Aujourd’hui le Made In France occupe de plus en plus le devant de la scène, stigmatisant une
volonté des consom’acteurs à consommer plus éthique, plus responsable et plus durable. Le
présent travail de recherche a pour vocation de répondre à la question : « Prêt-à-porter Made In
France : Quels facteurs pourraient amplifier la dynamique de relocalisation ? »
Similaire à Memoire Exec ESC - Alyona CHARLES - BSB Dijon - PRET-A-PORTER MADE IN FRANCE : Quels facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Similaire à Memoire Exec ESC - Alyona CHARLES - BSB Dijon - PRET-A-PORTER MADE IN FRANCE : Quels facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ? (20)
5. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 5
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS 3
RESUMÉ 4
SOMMAIRE 5
INTRODUCTION 6
A. LE PERIMETRE DU SUJET : « L’HABILLEMENT MADE IN FRANCE » 6
B. MES MOTIVATIONS 6
C. PROBLEMATIQUE 7
D. METHODOLOGIE ET ENONCE DU PLAN 7
PARTIE I REVUE DE LITTERATURE 9
A. CONTEXTE : HISTOIRE ET TENDANCE DE L’HABILLEMENT « MADE IN FRANCE » (CONSTATS/FAITS) 9
1. UN APERÇU HISTORIQUE DE L’EPOPEE D’UNE INDUSTRIE AUX RACINES ANCIENNES 9
2. QUELQUES DEFINITIONS ET DESCRIPTION DE LA CHAINE DE VALEUR DE LA FILIERE 11
3. LES PIONNIERS DU MOUVEMENT MIF DANS LE PRET-A-PORTER 16
B. POURQUOI EXISTE-T-IL CETTE TENDANCE DU MIF ? 19
1. UN CONTEXTE FAVORABLE POUR LES RELOCALISATIONS 19
2. OFFRE : LES MODELES CLASSIQUES DE LA CHAINE DE VALEUR 35
3. DEMANDE : LA SATISFACTION DES ATTENTES CLIENTS 39
C. INVENTAIRE DES LEVIERS FAVORABLES AU MIF (EXTERNES ET INTERNES) 44
PARTIE II ETUDE EMPIRIQUE 45
A. ANALYSE COMPARATIVE : COMMENT AMPLIFIER LE MOUVEMENT DU MIF ? 45
1. LE SUCCES DU MODELE ZARA UN EXEMPLE SOURCE D’INSPIRATION 45
2. COMPARAISON AVEC LES LEVIERS D’ACTION LISTES EN PREMIERE PARTIE 50
3. TRANSPOSITION DES LEVIERS D’ACTION ZARA AU MIF 51
4. SYNTHESE DES LEVIERS D’ACTIONS ISSUS DE L’ANALYSE COMPARATIVE & SWOT 63
B. ANALYSE QUALITATIVE : L’AVIS DES EXPERTS 64
1. LISTE DE NOS INTERVIEWS D’EXPERTS 64
2. METHODE : MOTRICITE ET SENSIBILITE DES LEVIERS D’ACTION (D’APRES MICHEL GODET, 2001) 64
3. RESULTATS DE L’ENQUETE 65
4. REGROUPEMENTS ET ANALYSE DES RESULTATS 66
CONCLUSION GENERALE 70
GLOSSAIRE / LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS 71
BIBLIOGRAPHIE : 73
A. OUVRAGES & LIVRES 73
B. ARTICLES 74
C. INTERNET 75
6. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 6
INTRODUCTION
A. Le périmètre du sujet : « l’habillement Made in France »
« Made in France » Je m’intéresse à la création de valeur en France et donc au moyen de
rapprocher autant que possible la production de son lieu de consommation (relocaliser), afin
d’optimiser le cycle de vie du produit vis-à-vis d’un consommateur de plus en plus exigeant (fast
& custom fashion, qualité premium). Mais également dans un esprit responsable et durable afin
d’essayer de favoriser l’emploi local tout en préservant l’environnement et en réduisant
l’empreinte carbone. (Un jeans est par exemple un désastre écologique qui nécessite à lui seul
des centaines de litres d'eau, des pesticides, des colorants, de puissants détergents et des
milliers de kilomètres de transport).
Je me limite de facto au périmètre de « l’habillement », prêt-à-porter et de la mode (exclusion
du secteur textile de production et autres destinations, en particulier tous les autres usages
domestiques ou techniques).
B. Mes motivations
En tant qu’étudiante j’ambitionne de faire carrière dans le monde de l’habillement/mode qui
me passionne. Réaliser mon mémoire de master sur ce sujet me semble un excellent tremplin
pour mieux comprendre la filière et l’approcher. In fine, j’espère faire suffisamment de
rencontres pour y découvrir des opportunités professionnelles pertinentes.
En tant que consomm’actrice je me sens écoresponsable et surtout, je préfèrerais trouver sur
les étals davantage de choix de qualité au prix juste. Plutôt que des produits de masse
« jetables », de piètre qualité, fabriqués par des enfants au Bangladesh (qui meurent sous les
décombres de Dacca). Ou bien encore, des produits de « luxe » inaccessibles ne garantissant pas
un niveau de qualité que j’estime en rapport avec leur prix.
En tant que citoyenne dans ce contexte de crise / récession économique, œuvrer pour favoriser
la création d’emplois me semble un combat passionnant, essentiel pour tenter de préserver
notre modèle social et ralentir la paupérisation des classes moyennes. L’entreprise agit par
définition, elle me semble un levier privilégié pour faire évoluer la société dans un contexte
morose de changement de paradigme de nos modèles économiques.
Précision importante : Il ne s’agit pas de promouvoir le protectionnisme économique ou le
patriotisme forcené mais de mettre à l’honneur le savoir-faire français et œuvrer pour
l’enrichir encore. Tenter de protéger et créer des emplois plus proches de chez nous, conforme
avec les attentes ressenties des consommateurs et la Responsabilité Sociale des Entreprises
(RSE). Suivre l’idée positive et apolitique selon laquelle un business raisonnable et intelligent
profite à tous (à l’entreprise, aux consommateurs, à l’environnement, aux citoyens, ...).
En fin de compte notre écosystème est complexe et interagit constamment, l’ambition de ce
mémoire est d’explorer des solutions qui puissent être en mesure de faire converger la
promotion et le renforcement du savoir-faire français, l’engagement citoyen, la préservation /
protection de l’environnement et l’investissement dans la vie locale avec un modèle de
développement économiquement soutenable dans le domaine du prêt-à-porter.
7. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 7
C. Problématique
Face aux lames de fonds des délocalisations, la question médiatique du Made in France
interpelle : existe-t-il réellement une opportunité sérieuse pour un nouveau canal au sein de la
filière susceptible de justifier de relocaliser partiellement une industrie particulièrement mise à
mal dans nos pays industrialisés au cours des 50 dernières années ?
S’agit-il d’un épiphénomène ? D’une « mode du Made in France » pour doux rêveurs ? Ou alors
d’une opportunité inédite de changement de l’industrie en profondeur ?
• Quels sont les modèles dominants de la
compétition mondiale (chaine de valeur) ?
• Existe-t-il, ou bien peut-on éveiller une
clientèle significative ?
• Quel est son potentiel et sur quelles
attentes se fonde-t-elle ?
• Si tel est le cas, est-il possible de répondre
de façon concurrentielle ? Par quel(s)
moyen(s) ?
En somme, comment les nouveaux modèles managériaux, l’innovation raisonnée, l’intra-
logistique 4.0, les systèmes ERP/PLM, le Green Supply Chain et les circuits courts, entre-autres,
peuvent-ils contribuer à l’émergence d’un nouveau modèle du « made-in-France » ?
Ce mémoire a donc pour vocation de répondre à la question :
« Prêt-à-porter Made In France : Quels facteurs pourraient amplifier la dynamique de
relocalisation ? »
D. Méthodologie et énoncé du plan
La première partie a pour objectif de nous permettre de mieux comprendre le phénomène du
MIF et de formuler des hypothèses sur les facteurs susceptibles d’être les plus influents sur son
évolution.
La seconde partie tentera de vérifier empiriquement ces hypothèses par une analyse
comparative de l’existant (inspiration cas ZARA), étoffée par une étude qualitative auprès des
précurseurs experts du Made-In-France (interviews téléphoniques + salon MIF Expo).
