SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  4
Télécharger pour lire hors ligne
Question prioritaire de constitutionnalité
Résumé :
En exigeant qu’une violation grave et délibérée d’une règle de procédure
constituant une garantie essentielle des droits des parties soit préalablement
constatée par une décision devenue définitive, le Conseil constitutionnel a
lui-même violé la constitution en ne s’assurant pas que cette constatation
soit toujours possible.
Moyens mis en œuvre :
Analyse du comportement du Conseil Supérieur de la Magistrature
aboutissant à une sanction prononcée le 20 janvier 2011, et de sa censure
par le Conseil d’Etat le 26 décembre 2012.
Textes présentés :
1) Etat de l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, pendant la
période du 24 juillet 2010 au 12 août 2016.
2) Extrait de la page 136 du rapport annuel d’activité 2012 disponible
sur le site du Conseil Supérieur de la Magistrature.
3) La censure du Conseil d’Etat du 26 décembre 2012 :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEX
T000026837500
Article 43, du 24/07/2010 au 12/08/2016 :
Article 43
• Modifié par LOI organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 - art. 21
Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité,
constitue une faute disciplinaire.
Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat
d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une
décision de justice devenue définitive.
La faute s'apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l'administration centrale du
ministère de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique.
csm_rapport_activite_2012.pdf – extrait de la page 136 :
Dans la seconde espèce (n° 348148), le Conseil d’État a annulé une décision du CSM du 20 janvier 2011, au
motif que le magistrat et son avocat ont été informés le 17 décembre 2011 (2010 ?) que l’audience initialement
fixée le 13 janvier 2011 était avancée au 3 janvier 2011, date qui ne permettait pas au magistrat et à son avocat
d’être disponibles en raison de contraintes professionnelles avérées avant la décision prise par le Conseil
d’avancer l’audience.
Lors de l’audience du 3 janvier 2011, une demande de report de l’audience avait été présentée.
Le Conseil, en rejetant cette demande, avait mis l’affaire en continuation au 13 janvier 2011, pour permettre au
magistrat et à ses conseils de développer leurs moyens de défense.
A été considérée par le Conseil d’État comme étant sans incidence la circonstance que les conseils du magistrat
aient pu présenter la défense du magistrat lors de l’audience en continuation, dès lors, que « le magistrat s’est
trouvé privé lors de l’audience du 3 janvier de l’assistance de ses conseils ».
Censure du Conseil d’Etat du 26 décembre 2012 :
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 4
juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour M.
A...B..., demeurant...,; M. B...demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler la décision du 20 janvier 2011 par laquelle le Conseil supérieur de la
magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a rejeté
sa demande tendant au renvoi de l’audience, rejeté les demandes de nullité et
prononcé à son encontre la sanction de rétrogradation assortie d’un déplacement
d’office ;
2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 4 000 euros au titre de l’article L.
761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A...B...,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A...B...;
1. Considérant qu’aux termes de l’article 54 de l’ordonnance du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature : “ Le magistrat cité est tenu
de comparaître en personne. Il peut se faire assister et, en cas de maladie ou
d’empêchement reconnus justifiés, se faire représenter par l’un de ses pairs, par un
avocat au Conseil d’État ou à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au
barreau “ ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces de la procédure devant le Conseil supérieur
de la magistrature que M.B..., ainsi que le magistrat et l’avocat qui l’assistaient, ont
été avisés, par lettres en date du 9 décembre 2010, d’avoir à comparaître le 13
janvier 2011 devant le Conseil statuant comme conseil de discipline des magistrats
du siège ; qu’ils ont été informés le 17 décembre 2010 que l’audience était avancée
au 3 janvier 2011 ; que des pièces de la procédure disciplinaire ne leur ont été
communiquées que les 29 et 30 décembre 2010 ; que ni l’avocat de M.B..., ni le
magistrat désigné par lui n’étant en mesure de se rendre disponibles à la date du 3
janvier 2011 en raison de contraintes professionnelles établies avant la décision du
