Nø Førmat! est un label de musique indépendant, fondé à Paris, en 2004, par Laurent Bizot. Dans ce dossier, édité par Jazz Magazine, je vous propose de découvrir la genèse ainsi que quelques artistes de ce label hors normes.
1. Nø Førmat! est le label d’un monde où il n’est nul besoin d’élaborer
des cases, de coller des étiquettes. C’est aussi un laboratoire, un
cabinet de curiosités fécondes, hybrides et bigarrées où, une fois
qu’on y met les pieds et qu’on y tend les oreilles, adieu œillères
et préjugés. Chaque disque, abolitionniste de frontières, est une
épopée musicale menée sans artifices ni fioritures qui relève
presque de l’épure. Il place l’auditeur-mélomane au cœur d’une
aventure émancipatrice où le sens du détail est essentiel. C’est ce
qui m’est venu en tête à l’écoute de “Toto Bona Lokua”, le premier
disque signé Nø Førmat! qu’il m’ait été donné de savourer. Puis il
y en eut d’autres : minimalistes comme le “Songs Of Time Lost”
de Piers Faccini et Vincent Segal, enchanteurs comme le “You & I”
d’ALA.NIouétonnantscommece“RadyoSiwèl”deMélissaLaveaux.
Et que dire de cet irrésistible “Sway” signé Gérald Toto à paraître
prochainement ?
À chaque fois, ce même plaisir de la surprise, de la découverte
qui questionne mes inclinations habituelles. Nø Førmat! est un
ensemble de plaques tectoniques qui, quand elles se rencontrent,
façonnent avec délicatesse un patchwork dont chaque carré de
couleur, chaque matière, s’assemblent, se mélangent et dessinent
l’idéald’unsonorepluriculturel.Processussinaturelquel’onréalise
alors que chez Nø Førmat!, la musique ne se négocie pas. Elle
s’inspire, elle s’expire, elle se vit. • KATIA DANSOKO TOURÉ
NØ
FØRMAT!
LE LABEL
BIEN
NOMMÉ
story*
*SupplémentNøFørmat!-Publi-rédactionnel(pages99à106)-Textes:KatiaDansokoTouré-Maquette:ClaudeGentiletti
MELISSALAVEAUX(ROMAINSTAROSSTAROPOLI),OUMOUSANGARÉ(BENOITPEVERELLI),KASSEMADYDIABATÉ(MANUELLAGOS),VINCENTSEGAL(CLAUDEGASSIAN),BALLAKESISSOKO(CLAUDEGASSIAN),KOKINAKANO(CLAUDEGASSIAN),BLICKBASSY(KGOMOTSONETO)
e m p o w e r i n g a r t i s t s
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La radio TSF JAZZ et l’Adami
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RCSParisB398586909-*Rienn’estplushumainquelejazz.
2. Novembre 2018 Numéro 711Jazz Magazine 101
Oser
l’inattendu
Nø Førmat! est une fabrique de “musique
à vivre”, pour citer Bernard Lubat.
Mais aussi une fabrique de musiques à
rêver, à méditer et qui sont, parfois, le fruit
de rencontres salutaires. Explications.
Quand Vincent Segal dialogue avec Koki
Nakano, Nicolas Repac converse avec Mamani
Keita ou Julia Sarr cause avec Patrice Larose,
il faut y voir des conciliabules salvateurs où
chacun s’exprime de par sa relation à l’autre.
Se met alors en place une forme de créolisation
sur le principe de l’identité-relation.
On assiste au frottement entre deux êtres,
entre deux cultures. « Permettre à toutes
ces matières créatives d’éclore et d’exister
est le plus beau métier au monde », se
réjouit Laurent Bizot, fondateur du label. Des
parcours et des velléités qui se croisent et
s’épousent à l’image des interactions dénuées
d’exotisme qui font tourner les espaces
dans lesquels on évolue. Mais il ne s’agit pas
d’un label de musiques africaines et encore
moins de musiques du monde. Basé à Paris,
depuis bientôt 15 ans, il ne fait que refléter
l’environnement. À Paris, on touche l’Afrique
du doigt du nord au sud comme d’est en ouest.
Aussi, Nø Førmat! est surtout un amas de fils
d’existence qui s’entremêlent.