Pour ce faire, nous allons constater la dynamique du phénomène après l’avoir resituée dans son
contexte historique et défini le cadre général de l’industrie.
Ensuite, nous analyserons l’écosystème afin de déterminer les origines favorables puis les
facteurs susceptibles d’influencer ce phénomène du point de vue de l’offre et de la demande.
L’analyse se fera donc dans un premier temps sous le prisme de l’environnement (social,
environnemental, politico-légal, économique et technologique). Puis nous chercherons à
expliquer les mécanismes stratégiques de l’offre afin d’en déduire les facteurs clés de succès.
Ensuite nous tenterons de comprendre la demande afin de découvrir les sources d’avantages
concurrentiels pour le Made-In-France. Nous fournirons en synthèse de cette première partie
une cartographie des facteurs externes et internes qui nous semblent les plus influents.
Dans un second temps nous allons d’abord nous inspirer de la success story de l’Espagnol ZARA
dont les productions sont majoritairement domestiques puis Européennes. En effet, nous
pensons que cet exemple est source d’inspirations transposables en France et peut-être
9. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 9
Partie I Revue de Littérature
Afin de mieux comprendre pourquoi il existe une tendance naissante à la relocalisation du prêt-
à-porter Made in France, nous allons étudier le contexte de cette industrie. Pour ce faire, nous
constaterons dans un premier temps, la dynamique des pionniers du Made in France, après un
bref aperçu historique et quelques définitions permettant de délimiter le sujet.
Dans un second temps, afin de découvrir les racines de cette tendance, nous ferons l’inventaire
des éléments de contexte favorables aux relocalisations, puis nous observerons en détail les
modèles dominants de la chaîne de valeur qui structurent actuellement cette industrie afin de
déceler les brèches favorables au MIF. Puis, nous tenterons d’analyser les mécanismes de la
demande pour comprendre comment le Made in France peut impacter la décision d’achat. Enfin
nous dresserons un tableau des leviers qui nous semblent favorables au Made In France.
A. Contexte : Histoire et tendance de l’habillement « Made in France »
(Constats/Faits)
1. Un aperçu historique de l’épopée d’une industrie aux racines anciennes
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. » Winston Churchill
a) Une industrie à l’avant-garde des révolutions industrielles
L’industrie de l’habillement compte parmi les plus vielles du monde. Elle a pris son essor
pendant la première révolution industrielle en Angleterre grâce à la machine à vapeur qui a
permis de passer d’une société artisanale à une société commerciale et industrielle. A l’instar du
novateur « Bon Marché » d’Aristide Boucicaut qui préfigurait le commerce moderne, ou de la
VAD inventée par la Redoute en 1922, cette industrie des temps modernes a subi une
succession de bouleversements profonds à l’avant-garde des grandes tendances mondiales du
commerce et de l’industrie. En effet, la filière s’est en permanence renouvelée, modernisée par
touches successives au fil du temps. D’ailleurs, la seconde révolution industrielle correspond à la
maitrise de l’électricité pour la production en masse. Il est intéressant de constater que bon
nombre de manufactures textiles du début du 20ème
siècle étaient équipées de turbines à eau
pour produire leur propre électricité.
A l’aube de la première guerre mondiale cette filière caracole en tête parmi les fleurons de nos
industries manufacturières. L’apogée du secteur en termes d’emploi se situe au début des
années 60 (environ 1 million d’emplois en France, 15% de la production manufacturière). Les
marchés de l’industrie de l’habillement étaient en forte expansion suite à la conjonction de
phénomènes démographiques (baby-boom), économiques (la croissance moyenne à 5,4% des
« Trente Glorieuses ») et politiques (l’ouverture au Marché commun en 1958). Mais aussi
l’urbanisation : en 1968, 60 % de la population vit désormais en ville. Cette conjonction induit de
nouveaux modes de vie où le vêtement joue un rôle de plus en plus important (Michèle Ruffat,
CNRS IHTP).
10. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 10
b) De la compétitivité vers la division internationale du travail
Dans le même temps que la demande croît, s’esquisse une mutation profonde de l’industrie. Les
barrières aux nouveaux entrants sont alors encore modérées et l’aubaine attire nécessairement
les convoitises. La compétition fait rage. Avec la mécanisation, la productivité par individu est
ainsi en permanence multipliée, améliorée sans cesse par l’abondance énergétique et les
progrès techniques. Voici la 3ème
révolution industrielle qui s’annonce avec l’automatisation et
les microprocesseurs. Il faut donc investir toujours plus pour préserver la compétitivité. La filière
est très verticale (séquencée en successions d’étapes) et donc propice à son intégration. Les
firmes ont ainsi progressivement élargi l’étendue de leur contrôle à la chaine de valeur globale
pour maximiser leurs marges. Peu à peu, les entreprises grossissent et s’internationalisent, les
petits disparaissent, ou sont absorbés. La productivité progresse déjà plus vite que la demande,
ainsi la concentration devient un pilier de la réussite d’une industrie plébiscitée devenue de plus
en plus capitalistique (productivité), et qui deviendra de fait de moins en moins manufacturière.
Cependant, la confection notamment est difficilement mécanisable, et la main d’œuvre pèse
lourd dans la masse salariale. De ce fait, les industriels sont attirés par les pays dont la main
d’œuvre est bon marché. On assiste alors à une division internationale du travail.
« Le textile et l’habillement sont devenues des industries différentes. La filature, le tissage et
l’ennoblissement sont capitalistique, tandis que la confection de vêtement demeure intensive
en main-d’œuvre … Les clients et les fournisseurs ne se trouvent plus sur le même territoire : les
distributeurs d’habillement ont internationalisé leurs approvisionnements et les
confectionneurs se transforment en donneurs d’ordres en externalisant leur production »1
c) La mondialisation et la déconstruction généralisée vers l’usine du monde
« Dans cette industrie, les premières délocalisations depuis la France ont été effectuées dès les
années 1960 en direction des pays d’Afrique du Nord (Maroc et Tunisie). Les exemples sont
nombreux comme en témoigne la présence abondante d’entreprises de prêt-à-porter (Lacoste,
Petit Bateau, Promod, etc.), et de marques de lingerie (Aubade, Chantelle, Princesse Tam Tam,
etc.), installées en Tunisie ou au Maroc » 2
.
En 1974, suite au premier choc pétrolier, la croissance du PIB et la demande marquent le pas
avec un effet ciseau sur l’emploi. Malgré de solides avances concurrentielles et « l’accord
multifibres (AMF-GATT) » (suivi en 1995 jusqu’en 2005-2008 par un accord de l’OMC) la
compétitivité, l’hyper-concentration de la distribution et les politiques de libéralisation des
échanges mondiaux inscrits dans cette dynamique, ont progressivement provoqués des
délocalisations de plus en plus brutales et la suppression de plusieurs centaines de milliers
d’emplois en France (le secteur en comptait 764 000 en 70, 350 000 en 95, pour moins de 60
000 aujourd’hui).
1
Dominique JACOMET, « Mode, Textile et Mondialisation », p.196-197
2
Dalila Messaoudi « Le territoire français à l'épreuve de la délocalisation des activités industrielles : le cas du secteur textile-
habillement », p.8
11. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 11
Peu à peu donc, les délocalisations de la production se sont opérées au profit de clusters
d’ateliers spécialisés notamment en Asie et particulièrement en Chine (plus des ¾ des
importations de l’UE en 2012 provenaient du quatuor Chine-Inde-Bangladesh-Pakistan). « La
Chine a créé plus de 9 millions d’emplois industriels entre 1992 et 2010 suivie par le Mexique et
le Brésil »2
.
Plus récemment encore, après les pays émergeants, ce sont les pays les plus pauvres du monde
comme l’Ethiopie qui captent une part du marché productif. Et ce, bien entendu pour des
raisons de coûts de la main d’œuvre (une couturière éthiopienne coûte 20 euros quand une
chinoise en coûte 200 et une européenne 2000 par mois). Mais il semblerait aussi, pour des
raisons de délais…
« Les pays producteurs s’inscrivent dans un cycle historique de spécialisation-déspécialisation,
en fonction de leurs avantages concurrentiels. Il convient de distinguer les pays qui ne possèdent
qu’une activité embryonnaire de transformation des fibres (le coton), de ceux qui ne produisent
de manière substantielle que du textile ou des vêtements. D’autre offrent une filière qui peut
être dans une phase de croissance, de maturité ou de déclin. Enfin, il existe des pays dans
lesquels la fabrication a disparu et dominent les activités de conception, de marketing, de
logistique et de distribution »3
.