Conseil supérieur de la magistrature d’avancer l’audience, une demande de report a
été présentée par M.B... ; qu’en refusant, dans de telles circonstances et en
l’absence de motif légitime, la demande de report formulée par M. B...et en tenant
l’audience à la date prévue, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas mis ce
magistrat à même d’exercer, conformément à l’article 54 de l’ordonnance du 22
décembre 1958 et aux droits de la défense, la faculté d’être assisté tout au long de
l’audience par l’un de ses pairs ou un avocat ; qu’est sans incidence la circonstance,
qui ressort des pièces de la procédure devant le Conseil, que les conseils de M.
B...aient pu présenter la défense du magistrat le 13 janvier suivant, l’audience ayant
été mise en continuation, dès lors que M. B...s’est trouvé privé lors de l’audience du
3 janvier de l’assistance de ses conseils ;
3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que la
décision du Conseil supérieur de la magistrature du 20 janvier 2011 prononçant à
son encontre la sanction de rétrogradation assortie d’un déplacement d’office a été
rendue à l’issue d’une procédure irrégulière et, sans qu’il soit besoin d’examiner les
autres moyens du pourvoi, à en demander pour ce motif l’annulation ;
4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la
charge de l’État la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre des dispositions
de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du Conseil supérieur de la magistrature du 20 janvier 2011
est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au Conseil supérieur de la magistrature.
Article 3 : L’État versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l’article L.
761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux,
ministre de la justice.
Résumé : 01-04-03-06 L’article 54 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre
1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit qu’un
magistrat peut se faire assister devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM)
siégeant en formation disciplinaire par l’un de ses pairs, par un avocat au Conseil
d’État ou à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau. Dans le cas où
un report d’audience est demandé au motif que ni l’avocat du magistrat, ni le
magistrat désigné par lui pour le représenter ne sont en mesure de se rendre
disponibles à la date fixée pour l’audience en raison de contraintes établies avant la
décision du CSM fixant cette date, le refus opposé par le CSM en l’absence de motif
légitime méconnaît l’article 54 et les droits de la défense. La mise en continuation de
l’audience, permettant aux conseils de l’intéressé de présenter postérieurement sa
défense, est sans incidence sur cette irrégularité, le magistrat ayant été privé lors de
l’audience initiale de l’assistance de ses conseils.
Discussion :
1) Tout magistrat est tenu par les mêmes devoirs de son état, et le
premier président de la cour de cassation, agissant comme président
du CSM section siège, y est plus que tout autre tenu.
2) En avançant le vendredi 17 décembre 2010 la date de l’audience du
jeudi 13 janvier 2011 au lundi 03 janvier 2011, en ne communiquant
certaines pièces de la procédure que le mercredi 29 et jeudi 30
décembre 2010, en ouvrant l’audience dès le lundi 03 janvier 2011 en
l’absence de l’avocat et du magistrat qui devait l’assister, le président
du CSM a pris des libertés stupéfiantes qu’aucun président d’un
tribunal correctionnel n’aurait jamais osé prendre.
3) En agissant ainsi Monsieur Vincent LAMANDA a clairement commis
une violation grave et délibérée d’une règle de procédure constituant
une garantie essentielle des droits des parties.
4) La qualité de magistrat de M. B… ne saurait le priver du droit de se
plaindre devant le Conseil Supérieur de la Magistrature de la faute
disciplinaire commise par Monsieur LAMANDA.
5) Le délai d’un an se comptant depuis la date où le magistrat concerné
est dessaisi de l’affaire, dans ce cas si particulier il courrait depuis que
Monsieur Bertrand LOUVEL avait succédé à Monsieur LAMANDA,
puisque ce dernier ne pouvait évidemment pas se sanctionner lui-
même.
6) Il était impossible au magistrat M. B… de faire constater par une
décision devenue définitive cette violation grave et délibérée d’une règle
de procédure constituant une garantie essentielle des droits des
parties. Tout simplement parce que les décisions du CSM ne peuvent
faire l’objet d’aucune opposition, si ce n’est un pourvoi devant le
Conseil d’Etat, lequel Conseil ne peut se substituer à l’institution
judiciaire et dont les décisions ne peuvent se prétendre équivalentes à
celles de la cour de cassation.