Une rencontre décisive
Prenons déjà sa genèse. L’histoire commence
par le doux rêve que nourrit un jeune juriste
de 26 ans rompu à l’élaboration de contrats
au sein d’une grande maison de disque. Le
doux rêve, c’est celui de vivre la fabrique de
la musique en coulisses, au plus près des
artistes. Le jeune juriste, c’est Laurent Bizot,
qui à l’âge de 20 ans déjà travaillait dans la
salle de concert d’une association militante
de Colombes. Quant à la maison de disques,
il s’agit d’Universal, là où le jeune Laurent fait
la connaissance de Daniel Richard, éminente
figure du département jazz, qui sera une
inspiration et deviendra son mentor. Une
première rencontre charnière qui conforte
Laurent Bizot dans son envie d’intégrer les
coulisses d’un album. Alors, en 2004, il met
un terme à sa carrière de juriste et choisit de
poursuivre l’aventure dans laquelle il s’est
déjà peu à peu lancé : c’est la naissance de
Nø Førmat!, dont la gestation doit tout à une
farouche envie de partage. « Je ne voulais
pas que ce label ait une quelconque couleur
ou soit caractérisé comme le support d’un
genre particulier. Je voulais qu’il dépasse les
catégories, qu’il se place en opposition au
formatage qui avait cours. Je veux dire qu’à
l’époque, les artistes réfléchissaient à des
albums en anticipant la réaction des maisons
de disque. Je voulais trouver un contrepied à
cet état de fait. »
Hors formats
Preuve en est, les trois albums qui
accompagnent sa création se veulent
inclassables et singuliers. Le touche-à-tout
Nicolas Repac et ses collages composés
de samples de vieux orchestres de jazz, de
rafales électro et de tambours battants sur
“Swing Swing” ; les polyphonies doucereuses
du trio africano-caribéen “Toto Bona Lokua” ;
la poésie déstructurée de ce “Dogme Des VI
Jours” où le free jazz côtoie le slam ou le punk
en totale improvisation. Sacré patchwork.
Aucune esthétique prédéfinie et une forte
liberté créative. Sans compter l’impasse sur les
intermédiaires, les échelons à gravir avant que
l’artiste ne touche le public. D’ailleurs, grâce
au fameux Pass “Nø Førmat!”, ce public n’a nul
besoin d’attendre l’assentiment des médias
pour découvrir telle ou telle production. Un
label “hors format”, où l’intuition supplante
largement la rationalité. Un Nø Førmat!
flanqué d’un point d’exclamation pour mieux
dire l’optimisme d’un anticonformisme,
exprimer un “non” jubilatoire, marquer
l’audace et l’élan de créativité. Comme
le musicien de jazz, qui, en improvisant,
cherche à dépasser l’ordre établi, en quête
d’un son nouveau, unique et transcendant, on
s’attache à « oser des choses inattendues,
faire reculer les frontières, laisser de la place
à l’imprévisible, à l’accident. »
Artisan de rêves
D’autant plus que l’engagement dans les
œuvres prime sur la considération des noms.
On pense à Gonzales, artiste estampillé
electronica qui, avec Nø Førmat! se tourne
vers le piano solo, quitte à déboussoler ses
adeptes. Ou alors à Kouyaté-Neerman, duo
balafon-vibraphone, qui, d’abord inconnu
au bataillon, finit par se forger un espace
sonore inédit. Se frotter à d’autres identités
musicales comme entreprendre un voyage,
sans même se poser la question de sa
finalité – car, quoiqu’il arrive, on passera
d’une frontière à une autre en se découvrant
encore plus riche. « Se réjouir de la surprise,
entrevoir la beauté, l’émotion. » Et border
le tout d’une exigence, d’un soin et d’une
précision remarquables. La charte graphique
fait d’autant plus sens : un fond blanc qui
représente le silence, un espace de liberté
déchargé du trop-plein d’informations avec
lequel nous composons mais aussi le terrain
vierge de la méditation ; une typographie
simple et minimaliste ; et enfin, une
illustration à chaque fois réalisée par un
artiste différent. Des artistes visuels en plein
rendez-vous avec une musique qui leur est
inédite. C’est l’énième écho à l’hybridation qui
caractérise ce label, qui fêtera ses 15 ans l’an
prochain, où prime un réel travail d’artisan au
sein d’un Tout-monde glissantien. •
KATIA DANSOKO TOURÉ
Ballaké Sissoko, Laurent Bizot,
fondateur du label Nø Førmat! et
Vincent Segal.