2. Quelques définitions et description de la chaîne de valeur de la filière
a) Repères contextuels (Définitions textile, habillement, grande conso...)
L'industrie de l'habillement vise toute la confection (prêt-à-porter ou sur mesure), en toutes
matières (cuir, tissu, étoffes à maille, etc.), de tous vêtements (dessus/dessous,
hommes/femmes/enfants, travail/ville/loisirs) et accessoires (INSEE).
L'industrie textile englobe l'ensemble des activités de conception, de fabrication et
commercialisation des textiles et donc, entre autres, celle de l'habillement. Cette industrie
compte de très nombreux métiers tout au long d'une chaîne de valeur composée des fabricants
de tissus, de produits finis et de distributeurs, qui transforment des matières premières
fibreuses en des produits semi-ouvrés ou entièrement manufacturés. Les fabricants de fibres
naturelles et synthétiques interviennent en amont, et donc en dehors de cette chaîne.
Les produits textiles sont pour l'essentiel des biens de consommation. Les vêtements de prêt-à-
porter représentent une partie importante de ce secteur.
Attention, les frontières et statistiques sont parfois floues dans la mesure où certains industriels
de l’habillement intègrent une grande partie de la filière textile lorsque dans le même temps
certains se « limitent » à la commercialisation.
La filière textile recouvre ainsi la préparation et la fabrication des fibres naturelles (laine, coton,
soie, lin, jute...) et artificielles (synthétiques ou cellulosiques), la filature, le tissage et la
fabrication d’étoffes à maille ainsi que de certains articles à maille tricotés en forme
3
Dominique Jacomet, « Mode, Textile et Mondialisation », p.75
12. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 12
(chaussettes, chandails). Elle regroupe également la réalisation d’articles pour la maison (linge
de maison, tapis et moquettes) et l’ennoblissement qui apporte la touche finale à ces différents
produits en aval ou en amont de la filière.
Ce secteur fabrique donc essentiellement des produits intermédiaires tels que des tissus pour
l’habillement, l’ameublement, des textiles à usage industriel et médical mais aussi quelques
produits semi-finis ou finis.
« Les industries du textile et de l’habillement sont imbriquées mais alors que les vêtements sont
entièrement faits de textile, moins de la moitié de la production textile est transformée en
vêtements… L’industrie de l’habillement, souvent dénommée confection, fabrique un produit
fini, le vêtement, exclusivement à partir des tissus que lui fournissent les entreprises textiles.
Toutefois en France, la fabrication des articles chaussants, pull-overs et articles similaires
(bonneterie) relèvent de l’industrie textile, bien qu’il s’agisse aussi de vêtements ; les autres
articles en mailles (sous-vêtements) étant classés depuis 1993 avec l’habillement. Aussi pour
définir avec précision le champ de ces industries, il convient de se référer aux nomenclatures de
produits établies au niveau national et international »4
.
Si l’habillement semble une division du textile, l’habillement peut à l’inverse intégrer
verticalement la partie du secteur textile qui constitue son « sourcing » principal, et qui lui-
même source chez les producteurs de fibres naturelles ou synthétiques. Les frontières semblent
discutables et malléables…
b) Made In France (Définition communautaire)
Aux termes de l'article 24 du Code des douanes communautaires "Une marchandise dans la
production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays, est originaire du pays où a eu lieu
la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans
une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou
représentant un stade de fabrication important. " Cette définition laisse une grande part de
subjectivité et de liberté dans l’évaluation de l’origine du produit. La Commission Européenne
semble très « permissive » et limite la répression des fraudes par les douanes domestiques.
Cette situation peu claire est sans doute à l’origine de la création de multiples labels « Made In
France » qui s’appuient aussi sur des interprétations différentes.
c) La relocalisation (Définition)
La relocalisation se définit au sens strict et au sens large. Au sens strict, c’est le retour dans le
pays d’origine d’unités productives, d’assemblage ou de montage, antérieurement délocalisées
sous diverses formes dans les pays à faibles coûts salariaux. Au sens large, la relocalisation peut
se définir comme le ralentissement du processus de délocalisation vers les pays à bas salaires,
c’est-à-dire la remise en cause des choix de délocalisation ou la non-délocalisation dans les
secteurs sensibles à la compétition par les coûts (Mouhoud E.M., 2011).
4
Dominique JACOMET, « Mode, Textile et Mondialisation », Encadré 0.1 p4 + Cf. nomenclature INSEE Industrie textile,
habillement, cuir et chaussure
14. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 14
valeur selon M. Porter. Chacune des couleurs des activités support (horizontales en-dessous) et
principales (verticales au-dessus) permettent de retrouver sur le diagramme des flux des
activités correspondantes.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la filière est très verticale et plus ou moins
intégrée chez les uns et les autres. Certaines entreprises n’intègrent donc qu’un nombre limité
de ces étapes génériques. Ainsi, les bulles bleues sont externalisables tandis que les rouges font
partie du cœur de métier minimal sine qua non de toutes entreprises. Les bulles blanches quant
à elles, sont nécessairement externes à l’entreprise.
Les flux physiques et les processus sont matérialisés par des flèches noires tandis que les flux du
système d’information sont matérialisés par des flèches bleues.
Les étoiles symbolisent des ressources considérées comme clés par des entreprises leaders sur le
secteur.
e) Structure concurrentielle de l’industrie (Forces de Porter)
(1) Concurrents directs :
Le secteur du prêt-à-porter est mature et plutôt concentré. Fortement concurrentiel, il comporte
de nombreux acteurs « dominants » de taille importante. Le groupe Inditex (ZARA-Espagne) est
N° 1 sur le marché de détail en Europe devant H&M (Suède) et se partagent tous deux de l’ordre
de 20% du marché chacun. Suivent Primark (Irlande), PVH et M&S. Ces trois derniers se
partagent chacun plus de 10% du marché. De l’ordre de 70% du marché européen est donc entre
les mains de 5 groupes.
La concurrence intra-sectorielle est féroce pour maintenir ou consolider ses parts de marché,
notamment via une pression sur les prix de vente et le renouvellement fréquent des saisons.
Note sectorielle de cette force : 10/10
(2) Entrants potentiels :
La menace de nouveaux entrants est faible car les barrières à l’entrée sont nombreuses : marché
très saturé en faible croissance, notoriété des grands groupes élevée (barrière commerciale),
investissements lourds (barrière financière), largeur et fraicheur de gamme, saisonnalité, …
Note sectorielle de cette force : 1/10
(3) Fournisseurs :
Faible pouvoir de négociation des fournisseurs, les fournisseurs sont généralement des
entreprises de PED qui sont contraintes d’accepter les prix imposés par les Grandes Enseignes,
d’autant plus contraints que le groupe est puissant. Néanmoins ce choix stratégique est lié au
coût de la main d’œuvre et impose des coûts cachés et des délais importants.
Note sectorielle de cette force : 8/10
15. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 15
(4) Clients et distributeurs :
Les clients sont des individus isolés, de telle sorte qu’ils ont peu de pouvoir de négociation.
Néanmoins, la pression concurrentielle est telle qu’indirectement, les consommateurs tirent les
prix vers le bas. S’il s’agit parfois de vente directe sans intermédiaire (ZARA), l’industrie est
majoritairement structurée avec un réseau de détail qui a tendance à multiplier les prix par 2.
Note sectorielle de cette force : 10/10
(5) Produits substituts :
Le cycle de vie du produit « habillement » semble durablement mature et peu évolutif. La
menace de voir fleurir un nouveau type de produit d’habillement apparaît assez abstraite.
Note sectorielle de cette force : 0/10
(6) Etat :
Le marché est globalisé et uniformisé. Les réglementations sur le libre échange sont permissives.
