agricoles de notre région contribuent significativement à la santé. - Potentiel d’interactions avec les pôles de compétitivité, en particulier avec Lyon Biopôle et avec le pôle de la chimie (Axelera) pour fournir des molécules, notamment dans le cadre de la chimie verte. A titre d’exemple, le laboratoire Boiron peut être approvisionné en arnica par le Parc Naturel du Pilat. 4) Menaces pour le maintien et le développement de cette richesse En raison du caractère informel et caché de la performance du monde rural dans la métropole, cette activité est très peu prise en considération dans les décisions stratégiques de notre « millefeuille administratif français », ce qui handicape gravement le développement économique de la métropole lyonnaise au seul bénéfice de quelques intérêts particuliers. Lors des débats, la SEPL a insisté sur la nécessité de prendre conscience de trois principales menaces sur le monde rural qui affectent directement ou indirectement le développement à court et à long terme de la métropole lyonnaise19 : - Risques liés à l’augmentation excessive et mal répartie des surfaces artificialisées à usage logistique et de lotissements, notamment autour de Lyon et dans la plaine du Forez. L’espace 19 Conjointement, ces trois dysfonctionnements contribuent au cercle vicieux constaté actuellement : la désertification des campagnes de notre région vers les agglomérations est suivie par les « siphonnages de populations et de valeurs» en série des villes périphériques de la métropole (comme St-Etienne) vers l’agglomération lyonnaise, suivie enfin par l’exode vers Paris, puis de Paris vers Londres ou vers les zones de croissance dans le reste du monde (Amérique et Asie).
  • 14. 14 rural est grignoté (environ 30 000 hectares perdus depuis 20 ans) et les terres restant disponibles à proximité des agglomérations deviennent de plus en plus chères en raison de la pression foncière, même quand les terrains ne sont pas encore constructibles (exemple de terrains achetés par des fonds à vocation spéculative autour de l’aéroport de Saint-Exupéry). En outre, deux départs d’agriculteurs sur trois ne sont pas remplacés en raison de difficultés de location de terres et de manque d’attractivité de la profession. - Effets pervers induits par les distorsions des conditions de concurrence en raison du laisser-fairisme économique, malgré les effets compensateurs de la Politique Agricole Commune : les céréales importées des Etats-Unis, la viande en provenance d’Amérique Latine ou encore certains fruits et légumes cultivés au Sud de l’Europe sont en apparence bon marché, mais cet avantage à court terme masque deux inconvénients : de nombreux produits importés avec des procédures de contrôle insuffisantes contiennent des doses élevées de produits phytosanitaires potentiellement nuisibles pour la santé, tandis que les normes sont contrôlées de façon bien plus scrupuleuse pour la production agricole française, avec l’application d’un principe de précaution jugé excessif et injuste par le monde agricole de notre métropole. En outre, des prix artificiellement bas de certains produits agricoles masquent un dumping social et monétaire, avec un risque de forte volatilité des cours des produits agricoles à l’avenir, sans compter les risques d’augmentation des coûts des transports. - La troisième catégorie de menace tient au découplage sociétal entre monde rural et monde urbain. La distance culturelle entre ces deux mondes s’est accentuée au cours des cinquante dernières années, avec l’urbanisation croissante de notre civilisation. Il en résulte que de nombreux décideurs économiques et politiques de la métropole n’ont pas assez conscience des atouts actuels et potentiels du monde rural. Cela entraîne aussi une prise en compte insuffisante des projets de développement agricole dans les Schémas de Cohérence Territoriale, se traduisant par une
  • 15. 15 diminution inquiétante à long terme des surfaces agricoles. Un deuxième exemple de risque est le manque de dialogue entre certains groupes de pression écologiques d’origine urbaine et le monde agricole, avec la fixation des normes et des réservations d’espaces naturels qui pénalisent le monde agricole. 5)Propositions de la SEPL Afin de devenir un modèle européen de métropole verte et durable, la région métropolitaine de Lyon doit entreprendre des projets pour renforcer la synergie entre monde rural et monde urbain. A cet effet, la SEPL lance deux catégories de propositions pour stimuler les débats et les initiatives : mieux formaliser l’identité de la métropole et sa gouvernance et mettre en synergie les points forts du monde rural dans la stratégie de la métropole. a)Mieux formaliser l’identité de la métropole et de sa gouvernance en y incorporant le monde rural. La métropole de la région de Lyon a encore besoin de construire une identité et une gouvernance véritables avec une appellation stable pour le territoire urbain-rural de la métropole lyonnaise. Il s’agit de mieux affirmer que le territoire de projet correspondant grosso modo à la Région Urbaine de Lyon est le niveau le plus pertinent pour bâtir un projet de développement socio-économique « global, intégré et endogène ». A cet égard, il convient d’éviter le risque lié à une barrière à l’entrée du système de gouvernance du G4 (Grand Lyon, Saint-Etienne, Capi et Vienne). En effet, le G4 est un territoire correspondant implicitement à une croissance concentrique de Lyon, dont le monde rural de la métropole est exclu, où Saint-Etienne fait figure de banlieue industrielle de Lyon , et où s’accélère la spéculation foncière et immobilière dans le Nord Isère et dans la plaine de l’Ain au détriment d’une valorisation
  • 16. 16 globale et intégrée de la métropole20 . Ce dispositif du G4 a certes l’avantage de permettre un certain apprentissage de la gouvernance métropolitaine, mais les enjeux stratégiques à court terme et à long terme de la métropole lyonnaise ne peuvent pas attendre le temps d’une acclimatation des systèmes politiques: la SEPL propose de « changer de braquet » et de passer dès maintenant à la construction d’une stratégie sur le territoire pertinent d’une métropole élargie jusqu’à Bourg-en-Bresse, Givors, Roanne et Villefranche-sur-Saône, afin de mettre en synergie les stratégies des 8 principales agglomérations de la métropole. Il y a urgence à favoriser une répartition de la croissance démographique dans la métropole, car l’inaction en ce domaine entraîne mécaniquement une croissance déséquilibrée et fragile de la grande agglomération lyonnaise. b)Mettre en synergie les points forts du monde rural dans la stratégie de la métropole Pour créer une stratégie intégrée, globale et endogène de développement durable, il est nécessaire d’introduire dans la stratégie de la métropole un axe relatif au renforcement de l’interaction entre monde rural et monde urbain. Cela peut être réalisé en associant les entreprises et les collectivités concernées, notamment dans l’Inter-Scot à un ensemble cohérent de projets d’actions telles que les suivantes (sans exhaustivité) : - Accompagnement des projets de circuits alimentaires courts et de proximité, en levant les obstacles à leur développement : même si les circuits longs sont nécessaires et permettent la croissance de l’industrie alimentaire, il est possible d’observer que les 4% actuels de part de marché 20 A titre d’exemple, l’Aderly constate que des entreprises renoncent à s’installer en région lyonnaise car elles ne trouvent plus à des prix raisonnables de grands terrains embranchés sur la voie ferrée.
  • 17. 17 des circuits courts et de proximité conservent une forte marge de progression, à la fois au profit des consommateurs et au bénéfice du revenu des agriculteurs. Cela suppose notamment un accompagnement de ces projets de circuits en termes de logistique et de surfaces de vente. - Prise en compte de la gestion des paysages de la métropole au niveau de l’Inter-Scot. Cela concerne non seulement le souci du bon équilibre entre les différentes utilisations des surfaces, mais aussi les actions d’urbanisme et d’architecture nécessaires à la valorisation des terroirs. Des progrès ont été faits pour la réhabilitation des centres villes, mais les visiteurs venant d’Europe du Nord nous font remarquer que nos villages et nos abords de villes ont continué à s’enlaidir21 ces dernières années, avec des lotissements et des villas mal intégrés dans les paysages, et par les affichages pléthoriques dans les zones commerciales. Il s’agit bien sûr d’un chantier à très long terme, mais pourquoi ne pas proposer que notre métropole se donne pour objectif de devenir un territoire d’expérimentation pour la réhabilitation des paysages ? - Les transports : il s’agit d’une part de planifier les compléments d’infrastructures nécessaires pour que la métropole puisse fonctionner de façon décentralisée. Il reste bien sûr à trouver des solutions pour les liaisons entre Lyon et la Loire (Saint-Etienne et Roanne) mais il faut aussi profiter du caractère rural de la métropole et de la densité unique au monde de petites routes et de chemins pour les mettre en réseau, en assurer la continuité et le balisage et valoriser ainsi l’interaction entre monde rural et monde urbain. Un projet à étudier pourrait consister à compléter, aménager et dédier partiellement certaines voies pour permettre la circulation à pied et à vélo entre les diverses 21 Voir le rapport SEPL 2007 sur le tourisme d’affaires dans la région lyonnaise.