ALA.NI est une artiste britannique
dont le premier album, “You I”, est
paru chez Nø Førmat! l’an dernier.
Quand j’ai commencé à écrire l’album “You I”, je tenais à ce qu’il paraisse sur un label
indépendantparisien.MonéquipeaenvoyémesmorceauxàNøFørmat!.EtquandLaurent
Bizot est venu me voir jouer à Londres, à l’occasion d’un showcase, j’ai su instantanément
que je voulais travailler avec lui.
Chez Nø Førmat!, en faisant de chaque disque une affaire personnelle, tout se fait à
l’instinct. Et, selon moi, c’est ainsi que l’on devrait produire des disques. Je me suis très
vite retrouvée membre d’une nouvelle famille musicale. On se sent épaulé et entendu.
Et puis, les albums du label, que j’achète en vinyle, sont comme un ensemble d’œuvres
artistiques réunies par un collectionneur. C’est en cela que ce label est unique. •
ALA.NI
story Nø Førmat! Le label bien nommé Ilsenparlent
L’album “Solo Piano” du musicien
canadien Chilly Gonzales a
accompagné la naissance du label
Nø Førmat!
“Solo Piano III” est sorti le
7 septembre dernier chez Gentle
Threat.
Nø Førmat! incarne pour moi la liberté. J’ai
connu plusieurs labels mais il a été le premier
à m’accorder une véritable liberté, sans se
soucier du fait qu’on n’avait jamais vu un
artiste électro underground se lancer dans un
album de piano solo. L’équipe a considéré que
c’était de la musique qui valait la peine d’être
écoutée. Et ça a payé, puisque “Solo Piano”
a été un énorme succès, tant pour moi que
pour le label. Il y a donc une leçon à en tirer :
la liberté est contagieuse.
Ma carrière et ma vision artistique ont
radicalement changé quand je me suis rendu
compte que le public était encore plus attentif
à cet album qu’à ce que j’avais fait avant.
Cette collaboration avec Nø Førmat! m’a
donné le courage d’être vraiment moi-même,
et aucun autre label ne m’avait donné cette
chance. Ils créent un espace pour les artistes,
au lieu de chercher une “formule” pour eux. •
CHILLY
GONZALES
THIBAUTMILLINGS
ALEXJONAS
ALEXANDREISARD
101100 Publi-rédactionnel
3. Novembre 2018 Numéro 711Jazz Magazine 103
Camille est chanteuse, auteur-compositrice et actrice.
Le catalogue de Nø Førmat! est celui qui me parle le plus, aux côtés de ceux de
l’américain Nonesuch et, en matière de musique pop, du label Because Music avec
lequel je collabore. Nø Førmat! me parle en termes de métissage, dans sa façon
minimale et immersive de faire des disques. Il n’y a pas d’hyperproduction. Le
parfum de la matière première apparaît dans le résultat final, il y a toujours quelque
chose de brut qui reste. Je parlerais aussi de poésie. La charte graphique est
poétique... Les albums ont une certaine délicatesse, quelque chose d’inclassable.
Ils sont comme des haïkus. Laurent Bizot établit un pont entre l’Afrique, pour dire les
choses simplement, et la France. Il permet la rencontre entre plusieurs mondes. Il y
a toujours un rythme, une pulse que l’on ne retrouve pas forcément dans le paysage
musical actuel. Toto Bona Lokua, Ballaké Sissoko et Vincent Segal, le “Solo Piano” de
Gonzales, Mamani Keita, Chocolate Genius, Blick Bassy, Mélissa Laveaux ou encore
Kyrie Kristmanson font partie de mes disques favoris. Je les écoute comme
des climats. Il n’y a pas de mise en avant de l’ego, de l’image, du format ou même
de la virtuosité. Tout y est humble. L’écoute nourrit, nous berce, on vit
comme une sorte de communion. J’aimerais vraiment participer à l’aventure
Nø Førmat! dans le cadre de l’une de ces fameuses rencontres. •
Fidel Fourneyron est tromboniste de jazz.
Son prochain projet, “¿ Que Vola ?”,
sera publié par Nø Førmat! en janvier 2019.
J’ai découvert Nø Førmat! depuis déjà quelques années déjà avec Mamani
Keita. Puis je les ai rencontrés en 2015, en collaborant à “Akö”, le premier
disque de Blick Bassy. Je connaissais leur sensibilité à certaines formes
de musiques libres, improvisées, aux traditions de l’Afrique de l’Ouest, mais
aussi leur grande ouverture à des propositions différentes. Autant de raisons
pour lesquelles j’ai pensé que “¿ Que Vola ?” correspondrait à l’esprit du label.
