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L'évolution du marketing du vin :
au carrefour du marketing
expérientiel, de l'oenotourisme et
de la spécificité du marché
Pauline Le Dret
Dirigée par Valérie Léger
2022
1
MÉMOIRE DE RECHERCHE
Pauline Le Dret
Sous la direction de Valérie LEGER
Master Manager des Stratégies de Communication Marketing
2020 – 2022
2
Clause de non-plagiat
Je soussignée, Pauline LE DRET,
Déclare avoir pris connaissance de la charte des examens et notamment du paragraphe
spécifique au plagiat. Je suis pleinement consciente que la copie intégrale sans citation
ni référence de documents ou d’une partie de documents publiés sous quelques formes
que ce soit (ouvrages, publications, rapports d’étudiant, internet etc...) est un plagiat
et constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée. En
conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées pour produire et
écrire ce document.
Fait le 31/03/2022
Pauline Le Dret
3
Remerciements
Pour commencer, je souhaite remercier toutes les personnes qui m’ont accompagnée et
soutenue dans cet écrit qui aura été pour moi une opportunité de m’exprimer sur des
thématiques qui me plaisent et dans lesquelles je souhaite avancer par la suite.
Tout d’abord, merci à l’équipe encadrante de l’E2SE en particulier à Valérie Léger pour sa
disponibilité malgré que nous n’ayons pas eu nombreux temps dédiés, son attention et son
ouverture d’esprit, qui a permis de m’exprimer sans jamais que je ne déraille.
Merci à mes deux responsables, Franck Lefèvre et Cédric Vinclet, de m’avoir laissé
transparaître mon travail dans un véritable univers professionnel, dans une structure en plein
développement. Merci de m’avoir appris des notions managériales et stratégiques me
permettant d’avoir un recul sur le fonctionnement et la gestion en termes d’acquisition client.
Je remercie par ailleurs, l’ensemble des répondants, que ce soit pour l’interview ou pour le
champ expérimental avec lesquels j’ai pu obtenir de chaleureux échanges. Merci pour votre
expertise, merci pour votre transmission, merci pour cette richesse, pour ce que vous faites, et
merci pour vos invitations à la découverte de vos vignobles.
S’ajoute à cela des remerciements pour mes camarades de classe, les derniers, ceux qui ont
partagé ma vie pendant de longues semaines à la bibliothèque, chez les uns et chez les autres,
avec qui nous avons rigolé, pleuré, festoyé. Ce travail est individuel, mais il transpire la force
d’un groupe qui s’est toujours entraidé, pour trouver un terme précis, une idée d’ouverture,
un article ou un contact.
Enfin, merci à mes proches, d’avoir écouté et lu mes écrits pendant des semaines, et pour
m’accompagner jusqu’au bout de ma scolarité. Je pense notamment à Arthur, à Catherine et
Patrick.
Et pour finir, je tiens à avoir une pensée pour Régine, ma tante décédée à quelques jours de ce
rendu, sans qui je ne serai pas ce que je suis aujourd’hui. Merci.
4
5
Choix du sujet : affinités avec l’univers viticole , intérêt pour le marketing
expérientiel
Le choix d’un sujet est toujours très réfléchi lorsque l’on doit travailler pendant près d’une
année dessus. Lors de mes études en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques
et Sportives à l’Université de Caen, la directrice de mémoire Fanny le Mancq et le professeur
Alem, m’avaient donné plusieurs conseils pour réussir notre mémoire de recherche : choisir
un sujet de mémoire qui nous attire, un sujet pour lequel nous avons soif de connaissance et
pour lequel nous sommes assez éloigné tout de même, afin d’apporter le recul nécessaire à
notre étude.
En gardant en mémoire ce conseil, je me suis dirigée naturellement vers le monde du
restaurant et ses univers. J’ai une affinité particulière avec ce milieu professionnel. En effet,
depuis petite, par le métier de mes parents, mon entourage et mon environnement se sont
façonnés autour de ces lieux de moments conviviaux. En grandissant j’ai pu moi même faire
partie de ces coulisses le temps des étés : serveuse, assistante événementielle d’un hôtel ou
encore secrétaire ou missionnée de marketing chez un distributeur / grossiste.
C’est finalement l’univers viticole qui m’amène à vous présenter cette problématique, tant ce
domaine est spécifique, particulier, infini et attirant professionnellement.
Dans le cadre du master Manager des stratégies de communication marketing à l’E2SE,
j’ai eu la chance de connaître deux expériences en alternance en même temps. J’ai
travaillée pour le cabinet de courtage Partenaires Plus, avec une cible de chefs d’entreprises
et de professionnels. Et dans un même temps, cette société à la tête de 5 agences dans l’ouest
de la France, a développé une filiale “ASCAR”, une assurance pour les véhicules de luxe et
de collection.
J’ai pu observer pendant près de 2 ans, le style de vie professionnel et personnel
d’entrepreneurs et d’individus étant catégorisés dans la cible CSP+ et donc ayant un lien fort
avec l’univers viticole : séminaire dans un vignoble, un caviste, partenaire d’un événement
patrimonial, des vignobles présents à des salons tel que le salon Rétromobile à Paris, des
commandes de cartons de vins prestigieux pour offrir aux meilleurs clients, des vins de
grandes tables offerts au restaurant… Bref, le vin faisait partie intégrante des rencontres
professionnelles auxquelles j’ai pu assister.
6
Ainsi, le vin apparaît alors comme “péché mignon” du chef d'entreprise, et devient une arme
de fidélisation du client. Ainsi, l’entreprise est en capacité de séduire son prospect ou son
client à travers une simple bouteille. Comment est-ce possible ?
C’est en réalité toute la symbolique qu’une bouteille de vin a.
Une symbolique donnée par l’univers viticole en lui-même mais façonnée également par le
consommateur et ses expériences précédentes vécues. Cette simple bouteille de vin,
intégrerait donc l'éventail de leviers de l’expérience client.
Par ailleurs, le marketing expérientiel et plus largement l’expérience, sont les grandes
composantes qui fondent ma problématique. Le concept d’expérience, je l’ai découvert lors
de la licence Management du Sport en STAPS. C’est lors d’un cours autour de l'événementiel
sportif que la notion de sport spectacle m’a tout de suite percutée.
Étant moi même sportive de haut niveau, dans un sport collectif, je reconnaissais de suite la
quête de mon club à faire de nos matchs officiels du spectacle. Non pas pour se montrer, mais
pour se différencier des clubs voisins et concurrents, afin de remplir le gymnase et donc
d’accroître les rentrées d’argent pour l’association sportive.
C’est alors en étudiant, notamment le livre de Michel Pautot Le sport spectacle : les coulisses
du sport business, que la notion d’expérience client et d’expérience de consommation dans
les salles de sport particulièrement me sont apparues.
Combiner un écosystème d'agrégat pour donner un souvenir mémorable au spectateur est,
dans ce domaine, plus évident à piloter que de ne compter que sur la satisfaction, ou non, du
score sportif final.
Par la suite, c’est en entrant en master MSCM à l’E2SE, que les cours se sont ouverts sur
cette notion d’expérience. Au travers de mon apprentissage, le courant holistique dans la
notion d’expérience me paraissait encore là, indissociable. Cette théorie selon laquelle
l'homme est un tout indivisible qui ne peut être expliqué par ses différentes composantes
(physique, physiologique, psychique) considérées séparément.
Cette manière de penser s’adonne alors parfaitement avec la mienne, notamment influencée
par la philosophie et l’épistémologie.
Selon une expression française : ”Quand le vin entre, la raison sort”. Le vin serait alors la
métaphore de l’intangibilité du concept de l’expérience, et des émotions subjectives à chaque
7
individu. Cette expression met également en avant les limites de ce pilotage expérientiel,
puisque si l’entreprise souhaite contrôler les émotions des consommateurs, alors on parle de
manipulation. On gardera également en tête le contenu du vin et les limites de l’alcool selon
les usages en entreprise.
En tant que professionnel, nous avons tous une responsabilité quant à l’utilisation des leviers
en marketing et communication. Lorsqu’une action marketing vient transformer l’attitude
d’un consommateur par le biais de l’émotion ou autre, nous devons nous poser cette limite du
respect de l’Homme et de la barrière de la manipulation, qui pourrait alors ternir la marque.
Jusqu’où peut on donc pousser l’offre expérientiel ? Comment connaître nos limites ?
J’imagine que ce mémoire pourra m’apporter réponse à ces questions mais également
m’apporter une certaine expertise au sujet du marketing expérientiel pour mes futurs projets
professionnels. J’espère que ce mémoire pourra servir aux vignobles qui souhaitent entamer
ce processus expérientiel, qui selon moi, fait partie intégrante de l’évolution du marketing du
vin.
8
Expérience
2022
Œnotourisme
Histoire
Symbole
Filière d'excellence française
Consommacteur
Champ sémantique
Marketing mix
Marketing expérientiel
Sens
Usages
Hédonisme
Holisme
Durabilité
Émotion
Vignerons
Storytelling
10
Tables des matières
PARTIE 1 : Champ théorique 18
Chapitre I - Le marketing expérientiel : une nouvelle arme de séduction
pour les marques 20
A - Le marketing produit à bout de souffle, le marketing expérientiel en
expansion 21
a- Définition du champ lexical de l’expérience et de ces concepts 24
b- La logique économique 35
c- Processus de création : thématisation globale du lieu de vente ou
optimisation d’une composante du marketing mix 40
B- Le renouvellement du marketing mix et des statuts 50
a- Les 7E : le marketing mix expérientiel 50
b- Le consommacteur, force de proposition, l’entreprise à l’écoute 62
c- Un nouveau parcours client 68
C- Le jeu des stimuli, en faveur de l’expérience ? 70
a- Les sens comme support de communication et de représentation d’une
image de marque 71
b- La valence des émotions ressenties 73
c- Les limites, de la manipulation au risque financier 76
Chapitre II - L’univers viticole : les spécificités d’un marché français
singulier 83
A - La filière vin en France, l’excellence mondiale 84
a- Définitions et particularités des vins français 84
b- Description du marché 88
B- Entre influences et symboles, le vin s’inscrit dans l’histoire, la culture et la
consommation française 91
a- Le vin : les représentations historiques avant JC 91
b- Un contenu religieux 94
c- Usages dans les pratiques gastronomiques et médicinales 96
d- L’ivresse, un vilain défaut 101
e- La politique du vin 102
C- Une crise économique et un nouvel élan marketing 105
11
a- Le secteur touché ponctuellement par de nombreuses crises 105
b- L’essor d’une nouvelle consommation 110
c- Le vin durable ? Oui ! 117
Chapitre III - L’évolution du marketing du vin à l’instar de l’oenotourisme
123
A - La valorisation d’une identité, par essence, unique 124
a- Le vigneron comme “motivateur émotionnel” et source du storytelling et
de transparence 124
b- La bouteille et l’étiquette, le packaging phare 129
c- Les sens, un attribut naturel au vin 136
B- L’œnotourisme, une filière touristique pilier de l’expérience dans les
domaines viticoles français 140
a- La notion d’œnotourisme : “Boire un vin dans un climat de naissance” 141
b- État des lieux de la situation française 148
c- Les déterminants de son attractivité 152
Conclusion 155
Hypothèses 156
PARTIE 2 : Le champ expérimental 157
Retranscription de l’interview 158
L’échantillon 163
Chapitre I - Matériel & Équipement 166
Chapitre II - Mode de procédure et réalisation 168
Chapitre III - Lecture des résultats bruts 170
A - Un exemple de restitution 170
B - Données brutes 175
PARTIE 3 : Discussion 195
Chapitre I - Analyse des résultats 196
Chapitre II - Validation ou rejet des hypothèses 209
Chapitre III - Réflexion personnelle 212
Conclusion 218
12
13
Introduction
Qu’attendez-vous d’un parc d’attraction, d’un repas au restaurant, d’une séance de cinéma,
d’une visite au musée ou encore d’un match de NBA ?
L’expérience.
En tant que connaissance acquise à travers l'interaction avec l'environnement lors d’un
événement, fait de chacune de nos activités des expériences, nous apprenons, découvrons,
nous transmettons, tout au long de notre vie.
Nos expériences sont des souvenirs, heureux ou non. Nos expériences sont le miroir de notre
estime de soi face à autrui.
Le marketing s’est alors saisi de cette notion d’expérience pour créer un dynamisme
managérial afin de vaincre la standardisation du marketing produit.
Les campagnes publicitaires, jusqu’à la fin du XXème siècle, se ressemblaient toutes et
étaient dédiées au produit et ses avantages fonctionnels : “Papa, c’est quoi cette bouteille de
lait ?” (Lactel, 1990), “ Tu pousses le bouchon un peu trop loin Maurice !” (Choco suisse,
1994), “C’est bon pour les gagnants !” (Findus, Croustibat, (1991), “Si Juvabien, c’est
Juvamine” (Juvamine, 1990).
Aujourd’hui, le paysage publicitaire s’est transformé avec des campagnes plus percutantes,
plus émotionnelles, tournées vers le consommateur et parfois même participatives.
Le marketing ou la communication doit marquer les esprits des consommateurs, afin qu’une
marque se différencie de la concurrence, dans une société où l'information est omniprésente.
Pour se démarquer, il faut donc sortir de l’ordinaire et surprendre, comme pour sortir le
consommateur d’une certaine routine. Par ailleurs, une fois l’attention, voire le choix pour
une marque faite, cette dernière devra fidéliser son nouveau client, voire en faire un
ambassadeur.
Quoi de mieux alors que de le surprendre une nouvelle fois, de le sortir de son quotidien à
travers un univers, une histoire, une expérience ?
Les signatures viticoles doivent-elles prendre ce chemin ? Comment utiliser la singularité et
la spécificité de cet univers pour proposer une expérience par le biais d’un verre de vin ?
15
L’univers viticole est un monde singulier rythmé par son calendrier saisonnier, habité par des
exploitations formant le paysage français, sublimé par un patrimoine culturel, historique et
hétérogène sur le territoire français.
Vous imaginez mes propos ?
Vos interprétation et perception de ces mots façonnent votre image du vignoble français,
notamment grâce à vos expériences, vos souvenirs, des anecdotes et l’ensemble des symboles
qui en découle. Votre perception est alors unique, tout comme celle des 63 millions d’autres
français. D’où la difficulté pour les marques viticoles de créer leur expérience voulue.
Quelles sont les représentations existantes ? Quelle est la conjoncture économique de la
filière vitivinicole ? Comment une marque de vin construit et valorise son identité ? Quelle
expérience peut voir le jour dans un domaine ?
Nous recentrons nos interrogations à travers cette unique question : comment l’univers
viticole français évolue à travers la notion d’expérience et de marketing expérientiel
pour face à une nouvelle consommation et à de nouvelles attentes ?
Pour parvenir à répondre à cette question, nous suivrons une démarche expérimentale
qualitative, il sera intéressant de comprendre comment la dimension expérientielle est prise
en compte dans la gestion marketing d’une marque de vin. Mais également d’appréhender
son intégration dans une stratégie, à travers les actions recensées, et le message souhaité.
Pour y arriver, il conviendra d’étoffer la notion d’expérience, son marketing et son
inscription en entreprise. Nous verrons que cette notion holistique s’accorde aisément avec
les spécificités de cet univers, tant dans son aspect historique français, qu’en marketing.
Il s’agira par ailleurs de revaloriser la place du consommateur dans la construction de l’offre.
16
17
PARTIE 1
Champ théorique
«Une mauvaise expérience vaut mieux qu'un
bon conseil», Paul Valéry.
19
Chapitre I - Le marketing expérientiel : une nouvelle arme de
séduction pour les marques
La notion d’expérience qui aura donné naissance au marketing expérientiel, est une notion
qui s’intéresse à un objet dans sa globalité. Dans une expérience, l’objet de l’expérience doit
considérer le consommateur et l’univers de la marque.
Pour détailler alors les dimensions existantes, nous observerons leurs diverses définitions
selon les différentes époques et conjonctures propres.
Nous établirons ici, une carte mentale qui nous guidera tout au long de la démarche théorique
de ce chapitre.
20
A - Le marketing produit à bout de souffle, le marketing
expérientiel en expansion
La démarche du marketing classique s’insère dans un contexte cognitiviste, où le
comportement du consommateur réduisait la décision d’achat à une prise d'information
factuelle rassemblée autour des attributs tangibles du produit /services. Cela relève de
processus cognitifs, mis en œuvre par l’individu pour rechercher une solution optimale à son
problème de consommation.1
Dans ce concept des années 1960, on retrouve deux grands
paradigmes. D’une part celui de l’héritage de l’analyse micro-économique classique de la
consommation, dans lequel on retrouve la théorie de la valeur/utilité.2
D’autre part, celui de
l’influence cartésienne dans les propos des psychologues cogniticiens qui mettent en avant la
prise de décision du consommateur comme rationnelle.
Ce marketing produit s’apparente alors à un parcours connu : étude de marché au sujet de la
demande, des concurrents et de son environnement, segmentation, ciblage et positionnement.
Le marketing produit se concentre alors sur la perspective de production, la qualité de
service, la satisfaction client, le rapport qualité prix et la logique de service.
En contradiction avec cette vision, le psychologue Damasio assure que la décision ne peut
être réduite aux seuls processus cognitifs. En effet, les états affectifs, l’émotion doivent être
également considérés.3
Par ailleurs et depuis le milieu des années 2000, nous voyons apparaître une démarche plus
“expérientielle”, tournée vers le consommateur. Concrètement, la théâtralisation des lieux de
vente et de consommation, ainsi que des programmations de gestion de la relation client4
,
4
Sur une base de données clients informatisée, l’entreprise collecte et traite l’information de chaque client /
prospect, en faveur d’une offre personnalisée et de l’obtention de statistiques. L’objectif de cet outil est alors de
répondre à leurs attentes, de satisfaire leur besoin, pour à terme les fidéliser.
3
A.GRANDGUILLAUME, C. PIROUX, “A. Damasio. L’erreur de Descartes (1995) ; Le sentiment même de
soi (1999) ; Spinoza avait raison (2003) », L'orientation scolaire et professionnelle, 33/3 | 2004, 477-479.
2
K.J. ARROW, G. DEBREU, Existence of an Equilibrium for a Competitive Economy, Econometrica
Vol. 22, No. 3, 1954, pp. 265-290.
1
M.FILSER, Le marketing expérientiel, vers un marketing de la co-création, Vuibert, 2015.
21
mais aussi l’apparition de nouveaux modèles de marketing mix5
qui recensent de plus en plus
d’agrégats à optimiser.
Comment ce nouveau modèle est-il apparu ?
C’est en réalité à travers un changement de paradigme sociétal, que s’est épanouie cette
tendance : la société post-moderne. Mondialisation, digitalisation, multiplication des offres,
mutations socioculturelles, nouveaux modèles de production et donc nouvelles manières de
consommation sont les cadres de la société depuis la fin des années 1970. Auparavant, le
travail (comme acte de production) était un vecteur identitaire. Depuis, la consommation a
endossé ce même rôle, en parallèle de la montée du phénomène de simulation et du jeu des
rôles sociaux. Baudrillard affirme que la consommation est devenue, depuis les années 1970,
une activité de production de significations et un espace d’interactions symboliques : le
consommateur ne consomme par des produits mais leur sens et l’image que ces produits
dégagent.6
Dans cette même logique, la consommation était fonctionnelle, l’achat se faisait
pour l’usage. Désormais, la valeur est dite “hédonique”7
ou de signes8
, dans une perspective
donc plus “expérientielle”. Le souhait du consommateur étant de montrer à autrui une image
de vie spectaculaire, l’entreprise doit tirer bénéfices de ces changements et renouveler, non
pas fondamentalement ses produits, mais leur stratégie marketing. Le postmodernisme a
provoqué chaos social et perte de repères mais aussi et par conséquent, la quête de l’identité
et de valeur de l'individu qui souhaite se désaliéner de l’universalité. Le sujet impose donc sa
différence et sa singularité. La société est donc fragmentée de différences, rendant la
segmentation de plus en plus difficile pour les entreprises.
Le consommateur est alors perçu comme un sujet individuel, un être émotionnel unique, et
est de plus en plus considéré avec ses ressources physiques et intellectuelles, et donc
potentiellement un actif d’une marque, un co-producteur au profit de cette dernière
Dans une vision philosophique, cette transformation pourrait se résumer à la question
suivante : vivre pour consommer ou consommer pour vivre ?
8
Quelle image du consommateur le produit va-t-il renvoyer ?
7
Quelles sensations va procurer le produit ?
6
BAUDRILLARD, La société de consommation, Folio Essai, 1970
5
La combinaison des domaines opérationnels dans lesquels il faut élaborer des stratégies, entre lesquels agit une
forte dépendance.
22
L’entreprise se doit alors de penser à la différenciation au sein de cet effet de masse et penser
au-delà du produit tel quel. Comment développer un avantage concurrentiel durable pour la
marque ?
L’approche du marketing expérientiel semble alors être dans le prolongement du marketing
relationnel, et tend à procurer une expérience de consommation et non de produit. La marque
porterait donc sa stratégie sur la relation client et plus, l’expérience client, afin d’entretenir un
lien fort avec le consommateur dans le but de le fidéliser.
Cette logique d’expérience s'attardera alors sur la perspective de consommation et son
réenchantement (au-delà des attentes des consommateurs), avec un parcours d’achat repensé.
L’objectif est de franchir l’étape de l'appropriation et de donner de la valeur dans l’usage,
avec une empreinte affective, à travers la mise en place, par l’entreprise, de mécanismes qui
faciliteront l’extraction de cette valeur.
L'approche expérientielle peut être considérée comme une rupture marquante des vingts
dernières années, qui a bousculé le paradigme cognitiviste de la recherche en comportement
du consommateur.
23
a- Définition du champ lexical de l’expérience et de ces
concepts
Le concept d’expérience de consommation a été instauré par Holbrook et Hirschman en 1982
comme un “état subjectif de conscience accompagné d’une variété de significations
symboliques, de réponses hédonistes et de critères esthétiques”.9
Selon cette définition, l’instant de consommation expérientielle met en exergue l’ensemble
des stimulus qu’un individu peut ressentir, à travers le plaisir, la stimulation sensorielle et
émotionnelle. Ce serait alors le consommateur et ses perceptions qui fondent l’expérience
unique. Ils dépassent le contexte de transaction et prennent en compte des éléments relevant
du domaine de l’imaginaire.
Puis en 1999, est apparu la notion de marketing expérientiel grâce aux écrits de Pine et
Gilmore10
, à travers la position de l’entreprise.
