Note netscope bilan présidentielle vendredi 20 avril 2012 20h
1. Vendredi 20 avril 2012
INSTITUT NETSCOPE
BILAN DE LA CAMPAGNE SUR LE WEB À J-2 AVANT LE PREMIER TOUR
Tout au long de la campagne, l’Institut Netscope a scruté et analysé l’ensemble des messages produits sur
les différents segments du Web : les réseaux sociaux (Twitter et Facebook), la blogosphère et les sites
d’informations. L’examen de ces millions de messages permet de dégager cinq enseignements principaux.
1. UN WEB POLITIQUE EN PLEINE EXPANSION
Le premier grand enseignement de cette campagne tient dans le fait que de plus en plus de citoyens
publient des messages politiques, tout particulièrement sur les réseaux sociaux, dont il faut rappeler qu’ils
étaient encore embryonnaires lors de la dernière présidentielle. Ainsi, rien qu’entre le 1er et le 31 mars 2012,
il est assez impressionnant, de constater que près de 200 000 comptes Twitter ont publié un ou plusieurs
messages consacrés à Nicolas Sarkozy. Au total, ce sont plus de 20 % des comptes actifs sur Twitter qui ont
parlé, à un moment ou à un autre, de l’un des candidats à l’élection présidentielle.
Evolution du nombre des fans Facebook, des tweets, des articles de sites d'infos et des
billets de blog évoquant au moins l'un des six principaux candidats (du 19/01 au 19/04)
4000000
3 021 709
3000000 2 530 693 Total Tweets
2000000 1 415 850 Total fans Facebook
707 824 809 020 892 533 Total articles
1000000 487 080 617 823
428 504
12 982 12 990 13 956 Total billets de blogs
0
19 janv - 19 févirer 19 février - 19 mars 19 mars - 19 avril
Cette mobilisation est montée en puissance tout au long de la campagne. Tout particulièrement sur
Twitter, où le nombre de messages a plus que doublé passant de 1 415 850 (entre le 19 janvier et le 19
février) à 3 021 709 (entre le 19 mars et le 19 avril).
Nombre de twittos uniques par candidat (1er- Nombre de tweets par candidat (1er-31 mars
31 mars 2012) 2012)
1 361 973
Nicolas Sarkozy 199 810 Nicolas Sarkozy
François Hollande 85 826 François Hollande 853 934
Marine Le Pen 57 536 Jean-Luc Mélenchon 315 806
Jean-Luc Mélenchon 36 535 François Bayrou 198 073
François Bayrou 25 569 Marine Le Pen 188 627
Eva Joly 12 912 Eva Joly 58 741
De même, le nombre de « fans » sur les pages des candidats est-il passé de 707 824 le 19 février à
892 533 le 19 avril, soit une progression de plus de 20 points en deux mois. Ces chiffres confirment que des
centaines de milliers de citoyens publient aujourd’hui des messages politiques sur le Web, pour manifester
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publiquement leurs sentiments ou leurs opinions et pour relayer des informations, participant ainsi
directement à la production des récits de campagne et à la formation des images des candidats.
2. LE WEB POLITIQUE EST REACTIF MAIS PAS PROACTIF
Malgré l’importance qui est la sienne aujourd’hui, le Web n’est pas encore en situation d’imposer son
propre agenda et de dicter ainsi le tempo de la campagne électorale. Ce sont encore les grands médias
classiques – au premier rang desquels les principales chaînes de télévision et dans une moindre mesure
les grandes radios périphériques et les principaux organes de presses (sous leurs versions papiers et
numériques) – qui font l’agenda politique et imposent les sujets d’actualité. Il est ainsi particulièrement
frappant de constater que les réseaux sociaux et les blogs n’ont été à l’origine d’aucun buzz de grande
ampleur au cours de cette campagne. Ils n’ont fait que réagir à des signaux issus des médias traditionnels,
contribuant ainsi parfois à les amplifier et à les entretenir. Un réseau social tel que Twitter est ainsi
particulièrement réactif au passage des candidats en prime time sur Tf1 ou France 2. C’est dans ce type
de situation que les « grands candidats » enregistrent leurs pics d’audience sur le réseau social et que les
« petits candidats » génèrent des volumes de messages sans commune mesure avec leurs ratios
habituels.
Avec les chaînes d’infos en continue, le Web contribue cependant à modifier le rythme et la temporalité
des campagnes électorales. Ces nouvelles arènes médiatiques opèrent selon la logique du buzz que les
équipes de campagne et les candidats sont, en quelques sortes, contraints d’alimenter quotidiennement.
La couverture et le commentaire de la campagne en « live », de façon continue, qui caractérise à la fois
les chaînes d’infos et l’espace numérique va ainsi de pair avec la multiplication des « annonces », quasi-
quotidiennes, destinées à entretenir le buzz et par là-même l’attention de ces nouveaux média sur les
acteurs politiques. Ces logiques de production confortent une forme de « mnésie électorale ». La
succession sur un rythme effrénée des « annonces » rend difficile la stabilisation du débat politique
autour de clivages et d’axes programmatiques forts, avec pour conséquence une plus grande difficulté à
se repérer au sein de l’offre électorale. Il n’est alors pas étonnant que les électeurs jugent la campagne
« ennuyeuse » et que les responsables se soucient, avec perplexité, du fait que « rien n’imprime » au sein
de l’opinion. Il en résulte également que les seuls signaux stables, bien ancrés dans la durée, sont ceux
relatifs aux traits d’images et de personnalités des différents candidats.