Cela m’a paru comme une évidence.
Nø Førmat! défend assez peu de projets, mais les défend vraiment ! Quand
j’ai proposé cette collaboration à Laurent Bizot, il a pris son temps pour me
répondre, mais dès qu’il s’est lancé dans l’histoire, je savais qu’il le ferait
à fond, et que je pourrais compter sur sa sincérité et son implication sans
faille. L’équipe de Nø Førmat! est attentive à l’instauration d’une relation de
confiance avec les artistes, soucieuse de les défendre dans les nombreuses
étapes de la vie d’un album. Laurent a une vision très lucide de l’industrie du
disque et de ses enjeux. Pour lui, son travail ne consiste pas à enregistrer de
la musique et à la distribuer, il met tout en œuvre pour que l’artiste atteigne
son public : un avis discret et pertinent sur la musique avant et pendant
l’enregistrement, le soin du mixage, des pochettes de disques superbes, une
attention à l’image des artistes et à la communication...
Quant au catalogue du label, je dirais qu’il fait vraiment preuve d’une
grande ouverture d’esprit. Les choix artistiques relèvent moins des styles
de musiques, des cases où ils pourraient être rangés, qu’à la sincérité,
l’originalité et la qualité des productions. •
“Les albums ont une certaine délicatesse,
quelque chose d’inclassable. Ils sont comme
des haïkus.” CAMILLE
CAMILLE
FIDEL FOURNEYRON
¿ quE vola ?
FrEncH jazz m EEts cuBan rumBa
sortiE dE l’ alBum lE 18 janviEr 2 019
En concErt
31/1/2019 Brest - le vauban
02/2/2019 quimper - théâtre de cornouaille
03/2/2019 Paris - Musée du Quai Branly / Festival sons d'hiver
03/4/2019 châteauroux - Equinoxe
04/4/2019 Gradignan - théâtre des quatre saisons
05/4/2019 auch - circa
06/4/2019 arcachon - théâtre olympia
07/4/2019 clermont-Ferrand - la comédie de clermont
13/4/2019 ajaccio - l'aghja
Photo:julienBorel
PATRICKMESSINA
SIMONLAMBERT
102
story Nø Førmat! Le label bien nommé
Publi-rédactionnel
4. Vincent Segal est violoncelliste. Il a enregistré plusieurs disques
chez Nø Førmat! dont “Chamber Music” et “Musique de Nuit”
avec Ballaké Sissoko, “Songs Of Time Lost” avec Piers Faccini, ou
encore “Lift” avec Koki Nakano.
Quand Laurent est venu nous voir, Ballaké et moi, à Bamako, cela a été une belle
surprise. Nous nous apprêtions à enregistrer “Chamber Music”. Le voir venir, seul,
écouter notre musique, alors que dans les maisons de disque on se déplace à
plusieurs, nous a conforté dans l’idée de signer avec lui. Avec Nø Førmat!, j’ai
l’impression d’avoir vécu une aventure que des artistes ont pu vivre au sein de
labels dont, enfant, j’écoutais le catalogue. Blue Note, Impulse... Ces grands labels
de l’histoire de la musique rachetés par de grandes entités. Je pense aussi à
Delabel ou Deutsche Grammophon avec qui j’ai travaillé. Aujourd’hui, ils n’ont plus
vraiment d’identité. Je les voyais comme des éditeurs de livres et c’est ainsi que je
considère Nø Førmat!. Ça reste du business mais la musique prime.
Laurent est comme un grand éditeur de livres. Nous sommes musiciens, nous
connaissons nos styles, mais ce qui nous réunit est lié au producteur. Laurent sait
ce qu’il veut pour son label, ce qu’il aime produire. Ballaké et moi tournons depuis
2009, soit depuis la sortie de notre tout premier disque ensemble.
Avec Piers Faccini, c’est Laurent qui a eu l’idée d’un album en duo sachant que je le
connaissais depuis des années. Il y a eu Koki Nakano également. Laurent a reçu
ses partitions du Japon, un ensemble de pièces pour piano et violoncelle. Il m’a
demandé si cela m’intéressait. C’est un travail d’éditeur de créer des rencontres.