Note sectorielle de cette force : 2/10
(7) Diagramme & Analyse
Figure 2 : Forces de Porter
Les principales forces sont intenses, donc le degré de liberté et la marge de manœuvre des
entreprises en présence sont faibles. L’enjeu pour le MIF est de taille. Dans ce mémoire nous
allons précisément découvrir et déterminer les éléments stratégiques qui permettraient de
maitriser les facteurs clés de succès pour amplifier le phénomène du MIF, et notamment,
réorganiser la supply chain et le réseau de distribution afin de mieux répondre aux attentes des
clients que les concurrents pour s’en différencier.
16. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 16
3. Les pionniers du mouvement MIF dans le prêt-à-porter
a) Un mouvement qui fait parler de plus en plus de lui
De nos jours, nous entendons parler de plus en plus souvent de production et consommation
locale. Depuis 2012, une chronique quotidienne intitulée "Made in France" dans l'émission "Midi
en France" est diffusée sur France 3 et TV5 Monde. En 2014, Canal+ a diffusé "Made in France,
l'année où j'ai vécu 100% Français ", documentaire dans lequel Benjamin Carle, journaliste de 25
ans, a décidé de vivre pendant 1 an 100% Made in France". Il a également écrit un livre sorti en
2015 intitulé "Mon année Made in France".
D’ailleurs, la base de données Factiva a recensé près de 3 000 articles de presse qui s’en sont fait
l’écho en 2013, alors que seule une centaine le faisait dix ans plus tôt. Soit 30 fois plus !
Graphique 1 : Citations de l’expression « Made in France » dans la presse française entre 1997 et 2013
Dans ce contexte, il est intéressant de voir fleurir des initiatives telles que l’entreprise « 1083 »
(dans la Drôme), qui relocalise la fabrication (à plus de 85% en France) de jeans et de chaussures
à moins de 1083 km de chez nous. Cette initiative n’est pas isolée. Des marques comme
Tricolore, Tuff’s, Plus de Pulls et Remade in France, fabriquent des vêtements 100% Made in
France à base de coton et de laine recyclés à partir de vêtements usagés.
Nous pouvons également citer pêle-mêle quelques exemples : Storks (polos, t-shirts, chaussettes
Alsaciennes), Version Française (Polos et chemises sur mesure à Châlon/Saône), French Appeal
(Jeans sexy à Paris), La Révolution Textile, Galucebo ou encore les costumes Smuggler, chers à
l’ex-ministre de l’économie…
A titre d’illustration justement, Arnaud Montebourg, ancien Ministre de l'Économie, du
Redressement productif et du Numérique, a fait du MIF son cheval de bataille. Il a mené une
campagne politico-médiatique très remarquée sur le sujet. Après avoir prôné la
démondialisation, le ministre a tenu des discours volontaristes sur la nécessité de consommer du
17. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 17
« Made in France » et sur les réussites innovantes françaises. « Une ambition de redynamisation
du tissu industriel qu'il a tenté d'insuffler à la tête de son ministère du redressement productif.
L'ancien avocat a d'abord réalisé un travail de communication à destination des consommateurs,
en posant en marinière à la une du Parisien Magazine, où il exprimait la volonté de mettre en
place des rayons de produits français dans les supermarchés, puis en réalisant une vidéo sur le
« génie » industriel français, en écrivant un livre intitulé « La Bataille du « Made in France », etc.
Enfin Monsieur Montebourg a annoncé la mise en place de trente-quatre plans destinés à
relancer l'industrie française, en la positionnant sur des secteurs innovants5
».
b) Une filière qui s’organise et se développe
Au-delà des opérations de communication et des ambitions politiques des un ou des autres, ces
projets laissent-ils vraiment augurer un nouveau souffle pour l'habillement « Made in France » ?
Comme évoqué dans le chapitre précédant, l’industrie de l’habillement est en permanente
évolution. Elle a suivi le rythme des révolutions industrielles qui se sont succédées à un rythme
de plus en plus rapproché. Elle a fait évoluer continuellement son organisation pour accroitre sa
productivité ; de la production manufacturière de masse du début du 20ème
siècle jusqu’à la
première vague d’automatisation et le premier choc pétrolier des années 70 qui ont déclenchés
les séries de délocalisations de production dans des pays à bas coût de main d’œuvre. Chaque
évolution trouvant ses limites, désormais, la quatrième révolution industrielle est en marche.
Après les grandes vagues de délocalisations, la tendance aujourd’hui semble s’inverser et les
initiatives de relocalisations se multiplient.
C’est ainsi que fleurissent et s’étoffent peu à peu des salons qui témoignent concrètement de
cette dynamique des marchés. Spécifiquement, la 5ème
édition de MIF Expo a eu lieu en
Novembre dernier Porte de Versailles à Paris. MIF Expo réunit chaque année de plus en plus
d’exposants et de visiteurs (450 et 55 000 respectivement). Ce salon fait la promotion des savoir-
faire d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs qui ont fait le choix du Made in France.
De son côté, Première Vision (réunion de tisseurs Lyonnais depuis 1973), qui organise
depuis 1984 à Paris Nord Villepinte l’événement mondial des professionnels de la filière mode, a
repris à sa charge en 2014 le salon Made In France Première Vision. Le groupe ouvrira en avril
2017, la 15ème
édition de ce salon des savoir-faire français de la filière. Il présentera la
cartographie complète de l’industrie mode et textile hexagonale aux créateurs et aux directeurs
de collections en quête de solutions textiles et matières, de techniques de fabrication et de
confection, ou encore de services production, pour le vêtement et les accessoires de mode haut
de gamme.
Le graphique ci-après représente l’intérêt pour le Made in France vis-à-vis de la dynamique de
cette industrie, en comparant la fréquentation du salon MIF Expo à son nombre d’exposants.
Nous observons que l’évolution de l’un par rapport à l’autre est colinéaire et que le nombre
d’exposants et de visiteurs a été multiplié par cinq en cinq ans.
5
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/11/arnaud-montebourg-des-paroles-pour-quels-
actes_4455655_4355770.html, visitée le 07/11/2016
19. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 19
B. Pourquoi existe-t-il cette tendance du MIF ?
À l’origine de cette tendance, un écosystème en mutation
1. Un contexte favorable pour les relocalisations
a) Le contexte social
Les Français se montrent particulièrement pessimistes vis-à-vis de la situation économique du
pays. En 2014, seul 21% de la population pense que son niveau de vie a progressé depuis 10 ans
et 96% pense que le niveau de vie de l’ensemble des Français a baissé sur cette période (source
CREDOC). De plus, 34% du revenu des ménages est aujourd’hui consacré aux dépenses dites «
contraintes » (logement, téléphone, internet, énergie).
Ainsi, la récession, qui touche tous les pays d’Europe, pousse les consommateurs non seulement
à réduire leurs dépenses mais aussi à favoriser in fine le MIF. En effet, les délocalisations
massives dès les années 1970 et l’automatisation de la production (1 million d’emplois perdus
entre 1960-2010 dans le secteur textile-habillement) contribuent à la perception par le grand
public de l’augmentation du chômage. Dans la conscience collective, les délocalisations ont
toujours été associées à la quête de main d’œuvre bon marché et à l’affaiblissement durable du
bassin d’emploi local. Elles sont donc, dans les esprits, synonymes de chômage et de
paupérisation des classes moyennes. Dans un élan de solidarité avec les salariés et les
entreprises les plus exposées à la compétition mondiale, la majorité des Français portent un
regard critique sur la mondialisation.
Graphique 3 : La perception de la mondialisation aux yeux des individus
La tendance baissière et/ou atone du pouvoir d’achat est largement ressentie comme une
conséquence de la mondialisation et ce sentiment est partagé par un grand nombre de nos
compatriotes depuis de nombreuses années.
21. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 21
Ces tendances accréditent dans la conscience collective l’intérêt de relocaliser. Le MIF apparaît
en effet pour la majorité silencieuse comme un remède à ces dégradations, un remède
susceptible d’inverser la tendance sur les emplois et le pouvoir d’achat. Ainsi dans les faits, une
personne sur deux en 2014 déclare privilégier les produits MIF et globalement, près de deux
tiers privilégient des produits industriels fabriqués en Europe.
Graphique 6 : Quel produit industriel privilégiez-vous ?