“Une expérience se produit lorsqu’une entreprise utilise intentionnellement des services
comme scène et des biens comme accessoires, pour engager des clients individuels d’une
manière qui créé un évènement mémorable”11
En partant du principe que le consommateur est en perpétuelle recherche de repères dans un
environnement dans lequel il a du mal à se situer, ce dernier poursuit un projet de
construction de son identité.
Le vécu d’une expérience est donc de nature à lui procurer des gratifications positives.
L’entreprise doit donc avoir la volonté de faire ressentir des stimulus au consommateur, à
travers la professionnalisation de la mise en scène. En partant des acquis, l’expérience serait
une succession d’expériences de flux12
: les flux multiples plongent alors plus ou moins le
consommateur dans l’expérience. L’entreprise propose et le client dispose.
Une expérience rythmée par un parcours client repensé : avant, pendant et après l’achat.
12
Notion abordée en 1997 par le psychologue M.Csíkszentmihályi, pour signifier le moment exceptionnel
pendant lequel “ce que nous sentons, ce que nous souhaitons et ce que nous pensons sont en totale harmonie”.
Csikzentmihalyi, M. Finding Flow: The Psychology of Engagement with Everyday Life, Basic Books, New
York, 1997.
11
Ibid.
10
PINE B. J., GILMORE J., The Experience Economy : Work is Theatre and Every Business a Stage, HBS
Press, Harvard, 1999.
9
M.B. Holbrook, E.C. Hirschman, The Experiential Aspects of Consumption: Consumer Fantasies, Feelings,
and Fun, Journal of Consumer Research Vol. 9, No. 2, 1892.
24
Ces deux précédentes notions seront les bases du socle du marketing expérientiel, que nous
tenterons ici de définir à travers différents domaines d’étude et différentes sémantiques,
faisant de cette notion d’expérience, une notion holistique13
.
L’expérience
L’origine de l’expérience extraordinaire prend essence au XVIIIème, dans le courant
romantique. Dans un contexte où l’imagination et la transformation sont d’actualité pour se
développer individuellement et socialement. Ce courant d’émotion et d’excitation s’oppose à
la vie quotidienne. L’expérience attire donc et devient intéressante. À l'époque, l'expérience
était vue comme un danger, aujourd’hui, elle est recherchée, pour justement sortir de ce
quotidien.
Étymologiquement, le mot expérience vient du lation experientia, de experiri :” faire l’essai
de, éprouver, “ex” qui signifie “hors de” et le radical est periri, que l'on retrouve dans
periculum signifiant “péril”, “danger”. La racine indo-européenne est -per à laquelle se
rattache l'idée de “traversée” et, secondairement, celle d'”épreuve”14
.
En ce sens, “avoir fait l’expérience” de quelque chose, c'est en avoir acquis une connaissance
non théorique, mais concrète. En vivant des expériences, on acquiert de l'expérience, qui peut
tendre vers une forme d'expertise15
.
Le terme recouvre ainsi deux principes : celui de la réception et celui de l'acquisition16
. C’est
à dire que, faire l'expérience de quelque chose suppose que l'on éprouve la dite chose, sous la
forme de réception de stimuli (principe de réception) et, d'autre part, avoir fait l'expérience de
quelque chose, suppose que l'on en retire une connaissance (principe d'acquisition). Cette
séquence pourrait être résumée par la formule : « je sens, je ressens et j'apprends ».
16
A,CARU, B.COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion, vol.
no
162, no. 3, 2006, pp. 99-113.
15
ALBA, FUTCHINSON, Dimensions of Consumer Expertise, Journal of Consumer Research, 1987
14
LANDA Fabio, « Éditorial », Le Coq-héron, 2007/2 (n° 189), p. 7-8. DOI : 10.3917/cohe.189.0007. URL :
https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2007-2-page-7.htm
13
Doctrine considérant les objets et les concepts appartenant à un tout.
25
Du point de vue de la théorie de la connaissance, on désigne par expérience, “toute
connaissance immédiate et non inférentielle, mais aussi toute connaissance induite par des
données sensorielles”.17
Cela suppose donc que l’entreprise doit utiliser les sens à l’instant de
consommation pour stimuler le client.
Dans le domaine des sciences dites dures, l'expérience est scientifique et synonyme
d'expérimentation. “Sa finalité est la production de résultats stables dans le temps et
l'enrichissement d'une connaissance universelle.”18
Dans les autres domaines d’études, notamment en sciences sociales (philosophie, sociologie,
psychologie, anthropologie, ethnologie et sciences de gestion), la définition d’expérience met
en exergue un point commun. Celui d’envisager l’expérience comme individuelle et
aboutissant à une connaissance singulière, puisque subjective et donc propre à l’individu.19
L’expérience serait donc une combinaison d’actions et de pensées, dans laquelle la perception
d’un sujet est toujours présente. La perception est alors une activité à part entière.20
Le sujet
ne serait donc pas passif, mais bien actif.
En sociologie, Bourdieu aborde l’expérience socioculturelle, qui prend son sens dans un
contexte socioculturel spécifique et liée à un processus de formation des représentations
sociales. En reprenant le principe de la socialisation, nous mettons en avant la transmission
nécessaire des capitaux : économique, culturel, social et symbolique dans une société. Par ce
phénomène, le sujet est déterminé par son contexte, tout comme une expérience serait
déterminée par le contexte donné par l’entreprise et le consommateur. 21
Cela rejoint les dires
de Edgell, du fait que l’expérience ne soit pas une science logique mais qui répond au
contexte social respectif à chaque consommateur, au produit et à la marque.
En prolongement du domaine de la sociologie, l’anthropologie aborde le concept sous l’angle
de “l'expérimentalisme” et soulève les dimensions individuelle, symbolique et culturelle.
21
P. BOURDIEU, La Distinction. Critique sociale du jugement, Les éditions de minuit, 1979.
20
D. LE BRETON, Le corps entre significations et informations, Hermès, La Revue, vol. 68, no. 1, 2014, pp.
21-30.
19
A,CARU, B.COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion, vol.
no
162, no. 3, 2006, pp. 99-113.
18
C.ROEDERER, Marketing et consommation expérientiels, Business & Economics, 2012.
17
ENGEL, Philosophie de la connaissance : croyance, connaissance, justification. Paris, 2005.
26
Concrètement, ce domaine d’étude ajoute à la sociologie l’importance des signes et des
symboles intégrés à une culture donnée. C’est l’expérience symbolique.
En philosophie, Dewey insère l’idée d’une expérience idéologique ambivalente. C’est à dire
qu’une expérience correspond “aux états mentaux qui, comme la sensation, semblent
impliquer une relation immédiate de l'esprit avec un donné, et dont les contenus sont
intrinsèquement subjectifs et qualitatifs.” On retient alors, que le jeu émotionnel, aléatoire et
subjectif sont les supports de qualité d’une expérience. 22
L’expérience de consommation
Kwortnik et Ross proposent une définition de l’expérience de consommation : “c’est une
interaction entre un individu et un objet de consommation, qui est plaisante, créatrice de sens
et mémorable”.23
C’est donc l’émotion positive dans une interaction entre la marque et le consommateur qui est
ici mise en avant.
Récemment, la définition va plus loin et est décrite comme une “l’acquisition, délibérée ou
non, de la compréhension des êtres humains et des choses à travers leurs pratiques dans le
monde réel, et donc sa contribution au développement des connaissances”. 24
L’expérience déjà vécue par l’individu entre en compte, dans l’expérience que ce dernier va
vivre avec une marque. S’ajoute à cela la montée en puissance de la disponibilité de
l’information dans notre société depuis notamment l’explosion d’internet dans la majorité des
foyers. Cette information est alors la préface de la connaissance : celle d’univers, de société,
de marché et de marque, entrant en phase d’avant achat.
L’expérience de consommation est un vécu personnel et subjectif du consommateur, résultat
de l’ensemble des interactions qu’un client peut avoir avec la marque ou l’entreprise.
24
W.BATAT, Marketing expérientiel, De Boeck Supérieur, 2021.
23
KWORTNIK, ROSS, The role of positive emotions in experiential decisions, International Journal of
Research in Marketing, 2007.
22
J.DEWEY ,The Experimental Theory of Knowledge, Mind, New Series, vol. 15, n° 59, 1906, p. 293-307.
27
Le marketing expérientiel
Maintenant le concept d’expérience connu, nous nous attarderons sur le principe marketing.
Hetzel définit cette stratégie comme une nouvelle “catégorie d’offres qui viennent s’ajouter
aux marchandises, aux produits et aux services pour constituer une quatrième catégorie
d’offres particulièrement adaptées aux besoins du consommateur postmoderne. Pour ce
marketing, une vraie expérience doit être inoubliable sinon extraordinaire !" 25
Badot ajoute que ces chalands doivent être projetés “dans un imaginaire holiste, afin de
modifier les états émotionnels de ces derniers, en vue de les placer dans un état de
gratification hédoniste, pour améliorer les indicateurs marketing, commerciaux et financiers
de l’offreur et de susciter une évangélisation du client/consommateur”. 26
Le but est la fidélisation client et non pas la satisfaction client lors de l’achat.
Cette typologie marketing s’attarde sur les attentes des consommateurs en termes de valeur
hédonique, ce qui fait écho à la notion philosophique du désir, et du consommateur, sujet,
homme qui désire, en référence au rêve américain à travers une “vie intense”.27
« Le plaisir imaginé s’appelle désir »28
. Par cette citation, nous remarquons le mot
“imaginé” qui fait appelle à l’imagination, définit comme la “faculté que possède l'esprit de
se représenter des images ou d'évoquer les images d'objets déjà perçus, indépendamment de
tout lien logique ”29
La lecture de cette dernière laisse transparaître une lecture idéaliste du
réel, où la raison laisse place au plaisir.
Cette transition est repérée notamment à travers la pyramide de Maslow30
, dans laquelle
l’auteur théorise une hiérarchie des motivations de l’Homme, où se dernier grimpe les
échelons, souhaitant obtenir, toujours plus que son besoin acquis.
30
A.MASLOW, A Theory of Human Motivation, 1943
29
Dictionnaires Le Robert
28
RICOEUR, Philosophie de la volonté : Le Volontaire et l'Involontaire, Collection Philosophie de l'Esprit,
1949
27
F. CASSANO, La pensée méridienne, Paris, éditions de l’Aube, 1998
26
O.BADOT, Perspectives culturelles de la consommation , Sciences humaines & sociales, 2011
25
P. HETZEL, Planète conso. Marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Organisation, 2002
28
31
31
Schéma tiré du Parcours du Loup Blanc, 2011, disponible :
https://parcoursduloupblanc.com/et-si-on-repondait-a-nos-besoins-pyramide-de-maslow/
29
En partant de ce socle de connaissance du consommateur et de la conjoncture, le marketing
expérientiel s’est intéressé à la phase d’achat, mais aussi à celles amont et aval, afin d’offrir
une nouvelle offre commerciale, une “offre à vivre” orchestrée par l'entreprise à l'attention du
consommateur, faisant l'objet d'un échange marchand ou non.
Le marketing expérientiel propose en fait de faire de la consommation une suite
d’immersions extraordinaires pour le consommateur32
. Il s'agit d'amener les consommateurs
dans un processus inoubliable, en leur apportant de l'expérience, ou mieux encore, en les
transformant par l'expérience.33
L'important ici est donnée au souvenir, au fait de ne pas
oublier l’expérience. En effet, cette dernière sera extraordinaire à travers des décorations plus
spectaculaires et étonnantes et des simulations proposées.34
Cela passe notamment par
l’aménagement physique et spatial des lieux dédiés à l’expérience (lieu de vente, lieu de
consommation, environnement) et grâce au marketing sensoriel35
(musique, senteurs
d’ambiance, choix des couleurs, textures et reliefs).36
Cette stratégie opérationnelle passe alors par quatre éléments fondamentaux de l’expérience,
le produit, le décor, l’histoire et les acteurs. Et ce, en trois temps : avant, pendant et après
l’achat.
Dans la continuité de ces acquis, nous distinguons le concept d’expérience produite et
d’expérience vécue.
Ce premier concept apparaît dans les années 1950 grâce aux écrits d’Abbott et d’Alderson, où
leurs analyses se tournent vers l’appréhension de l’ensemble des produits, en tant que
fournisseurs de services, qui génèrent des expériences. Pine et Gilmore appuient ces propos et
développent une approche évolutionniste de l’économie. Ils considèrent que les matières
36
S. RIEUNIER, Le marketing sensoriel du point de vente, Paris, Dunod, 2002
35
Technique marketing qui sollicite un ou plusieurs des cinq sens du consommateur.
34
P. HETZEL., Planète conso : Marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Éditions
d’Organisation, Paris, 2002.
33
A.F.FIRAT, N. DHOLAKIA., Consuming People : From Political Economy to Theaters of Consumption,
Sage, London, 1998.
32
BHATTACHARJEE et MOGILNER, Happiness from Ordinary and Extraordinary Experiences, Journal of
Consumer Research, 2014.
30
premières ont été historiquement remplacées par des produits manufacturés ou transformées.
Et que de cette même manière, les expériences vont succéder aux produits et aux services.
Ils définissent alors l’expérience produite : “une expérience a lieu lorsqu’une entreprise
utilise intentionnellement des services en tant que scène et des des marchandises en tant
qu’accessoires, pour entraîner les clients individuels d’une manière qui crée un évènement
mémorable”.
Cette définition de l’expérience tournée vers l’entreprise, donc marketing, met en valeur la
notion d’intention et de contrôle. L’entreprise est alors perçue comme le pilote et est supposée
proposer des expériences marquantes et agréables pour être perçue comme mémorables par le
consommateur.
Le contexte expérientiel
Le contexte expérientiel est la sphère sans frontières où se déroule une expérience. Il désigne
les conditions d'occurrence d’une expérience. Ces conditions sont parfois élaborées faisant
partie intégrante d’une stratégie marketing, aléatoires, voire accidentelles.
Nous définissons également cette notion comme étant “un assemblage de stimulus (produits)
et de stimuli (environnement, activités) propre à faire advenir une expérience”.37
Ce contexte
va donc au-delà de la relation marchande et privée de la consommation.
La relation entre l’expérience produite et vécue s'établit finalement par les trois éléments
suivants : personne, objet, situation. Le contexte expérientiel correspond au duo
objet-situation (de l’entreprise) tandis que l’expérience est composée des trois.
Alors que le contexte expérientiel tient sa relation dans l’expérience produite à travers la
marge de manœuvre de l’entreprise. Quand l’entreprise souhaite proposer des expériences, en
réalité, elle n’organise que des contextes expérientiels qui tendent à immerger le
consommateur.38
. Le consommateur reste producteur de son expérience, il est donc bien le
protagoniste.
“Contrairement à ce que les tenants de l’économie de l’expérience ont essayé de leur faire
croire, les gestionnaires de marque ne peuvent pas créer et gérer l’expérience des
38
A.CARU, B. COVA., Approche empirique de l’immersion dans l’expérience de consommation : les
opérations d’appropriation, Recherche et applications en marketing, vol. 18, n° 2, 2003, p. 47-65.
37
A.CARU, B. COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion,
vol. no
162, no. 3, 2006, pp. 99-113.
31
consommateurs, mais ils peuvent construire des contextes expérientiels de marque dans
lesquels le consommateur pourra s’immerger pour avoir accès à une expérience de marque”
39
Patrick Bouchet ajoute à ces propos la spécificité de la distribution. Il observe que la gestion
d’un espace de vente obéit à une logique tangible et fonctionnelle de l’échange marchand en
suivant la logique hédoniste de la visite. L’articulation de ces éléments met bas à un contexte
d’expériences “générateur à la fois de cadres spécifiques de participation et d’émission
sensorielle pour les chalands”. 40
Ce même auteur définit alors “le cadre d’expérience comme l’ensemble des principes
d’organisation qui donnent sens à une situation”. En comparaison avec la définition
précédente de contexte expérientiel, cette logique est tournée uniquement vers l’entreprise.
Les contextes expérientiels contrôlés par l’entreprise peuvent donc être la stratégie identitaire,
le lieux de vente ou de consommation de services, l’ensemble des moyens de communication.
Il conviendra de mettre en avant ses composantes de l’expérience produite dans une
prochaine partie au sujet du processus de création.
Pour contrôler ce processus d’accès à l’expérience de la marque Caru et Cova mettent en
avant une carte mentale de 5 contextes expérientiels contrôlés par la marque : 41
41
A.CARU, B. COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion,
vol. no
162, no. 3, 2006, pp. 99-113
40
P. BOUCHET,. L'expérience au cœur de l'analyse des relations magasin-magasineur. Recherche et
Applications en Marketing (French Edition), SAGE Publications, 2004
39
Ibid, p31.
32
Schéma adapté de Carù et Cova (2003), ibid p32.
L’entreprise produit donc un contexte expérientiel, soit selon la demande soit pour aller
chercher une demande. Et le consommateur quant à lui interagit avec ce contexte pour former
l’expérience.
Kozinets nomme ce processus du consommateur « d’agence ludique ».42
Cette notion rend
compte du fait que le consommateur renégocie en permanence son rapport à l’organisation et
42
R.V. KOZINETS.Can Consumers Escape the Market ? Emancipatory Illuminations from Burning Man,
Journal of Consumer Research, vol. 29, 2004
33
au cadre de participation qui lui est proposé. Cette idée confirme alors par ailleurs celle que le
consommateur est acteur de l’expérience et son coproducteur.
Pour conclure sur cette partie où nous avons étayer l’ensemble des notions, nous observons
que l’expérience est toujours un concept polysémique, multiforme et multidimensionnel. Elle
peut comprendre plusieurs dimensions à la fois cognitive, affective et conative.
Par essence et au vu des données scientifiques récoltées, le concept d’expérience est un
concept holistique. C’est à dire que pour qu’une expérience soit expérience, elle englobe un
écosystème de domaine, que l’on retrouve dans les sujets d’études : en philosophie, en
sociologie, en marketing, en anthropologie, et en termes de comportement du consommateur.
34
b- La logique économique
Précédemment, nous avons défini l’expérience produite par une entreprise, qui se révèle en
réalité être un contrôle uniquement des contextes expérientiels.
Nous nous questionnons alors sur l’intérêt économique pour une entreprise, de mettre en
avant son produit ou son service au sein d’une expérience ? Que peut apporter l’expérience à
la stratégie marketing d’une entreprise ?
Les enjeux
Dans un premier temps, l’expérience permet une amélioration fictive de la réalité.
En effet, les entreprises spécialisées dans la production ou la commercialisation
d’expériences, sont chargées de mettre en scène une hyperréalité de marque. 43
En ce sens, on
peut parler de réenchantement, c'est-à-dire, d'injecter de la surprise et du merveilleux dans les
contextes expérientiels et aboutit à l’élaboration d’environnement. 44
L’enjeu premier s’apparente donc à la thématisation du lieu de vente et de consommation.
Le second enjeu pour l’entreprise est la différenciation. Filser met en avant une stratégie de
différenciation par l’expérience. 45
La différenciation passe par l’offre d’un produit
différencié à ses clients par rapport à la concurrence : délivrer plus de valeur au
consommateur en transcendant en quelques sortes les attributs fonctionnels d’une offre
commerciale pour la repenser sous l’angle de l’expérience (soit d’un vécu avec ses
dimensions affectives et émotionnelles).
Dans le domaine plus économique, Porter 1985, parle d’une résistance à la concurrence où
l’entreprise développe un avantage concurrentiel* durable afin de défendre ou d’accroître des
parts de marché.
Ici, le but est de produire de l’expérience au quotidien en agissant sur la dimension
expérientielle du produit ou services, en termes de positionnement.
45
M.FILSER.,Le marketing de la production d’expériences : statut théorique et implications managériales,
Décisions Marketing, n° 28, octobre-décembre, 2002
44
M.WEBER. 1999, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), Paris, Plon.
43
J. BAUDRILLARD., L’illusion de la fin ou la grève des événements, Galilée, Paris, 1992.
35
Cet enjeu met en exergue le travail expérientiel de l’entreprise dans le traitement des
composantes du marketing mix.
Le dernier enjeu est celui de la reconsidération de la relation client, comme on le connaît dans
le marketing produit.
On parlera désormais d’expérience client. Ce qui prend en compte “à la fois les avantages
fonctionnels et émotionnels recherchés par le consommateur [...] et [...] le changement au
niveau des pratiques des entreprises”. 46
Le concept d’expérience client considère la relation avec le client en amont, pendant et après
la consommation. C’est donc une courbe qui se dessine et évolue tout le long d’une
expérience et même au fil de toutes leurs expériences vécues.
L’expérience client représente le parcours client47
, et la prise en compte des facteurs
socioculturels.
La stratégie de customer-centric créée un avantage concurrentiel durable et renforce le lien
des consommateurs avec la marque. Batat affirme et soutient le “rôle fondamental de ces
aspects pour les entreprises puisqu’ils créent un avantage compétitif durable basé sur l’effet
de l’émotion et l’empathie reliant la marque à ses cibles”.
Nous retiendrons la définition suivante en considération de l’expérience client :
“L’expérience client est liée à une dimension “vécue” de l’expérience qui s’inscrit dans le
contexte socioculturel dans lequel les consommateurs interagissent entre eux et avec d’autres
agents sociaux, institutions, acteurs du marché, famille etc. qui constituent leur
environnement immédiat.
L’expérience client est donc un concept multidimensionnel, composite et évolutif. Il s’agit
d’un assemblage harmonieux de plusieurs facteurs et acteurs qui ont un impact direct ou
indirect sur la conception d’expériences réussies en lien ou non avec le marché.
Le marketing expérientiel propose une expérience transformatrice où le consommateur
s’engage dans un processus d’épanouissement personnel. L’impact de l’expérience vécue est
global et génère un continuum dans le monde hyperréel par le biais des moyens numériques.”
In fine l’expérience client est partie intégrante du concept d’expérience mais ne représente
pas la globalité du terme. En effet, l'expérience et le marketing expérientiel est un écosystème
47
Le parcours client désigne l’ensemble, le continuum des points de contact permettant la conceptualisation de
parcours du client avant, pendant et après l’achat, soit tout le long de sa relation avec la marque.
46
W. BATAT, Le marketing expérientiel, De Boeck, 2021
36
holistique d’expérience qui prend en compte l’ensemble des parties prenantes et l’ensemble
des temps, c'est-à-dire avant, pendant et après la consommation.
Économie et business model
En amont de l’expérience, c’est une économie de la fonctionnalité48
qui évolue. L’économie
du service (son synonyme), apporte une réponse aux questionnements des consommateurs
face aux menaces qui pèsent sur eux. C’est donc à ce moment que l’offre de service prend
son sens (rémunération de l’usage). Le produit est ici plus durable grâce aux souvenirs et plus
fidélisant si satisfaction il y a.