  • 18. 18 agglomérations jusqu’aux centres villes, à l’image de la Voie Léman-Méditerranée qui va permettre la circulation pédestre et cycliste depuis le centre de Genève jusqu’à Marseille en passant par le cheminement des berges du Rhône. - Organiser la mise en équipe des agglomérations et des terroirs pour mieux structurer l’offre de tourisme de la métropole22 , en commençant sans doute par la création d’un site Web commun rassemblant toutes les informations des différents offices de tourisme et des multiples activités culturelles et de loisirs. Bien sûr, le centre de Lyon inscrit au patrimoine de l’Unesco est un élément d’attraction fort pour le tourisme métropolitain, mais cela n’est pas assez relayé par une mise en synergie entre tourisme urbain et tourisme rural. Lorsque des visiteurs s’obligent à faire eux- mêmes l’effort de construire leur parcours de découverte de la région, ils sont éblouis comme lors d’un voyage en Toscane par la diversité et la richesse des paysages et des terroirs, par la découverte de joyaux méconnus23 ainsi que par le charme du « petit patrimoine24 ». La mise en commun des actions touristiques de la métropole lyonnaise recèle un fort potentiel de développement dont les habitants de la région ne sont pas assez conscients. - Mettre en place avec les entreprises concernées et les pôles de compétitivité un groupe de pilotage sur les développements d’activités en lien avec le monde rural : filière bois, santé animale et végétale, agro-alimentaire, etc. 22 A titre d’exemple, voir l’action de la RUL sur le Tourisme-Patrimoine du XXème siècle. 23 Certains lieux et monuments de la métropole mériteraient aussi de figurer dans la liste de l’Unesco, comme la Bâtie d’Urfé, le village de Pérouges ainsi que le réseau des églises et sites romans du Brionnais. 24 Par exemple, le réseau des musées du textile et de l’habillement, ainsi que le musée du chapeau de Chazelles-sur-Lyon.
  • 19. 19 Conclusion La région lyonnaise aborde une période pleine de nouvelles opportunités qu’il convient de saisir rapidement sous peine de connaître un déclin profond et durable. La qualité de vie et les sources de richesses apportées par le monde rural à cette métropole industrielle peuvent devenir un des atouts essentiels pour renforcer l’attractivité de la métropole non seulement aux yeux des parisiens lassés par les nuisances d’une trop grande agglomération, mais aussi pour des nombreux investisseurs étrangers séduits par notre région et pour les habitants eux-mêmes attachés à leur territoire. Pour saisir cette opportunité, il s’agit de mettre en œuvre, en équipe, une métropole multipolaire et bâtir une stratégie de métropole industrielle verte qui peut être un modèle porteur d’espoir dans le mouvement mondial de l’urbanisation.
  • 20.
  • 21. COMPTES RENDUS DES CONFERENCES DE LA SESSION 2011-2012
  • 22.
  • 23. 23 « Nourrir la métropole lyonnaise de manière durable par des circuits de proximité » Patrick MUNDLER Enseignant-chercheur à l’ISARA-Lyon, Agrapôle Alexandre BARONNIER et David RIVET Direction Générale des BOUCHERIES ANDRE Le Président Robert PARIS accueille les invités et remercie en particulier Emmanuel IMBERTON, Vice-président de la CCI de Lyon et délégué par le Président Philippe GRILLOT pour suivre les travaux de la SEPL. Blandine VIGNON, responsable de la communication de la CCI de Lyon, participe également à notre séance de travail. Michel GIELLY, Membre du Bureau de la SEPL, présente Patrick MUNDLER, qui est enseignant-chercheur à l’ISARA Lyon et membre du Laboratoire d’Etudes Rurales. Il est originaire de Suisse où il a commencé par effectuer un apprentissage agricole, avant de poursuivre ses études jusqu’à un doctorat d’économie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont le dernier écrit avec Lahsen ABDELMALKI (Université Lyon 2) porte sur l’économie de l’environnement et du développement durable (éditions de Boeck). Nicolas MILLET, Membre du Bureau de la SEPL, présente à son tour Alexandre BARONNIER et David RIVET, des Boucheries ANDRE. Alexandre BARONNIER a une formation commerciale et marketing et représente la troisième génération de dirigeants de cette entreprise familiale de 220 employés. David RIVET est le Directeur du développement des Boucheries ANDRE. L’entreprise est un modèle économique innovant caractérisé par la dimension humaine, la vision à long terme,
  • 24. 24 l’ancrage sur le territoire et la valorisation émotionnelle du « pré » au moment de l’acte d’achat. C’est un modèle qui est à l’opposé de celui des traders et des algorithmes qui dominent l’économie mondiale actuellement. 1)Exposé de Patrick MUNDLER Après avoir salué la présence de Louis LEMOINE, ancien Président de l’ISARA, Patrick. Mundler commence son exposé en définissant les circuits courts et de proximité, par opposition aux circuits longs : - les circuits courts (cf. le Plan Barnier) sont définis comme étant sans intermédiaire et avec une distance moyenne inférieure à 80 km, - les circuits de proximité peuvent comprendre un ou deux intermédiaires, et sont plus à même de fournir des gros marchés comme celui des cantines scolaires. Ces propos sont illustrés par quelques images permettant de concrétiser le concept de circuits courts et de proximité : les cabanes à sucre de sirop d’érable au Québec, les paniers hebdomadaires « AMAP » avec un abonnement à l’année pour recevoir des produits de la ferme, le point de vente « Uniferme » à Mornant, un magasin fermier en ville, des éoliennes sur un terrain agricole, et une production de bûchettes de bois de chauffage. Il faut quand même noter que la France n’est pas en avance par rapport à d’autres pays. On peut citer par exemple le cas d’un « agriculteur » allemand de la région d’Augsbourg, dont la ferme produit 10 000 œufs par jour écoulés en circuit court : avec ses 17 employés, il a un restaurant, une mini-usine de pâtes aux œufs, et trois véhicules sillonnent la ville pour livrer les œufs frais et les pâtes.
  • 25. 25 Dans la métropole lyonnaise, les circuits courts sont particulièrement développés dans les Monts du Lyonnais et dans les Coteaux du Lyonnais. On peut encore citer le cas de la cantine du groupe scolaire de Saint Martin en Haut, approvisionnée en circuits très courts grâce à la mise en réseau des agriculteurs de la commune : les élèves mangent à midi des salades ramassées le matin même à 10 h ! Ces exemples tranchent avec les tendances des années passées, notamment de 1945 aux années 90, caractérisées par les phénomènes suivants : - effondrement de la population active agricole, réduite à 800 000 personnes en France, soit 3% de la population active : les agriculteurs sont des survivants, alors qu’il va falloir attirer les jeunes vers cette profession, - contexte d’opulence et oubli des pénuries alimentaires, bien que cette impression d’opulence soit trompeuse compte tenu des tensions de plus en plus fréquentes sur les marchés de produits agricoles, - découplement des systèmes urbains et agricoles, avec l’urbanisation des ceintures agricoles qui existaient autour des villes, - développement sectoriel de l’agriculture, avec une hyper spécialisation des exploitations, une concentration et une financiarisation. Le mouvement de retour vers la territorialisation de l’alimentation correspond à un phénomène visant à contrebalancer la globalisation. Il a été accentué par des crises telles que celles de la vache folle et la pollution à la dioxine. Il s’appuie sur des valeurs de recherche du goût (éducation au goût et à la santé), de militantisme pour l’achat local issu de l’agriculture biologique et il y a une demande sociale croissante pour une alimentation saine. Il trouve aussi son expression dans les orientations du Grenelle de l’Environnement qui imposent par exemple pour les cantine
  • 26. 26 scolaires un pourcentage minimal de 20 % d’approvisionnements issus de l’agriculture biologique. La réforme du code des marchés publics de 2010 permet aussi de favoriser l’approvisionnement de proximité. Il est difficile d’obtenir des statistiques précises sur les circuits courts et de proximité, car les méthodes de recensement ne prenaient pas en compte ce critère jusqu’au recensement de 2010, qui n’est pas encore complètement dépouillé. On peut cependant estimer que près du quart des agriculteurs a des activités rentrant dans cette catégorie, et que cela représente plus de 2% de l’achat alimentaire, et même 4 % si l’on intègre les marchés. Même si la France n’est pas en avance sur cette tendance, on peut estimer que le phénomène tend à se développer puisque plus de la moitié des agriculteurs qui s’installent créent des activités de commer- cialisation. Ces pourcentages sont même supérieurs dans le cas des productions fromagères et viticoles. En outre, les circuits de distribution jouent de plus en plus le jeu sur les circuits courts, même si le dialogue est parfois difficile sur les prix. Certaines entreprises agro-alimentaires de notre région commencent aussi à re-territorialiser leur approvisionnement. D’un point de vue économique, les circuits courts sont avantageux pour les agriculteurs, grâce à la stabilité des prix et à des revenus plus élevés. Les agriculteurs concernés n’ont par exemple pas souffert de l’effondrement des prix du lait en 2009. Ils bénéficient également d’une plus grande reconnaissance sociale grâce aux relations directes avec les clients : satisfaction de voir son produit arriver jusque chez le consommateur, socialisation grâce aux occasions de rencontres. Cela permet aussi un développement de l’emploi plus important que dans le cas des circuits de grande distribution. Il s’agit d’ailleurs d’emplois non délocalisables et qui contribuent à la vie des territoires en luttant contre la désertification de certaines campagnes. Il faut aussi ajouter que les besoins en investissements sont moindres que pour les grandes exploitations ultra mécanisées qui pâtissent ainsi à la