3. LE REJET MASSIF DU PRESIDENT-CANDIDAT
Ce qui caractérise le plus le Web politique au cours de cette campagne, c’est d’avoir opéré comme un
espace où s’exprimait le rejet massif de Nicolas Sarkozy. Un réseau social tel que Twitter, malgré les
investissements militants de l’UMP, aura ainsi été tout au long de la campagne un espace de résonnance
de toutes les variantes de l’anti-sarkozysme. Il est, ainsi, impressionnant de constater à quel point Nicolas
Sarkozy polarise l’attention sur un réseau de ce type : il y a presque autant de twittos qui se sont exprimés
sur Nicolas Sarkozy que sur l’ensemble des autres candidats réunis. Et cette polarisation se révèle
particulièrement négative.
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Evolution du nombre de tweets évoquant les six principaux candidats
120000
100000
Hollande
80000 Sarkozy
60000 Le Pen
40000 Bayrou
20000 Mélenchon
Joly
0
16-Jan 23-Jan 30-Jan 06-Feb 13-Feb 20-Feb 27-Feb 05-Mar 12-Mar 19-Mar 26-Mar 02-Apr 09-Apr 16-Apr
Ainsi, 39 % des messages publiés sur Nicolas Sarkozy ont-ils une tonalité négative (contre seulement 7 %
présentant une tonalité positive). Compte tenu des volumes de tweets consacrés au candidat-président,
celui-ci concentre sur sa personne plus de la moitié des messages négatifs adressés à l’ensemble des
candidats à l’élection présidentielle.
Tonalité des candidats sur Twitter (en%)
Période 1 mars au 19 avril 2012
100% 6 5
20 11
80% 39
60% Négatif
70 80
71 84 Neutre
40%
54 Positif
20%
24 15
0% 9 7 5
Mélenchon Hollande Bayrou Sarkozy Le Pen
Sur les blogs, le rejet de Nicolas Sarkozy est encore plus flagrant que sur Twitter. Il recueille ainsi 87% de
billets négatifs contre 34% pour François Hollande. Ce résultat s’explique en partie par la composition de la
blogosphère politique. Très nettement orientée à gauche de l’échiquier politique, elle se compose de 47%
de blogueurs de gauche contre 18% de droite et 15% d’ « extrême-gauche » (gauche du PS). Par ailleurs, les
blogueurs de droite semblent beaucoup plus silencieux que ceux de gauche, notamment quand il s’agit
d’apprécier les actions du chef de l’État.
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Tonalité des billets de blogs évoquant
NICOLAS SARKOZY
(période du 16 janvier au 19 avril2012)
6% 7%
Positifs
Neutres
Négatifs
87%
En résumé, le Web accentue encore l’une des caractéristiques de cette campagne présidentielle : avoir
été largement polarisé par Nicolas Sarkozy, dans le cadre d’un trend sur la Toile comme dans les sondages
négatifs pour le président sortant.
4. LE « CANDIDAT NORMAL » POLARISE PEU SUR LE WEB
Sur la Toile également, François Hollande apparait comme une sorte d’image inversée de Nicolas Sarkozy.
Le candidat du PS génère beaucoup moins de commentaires : il n’est presque jamais, au quotidien, celui
dont on parle le plus sur les réseaux sociaux ou sur les blogs. Par trois fois seulement au cours de cette
campagne, il est parvenu à supplanter Nicolas Sarkozy en volumes de messages : lors de l’annonce de ses
« 60 engagements » dans le prolongement du meeting du Bourget, lors de l’annonce de son « agenda du
changement » et lors de l’annonce de la création d’une tranche d’impôt à 75%. Ce dernier point est
intéressant, car il s’agit là de l’une des très rares annonces à avoir alimenté un buzz durable sur la Toile et,
semble-t-il, à avoir « imprimé » dans l’opinion (au même titre que la polémique sur la « viande hallal », qui
a opéré comme un signal symétrique sur la droite).
Tonalité des billets de blogs évoquant
FRANCOIS HOLLANDE
(période du 16 janvier au 19 avril 2012)
34% 37% Positifs
Neutres
Négatifs
29%
S’il ne polarise pas l’attention, François Hollande ne clive pas non plus particulièrement comme en
témoigne une tonalité assez équilibrée. En proportion, il suscite deux fois moins de messages négatifs que
Nicolas Sarkozy. En volume, les écarts sont encore plus importants : Nicolas Sarkozy suscite entre 10 000 et
15 000 tweets négatifs par jour alors que François Hollande en génère entre 3 000 et 5 000. François
Hollande apparait ainsi comme une figure nettement plus consensuelle que le candidat de l’UMP.