Contenu connexe

Tendances

La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzJLMB
 
Arret CEDH Dayanan C Turquie
Arret CEDH Dayanan C  TurquieArret CEDH Dayanan C  Turquie
Arret CEDH Dayanan C TurquieJLMB
 
Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch
Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch
Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch Dominique Gayraud
 
Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966
Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966
Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966Pauline Guivarch
 
Le droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard Thomas
Le droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard ThomasLe droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard Thomas
Le droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard ThomasThomas Toby 2012
 
Salduz 5 663-11
Salduz 5 663-11Salduz 5 663-11
Salduz 5 663-11JLMB
 

Tendances (8)

La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
 
Arret CEDH Dayanan C Turquie
Arret CEDH Dayanan C  TurquieArret CEDH Dayanan C  Turquie
Arret CEDH Dayanan C Turquie
 
Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch
Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch
Conclusions recapitulatives-2-glnf-fevrier-2012-f.koch
 
STEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDFSTEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDF
 
Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966
Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966
Annales semestre 5_2014_12_09_22_53_15_966
 
Le droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard Thomas
Le droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard ThomasLe droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard Thomas
Le droit des étrangers - Caroline Toby et Jean-Bernard Thomas
 
Organisation judiciaire
Organisation judiciaireOrganisation judiciaire
Organisation judiciaire
 
Salduz 5 663-11
Salduz 5 663-11Salduz 5 663-11
Salduz 5 663-11
 

Similaire à Qpc1

Cassation belge 19052011
Cassation belge 19052011Cassation belge 19052011
Cassation belge 19052011JLMB
 
Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21
Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21
Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21Laurent Sailly
 
Vade mecum salduz
Vade mecum salduzVade mecum salduz
Vade mecum salduzOBFG
 
Décision du Conseil d'Etat / Brigitte Barèges
Décision du Conseil d'Etat / Brigitte BarègesDécision du Conseil d'Etat / Brigitte Barèges
Décision du Conseil d'Etat / Brigitte BarègesFabrice Valéry
 
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzJLMB
 
Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...
Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...
Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...Square75
 
Michelle Martin: l'arrêt de la cour de cassation
Michelle Martin: l'arrêt de la cour de cassationMichelle Martin: l'arrêt de la cour de cassation
Michelle Martin: l'arrêt de la cour de cassationCédric Petit
 
L'OBFG propose des amendements pour le proje
L'OBFG propose des amendements pour le projeL'OBFG propose des amendements pour le proje
L'OBFG propose des amendements pour le projeJLMB
 
00033319 (2)
00033319 (2)00033319 (2)
00033319 (2)OBFG
 
Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...
Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...
Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...Square75
 
adminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdf
adminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdfadminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdf
adminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdfAminaMsebhi
 

Similaire à Qpc1 (14)

Cassation belge 19052011
Cassation belge 19052011Cassation belge 19052011
Cassation belge 19052011
 
Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21
Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21
Cour de justice de l’union européenne cd p 192 21
 
Vade mecum salduz
Vade mecum salduzVade mecum salduz
Vade mecum salduz
 
Décision du Conseil d'Etat / Brigitte Barèges
Décision du Conseil d'Etat / Brigitte BarègesDécision du Conseil d'Etat / Brigitte Barèges
Décision du Conseil d'Etat / Brigitte Barèges
 
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi SalduzLa Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz
 
STEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDFSTEDH_FER...PDF
STEDH_FER...PDF
 
Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...
Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...
Condamnation dans l'affaire Thierry Lacoste contre Robert Eringer. Ordonnance...
 
Michelle Martin: l'arrêt de la cour de cassation
Michelle Martin: l'arrêt de la cour de cassationMichelle Martin: l'arrêt de la cour de cassation
Michelle Martin: l'arrêt de la cour de cassation
 
L'OBFG propose des amendements pour le proje
L'OBFG propose des amendements pour le projeL'OBFG propose des amendements pour le proje
L'OBFG propose des amendements pour le proje
 
Projet de loi Dieschbourg.pdf
Projet de loi Dieschbourg.pdfProjet de loi Dieschbourg.pdf
Projet de loi Dieschbourg.pdf
 
00033319 (2)
00033319 (2)00033319 (2)
00033319 (2)
 
Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...
Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...
Condamnation dans l'affaire André Muhlberger contre Robert Eringer. Ordonnanc...
 