  • 27. 27 fois d’une barrière à l’entrée et d’une barrière à la sortie en raison des frais sur les successions ou transmissions. En outre, les circuits courts permettent de valoriser les savoir-faire des terroirs, et la métropole lyonnaise dispose de ce point de vue, d’une immense richesse et d’une grande diversité. Des avantages des circuits courts et de proximité sont aussi observés au plan écologique et du développement durable : maintien des espaces naturels et agricoles à proximité des villes de la métropole, biodiversité des espèces cultivées, réduction de la consommation d’énergie grâce à la réduction des frais de transport lorsque les quantités livrées sont suffisantes, moindre besoin de réfrigération grâce à la consommation de produits de saison, etc. Cette évolution apporte un contre-argument aux accusations de pollution qui ont été mal vécues par le monde agricole. Toutefois, le dialogue reste encore difficile avec les associations de défense de l’environnement, notamment parce que la gestion politique de l’agriculture a été centralisée au niveau national et parce que la légitimité des associations environnementales est peu reconnue. On note aussi des difficultés techniques que les consommateurs ne comprennent pas toujours facilement : il y a par exemple des situations où on ne sait pas se passer de certains traitements phytosanitaires. Le développement des circuits courts est accompagné par une diversification des activités de service. Les agriculteurs ont des savoir-faire et des matériels qui permettent de vendre des services tels que le déneigement, le débardage, la semence de gazon, etc. L’espace agricole peut aussi être valorisé pour les loisirs et des activités pédagogiques. Cette diversification témoigne d’une grande inventivité, et elle nécessite un développement de la polyvalence qui permet le maintien de la main d’œuvre sur le territoire rural de la métropole. Ces évolutions ont toutefois du mal à s’institutionnaliser car elles bouleversent les institutions, le droit et les statuts
  • 28. 28 professionnels. Elle peut aussi être perçue par d’autres métiers comme une concurrence déloyale. 2)Exposé d’Alexandre BARONNIER et de David RIVET Boucheries ANDRE est une entreprise familiale créée en 1933 à Collonges au Mont d’Or, et qui a ensuite déménagé dans la Dombes. Au moment du passage à la deuxième génération, l’entreprise est devenue fournisseur de la grande distribution, ce qui a entraîné quelques années plus tard une situation de dépendance dangereuse. Grâce à la confiance des fournisseurs, des clients et des banquiers, l’entreprise a créé un premier magasin au Confluent (Lyon, 2ème ). Alexandre Baronnier a intégré le groupe en 1994 et a développé l’entreprise, dont l’effectif est passé de 34 personnes à 220 personnes à ce jour. Le siège est situé à Rillieux la Pape et l’entreprise dispose de 7 points de vente dans la métropole : Confluent, Vaulx-en-Velin, Rillieux, Vénissieux, Champagne, Isle d’Abeau, et Villefranche. Il y a aussi une activité de production qui emploie 70 personnes : un site de valorisation de la viande à Corbas, et un site de traiteur repris en 2004, qui produit les jambons, le pâté en croûte, les brochettes, les saucissons et la charcuterie. « Du pré à l’assiette » : l’entreprise est très intégrée de l’amont à l’aval puisqu’elle a aussi des activités d’élevage de bovins charolais et limousins et elle a noué des partenariats de long terme avec des éleveurs, ce qui garantit la qualité du produit, à la différence des pratiques de vente de vaches laitières réformées sous l’appellation de viande de bœuf. Les Boucheries André sont les seules de la région à disposer d’une autorisation de circuit de distribution de steak haché frais. Une activité de franchise est également envisagée. Un tel modèle d’intégration en circuit de proximité est semble-t’il unique en France. L’entreprise revendique des valeurs lyonnaises de développement durable :
  • 29. 29 - le respect de l’environnement : choix d’un élevage de qualité, proximité entre l’élevage et la consommation (maximum d’une heure de transport), l’ancrage dans les terroirs proches de Lyon, la valorisation de tous les quartiers de la viande sans déchet, - le souci du développement économique durable : solidarité avec les éleveurs lorsqu’ils sont en difficulté, réponse aux besoins des consommateurs qui exigent de plus en plus la proximité et les qualités organoleptiques, maîtrise de l’amont et de la traçabilité à la différence des bouchers qui achètent des muscles sans en connaître la provenance, qualité de la viande pour un prix inférieur de 10 à 15 % à celui de la grande distribution, - le respect des hommes : les valeurs de l’entreprise consistent à promouvoir les savoir-faire, le savoir-être et la confiance en soi. Il y a également une prise en compte des valeurs des entreprises familiales, qui font la force du territoire auquel elles sont attachées et qui permettent d’assurer la pérennité de la filière viande de qualité. Cette filière peut être représentée sous la forme d’une pâquerette dont les différents pétales correspondent à des compétences et à des métiers variés qui doivent travailler ensemble pour assurer la fraîcheur du produit. La prouesse des Boucheries ANDRE en termes de modèle économique est toutefois handicapée par deux principales difficultés : - l’impossibilité de créer de nouveaux magasins en ville compte tenu du coût du foncier. - des difficultés de recrutement compte tenu du manque de filières de formation et du faible nombre de vocations pour le métier de boucher. En conclusion, le modèle des Boucheries ANDRE est une contribution au développement harmonieux entre monde rural et monde urbain : il s’agit de ramener la campagne à la ville.
  • 30.
  • 31. 31 « Les dynamiques métropolitaines de la région lyonnaise » Olivier FREROT, Directeur Général de l’Agence d’Urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise Le Président Robert Paris présente le conférencier, Olivier FREROT, diplômé de l’Ecole Polytechnique et des Ponts et Chaussées, qui a dirigé la Direction de l’Equipement de la Loire après être passé au Ministère de l’Equipement. Il est accompagné de Vincent COUTURIER, responsable de l’Observatoire Partenarial Lyonnais de l’Economie (OPALE). L’exposé commence par la présentation de l’Agence d’Urbanisme, qui est une association comprenant 35 membres et prend en charge la réflexion sur la gestion de l’espace au niveau de la métropole lyonnaise, composée de territoires très différenciés, organisés autour d’une quinzaine de Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) Il existe une réalité métropolitaine au niveau de la région urbaine de Lyon, même si la structure politique n’existe pas encore. Un début de formalisation de partenariat commence à être organisé entre quatre premiers ensembles urbains (Lyon, Saint-Etienne, Vienne et Nord-Isère). Il porte notamment sur quatre grandes thématiques : - la mobilité et les déplacements
  • 32. 32 - l’économie, l’innovation et l’enseignement supérieur et la recherche. - l’aménagement et la planification des territoires. - a culture, les loisirs et le tourisme. La caractéristique de la métropole lyonnaise est d’être aérée et verte, puisqu’elle comprend seulement 20 % d’espaces urbanisés sur un total de 10 000 Kilomètres carrés. Ce phénomène de métropolisation concerne l’ensemble de la région Rhône-Alpes, avec deux autres métropoles en cours de constitution : Grenoble- sillon alpin, et le Franco-Valdo-Genevois. Considérée au sens large, au niveau de la Région Urbaine de Lyon, la métropole lyonnaise comprend 3,1 millions d’habitants et constitue un vaste bassin de 1,3 million d’emplois si l’on prend en compte Ambérieu, Roanne et Villefranche sur Saône. A ce niveau, la métropole lyonnaise approche la taille des grandes métropoles européennes telles que Milan (3,9 millions d’habitants) ou Barcelone (4,8 millions d’habitants). Au cours des 50 dernières années, cette métropole a connu un fort exode rural, et la plus grande partie de la croissance urbaine s’est faite dans la première couronne de Lyon et de Saint-Etienne, avant de s’étaler dans les deuxième et troisième couronnes, notamment dans l’Est lyonnais et dans la plaine du Forez. Les surfaces artificialisées ont augmenté plus vite que la population, à la fois en raison de la taille des lots, et du fait de la création de nombreuses zones d’activité, notamment en ce qui concerne la logistique. Au seul niveau de l’agglomération lyonnaise, c’est l’équivalent de la surface du parc de Miribel-Jonage de terres agricoles qui est consommé depuis 10 ans tandis que les espaces naturels restent à peu près préservés. Au cours des 20 dernières années, la croissance de la population urbaine s’est faite loin des centres, principalement avec des maisons individuelles, dont la moitié sous forme de
  • 33. 33 lotissements. Ce phénomène peut s’expliquer à la fois par des facteurs économiques tels que les prêts aidés, le coût élevé du foncier en ville, ainsi que par des facteurs sociologiques : quête de la nature, recherche de sécurité, choix d’un environnement social et diminution du nombre d’habitants par logement. Il faut ajouter à ces facteurs la facilité de circulation automobile, ce qui a conduit au doublement des navettes domicile-travail depuis 20 ans, et au doublement de la distance moyenne entre domicile et travail depuis 1975. Les perspectives d’évolution au cours des prochaines années sont les suivantes : - un vieillissement de la population, puisque l’on prévoit qu’il y aura en 2020 autant de personnes de plus de 60 ans que de jeunes en dessous de 20 ans, ce qui aura de lourdes conséquences que l’on a du mal à anticiper, - une augmentation de la population de l’ordre de 300 000 à 500 000 habitants d’ici à 2030, - une incertitude sur le volume de la croissance de l’agglomération lyonnaise, avec des scénarios d’augmentation variant de + 30 000 à + 150 000 habitants. Ces évolutions amènent à s’interroger sur les politiques à adopter : - freiner l’étalement urbain et éviter la perte d’espaces agricoles, ce qui suppose une densification en ville et une organisation de la péri-urbanisation tout en offrant à chacun un accès à la nature, - densifier les bâtiments industriels et logistiques (activités en étages ?) malgré le relativement faible coût actuel du foncier, - développer la mixité entre activité et logement, - organiser l’urbanisme autour des gares structurantes : il y a actuellement 100 gares dans la métropole, et 80 % de la population habite à moins de 5 km d’une gare, - rechercher une organisation urbaine multipolaire et pas forcément une croissance focalisée sur la seule agglomération lyonnaise,
  • 34. 34 - définir des normes architecturales qui s’inscrivent dans la longue durée, même si la volonté et la capacité d’action publiques sont actuellement moins fortes que dans le passé, - accélérer les mises aux normes techniques de Haute Qualité Environnementale et produire de l’énergie en ville de façon décentralisée. En conclusion, la gestion de l’espace au niveau de notre métropole nécessite une réflexion de fond sur les conditions du vivre ensemble et de la coopération, dans un contexte où le rôle de l’Etat tend à disparaître au niveau des territoires.