De fait, dans ce contexte de crise, faire des économies et acheter plus intelligemment devient
une nécessité pour de plus en plus de ménages. Ainsi, ces derniers réduisent la quantité des
produits achetés, ou, le plus souvent, leur qualité en achetant des produits low-cost « type
asiatique » réputés pour avoir une durée de vie limitée. Dans ce dernier cas, ces produits doivent
très vite être remplacés. De ce fait le coût de revient global à moyen/long terme vis-à-vis d’un
produit de meilleure qualité fabriqué en France est défavorable pour ces consommateurs. Là
encore le MIF semble en mesure d’apporter une réponse crédible en ce qui concerne la qualité.
22. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 22
Graphique 7 : Comparaison de la qualité des produits fabriqués hors d’Europe et en France
Au-delà du désir de réaliser des économies et d’acheter des produits de qualité, les
consommateurs accordent de plus en plus d’importance à l’impact social, éthique et
environnemental de leurs achats. Le scandale en avril 2013 de Dacca, la capitale du Bangladesh,
illustre l’impact des délocalisations en termes de condition de travail. En effet l’effondrement du
Rana Plaza qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour de grandes marques
internationales de vêtements, a provoqué la mort de 1138 ouvriers et blessé plus de 2000
autres.
Depuis, le Fashion Revolution Day6
est célébré, chaque année à la date anniversaire de la
tragédie dans plus de 70 pays. L’initiative #whomademyclothes, ("Qui a fabriqué mes
vêtements") a ainsi pour but de souligner le coût de la mode et les dysfonctionnements de
l'industrie. La créatrice de mode militante Carry Somers souhaite ainsi inciter les marques de
vêtements à avoir une approche plus éthique, transparente et plus durable.
b) Le contexte environnemental
D’après les sondages7
, les européens jugent que l’impact environnemental fait partie des deux
facteurs les plus influents sur leur qualité de vie, et ce, très logiquement après les facteurs
économiques, mais de manière plus surprenante, devant les facteurs sociaux.
6
http://fashionrevolution.org/country/france/, visitée le 07/11/2016
7
« Attitudes des citoyens européens vis-à-vis de l’environnement », Eurobaromètre Spécial 295/Vague 68.2 – TNS Opinion &
Social, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_295_sum_fr.pdf, visitée le 07/11/2016
23. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 23
Graphique 8 : Dans quelle mesure les facteurs suivants influencent-ils votre qualité de vie ?
Donc, pour s’adapter à cette tendance environnementale, les entreprises doivent proposer des
produits conciliants avec l’environnement à chaque étape de leur conception et de leur
fabrication, et ce, quand bien même elles ne partageraient pas ces considérations avec la même
conviction. Aujourd’hui, promouvoir le comportement responsable et éthique est devenu
néanmoins la norme plutôt qu’une initiative isolée de certains militants. Le scandale dit du
« DieselGate » illustre l’importance de l’impact que peuvent revêtir les considérations
environnementales y compris auprès des firmes les plus puissantes, en faisant subir à
Volkswagen des pertes considérables évaluées à ce jour à 15 milliards de dollars.
(1) L’épuisement des ressources
Ces exigences sont d’abord liées aux ressources qui se raréfient exponentiellement. Aujourd’hui,
l’humanité consomme au moins 30% de ressources de plus que ce qui est renouvelé
naturellement par la Terre. Pire, il ne s’agit là que d’une moyenne : si chaque être humain
consommait comme un occidental, il faudrait de cinq à huit planètes pour subvenir aux besoins
de la population mondiale. Pour prévenir la raréfaction des matières premières (même
renouvelables), l’Institut Robert-Schuman propose d’utiliser le principe des 4 « R » : Réduire,
Remplacer, Réutiliser, Recycler.
L’exemple d’utilisation de l’eau : « ...il faut 25 m3
d’eau pour produire les 250 gr de coton
nécessaires à la fabrication d’un tee-shirt8
». Dans les PED il n’existe pas de réglementation pour
réduire l’utilisation d’eau par les industries et donc il n’y a pas de moyens pour contrôler la
quantité consommée et observer l’impact sur l’environnement.
8
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/02/28/le-monde-de-l-industrie-n-anticipe-pas-assez-la-rarefaction-de-l-
eau_1161622_3244.html, visité le 07/11/2016
25. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 25
(2) Coût du transport et de l’énergie.
Aujourd’hui, le prix du pétrole est extrêmement volatile et spéculatif, sans lien direct avec la
raréfaction de cette ressource. Il parait indiscutable qu’il faut beaucoup moins d’énergie pour
transporter les matières premières et les marchandises localement plutôt que de faire plusieurs
tours du monde en bateau ou en avion. Même si les gains effectués grâce à la main d’œuvre à
bas coût couvrent encore les surcoûts de transport, l’écart se réduit avec la baisse de
compétitivité relative des pays asiatiques.
Surtout, le surcoût du transport ne s’analyse pas uniquement par le coût unitaire. Il faut
également intégrer la fréquence et le mode de transport utilisé. En effet, dans l’industrie de
l’habillement d’aujourd’hui, on observe une tendance forte à multiplier considérablement le
nombre de collections par an et à s’adapter le plus possible à la demande. Or cette dernière
n’est pas constante, mais très fluctuante en fonction de facteurs multiples comme la mode ou la
météo.
Pour proposer des produits au plus juste des attentes en quasi temps réel, le producteur doit
produire de plus petites séries et maîtriser sa chaine de valeur avec une plus grande réactivité (la
logistique en particulier). Dans ce cas, il va de fait multiplier les transports et les réassorts au plus
juste, ce qui impose un nombre de rotations plus important et le recours plus fréquent à l’avion
qui est un mode de transport beaucoup plus onéreux et plus polluant.
(3) Impact écologique global du transport de fret
Les échanges sur les marchés internationaux ont augmenté de 30 fois environ depuis 1950 et
devraient encore selon l’OCDE être quadruplés d’ici 2050. L'International Transport Forum (ITF)
estime que le fret international est aujourd'hui à l'origine de 30 % des émissions de CO2
générées par la combustion du carburant utilisé pour le transport et globalement de plus de 7 %
des émissions mondiales. D'après l'organisation des pays de l'OCDE dédiée au transport,
"l'impact à long terme du commerce mondial sur les émissions de CO2 a été largement ignoré9
".
Selon l’agence internationale de l’énergie, les transports sont le deuxième émetteur mondial de
CO2 avec plus de 6.600 millions de tonnes en 200710
.
Les exemples précédents illustrent la position privilégiée du MIF pour répondre
avantageusement aux attentes environnementales. En effet, au-delà de la proximité qui permet
de réduire les transports et leurs impacts (consommation d’énergie, émissions de CO2), le MIF
permet également de contrôler les moyens utilisés tout au long du processus de fabrication pour
s’assurer de leur conformité aux exigences légales sur l’impact environnemental. En outre, de
plus en plus d’entrepreneurs devancent les exigences légales en mettant au point les procédés
innovants plus respectueux de l’environnement. C’est le cas, par exemple, du recyclage de
vêtements usagés (laine, jeans) qui permet de réintroduire la fibre ainsi récupérée dans le cycle
de production de vêtements neufs.
9
http://www.lantenne.com/Les-emissions-de-CO2-du-transport-de-fret-multipliees-par-4-d-ici-2050_a28243.html , visité le
24/08/2016
10
http://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/logistique-transport-marchandises/impacts-environnementaux-
transports-marchandises.php4 , visité le 24/08/2016
26. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 26
c) Le contexte politico-légal
(1) Environnement - RSE
Les obligations créées par les législateurs peuvent, elles aussi, favoriser le retour du MIF. C’est le
cas des lois environnementales, comme nous l’avons évoqué précédemment. « En 1972 est
adopté le 1er Programme d’action pour l’environnement. Depuis lors, de très nombreux actes
communautaires ont été adoptés (80% de la législation française en matière d’environnement est
d’origine communautaire) … Enfin, le traité de Lisbonne ajoute un nouvel objectif à la politique de
l’Union dans le domaine de l’environnement avec la "promotion, sur le plan international, de
mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en
particulier la lutte contre le changement climatique" (article 191 du Traité sur le Fonctionnement
de l’Union Européenne (TFUE))11
».