L’économie de l’expérience révèle que tout est expérience : les courses, les vacances, le
cinéma, une voiture etc. L'enjeu de cette théorie est donc de réussir à faire vivre une
expérience aux consommateurs. 49
Le but étant que cette dernière soit mémorable, pour
optimiser le facteur de différenciation, dans un contexte de banalisation de l’offre.
On s’éloigne donc des caractéristiques du produit pour mieux se focaliser vers le sujet de
l’expérience et sur la tranche de vie que constitue une expérience d’achat.
Concrètement, nous pouvons donner l’exemple sur site de référencement de l’offre
oenotouristique européenne, Winalist, qui ne propose pas simplement les visites, les
dégustations ou les logements, mais des “expériences viticole”. 50
50
https://www.winalist.fr/
49
PALM, GUILMORE, Customer experience places: The new offering frontier, Strategy and Leadership,
August 2002
48
L’économie de la fonctionnalité peut se définir comme un système privilégiant l’usage plutôt que la vente
d’un produit. Elle vise à développer des solutions intégrées de biens et services dans une perspective de
développement durable. Ainsi, l’échange économique ne repose plus sur le transfert de propriété de biens, qui
restent la propriété du producteur tout au long de son cycle de vie, mais sur le consentement des usagers à payer
une valeur d’usage.
Définition du Ministère de la Transition Écologique, disponible sur :
https://www.ecologie.gouv.fr/leconomie-fonctionnalite
37
La stratégie marketing de la marque parle de l’environnement de son offre, d’une manière
positive, ne serait-ce qu’à travers la symbolique et la doxa de la notion d’expérience.
Cela fait référence à l’environnement psychologique qui s'intéresse aussi bien aux effets des
conditions environnementales sur les comportements, cognitions et émotions de l’individu
qu’à la manière dont celui-ci perçoit ou agit sur l'environnement.51
C’est une nouvelle offre qui s’ajoute aux marchandises.
Par ailleurs, si l’on reprend la logique du marketing expérientiel exposée précédemment, cette
dernière considère l’expérience dépendante d’un marché. Hors la consommation, selon
Edgell, l’expérience ne passe pas nécessairement par le marché (sphère marchande) selon le
type de consommation :
Ce tableau met par ailleurs en avant, la différence des contextes selon le statut du
consommateur. Ce dernier voit donc son rôle économique évoluer vers un individu en quête
d’expérience.
51
G.N.FISCHER. (1992). Psychologie sociale de l'environnement, Privat, Toulouse.
38
Ce qui va à l’encontre de la logique de chaîne de valeur de Porter (voir ci-dessous le schéma
tiré de son ouvrage)52
.
Ces acquis et évolutions, nous permettent de mettre en valeur l’expérience dans la création
de valeur économique (voir schéma ci-dessous). 53
53
PINE, GUILMORE, Welcome to the experience economy, Harvard Business Review , 1998
52
M.PORTER ,L'avantage concurrentiel, 1986, p52
39
Ce schéma représente la transition du modèle traditionnel vers le modèle expérientiel et
montre le passage vers un nouveau paradigme : « on ne vend plus de produit, on vend des
expériences ». La proposition d’une expérience au consommateur devient le vecteur le plus
riche de la recherche de différenciation du produit ou de la marque grâce à “des expériences
singulières, mémorables et économiquement valorisées."54
c- Processus de création : thématisation globale du lieu de
vente ou optimisation d’une composante du marketing mix
Nous avons vu en quoi l’expérience était un avantage économique pour une entreprise, à et
dans quelles conditions l’entreprise peut intervenir : le contexte expérientiel ? Désormais,
nous nous demanderons comment concevoir une offre expérientiel ?
Les ouvrages ouvrent les portes vers plusieurs manières de procéder vers une offre
expérientielle.
L’usage du marketing mix
Dans un premier temps, le travail expérientiel autour des composants du marketing mix
Ici, nous parlons de la combinaison des éléments autour du produit ou du service. Cela repose
sur les 4P du marketing : point de vente, produit, prix, promotion.55
La place correspond à ou aux endroits où la marque rend son produit disponible. Le produit,
que l’on décrit aujourd’hui comme proposition de valeur, désigne la combinaison des
produits, des services et des autres créateurs de valeur qu’une entreprise propose à ses clients
cibles. Le prix quant à lui correspond à la somme d’argent que les acheteurs doivent
débourser pour obtenir le produit offert par une entreprise.
La promotion regroupe l’ensemble des activités de communication marketing qui permettent
à une entreprise d’assurer la mise en marché efficace et efficiente de son produit (la
combinaison des produits, des services et des autres créateurs de valeur).
55
J. MCCARTHY, Basic Marketing. A Managerial Approach, Richard Irwin, 1960.
54
Ibid p38.
40
Cet ensemble de composants doit être cohérent afin de positionner l’offre de la marque sur le
marché : “un marketing opérationnel efficace coordonne tous les éléments du mix marketing
afin d’atteindre les objectifs marketing en délivrant de la valeur aux consommateurs.” 56
Mais ces composants sont uniquement transactionnels et ne comprennent pas la dimension
affective, que le client peut souhaiter entretenir avec la marque. En effet, pour une offre
expérientiel, il s'agit de proposer une expérience globale, et donc d’y ajouter des éléments
affectifs mais également d’autres composants pour uniformiser l’offre d’une vision plus
holistique.
Au fil du temps, ce ressenti de la limite est rapidement apparu, Philip Kotler suggère de se
détacher des 4P. Alors sont apparus dans les années 1980, plusieurs nouveaux composants un
P pour People (personnel en contact avec les clients et donc la relation directe avec les
clients), un autre pour Processus (processus de la vente, de la première interaction jusqu’à la
fin du service : c’est le principe de supply chain57
) et un dernier pour Physical Evidence
(preuves apportées aux clients pour les convaincre). Appelé les 7P, ce nouveau cumul a été
introduit par en 1981 avec Booms et Bitner.58
Concernant la dernière variable, nous l’a relions à la notion de brands plants de Carù et
Cova59
, illustrant en partie, la différenciation portant sur la mise en valeur des procédés de
fabrication des produits. Cela permet d’étendre l’expérience du consommateur en amont de la
consommation. La transparence est alors de mise.
Finalement, nous observons un nouveau cumul pour arriver aux 10P à travers les écrits de
S.Godin : Partenariat, Permission Marketing et la vache Pourpre.
Le 8ème P illustre la politique de co-développement entre deux entreprises, deux marques
complémentaires ou une co-création avec les consommateurs. Par ailleurs, la Permission
marketing est défini comme étant “un nouveau type de marketing relationnel et de
59
Référence au schéma de la page 33
58
B.H BOOMS,, M.J. BITNER, Marketing Strategies and Organization Structures for Service Firms. Marketing
of Services, American Marketing Association, Chicago,1981
57
La chaîne d’approvisionnement de création produit jusqu’au consommateur, selon Jay Wright Forrester en
1958.
56
ARMSTRONG, KOTLER, Principles of marketing, Brunel University, 2016, p. 51
41
communication directe qui consiste à demander l'autorisation aux consommateurs et dont le
contraire est représenté par le Spam.”60
.
Le dernier P représente la création d’un produit vraiment remarquable pour susciter l'intérêt.
Sachant que la remarquabilité61
procure aux consommateurs à l’achat, du capital social62
et
l’approbation des autres (une des motivations humaines fondamentales).63
En parallèle, dans les années 1990, Robert Lauterborn établit un nouveau modèle, sur le
même principe des 4P mais en considérant tout d’abord les 4C : consommateur, coût,
commodité et communication afin de mieux comprendre le consommateur et son
environnement pour déterminer plus précisément les 4P.64
La participation des
consommateurs dans cette construction en fait des leads user. 65
Nous définissons ce terme
par “des individus ou des organisations qui ressentent des besoins qui deviendront ceux d'un
grand nombre de clients, et qui espèrent retirer un bénéfice particulier de la satisfaction de
ces besoins.”66
Par ailleurs, nous tenons à mettre en exergue la variable de la communication.
Le rôle de la communication dans la mise en place d’une stratégie expérientielle est de mettre
en exergue l’ensemble des variables du marketing mix, à travers une stratégie identitaire et
communicationnelle. Ce qui passe par le choix et l’usage de stimuli, pour faire vivre des
expériences aux individus qui y sont exposés.
En effet, l’ensemble des moyens de communication offre une vision et construisent des
expériences fictionnelles 67
de la marque, à travers un discours publicitaire. L’entreprise
67
A. CARÙ et B. COVA, Expériences de marque : comment favoriser l’immersion du consommateur ?, Décisions
marketing, 2006, p. 43-52.
66
Ibid.
65
E.FAUCHART, Eric A. von Hippel. L’innovation par les utilisateurs, Les Grands Auteurs en Management de
l'innovation et de la créativité, 2016, p 323 à 344
64
R.LAUTERBORN, New Marketing Litany; Four P's passe; C-words take over, Advertising Age, October 1,
1990.
63
L.F.SELTZER, Paradoxical Strategies In Psychotherapy: A Comprehensive Overview And Guidebook,
Wiley-Interscience, 1986
62
Le capital social est ici défini comme « l’ensemble des ressources réelles et potentielles liées à la possession
d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées de connaissance et de reconnaissance
mutuelles ».
P.BOURDIEU, Le capital social, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1983
61
Le fait de se démarquer.
60
S.GODIN, Permission Marketing: Turning Strangers Into Friends And Friends Into Customers, 2007
42
investit du budget et espère qu’elles entraîneront le consommateur vers une expérience de
consommation réelle.
Cette approche est alors totalement visionnaire à l’époque et s’accorde parfaitement à la
vision expérientielle.
L’ensemble de ces outils combine des variables sur lesquels l’entreprise peut optimiser son
positionnement et valoriser une expérience globale autour d’un thème porteur, tout en prenant
également en compte la variable du lieu et de son atmosphère dans lesquels se déroulent
l’expérience. 68
La métaphore du spectacle est largement évoquée pour promouvoir cette combinaison, dans
laquelle l’expérience s’apparente à une mise en scène d’un temps extraordinaire.69
Pour conclure, les entreprises doivent penser l’expérience client comme un concept
multidimensionnel qui inclut les composantes cognitives, comportementales, émotionnelles,
sensorielles, symboliques et sociales, qu’elle doit intégrer dans ses offres pour satisfaire le
client. Le marketing expérientiel tend vers une expérience globale offerte par l’entreprise et
façonnée par le consommateur, mais pas nécessairement. En effet, comme nous avons pu
l’observer à travers les outils 10P et 4C, le recours à l’expérience peut être utilisé comme un
outil de différenciation, notamment sur les variables du mix
marketing.70
Pour illustrer nos propos, nous pouvons tout à fait reprendre
l’exemple du lancement de “Soif de coeur” par Omnivins en
2007. Bien que désuet aujourd’hui et non plus existant, la
marque bordelaise avait travaillé sur les variables produit,
consommateur, et la permission marketing.
En effet, cette dernière a développé une nouvelle gamme de vins,
baptisée Soif de Cœur, couplée à un site de rencontres sur
Internet avec l’objectif de “recruter des non-consommateurs”.
70
C. ROEDERER, Marketing et consommation expérientiels, Editions EMS, 2012
69
PINE, GUILMORE, Welcome to the experience economy, Harvard Business Review , 1998
68
P.KOTLER, Atmospherics as a marketing tool, 1973
43
Partant du constat que 8 millions de français étaient célibataires, l’idée de Pierre-Jean
Larraqué, le directeur commercial et marketing de l’époque, était de favoriser la rencontre de
cette communauté à travers un “la convivialité d’un produit comme le vin”.
Le nouveau produit couple donc un Merlot-Cabernet rouge, un Cabernet rosé et un
sauvignon-sémillon blanc, doté d’un packaging bleu pour les hommes et rose pour les
femmes, lié à travers son étiquette à un site de rencontre. La permission marketing se
retrouve dans le fait que seul le consommateur est décisionnaire d’aller sur le site en question.
La contre-étiquette donne toutes les informations pour se rendre sur le site de rencontres et
offre un code d’accès. 71
Le produit est enrichi concrètement de la possibilité d’une expérience supplémentaire au-delà
de l’expérience de consommation du vin à proprement parler.
La thématisation de l’offre
La théâtralisation et de la thématisation de l’environnement s’inscrit dans le champ des
recherches sur l’atmosphère du lieu et de son environnement, auxquels s'ajoutent les travaux
précédemment, pour justement tendre vers une expérience globale. 72
Cela passe par l’union des différents éléments fournis par l’entreprise et son environnement,
autour d’une histoire commune et cohérente.
Le storytelling73
trouve alors son lieu pour s’épanouir et la narration devient une valorisation
des acquis expérientiels.
Le travail autour des savoirs expérientiels à travers celui de la thématisation se concrétise
pour le sujet par l'émergence de nouveaux objets : les savoirs expérientiels.
La notion est définie par le fait que “les adultes se forment aussi en dehors de lieux et de
systèmes de formation institués, en vivant des expériences. [Ainsi, elle] est le produit
d'expériences qui n'ont pas comme finalité première la formation.”.74
74
G. BONVALOT, Eléments d’une définition de la formation expérientielle, , in La formation expérientielle des
adultes, La Documentation française, Paris,1991, pp. 317-325.
73
Méthode de communication fondée sur une structure narrative du discours qui s'apparente à celle des contes et
des récits
72
P.KOTLER, Atmospherics as a marketing tool, 1973
71
Bordeaux : Soif de Coeur veut favoriser les rencontres sur le net, Vitisphère, 2007. Disponible sur :
https://www.vitisphere.com/actualite-52865-bordeaux-soif-de-coeur-veut-favoriser-les-rencontres-sur-le-net.
44
L’expérience à travers la thématisation du storytelling de la marque, favorise donc une
transmission formatrice où le consommateur en retire une véritable expérience. Cela s’ajoute
aux souvenirs associés aux expériences vécues ( d’impressions, des perceptions,
d’inférences…).
En ce sens, la thématisation peut être comprise comme un “processus, par lequel les acquis
décrits et narrés dans les récits adviennent au sujet en tant qu’objets de pensée.”75
Ce courant de la thématique prend donc en compte la manière dont le moment est vécu et
considéré par le sujet, ainsi que l’ensemble des actions du consommateur qui en découle.
Dans l’univers viticole, nous pouvons prendre l’exemple de la Cité du Vin à Bordeaux et son
concept store.
La Cité du Vin, est un musée autour du vin, à travers une architecture spectaculaire, situé
dans le quartier de Bacalan, se promeut centre culturel et touristique du vin, un site de loisir
culturel proposant une thématisation par définition (par essence, un musée est un lieu
d’apprentissage).
L’architecture :
Si l’on reprend la description donnée par les architectes de l’agence XTU architects, Anouk
Legendre et Nicolas Desmazières, c’est un bâtiment rempli de symboles identitaires : le cep
noueux de la vigne76
, vin qui tourne dans le verre, remous de la Garonne.
Chaque détail de l’architecture évoque l’âme du vin et l’élément liquide : « une rondeur sans
couture, immatérielle et sensuelle » (agence XTU architects).
Sa façade est, par ailleurs, constituée de panneaux de verre sérigraphié et de panneaux
d’aluminium laqué irisé perforés. Des matériaux à travers lesquels, la métaphore de la robe
du vin apparaît et change en fonction des heures et du soleil.
Cette architecture s’imbrique d’ailleurs parfaitement dans son environnement bordelais, entre
façade dorée du quartier Bacalan et fleuve, non loin des premiers vignobles.
L’environnement :
76
Dans le domaine viticole, un cep désigne le tronc et les branchages d'un pied de vigne, de forme tortueuse.
75
H.BRETON, Les savoirs narratifs en contexte de validation des acquis de l’expérience : perspectives
épistémologiques.Chroniques sociales, Lyon, 2019
45
L’environnement du musée est encadré par la ville de Bordeaux et le département de la
Gironde, grâce à la création de la marque Bordeaux Wine Trip. C’est une véritable porte
ouverte du musée vers les vignobles régionaux afin de visiter des châteaux, faire des visites
guidées, ou encore des croisières oenologiques sur les berges de la Garonne.
Par ailleurs l’accès est possible en transport en commun, en mobilité réduite, en bâteau ou
véhicule à moteur avec 3 parkings disponibles à proximité.
L’offre expérientielle :
Le musée offre une expérience sensorielle forte, à travers le cinéma, les jeux de lumières et
de sons, l’architecture intérieure, diffusion d’odeurs, les dégustations visuelles, olfactives et
gustatives, l’intervention un compagnon de visite (premier acteur du storytelling voulu),
l’usage des technologies numériques (images 3D, décors numériques)...
faisant appel à des technologies numériques et interactives (images 3D, décors, diffusion
d’odeurs…) et à l’intervention d’un médiateur novateur : le compagnon de visite, sans oublier
l’offre événementielle qui en découle (afterwork, ateliers, conférences, vernissages, concerts
etc) et de services (restaurant étoilé, brasserie, cave à vin, concept store etc.).
Bref la scénographie et le “pouvoir tester” est permanent dans le parcours de visite.
L’ambition des scénographes de l’agence anglaise Casson Mann, Dinah Casson et Roger
Mann est d’ailleurs claire :”toujours de rendre une visite la plus agréable possible, d’en faire
un véritable moment de découverte et d’expérience. Plus l’installation est claire, informative
et intuitive, plus elle restera mémorable, tout en laissant un principe de personnalisation ;
selon la sensibilité du visiteur, son goût, ses attirances. Chacun perçoit les univers et les
imaginaires du vin. »77
77
La scénographie du Parcours permanent. Un parcours ludique, spectaculaire et sensoriel, technologique et
innovant, La cité du vin. Disponible sur : https://www.laciteduvin.com/fr/architecture/scenographie
46
47
Pine et Gilmore78
propose 4 autres facteurs principaux que les entreprises sont invitées à
prendre en compte dans l’offre d’un produit expérientiel, en dehors de la thématisation de
l’offre, qui s’y greffe, que l’on peut d’ailleurs retrouver dans l’exemple ci-dessus :
● L’harmonisation des impressions des consommateurs avec des indices positifs : la
production des impressions indélébiles que les consommateurs peuvent emporter avec
eux : quelles expériences pour que l’entreprise sache ce que le consommateur
emportera dans son souvenir ?
● Élimination des indices négatifs: l'amélioration continue de qualité de l’expérience
● Le mix des souvenirs : la proposition d’articles/produits que les consommateurs
achètent ou non comme un goodies (rappel / stimulateur de l’expérience vécue).
● L’engagement des 5 sens : rendre l’expérience encore davantage mémorable par la
stimulation des sens pour optimiser la mémorisation.
Des facteurs qui se complètent par la Roue Expérientiel d’Hetzel79
:
La surprise s'épanouit dans la proposition de l’insolite : création d’une rupture avec son
environnement quotidien.
79
HETZEL, Marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Éditions Organisations, 2002
78
PINE II, GILMORE, The Experience Economy, Harvard Business School Press, Boston,1999, 254 p.
48
Proposer de l’extraordinaire, c’est obtenir l'effet “whaou” à travers du gigantisme, du
spectaculaire, du féérisme. Quant à la stimulation des 5 sens, cela passe une véritable
expérience sensorielle.
La création du lien passe par la mise en place d’une relation de proximité, personnelle et forte
entre la marque et le consommateur. Pour finir, l’usage de la marque au service de
l’expérience propose de mettre en avant des symboles qui reflètent l’enseigne, de se servir de
ce à quoi renvoie la marque, en cohérence avec ses valeurs.
Ainsi une entreprise peut travailler le marketing expérientiel et son offre expérientielle, à
travers l’ensemble de ces outils, que ce soit du marketing mix, des outils théoriques annexes
ou la globalisation par la thématisation du lieu et de son environnement.
Les leviers d'action sont fonctionnelle relationnelle et également symbolique. Les
responsables marketing doivent d’ailleurs s’intéresser “ à plus que les faits relativement
superficiels dont ils se préoccupent habituellement lorsqu’ils considèrent pas que leurs
produits ont une signification symbolique”. 80
80
S.J. LEVY, Symbols for sale, Harvard Business Review, 1959
49
B- Le renouvellement du marketing mix et des statuts
Précédemment, nous avons pu observer une partie de la notion holistique de l’expérience, du
marketing expérientiel et l’ensemble des outils opérationnels qui pouvaient guidé une marque
à tend vers une offre expérientiel dont le but est de se différencier de la concurrence et de
fidéliser sa clientèle.
Nous avons également sous entendu l’évolution constante du marketing mix à travers les
années, mais aussi des statuts pour lesquels la période cognitiviste à laisser place à un
nouveau rôle des consommateurs dans le marketing expérientiel, dans une nouvelle échelle
de temporalité.
Ici, nous verrons comment, aujourd’hui, le marketing mix a évolué à travers le socle
théorique déjà existant, en faveur d’une expérience toujours plus solide. Dans un second
temps, nous observerons l’évolution des statuts du consommateur à l’entreprise. Puis nous
mettrons en exergue le parcours client expérientiel, prenant en compte une nouvelle
temporalité, avant, pendant et après l’achat d’un produit ou service.
a- Les 7E
: le marketing mix expérientiel
Récemment, Wided Batat, fondatrice du marketing expérientiel moderne, à suggérer un
switch du modèle des 7P vers les 7E : un nouveau marketing expérientiel.
L’expérience
Créer des expériences plutôt que des produits, voici le mot d’ordre de cette variable :
considérer une nouvelle catégorie d’offre par l’expérience. Cette dernière pourrait remplacer
le P de “produit”.
L’optimisation de l’expérience passe alors par la Matrice du Territoire Expérientiel (MTE).
50
Cet outil permet de définir des priorités et de décider d’investir sur une composante
stratégique en faveur de l’amélioration de la qualité de l’expérience client, de l’évolution de
l’offre et de nouvelles expériences.
Et ce, à travers l’introduction de quatres expériences clients selon deux approches opposées :
de l'absorption à l’immersion et de la participation passive à active.
Dans cette matrice, contrairement aux marketing mix précédents (en dehors des 4C), nous
avons intégré les deux perspectives, client et entreprise.
L’enchantement en est la notion principale, puisque la satisfaction client ne suffit plus pour
fidéliser, ils ont besoin d’être enchantés.
Les écrits autour du marketing expérientiel évoquent constamment le terme de
réenchantement. Cela suggère alors, la notion de désenchantement, que Weber définit comme
« un processus historique de disparition de l’élément magique dans les sociétés modernes ».81
81
M.WEBER Sociologie des religions, Raison présente, 1997
51
La notion de réenchantement correspond au “phénomène de retour à l’irrationnel, au
mystique et au magique dans les sociétés occidentales”. Cette forme de retour à l’irrationnel,
à la pensée magique primitive, est interprété par Ritzer82
comme une forme de refus du
monde moderne trop rationalisé ne laissant pas la place au merveilleux. Cela passe
notamment par le réenchantement des lieux de consommation / distribution, ce que Ritzer
appelle les « cathédrales de la consommation » (2005).