  • 35. 35 « L’agriculture, un enjeu pour la métropole lyonnaise » Gérard SEIGLE-VATTE Président de la Chambre régionale d’agriculture Rhône-Alpes Céline BROGGIO Géographe, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3 Le Président Robert PARIS accueille les invités et rappelle le thème de l’année centré sur l’interaction entre monde rural et monde urbain au niveau de la Région Urbaine de Lyon. Il s’agit que notre métropole à vocation industrielle et diversifiée conserve tous ses atouts, y compris celui d’une région urbaine multipolaire, verte et aérée, et dont les espaces agricoles participent à son attractivité et à sa valeur ajoutée économique. 1)Exposé de Céline BROGGIO On observe une perte de terres agricoles dans la métropole lyonnaise comme dans la région Rhône-Alpes, qui ne compte plus que 65 000 actifs agricoles, soit 41 000 de moins qu’il y a 20 ans. La perte des terres agricoles dans une région déjà fortement boisée tient non seulement au développement de l’habitat et à l’artificialisation des sols, mais aussi à la croissance des espaces naturels protégés (Natura 2000), ce qui est parfois dommage car il faudrait considérer les espaces agricoles comme naturels, tout en générant de l’emploi et de la valeur ajoutés. Toutefois, les exploitations se sont agrandies (40 ha contre 27 ha), et la valeur ajoutée globale a augmenté malgré une baisse des prix du lait, de la viande et du vin. L’économie agricole de notre métropole est très
  • 36. 36 diversifiée. Elle comprend des espaces dynamiques à proximité des villes, des campagnes en reconversion et des espaces agricoles en difficulté, notamment dans la partie Ouest. Notre production agricole est caractérisée par une forte intensité de démarches qualité, signes de confiance entre les urbains et les ruraux, puisque 80 % de la surface est concernée par des labels et par des Appellations d’Origine Protégée, qui englobent désormais les Appellations d’Origine Contrôlée. Ces signes de qualité tiennent soit à l’origine, soit au mode de production (bio), soit encore à un territoire qui se valorise par la qualité de ses produits. Leur variété rendrait inutile la création d’un label global au niveau régional et il convient d’éviter la prolifération. Les acteurs de la qualité sont multiples : Etat (dénominations nationales, sites remarquables du goût), parcs naturels, exploitants (groupements de producteurs, produits fermiers), EPCI, départements, etc..Des circuits courts se développent, comme les AMAP (abonnements à des paniers) qui sont nombreux dans la Loire. Les productions bio sont en revanche plus éloignées des centres urbains et sont surtout localisées en Ardèche ou dans la Drôme. Cette production bénéficie dans notre métropole de puissants outils de valorisation en aval, non seulement au niveau de l’agro- alimentaire, mais aussi grâce à la gastronomie, qui apporte une notoriété nationale et internationale à nos produits régionaux : Toques Blanches, événement mondial du pain, salon des vins, etc., outre les effets d’entraînement sur d’autres activités, comme le salon international des métiers de bouche à Lyon (Sirha) ou encore le secteur de l’emballage. La qualité des produits agricoles est pourtant loin d’être une évidence dans nos territoires, car les consommateurs sont à la fois regardants sur les conditions de production ou d’élevage, la qualité de la transformation, la réduction des risques alimentaires, tout en exigeant des prix bas, et en voulant des repas de plus en plus
  • 37. 37 rapides. Ces demandes contradictoires nécessiteront de plus en plus d’innovations. Il convient ainsi de ne pas sous-estimer l’importance de nos espaces ruraux, qui participent pleinement à la richesse actuelle et potentielle de notre métropole et à la qualité de vie et de consommation des citadins. Les questions posées amènent le Professeur Jacques BONNET à apporter des précisions sur l’importance historique de l’agriculture dans le développement économique de Lyon. Cela a commencé dès le 16ème siècle avec les cultures utilisées pour la médecine, l’imprimerie, la soierie. L’art des jardins a été développé à Lyon au 18ème siècle et la culture des roses est une activité économique à part entière dans l’agglomération de Lyon. Il ne faut pas oublier que les Pays-Bas sont un pays très urbanisé, où l’agriculture est puissante. 2)Exposé de Gérard SEIGLE-VATTE Il ne faut pas limiter l’agriculture à son seul poids économique visible, car c’est un enjeu de société tant du point de vue des volumes de production dans un monde en croissance démographique que du point de vue de la qualité et de la sécurité alimentaire. Nous sommes situés dans une Europe qui a tout intérêt à conserver son autonomie alimentaire, en dépit des distorsions des conditions de production au niveau mondial (Amérique du Sud par exemple pour la production de viande à bas prix). Malgré les subventions européennes, l’agriculture de notre région doit continuer à se moderniser sous peine de disparaître. Il s’agit d’un enjeu très important, à la fois compte tenu du poids économique de l’agriculture dans notre région 70 000 emplois pour 4,5 milliards d’Euros de production annuelle, et de celui de notre industrie agro- alimentaire (70 000 emplois également et 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires).
  • 38. 38 Au niveau de notre région et de notre métropole lyonnaise, notre agriculture fait face à de nombreuses difficultés : - difficulté d’installation : au niveau de la région, nous constatons 2 000 à 3 000 départs par an, contre seulement 1 000 installations. Seuls 20% des agriculteurs sont propriétaires de leurs terres. Les exploitations sont devenues des entreprises, qui nécessitent des capitaux importants à la fois au niveau des équipements et des bâtiments, ce qui ne permet pas à de nombreux agriculteurs d’acheter le foncier et ce qui entraîne aussi une difficulté de reprise des exploitations par des jeunes agriculteurs. Avec le morcellement des propriétés, on trouve aussi des cas d’exploitations de 50 hectares avec 25 propriétaires. - déperdition de terres agricoles : en 20 ans, notre région a perdu 80 000 hectares au profit de l’urbanisation et des espaces protégés, soit l’équivalent des terres arables de la Savoie. Il faudra à l’avenir conserver du foncier pour l’agriculture, s’inspirer des allemands qui détruisent beaucoup moins de terres agricoles que nous, et apprendre à reconstruire la ville sur la ville plutôt que d’étendre l’urbanisation, avec parfois des absurdités comme la construction de logements étudiants sur des terres agricoles en zone périurbaine. La pression foncière entraîne aussi un accroissement des coûts : le coût du foncier est ainsi de 8 000 € par hectare dans le Rhône, contre 4 000 € dans la Loire et 1 500 € dans les Deux Sèvres ; En outre, le mitage des zones périurbaines accroît les coûts d’exploitation. - la multiplication des réglementations, qui se superposent : Natura 2000, trames vertes, interdiction de certains produits phytosanitaires dont on ne peut pas se passer. Il y a aussi les groupes de pression de certains écologistes urbains, qui ne connaissent pas les contraintes du monde agricole : il faudra plus de pragmatisme et moins d’idéalisme ! Il faut garder à l’esprit que notre agriculture est un atout dans la métropole lyonnaise. Elle participe à la diversité et à la qualité des
  • 39. 39 paysages. Elle sert de support à la gastronomie, qui fait partie de la richesse de Lyon, avec des réalisations remarquables comme l’Institut Paul Bocuse et les salons de gastronomie. Pour se développer, notre agriculture aura aussi besoin de recherche, notamment pour mettre au point des espèces plus résistantes aux variations climatiques, ainsi que pour mettre au point de nouvelles pratiques et les transférer, par exemple dans le domaine de l’agriculture biologique.