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5. LA DYNAMIQUE MÉLENCHON
Le cinquième et dernier enseignement fort de cette campagne, réside dans l’observation d’une
dynamique assez soutenue en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Les réseaux sociaux – Twitter et Facebook –
se sont mobilisés avec un certain enthousiasme en sa faveur, un peu à la manière de ce que l’on
enregistrait lors des meetings du leader du Front de Gauche.
Cette dynamique est tout particulièrement perceptible sur Facebook. La page officielle du candidat est
ainsi celle qui a connu la plus forte progression : son nombre de fans a été multiplié par plus de trois entre
février et avril. Alors qu’au début de la campagne, Jean-Luc Mélenchon comptait moins de soutiens sur le
réseau social que Marine Le Pen, il est presque parvenu à égaler le nombre de « fans » de François
Hollande. Les « fans » du leader de Front de gauche sont également les plus mobilisés et les plus actifs. La
page du candidat est ainsi celle qui compte le plus de commentaires et les posts du candidat sont les plus
« likés » et les plus partagés. C’est, à chaque fois, après ses « meetings événements » et ses passages en
prime-time que Jean-Luc Mélenchon a conquis de nouvelles vagues d’internautes. Son combat contre
Marine Le Pen et son positionnement antiraciste lui ont également permis de gagner des soutiens au-delà
des cercles militants traditionnels.
Evolution du nombre de fans des candidats sur Facebook
100000 91132 (+55%)
80000 85159 (+216%)
60000 58739
40000
26950
20000
0
Au 20 fév. Au 20 mars. Au 20 avr.
Hollande Le Pen Bayrou Mélenchon Joly
La dynamique Mélenchon est également perceptible sur Twitter. Progressivement, à partir de la mi-mars,
le leader du Front de gauche a conquis la place de troisième homme sur le réseau social. De plus, malgré
une forte progression du nombre de tweets le concernant, son pourcentage de messages positifs est resté
globalement stable et à un niveau élevé (24%). Mais si l’on prend comme critère les twittos uniques, Jean-
Luc Mélenchon est en réalité cité par moins de personnes sur le réseau que Marine Le Pen. Les twittos
évoquant Jean-Luc Mélenchon sont donc ceux qui publient le plus sur le réseau. Ce qui semble attester que
le trend favorable enregistré par le leader du FDG sur la Toile est porté par un milieu de sympathisants
particulièrement mobilisés et actifs.
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Evolution du nombre de tweets évoquant les 4 candidats "outsiders" ( du 16/01 au 19/04 2012)
35000
30000
25000
Le Pen
20000
Bayrou
15000
Mélenchon
10000
Joly
5000
0
16-Jan 23-Jan 30-Jan 06-Feb 13-Feb 20-Feb 27-Feb 05-Mar 12-Mar 19-Mar 26-Mar 02-Apr 09-Apr 16-Apr
6. CONCLUSION :
Un des enseignements principaux de cette campagne réside donc dans la succession, et surtout le
caractère très éphémère des buzz programmatiques ou thématiques. Les propositions et autres
événements de campagne se sont multipliés sur un rythme particulièrement soutenu, tombant la plupart
du temps dans l’oubli quelques heures ou quelques jours seulement après leur annonce. Le Web contribue
très largement à nourrir cette dimension « mnésique » de la campagne électorale. La tuerie de Toulouse,
événement le plus marquant de la dernière période, a par exemple disparu des discussions sur la Toile alors
qu’elle avait suscité un volume de messages très élevé durant une semaine, réactivant les débats autour de
l’immigration, de la laïcité, de l’intégration, de la police ou encore de la Justice.
Au-delà de ce premier constat, une deuxième remarque s’impose : les propositions programmatiques,
hormis l’annonce d’une nouvelle tranche d’imposition pour les plus riches faite par François Hollande et la
polémique autour de l’abattage rituel, ne sont pas parvenues à provoquer de buzz de grande ampleur,
ancrés dans une certaine durée. Les volumes de messages les plus importants ont été enregistrés suite à
des événements relevant plus du jeu que des enjeux : annonce de l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy
puis de son retrait de la vie politique en cas de défaite, etc.
Enfin, et c’est cela le plus important, les images des candidats sont en revanche remarquablement
stables sur la Toile. Tout se passe comme si les internautes avaient constitué un répertoire de
caractéristiques générales propre à chaque candidat. De nature plutôt négatifs, ces traits distinctifs ont
souvent servi de grille de lecture aux internautes lorsqu’il s’agissait d’analyser les événements de la
campagne. Nicolas Sarkozy pâtit ainsi d’avoir une image de « candidat des riches », de « président des
« affaires » », d’ « impulsif », d’ « arrogant » ou encore de « menteur ». François Hollande est, quant à lui
associée négativement à l’idée d’ « inexpérience », et, par les internautes de droite, à toute une
sémantique de la « mollesse » ou encore du « laxisme », de la « faiblesse » et de l’ « incompétence ».
Chaque nouvel épisode de campagne offre alors l’occasion pour les internautes de réactiver ces images
négatives ou bien, plus rarement, positives, qui constituent le seul point d’ancrage au sein d’un espace
soumis aux lois du buzz permanent.
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