3. La pièce de Jean Cocteau
La Voix humaine est une pièce de théâtre en un acte de Jean Cocteau, créée dans
une mise en scène de Jean-Pierre Laruy à la Comédie-Française le 17 février 1930.
La première représentation privée est chahutée par les Surréalistes. Elle ne met en
scène qu'un seul personnage, une femme au téléphone, en un dialogue lacunaire,
tronqué.
4. Argument
Une femme, après quelques tentatives infructueuses, finit par joindre
son destinataire au téléphone. Elle l'appelle "chéri", mais elle doit lui
rendre leurs lettres et se montrer courageuse.
À travers les non-dits et un moyen de communication défaillant, la
pièce présente une rupture amoureuse difficile. Le personnage aime
encore l'homme à qui elle parle, et a sans doute tenté de se suicider.
6. Biographie
• Jean Cocteau, né le 5 juillet 1889
à Maisons-Laffitte et mort le 11
octobre 1963 dans sa maison de
Milly-la-Forêt, est un poète,
graphiste, dessinateur, dramaturge
et cinéaste français. Il est élu à
l'Académie française en 1955.
• Comptant parmi les artistes qui
ont marqué le xxe siècle, il a
côtoyé la plupart de ceux qui ont
animé la vie artistique de son
époque. Il a été l'imprésario de son
temps, le lanceur de modes, le bon
génie d'innombrables artistes. En
dépit de ses œuvres littéraires et
de ses talents artistiques, Jean
Cocteau insista toujours sur le fait
qu'il était avant tout un poète et
que tout travail est poétique.
7. Son père qui vivait de ses rentes se
suicide le 5 avril 1898 à Paris, Jean
Cocteau portera longtemps cette
blessure. Il a une grande sœur, Marthe
(1877-1958) et un grand frère, Paul
(1881-1961)5. Il découvre le théâtre et
le cinéma à six ans.
Dès l'âge de quinze ans, Cocteau quitte
le cocon familial pour étudier au lycée
Condorcet. Manifestant peu d'intérêt
pour les études, il est renvoyé du lycée
pour indiscipline en 1904 et rate son
baccalauréat deux fois
Il publie son premier recueil de poèmes
à compte d'auteur, « La Lampe
d'Aladin » inspiré des Mille et Une
Nuits, à 20 ans (1909) et devient alors
connu dans les cercles artistiques
bohème comme le « prince frivole ».
C'est sous ce titre qu'il publie à 21 ans,
en 1910, son second recueil de poèmes.
8. • En 1918, Max Jacob lui présente le jeune
poète Raymond Radiguet. Il exercera sur
la courte carrière de ce dernier une
influence prépondérante .
• En 1921, il écrit son livre le plus connu,
Les Enfants Terribles.
• En 1940, Le Bel Indifférent, une pièce de
Cocteau écrite pour Édith Piaf, est un
énorme succès. Il travaille également
avec Picasso et Coco Chanel sur
plusieurs projets.
• Quelques immenses succès firent passer
Cocteau à la postérité : Les Enfants
terribles, Les Parents terribles de 1938,
La Belle et la Bête.
• En 1960, l'artiste tourne Le Testament
d'Orphée1 avec le soutien financier de
François Truffaut.
• Parallèlement, il s'engage dans la défense
du droit à l'objection de conscience, entre
autres en parrainant le comité créé par
Louis Lecoin, aux côtés d'André Breton,
Albert Camus, Jean Giono et de l'abbé
Pierre.
9. Almodovar et La voix humaine
Qui mieux qu'Almodóvar
pouvait adapter l'univers de Jean
Cocteau ? La Voix humaine met
en scène une conversation
téléphonique à sens unique, les
adieux d'une femme en pleine
rupture amoureuse.
Ces premières images nous
montrent une Tilda Swinton
impressionnante, se déplaçant
en lourde robe rouge à travers
un espace vide et immense,
accompagnée par la musique
dramatique d'Alberto Iglesias
(compositeur attitré du
cinéaste).
Tel un personnage féminin tout
à fait almodóvarien, elle meut sa
douleur avec une dignité grave,
résistante même dans une
situation des plus pathétiques.
10. Une esthétique baroque
L'esthétique baroque du court-métrage a tout pour plaire lors de sa présentation
(hors compétition) en septembre à la Mostra de Venise. Premier film en langue
anglaise pour le cinéaste et première collaboration avec l'actrice Tilda Swinton, le
réalisateur s'est lâché pour ce court-métrage. Cette figure féminine en robe de bal
nous évoque précisément la scène du bal de l'un des romans les plus connus de
Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein (1964) lorsque Lola Valérie
Stein voit Anne-Marie Stretter lui ravir son fiancé et assiste impuissante au
basculement de sa propre vie. Dans La Voix humaine, la femme appelle l'homme
qu'elle aime alors que celui-ci épouse une autre le lendemain.
11. Cocteau remis au goût du jour
Almodóvar s'est confié à Indiewire au sujet de sa collaboration avec Tilda Swinton : "Nous
avons travaillé ensemble pour déterminer s’il serait juste venant d’elle de dire ceci ou cela. Je
me disais : il n’y a aucune femme qui puisse se comporter comme ça, parce que c’est très
vieux jeu. Cette mentalité n’existe plus."
Dans un jeu de dévoilement progressif, ce premier extrait nous montre une réactualisation de
la pièce dans un style très postmoderne. Un sous-terrain industriel abandonné, une robe
Balenciaga, une musique bouleversante... Il ne manque plus que le texte tragique et lacunaire
de Cocteau, incarné par Swinton, pour lâcher une petite larme.
12. Critiques
• Présenté en séance spéciale à la Mostra
de Venise, où Tilda Swinton s’est vue
attribuer un Lion d’or honorifique, le
nouvel opus d’Almodóvar est un
extravagant condensé de son œuvre.
• Si l’annonce d’une adaptation de la pièce
de Jean Cocteau par Almodóvar n’était
pas une surprise, lui qui s’en est inspiré
pour Femmes au bord de la crise de nerfs
(1988), celle d’un film en anglais et avec
la singulière Tilda Swinton avait de quoi
dérouter.
• À la vue du résultat, tout juste présenté à
la Mostra de Venise, il ne fait pourtant
aucun doute que ces deux excentriques
étaient destinés à se croiser. S’il évoque
la rupture d’une femme avec son amant
par téléphone, La Voix humaine a tout de
la déclaration d’amour d’un cinéaste à
une actrice qu’il a rêvé de filmer.
13. Après avoir recréé son propre
appartement pour Douleur et Gloire,
Almodóvar va plus loin pour sa
nouvelle muse, actrice-caméléon par
excellence, l’invitant à se fondre seule
dans une réplique miniature de son
univers : ses costumes flamboyants, ses
objets d’art insolites, ses tons vifs sont
contenus dans un décor de studio dont il
assume l’artifice jusqu’au bout. Trente
minutes d’agonie sentimentale suffisent
pour renouer avec la causticité du
cinéaste, de son amour du mélo à son
penchant pour le sadisme, citant ses
films – notamment La Loi du désir, où
l’on voyait Carmen Maura interpréter la
pièce au théâtre – et revisitant une
garde-robe faite de tenues carmin,
vestes de cuir et strass en tous genres
dans un collage destroy. À sa mise en
scène, d’une sensualité toujours très
tactile, il oppose l’allure éthérée d’une
Tilda Swinton parcourant le film de sa
grâce androgyne, achevant de nous
convaincre que cette interprétation de
La Voix humaine illustre à merveille la
rencontre du feu et de la glace.