  • 40.
  • 41. 41 « Synergies dans les relations villes- campagnes : Perspectives à l’échelle de la Région Urbaine de Lyon » Anne DUBROMEL Directrice de la Région Urbaine de Lyon Le Président Robert Paris introduit Anne Dubromel, Directrice de la RUL, qui avait déjà eu l’occasion d’apporter son éclairage à la SEPL il y a trois ans sur le thème de la métropolisation. La Région Urbaine de Lyon partage en effet avec la SEPL la même définition du territoire pertinent de la métropolisation de Lyon et des villes environnantes : Grand Lyon, Saint-Etienne, Roanne, Villefranche sur Saône, Bourg en Bresse, Communautés d’agglomérations du Nord-Isère, Vienne et Givors. Ce territoire se différencie du G4 (Lyon-Saint-Etienne-CAPI et Vienne) et de l’inter-SCOT (Schémas de cohérence territoriale), embryons de ce que devrait être une véritable métropole, avec un niveau permettant de mieux répondre aux défis du développement durable qu’au niveau des agglomérations. Il rappelle aussi que l’atout de notre métropole RUL est d’être un territoire à la fois industriel et campagnard. C’est une métropole multipolaire où il fait bon vivre, où l’on a réussi jusqu’à maintenant à concilier innovation et tradition en créant des richesses grâce à l’effet d’entraînement de l’industrie sur l’ensemble des activités économiques. Dans les travaux de ces dernières années, la SEPL a répété avec insistance que cette prospérité est gravement menacée si une stratégie de coopération en équipe n’est pas rapidement mise en œuvre au niveau de la RUL
  • 42. 42 pour faire face à la crise et aux cercles vicieux de la désindustrialisation. Anne Dubromel commence son exposé en rappelant que la RUL, créée en 1989, est une instance de réflexion, de concertation et d’anticipation pour préparer les changements qui s’amorcent. La RUL est actuellement co-présidée par le Président de la Région Rhône-Alpes (Jean-Jacques Queyranne) et le Président du Grand Lyon (Gérard Collomb). Le travail de la RUL permet de préparer l’avenir avec un budget très limité (moins de 0, 6 million d’Euros par an pour un organisme, y compris les locaux, les frais de fonctionnement et l’emploi de 4 salariés). Elle permet de susciter et d’encourager des initiatives et des projets grâce à sa fonction de management de projet, de transversalité et de travail collaboratif entre des organisations en partie cloisonnées : services de l’Etat, agglomérations, acteurs économiques. A titre d’exemple, la RUL joue ce rôle de « cluster » ou d’incubateur pour des projets tels que celui de l’inter-modularité route-fer-fluvial au niveau de la métropole. La RUL peut jouer ce rôle car elle ne constitue pas un enjeu politique et elle ne fait pas peur aux institutions en place grâce à sa discrétion. En 2010, il a été décidé de lancer un travail de prospective pour préparer les changements prévisibles à l’horizon de 2030 : mutations économiques, énergétiques, vieillissement de la population. Ces changements radicaux nécessitent d’identifier des pistes de stratégie pour l’action sans préconiser la décroissance. L’hypothèse formulée dans le cadre de ces travaux animés par Martin Vanier (Arcadie) est que la diversité du territoire de la RUL constitue un atout pour trouver des solutions originales pour un développement durable, c'est-à-dire la recherche de compatibilité entre développement économique, développement social et respect des équilibres écologiques. Il s’agit en effet d’un territoire riche de sa diversité, une espace de rencontre entre terroirs et ouvert sur l’Europe habité par une population ingénieuse et porteuse des
  • 43. 43 valeurs de l’humanisme. Les thèmes abordés ont été notamment les suivants : - comment gérer la complexité de la métropole lyonnaise en faisant coopérer démocratiquement tous les acteurs publics et privés, et pas seulement les collectivités territoriales ? Comment organiser les solidarités entre les diverses parties du territoire ? - quelle politique commune de l’attractivité de ce territoire en créant un pôle de développement de niveau européen ? - comment favoriser l’attractivité touristique et culturelle grâce à la diversité de nos terroirs et de nos agglomérations, en faisant du tourisme urbain la porte d’entrée des terroirs ? - comment trouver ensemble les voies d’un développement économique et social en donnant accès à tous à l’âge de la connaissance, en acceptant la diversité sous toutes ses expressions et en créant des emplois pour tous, y compris au niveau des petits métiers de service qui permettent aux habitants de la métropole de vivre ensemble ? - comment produire localement de l’énergie et découvrir de nouvelles solutions de mobilité et de déplacements dans la métropole ? - comment nourrir la population de façon durable en produisant davantage localement et en valorisant notre gastronomie et le « bien manger », qui font partie du savoir vivre ensemble. La réponse à ces questions nécessite de renforcer la conviction des trois millions d’habitants de ce territoire que l’une des clés de la réussite est la synergie entre monde urbain et monde rural au niveau de la RUL. Cela suppose en particulier de considérer que l’agriculture est à la fois une gardienne des paysages et une productrice d’aliments de qualité. Cette synergie passe également
  • 44. 44 par une meilleure coordination et un plus grand professionnalisme pour structurer l’offre touristique. Elle nécessite aussi de réfléchir à la politique foncière, notamment pour préserver les espaces périurbains et éviter la fragmentation des propriétés et des forêts. A l’occasion du débat, les questions portent notamment sur la comparaison avec Stuttgart et Turin, qui sont aussi des métropoles multipolaires qui associent activités industrielles et agriculture et tourisme rural. Ce débat amène le Professeur Jacques Bonnet (Université Lyon 3) à apporter quelques précisions à caractère géographique et historique sur ce territoire qui a des atouts uniques à ses yeux pour permettre une politique de renforcement de l’attractivité: - la région urbaine de Lyon est celle qui a la plus grande densité industrielle de France, et c’est la capitale française des PMI. Elle a une histoire industrielle et une tradition de libre entreprise, comme cela a été décrit par Fernand Braudel. - ce territoire a quelque chose d’allemand dans sa culture industrielle, ce qui peut aussi s’expliquer par le fait qu’il appartient à l’ancienne Lotharingie. - cette métropole ne pourra vivre qu’en raisonnant au niveau d’une échelle de projet plus grande que celle des agglomérations qui la composent : le territoire de la RUL est celui qui est pertinent. - le point clé est celui de l’attractivité La séance se termine par une intervention de Nicolas Millet (CCI- Lyon) qui insiste sur la nécessité de penser le développement de façon multipolaire, sans reproduire autour de Lyon le mode de développement bilatéral en étoile que l’on connaît entre Paris et les principales villes de notre France centralisée.
  • 45. 45 • SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET • D’ÉCONOMIE SOCIALE DE LYON • – : – • DÎNER-DÉBAT du MERCREDI 7JUIN 2012 • Sur le thème : • La nécessaire réindustrialisation de la France, quelle contribution de la Recherche et Développement publique ? La séance est ouverte par le Président Robert PARIS à 20 heures. M. THOMAS.- Je vais passer la parole à Robert PARIS, Président de la Société d'Economie Politique et d'Economie Sociale de Lyon. M. PARIS.- Merci beaucoup Michel. Je vois que vous êtes efficace puisque vous avez obtenu que les gens soient assis, presque tous, et puis qu'il y ait le silence. C'est formidable, je vous repasserai la parole bientôt. Mesdames et Messieurs, chers amis, je vous remercie d'abord d'être venus nombreux assister à la conférence de M. Bernard BIGOT, Administrateur Général du Commissariat à l'Energie Atomique et aux Énergies Alternatives, le CEA. Je laisserai la place tout à l’heure à Michel THOMAS qui le présentera comme il sait si bien le faire et ce sera une partie de plaisir pour nous tous.