Cependant, ce cycle enchantement, désenchantement, réenchantement représente bien le
cycle du marché. La consommation désenchantée enraye la demande et est donc moteur de
croissance économique, relancée par le réenchantement de la consommation.
Le concept de désenchantement s'épanouit alors dans la critique de la société :
“les sociétés peuvent être décrites comme des mondes désenchantés dans la mesure où elles
sont caractérisées comme ayant un espace limité et périphérique pour l’enchantement, tel
que la magie, la religion, le mysticisme et le merveilleux”. 83
L’échange
Ce “E”, fait référence à la co-création et au marketing collaboratif. Par ces termes, nous
entendons l’implication du client, à travers ses connaissances et sa créativité, dans la
participation d’une offre entreprise ou de son amélioration.
L’enjeu managérial est de savoir à quel stade impliquer le client et avec quel intérêt.
Cette variable remplace la variable du prix. En effet, l'échange est une valeur qui va au-delà
de la notion de prix.
Il s’agit alors d’une expérience dite co-driven84
au cours de laquelle l’entreprise fournit une
plateforme, support de l’interaction avec le consommateur et à partir de laquelle il va pouvoir
co-créer son expérience.
La notion de co-création en marketing date des années 2000 et est définie comme une
“initiative conjointe par laquelle les fournisseurs (entreprises) et les bénéficiaires
84
A. CARÙ et B. COVA, Expériences de marque : comment favoriser l’immersion du consommateur ?, Décisions
marketing, 2006, p. 43-52.
83
OSTERGAARD, FITCHETT, JANTZEN, A critique of the ontology of consumer enchantment, Journal of
Consumer Behaviour, 2013, p337-344
82
RITZER, Explorations in the Sociology of Consumption, Journal of Consumer Policy, 2002
52
(consommateurs) créent de la valeur commune”85
. C’est un principe donc, de réciprocité qui
se met en place, en faveur d’un partage des ressources diverses.
Cela est aujourd’hui rendu possible notamment grâce à la démocratisation des technologies et
donc de l’information : le pouvoir informationnel de l’entreprise se retrouve à la même
hauteur sur la balance que les consommateurs. 86
Dans le contexte du vin, Hollebeek et Brodie, soulignent que “la co-
création de valeur réside en un aller-retour interactif, expérientiel par nature entre un ou
plusieurs agents, qu’ils s’agissent d’interactions physiques ou en ligne, ainsi un client
ajoute une valeur perçue supplémentaire à l’offre physique du produit. L’interactivité et la
co-création de valeur varient selon les consommateurs et/ou les segments de
consommateurs”.87
En ce sens, voici un exemple :
De novembre 2009 à juin 2012, un vigneron du Gard a réalisé une expérience de co-création.
En effet, les consommateurs étaient invités à suivre toutes les étapes de la réalisation d’un vin
en exprimant leurs avis sur les cépages à assembler, la méthode d’élevage du vin, le nom du
vin et son packaging via un blog créé par le vigneron.
L’objectif ici était de mieux comprendre les attentes du marché et de développer des liens
avec des consommateurs en mobilisant peu de ressources, grâce à un financement collectif.
L’expérience s’est alors déroulée en 4 phases :
Dans un premier temps, la validation de la participation des volontaires et l’envoi des
premiers échantillons afin d’avoir les premiers retours. Des retours différents, répartis en
deux catégories de volontaires : les amateurs débutants avec un faible niveau d’expertise et
les amateurs experts et professionnels avec un niveau d’expertise élevé.
87
S. HOLLEBEEK, R.J. BRODIE, Wine service marketing, value co-creation and involvement: Research issues,
International Journal of Wine Business Research, 2009, 339-353.
86
ETGAR, A descriptive model of the consumer co-production process, Journal of the Academy of Marketing
Science, 2007
85
C.K. PRAHALAD, V. RAMASWAMY, The future of competition : co-creating unique value with customers ,
Harvard Business School, Boston, 2004
53
La deuxième phase consiste à réaliser des assemblages en mélangeant des
échantillons, a permis d’exprimer son avis sur la composition du vin idéal selon les
perceptions gustatives de chacun. Plusieurs ressources selon leurs compétences ont alors été
mises en avant : famille, amis ou encore connaissances viticoles. Cette phase d’appropriation
du produit a laissé place à la créativité, entre proposition de nom de cuvée et rédaction
d’article de blog.
Dans un troisième temps, l’expérience s’est approchée du packaging de la bouteille et son
nom.
En dehors du nom, trouvé par un des participants blogueurs et validé par le reste du collectif,
les ressources en création graphique ont été très vite limitées. Le vigneron a donc fait une
proposition d’étiquette en rapport avec sa charte graphique, ce qui a été très bien reçu de la
part des participants :”J’aime bien le format actuel des étiquettes du Mazet, ce serait
dommage d’en changer et de ne pas garder l’identité du domaine.” (O.).
La quatrième étape était l’heure du choix entre deux vins qui se sont dégagés de la première
étape. Il s’agissait alors de se projeter, gustativement sur un vin, pour le commercialiser.
Les participants ont communiqué sur leur sentiment de responsabilité quant aux choix.
Par ailleurs, s’en est dégagée une communauté, autour du blog de O.
Le producteur a donc souhaité réunir les participants lors d’une rencontre physique à
l’occasion des vendanges afin de souligner l’aboutissement de
l’expérience. Ce dernier souligne alors une réussite et un fort engouement : « C’était
l’aboutissement de pouvoir le faire et de le faire là-bas. Je trouvais sympa de
le déguster là-bas. Je ne dirais pas que c’était émouvant parce ce que cela reste un vin
mais c’était quand même une émotion de voir cette belle étiquette avec son nom
dessus. » (O.)
La réussite de cette co-création est dans la création de valeur et d’échange entre le producteur
et le consommateur : des valeurs liées à l’expression de soi, à la pratique sociale, des valeurs
éthiques et hédoniques, sans oublier les valeurs cognitives.
54
Extension
Le troisième “E” fait référence au continuum expérientiel et expériences intra et extra
domestiques.
Dans la phase de perception et d’évaluation (en référence au parcours client expérientiel page
66), l’entreprise doit faire évoluer sa vision du lieu de vente et de consommation (“place”),
au-delà du lieu, vers une considération plus étendue de l’expérience client.
Le continuum expérientiel fait référence au fait que :”les êtres humains visent un
développement physique, cognitif, comportemental et émotionnel optimal, ce qui nécessite un
processus évolutif à long terme, de l’enfance à l’âge adulte, basé sur un continuum
d’expériences vécues”. 88
Cet acquis compris, pouvons- nous comprendre que l’expérience client, sur ce même principe
est un continuum qui va du physique au numérique, des expériences intérieures aux
expériences extérieures ?
Si il y a discontinuité entre ces activités, alors l’expérience client sera rompu et le
consommateur ne vivra pas l’expérience qu’il attendait.
Dewey avait développé, en philosophie, en ce sens, la théorie du continuum par laquelle
chaque expérience inclut des aspects des expériences qui se sont produites dans le passé et
ajuste d’une certaine manière la valeur et la qualité des expériences qui se produisent à
l’avenir. C’est “l’apprentissage par l’action”. 89
Par conséquent, la notion d’extension insinue que l’entreprise doit fournir à sa clientèle des
expériences de consommation de qualité, faisant appel à tous les sens et dans différentes
sphères, qui auront pour effet de faire évoluer leur apprentissage et leur potentiel créatif dans
leurs expériences futures.
Concrètement, pour illustrer cette notion, nous pouvons prendre l’exemple du
touriste-buveur.
89
J.DEWEY, Experience and education, Collier-MacMillan, Toronto, 1938
88
J. LIEDLOFF, The continuum concept, Duckworth, Londres, 1975
55
En buvant le vin d’une destination, le consommateur rencontre une culture, qu’il intègre
physiquement et symboliquement dans ses expériences viticoles.
Le continuum de l’expérience viticole comprend alors 3 étapes :
La première consiste à la préparation du voyage à travers les supports de communication
notamment (site internet, plaquettes, guides…). Cela marque le début de l’expérience et
participe à l’imagination de cette dernière.
La deuxième étape, quant à elle, marque l’intégration du lieu, de ces activités à travers
l’expérience vécue : prise en compte des éléments physiques (le vin, les grappes, la vigne etc)
et des éléments symboliques (hédonisme, valeurs sociales, savoir-faire etc).
Le consommateur apprend à boire le vin d’autrui comme lui.
Puis, dernièrement intervient la mémoire de l’expérience vécue, grâce à quoi, le
consommateur va rester en contact avec la destination, encore dans la vie quotidienne, encore
plus si ce dernier rapporte de là bas, du vin et prolonge le voyage au-delà des vacances, vers
de nouvelles habitudes. Cette pratique amplifie en outre la transmission entre les individus.
L’emphase
En remplacement de la promotion et donc de la communication traditionnelle dans le
marketing mix, nous proposons l’approche holistique : humaniser une marque à travers sa
personnalité et ainsi créer une relation forte avec ses clients (et se différencier par essence de
la concurrence).
Cela passe, d’une part à travers la création d’une culture de marque et d'autre part grâce au
storytelling. Une logique centrée sur la personnalité, le mythe et les valeurs.
Ces deux stratégies de communication incluent les significations façonnées par le contexte
culturel particulier et les significations que la marque partage avec ses clients.
Dans les années 1990, certains affirmaient déjà que les marques étaient considérées comme
un langage symbolique permettant aux consommateurs de communiquer entre eux leurs
valeurs.90
90
WERNERFELT, Advertising content when brand choice is a signal, The Journal of Business, 1990, p 91-98
56
Par cette même approche, le marché ne serait pas segmenté par des critères
sociodémographiques mais par des tensions culturelles : c’est l’observation des cultures de
consommation qui identifie les mythes d’une marque.91
Cette dernière doit alors reconstituer
les tensions et les désirs des individus sur un thème pour imposer son storytelling.
On observe donc une transition stratégique du brand content92
vers du brand culture93
, due à
un contexte médiatique (infobésité94
croissante par rapport aux publicités), un contexte
socio-économique (sensibilité aux questions sociales et écologiques), un contexte historique
(émergence de l’alter-modernité : le message d’une marque n’intéresse plus quand elle est
centrée sur elle même, mais intéresse lorsqu’elle se considère comme un service ou un
contenu au service du consommateur).
En complément, le storytelling influence particulièrement le client à travers ses sentiments
grâce à l’usage des socles historiques connus et les associations symboliques qui en
découlent.
Les leviers en faveur de l’achat du consommateur
passent alors par les émotions, le divertissement des
anecdotes, la sincérité du message et les souvenirs
déclenchés.
Nous prendrons ici l’exemple de la marque de
champagne Dom Pérignon de l’entreprise
Moët-et-Chandon, pour illustrer l’emphase.
La marque datant de 1936 s’est appropriée l’histoire du
moine bénédictin Pierre Pérignon (1638-1715), cellérier
94
Excès d'information propre à l'ère du numérique.
93
“Système historique, un imaginaire collectif construit sur l’idéologie, les mythes, les rites, les normes et les
croyances d’une marque et souvent inspiré par la culture de l’organisation qui détient la marque”.
Ibid.
92
“Contenu informationnel et éditorial créé par une marque en injectant des éléments symboliques, culturels,
historiques et artistiques qui représentent la base de la création de contenu unique,sous forme de courts
métrages, de documentaires, de livres et de divers éléments visuels et textuels”.
Définition donnée par W.BATAT, Le marketing expérientiel, 2021.
91
D. HOLT, Why do brands cause trouble ? A dialectical theory of consumer culture and branding, Journal of
Consumer Research, 2002, p 70-90
57
de l’abbaye Saint Pierre d'Hautvillers, pour faire revivre la légende.
La doxa raconte qu’en 1655, le moine transforma par erreur, un vin de paille en vin
effervescent : le champagne.95
Ce vin, par la suite, fut réputé pour embellir les femmes à la cour de Versailles. Une histoire
qui raconte même que la forme de la coupe à champagne fut copiée sur la forme du sein de
Madame de Pompadour.96
L’empathie
Cette capacité de l’individu à adopter le point de vue des autres, à comprendre leur
raisonnement et leur état émotionnel sert le marketing expérientiel à se mettre à la place du
client. La valeur empathique tend à remplacer la variable “personnes”.
L’enjeu ici est d'utiliser ce trait de caractère pour concevoir des expériences émotionnelles et
adaptées à leurs clients. Ces derniers sont en contact avec les employés de la marque, et
l’empathie doit transparaître dans les échanges, afin de répondre efficacement aux besoins
fonctionnels et émotionnels des clients.
En effet, nous suggérons ici que les employés d’une entreprise doivent avoir la capacité de se
mettre à la place de leurs clients, dans le but de comprendre ses sentiments ou d’imaginer ses
représentations émotionnelles et psychologiques.97
L’empathie serait donc ici synonyme d’altruisme, de compassion ou encore d’identification.
L’entreprise peut utiliser la carte de l’empathie théorisée en 1993 par David Gray, pour
acquérir leurs compétences en la matière et mieux comprendre leurs clients, en se mettant à
leur place :
97
R.R. GREENSON, Empathy and its vicissitudes, The international Journal of Psychoanalysis, 1960
96
Maîtresse-en-titre du roi Louis XV
95
L.LE ROY, Vin et luxe : le storytelling, Mémoires de Vins, 2016
58
L’émotion
Une émotion transmise par une marque est un facteur de réussite dans une stratégie
expérientielle. C’est pourquoi avoir une approche vers l’engagement émotionnel des clients
est nécessaire, notamment à travers les touchpoints émotionnels.
L’idée ici est de remplacer la variable “physique” et de se concentrer davantage sur les
émotions souhaitées pour définir le point de contact et non l’inverse.
Les touchpoints émotionnels se concentrent sur l’impact émotionnel des moments où les
clients interagissent avec différents services et personnes. Ce processus favorise donc la
création des souvenirs par la suite, et donc un avantage concurrentiel durable.
Nous reviendrons sur le fonctionnement de ces émotions au service de l’expérience dans une
partie à venir.
59
L’émique ou l’étique
Ce huitième E représente la perspective étique ou émique.
Ces notions proviennent du domaine de l’anthropologie culturelle98
et représente l’univers
linguistique entre phonémique99
et phonétique100
.
En ce sens, l’approche étique examine le comportement comme étant extérieur à un système
particulier, tandis que la logique émique résulte du comportement comme étant intérieur au
système.
Pour nous guider, Batat réalise un tableau comparatif des deux notions :”Émique versus
Étique”101
ÉMIQUE ÉTIQUE
Examiner une seule culture ou sous-culture
de consommation.
Examiner plusieurs cultures de
consommation et les comparer.
Signification cachée des pratiques de
consommation révélée par l’observateur.
Signification de la consommation créée par
l’observateur.
Les critères sont considérés comme valables
à l’intérieur du système.
Les critères sont considérés comme
universels.
Ainsi, la mise en œuvre d’un processus émique dans la conception de l’expérience client
consiste à s’installer dans le contexte de consommation par l’immersion, la socialisation de ce
contexte et sa familiarisation.
Nous pouvons comparer ce travail avec celui d’un anthropologue : l’analyse du système
culturel, du point de vue de sa communauté, propre à eux.
La perspective étique quant à elle s’oppose à cela, puisqu’elle interprète et comprend les
éléments extérieurs d’une culture de consommation. L’approche expérientielle de l’entreprise
répond alors aux attentes, et est considérée comme utile puisqu'elle est axée sur les
perceptions interculturelles du consommateur.
101
W.BATAT, Le marketing expérientiel, 2021, p 232-233
100
Étude des sons utilisés dans le langage humain, indépendamment de leur sens.
99
Étude du son pour ses fonctions significatives dans une certaine langue et le sens des mots.
98
K. PIKE, Language in Relation to a Unified Theory of Human Behaviour. The Hague, Mouton, 1954
60
Bien que différentes, nous considérons ici les deux notions indissociables pour optimiser le
parcours expérientiel.
Concrètement, Wided Batat met en parallèle ces deux notions à travers une cartographie
culturelle du parcours client expérientiel.102
102
W.BATAT, Marketing expérientiel, 2021, p 236
61
b- Le consommacteur, force de proposition, l’entreprise à
l’écoute
Levy affirme que le produit trouve sa signification dans la société notamment à travers l’avis
d’autrui et la capacité des marques à communiquer des significations culturelles. Par ailleurs,
il définit la perspective de l’identité du consommateur telle que l’utilisation du contenu
symbolique des marques pour exprimer, créer ou préserver son identité. 103
Par exemple, une bouteille Chateau Cheval Blanc de 2010, Saint Emilion Grand cru (1er
grand cru classe)104
. Ce n'est pas seulement un objet tangible défini par son design, sa couleur,
son odeur ou son goût. Elle symbolise une classe sociale, une certaine connaissance, un
moment phare de partage et de reconnaissance.
Dans cette quête de sens face à autrui, le consommateur offre l’opportunité à l’entreprise de
développer son offre expérientielle à travers la valeur symbolique donnée à son produit ou ses
services.
Nous observons alors deux logiques :
● Celle de la marque qui bien souvent cherche à susciter, contrôler et rentabiliser les
émotions.
● Celle de l’individu qui va d’une expérience à une autre pour mieux s’affirmer et qui
n’hésite pas à partager ses expériences avec d’autres.
Le schéma ci-dessous représente d’ailleurs la logique expérientielle centrée sur le
consommateur, le “consomm-acteur”, c'est-à-dire que la marque prend en compte le client
final comme point de départ de sa future offre.
104
Description de vente : Doit-on encore présenter Château Cheval Blanc ? Ce fameux cru, le plus célèbre des
Saint-Emilion Grand Cru, et l’un des vins français les plus réputés au monde, s’est construit une réputation sans
faille depuis la seconde moitié du XXème siècle grâce à sa régularité exemplaire. Le Château signe un
millésime 2010 légendaire et inoubliable au potentiel de garde considérable.. Avec une parfaite combinaison
entre fraîcheur, concentration et finesse, ce vin est tout simplement extraordinaire!
103
S.J. LEVY., Symbols for sale, , Harvard Business Review, 1959, p. 117-124.
62
Schéma adapté de W.BATAT, Le marketing expérientiel. Figure 2.1 : Consumer/customer centric vs good
dominant.
Sur la première figure du “good-dominant”, la chaîne de valeur de Porter ressort : l’entreprise
transforme des “matières premières” en “produits finis ou en services” puis les livre au client
final avec un service après-vente.
Ce courant marketing et commercial de Porter ne considère pas le consommateur dans la
prise de décision stratégique et promeut la mainmise de l’entreprise sur ce dernier.
La deuxième figure s’oppose complètement à cette logique et place le consommateur aux
centres des décisions produits de l’entreprise, qui façonne ce dernier en fonction des besoins,
des attentes et des objectifs de vie de la cible.
Observons désormais le statut du consommateur dans cette optique.
63
Le consommateur et l’entreprise
Consommateur est un être émotionnel à la recherche d'expériences sensibles105
. Ce n'est plus
un acteur passif à réaction mais un producteur de ses propres expériences.
Ce nouveau statut est apparu à l’aube de la société postmoderne et à l’ère du digital.
Auparavant, l’acte était compréhensible et conventionnel. Aujourd’hui, l’hédonisme est de
mise. Le consommateur désire quelque chose de différent en matière d’expériences agréables.
La libération des informations auprès du grand public, rend la consommation singulière et
chargée de signification partagée au sein d’une même culture / communauté.
Ce comportement floute alors la visibilité des marketers sur leur cible. Il devient de plus en
plus difficile de les appréhender, notamment en termes de compréhension des motivations,
comportements et des attitudes. Malgré les nouvelles technologies, ces données qualitatives
sont difficiles à percevoir à travers les chiffres.
Le consommateur lui-même, évolue dans une société de “doute, d'ambiguïté, et
d’incertitude”. 106
Par ailleurs, nous sommes dans une société où les individus la composant,
cherchent à recréer du lien social, du contact humain et de la proximité affective.
Nous ne nous étendrons pas ici sur le sujet du marketing tribalisme, mais l’idée qu’on en
retire est que les communautés sont assez puissantes, pour que les marques adaptent leur
stratégie marketing autour d’eux et leurs attentes. 107
Firat et Venkatesh énumèrent cinq conditions de la consommation postmoderne108
:
l’hyperréalité, la fragmentation, la réversibilité de la consommation et de la production, le
décentrage du sujet et la juxtaposition des contraires.
108
A.F.FIRAT, A.VENTAKESH., Liberatory postmodernism and the reenchantment of consumption, Journal of
Consumer Research,1995
107
B.COVA, M. RONCAGLIO, Repérer et soutenir des tribus de consommateurs . Décisions Marketing
No. 16, 1999.
106
THOMAS, Anthropologie de l'ailleurs, Homme, 1997
105
M.MAFFESOLI, Au creux des apparences. Pour une éthique de l'esthétique, L’Homme et la société, Paris,
Plon, 1990
64
La première condition permet « de transformer en réalité ce qui n’était au départ que
simulation ». Baudrillard va jusqu’à soutenir qu’aujourd’hui la réalité aurait disparu et que «
tout ne serait qu’image, illusion et simulation »109
. À côté, nous observons la fragmentation
des rôles d’un individu. En effet, la société l’encourage à changer d’image en permanence et
doit donc sans cesse s’adapter, à travers des instants de consommation offrant une image
différente d’eux-mêmes, d’où les attentes spécifiques.
La réversibilité de la consommation et de la production donne une vision temporelle de
consommation beaucoup plus réduite dans le temps. La valeur du produit perçue par le
consommateur trouve désormais son origine dans le sens donné au produit et non pas dans
l’échange en tant que tel. 110
C’est pourquoi nous justifions du nouveau statut de
consomm-acteur, puisque ce dernier façonne et produit son expérience de consommation de
manière singulière.
Le décentrage du sujet, donc du consommateur, considère « un perpétuel principe
d’inquiétude, de mise en question »111
producteur de décentrement, ce qui modifie le rapport
de l’individu aux objets consommés et se confond.
Puis, la juxtaposition des contraires intervient dans la société post-moderne, et induit
l’individu à être contradictoire avec lui-même dans sa consommation. La contradiction de
“seul et ensemble” est la plus représentative. Nous pouvons être isolé dans un appartement
clos et ensemble à travers une vidéo conférence, grâce au digital.
À travers l’ensemble de ces changements dû à l’arrivée de la société post-moderne et de ce
qui en découle, l’individu n’est plus le reflèt d’une masse, mais d’un individu unique, avec de
nouvelles attentes, notamment au sujet de son positionnement dans l’offre produit/service.