Et puis, il n’a pas reçu de bandes mais des partitions qui ont quand même attiré
son attention ! Chez Nø Førmat!, il y a cet esprit de maison bien tenue. Laurent fait
les choses avec précision. Il a un sens de l’économie et de la mesure. Ce n’est pas
un frimeur. Il y a une certaine dignité dans le travail bien fait qu’il est agréable de
retrouver aujourd’hui. •
Nicolas Repac est chanteur et musicien multi-
instrumentiste. Son album “Swing Swing” a
accompagné la création de Nø Førmat!.
Il a aussi enregistré “Black Box” et deux disques avec
Mamani Keita.
Nø Førmat! est un label qui s’est beaucoup intéressé aux rencontres
entre artistes. Je pense à Vincent Segal et Ballaké Sissoko. D’une
certaine façon, avec Mamani Keita, je fais partie du lot. Les labels
ont plutôt tendance à mettre les artistes dans des cases : chanson
française, rap ou pop. Nø Førmat! n’appartient pas à cette catégorie.
C’est un label transversal, qui s’intéresse aux musiques africaines,
aux musiques métissées et aux musiques improvisés. Je ne peux
que célébrer l’état d’esprit dans lequel on se trouve quand on
travaille ensemble, un état d’esprit qui demeure quatorze ans plus
tard. On ne parle pas des retombées chiffrées de notre travail. Est-
ce que le projet va se vendre ? Est-ce qu’il va intéresser beaucoup
de gens ? Ces questions ne se posent pas ou peu. Le propos
n’est pas commercial mais artistique, sans que le label ne soit
déconnecté de la réalité. Ses choix convergent vers un maximum
d’exigence artistique avec, à la clé, un public qu’il a réussi à fidéliser
grâce au Pass Nø Førmat!.
Il a essayé de créer le chaînon manquant dans l’industrie du disque.
C’est comme une entreprise familiale. Je pense à ces producteurs
qui font dans les produits bio. Ils privilégient le qualitatif dans
l’idée de le distribuer au plus grand nombre. Nø Førmat! est aussi
à l’image de ces paniers bios dont on ne connaît jamais le contenu
mais que l’on peut acheter les yeux fermés. On sait que les produits
sont de bonne facture. C’est un endroit de résistance. La démarche
est saine et propre. Mon prochain album paraîtra chez eux et je
reste ravi et honoré de pouvoir participer à l’aventure. •
Rebecca Manzoni est journaliste et productrice à France Inter.
Elle anime les programmes Pop Co et Tubes Co.
La première particularité de Nø Førmat! est liée à sa naissance, en 2004, à une période
où l’on ne peut pas dire que le domaine de l’industrie du disque se portait bien. Ça
détonne de lancer un label à ce moment-là ! Laurent Bizot devait y croire et avoir
suffisamment confiance pour se lancer. L’autre particularité tient à son état d’esprit.
Quand on reçoit un disque de Nø Førmat!, après avoir tenu l’objet en main, on
réalise qu’il a été conçu avec soin. Quant à l’écoute, elle révèle un goût pour
la rencontre. Il y a une exigence artistique sans aucune arrière-
pensée, qui n’est pas déconnectée de la réalité. Je parlerais
d’une “utopie réelle” d’une certaine façon. Il faut avoir
les pieds sur terre pour réussir à faire vivre un label
indépendant pendant plus de dix ans.
Les pochettes sont elles aussi liées au projet
artistique. On retrouve très souvent des dessins
qui mêlent chaleur et sobriété. J’aime beaucoup
celle de l’album d’Oumou Sangaré représentée en
diva 2.0. Nø Førmat! n’a pas une production annuelle
pléthorique. Pour exemple, le trio Toto Bona Lokua a mis
dix ans pour proposer un nouvel album. Et dans ce nouveau
disque, on sent un vrai plaisir d’être ensemble, de faire de la musique ensemble.
Chez Nø Førmat!, il y a des gens qui vont dans le même sens, il y a un côté “tous pour
un !” et une politique d’auteur. La ligne éditoriale est aussi très identifiée alors même
que l’on ne retrouve pas de points communs entre Nicolas Repac, Lucas Santana et Toto
Bona Lokua. Le catalogue a énormément de cohérence tout en étant très éclectique.
C’est bon signe de ne pas pouvoir imaginer ce qu’ils pourraient produire prochainement.