  • 46. 46 M. Bernard BIGOT interviendra sur un sujet extrêmement important en ce moment (il l’a toujours été en fait) : c'est celui de la réindustrialisation. Vous savez que c'est un sujet qui m'occupe depuis longtemps et qui continuera de le faire. Bernard BIGOT est un grand spécialiste et, en tous cas, en matière d'énergie, il est imbattable. Il l’a démontré tout à l'heure lors d'une mini-conférence de presse et il s'appuiera sur ce qu'il connaît des possibilités de la recherche et du développement public pour présenter le sujet de cette soirée. Je connais bien Bernard BIGOT puisque j’ai eu le plaisir de réfléchir avec lui sur un thème qui nous a mobilisés bien longtemps : il s'agissait de proposer et de justifier l'implantation d'un réacteur nucléaire en Rhône-Alpes. Mais avant de passer la parole à Michel THOMAS et à Bernard BIGOT, je voudrais ouvrir cette soirée en vous disant quelques mots sur la SEPL et ses activités. Vous savez tous que la SEPL est une société de réflexion et de prospective qui a été créée en 1866. C'est une société apolitique qui a été fondée à l'époque par des personnalités lyonnaises influentes en particulier le Président du Crédit Lyonnais, Henri Germain et le Secrétaire Général de la CCI de Lyon, Jean TISSEUR, dont je salue aujourd'hui les représentants. Cette société apolitique a donc une grande liberté de parole dont elle n'abuse pas. Parmi ses lettres de noblesse sachez qu'elle a reçu des personnalités importantes du monde politique et économique depuis 1866, c'est-à-dire 146 ans, les trois dernières étant Jean Pierre RAFFARIN, Gérard COLLOMB et Luc FERRY qui avaient été de brillants orateurs. Je suis persuadé que M. Bernard BIGOT les rejoindra dans cette
  • 47. 47 catégorie. Je ne citerai pas tous les autres, car cela serait beaucoup trop long. L'un d'entre eux avait dit que la prospective exigeait de voir large et loin et surtout de penser à l'homme. En cette période de crise il est important de s'en inspirer, surtout quand on sait que nos objectifs, ceux de la SEPL, sont clairement d'aider le monde politique et économique à réaliser ses ambitions, notamment celle de faire de Lyon une grande métropole multipolaire et aussi parler de la réindustrialisation de cette métropole. Pour cela il fallait nous appuyer sur les jeunes, les écoles, les universités, sur la recherche et nous avons ouvert un grand chapitre sur les synergies avec l'entreprise. Ceci étant, je veux remercier tout particulièrement les intervenants de la session écoulée : Jean AGNES, Président du Groupe GABIS, ancien Président de la CCI de Lyon et Catherine MERCIER SUISSA, I.A.E. de Lyon, Maître de conférences. Jean ARCAMONE, Président de ARCHE MANAGEMENT et Alfred REITER, Directeur Général de CINETIC MACHINING (Groupe Fives), Patrick MUNDLER, Enseignant-Chercheur à l’Isara Lyon et Guillaume BARONNIER, Direction Générale des Boucheries ANDRE, Gérard SERGLE-VATTE, Président de la Chambre d’Agriculture Rhône-Alpes et Céline BROGGIO, Géographe, Maître de conférences à Lyon3, ( parce qu'on a aussi parlé d'agriculture) Enfin, Olivier FREROT, Directeur Général de l’Agence d’Urbanisme au Grand Lyon et Anne DUBROMEL , Directrice de la Région Urbaine de Lyon. Je salue la présence d’Alain MERIEUX qui est peut-être le plus grand serviteur de la cause industrielle lyonnaise, avec Michel ROBATEL qui est
  • 48. 48 également parmi nous et a beaucoup œuvré pour l'industrie dans la région Rhône-Alpes. Je remercie également les représentants de la CRCI Rhône-Alpes et des CCI de Lyon et Bourg-en- Bresse ( je me réjouis de constater que le Département de l’Ain est représenté à notre soirée ), le 1er Vice- Président de Lyon III, Alain ASQUIN, Bernard BUISSON, Directeur Général Adjoint du Crédit Agricole Centre Est, Pascal. DESAMAIS, Directeur Général d’ISARA Lyon, que j'ai vu tout à l'heure mais que je n'ai pas pu saluer, Jean-Luc DUFLOT, Directeur du Réseau Rhône-Alpes Auvergne de LCL qui fait partie des membres du Conseil d’Orientation de notre Association, Emmanuel IMBERTON, Vice-Président de la CCI de Lyon, qui représente le Président Philippe GRILLOT, également membre de notre Conseil, Jean- Louis MARTIN, Président de l'UIC Rhône-Alpes,. Jean Roger REGNIER, Délégation Régionale EDF, Bernard SINOU, Directeur Général de la CCI,. Michel SIMON, Président de la SFEN Rhône-Alpes, la Société Française d'Energie Nucléaire, Yves-Marie UHLRICH, Maire d'Ecully, fidèle de nos dîners-débat et bien d'autres que vous me pardonnerez de ne pas citer faute de temps. Je remercie aussi Mme JIMBERT que tout le monde connaît et les membres du Bureau de la SEPL qui nous ont aidé dans la réalisation de cette soirée. Je pense que vous prendrez du plaisir tout à l’heure à écouter M. BIGOT et je vais maintenant appeler votre attention sur le déroulement de la soirée. Nous servirons tout d’abord l’entrée (ce qui est en cours d’ailleurs). Ensuite, Michel THOMAS, Membre de notre Bureau, présentera notre Hôte d’Honneur avant de lui donner la parole pour exposer ses vues sur le sujet que nous traitons ce soir.
  • 49. 49 Le repas se poursuivra ensuite et avant le dessert, Bernard BIGOT se prêtera au jeu des questions- réponses que vous aurez bien voulu préparer à chaque table. Ces questions seront « récoltées » par Michel THOMAS qui, comme à l’accoutumée, en fera un résumé pour les soumettre ensuite à Bernard BIGOT. Un mot pour finir. Comme vous le savez sans doute, la SEPL va changer de Président, puisque mon mandat va s’achever avec l’Assemblée Générale qui se tiendra en Octobre. C’est Yves MINSSIEUX, banquier, qui a été pressenti pour me remplacer et qui a accepté. C’est un homme précis et brillant et je suis persuadé que notre Association sera alors dans de très bonnes mains. Par ailleurs, Yves Minssieux aura un bureau élargi par l’arrivée de deux jeunes membres : Guillaume COCHET, Président de la Fédération des Jeunes Chambres Economiques Rhône- Alpes, Agent Général AXA Assurances Gaétan de SAINTE MARIE, Président de PME CENTRALE La Vice-Présidence de la SEPL devrait être confiée à Gaétane HAZERAN, Crédit-Manager consulting opérationnel ARCANSAS CMC PLUS, Présidente d d’Honneur d’Action’elles Ces nominations devraient être validées également lors de l’AG du mois d’Octobre.
  • 50. 50 Je vous souhaite un bon appétit à tous. Profitez de votre soirée qui, je l’espère sera détendue et conviviale. Comme vous l’aurez constatez, nous avons placé sur chaque table des documents d’information sur la SEPL, et, notamment un bulletin d’adhésion que je vous invite à remplir et à remettre à Madame JIMBERT car, bien évidemment, notre souhait est de réunir le plus possible d’adhérents ! (Applaudissements) (Suspension de séance) M. THOMAS.- Mesdames, Messieurs, vous ne pensez tout de même pas que vous êtes venus ici pour bavarder. Je vais donc avoir l'honneur de vous présenter M. Bernard BIGOT si vous voulez bien me prêter votre attention. Bernard BIGOT n'est pas de chez nous. Il est né à Blois en janvier 1950 et il est tombé très tôt dans les questions relatives à l'énergie puisque son père dirigeait une petite entreprise de distribution de combustibles. C'est vous dire. Il va faire de très brillantes études secondaires à Tours puis s'oriente vers la chimie, aboutit à l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud. À l'issue de sa formation et de ses études il devient agrégé de chimie, docteur ès sciences physiques. Par conséquent, vous avez affaire à un chimiste. Il a également mené une très belle carrière universitaire qui l'a emmené en particulier jusque dans notre bonne ville de Lyon pour y exercer à l'Ecole Normale Supérieure sciences d'abord en qualité de directeur adjoint chargé de la recherche puis en
  • 51. 51 assumant la direction de cette école elle-même de 2000 à 2003. Ce passage à Lyon en fait quasiment l'un des nôtres et nous sommes donc très heureux qu'il ait accepté d'être ce soir l'hôte d'honneur de la Société d'Economie Politique. Mais, en fait, Bernard BIGOT est également et surtout un des acteurs essentiels de la recherche scientifique dans notre pays. En effet, quand on cumule de pareilles compétences on ne peut évidemment pas rester cantonné dans une fonction d'enseignant pour belle et noble que soit cette tâche. C'est ainsi qu'il a été appelé très souvent à occuper de hautes fonctions au sein de l'administration et de la recherche. Jugez-en, je cite au hasard : chef de la mission scientifique et technique, puis directeur général de la recherche et de la technologie au Ministère chargé de la recherche de 1993 à 1997, il était alors déjà membre du Comité à l'Energie Atomique. Directeur de l'Institut de recherche sur la catalyse (1998-2002), directeur du cabinet de Claudie HAIGNERE (ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies), puis directeur adjoint du cabinet de Luc FERRRY que nous avons reçu l'an dernier comme hôte d'honneur lorsque celui-ci était Ministre de la Jeunesse, de l'Education Nationale et de la Recherche entre 2002 et 2003. En juillet 2003, Bernard BIGOT est nommé Haut-Commissaire à l'Energie Atomique, poste qu'il conservera jusqu'en mai 2009. Il est, notez-le bien, le septième à occuper ce poste depuis la création de cette fonction en 1945, fonction dans laquelle il a succédé à des précurseurs prestigieux comme Frédéric JOLIOT- CURIE ou Francis PERRIN.