Transmission qpc SCOR/CCR 2013
Transmission qpc SCOR/CCR 2013Transmission qpc SCOR/CCR 2013
Transmission qpc SCOR/CCR 2013
 
adminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdf
adminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdfadminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdf
adminojs,+Gestor+da+Revista,+Art.3 (1).pdf
 

Qpc1

  • 1. Question prioritaire de constitutionnalité Résumé : En exigeant qu’une violation grave et délibérée d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties soit préalablement constatée par une décision devenue définitive, le Conseil constitutionnel a lui-même violé la constitution en ne s’assurant pas que cette constatation soit toujours possible. Moyens mis en œuvre : Analyse du comportement du Conseil Supérieur de la Magistrature aboutissant à une sanction prononcée le 20 janvier 2011, et de sa censure par le Conseil d’Etat le 26 décembre 2012. Textes présentés : 1) Etat de l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, pendant la période du 24 juillet 2010 au 12 août 2016. 2) Extrait de la page 136 du rapport annuel d’activité 2012 disponible sur le site du Conseil Supérieur de la Magistrature. 3) La censure du Conseil d’Etat du 26 décembre 2012 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEX T000026837500 Article 43, du 24/07/2010 au 12/08/2016 : Article 43 • Modifié par LOI organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 - art. 21 Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire. Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive. La faute s'apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique.
  • 2. csm_rapport_activite_2012.pdf – extrait de la page 136 : Dans la seconde espèce (n° 348148), le Conseil d’État a annulé une décision du CSM du 20 janvier 2011, au motif que le magistrat et son avocat ont été informés le 17 décembre 2011 (2010 ?) que l’audience initialement fixée le 13 janvier 2011 était avancée au 3 janvier 2011, date qui ne permettait pas au magistrat et à son avocat d’être disponibles en raison de contraintes professionnelles avérées avant la décision prise par le Conseil d’avancer l’audience. Lors de l’audience du 3 janvier 2011, une demande de report de l’audience avait été présentée. Le Conseil, en rejetant cette demande, avait mis l’affaire en continuation au 13 janvier 2011, pour permettre au magistrat et à ses conseils de développer leurs moyens de défense. A été considérée par le Conseil d’État comme étant sans incidence la circonstance que les conseils du magistrat aient pu présenter la défense du magistrat lors de l’audience en continuation, dès lors, que « le magistrat s’est trouvé privé lors de l’audience du 3 janvier de l’assistance de ses conseils ». Censure du Conseil d’Etat du 26 décembre 2012 : Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 avril et 4 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour M. A...B..., demeurant...,; M. B...demande au Conseil d’État : 1°) d’annuler la décision du 20 janvier 2011 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, a rejeté sa demande tendant au renvoi de l’audience, rejeté les demandes de nullité et prononcé à son encontre la sanction de rétrogradation assortie d’un déplacement d’office ; 2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes, - les observations de Me Spinosi, avocat de M. A...B..., - les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A...B...; 1. Considérant qu’aux termes de l’article 54 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : “ Le magistrat cité est tenu de comparaître en personne. Il peut se faire assister et, en cas de maladie ou d’empêchement reconnus justifiés, se faire représenter par l’un de ses pairs, par un avocat au Conseil d’État ou à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau “ ; 2. Considérant qu’il ressort des pièces de la procédure devant le Conseil supérieur de la magistrature que M.B..., ainsi que le magistrat et l’avocat qui l’assistaient, ont été avisés, par lettres en date du 9 décembre 2010, d’avoir à comparaître le 13 janvier 2011 devant le Conseil statuant comme conseil de discipline des magistrats