Car l’inattendu est la chose la plus agréable quand on écoute de la musique. Nø Førmat!
a une démarche et une attitude que l’on a forcément envie de défendre. •
Si Jules-Édouard Moustic est plus connu en tant qu’humoriste
et acteur, il est aussi un grand passionné de musique.
Il a entre autres crée son propre festival à Bayonne et sa web
radio, radio-ihaveadream.com.
Tout convient chez Nø Førmat!. Dans le choix musical, chez les artistes signés et
produits, se dégage une certaine élégance. La constance artistique quant aux
pochettes permet de nous fidéliser. Et puis, il y a ce “Pass Nø Førmat!” tout aussi
intéressant. Quand j’ai fait venir Nicolas Repac à mon festival Black Basque à
Bayonne, on a eu droit à un moment incroyable sur scène. On l’écoutait, alors qu’il
était seul sur scène, comme on écoute un professeur. C’était un très beau moment de
musique. Peu à peu, je me suis intéressé de plus en plus au catalogue du label. Ballaké
Sissoko et Vincent Segal ? C’est un bonheur absolu. Et que dire de Gérald Toto, dont
l’album va paraître prochainement ? C’est tout simplement magnifique.
Nø Førmat! est aujourd’hui l’un de mes labels favoris. Cette élégance que l’on retrouve
dans chaque disque... Je ne le dirai jamais assez. Il n’y a jamais de mauvaises
surprises. On a l’impression de faire partie d’un club d’amis courageux et inventifs.
Tout ceci explique encore le fait que le label soit encore debout. J’ai un copain
photographe à Saint-Jean-de-Luz à qui j’envoie parfois des compilations. Un jour, je
lui ai mis un morceau de Ballaké et Vincent. Il m’a dit qu’il connaissait très bien leur
musique et qu’il avait leurs deux albums chez lui. C’était un fidèle de ce duo, tout
comme moi, sans que nous le sachions. Je me demande comment il les a découverts.
Via France Inter ? Le Virgin de Bayonne où les vendeurs sont extrêmement pointus ?
En parlant de ça, l’un d’entre eux s’est retrouvé au chômage. Il a alors ouvert une
boutique où il vend des disques, alors que sa femme propose ses plats cuisinés.
L’endroit s’appelle “Le mange-disques”. Je suis certain qu’on y trouve des disques de
Nø Førmat!. C’est même sûr. Bon, je m’égare... Dans tous les cas, je suis très attaché à
l’équipe de ce label. Avec eux, jamais déçu, toujours heureux. •
VINCENT
SEGAL
REBECCA
MANZONI
NICOLAS
REPAC
JULES-
ÉDOUARD
MOUSTIC
“Il y a une certaine dignité dans le travail bien fait qu’il est agréable de
retrouver aujourd’hui. ” VINCENT SEGAL
Émile Parisien est saxophoniste de jazz.
C’est grâce à la bassiste Élise Blanchard, qui joue d’ailleurs avec
Mélissa Laveaux et Oumou Sangaré, que j’ai découvert Nø Førmat!.
Elle m’a notamment fait découvrir le duo Kouyaté-Neerman. C’est
un label dynamique qui n’hésite pas à mêler les musiques du
monde à d’autres genres.
Le catalogue est vraiment éclectique. On
sent un véritable engagement artistiquement
parlant, un réel investissement et une équipe
de passionnés aux manettes. Les productions
sont soignées, exigeantes et les pochettes
sont superbes. Plus encore, la particularité
de Nø Førmat! tient sans doute à une forme
d’attachement à la non-conformité. Je veux
dire que ce qui est proposé par ce label sort
très souvent des sentiers battus. En somme,
Nø Førmat! enrichit vraiment le paysage de la
production musicale française. •
ÉMILE
PARISIEN
SYLVAINGRIPOIX
EMMAPICK
X/DR
SARAHSEGAL
RADIOFRANCE-CHRISTOPHEABRAMOWITZ
104 105
story Nø Førmat! Le label bien nommé
Publi-rédactionnel
5. 106 Jazz Magazine Numéro 711 Novembre 2018
Le graphiste Jérôme Witz est en charge de la direction
artistique visuelle de Nø Førmat.
J’ai rencontré Laurent Bizot grâce à Daniel Richard. C’est un peu notre
gourou à tous les deux. Quand Laurent a monté Nø Førmat!, il m’a demandé
si je voulais rejoindre son équipe. Je n’ai pas hésité une seconde. Pour un
graphiste, c’est le nec plus ultra de participer à la naissance d’un label. On
arrive sur un terrain complètement vierge, tout est à inventer et créer. J’ai
vite compris qu’il ne s’agissait pas seulement de m’occuper des pochettes
de disques, mais de déterminer l’identité et l’esprit graphique de Nø Førmat!.