  • 52. 52 Entre temps, il a été nommé en janvier 2009 Administrateur Général du Commissariat à l'Energie Atomique et il est entré également en 2009 au Conseil d'Administration d'Areva. Il y a quelques mois il a été reconduit en qualité d'administrateur général du Commissariat à l'Energie Atomique pour une durée de trois ans à compter de janvier 2012. Je ne m'attarderai pas sur ses autres fonctions ici et là, au Conseil Économique de la Défense, au Centre informatique national de l'enseignement supérieur ou à l'Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l'énergie. Je ne vous parlerai pas non plus de ses nombreuses publications scientifiques sur la physico- chimie quantique appliquée à la photochimie, à la catalyse hétérogène, à la réactivité en phase liquide et à l'énergie nucléaire. Eh bien non ! je ne vais pas vous parler de tout cela. Pour préparer cette petite présentation j'ai préféré folâtrer sur Internet pour retrouver un certain nombre de ses interventions, de ses avis ou de ses opinions sur la science, l'énergie et même sur le monde. Et j'en ai isolé quelques-unes, qu'il me pardonnera d'avoir sortie de leur contexte, pour simplement montrer qu'on peut être un scientifique de très haut niveau, conserver les pieds sur terre et surtout savoir se projeter dans l'avenir en dépassionnant les choses. Ainsi, par exemple, Monsieur BIGOT, vous vous êtes beaucoup exprimé sur l'énergie, ce qui est bien normal compte tenu de vos fonctions. Je vous cite au hasard : "Sans le nucléaire, la facture énergétique de la France exploserait". "La sortie du nucléaire, c'est un coût probable de 700 milliards d'euros."
  • 53. 53 "On ne fait pas du nucléaire par plaisir mais par nécessité, pour la production massive d'électricité avec un prix acceptable et sans émissions de CO2". "Descendre à 50 % de nucléaire, pourquoi pas ? Mais pas de manière précipitée." "Si nécessaire, organisons un débat sincère où le pays se donne une vraie vision de la manière dont il se projette dans l'avenir pour ses moyens de production de l'électricité dont il aura besoin". Ecoutez celle-là : "Le nucléaire n'est pas dangereux aussi longtemps qu'on a la certitude qu'il peut l'être." Moi je trouve cela remarquable de bon sens. Vous essayez également, Monsieur BIGOT, de vous projeter dans l'avenir lorsque vous dites : "Il n'y a pas de "tout" : pas de tout nucléaire, de tout électrique ou de tout renouvelable. Il n'y a pas une énergie qui présente tous les avantages tout le temps pour tous les usages. Il y a nécessairement un bouquet énergétique." Ou encore, "Il est très vraisemblable qu'un bouquet énergétique s'imposera, accompagné d'une réduction drastique de notre consommation par habitant." Cela c'est pour les lendemains qui chantent. Vous conviendrez que cette perspective n'est pas très encourageante pour nous qui avons pris l'habitude de vivre dans le confort énergétique. Et pourtant vous êtes encore un optimiste démoniaque lorsque vous dites : "40 litres d'eau et la batterie d'un ordinateur portable contiennent suffisamment de lithium, précurseur du tritium, et de deutérium pour satisfaire la consommation électrique actuelle d'un Européen pendant quarante ans !". Cela c'est magnifique parce que je trouve que c'est une
  • 54. 54 preuve d'optimisme considérable dans la capacité de la science à résoudre nos problèmes. Enfin, vous énoncez une critique à peine voilée au sujet de notre système de formation en soulignant que "pour la plupart des jeunes les métiers de la chimie se résument à ceux de chercheur ou d'ingénieur. Or, il y a toute une chaîne de métiers, du technicien (niveau CAP) jusqu'à l'ingénieur, qui sont moins connus mais tout aussi importants". Et vous dites encore à titre d'exemple, "La France manque de toxicologues. Du coup, les études toxicologiques sont réalisées aux Pays-Bas. Vous trouvez ça normal ?" On en pose des questions. Au hasard de mes recherches j'ai très souvent trouvé dans votre bouche le mot "confiance." Ce mot vous est très souvent reproché dans les nombreux blogs, articles ou interviews de vos contradicteurs, qui sont même parfois, on peut bien le dire, des détracteurs. L'optimisme est certes une qualité, et surtout une excellente façon de lutter contre le stress. Mais n'est-il pas aussi une façon de se masquer la réalité des choses ou de sous-estimer les risques ? J'aimerais bien avoir ce soir votre avis sur ce point précis. Le thème que vous avez choisi de traiter devant nous est "la nécessaire réindustrialisation de la France, quelle contribution de la Recherche et du Développement Public ?" Tout le monde sait bien que ce qui fait la force de nos voisins allemands c'est le formidable tissu industriel sur lequel repose leur économie. Nous semblons quant à nous depuis des années avoir plutôt voulu développer les services au détriment de la production industrielle. On constate
  • 55. 55 également que près de la moitié des ressources de nos compatriotes sont des revenus de redistribution et non des revenus de production. Lorsqu'on regarde les chiffres de l'emploi on constate un prodigieux déficit en matière de formation d'ingénieurs, de techniciens, en un mot de producteurs. En revanche, on a une pléthore de commerciaux qui n'ont rien à vendre ou se bornent à acheter pour revendre et de gestionnaires qui n'auront bientôt plus rien à gérer si cela continue. Le reste c'est la merveilleuse "économie de service" dont je me demande parfois quelle est sa valeur ajoutée.... Ce constat met en évidence qu'il convient de mener dans notre pays un énorme effort de restructuration non seulement de son système productif mais bien aussi de son système de valeurs, de son système de formation, voire de son système de répartition des richesses. C'est un enjeu majeur qui ne me paraît pas avoir été abordé de quelque façon que ce soit au cours de la récente campagne présidentielle et qui est encore plus absent dans la quasi confidentialité de l'actuelle campagne législative. Monsieur l'Administrateur Général, nous sommes impatients de vous entendre sur cet enjeu qui conditionne sans aucun doute l'avenir de nos enfants, de nos petits enfants et les petits enfants de nos petits- enfants. Alors, avant de vous céder le micro je vais simplement rappeler les modalités de continuation de cette soirée. M. BIGOT va nous faire part de son avis sur le thème qu'il nous a proposé. Ensuite, nous prendrons le plat principal et pendant que vous aurez à déguster ce plat vous réfléchirez. Au moment où on vous apportera le fromage vous rédigerez pour chaque table une question à poser à notre conférencier. La table d'honneur aura droit à deux questions. Et puis je
  • 56. 56 passerai ramasser les copies. J'essaierai de faire une synthèse de ces questions parce que l'expérience montre que quelquefois elles se regroupent et on ramènera cela à quatre ou cinq questions génériques que je poserai en votre nom à notre conférencier. Je lui cède maintenant la parole et vous remercie de votre attention. (Applaudissements) M. PARIS.- Merci Michel, vous avez été égal à vous-même. Donc, cela a été très bien et il faut souhaiter que notre conférencier soit sur le même rythme. M. BIGOT.- Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je vais essayer de partager avec vous quelques-uns des éléments de conviction qui sont les miens quant à cet enjeu de réindustrialisation. Tout d'abord, l'introduction qui a été faite démontre une chose, l'incroyable puissance qui est celle d'Internet aujourd'hui. Vous ne pouvez pas prononcer un mot sans qu'il soit complètement inscrit dans le marbre et diffusé où que ce soit, même s'il est complètement déformé. Par exemple, je n'ai jamais dit que cela coûterait 750 milliards. Je peux vous donner exactement la genèse de cet évènement. J'étais dans mon bureau pour une interview qui devait parler d'énergie renouvelable et cela le même jour où une banque allemande disait que sortir du nucléaire coûterait sans doute pour l'Allemagne 250 milliards d'Euros. Le journaliste m'a dit "Monsieur BIGOT, savez-vous combien cela va coûter ?" Je lui ai dit "je n'en sais rien, personne ne peut savoir parce que cela va dépendre des hypothèses que nous allons prendre, dans quelles conditions vont se situer l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables". J'ai bien senti qu'il ne s'en contenterait pas et je lui ai dit "voilà, c'est très simple,
  • 57. 57 nous avons trois fois plus de nucléaire que l'Allemagne, à vous de juger." Et vous savez très bien le titre qu'il a fait. En fait, l'article traduisait très fidèlement mon propos, mais le titre était complètement réducteur, bien évidemment. Cela fait partie du jeu. Je vais peut-être vous surprendre parce que pour beaucoup d'entre vous, le CEA, c'est la vision du CEA historique qui a été créé en 1945, qui a reçu mission du Général de Gaulle de tirer le meilleur parti de l'atome dans le domaine de l'industrie. C'est très intéressant, le premier mot est l'industrie. Venaient ensuite la recherche, la défense et en dernier lieu la santé. Mais le CEA est comme tout un chacun, il évolue dans le temps. Et, après, je le crois, avoir assez brillamment réussi à aider la France à se doter d'une capacité nucléaire dans les champs que je viens de vous expliquer il s'est ouvert à d’autres domaines par une histoire que je voudrais vous raconter si cela vous intéresse. Réindustrialisation, je crois que chacun a conscience que la France connaît une effroyable destruction progressive de son tissu industriel depuis 20 ans. Ce n'est un secret pour personne. L'industrie a perdu plus de 100.000 emplois industriels en 3 ans. Entre 2000 et 2010 le poids de l'industrie dans l'économie française est passé de 17,8 % à 12,6% dans le produit intérieur brut. C'est une perte de 5,2 points, presque un tiers en proportion en 10 ans. Cela représente une perte de l'ordre de 100 milliards dans le produit intérieur brut en année pleine et pour que chacun mesure bien ce que cela veut dire il convient de savoir que le montant de notre produit intérieur brut en 2011 a été de l'ordre de 2000 milliards.