Au regard de la position du consommateur et de l’environnement sociétal d’une entreprise,
cette dernière doit intégrer et accompagner ses clients dans la production et la réalisation de
ses produits et des expériences qui en découlent.
La marque doit donc accepter de perdre le contrôle sur l’expérience proposée 112
, puisque
l’expérience ne peut prendre sens que si elle est co-construite. 113
113
M. DE CERTEAU, L'invention du quotidien, Folio essais, Gallimard , 1990
112
W.BATAT, Le marketing expérientiel, 2021
111
M. FOUCAULT, Les mots et les choses, 1966
110
, J.BAUDRILLARD, Le système des objets, Paris, 1968, Gallimard.
109
J. BAUDRILLARD ,La société de consommation, Paris,1970 Gallimard.
65
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L'évolution du marketing du vin : au carrefour du marketing expérientiel, de l'oenotourisme et de la spécificité du marché

  • 1. L'évolution du marketing du vin : au carrefour du marketing expérientiel, de l'oenotourisme et de la spécificité du marché Pauline Le Dret Dirigée par Valérie Léger 2022
  • 2. 1
  • 3. MÉMOIRE DE RECHERCHE Pauline Le Dret Sous la direction de Valérie LEGER Master Manager des Stratégies de Communication Marketing 2020 – 2022 2
  • 4. Clause de non-plagiat Je soussignée, Pauline LE DRET, Déclare avoir pris connaissance de la charte des examens et notamment du paragraphe spécifique au plagiat. Je suis pleinement consciente que la copie intégrale sans citation ni référence de documents ou d’une partie de documents publiés sous quelques formes que ce soit (ouvrages, publications, rapports d’étudiant, internet etc...) est un plagiat et constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée. En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées pour produire et écrire ce document. Fait le 31/03/2022 Pauline Le Dret 3
  • 5. Remerciements Pour commencer, je souhaite remercier toutes les personnes qui m’ont accompagnée et soutenue dans cet écrit qui aura été pour moi une opportunité de m’exprimer sur des thématiques qui me plaisent et dans lesquelles je souhaite avancer par la suite. Tout d’abord, merci à l’équipe encadrante de l’E2SE en particulier à Valérie Léger pour sa disponibilité malgré que nous n’ayons pas eu nombreux temps dédiés, son attention et son ouverture d’esprit, qui a permis de m’exprimer sans jamais que je ne déraille. Merci à mes deux responsables, Franck Lefèvre et Cédric Vinclet, de m’avoir laissé transparaître mon travail dans un véritable univers professionnel, dans une structure en plein développement. Merci de m’avoir appris des notions managériales et stratégiques me permettant d’avoir un recul sur le fonctionnement et la gestion en termes d’acquisition client. Je remercie par ailleurs, l’ensemble des répondants, que ce soit pour l’interview ou pour le champ expérimental avec lesquels j’ai pu obtenir de chaleureux échanges. Merci pour votre expertise, merci pour votre transmission, merci pour cette richesse, pour ce que vous faites, et merci pour vos invitations à la découverte de vos vignobles. S’ajoute à cela des remerciements pour mes camarades de classe, les derniers, ceux qui ont partagé ma vie pendant de longues semaines à la bibliothèque, chez les uns et chez les autres, avec qui nous avons rigolé, pleuré, festoyé. Ce travail est individuel, mais il transpire la force d’un groupe qui s’est toujours entraidé, pour trouver un terme précis, une idée d’ouverture, un article ou un contact. Enfin, merci à mes proches, d’avoir écouté et lu mes écrits pendant des semaines, et pour m’accompagner jusqu’au bout de ma scolarité. Je pense notamment à Arthur, à Catherine et Patrick. Et pour finir, je tiens à avoir une pensée pour Régine, ma tante décédée à quelques jours de ce rendu, sans qui je ne serai pas ce que je suis aujourd’hui. Merci. 4
  • 6. 5
  • 7. Choix du sujet : affinités avec l’univers viticole , intérêt pour le marketing expérientiel Le choix d’un sujet est toujours très réfléchi lorsque l’on doit travailler pendant près d’une année dessus. Lors de mes études en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives à l’Université de Caen, la directrice de mémoire Fanny le Mancq et le professeur Alem, m’avaient donné plusieurs conseils pour réussir notre mémoire de recherche : choisir un sujet de mémoire qui nous attire, un sujet pour lequel nous avons soif de connaissance et pour lequel nous sommes assez éloigné tout de même, afin d’apporter le recul nécessaire à notre étude. En gardant en mémoire ce conseil, je me suis dirigée naturellement vers le monde du restaurant et ses univers. J’ai une affinité particulière avec ce milieu professionnel. En effet, depuis petite, par le métier de mes parents, mon entourage et mon environnement se sont façonnés autour de ces lieux de moments conviviaux. En grandissant j’ai pu moi même faire partie de ces coulisses le temps des étés : serveuse, assistante événementielle d’un hôtel ou encore secrétaire ou missionnée de marketing chez un distributeur / grossiste. C’est finalement l’univers viticole qui m’amène à vous présenter cette problématique, tant ce domaine est spécifique, particulier, infini et attirant professionnellement. Dans le cadre du master Manager des stratégies de communication marketing à l’E2SE, j’ai eu la chance de connaître deux expériences en alternance en même temps. J’ai travaillée pour le cabinet de courtage Partenaires Plus, avec une cible de chefs d’entreprises et de professionnels. Et dans un même temps, cette société à la tête de 5 agences dans l’ouest de la France, a développé une filiale “ASCAR”, une assurance pour les véhicules de luxe et de collection. J’ai pu observer pendant près de 2 ans, le style de vie professionnel et personnel d’entrepreneurs et d’individus étant catégorisés dans la cible CSP+ et donc ayant un lien fort avec l’univers viticole : séminaire dans un vignoble, un caviste, partenaire d’un événement patrimonial, des vignobles présents à des salons tel que le salon Rétromobile à Paris, des commandes de cartons de vins prestigieux pour offrir aux meilleurs clients, des vins de grandes tables offerts au restaurant… Bref, le vin faisait partie intégrante des rencontres professionnelles auxquelles j’ai pu assister. 6
  • 8. Ainsi, le vin apparaît alors comme “péché mignon” du chef d'entreprise, et devient une arme de fidélisation du client. Ainsi, l’entreprise est en capacité de séduire son prospect ou son client à travers une simple bouteille. Comment est-ce possible ? C’est en réalité toute la symbolique qu’une bouteille de vin a. Une symbolique donnée par l’univers viticole en lui-même mais façonnée également par le consommateur et ses expériences précédentes vécues. Cette simple bouteille de vin, intégrerait donc l'éventail de leviers de l’expérience client. Par ailleurs, le marketing expérientiel et plus largement l’expérience, sont les grandes composantes qui fondent ma problématique. Le concept d’expérience, je l’ai découvert lors de la licence Management du Sport en STAPS. C’est lors d’un cours autour de l'événementiel sportif que la notion de sport spectacle m’a tout de suite percutée. Étant moi même sportive de haut niveau, dans un sport collectif, je reconnaissais de suite la quête de mon club à faire de nos matchs officiels du spectacle. Non pas pour se montrer, mais pour se différencier des clubs voisins et concurrents, afin de remplir le gymnase et donc d’accroître les rentrées d’argent pour l’association sportive. C’est alors en étudiant, notamment le livre de Michel Pautot Le sport spectacle : les coulisses du sport business, que la notion d’expérience client et d’expérience de consommation dans les salles de sport particulièrement me sont apparues. Combiner un écosystème d'agrégat pour donner un souvenir mémorable au spectateur est, dans ce domaine, plus évident à piloter que de ne compter que sur la satisfaction, ou non, du score sportif final. Par la suite, c’est en entrant en master MSCM à l’E2SE, que les cours se sont ouverts sur cette notion d’expérience. Au travers de mon apprentissage, le courant holistique dans la notion d’expérience me paraissait encore là, indissociable. Cette théorie selon laquelle l'homme est un tout indivisible qui ne peut être expliqué par ses différentes composantes (physique, physiologique, psychique) considérées séparément. Cette manière de penser s’adonne alors parfaitement avec la mienne, notamment influencée par la philosophie et l’épistémologie. Selon une expression française : ”Quand le vin entre, la raison sort”. Le vin serait alors la métaphore de l’intangibilité du concept de l’expérience, et des émotions subjectives à chaque 7
  • 9. individu. Cette expression met également en avant les limites de ce pilotage expérientiel, puisque si l’entreprise souhaite contrôler les émotions des consommateurs, alors on parle de manipulation. On gardera également en tête le contenu du vin et les limites de l’alcool selon les usages en entreprise. En tant que professionnel, nous avons tous une responsabilité quant à l’utilisation des leviers en marketing et communication. Lorsqu’une action marketing vient transformer l’attitude d’un consommateur par le biais de l’émotion ou autre, nous devons nous poser cette limite du respect de l’Homme et de la barrière de la manipulation, qui pourrait alors ternir la marque. Jusqu’où peut on donc pousser l’offre expérientiel ? Comment connaître nos limites ? J’imagine que ce mémoire pourra m’apporter réponse à ces questions mais également m’apporter une certaine expertise au sujet du marketing expérientiel pour mes futurs projets professionnels. J’espère que ce mémoire pourra servir aux vignobles qui souhaitent entamer ce processus expérientiel, qui selon moi, fait partie intégrante de l’évolution du marketing du vin. 8
  • 10. Expérience 2022 Œnotourisme Histoire Symbole Filière d'excellence française Consommacteur Champ sémantique Marketing mix Marketing expérientiel Sens Usages Hédonisme Holisme Durabilité Émotion Vignerons Storytelling
  • 11. 10
  • 12. Tables des matières PARTIE 1 : Champ théorique 18 Chapitre I - Le marketing expérientiel : une nouvelle arme de séduction pour les marques 20 A - Le marketing produit à bout de souffle, le marketing expérientiel en expansion 21 a- Définition du champ lexical de l’expérience et de ces concepts 24 b- La logique économique 35 c- Processus de création : thématisation globale du lieu de vente ou optimisation d’une composante du marketing mix 40 B- Le renouvellement du marketing mix et des statuts 50 a- Les 7E : le marketing mix expérientiel 50 b- Le consommacteur, force de proposition, l’entreprise à l’écoute 62 c- Un nouveau parcours client 68 C- Le jeu des stimuli, en faveur de l’expérience ? 70 a- Les sens comme support de communication et de représentation d’une image de marque 71 b- La valence des émotions ressenties 73 c- Les limites, de la manipulation au risque financier 76 Chapitre II - L’univers viticole : les spécificités d’un marché français singulier 83 A - La filière vin en France, l’excellence mondiale 84 a- Définitions et particularités des vins français 84 b- Description du marché 88 B- Entre influences et symboles, le vin s’inscrit dans l’histoire, la culture et la consommation française 91 a- Le vin : les représentations historiques avant JC 91 b- Un contenu religieux 94 c- Usages dans les pratiques gastronomiques et médicinales 96 d- L’ivresse, un vilain défaut 101 e- La politique du vin 102 C- Une crise économique et un nouvel élan marketing 105 11
  • 13. a- Le secteur touché ponctuellement par de nombreuses crises 105 b- L’essor d’une nouvelle consommation 110 c- Le vin durable ? Oui ! 117 Chapitre III - L’évolution du marketing du vin à l’instar de l’oenotourisme 123 A - La valorisation d’une identité, par essence, unique 124 a- Le vigneron comme “motivateur émotionnel” et source du storytelling et de transparence 124 b- La bouteille et l’étiquette, le packaging phare 129 c- Les sens, un attribut naturel au vin 136 B- L’œnotourisme, une filière touristique pilier de l’expérience dans les domaines viticoles français 140 a- La notion d’œnotourisme : “Boire un vin dans un climat de naissance” 141 b- État des lieux de la situation française 148 c- Les déterminants de son attractivité 152 Conclusion 155 Hypothèses 156 PARTIE 2 : Le champ expérimental 157 Retranscription de l’interview 158 L’échantillon 163 Chapitre I - Matériel & Équipement 166 Chapitre II - Mode de procédure et réalisation 168 Chapitre III - Lecture des résultats bruts 170 A - Un exemple de restitution 170 B - Données brutes 175 PARTIE 3 : Discussion 195 Chapitre I - Analyse des résultats 196 Chapitre II - Validation ou rejet des hypothèses 209 Chapitre III - Réflexion personnelle 212 Conclusion 218 12
  • 14. 13
  • 16. Qu’attendez-vous d’un parc d’attraction, d’un repas au restaurant, d’une séance de cinéma, d’une visite au musée ou encore d’un match de NBA ? L’expérience. En tant que connaissance acquise à travers l'interaction avec l'environnement lors d’un événement, fait de chacune de nos activités des expériences, nous apprenons, découvrons, nous transmettons, tout au long de notre vie. Nos expériences sont des souvenirs, heureux ou non. Nos expériences sont le miroir de notre estime de soi face à autrui. Le marketing s’est alors saisi de cette notion d’expérience pour créer un dynamisme managérial afin de vaincre la standardisation du marketing produit. Les campagnes publicitaires, jusqu’à la fin du XXème siècle, se ressemblaient toutes et étaient dédiées au produit et ses avantages fonctionnels : “Papa, c’est quoi cette bouteille de lait ?” (Lactel, 1990), “ Tu pousses le bouchon un peu trop loin Maurice !” (Choco suisse, 1994), “C’est bon pour les gagnants !” (Findus, Croustibat, (1991), “Si Juvabien, c’est Juvamine” (Juvamine, 1990). Aujourd’hui, le paysage publicitaire s’est transformé avec des campagnes plus percutantes, plus émotionnelles, tournées vers le consommateur et parfois même participatives. Le marketing ou la communication doit marquer les esprits des consommateurs, afin qu’une marque se différencie de la concurrence, dans une société où l'information est omniprésente. Pour se démarquer, il faut donc sortir de l’ordinaire et surprendre, comme pour sortir le consommateur d’une certaine routine. Par ailleurs, une fois l’attention, voire le choix pour une marque faite, cette dernière devra fidéliser son nouveau client, voire en faire un ambassadeur. Quoi de mieux alors que de le surprendre une nouvelle fois, de le sortir de son quotidien à travers un univers, une histoire, une expérience ? Les signatures viticoles doivent-elles prendre ce chemin ? Comment utiliser la singularité et la spécificité de cet univers pour proposer une expérience par le biais d’un verre de vin ? 15
  • 17. L’univers viticole est un monde singulier rythmé par son calendrier saisonnier, habité par des exploitations formant le paysage français, sublimé par un patrimoine culturel, historique et hétérogène sur le territoire français. Vous imaginez mes propos ? Vos interprétation et perception de ces mots façonnent votre image du vignoble français, notamment grâce à vos expériences, vos souvenirs, des anecdotes et l’ensemble des symboles qui en découle. Votre perception est alors unique, tout comme celle des 63 millions d’autres français. D’où la difficulté pour les marques viticoles de créer leur expérience voulue. Quelles sont les représentations existantes ? Quelle est la conjoncture économique de la filière vitivinicole ? Comment une marque de vin construit et valorise son identité ? Quelle expérience peut voir le jour dans un domaine ? Nous recentrons nos interrogations à travers cette unique question : comment l’univers viticole français évolue à travers la notion d’expérience et de marketing expérientiel pour face à une nouvelle consommation et à de nouvelles attentes ? Pour parvenir à répondre à cette question, nous suivrons une démarche expérimentale qualitative, il sera intéressant de comprendre comment la dimension expérientielle est prise en compte dans la gestion marketing d’une marque de vin. Mais également d’appréhender son intégration dans une stratégie, à travers les actions recensées, et le message souhaité. Pour y arriver, il conviendra d’étoffer la notion d’expérience, son marketing et son inscription en entreprise. Nous verrons que cette notion holistique s’accorde aisément avec les spécificités de cet univers, tant dans son aspect historique français, qu’en marketing. Il s’agira par ailleurs de revaloriser la place du consommateur dans la construction de l’offre. 16
  • 18. 17
  • 20. «Une mauvaise expérience vaut mieux qu'un bon conseil», Paul Valéry. 19
  • 21. Chapitre I - Le marketing expérientiel : une nouvelle arme de séduction pour les marques La notion d’expérience qui aura donné naissance au marketing expérientiel, est une notion qui s’intéresse à un objet dans sa globalité. Dans une expérience, l’objet de l’expérience doit considérer le consommateur et l’univers de la marque. Pour détailler alors les dimensions existantes, nous observerons leurs diverses définitions selon les différentes époques et conjonctures propres. Nous établirons ici, une carte mentale qui nous guidera tout au long de la démarche théorique de ce chapitre. 20
  • 22. A - Le marketing produit à bout de souffle, le marketing expérientiel en expansion La démarche du marketing classique s’insère dans un contexte cognitiviste, où le comportement du consommateur réduisait la décision d’achat à une prise d'information factuelle rassemblée autour des attributs tangibles du produit /services. Cela relève de processus cognitifs, mis en œuvre par l’individu pour rechercher une solution optimale à son problème de consommation.1 Dans ce concept des années 1960, on retrouve deux grands paradigmes. D’une part celui de l’héritage de l’analyse micro-économique classique de la consommation, dans lequel on retrouve la théorie de la valeur/utilité.2 D’autre part, celui de l’influence cartésienne dans les propos des psychologues cogniticiens qui mettent en avant la prise de décision du consommateur comme rationnelle. Ce marketing produit s’apparente alors à un parcours connu : étude de marché au sujet de la demande, des concurrents et de son environnement, segmentation, ciblage et positionnement. Le marketing produit se concentre alors sur la perspective de production, la qualité de service, la satisfaction client, le rapport qualité prix et la logique de service. En contradiction avec cette vision, le psychologue Damasio assure que la décision ne peut être réduite aux seuls processus cognitifs. En effet, les états affectifs, l’émotion doivent être également considérés.3 Par ailleurs et depuis le milieu des années 2000, nous voyons apparaître une démarche plus “expérientielle”, tournée vers le consommateur. Concrètement, la théâtralisation des lieux de vente et de consommation, ainsi que des programmations de gestion de la relation client4 , 4 Sur une base de données clients informatisée, l’entreprise collecte et traite l’information de chaque client / prospect, en faveur d’une offre personnalisée et de l’obtention de statistiques. L’objectif de cet outil est alors de répondre à leurs attentes, de satisfaire leur besoin, pour à terme les fidéliser. 3 A.GRANDGUILLAUME, C. PIROUX, “A. Damasio. L’erreur de Descartes (1995) ; Le sentiment même de soi (1999) ; Spinoza avait raison (2003) », L'orientation scolaire et professionnelle, 33/3 | 2004, 477-479. 2 K.J. ARROW, G. DEBREU, Existence of an Equilibrium for a Competitive Economy, Econometrica Vol. 22, No. 3, 1954, pp. 265-290. 1 M.FILSER, Le marketing expérientiel, vers un marketing de la co-création, Vuibert, 2015. 21
  • 23. mais aussi l’apparition de nouveaux modèles de marketing mix5 qui recensent de plus en plus d’agrégats à optimiser. Comment ce nouveau modèle est-il apparu ? C’est en réalité à travers un changement de paradigme sociétal, que s’est épanouie cette tendance : la société post-moderne. Mondialisation, digitalisation, multiplication des offres, mutations socioculturelles, nouveaux modèles de production et donc nouvelles manières de consommation sont les cadres de la société depuis la fin des années 1970. Auparavant, le travail (comme acte de production) était un vecteur identitaire. Depuis, la consommation a endossé ce même rôle, en parallèle de la montée du phénomène de simulation et du jeu des rôles sociaux. Baudrillard affirme que la consommation est devenue, depuis les années 1970, une activité de production de significations et un espace d’interactions symboliques : le consommateur ne consomme par des produits mais leur sens et l’image que ces produits dégagent.6 Dans cette même logique, la consommation était fonctionnelle, l’achat se faisait pour l’usage. Désormais, la valeur est dite “hédonique”7 ou de signes8 , dans une perspective donc plus “expérientielle”. Le souhait du consommateur étant de montrer à autrui une image de vie spectaculaire, l’entreprise doit tirer bénéfices de ces changements et renouveler, non pas fondamentalement ses produits, mais leur stratégie marketing. Le postmodernisme a provoqué chaos social et perte de repères mais aussi et par conséquent, la quête de l’identité et de valeur de l'individu qui souhaite se désaliéner de l’universalité. Le sujet impose donc sa différence et sa singularité. La société est donc fragmentée de différences, rendant la segmentation de plus en plus difficile pour les entreprises. Le consommateur est alors perçu comme un sujet individuel, un être émotionnel unique, et est de plus en plus considéré avec ses ressources physiques et intellectuelles, et donc potentiellement un actif d’une marque, un co-producteur au profit de cette dernière Dans une vision philosophique, cette transformation pourrait se résumer à la question suivante : vivre pour consommer ou consommer pour vivre ? 8 Quelle image du consommateur le produit va-t-il renvoyer ? 7 Quelles sensations va procurer le produit ? 6 BAUDRILLARD, La société de consommation, Folio Essai, 1970 5 La combinaison des domaines opérationnels dans lesquels il faut élaborer des stratégies, entre lesquels agit une forte dépendance. 22
  • 24. L’entreprise se doit alors de penser à la différenciation au sein de cet effet de masse et penser au-delà du produit tel quel. Comment développer un avantage concurrentiel durable pour la marque ? L’approche du marketing expérientiel semble alors être dans le prolongement du marketing relationnel, et tend à procurer une expérience de consommation et non de produit. La marque porterait donc sa stratégie sur la relation client et plus, l’expérience client, afin d’entretenir un lien fort avec le consommateur dans le but de le fidéliser. Cette logique d’expérience s'attardera alors sur la perspective de consommation et son réenchantement (au-delà des attentes des consommateurs), avec un parcours d’achat repensé. L’objectif est de franchir l’étape de l'appropriation et de donner de la valeur dans l’usage, avec une empreinte affective, à travers la mise en place, par l’entreprise, de mécanismes qui faciliteront l’extraction de cette valeur. L'approche expérientielle peut être considérée comme une rupture marquante des vingts dernières années, qui a bousculé le paradigme cognitiviste de la recherche en comportement du consommateur. 23