  • 3. du siège ; qu’ils ont été informés le 17 décembre 2010 que l’audience était avancée au 3 janvier 2011 ; que des pièces de la procédure disciplinaire ne leur ont été communiquées que les 29 et 30 décembre 2010 ; que ni l’avocat de M.B..., ni le magistrat désigné par lui n’étant en mesure de se rendre disponibles à la date du 3 janvier 2011 en raison de contraintes professionnelles établies avant la décision du Conseil supérieur de la magistrature d’avancer l’audience, une demande de report a été présentée par M.B... ; qu’en refusant, dans de telles circonstances et en l’absence de motif légitime, la demande de report formulée par M. B...et en tenant l’audience à la date prévue, le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas mis ce magistrat à même d’exercer, conformément à l’article 54 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 et aux droits de la défense, la faculté d’être assisté tout au long de l’audience par l’un de ses pairs ou un avocat ; qu’est sans incidence la circonstance, qui ressort des pièces de la procédure devant le Conseil, que les conseils de M. B...aient pu présenter la défense du magistrat le 13 janvier suivant, l’audience ayant été mise en continuation, dès lors que M. B...s’est trouvé privé lors de l’audience du 3 janvier de l’assistance de ses conseils ; 3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que la décision du Conseil supérieur de la magistrature du 20 janvier 2011 prononçant à son encontre la sanction de rétrogradation assortie d’un déplacement d’office a été rendue à l’issue d’une procédure irrégulière et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, à en demander pour ce motif l’annulation ; 4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; D E C I D E : -------------- Article 1er : La décision du Conseil supérieur de la magistrature du 20 janvier 2011 est annulée. Article 2 : L’affaire est renvoyée au Conseil supérieur de la magistrature. Article 3 : L’État versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice. Résumé : 01-04-03-06 L’article 54 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit qu’un magistrat peut se faire assister devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) siégeant en formation disciplinaire par l’un de ses pairs, par un avocat au Conseil d’État ou à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau. Dans le cas où un report d’audience est demandé au motif que ni l’avocat du magistrat, ni le magistrat désigné par lui pour le représenter ne sont en mesure de se rendre disponibles à la date fixée pour l’audience en raison de contraintes établies avant la décision du CSM fixant cette date, le refus opposé par le CSM en l’absence de motif légitime méconnaît l’article 54 et les droits de la défense. La mise en continuation de l’audience, permettant aux conseils de l’intéressé de présenter postérieurement sa défense, est sans incidence sur cette irrégularité, le magistrat ayant été privé lors de l’audience initiale de l’assistance de ses conseils.
  • 4. Discussion : 1) Tout magistrat est tenu par les mêmes devoirs de son état, et le premier président de la cour de cassation, agissant comme président du CSM section siège, y est plus que tout autre tenu. 2) En avançant le vendredi 17 décembre 2010 la date de l’audience du jeudi 13 janvier 2011 au lundi 03 janvier 2011, en ne communiquant certaines pièces de la procédure que le mercredi 29 et jeudi 30 décembre 2010, en ouvrant l’audience dès le lundi 03 janvier 2011 en l’absence de l’avocat et du magistrat qui devait l’assister, le président du CSM a pris des libertés stupéfiantes qu’aucun président d’un tribunal correctionnel n’aurait jamais osé prendre. 3) En agissant ainsi Monsieur Vincent LAMANDA a clairement commis une violation grave et délibérée d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties. 4) La qualité de magistrat de M. B… ne saurait le priver du droit de se plaindre devant le Conseil Supérieur de la Magistrature de la faute disciplinaire commise par Monsieur LAMANDA. 5) Le délai d’un an se comptant depuis la date où le magistrat concerné est dessaisi de l’affaire, dans ce cas si particulier il courrait depuis que Monsieur Bertrand LOUVEL avait succédé à Monsieur LAMANDA, puisque ce dernier ne pouvait évidemment pas se sanctionner lui- même. 6) Il était impossible au magistrat M. B… de faire constater par une décision devenue définitive cette violation grave et délibérée d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties. Tout simplement parce que les décisions du CSM ne peuvent faire l’objet d’aucune opposition, si ce n’est un pourvoi devant le Conseil d’Etat, lequel Conseil ne peut se substituer à l’institution judiciaire et dont les décisions ne peuvent se prétendre équivalentes à celles de la cour de cassation.