  • 58. 58 C'est 5 % grosso modo qui a été réduit. Et pour que chacun mesure bien encore ce que cela signifie, la totalité de nos exportations en année pleine est de l'ordre de 430 milliards d'Euros. Donc, 100 milliards, un quart de notre capacité exportatrice. À ce rythme ce n'est pas difficile de comprendre que si nous continuons comme cela dans une génération nous n'aurons plus d'industrie manufacturière. Et cette tendance n'est pas seulement celle de la France, cette tendance est générale en Europe puisque entre 2000 et 2010 le poids de la valeur ajoutée cette fois-ci manufacturière dans le produit intérieur brut européen est passé de 19,2 % à 15,5 %, soit un recul de 3,7 points de cette valeur. Ce n'est pas égal pour tous les pays. L'Allemagne elle-même a reculé. Elle a reculé de 20,8 à 18,7 mais la France, elle, a reculé de 14,4 à 9,3. Donc, nous sommes passés en-dessous des 10 % de la valeur ajoutée dans l'ensemble de notre produit intérieur brut qui relève de l'industrie. Il y a là un vrai problème et pour donner quelques chiffres encore j'ai lu qu'il y a 30 ans en France parmi les produits manufacturiers de grande consommation, ceux qui étaient les plus utilisés, 40 % d'entre eux étaient produits en quasi-totalité dans notre pays. Aujourd'hui c'est moins de 5 %. Ce constat est général et il n'est pas, d'une certaine manière, contestable. Il est évident que nous avons reculé dans ce domaine. Quelques indicateurs au hasard : un indicateur de compétitivité industrielle aujourd'hui est le nombre de robots installés dans les usines. En 2010 en France il y avait grosso modo 35.000 robots industriels. Il y en a deux fois plus en Italie, 62.500, 4 fois plus en Allemagne, 148.000. Et l'écart ne tend qu’à se creuser. Quand les industriels
  • 59. 59 français installaient 3000 nouveaux robots en France en 2011, les industriels allemands en installaient 20.000 et les industriels chinois 52.000. En Corée actuellement vous avez plus de 100.000 robots et je ne parle pas du Japon où vous en avez 290.000. Il est clair qu'il y a des diagnostics qui parlent d'eux-mêmes. Et, surtout, ne me dites pas que les robots sont destructeurs d'emploi, au contraire, ils sont créateurs d'emploi. Un robot nécessite au minimum trois personnes pour être effectivement en fonc- tionnement. Donc si le robot gagne en productivité, vous conquérez des marchés et par là même vous créez de l'emploi. Un autre indicateur performant est la balance commerciale. On est dans un monde ouvert. Comme vous le savez sans doute la France est largement déficitaire. En 2011, c'était 70 milliards de déficit. Nous avons une couverture inférieure à 86 %. L'Allemagne a fait plus 180 milliards d'euros de surplus, donc 107 % de couverture. Voilà quelques éléments que je voulais partager avec vous pour vous convaincre que le mot réindustrialisation n'est pas un vain mot, c'est une urgence et une nécessité. C'est, d'une certaine manière, l'obsession de tous ou tout du moins ce que je souhaite c'est que cela le soit depuis l'ouvrier jusqu’à l'ingénieur, de l'entrepreneur ou le jeune à la recherche d'emploi jusqu’au retraité inquiet de la valeur de sa pension. Mais cette préoccupation, cette obsession de la réindustrialisation, je voudrais vous convaincre qu'elle est aussi celle du CEA, et ce depuis des décennies. Ce qu'est le CEA aujourd'hui est bien différent de ce qu'il était en 1945 quand il a été créé. C'est, aujourd'hui, un organisme de recherche et développement tout entier mobilisé pour créer de la valeur économique et favoriser l'emploi technologique,
  • 60. 60 c’est créer de notre valeur ajoutée dans ses domaines de compétence et son mot d'ordre qui se trouve désormais sur son logo type récemment adopté est "de la recherche à l'industrie", de la compréhension la plus fondamentale des phénomènes de la nature jusqu'à un démonstrateur préindustriel susceptible d'intéresser l'industriel, de le convaincre qu'effectivement il y a avec cette innovation une vraie capacité à conquérir des parts supplé- mentaires de marché. Dans le monde entier, et plus particulièrement depuis les années 50, la performance économique et notamment industrielle d'un pays est fortement corrélée à son investissement dans la recherche. Plus particulièrement dans la recherche technologique et dans la répartition des moyens consacrés à la recherche entre les trois composantes de la recherche, même si celles-ci ne sont pas cloisonnées, bien évidemment, il y a de la perméabilité entre elles. La recherche la plus fondamentale, c'est-à- dire la recherche exploratoire, celle qui développe des concepts entièrement nouveaux, qui découvre les éléments de rupture les plus inattendus. Ce n'est pas en essayant d'améliorer la bougie qu'on a découvert le transistor. C'est vraiment la liberté la plus complète qui doit prévaloir. Vous avez ensuite la recherche techno- logique, celle qui a pour mission justement l'intégration de ces découvertes dans un système ou procédé innovant et qui vise d’en faire démonstration à l’échelle du laboratoire ou de l'organisme. Et puis le dernier composant, bien sûr, c’est le développement industriel. Vous le savez peut-être, à eux seuls les Etats-Unis, l'Union Européenne et le Japon représentent plus de 70 % des dépenses mondiales de recherche et développement. Ce n'est pas par hasard que ce sont les
  • 61. 61 plus dynamiques du point de vue industriel. Les Etats- Unis c'est 34 %, l'Union Européenne 27 % et le Japon 13 % environ. La Chine que vous savez particulièrement dynamique occupe juste la troisième place derrière les Etats-Unis et l’Allemagne, au même niveau que le Japon avec 9,3% et elle progresse à un extrêmement grand rythme. Si on cite tous les pays qui ont une activité de recherche et développement vous avez, bien sûr, outre ceux cités, la Corée du Sud, par exemple, très clairement qui est dans le jeu. Voilà ce que je voulais vous dire d'entrée. Dans tous les cas l'investissement public représente généralement de 35 à 60 % de l’investissement national dans la recherche et développement il est en effet nécessaire qu'il y ait de l'investissement public sinon il n'y a pas de socle de savoir pour véritablement avoir une politique de recherche active. Un des points importants est qu'en France on consacre 45 milliards d’euros (l'ensemble de la collectivité nationale) à la recherche. Je vous ai donné l'ordre de grandeur du PIB 2000 milliards. Ce n'est pas tout à fait négligeable (2,25%). En France, ces 45 milliards, c'est 64 % fourni par le monde industriel et le complément est fourni par l'État, c'est-à-dire à peu près 15 milliards que la puissance publique apporte effectivement au soutien de la recherche dans son ensemble. La question essentielle est : est-ce que cet investissement porte tous les fruits attendus, notamment quand on compare notre situation à d'autres pays ? Pour cela je voudrais comparer la proportion des investissements totaux de recherche et développement entre les trois catégories de recherche que j'ai mentionnées : recherche fondamentale,
  • 62. 62 recherche technologique, développement industriel d'une part aux Etats-Unis et d'autre part en France. Aux Etats-Unis, comme dans tous les autres grands pays industriels que j’ai cités à quelques pourcents près, c'est 18 % de la totalité de l'investissement de recherche nationale qui est consacré à la recherche fondamentale, 22 % à la recherche technologique, 60 % à la cherche industrielle. En France c'est 33 % à la recherche fondamentale, 5 % à la recherche technologie et 62 % à la recherche industrielle. Je crois que ces chiffres parlent d'eux- mêmes. Nous ne sommes pas nécessairement en déficit au moins en proportion sur le développement industriel. Nous sommes surdimensionnés dans notre pays en termes de recherche fondamentale et nous sommes totalement sous-gréés pour ce qui concerne la recherche technologique. C'est un rapport pratiquement d'un quart, comme vous le constatez, entre le poids de la recherche technologie dans les Etats-Unis et en France. Pour tous les grands pays industriels, grosso modo, c'est de l'ordre de 60 % pour la cherche industrielle, de l'ordre d'un cinquième environ pour la recherche technologique et à peu près l'équivalent pour la recherche fonda- mentale. Généralement, la recherche technologique est un peu plus forte. Pour moi ce n'est pas le seul facteur de notre déficit, mais c'est un des facteurs essentiels. Nous ne savons pas transformer des découvertes fondamentales sur lesquelles la France est tout à fait au meilleur niveau en produits. Et le CEA effectivement se situe exactement sur ce créneau d'essayer d'aller depuis la recherche la plus fondamentale jusqu'à l'extrême de la recherche technologique, c'est-à-dire la démonstration.