Une mission passionnante. Il fallait trouver des choses s’inscrivant dans
la durée, trouver un systématisme d’un album à l’autre tout en intégrant
une forme de liberté dans ce systématisme. Aussi, la charte graphique
du label comprend une typographie faite à la main, sur fond blanc. Il y a
quelque chose de très artisanal quant au travail sur les pochettes. On choisit
systématiquement des illustrations réalisées par différents artistes.
Également peintre, j’en ai d’ailleurs réalisé une dizaine moi-même quand le
projet collait à ma sensibilité d’illustrateur. “Toto Bona Lokua”, celle du “At
Peace” de Ballaké Sissoko ou “You And I” d’ALA.NI, cette dernière étant un
mélange entre photo et illustration, etc. L’idée que l’on suit avec Laurent
est de faire appel à des artistes qui n’évoluent pas forcément dans le
monde de la musique et de trouver un écho artistique visuel à la création
des musiciens. Cela implique la même prise de risque et le même souci de
qualité. J’ai eu l’intuition que Laurent allait comprendre mon travail.
Et la musique qu’il produit est une musique que j’écoute, que j’apprécie et
pour laquelle j’ai envie de m’investir. Sans compter que graphiquement et
artistiquement, tout est manuel. Cela me correspond. J’aime les choses qui
laissent place à l’imperfection et à l’aléatoire. J’aime le crayon et la feuille
blanche. Les productions du label sont plutôt minimalistes, simples et
sobres. Aussi, sur les pochettes des disques, il y a beaucoup de blanc, plus
de “non rempli” que de “rempli”. Réussir à faire vivre le non-dit, c’est ce que
j’aime. •
Laurent de Wilde est pianiste de jazz, compositeur,
producteur et écrivain.
Nø Førmat! est un label qui force le respect. Je dis ça en tant que producteur
et dirigeant de mon propre label. C’est un pari très osé, qui repose de surcroît
sur des valeurs à la fois très exigeantes et très libres, d’arriver à tenir quatorze
ans sur un équilibre aussi ténu. On trouve de tout dans le catalogue de ce label,
et c’est génial. Comme quand des œuvres sont publiées en Pléiades, on sait
que ça va être de l’excellent travail, avec une expertise, l’écriture des notes,
l’analyse de l’œuvre. Les albums Nø Førmat! sont les Pléiades du disque. Il y
a, chaque fois, un concept très réfléchi, audacieux, qui ne rentre pas dans les
cases et qui s’adresse à un public que l’on ne connaît pas.
Tout le catalogue est traversé par cette exigence esthétique qui change de
couleur. C’est un label avec un style d’ouverture. Il ratisse du côté du jazz,
de la musique africaine, des musiques caribéennes, etc. Il y a beaucoup
de musiques noires mais il n’est pas exclusivement attaché à cela. Dans
l’ensemble des albums, il y a quelque chose de très prégnant. Nø Førmat!
consacre un style transgenre. On ne parlera pas de jazz, de blues ou de
musique africaine, malgré Oumou Sangaré. Mais Ballaké Sissoko et Vincent
Segal, qu’est-ce que c’est ? Nicolas Repac, qu’est-ce que c’est ? Mélissa
Laveaux, qu’est-ce que c’est ? Il y a ces espèces de mélanges de voix
particulières. Le nom du label a été très bien choisi car on est véritablement
hors format. Il n’y a pas de murs. Pour exemple, j’aime beaucoup “Swing Swing”
de Nicolas Repac parce que c’est une façon de penser le jazz “Nø Førmat!”.
C’est monstrueux, ça swingue, c’est du live, des échantillons, un mélange très
original, savant sans paraître savant. Nø Førmat! dit beaucoup de choses sur la
musique. Pourvu que ça dure ! • JÉRÔME
WITZ
LAURENT
DE WILDE
SYLVAINGRIPOIX
JÉRÔMEWITZ
106
Gérald toto
nouvEl alBum « sway »
sortiE lE 26 octoBrE 2 0 18
En concErt
lE 1 0 janviEr 2 01 9
au Hasard l ud iquE
(Pari s)
Photo:BenoitPeverelli
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