  • 25. a- Définition du champ lexical de l’expérience et de ces concepts Le concept d’expérience de consommation a été instauré par Holbrook et Hirschman en 1982 comme un “état subjectif de conscience accompagné d’une variété de significations symboliques, de réponses hédonistes et de critères esthétiques”.9 Selon cette définition, l’instant de consommation expérientielle met en exergue l’ensemble des stimulus qu’un individu peut ressentir, à travers le plaisir, la stimulation sensorielle et émotionnelle. Ce serait alors le consommateur et ses perceptions qui fondent l’expérience unique. Ils dépassent le contexte de transaction et prennent en compte des éléments relevant du domaine de l’imaginaire. Puis en 1999, est apparu la notion de marketing expérientiel grâce aux écrits de Pine et Gilmore10 , à travers la position de l’entreprise. “Une expérience se produit lorsqu’une entreprise utilise intentionnellement des services comme scène et des biens comme accessoires, pour engager des clients individuels d’une manière qui créé un évènement mémorable”11 En partant du principe que le consommateur est en perpétuelle recherche de repères dans un environnement dans lequel il a du mal à se situer, ce dernier poursuit un projet de construction de son identité. Le vécu d’une expérience est donc de nature à lui procurer des gratifications positives. L’entreprise doit donc avoir la volonté de faire ressentir des stimulus au consommateur, à travers la professionnalisation de la mise en scène. En partant des acquis, l’expérience serait une succession d’expériences de flux12 : les flux multiples plongent alors plus ou moins le consommateur dans l’expérience. L’entreprise propose et le client dispose. Une expérience rythmée par un parcours client repensé : avant, pendant et après l’achat. 12 Notion abordée en 1997 par le psychologue M.Csíkszentmihályi, pour signifier le moment exceptionnel pendant lequel “ce que nous sentons, ce que nous souhaitons et ce que nous pensons sont en totale harmonie”. Csikzentmihalyi, M. Finding Flow: The Psychology of Engagement with Everyday Life, Basic Books, New York, 1997. 11 Ibid. 10 PINE B. J., GILMORE J., The Experience Economy : Work is Theatre and Every Business a Stage, HBS Press, Harvard, 1999. 9 M.B. Holbrook, E.C. Hirschman, The Experiential Aspects of Consumption: Consumer Fantasies, Feelings, and Fun, Journal of Consumer Research Vol. 9, No. 2, 1892. 24
  • 26. Ces deux précédentes notions seront les bases du socle du marketing expérientiel, que nous tenterons ici de définir à travers différents domaines d’étude et différentes sémantiques, faisant de cette notion d’expérience, une notion holistique13 . L’expérience L’origine de l’expérience extraordinaire prend essence au XVIIIème, dans le courant romantique. Dans un contexte où l’imagination et la transformation sont d’actualité pour se développer individuellement et socialement. Ce courant d’émotion et d’excitation s’oppose à la vie quotidienne. L’expérience attire donc et devient intéressante. À l'époque, l'expérience était vue comme un danger, aujourd’hui, elle est recherchée, pour justement sortir de ce quotidien. Étymologiquement, le mot expérience vient du lation experientia, de experiri :” faire l’essai de, éprouver, “ex” qui signifie “hors de” et le radical est periri, que l'on retrouve dans periculum signifiant “péril”, “danger”. La racine indo-européenne est -per à laquelle se rattache l'idée de “traversée” et, secondairement, celle d'”épreuve”14 . En ce sens, “avoir fait l’expérience” de quelque chose, c'est en avoir acquis une connaissance non théorique, mais concrète. En vivant des expériences, on acquiert de l'expérience, qui peut tendre vers une forme d'expertise15 . Le terme recouvre ainsi deux principes : celui de la réception et celui de l'acquisition16 . C’est à dire que, faire l'expérience de quelque chose suppose que l'on éprouve la dite chose, sous la forme de réception de stimuli (principe de réception) et, d'autre part, avoir fait l'expérience de quelque chose, suppose que l'on en retire une connaissance (principe d'acquisition). Cette séquence pourrait être résumée par la formule : « je sens, je ressens et j'apprends ». 16 A,CARU, B.COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion, vol. no 162, no. 3, 2006, pp. 99-113. 15 ALBA, FUTCHINSON, Dimensions of Consumer Expertise, Journal of Consumer Research, 1987 14 LANDA Fabio, « Éditorial », Le Coq-héron, 2007/2 (n° 189), p. 7-8. DOI : 10.3917/cohe.189.0007. URL : https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2007-2-page-7.htm 13 Doctrine considérant les objets et les concepts appartenant à un tout. 25
  • 27. Du point de vue de la théorie de la connaissance, on désigne par expérience, “toute connaissance immédiate et non inférentielle, mais aussi toute connaissance induite par des données sensorielles”.17 Cela suppose donc que l’entreprise doit utiliser les sens à l’instant de consommation pour stimuler le client. Dans le domaine des sciences dites dures, l'expérience est scientifique et synonyme d'expérimentation. “Sa finalité est la production de résultats stables dans le temps et l'enrichissement d'une connaissance universelle.”18 Dans les autres domaines d’études, notamment en sciences sociales (philosophie, sociologie, psychologie, anthropologie, ethnologie et sciences de gestion), la définition d’expérience met en exergue un point commun. Celui d’envisager l’expérience comme individuelle et aboutissant à une connaissance singulière, puisque subjective et donc propre à l’individu.19 L’expérience serait donc une combinaison d’actions et de pensées, dans laquelle la perception d’un sujet est toujours présente. La perception est alors une activité à part entière.20 Le sujet ne serait donc pas passif, mais bien actif. En sociologie, Bourdieu aborde l’expérience socioculturelle, qui prend son sens dans un contexte socioculturel spécifique et liée à un processus de formation des représentations sociales. En reprenant le principe de la socialisation, nous mettons en avant la transmission nécessaire des capitaux : économique, culturel, social et symbolique dans une société. Par ce phénomène, le sujet est déterminé par son contexte, tout comme une expérience serait déterminée par le contexte donné par l’entreprise et le consommateur. 21 Cela rejoint les dires de Edgell, du fait que l’expérience ne soit pas une science logique mais qui répond au contexte social respectif à chaque consommateur, au produit et à la marque. En prolongement du domaine de la sociologie, l’anthropologie aborde le concept sous l’angle de “l'expérimentalisme” et soulève les dimensions individuelle, symbolique et culturelle. 21 P. BOURDIEU, La Distinction. Critique sociale du jugement, Les éditions de minuit, 1979. 20 D. LE BRETON, Le corps entre significations et informations, Hermès, La Revue, vol. 68, no. 1, 2014, pp. 21-30. 19 A,CARU, B.COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion, vol. no 162, no. 3, 2006, pp. 99-113. 18 C.ROEDERER, Marketing et consommation expérientiels, Business & Economics, 2012. 17 ENGEL, Philosophie de la connaissance : croyance, connaissance, justification. Paris, 2005. 26
  • 28. Concrètement, ce domaine d’étude ajoute à la sociologie l’importance des signes et des symboles intégrés à une culture donnée. C’est l’expérience symbolique. En philosophie, Dewey insère l’idée d’une expérience idéologique ambivalente. C’est à dire qu’une expérience correspond “aux états mentaux qui, comme la sensation, semblent impliquer une relation immédiate de l'esprit avec un donné, et dont les contenus sont intrinsèquement subjectifs et qualitatifs.” On retient alors, que le jeu émotionnel, aléatoire et subjectif sont les supports de qualité d’une expérience. 22 L’expérience de consommation Kwortnik et Ross proposent une définition de l’expérience de consommation : “c’est une interaction entre un individu et un objet de consommation, qui est plaisante, créatrice de sens et mémorable”.23 C’est donc l’émotion positive dans une interaction entre la marque et le consommateur qui est ici mise en avant. Récemment, la définition va plus loin et est décrite comme une “l’acquisition, délibérée ou non, de la compréhension des êtres humains et des choses à travers leurs pratiques dans le monde réel, et donc sa contribution au développement des connaissances”. 24 L’expérience déjà vécue par l’individu entre en compte, dans l’expérience que ce dernier va vivre avec une marque. S’ajoute à cela la montée en puissance de la disponibilité de l’information dans notre société depuis notamment l’explosion d’internet dans la majorité des foyers. Cette information est alors la préface de la connaissance : celle d’univers, de société, de marché et de marque, entrant en phase d’avant achat. L’expérience de consommation est un vécu personnel et subjectif du consommateur, résultat de l’ensemble des interactions qu’un client peut avoir avec la marque ou l’entreprise. 24 W.BATAT, Marketing expérientiel, De Boeck Supérieur, 2021. 23 KWORTNIK, ROSS, The role of positive emotions in experiential decisions, International Journal of Research in Marketing, 2007. 22 J.DEWEY ,The Experimental Theory of Knowledge, Mind, New Series, vol. 15, n° 59, 1906, p. 293-307. 27
  • 29. Le marketing expérientiel Maintenant le concept d’expérience connu, nous nous attarderons sur le principe marketing. Hetzel définit cette stratégie comme une nouvelle “catégorie d’offres qui viennent s’ajouter aux marchandises, aux produits et aux services pour constituer une quatrième catégorie d’offres particulièrement adaptées aux besoins du consommateur postmoderne. Pour ce marketing, une vraie expérience doit être inoubliable sinon extraordinaire !" 25 Badot ajoute que ces chalands doivent être projetés “dans un imaginaire holiste, afin de modifier les états émotionnels de ces derniers, en vue de les placer dans un état de gratification hédoniste, pour améliorer les indicateurs marketing, commerciaux et financiers de l’offreur et de susciter une évangélisation du client/consommateur”. 26 Le but est la fidélisation client et non pas la satisfaction client lors de l’achat. Cette typologie marketing s’attarde sur les attentes des consommateurs en termes de valeur hédonique, ce qui fait écho à la notion philosophique du désir, et du consommateur, sujet, homme qui désire, en référence au rêve américain à travers une “vie intense”.27 « Le plaisir imaginé s’appelle désir »28 . Par cette citation, nous remarquons le mot “imaginé” qui fait appelle à l’imagination, définit comme la “faculté que possède l'esprit de se représenter des images ou d'évoquer les images d'objets déjà perçus, indépendamment de tout lien logique ”29 La lecture de cette dernière laisse transparaître une lecture idéaliste du réel, où la raison laisse place au plaisir. Cette transition est repérée notamment à travers la pyramide de Maslow30 , dans laquelle l’auteur théorise une hiérarchie des motivations de l’Homme, où se dernier grimpe les échelons, souhaitant obtenir, toujours plus que son besoin acquis. 30 A.MASLOW, A Theory of Human Motivation, 1943 29 Dictionnaires Le Robert 28 RICOEUR, Philosophie de la volonté : Le Volontaire et l'Involontaire, Collection Philosophie de l'Esprit, 1949 27 F. CASSANO, La pensée méridienne, Paris, éditions de l’Aube, 1998 26 O.BADOT, Perspectives culturelles de la consommation , Sciences humaines & sociales, 2011 25 P. HETZEL, Planète conso. Marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Organisation, 2002 28
  • 30. 31 31 Schéma tiré du Parcours du Loup Blanc, 2011, disponible : https://parcoursduloupblanc.com/et-si-on-repondait-a-nos-besoins-pyramide-de-maslow/ 29
  • 31. En partant de ce socle de connaissance du consommateur et de la conjoncture, le marketing expérientiel s’est intéressé à la phase d’achat, mais aussi à celles amont et aval, afin d’offrir une nouvelle offre commerciale, une “offre à vivre” orchestrée par l'entreprise à l'attention du consommateur, faisant l'objet d'un échange marchand ou non. Le marketing expérientiel propose en fait de faire de la consommation une suite d’immersions extraordinaires pour le consommateur32 . Il s'agit d'amener les consommateurs dans un processus inoubliable, en leur apportant de l'expérience, ou mieux encore, en les transformant par l'expérience.33 L'important ici est donnée au souvenir, au fait de ne pas oublier l’expérience. En effet, cette dernière sera extraordinaire à travers des décorations plus spectaculaires et étonnantes et des simulations proposées.34 Cela passe notamment par l’aménagement physique et spatial des lieux dédiés à l’expérience (lieu de vente, lieu de consommation, environnement) et grâce au marketing sensoriel35 (musique, senteurs d’ambiance, choix des couleurs, textures et reliefs).36 Cette stratégie opérationnelle passe alors par quatre éléments fondamentaux de l’expérience, le produit, le décor, l’histoire et les acteurs. Et ce, en trois temps : avant, pendant et après l’achat. Dans la continuité de ces acquis, nous distinguons le concept d’expérience produite et d’expérience vécue. Ce premier concept apparaît dans les années 1950 grâce aux écrits d’Abbott et d’Alderson, où leurs analyses se tournent vers l’appréhension de l’ensemble des produits, en tant que fournisseurs de services, qui génèrent des expériences. Pine et Gilmore appuient ces propos et développent une approche évolutionniste de l’économie. Ils considèrent que les matières 36 S. RIEUNIER, Le marketing sensoriel du point de vente, Paris, Dunod, 2002 35 Technique marketing qui sollicite un ou plusieurs des cinq sens du consommateur. 34 P. HETZEL., Planète conso : Marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Éditions d’Organisation, Paris, 2002. 33 A.F.FIRAT, N. DHOLAKIA., Consuming People : From Political Economy to Theaters of Consumption, Sage, London, 1998. 32 BHATTACHARJEE et MOGILNER, Happiness from Ordinary and Extraordinary Experiences, Journal of Consumer Research, 2014. 30
  • 32. premières ont été historiquement remplacées par des produits manufacturés ou transformées. Et que de cette même manière, les expériences vont succéder aux produits et aux services. Ils définissent alors l’expérience produite : “une expérience a lieu lorsqu’une entreprise utilise intentionnellement des services en tant que scène et des des marchandises en tant qu’accessoires, pour entraîner les clients individuels d’une manière qui crée un évènement mémorable”. Cette définition de l’expérience tournée vers l’entreprise, donc marketing, met en valeur la notion d’intention et de contrôle. L’entreprise est alors perçue comme le pilote et est supposée proposer des expériences marquantes et agréables pour être perçue comme mémorables par le consommateur. Le contexte expérientiel Le contexte expérientiel est la sphère sans frontières où se déroule une expérience. Il désigne les conditions d'occurrence d’une expérience. Ces conditions sont parfois élaborées faisant partie intégrante d’une stratégie marketing, aléatoires, voire accidentelles. Nous définissons également cette notion comme étant “un assemblage de stimulus (produits) et de stimuli (environnement, activités) propre à faire advenir une expérience”.37 Ce contexte va donc au-delà de la relation marchande et privée de la consommation. La relation entre l’expérience produite et vécue s'établit finalement par les trois éléments suivants : personne, objet, situation. Le contexte expérientiel correspond au duo objet-situation (de l’entreprise) tandis que l’expérience est composée des trois. Alors que le contexte expérientiel tient sa relation dans l’expérience produite à travers la marge de manœuvre de l’entreprise. Quand l’entreprise souhaite proposer des expériences, en réalité, elle n’organise que des contextes expérientiels qui tendent à immerger le consommateur.38 . Le consommateur reste producteur de son expérience, il est donc bien le protagoniste. “Contrairement à ce que les tenants de l’économie de l’expérience ont essayé de leur faire croire, les gestionnaires de marque ne peuvent pas créer et gérer l’expérience des 38 A.CARU, B. COVA., Approche empirique de l’immersion dans l’expérience de consommation : les opérations d’appropriation, Recherche et applications en marketing, vol. 18, n° 2, 2003, p. 47-65. 37 A.CARU, B. COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion, vol. no 162, no. 3, 2006, pp. 99-113. 31
  • 33. consommateurs, mais ils peuvent construire des contextes expérientiels de marque dans lesquels le consommateur pourra s’immerger pour avoir accès à une expérience de marque” 39 Patrick Bouchet ajoute à ces propos la spécificité de la distribution. Il observe que la gestion d’un espace de vente obéit à une logique tangible et fonctionnelle de l’échange marchand en suivant la logique hédoniste de la visite. L’articulation de ces éléments met bas à un contexte d’expériences “générateur à la fois de cadres spécifiques de participation et d’émission sensorielle pour les chalands”. 40 Ce même auteur définit alors “le cadre d’expérience comme l’ensemble des principes d’organisation qui donnent sens à une situation”. En comparaison avec la définition précédente de contexte expérientiel, cette logique est tournée uniquement vers l’entreprise. Les contextes expérientiels contrôlés par l’entreprise peuvent donc être la stratégie identitaire, le lieux de vente ou de consommation de services, l’ensemble des moyens de communication. Il conviendra de mettre en avant ses composantes de l’expérience produite dans une prochaine partie au sujet du processus de création. Pour contrôler ce processus d’accès à l’expérience de la marque Caru et Cova mettent en avant une carte mentale de 5 contextes expérientiels contrôlés par la marque : 41 41 A.CARU, B. COVA. Expériences de consommation et marketing expérientiel, Revue française de gestion, vol. no 162, no. 3, 2006, pp. 99-113 40 P. BOUCHET,. L'expérience au cœur de l'analyse des relations magasin-magasineur. Recherche et Applications en Marketing (French Edition), SAGE Publications, 2004 39 Ibid, p31. 32
  • 34. Schéma adapté de Carù et Cova (2003), ibid p32. L’entreprise produit donc un contexte expérientiel, soit selon la demande soit pour aller chercher une demande. Et le consommateur quant à lui interagit avec ce contexte pour former l’expérience. Kozinets nomme ce processus du consommateur « d’agence ludique ».42 Cette notion rend compte du fait que le consommateur renégocie en permanence son rapport à l’organisation et 42 R.V. KOZINETS.Can Consumers Escape the Market ? Emancipatory Illuminations from Burning Man, Journal of Consumer Research, vol. 29, 2004 33
  • 35. au cadre de participation qui lui est proposé. Cette idée confirme alors par ailleurs celle que le consommateur est acteur de l’expérience et son coproducteur. Pour conclure sur cette partie où nous avons étayer l’ensemble des notions, nous observons que l’expérience est toujours un concept polysémique, multiforme et multidimensionnel. Elle peut comprendre plusieurs dimensions à la fois cognitive, affective et conative. Par essence et au vu des données scientifiques récoltées, le concept d’expérience est un concept holistique. C’est à dire que pour qu’une expérience soit expérience, elle englobe un écosystème de domaine, que l’on retrouve dans les sujets d’études : en philosophie, en sociologie, en marketing, en anthropologie, et en termes de comportement du consommateur. 34
  • 36. b- La logique économique Précédemment, nous avons défini l’expérience produite par une entreprise, qui se révèle en réalité être un contrôle uniquement des contextes expérientiels. Nous nous questionnons alors sur l’intérêt économique pour une entreprise, de mettre en avant son produit ou son service au sein d’une expérience ? Que peut apporter l’expérience à la stratégie marketing d’une entreprise ? Les enjeux Dans un premier temps, l’expérience permet une amélioration fictive de la réalité. En effet, les entreprises spécialisées dans la production ou la commercialisation d’expériences, sont chargées de mettre en scène une hyperréalité de marque. 43 En ce sens, on peut parler de réenchantement, c'est-à-dire, d'injecter de la surprise et du merveilleux dans les contextes expérientiels et aboutit à l’élaboration d’environnement. 44 L’enjeu premier s’apparente donc à la thématisation du lieu de vente et de consommation. Le second enjeu pour l’entreprise est la différenciation. Filser met en avant une stratégie de différenciation par l’expérience. 45 La différenciation passe par l’offre d’un produit différencié à ses clients par rapport à la concurrence : délivrer plus de valeur au consommateur en transcendant en quelques sortes les attributs fonctionnels d’une offre commerciale pour la repenser sous l’angle de l’expérience (soit d’un vécu avec ses dimensions affectives et émotionnelles). Dans le domaine plus économique, Porter 1985, parle d’une résistance à la concurrence où l’entreprise développe un avantage concurrentiel* durable afin de défendre ou d’accroître des parts de marché. Ici, le but est de produire de l’expérience au quotidien en agissant sur la dimension expérientielle du produit ou services, en termes de positionnement. 45 M.FILSER.,Le marketing de la production d’expériences : statut théorique et implications managériales, Décisions Marketing, n° 28, octobre-décembre, 2002 44 M.WEBER. 1999, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), Paris, Plon. 43 J. BAUDRILLARD., L’illusion de la fin ou la grève des événements, Galilée, Paris, 1992. 35
  • 37. Cet enjeu met en exergue le travail expérientiel de l’entreprise dans le traitement des composantes du marketing mix. Le dernier enjeu est celui de la reconsidération de la relation client, comme on le connaît dans le marketing produit. On parlera désormais d’expérience client. Ce qui prend en compte “à la fois les avantages fonctionnels et émotionnels recherchés par le consommateur [...] et [...] le changement au niveau des pratiques des entreprises”. 46 Le concept d’expérience client considère la relation avec le client en amont, pendant et après la consommation. C’est donc une courbe qui se dessine et évolue tout le long d’une expérience et même au fil de toutes leurs expériences vécues. L’expérience client représente le parcours client47 , et la prise en compte des facteurs socioculturels. La stratégie de customer-centric créée un avantage concurrentiel durable et renforce le lien des consommateurs avec la marque. Batat affirme et soutient le “rôle fondamental de ces aspects pour les entreprises puisqu’ils créent un avantage compétitif durable basé sur l’effet de l’émotion et l’empathie reliant la marque à ses cibles”. Nous retiendrons la définition suivante en considération de l’expérience client : “L’expérience client est liée à une dimension “vécue” de l’expérience qui s’inscrit dans le contexte socioculturel dans lequel les consommateurs interagissent entre eux et avec d’autres agents sociaux, institutions, acteurs du marché, famille etc. qui constituent leur environnement immédiat. L’expérience client est donc un concept multidimensionnel, composite et évolutif. Il s’agit d’un assemblage harmonieux de plusieurs facteurs et acteurs qui ont un impact direct ou indirect sur la conception d’expériences réussies en lien ou non avec le marché. Le marketing expérientiel propose une expérience transformatrice où le consommateur s’engage dans un processus d’épanouissement personnel. L’impact de l’expérience vécue est global et génère un continuum dans le monde hyperréel par le biais des moyens numériques.” In fine l’expérience client est partie intégrante du concept d’expérience mais ne représente pas la globalité du terme. En effet, l'expérience et le marketing expérientiel est un écosystème 47 Le parcours client désigne l’ensemble, le continuum des points de contact permettant la conceptualisation de parcours du client avant, pendant et après l’achat, soit tout le long de sa relation avec la marque. 46 W. BATAT, Le marketing expérientiel, De Boeck, 2021 36