Par ailleurs, depuis 2010, le Grenelle 2 de l’environnement impose aux grandes entreprises une
publication transparente dans leurs rapports de gestion en matière sociale, environnementale et
sociétale. Ces publications doivent être vérifiées par un organisme tiers accrédité. De même, la
norme ISO 26000 définit la RSE pour la rendre applicable à tout type d’organisation. Si son
application reste volontaire à ce jour, les entreprises qui l’appliquent peuvent obtenir les labels
Afnor, Lucie, ou B-corp.
Ainsi, dans une étude publiée en 2016 par France Stratégie, la RSE améliorerait de 13% la
performance économique des entreprises (étude réalisée auprès de 8500 entreprises de plus de
10 salariés). Au-delà de la performance discutable de la RSE, les règlementations nationales
s’appliquant à toutes les entreprises, notamment le code du travail et les accords de branches.
Elles assurent indiscutablement aux salariés des conditions de travail favorables au MIF en
réponse aux excès des multinationales dans les pays à bas coûts. Cet avantage comparatif est de
plus en plus perçu et apprécié du consommateur final.
(2) Libéralisation douanière et protectionnisme
Le Traité Transatlantique de Libre Echange entre l’UE et l’Amérique du Nord pourrait avoir des
impacts importants sur le MIF. Son objectif est de libéraliser le plus possible le commerce entre
les deux côtés de l’Atlantique. Il ambitionne aussi d’uniformiser les normes, en réduisant les
droits de douane et les « barrières réglementaires », c’est-à-dire les différences de
réglementations qui empêchent l’Europe et les Etats-Unis de s’échanger tous leurs produits et
services, et qui génèrent des coûts supplémentaires.
De nombreuses critiques ont émergées de l’opinion public dues à l’opacité des négociations et la
mainmise des lobbys industriels et financiers sur ce dernier qui pourrait porter atteinte à la
souveraineté des peuples en stigmatisant une mondialisation galopante inquiétante. Ces traités
apparaissent pour ses détracteurs comme une menace pour nos démocraties, susceptible
d’affaiblir nos normes sociales et environnementales. Face au chômage et au risque du
11
Les politiques environnementale et climatique de l’Union européenne, http://www.rpfrance.eu/les-politiques-
environnementale-et , visité le 24/08/2016
27. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 27
déclassement, les Européens ont tendance à se tourner vers leur Etat-nation traditionnel, plutôt
que vers l'Europe. La tendance serait donc aux "protectionnismes sans frontières".
Dans le même ordre d’idée, François Fillon, candidat à la présidence de la république, propose
dans son programme une hausse de 2% du taux de TVA au profit de l’allègement de la fiscalité
des entreprises françaises et de la baisse significative des cotisations sociales pesant sur le
travail. Cette hausse pénaliserait mécaniquement les produits d’importation face au MIF.
(3) Politique d’aides publiques
Les politiques publiques en direction des entreprises espèrent des « effets de fixation sur le
territoire » en favorisant l’investissement, l’innovation, le soutien à la formation... Au-delà de la
simplification et la stabilisation de l’environnement réglementaire, administratif et fiscal, voici
quelques unes des aides en vigueur, inscrites dans le pacte pour la croissance, la compétitivité
et l’emploi, susceptibles de renforcer le retour ou le maintien du MIF.
Le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (ou CICE), 20 milliards d'euros par an. Ce
crédit d'impôt est équivalent à 4% de la masse salariale de l'entreprise (hors salaires supérieurs à
2,5 fois le SMIC). Les entreprises doivent utiliser le CICE pour investir, embaucher ou conquérir
de nouveaux marchés et ne doivent pas l'utiliser pour augmenter les salaires des dirigeants ou
les dividendes des actionnaires.
Le Crédit d'Impôt Recherche (CIR), est une incitation et un soutien à l’innovation par une
réduction d’impôt calculée sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises. Il est
déductible de l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés dû par les entreprises au titre de l’année
où les dépenses ont été engagées (5,6 milliards d'euros en 2013).
La Banque publique d'investissement (BPI), vise un accès amélioré à des financements
performants et de proximité avec une nouvelle garantie publique permettant d’apporter plus de
500 M€ de trésorerie aux PME et l’établissement d’un plan d’action pour lutter contre
l’allongement des délais de paiement.
L’Aide à la réindustrialisation, gérée par le ministère chargé de l’industrie en partenariat avec le
CGET est un dispositif de soutien à l’investissement qui s’adresse aux entreprises dont le projet
d’investissement industriel contribue par son ampleur et son potentiel économique à la
réindustrialisation de la France et à la création d’emplois. Ce dispositif a permis d’accompagner
95 projets depuis son lancement en juillet 2010.
Soutien à l’investissement industriel productif. Les investissements industriels réalisés entre le
15 avril 2015 et le 15 avril 2017 peuvent bénéficier d’un amortissement supplémentaire
exceptionnel de 40 % du prix de revient de l’investissement. Cet amortissement serait réparti sur
la durée normale d’utilisation des biens concernés.
d) Le contexte économique
(1) Déficit commercial chronique & dette publique
Le solde commercial de la France est négatif depuis 2004, cela signifie qu’elle importe plus de
marchandises et services qu’elle n’en exporte. En 2014, la France abandonnait 58,4Mds€ de
déficit commercial, soit en valeur, l’équivalent de 2,5% de son PIB. Les importations pour
28. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 28
l’industrie du textile-habillement en France sont estimée à 16 milliards d’euros 2015, leurs
contributions au déficit serait donc de l’ordre de 1/3 du déficit commercial global de la France !
Graphique 9 : Exportations, importations et solde commercial depuis 2005
Par ailleurs, le paiement des seuls intérêts de la dette a coûté à la France 46,1Mds€ en 2014. En
première approche la somme de la dette publique et du déficit commercial diminuent d’autant
la capacité de la France à investir, faire croître son PIB ou encore de créer des emplois. Qui plus
est, les politiques de relance de la consommation vers des produits dont l’essentiel est importé,
semblent amplifier ce phénomène. La faible croissance quant à elle, qui est le seul moyen, avec
la création monétaire et l'impôt, de continuer à vivre à crédit, ne nous permet pas de cultiver
l’espoir de pouvoir rembourser une dette accumulée depuis 40 ans (qui avoisine 100% du PIB).
Cette conjoncture pèse de plus en plus lourd et incite un grand nombre de citoyens à souhaiter
réduire le déficit commercial par les relocalisations.
Graphique 10 : Evolution du déficit public en France depuis 1959
29. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 29
(2) Dilatation des marges et globalisation
La concurrence mondiale est devenue asymétrique et source d’inégalités de part et d’autre. En
effet, comme nous l’avons vu précédemment, dans leur recherche de compétitivité, les
entreprises, de plus en plus multinationales, ont procédé à des délocalisations vers des pays
dont le principal avantage compétitif est la faiblesse ou l’inexistence de leurs normes sociales et
environnementales. Ce faisant, ces derniers sont maintenus dans une précarité relative, et par
ailleurs, les emplois à bas salaire délocalisés ne sont pas systématiquement compensés par les
mécanismes de rééquilibrage au niveau macro-économique local.
Ceci s’explique par la dilatation des marges, le « nomadisme » international autorisé par la
globalisation, ainsi que par la financiarisation du capital au niveau mondial. En effet, le plus
souvent, les gains de production obtenus dans le pays à bas coûts ne sont pas répercutés sur le
prix du produit final réimporté dans le pays d’origine : un jeans fabriqué en Ethiopie ou en
Tunisie par exemple, sera vendu en France comme s’il avait été fabriqué dans l’Hexagone (prix
de vente similaire pour 1083 ou Tuff vs Levi’s ou Diesel).
Graphique 11 : Baisse de la production domestique vs. augmentation des marges
De plus, une partie non négligeable de ces compagnies ne sont ni patriotes ni nationales. Elles
profitent largement des effets d’aubaine pour transférer/maintenir une part significative de
leurs marges là où la fiscalité est la plus accueillante (détournement des profits avec les prix de
transfert, Cf. Google Tax). L’exemple ci-dessous (Figure 4) représente la contribution à
l’économie française de la vente d’une chemise fabriquée en France vis-à-vis d’une chemise
fabriquée à l’étranger dont les 2/3 de la valeur échappe à l’économie locale.
31. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 31
Selon le cabinet de conseil ATKearney, les coûts cachés, liés à la délocalisation, peuvent
représenter de 15% à 60% du total des gains de l’entreprise délocalisée. Ainsi, lorsque les coûts
cachés dépassent les économies liées aux avantages comparatifs, alors la délocalisation devient
difficilement justifiable.
(4) Perte de compétitivité du sourcing asiatique
De plus, nous assistons au début de la fin de l’eldorado Chinois et la naissance d’un concurrent.
Dans le contexte où le coût de la main d’œuvre chinoise a augmenté, bénéficiant ces dernières
années de son statut d’atelier du monde de prédilection pour les industries occidentales, nous
avons vu que les donneurs d’ordres Européens recherchent aujourd’hui de nouvelles
alternatives auprès des pays les plus pauvres comme en Afrique.
D’une certaine manière il semble que l’industrie occidentale a contribué à l’augmentation du
niveau de vie des Chinois. Une certaine forme de rééquilibrage de la richesse qui leur ferait
implicitement perdre en compétitivité. « Cette situation incite d’ailleurs bon nombre de
confectionneurs Chinois à délocaliser leur production de vêtements bas-moyen de gamme vers
des pays moins chers comme le Cambodge »12
.
Ainsi, si les délocalisations vers les pays les plus pauvres ont probablement encore de beaux
jours devant elles, le système montre d’ores et déjà ses limites. En dehors de toutes
considérations sociales et environnementales, bien entendu, cette course effrénée au moins
cher du moins cher est mécaniquement plafonnée par des facteurs comme la qualité mais aussi,
on le voit bien, le moins cher ne peut pas l’être durablement !
De plus, il faut considérer le fait que le transport maritime par conteneurs impose des délais
longs de plus d’un mois (47 jours via Suez), une autre limite du système est mise en perspective :
celle du cycle de vie du produit et du juste à temps. Le « Time to market » devient de plus en
plus court. Certaines enseignes font aujourd’hui jusqu'à 10 collections par an.
e) Le contexte technologique
Depuis la première révolution industrielle, l’industrie textile est très mécanisée. En effet, la
filature, le tissage ou encore l’ennoblissement ou la teinture sont des industries de volume
propice à l’automatisation. Seule la confection demeure aujourd’hui encore très gourmande en
main d’œuvre. Ce qui explique probablement pourquoi les technologies en amont de la
confection se sont banalisées et ont été délocalisées au plus près de la main d’œuvre qui
confectionne, et ce, malgré la faible intensité propre en main d’œuvre de la filière amont. En
effet, puisque les coûts et délais du transport ne sont pas neutres, pourquoi continuer à
fabriquer du tissu en France, même de manière automatisée, s’il est ensuite envoyé en Chine, au
Bengladesh ou en Ethiopie pour être découpé et assemblé ? Il n’y a donc pas de barrière
technologique qui semble résister à la globalisation.
Paradoxalement, ce contexte favorable aux délocalisations, malgré la haute technicité, redevient
peu à peu favorable aux relocalisations dans un écosystème dont les équilibres évoluent. En
effet, parmi les contreparties des délocalisations, il y a la multiplication des intermédiaires
12
Jean François Limantour, Rapport CEDITH, Octobre 2013, p.14
32. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 32
chargés de la coordination, de la distribution et de la commercialisation qui captent l’essentiel
de la valeur. Car en effet, dans le prêt-à-porter globalisé, moins de 10% du prix de vente final est
consacré à la fabrication. De ce fait, les technologies de coordinations et de distribution
deviennent un élément clé de la compétitivité.
(1) Internet et les circuits courts de distribution
Dans le cas des jeans « traditionnels » de grandes marques, moins de 8% du prix final TTC
concerne en général la fabrication. La distribution jusqu’au client semble l’inducteur de coût
principal. De son côté, 1083 s’est contenté de réduire la part de la distribution de 28% en court-
circuitant le réseau de distribution habituel via le web. Donc en économisant sur la distribution
et probablement en étant moins gourmand ! Ainsi il peut consacrer une part plus importante de
la valeur pour rémunérer des entreprises et des emplois productifs en France.
Figure 5 : Comparaison du businness model (Structure des coûts) entre 1083 et un Jeans de marque
De là, nous pouvons pressentir que les nouvelles technologies de production en flux tirés,
internet, l’automatisation/robotisation, et globalement la supply chain dans son ensemble,
puissent être un axe essentiel de la problématique de la relocalisation en France. Travailler sur
cet axe devrait permettre de réduire les délais, la distance et les intermédiaires entre le client et
le lieu de production, ainsi que la complexité de la coordination entre tous les intermédiaires
associés aux coûts des stocks.
(2) L’exemple d’Amazon
Pour illustrer notre propos, nous pouvons nous appuyer sur l’exemple d’Amazon Prime Now
H+1 qui interpelle. En effet, depuis juillet 2016 (depuis fin 2014 à New York), l’américain menace
directement le circuit de distribution alimentaire « traditionnel » en livrant aux Parisiens des
produits frais en moins d’une heure pour 6 euros (gratuitement en moins de 2 heures) ! En tout
33. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 33
état de cause, cet exemple emblématique démontre que rien n’est plus constant que le
changement, en particulier, grâce à la technologie. Cette dernière apporte en permanence de
nouvelles solutions dans la compétition mondiale dictée par une supposée tyrannie de
l’impatience du consommateur. Et, par là même, cet exemple illustre combien les modèles
traditionnels doivent être repensés et ajustés en permanence aux contextes des nouvelles
technologies susceptibles de redistribuer les cartes rapidement. D’ailleurs les chiffres
démontrent que si le commerce traditionnel affiche une croissance atone (+1,1% en 2014), le e-
commerce, lui, affiche une croissance à deux chiffres en France (+11,5% en 2014, +14,3% en
201513
).
(3) Intégration des « high-tech »
Volontairement, je n’approfondirai pas les domaines médiatiques des « high-tech » :
impression 3d, smart-textiles, fibretronique connectés ou autres applications médicales. Il
faudrait raisonnablement analyser chaque application en détail pour espérer en avoir une vision
suffisamment objective et pouvoir en mesurer l’impact sur le MIF. De plus, leur couverture dans
les tabloïds est le plus souvent irrationnelle et inversement proportionnelle à la réalité des
marchés. Nous pouvons facilement comprendre que l’enjeu de la presse est de faire sensation
en offrant une vision souvent optimiste pour vendre du papier, cependant, il y a objectivement
peu de chance de découvrir un véritable secret industriel à potentiel à la une de son quotidien
préféré.
Ces effets d’annonce me semblent assez hypothétiques (généralement au stade de la recherche
fondamentale) et leurs applications concrètes demeurent incertaines et/ou lointaines (pour
mémoire : la technologie internet s’est par exemple diffusée lentement pour devenir banale et
universelle). Ils ne pourraient le cas échéant ne concerner dans un premier temps que des niches
spécialisées relativement circonscrites (marchés fragmentés en différentiation à moyen terme).
Or le prêt-à-porter est un marché de volume sur le prix très inertiel et néophobe.
Néanmoins, le contexte technologique pourrait également représenter à moyen-long terme un
facteur en devenir favorable aux relocalisations. Il permet de faire évoluer peu à peu les règles
de la compétitivité en explorant de nouveaux débouchés ou business model innovants comme
c’est le cas par exemple avec le recyclage de vêtements usagés.
13
http://www.zdnet.fr/actualites/chiffres-cles-l-e-commerce-en-france-39381111.htm, visitée le 07/11/2016
35. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 35
2. Offre : Les modèles classiques de la chaîne de valeur
Dans cette partie, nous découvrirons l’organisation de la proposition de valeur pour les clients.
Nous analyserons les forces et les fragilités des modèles actuels des chaînes de valeur et les
limites du principe de délocalisation qui n’est peut-être pas la seule réponse possible aux
attentes du marché.
Après ce panorama complet de l’environnement favorable au MIF, il semble en effet essentiel
d’observer les modèles des entreprises dominantes, afin de découvrir leurs forces et leurs
faiblesses. En effet, ces dernières sont le terreau fertile en opportunités pour le Made in France.
a) La domination par les coûts
Rappelons que le cœur de notre sujet concerne le prêt-à-porter MIF. L’Europe est le plus grand
marché de l’habillement mondial. Il s’agit d’un marché mature global aux modes uniformisées
ou l’offre est surabondante et donc la pression concurrentielle maximale.
