2. de carrière ! Tu ne peux pas traverser seul le temps
comme elle l’a fait ! Nous avons déjeuné ensemble
le 25 octobre 2019, à Cannes, à l’Hôtel Martinez. Elle
devait être la marraine du 1er
festival d’opérettes qui
devait se dérouler du 1er
au 4 juillet 2020 à la Mairie
du IXe à Paris sous la houlette de Pierre-Yves
Duchesne, grand coach vocal de Lara Fabian ou
d’Amir. Mais, l’actualité a reporté cet événement.
Je l’ai ensuite appelée à deux reprises, pendant le
confinement, car je voulais faire entrer quelques-
unes de ses chansons dans mon dictionnaire
comme « La bonne du curé », disque d’or en 74, et
« Ça ira mieux demain ». Elle chantait dans les
années soixante-dix au théâtre Marigny. On pouvait
l’entendre dans « Hello, Dolly ! », une comédie
musicale dont elle avait créé la version française en
1972, puis dans « Nini la chance », composée pour
elle par Georges Liferman. Dans un article paru, une
journaliste de France Soir, Jacqueline Cartier, lui
avait donné ce surnom de « Nini la chance ». Six ans
plus tard, celui-ci était repris pour être le titre même
de cette comédie. Annie avait l’habitude de dire
« J’ai toujours eu beaucoup de chance ! » et, au
téléphone, elle me dit « je vais te dire d’où ça
vient… ». Elle m’a raconté qu’elle était née avec une
voilette de peau sur le visage. En Belgique, un bébé
qui est né avec cette particularité aura de la chance
toute sa vie. Il s’agit d’une croyance populaire. Et
puis, en général, un bébé vient au monde sans
dents. Or, elle, elle en avait deux devant, légèrement
écartées, celles que l’on appelle les dents du
bonheur, ou de la chance. Annie Cordy se disait
chanceuse également d’avoir pu jouer de très
nombreux sketchs, très appréciés à l’époque, à la
télévision.
Quelle est votre actualité ? Vous sortez un
nouveau livre ?
Oui, un dictionnaire Serge Gainsbourg pour le 30e
anniversaire de sa mort, tout comme je me suis déjà
penché sur Johnny Hallyday, Renaud. Actuellement,
je m’intéresse à l’œuvre de Patrick Bruel et je lui fais
vérifier et valider la véritable histoire de ses
chansons. Je suis quelqu’un de bienveillant et je
préfère que l’intéressé sache ce qui sort à son sujet.
Je le connais depuis 1981, il était, alors, un héros
d’un film avec Roger Hanin.
De quoi rêvez-vous aujourd’hui ?
Mes rêves sont plutôt politiques. Je suis une sorte
de dinosaure, un spécialiste de la chanson. Les
médias font appel à moi pour cette culture musicale
acquise. Je suis historien, tout comme peut l’être
Stéphane Bern où Franck Ferrand, mais de la
chanson. J’aimerais, aujourd’hui, avoir une
commission au ministère de la culture pour venir en
aide aux intermittents du spectacle. Il s’agit plus
d’une volonté que d’un rêve. Je trouve que l’on ne
défend pas assez les personnes qui font ou
représentent la culture. Les métiers du spectacle se
retrouvent dans une situation très fragile.
Pourrait-on imaginer un monde sans culture ?
Celle-ci s’avère être tellement nécessaire à notre
équilibre à tous ! Qu’en serait-il de notre
enrichissement personnel sans les pièces de théâtre
classiques ou les pièces de boulevard, par exemple ?
Il en est de même pour la chanson, elle est
essentielle, avec ou sans message. Parfois, celui-ci
peut-être politique, c’est le cas avec la chanson
d’Angèle « Balance ton quoi », humaniste avec
« Mercy » du duo Madame-Monsieur ou tout autre.
En France, 18 mois après la sortie de la chanson
« Les divorcés » de Michel Delpèche on légiférait
enfin le divorce par consentement mutuel. C’est dire
l’importance d’une chanson.
Santé
Intimité
Dimanche
Mais je ne fais pas de politique ; j’ai rencontré
beaucoup de grands hommes depuis Georges
Pompidou. Ce qui m’intéresse, finalement, c’est de
savoir quelle sensibilité se cache derrière ces
figures.
Emmanuel Macron a grandi avec des artistes
comme Michel Berger, Michel Polnareff et des
morceaux tels que « Goodbye Marylou » de l’album
« Kâma Sûtra » (1990), ainsi qu’avec Johnny
Hallyday qui chante « Je te promets » ou « Laura »
de l’album « Gang » (1986), écrits et composés par
Jean-Jacques Goldman. Lorsque Johnny est mort,
le président a été accusé à tort de faire de la
récupération. J’ai pris sa défense car je trouvais cela
injuste ! L’homme politique est avant tout un être
humain ; chacun de nous peut avoir été marqué par
un artiste, surtout lorsqu’il grandit avec. C’est le cas :
Il n’a pas dix ans à la sortie de « Gang », un album
culte, tout comme le sera « Kâma Sûtra ». Comment
ne pas en être imprégné ? Le jour des obsèques de
Johnny, que je commentais à la radio avec d’autres
journalistes, le président a prononcé un discours
très émouvant sur les marches de La Madeleine.
Peut-on dire de vous que vous êtes un grand
humaniste ?
Je ne sais pas, mais un peu d’humanisme, de
sensibilité est nécessaire pour faire ce que je fais. Ce
qui est sûr, c’est que je ne peux pas imaginer un
monde sans culture ! Nous avons, en France, de très
grands auteurs que l’on nous envie. Il suffit
d’écouter Grand Corps Malade, un artiste d’une
dimension incroyable, que l’on ne soupçonne même
pas, et sa chanson « Dimanche soir » ; je n’ai jamais
entendu une aussi belle déclaration d’amour à une
femme depuis Jacques Brel ou Léo Ferré. À
l’étranger, au-delà de nos chanteurs, on nous envie
nos auteurs et cela explique pourquoi la chanson
française est reconnue en Asie, en Australie, en
Amérique du Sud et dans le monde anglo-saxon,
comme au Canada par exemple. Abd al Malik, prix
Edgar Faure en 2010, est un très grand artiste
également ; il a une plume remarquable. Michel
Polnareff est quelqu’un de brillant ; c’était quelqu’un
de charmant et, à une époque, nous étions très
amis. Je crois que c’est la personne qui me connaît
le mieux ; nous avons passé des heures ensemble à
bavarder, de tout. Aujourd’hui, sa compagne
Danyellah l’épaule et tient un rôle important à ses
côtés. Egalement, je suis sensible à ce que fait Julien
Doré, auteur, compositeur, interprète.
Annie Cordy nous a quittés le 4 septembre
2020, auriez-vous une anecdote à nous livrer
concernant cette artiste ?
Oui, j’en ai une, mais pour commencer je dirais
qu’Annie avait beaucoup d’amis, résultat de 70 ans
La véritable
histoire des
chansons de
Gainsbourg
Fabien
Lecœuvre
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