  • 38. holistique d’expérience qui prend en compte l’ensemble des parties prenantes et l’ensemble des temps, c'est-à-dire avant, pendant et après la consommation. Économie et business model En amont de l’expérience, c’est une économie de la fonctionnalité48 qui évolue. L’économie du service (son synonyme), apporte une réponse aux questionnements des consommateurs face aux menaces qui pèsent sur eux. C’est donc à ce moment que l’offre de service prend son sens (rémunération de l’usage). Le produit est ici plus durable grâce aux souvenirs et plus fidélisant si satisfaction il y a. L’économie de l’expérience révèle que tout est expérience : les courses, les vacances, le cinéma, une voiture etc. L'enjeu de cette théorie est donc de réussir à faire vivre une expérience aux consommateurs. 49 Le but étant que cette dernière soit mémorable, pour optimiser le facteur de différenciation, dans un contexte de banalisation de l’offre. On s’éloigne donc des caractéristiques du produit pour mieux se focaliser vers le sujet de l’expérience et sur la tranche de vie que constitue une expérience d’achat. Concrètement, nous pouvons donner l’exemple sur site de référencement de l’offre oenotouristique européenne, Winalist, qui ne propose pas simplement les visites, les dégustations ou les logements, mais des “expériences viticole”. 50 50 https://www.winalist.fr/ 49 PALM, GUILMORE, Customer experience places: The new offering frontier, Strategy and Leadership, August 2002 48 L’économie de la fonctionnalité peut se définir comme un système privilégiant l’usage plutôt que la vente d’un produit. Elle vise à développer des solutions intégrées de biens et services dans une perspective de développement durable. Ainsi, l’échange économique ne repose plus sur le transfert de propriété de biens, qui restent la propriété du producteur tout au long de son cycle de vie, mais sur le consentement des usagers à payer une valeur d’usage. Définition du Ministère de la Transition Écologique, disponible sur : https://www.ecologie.gouv.fr/leconomie-fonctionnalite 37
  • 39. La stratégie marketing de la marque parle de l’environnement de son offre, d’une manière positive, ne serait-ce qu’à travers la symbolique et la doxa de la notion d’expérience. Cela fait référence à l’environnement psychologique qui s'intéresse aussi bien aux effets des conditions environnementales sur les comportements, cognitions et émotions de l’individu qu’à la manière dont celui-ci perçoit ou agit sur l'environnement.51 C’est une nouvelle offre qui s’ajoute aux marchandises. Par ailleurs, si l’on reprend la logique du marketing expérientiel exposée précédemment, cette dernière considère l’expérience dépendante d’un marché. Hors la consommation, selon Edgell, l’expérience ne passe pas nécessairement par le marché (sphère marchande) selon le type de consommation : Ce tableau met par ailleurs en avant, la différence des contextes selon le statut du consommateur. Ce dernier voit donc son rôle économique évoluer vers un individu en quête d’expérience. 51 G.N.FISCHER. (1992). Psychologie sociale de l'environnement, Privat, Toulouse. 38
  • 40. Ce qui va à l’encontre de la logique de chaîne de valeur de Porter (voir ci-dessous le schéma tiré de son ouvrage)52 . Ces acquis et évolutions, nous permettent de mettre en valeur l’expérience dans la création de valeur économique (voir schéma ci-dessous). 53 53 PINE, GUILMORE, Welcome to the experience economy, Harvard Business Review , 1998 52 M.PORTER ,L'avantage concurrentiel, 1986, p52 39
  • 41. Ce schéma représente la transition du modèle traditionnel vers le modèle expérientiel et montre le passage vers un nouveau paradigme : « on ne vend plus de produit, on vend des expériences ». La proposition d’une expérience au consommateur devient le vecteur le plus riche de la recherche de différenciation du produit ou de la marque grâce à “des expériences singulières, mémorables et économiquement valorisées."54 c- Processus de création : thématisation globale du lieu de vente ou optimisation d’une composante du marketing mix Nous avons vu en quoi l’expérience était un avantage économique pour une entreprise, à et dans quelles conditions l’entreprise peut intervenir : le contexte expérientiel ? Désormais, nous nous demanderons comment concevoir une offre expérientiel ? Les ouvrages ouvrent les portes vers plusieurs manières de procéder vers une offre expérientielle. L’usage du marketing mix Dans un premier temps, le travail expérientiel autour des composants du marketing mix Ici, nous parlons de la combinaison des éléments autour du produit ou du service. Cela repose sur les 4P du marketing : point de vente, produit, prix, promotion.55 La place correspond à ou aux endroits où la marque rend son produit disponible. Le produit, que l’on décrit aujourd’hui comme proposition de valeur, désigne la combinaison des produits, des services et des autres créateurs de valeur qu’une entreprise propose à ses clients cibles. Le prix quant à lui correspond à la somme d’argent que les acheteurs doivent débourser pour obtenir le produit offert par une entreprise. La promotion regroupe l’ensemble des activités de communication marketing qui permettent à une entreprise d’assurer la mise en marché efficace et efficiente de son produit (la combinaison des produits, des services et des autres créateurs de valeur). 55 J. MCCARTHY, Basic Marketing. A Managerial Approach, Richard Irwin, 1960. 54 Ibid p38. 40
  • 42. Cet ensemble de composants doit être cohérent afin de positionner l’offre de la marque sur le marché : “un marketing opérationnel efficace coordonne tous les éléments du mix marketing afin d’atteindre les objectifs marketing en délivrant de la valeur aux consommateurs.” 56 Mais ces composants sont uniquement transactionnels et ne comprennent pas la dimension affective, que le client peut souhaiter entretenir avec la marque. En effet, pour une offre expérientiel, il s'agit de proposer une expérience globale, et donc d’y ajouter des éléments affectifs mais également d’autres composants pour uniformiser l’offre d’une vision plus holistique. Au fil du temps, ce ressenti de la limite est rapidement apparu, Philip Kotler suggère de se détacher des 4P. Alors sont apparus dans les années 1980, plusieurs nouveaux composants un P pour People (personnel en contact avec les clients et donc la relation directe avec les clients), un autre pour Processus (processus de la vente, de la première interaction jusqu’à la fin du service : c’est le principe de supply chain57 ) et un dernier pour Physical Evidence (preuves apportées aux clients pour les convaincre). Appelé les 7P, ce nouveau cumul a été introduit par en 1981 avec Booms et Bitner.58 Concernant la dernière variable, nous l’a relions à la notion de brands plants de Carù et Cova59 , illustrant en partie, la différenciation portant sur la mise en valeur des procédés de fabrication des produits. Cela permet d’étendre l’expérience du consommateur en amont de la consommation. La transparence est alors de mise. Finalement, nous observons un nouveau cumul pour arriver aux 10P à travers les écrits de S.Godin : Partenariat, Permission Marketing et la vache Pourpre. Le 8ème P illustre la politique de co-développement entre deux entreprises, deux marques complémentaires ou une co-création avec les consommateurs. Par ailleurs, la Permission marketing est défini comme étant “un nouveau type de marketing relationnel et de 59 Référence au schéma de la page 33 58 B.H BOOMS,, M.J. BITNER, Marketing Strategies and Organization Structures for Service Firms. Marketing of Services, American Marketing Association, Chicago,1981 57 La chaîne d’approvisionnement de création produit jusqu’au consommateur, selon Jay Wright Forrester en 1958. 56 ARMSTRONG, KOTLER, Principles of marketing, Brunel University, 2016, p. 51 41
  • 43. communication directe qui consiste à demander l'autorisation aux consommateurs et dont le contraire est représenté par le Spam.”60 . Le dernier P représente la création d’un produit vraiment remarquable pour susciter l'intérêt. Sachant que la remarquabilité61 procure aux consommateurs à l’achat, du capital social62 et l’approbation des autres (une des motivations humaines fondamentales).63 En parallèle, dans les années 1990, Robert Lauterborn établit un nouveau modèle, sur le même principe des 4P mais en considérant tout d’abord les 4C : consommateur, coût, commodité et communication afin de mieux comprendre le consommateur et son environnement pour déterminer plus précisément les 4P.64 La participation des consommateurs dans cette construction en fait des leads user. 65 Nous définissons ce terme par “des individus ou des organisations qui ressentent des besoins qui deviendront ceux d'un grand nombre de clients, et qui espèrent retirer un bénéfice particulier de la satisfaction de ces besoins.”66 Par ailleurs, nous tenons à mettre en exergue la variable de la communication. Le rôle de la communication dans la mise en place d’une stratégie expérientielle est de mettre en exergue l’ensemble des variables du marketing mix, à travers une stratégie identitaire et communicationnelle. Ce qui passe par le choix et l’usage de stimuli, pour faire vivre des expériences aux individus qui y sont exposés. En effet, l’ensemble des moyens de communication offre une vision et construisent des expériences fictionnelles 67 de la marque, à travers un discours publicitaire. L’entreprise 67 A. CARÙ et B. COVA, Expériences de marque : comment favoriser l’immersion du consommateur ?, Décisions marketing, 2006, p. 43-52. 66 Ibid. 65 E.FAUCHART, Eric A. von Hippel. L’innovation par les utilisateurs, Les Grands Auteurs en Management de l'innovation et de la créativité, 2016, p 323 à 344 64 R.LAUTERBORN, New Marketing Litany; Four P's passe; C-words take over, Advertising Age, October 1, 1990. 63 L.F.SELTZER, Paradoxical Strategies In Psychotherapy: A Comprehensive Overview And Guidebook, Wiley-Interscience, 1986 62 Le capital social est ici défini comme « l’ensemble des ressources réelles et potentielles liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées de connaissance et de reconnaissance mutuelles ». P.BOURDIEU, Le capital social, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1983 61 Le fait de se démarquer. 60 S.GODIN, Permission Marketing: Turning Strangers Into Friends And Friends Into Customers, 2007 42
  • 44. investit du budget et espère qu’elles entraîneront le consommateur vers une expérience de consommation réelle. Cette approche est alors totalement visionnaire à l’époque et s’accorde parfaitement à la vision expérientielle. L’ensemble de ces outils combine des variables sur lesquels l’entreprise peut optimiser son positionnement et valoriser une expérience globale autour d’un thème porteur, tout en prenant également en compte la variable du lieu et de son atmosphère dans lesquels se déroulent l’expérience. 68 La métaphore du spectacle est largement évoquée pour promouvoir cette combinaison, dans laquelle l’expérience s’apparente à une mise en scène d’un temps extraordinaire.69 Pour conclure, les entreprises doivent penser l’expérience client comme un concept multidimensionnel qui inclut les composantes cognitives, comportementales, émotionnelles, sensorielles, symboliques et sociales, qu’elle doit intégrer dans ses offres pour satisfaire le client. Le marketing expérientiel tend vers une expérience globale offerte par l’entreprise et façonnée par le consommateur, mais pas nécessairement. En effet, comme nous avons pu l’observer à travers les outils 10P et 4C, le recours à l’expérience peut être utilisé comme un outil de différenciation, notamment sur les variables du mix marketing.70 Pour illustrer nos propos, nous pouvons tout à fait reprendre l’exemple du lancement de “Soif de coeur” par Omnivins en 2007. Bien que désuet aujourd’hui et non plus existant, la marque bordelaise avait travaillé sur les variables produit, consommateur, et la permission marketing. En effet, cette dernière a développé une nouvelle gamme de vins, baptisée Soif de Cœur, couplée à un site de rencontres sur Internet avec l’objectif de “recruter des non-consommateurs”. 70 C. ROEDERER, Marketing et consommation expérientiels, Editions EMS, 2012 69 PINE, GUILMORE, Welcome to the experience economy, Harvard Business Review , 1998 68 P.KOTLER, Atmospherics as a marketing tool, 1973 43
  • 45. Partant du constat que 8 millions de français étaient célibataires, l’idée de Pierre-Jean Larraqué, le directeur commercial et marketing de l’époque, était de favoriser la rencontre de cette communauté à travers un “la convivialité d’un produit comme le vin”. Le nouveau produit couple donc un Merlot-Cabernet rouge, un Cabernet rosé et un sauvignon-sémillon blanc, doté d’un packaging bleu pour les hommes et rose pour les femmes, lié à travers son étiquette à un site de rencontre. La permission marketing se retrouve dans le fait que seul le consommateur est décisionnaire d’aller sur le site en question. La contre-étiquette donne toutes les informations pour se rendre sur le site de rencontres et offre un code d’accès. 71 Le produit est enrichi concrètement de la possibilité d’une expérience supplémentaire au-delà de l’expérience de consommation du vin à proprement parler. La thématisation de l’offre La théâtralisation et de la thématisation de l’environnement s’inscrit dans le champ des recherches sur l’atmosphère du lieu et de son environnement, auxquels s'ajoutent les travaux précédemment, pour justement tendre vers une expérience globale. 72 Cela passe par l’union des différents éléments fournis par l’entreprise et son environnement, autour d’une histoire commune et cohérente. Le storytelling73 trouve alors son lieu pour s’épanouir et la narration devient une valorisation des acquis expérientiels. Le travail autour des savoirs expérientiels à travers celui de la thématisation se concrétise pour le sujet par l'émergence de nouveaux objets : les savoirs expérientiels. La notion est définie par le fait que “les adultes se forment aussi en dehors de lieux et de systèmes de formation institués, en vivant des expériences. [Ainsi, elle] est le produit d'expériences qui n'ont pas comme finalité première la formation.”.74 74 G. BONVALOT, Eléments d’une définition de la formation expérientielle, , in La formation expérientielle des adultes, La Documentation française, Paris,1991, pp. 317-325. 73 Méthode de communication fondée sur une structure narrative du discours qui s'apparente à celle des contes et des récits 72 P.KOTLER, Atmospherics as a marketing tool, 1973 71 Bordeaux : Soif de Coeur veut favoriser les rencontres sur le net, Vitisphère, 2007. Disponible sur : https://www.vitisphere.com/actualite-52865-bordeaux-soif-de-coeur-veut-favoriser-les-rencontres-sur-le-net. 44
  • 46. L’expérience à travers la thématisation du storytelling de la marque, favorise donc une transmission formatrice où le consommateur en retire une véritable expérience. Cela s’ajoute aux souvenirs associés aux expériences vécues ( d’impressions, des perceptions, d’inférences…). En ce sens, la thématisation peut être comprise comme un “processus, par lequel les acquis décrits et narrés dans les récits adviennent au sujet en tant qu’objets de pensée.”75 Ce courant de la thématique prend donc en compte la manière dont le moment est vécu et considéré par le sujet, ainsi que l’ensemble des actions du consommateur qui en découle. Dans l’univers viticole, nous pouvons prendre l’exemple de la Cité du Vin à Bordeaux et son concept store. La Cité du Vin, est un musée autour du vin, à travers une architecture spectaculaire, situé dans le quartier de Bacalan, se promeut centre culturel et touristique du vin, un site de loisir culturel proposant une thématisation par définition (par essence, un musée est un lieu d’apprentissage). L’architecture : Si l’on reprend la description donnée par les architectes de l’agence XTU architects, Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, c’est un bâtiment rempli de symboles identitaires : le cep noueux de la vigne76 , vin qui tourne dans le verre, remous de la Garonne. Chaque détail de l’architecture évoque l’âme du vin et l’élément liquide : « une rondeur sans couture, immatérielle et sensuelle » (agence XTU architects). Sa façade est, par ailleurs, constituée de panneaux de verre sérigraphié et de panneaux d’aluminium laqué irisé perforés. Des matériaux à travers lesquels, la métaphore de la robe du vin apparaît et change en fonction des heures et du soleil. Cette architecture s’imbrique d’ailleurs parfaitement dans son environnement bordelais, entre façade dorée du quartier Bacalan et fleuve, non loin des premiers vignobles. L’environnement : 76 Dans le domaine viticole, un cep désigne le tronc et les branchages d'un pied de vigne, de forme tortueuse. 75 H.BRETON, Les savoirs narratifs en contexte de validation des acquis de l’expérience : perspectives épistémologiques.Chroniques sociales, Lyon, 2019 45
  • 47. L’environnement du musée est encadré par la ville de Bordeaux et le département de la Gironde, grâce à la création de la marque Bordeaux Wine Trip. C’est une véritable porte ouverte du musée vers les vignobles régionaux afin de visiter des châteaux, faire des visites guidées, ou encore des croisières oenologiques sur les berges de la Garonne. Par ailleurs l’accès est possible en transport en commun, en mobilité réduite, en bâteau ou véhicule à moteur avec 3 parkings disponibles à proximité. L’offre expérientielle : Le musée offre une expérience sensorielle forte, à travers le cinéma, les jeux de lumières et de sons, l’architecture intérieure, diffusion d’odeurs, les dégustations visuelles, olfactives et gustatives, l’intervention un compagnon de visite (premier acteur du storytelling voulu), l’usage des technologies numériques (images 3D, décors numériques)... faisant appel à des technologies numériques et interactives (images 3D, décors, diffusion d’odeurs…) et à l’intervention d’un médiateur novateur : le compagnon de visite, sans oublier l’offre événementielle qui en découle (afterwork, ateliers, conférences, vernissages, concerts etc) et de services (restaurant étoilé, brasserie, cave à vin, concept store etc.). Bref la scénographie et le “pouvoir tester” est permanent dans le parcours de visite. L’ambition des scénographes de l’agence anglaise Casson Mann, Dinah Casson et Roger Mann est d’ailleurs claire :”toujours de rendre une visite la plus agréable possible, d’en faire un véritable moment de découverte et d’expérience. Plus l’installation est claire, informative et intuitive, plus elle restera mémorable, tout en laissant un principe de personnalisation ; selon la sensibilité du visiteur, son goût, ses attirances. Chacun perçoit les univers et les imaginaires du vin. »77 77 La scénographie du Parcours permanent. Un parcours ludique, spectaculaire et sensoriel, technologique et innovant, La cité du vin. Disponible sur : https://www.laciteduvin.com/fr/architecture/scenographie 46
  • 48. 47
  • 49. Pine et Gilmore78 propose 4 autres facteurs principaux que les entreprises sont invitées à prendre en compte dans l’offre d’un produit expérientiel, en dehors de la thématisation de l’offre, qui s’y greffe, que l’on peut d’ailleurs retrouver dans l’exemple ci-dessus : ● L’harmonisation des impressions des consommateurs avec des indices positifs : la production des impressions indélébiles que les consommateurs peuvent emporter avec eux : quelles expériences pour que l’entreprise sache ce que le consommateur emportera dans son souvenir ? ● Élimination des indices négatifs: l'amélioration continue de qualité de l’expérience ● Le mix des souvenirs : la proposition d’articles/produits que les consommateurs achètent ou non comme un goodies (rappel / stimulateur de l’expérience vécue). ● L’engagement des 5 sens : rendre l’expérience encore davantage mémorable par la stimulation des sens pour optimiser la mémorisation. Des facteurs qui se complètent par la Roue Expérientiel d’Hetzel79 : La surprise s'épanouit dans la proposition de l’insolite : création d’une rupture avec son environnement quotidien. 79 HETZEL, Marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation, Éditions Organisations, 2002 78 PINE II, GILMORE, The Experience Economy, Harvard Business School Press, Boston,1999, 254 p. 48
  • 50. Proposer de l’extraordinaire, c’est obtenir l'effet “whaou” à travers du gigantisme, du spectaculaire, du féérisme. Quant à la stimulation des 5 sens, cela passe une véritable expérience sensorielle. La création du lien passe par la mise en place d’une relation de proximité, personnelle et forte entre la marque et le consommateur. Pour finir, l’usage de la marque au service de l’expérience propose de mettre en avant des symboles qui reflètent l’enseigne, de se servir de ce à quoi renvoie la marque, en cohérence avec ses valeurs. Ainsi une entreprise peut travailler le marketing expérientiel et son offre expérientielle, à travers l’ensemble de ces outils, que ce soit du marketing mix, des outils théoriques annexes ou la globalisation par la thématisation du lieu et de son environnement. Les leviers d'action sont fonctionnelle relationnelle et également symbolique. Les responsables marketing doivent d’ailleurs s’intéresser “ à plus que les faits relativement superficiels dont ils se préoccupent habituellement lorsqu’ils considèrent pas que leurs produits ont une signification symbolique”. 80 80 S.J. LEVY, Symbols for sale, Harvard Business Review, 1959 49
  • 51. B- Le renouvellement du marketing mix et des statuts Précédemment, nous avons pu observer une partie de la notion holistique de l’expérience, du marketing expérientiel et l’ensemble des outils opérationnels qui pouvaient guidé une marque à tend vers une offre expérientiel dont le but est de se différencier de la concurrence et de fidéliser sa clientèle. Nous avons également sous entendu l’évolution constante du marketing mix à travers les années, mais aussi des statuts pour lesquels la période cognitiviste à laisser place à un nouveau rôle des consommateurs dans le marketing expérientiel, dans une nouvelle échelle de temporalité. Ici, nous verrons comment, aujourd’hui, le marketing mix a évolué à travers le socle théorique déjà existant, en faveur d’une expérience toujours plus solide. Dans un second temps, nous observerons l’évolution des statuts du consommateur à l’entreprise. Puis nous mettrons en exergue le parcours client expérientiel, prenant en compte une nouvelle temporalité, avant, pendant et après l’achat d’un produit ou service. a- Les 7E : le marketing mix expérientiel Récemment, Wided Batat, fondatrice du marketing expérientiel moderne, à suggérer un switch du modèle des 7P vers les 7E : un nouveau marketing expérientiel. L’expérience Créer des expériences plutôt que des produits, voici le mot d’ordre de cette variable : considérer une nouvelle catégorie d’offre par l’expérience. Cette dernière pourrait remplacer le P de “produit”. L’optimisation de l’expérience passe alors par la Matrice du Territoire Expérientiel (MTE). 50
  • 52. Cet outil permet de définir des priorités et de décider d’investir sur une composante stratégique en faveur de l’amélioration de la qualité de l’expérience client, de l’évolution de l’offre et de nouvelles expériences. Et ce, à travers l’introduction de quatres expériences clients selon deux approches opposées : de l'absorption à l’immersion et de la participation passive à active. Dans cette matrice, contrairement aux marketing mix précédents (en dehors des 4C), nous avons intégré les deux perspectives, client et entreprise. L’enchantement en est la notion principale, puisque la satisfaction client ne suffit plus pour fidéliser, ils ont besoin d’être enchantés. Les écrits autour du marketing expérientiel évoquent constamment le terme de réenchantement. Cela suggère alors, la notion de désenchantement, que Weber définit comme « un processus historique de disparition de l’élément magique dans les sociétés modernes ».81 81 M.WEBER Sociologie des religions, Raison présente, 1997 51
  • 53. La notion de réenchantement correspond au “phénomène de retour à l’irrationnel, au mystique et au magique dans les sociétés occidentales”. Cette forme de retour à l’irrationnel, à la pensée magique primitive, est interprété par Ritzer82 comme une forme de refus du monde moderne trop rationalisé ne laissant pas la place au merveilleux. Cela passe notamment par le réenchantement des lieux de consommation / distribution, ce que Ritzer appelle les « cathédrales de la consommation » (2005). Cependant, ce cycle enchantement, désenchantement, réenchantement représente bien le cycle du marché. La consommation désenchantée enraye la demande et est donc moteur de croissance économique, relancée par le réenchantement de la consommation. Le concept de désenchantement s'épanouit alors dans la critique de la société : “les sociétés peuvent être décrites comme des mondes désenchantés dans la mesure où elles sont caractérisées comme ayant un espace limité et périphérique pour l’enchantement, tel que la magie, la religion, le mysticisme et le merveilleux”. 83 L’échange Ce “E”, fait référence à la co-création et au marketing collaboratif. Par ces termes, nous entendons l’implication du client, à travers ses connaissances et sa créativité, dans la participation d’une offre entreprise ou de son amélioration. L’enjeu managérial est de savoir à quel stade impliquer le client et avec quel intérêt. Cette variable remplace la variable du prix. En effet, l'échange est une valeur qui va au-delà de la notion de prix. Il s’agit alors d’une expérience dite co-driven84 au cours de laquelle l’entreprise fournit une plateforme, support de l’interaction avec le consommateur et à partir de laquelle il va pouvoir co-créer son expérience. La notion de co-création en marketing date des années 2000 et est définie comme une “initiative conjointe par laquelle les fournisseurs (entreprises) et les bénéficiaires 84 A. CARÙ et B. COVA, Expériences de marque : comment favoriser l’immersion du consommateur ?, Décisions marketing, 2006, p. 43-52. 83 OSTERGAARD, FITCHETT, JANTZEN, A critique of the ontology of consumer enchantment, Journal of Consumer Behaviour, 2013, p337-344 82 RITZER, Explorations in the Sociology of Consumption, Journal of Consumer Policy, 2002 52
  • 54. (consommateurs) créent de la valeur commune”85 . C’est un principe donc, de réciprocité qui se met en place, en faveur d’un partage des ressources diverses. Cela est aujourd’hui rendu possible notamment grâce à la démocratisation des technologies et donc de l’information : le pouvoir informationnel de l’entreprise se retrouve à la même hauteur sur la balance que les consommateurs. 86 Dans le contexte du vin, Hollebeek et Brodie, soulignent que “la co- création de valeur réside en un aller-retour interactif, expérientiel par nature entre un ou plusieurs agents, qu’ils s’agissent d’interactions physiques ou en ligne, ainsi un client ajoute une valeur perçue supplémentaire à l’offre physique du produit. L’interactivité et la co-création de valeur varient selon les consommateurs et/ou les segments de consommateurs”.87 En ce sens, voici un exemple : De novembre 2009 à juin 2012, un vigneron du Gard a réalisé une expérience de co-création. En effet, les consommateurs étaient invités à suivre toutes les étapes de la réalisation d’un vin en exprimant leurs avis sur les cépages à assembler, la méthode d’élevage du vin, le nom du vin et son packaging via un blog créé par le vigneron. L’objectif ici était de mieux comprendre les attentes du marché et de développer des liens avec des consommateurs en mobilisant peu de ressources, grâce à un financement collectif. L’expérience s’est alors déroulée en 4 phases : Dans un premier temps, la validation de la participation des volontaires et l’envoi des premiers échantillons afin d’avoir les premiers retours. Des retours différents, répartis en deux catégories de volontaires : les amateurs débutants avec un faible niveau d’expertise et les amateurs experts et professionnels avec un niveau d’expertise élevé. 87 S. HOLLEBEEK, R.J. BRODIE, Wine service marketing, value co-creation and involvement: Research issues, International Journal of Wine Business Research, 2009, 339-353. 86 ETGAR, A descriptive model of the consumer co-production process, Journal of the Academy of Marketing Science, 2007 85 C.K. PRAHALAD, V. RAMASWAMY, The future of competition : co-creating unique value with customers , Harvard Business School, Boston, 2004 53
  • 55. La deuxième phase consiste à réaliser des assemblages en mélangeant des échantillons, a permis d’exprimer son avis sur la composition du vin idéal selon les perceptions gustatives de chacun. Plusieurs ressources selon leurs compétences ont alors été mises en avant : famille, amis ou encore connaissances viticoles. Cette phase d’appropriation du produit a laissé place à la créativité, entre proposition de nom de cuvée et rédaction d’article de blog. Dans un troisième temps, l’expérience s’est approchée du packaging de la bouteille et son nom. En dehors du nom, trouvé par un des participants blogueurs et validé par le reste du collectif, les ressources en création graphique ont été très vite limitées. Le vigneron a donc fait une proposition d’étiquette en rapport avec sa charte graphique, ce qui a été très bien reçu de la part des participants :”J’aime bien le format actuel des étiquettes du Mazet, ce serait dommage d’en changer et de ne pas garder l’identité du domaine.” (O.). La quatrième étape était l’heure du choix entre deux vins qui se sont dégagés de la première étape. Il s’agissait alors de se projeter, gustativement sur un vin, pour le commercialiser. Les participants ont communiqué sur leur sentiment de responsabilité quant aux choix. Par ailleurs, s’en est dégagée une communauté, autour du blog de O. Le producteur a donc souhaité réunir les participants lors d’une rencontre physique à l’occasion des vendanges afin de souligner l’aboutissement de l’expérience. Ce dernier souligne alors une réussite et un fort engouement : « C’était l’aboutissement de pouvoir le faire et de le faire là-bas. Je trouvais sympa de le déguster là-bas. Je ne dirais pas que c’était émouvant parce ce que cela reste un vin mais c’était quand même une émotion de voir cette belle étiquette avec son nom dessus. » (O.) La réussite de cette co-création est dans la création de valeur et d’échange entre le producteur et le consommateur : des valeurs liées à l’expression de soi, à la pratique sociale, des valeurs éthiques et hédoniques, sans oublier les valeurs cognitives. 54
  • 56. Extension Le troisième “E” fait référence au continuum expérientiel et expériences intra et extra domestiques. Dans la phase de perception et d’évaluation (en référence au parcours client expérientiel page 66), l’entreprise doit faire évoluer sa vision du lieu de vente et de consommation (“place”), au-delà du lieu, vers une considération plus étendue de l’expérience client. Le continuum expérientiel fait référence au fait que :”les êtres humains visent un développement physique, cognitif, comportemental et émotionnel optimal, ce qui nécessite un processus évolutif à long terme, de l’enfance à l’âge adulte, basé sur un continuum d’expériences vécues”. 88 Cet acquis compris, pouvons- nous comprendre que l’expérience client, sur ce même principe est un continuum qui va du physique au numérique, des expériences intérieures aux expériences extérieures ? Si il y a discontinuité entre ces activités, alors l’expérience client sera rompu et le consommateur ne vivra pas l’expérience qu’il attendait. Dewey avait développé, en philosophie, en ce sens, la théorie du continuum par laquelle chaque expérience inclut des aspects des expériences qui se sont produites dans le passé et ajuste d’une certaine manière la valeur et la qualité des expériences qui se produisent à l’avenir. C’est “l’apprentissage par l’action”. 89 Par conséquent, la notion d’extension insinue que l’entreprise doit fournir à sa clientèle des expériences de consommation de qualité, faisant appel à tous les sens et dans différentes sphères, qui auront pour effet de faire évoluer leur apprentissage et leur potentiel créatif dans leurs expériences futures. Concrètement, pour illustrer cette notion, nous pouvons prendre l’exemple du touriste-buveur. 89 J.DEWEY, Experience and education, Collier-MacMillan, Toronto, 1938 88 J. LIEDLOFF, The continuum concept, Duckworth, Londres, 1975 55
  • 57. En buvant le vin d’une destination, le consommateur rencontre une culture, qu’il intègre physiquement et symboliquement dans ses expériences viticoles. Le continuum de l’expérience viticole comprend alors 3 étapes : La première consiste à la préparation du voyage à travers les supports de communication notamment (site internet, plaquettes, guides…). Cela marque le début de l’expérience et participe à l’imagination de cette dernière. La deuxième étape, quant à elle, marque l’intégration du lieu, de ces activités à travers l’expérience vécue : prise en compte des éléments physiques (le vin, les grappes, la vigne etc) et des éléments symboliques (hédonisme, valeurs sociales, savoir-faire etc). Le consommateur apprend à boire le vin d’autrui comme lui. Puis, dernièrement intervient la mémoire de l’expérience vécue, grâce à quoi, le consommateur va rester en contact avec la destination, encore dans la vie quotidienne, encore plus si ce dernier rapporte de là bas, du vin et prolonge le voyage au-delà des vacances, vers de nouvelles habitudes. Cette pratique amplifie en outre la transmission entre les individus. L’emphase En remplacement de la promotion et donc de la communication traditionnelle dans le marketing mix, nous proposons l’approche holistique : humaniser une marque à travers sa personnalité et ainsi créer une relation forte avec ses clients (et se différencier par essence de la concurrence). Cela passe, d’une part à travers la création d’une culture de marque et d'autre part grâce au storytelling. Une logique centrée sur la personnalité, le mythe et les valeurs. Ces deux stratégies de communication incluent les significations façonnées par le contexte culturel particulier et les significations que la marque partage avec ses clients. Dans les années 1990, certains affirmaient déjà que les marques étaient considérées comme un langage symbolique permettant aux consommateurs de communiquer entre eux leurs valeurs.90 90 WERNERFELT, Advertising content when brand choice is a signal, The Journal of Business, 1990, p 91-98 56
  • 58. Par cette même approche, le marché ne serait pas segmenté par des critères sociodémographiques mais par des tensions culturelles : c’est l’observation des cultures de consommation qui identifie les mythes d’une marque.91 Cette dernière doit alors reconstituer les tensions et les désirs des individus sur un thème pour imposer son storytelling. On observe donc une transition stratégique du brand content92 vers du brand culture93 , due à un contexte médiatique (infobésité94 croissante par rapport aux publicités), un contexte socio-économique (sensibilité aux questions sociales et écologiques), un contexte historique (émergence de l’alter-modernité : le message d’une marque n’intéresse plus quand elle est centrée sur elle même, mais intéresse lorsqu’elle se considère comme un service ou un contenu au service du consommateur). En complément, le storytelling influence particulièrement le client à travers ses sentiments grâce à l’usage des socles historiques connus et les associations symboliques qui en découlent. Les leviers en faveur de l’achat du consommateur passent alors par les émotions, le divertissement des anecdotes, la sincérité du message et les souvenirs déclenchés. Nous prendrons ici l’exemple de la marque de champagne Dom Pérignon de l’entreprise Moët-et-Chandon, pour illustrer l’emphase. La marque datant de 1936 s’est appropriée l’histoire du moine bénédictin Pierre Pérignon (1638-1715), cellérier 94 Excès d'information propre à l'ère du numérique. 93 “Système historique, un imaginaire collectif construit sur l’idéologie, les mythes, les rites, les normes et les croyances d’une marque et souvent inspiré par la culture de l’organisation qui détient la marque”. Ibid. 92 “Contenu informationnel et éditorial créé par une marque en injectant des éléments symboliques, culturels, historiques et artistiques qui représentent la base de la création de contenu unique,sous forme de courts métrages, de documentaires, de livres et de divers éléments visuels et textuels”. Définition donnée par W.BATAT, Le marketing expérientiel, 2021. 91 D. HOLT, Why do brands cause trouble ? A dialectical theory of consumer culture and branding, Journal of Consumer Research, 2002, p 70-90 57
  • 59. de l’abbaye Saint Pierre d'Hautvillers, pour faire revivre la légende. La doxa raconte qu’en 1655, le moine transforma par erreur, un vin de paille en vin effervescent : le champagne.95 Ce vin, par la suite, fut réputé pour embellir les femmes à la cour de Versailles. Une histoire qui raconte même que la forme de la coupe à champagne fut copiée sur la forme du sein de Madame de Pompadour.96 L’empathie Cette capacité de l’individu à adopter le point de vue des autres, à comprendre leur raisonnement et leur état émotionnel sert le marketing expérientiel à se mettre à la place du client. La valeur empathique tend à remplacer la variable “personnes”. L’enjeu ici est d'utiliser ce trait de caractère pour concevoir des expériences émotionnelles et adaptées à leurs clients. Ces derniers sont en contact avec les employés de la marque, et l’empathie doit transparaître dans les échanges, afin de répondre efficacement aux besoins fonctionnels et émotionnels des clients. En effet, nous suggérons ici que les employés d’une entreprise doivent avoir la capacité de se mettre à la place de leurs clients, dans le but de comprendre ses sentiments ou d’imaginer ses représentations émotionnelles et psychologiques.97 L’empathie serait donc ici synonyme d’altruisme, de compassion ou encore d’identification. L’entreprise peut utiliser la carte de l’empathie théorisée en 1993 par David Gray, pour acquérir leurs compétences en la matière et mieux comprendre leurs clients, en se mettant à leur place : 97 R.R. GREENSON, Empathy and its vicissitudes, The international Journal of Psychoanalysis, 1960 96 Maîtresse-en-titre du roi Louis XV 95 L.LE ROY, Vin et luxe : le storytelling, Mémoires de Vins, 2016 58
  • 60. L’émotion Une émotion transmise par une marque est un facteur de réussite dans une stratégie expérientielle. C’est pourquoi avoir une approche vers l’engagement émotionnel des clients est nécessaire, notamment à travers les touchpoints émotionnels. L’idée ici est de remplacer la variable “physique” et de se concentrer davantage sur les émotions souhaitées pour définir le point de contact et non l’inverse. Les touchpoints émotionnels se concentrent sur l’impact émotionnel des moments où les clients interagissent avec différents services et personnes. Ce processus favorise donc la création des souvenirs par la suite, et donc un avantage concurrentiel durable. Nous reviendrons sur le fonctionnement de ces émotions au service de l’expérience dans une partie à venir. 59
  • 61. L’émique ou l’étique Ce huitième E représente la perspective étique ou émique. Ces notions proviennent du domaine de l’anthropologie culturelle98 et représente l’univers linguistique entre phonémique99 et phonétique100 . En ce sens, l’approche étique examine le comportement comme étant extérieur à un système particulier, tandis que la logique émique résulte du comportement comme étant intérieur au système. Pour nous guider, Batat réalise un tableau comparatif des deux notions :”Émique versus Étique”101 ÉMIQUE ÉTIQUE Examiner une seule culture ou sous-culture de consommation. Examiner plusieurs cultures de consommation et les comparer. Signification cachée des pratiques de consommation révélée par l’observateur. Signification de la consommation créée par l’observateur. Les critères sont considérés comme valables à l’intérieur du système. Les critères sont considérés comme universels. Ainsi, la mise en œuvre d’un processus émique dans la conception de l’expérience client consiste à s’installer dans le contexte de consommation par l’immersion, la socialisation de ce contexte et sa familiarisation. Nous pouvons comparer ce travail avec celui d’un anthropologue : l’analyse du système culturel, du point de vue de sa communauté, propre à eux. La perspective étique quant à elle s’oppose à cela, puisqu’elle interprète et comprend les éléments extérieurs d’une culture de consommation. L’approche expérientielle de l’entreprise répond alors aux attentes, et est considérée comme utile puisqu'elle est axée sur les perceptions interculturelles du consommateur. 101 W.BATAT, Le marketing expérientiel, 2021, p 232-233 100 Étude des sons utilisés dans le langage humain, indépendamment de leur sens. 99 Étude du son pour ses fonctions significatives dans une certaine langue et le sens des mots. 98 K. PIKE, Language in Relation to a Unified Theory of Human Behaviour. The Hague, Mouton, 1954 60
  • 62. Bien que différentes, nous considérons ici les deux notions indissociables pour optimiser le parcours expérientiel. Concrètement, Wided Batat met en parallèle ces deux notions à travers une cartographie culturelle du parcours client expérientiel.102 102 W.BATAT, Marketing expérientiel, 2021, p 236 61
  • 63. b- Le consommacteur, force de proposition, l’entreprise à l’écoute Levy affirme que le produit trouve sa signification dans la société notamment à travers l’avis d’autrui et la capacité des marques à communiquer des significations culturelles. Par ailleurs, il définit la perspective de l’identité du consommateur telle que l’utilisation du contenu symbolique des marques pour exprimer, créer ou préserver son identité. 103 Par exemple, une bouteille Chateau Cheval Blanc de 2010, Saint Emilion Grand cru (1er grand cru classe)104 . Ce n'est pas seulement un objet tangible défini par son design, sa couleur, son odeur ou son goût. Elle symbolise une classe sociale, une certaine connaissance, un moment phare de partage et de reconnaissance. Dans cette quête de sens face à autrui, le consommateur offre l’opportunité à l’entreprise de développer son offre expérientielle à travers la valeur symbolique donnée à son produit ou ses services. Nous observons alors deux logiques : ● Celle de la marque qui bien souvent cherche à susciter, contrôler et rentabiliser les émotions. ● Celle de l’individu qui va d’une expérience à une autre pour mieux s’affirmer et qui n’hésite pas à partager ses expériences avec d’autres. Le schéma ci-dessous représente d’ailleurs la logique expérientielle centrée sur le consommateur, le “consomm-acteur”, c'est-à-dire que la marque prend en compte le client final comme point de départ de sa future offre. 104 Description de vente : Doit-on encore présenter Château Cheval Blanc ? Ce fameux cru, le plus célèbre des Saint-Emilion Grand Cru, et l’un des vins français les plus réputés au monde, s’est construit une réputation sans faille depuis la seconde moitié du XXème siècle grâce à sa régularité exemplaire. Le Château signe un millésime 2010 légendaire et inoubliable au potentiel de garde considérable.. Avec une parfaite combinaison entre fraîcheur, concentration et finesse, ce vin est tout simplement extraordinaire! 103 S.J. LEVY., Symbols for sale, , Harvard Business Review, 1959, p. 117-124. 62
  • 64. Schéma adapté de W.BATAT, Le marketing expérientiel. Figure 2.1 : Consumer/customer centric vs good dominant. Sur la première figure du “good-dominant”, la chaîne de valeur de Porter ressort : l’entreprise transforme des “matières premières” en “produits finis ou en services” puis les livre au client final avec un service après-vente. Ce courant marketing et commercial de Porter ne considère pas le consommateur dans la prise de décision stratégique et promeut la mainmise de l’entreprise sur ce dernier. La deuxième figure s’oppose complètement à cette logique et place le consommateur aux centres des décisions produits de l’entreprise, qui façonne ce dernier en fonction des besoins, des attentes et des objectifs de vie de la cible. Observons désormais le statut du consommateur dans cette optique. 63
  • 65. Le consommateur et l’entreprise Consommateur est un être émotionnel à la recherche d'expériences sensibles105 . Ce n'est plus un acteur passif à réaction mais un producteur de ses propres expériences. Ce nouveau statut est apparu à l’aube de la société postmoderne et à l’ère du digital. Auparavant, l’acte était compréhensible et conventionnel. Aujourd’hui, l’hédonisme est de mise. Le consommateur désire quelque chose de différent en matière d’expériences agréables. La libération des informations auprès du grand public, rend la consommation singulière et chargée de signification partagée au sein d’une même culture / communauté. Ce comportement floute alors la visibilité des marketers sur leur cible. Il devient de plus en plus difficile de les appréhender, notamment en termes de compréhension des motivations, comportements et des attitudes. Malgré les nouvelles technologies, ces données qualitatives sont difficiles à percevoir à travers les chiffres. Le consommateur lui-même, évolue dans une société de “doute, d'ambiguïté, et d’incertitude”. 106 Par ailleurs, nous sommes dans une société où les individus la composant, cherchent à recréer du lien social, du contact humain et de la proximité affective. Nous ne nous étendrons pas ici sur le sujet du marketing tribalisme, mais l’idée qu’on en retire est que les communautés sont assez puissantes, pour que les marques adaptent leur stratégie marketing autour d’eux et leurs attentes. 107 Firat et Venkatesh énumèrent cinq conditions de la consommation postmoderne108 : l’hyperréalité, la fragmentation, la réversibilité de la consommation et de la production, le décentrage du sujet et la juxtaposition des contraires. 108 A.F.FIRAT, A.VENTAKESH., Liberatory postmodernism and the reenchantment of consumption, Journal of Consumer Research,1995 107 B.COVA, M. RONCAGLIO, Repérer et soutenir des tribus de consommateurs . Décisions Marketing No. 16, 1999. 106 THOMAS, Anthropologie de l'ailleurs, Homme, 1997 105 M.MAFFESOLI, Au creux des apparences. Pour une éthique de l'esthétique, L’Homme et la société, Paris, Plon, 1990 64
  • 66. La première condition permet « de transformer en réalité ce qui n’était au départ que simulation ». Baudrillard va jusqu’à soutenir qu’aujourd’hui la réalité aurait disparu et que « tout ne serait qu’image, illusion et simulation »109 . À côté, nous observons la fragmentation des rôles d’un individu. En effet, la société l’encourage à changer d’image en permanence et doit donc sans cesse s’adapter, à travers des instants de consommation offrant une image différente d’eux-mêmes, d’où les attentes spécifiques. La réversibilité de la consommation et de la production donne une vision temporelle de consommation beaucoup plus réduite dans le temps. La valeur du produit perçue par le consommateur trouve désormais son origine dans le sens donné au produit et non pas dans l’échange en tant que tel. 110 C’est pourquoi nous justifions du nouveau statut de consomm-acteur, puisque ce dernier façonne et produit son expérience de consommation de manière singulière. Le décentrage du sujet, donc du consommateur, considère « un perpétuel principe d’inquiétude, de mise en question »111 producteur de décentrement, ce qui modifie le rapport de l’individu aux objets consommés et se confond. Puis, la juxtaposition des contraires intervient dans la société post-moderne, et induit l’individu à être contradictoire avec lui-même dans sa consommation. La contradiction de “seul et ensemble” est la plus représentative. Nous pouvons être isolé dans un appartement clos et ensemble à travers une vidéo conférence, grâce au digital. À travers l’ensemble de ces changements dû à l’arrivée de la société post-moderne et de ce qui en découle, l’individu n’est plus le reflèt d’une masse, mais d’un individu unique, avec de nouvelles attentes, notamment au sujet de son positionnement dans l’offre produit/service. Au regard de la position du consommateur et de l’environnement sociétal d’une entreprise, cette dernière doit intégrer et accompagner ses clients dans la production et la réalisation de ses produits et des expériences qui en découlent. La marque doit donc accepter de perdre le contrôle sur l’expérience proposée 112 , puisque l’expérience ne peut prendre sens que si elle est co-construite. 113 113 M. DE CERTEAU, L'invention du quotidien, Folio essais, Gallimard , 1990 112 W.BATAT, Le marketing expérientiel, 2021 111 M. FOUCAULT, Les mots et les choses, 1966 110 , J.BAUDRILLARD, Le système des objets, Paris, 1968, Gallimard. 109 J. BAUDRILLARD ,La société de consommation, Paris,1970 Gallimard. 65