C’est donc une industrie de volume guidée par une stratégie de domination par les coûts ou les
possibilités de différentiation sont limitées dans un segment donné. En effet, plus la part de
marché est importante, plus le volume de la production augmente. Ce qui entraîne une baisse
des coûts par économies d’échelle et effets d’expérience. Donc, plus les volumes augmentent,
plus les investissements deviennent rentables.
Ainsi l’entreprise de prêt-à-porter qui souhaite perdurer dans cet environnement très convoité
et dominés par des marques puissantes, en préservant à la fois sa compétitivité et la rentabilité
de ses capitaux investis, semble ne pas avoir d’autre choix que de mettre en place une stratégie
offensive de conquête visant à maximiser ses parts de marché, le tout, si possible, à l’échelle
mondiale.
b) « Make or buy »
Les entreprises basent de ce fait la structure de leur chaîne de valeur sur une décision
stratégique organisationnelle appelée « make or buy ». Celles qui délocalisent leur production
sont en grande majorité orientée vers le « buy ». Autrement dit, il s’agit pour elles d’une
stratégie d’externalisation des activités principales de production et/ou de distribution. L’objectif
de cette stratégie est de réduire les capitaux engagés dans l’outil productif en se concentrant sur
les activités jugées prioritaires telles que le marketing, la R&D, ...
En effet, une activité de production est très consommatrice en capitaux propres (usines,
machines, ...). Ces capitaux peuvent être transférés de manière concentrée pour conquérir des
marchés, et ce, d’autant plus que l’augmentation de chiffre d’affaires impose l’augmentation du
besoin financier de l’exploitation (BFR). Ce besoin en capital s’additionnerait à des
investissements supplémentaires en capacité de production. Or, ces besoins financiers sont
mécaniquement limités lorsque la production est sous-traitée et permettent davantage de
croissance pour un investissement similaire (c’est le sous-traitant qui investit dans l’outil de
production).
36. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 36
Le fait que la fabrication d’un jeans de marque traditionnel représente moins de 8% du prix de
vente final, illustre parfaitement le fait que la production est devenue pour ces entreprises une
activité annexe, du même ordre de grandeur que le transport (4%).
Les contreparties de cette stratégie que nous développerons plus loin sont : la perte de maîtrise
du processus de production, les risques liés aux sous-traitants étrangers (qualité, compétence de
la main d’œuvre, infrastructures, distance géographique, etc.), l’empilage des marges,
l’uniformisation de la mode, les coûts de transport et frais de coordination... Parfois même, les
bénéficiaires des choix d’externalisation, comme l’entreprise chinoise Fang Brothers (spécialiste
pour de grands donneurs d’ordres), rachètent des marques de vêtements pour compléter leur
intégration verticale.
c) Les différentes variantes de chaînes de valeurs traditionnelles
Il existe différentes variantes de cette stratégie impactant la structure de chaîne de valeur : avec
ou sans distribution, avec une partie de production, sans production, ... Nous observons qu’il
n’existe pas de règle universelle pour ce choix stratégique.
(1) Sans production ni distribution de détail
Certaines marques ont choisi de se concentrer sur la création, le marketing et la logistique, en
externalisant toute leur production (produits complètement en négoce) et en passant par des
tiers pour la distribution. Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, Nike, Adidas.
(2) Sans production, avec distribution de détail
Le géant Suédois H&M sous-traite toute sa fabrication en Europe et en Asie (80%), mais il a
intégré dans sa chaîne de valeur ses propres points de distribution.
(3) Une partie de production, sans distribution.
La marque Italienne United Colours of Benetton a choisi de maîtriser sa production, sans
s’engager dans la distribution. Pour cette tâche elle choisit des détaillants exclusifs.
(4) Toute la chaîne
ZARA a fait le choix d’intégration verticale pour être plus réactif et flexible que ses concurrents.
80% des collections sont fabriquées en Europe dont 60% en Espagne. Elle contrôle toutes les
phases de sa chaîne : de la teinture des tissus, jusqu’à la distribution. L’intégration verticale
permet à ZARA de s’adapter à la demande du client en maîtrisant parfaitement le temps14
.
d) Stratégie de sourcing
En matière de délocalisation, la stratégie de sourcing est un levier très important. Il faut préciser
qu’il existe 2 grands types d’externalisation : le sourcing proche de type communautaire ou
avoisinant, et le sourcing lointain... Ce levier permet de mieux maîtriser les coûts
d’approvisionnement, mais aussi de dynamiser l’offre (délais) et de fidéliser les consommateurs.
14
http://www.journaldunet.com/economie/face-a-face/zara-hm/organisation.shtml, visitée le 08/11/2016
37. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 37
Le prix de revient reflète en effet tous les coûts induits par le bassin de sourcing. Ce prix
comprend bien entendu le prix d’achat payé au fournisseur qui dépend en grande partie du coût
de la main d’œuvre. Mais il faut aussi comptabiliser les coûts indirects d’acquisition que sont les
frais dits annexes ou frais d’approche qui ne sont pas toujours imputables à un produit donné. Ils
comprennent non seulement les droits de douanes, les frais de transports, de relivraisons (du
port à l’entreposage), mais aussi d’éventuelles pénalités (surestaries de délais de chargement-
déchargement…).
(1) Sourcing lointain
Le coût de la main d’œuvre en bassin lointain est généralement plus faible et plus attractif. Il en
résulte une marge brute nettement plus intéressante. Cependant le fait que les salaires en Chine
augmentent, et qu’elle-même commence à délocaliser, relativise cet avantage. De plus, le
sourcing lointain conduit de facto à des délais d’approvisionnement plus longs, ce qui implique
des commandes précoces. Cela nécessite également de s’engager sur des volumes importants
fondés sur des prévisions de ventes qui comportent toujours un aléa quant à la certitude de les
écouler entièrement (soldes) ou du risque de rupture de stocks. Le sourcing lointain comporte
donc des contraintes de rigidité liées aux engagements de volumes qui entraînent une moindre
réactivité/flexibilité en cours de saison. Il est enfin exposé à plus d’aléas opérationnels,
monétaires voire géopolitiques.
(2) Sourcing proche
Un sourcing proche (Europe, Méditerranée) permet par contre de s’approvisionner plus
rapidement et plus régulièrement. Cela permet une plus grande souplesse de
réapprovisionnement et de réduire le risque de rupture ou de surstock. En contrepartie, la main
d’œuvre dans les pays sous-traitants comme Europe de l’Est ou Maghreb est plus chère qu’au
Bangladesh, par exemple. S’approvisionner plus souvent signifie aussi des transports plus
fréquents, ce qui peut représenter un coût à ne pas négliger bien que la distance soit plus faible.
Le prix à payer pour la souplesse de ce choix stratégique semble globalement caractérisé par des
marges brutes unitaires plus faibles. Mais du fait que le plus souvent les échanges sont faits en
Euro, les risques de changes sont minimisés.
e) Le rôle-clef de planification économique
Comme nous venons de le voir, il existe une interdépendance forte entre le lieu géographique de
production et de sourcing et la planification des ventes. Le multi-sourcing (qui consiste à
s’approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs) permet en partie de répondre à des besoins
de sécurisation ou de souplesse des approvisionnements vis-à-vis d’une saisonnalité toujours
plus complexe. Ainsi, un produit très pérenne (reconduit d’une saison/année sur l’autre dans le
meilleur des cas) pourra avantageusement faire l’objet d’un sourcing lointain. C’est le cas des
produits peu sensibles aux modes dit « de fond de catalogue » qui ne présentent que peu
d’incertitude en termes de prévisions de vente (comme par exemple des sous-vêtements
masculins). En revanche, pour un produit sujet aux tendances, plus saisonnier, voire éphémère,
un sourcing proche est à privilégier. C’est notamment ici que le Made In France peut (re)-trouver
tout son intérêt. La proximité permet une supply chain plus rapide et plus efficiente en
apportant de la nouveauté aux clients. L’offre devient plus attractive, capable de réagir à un
comportement imprévu des consommateurs ou même encore de la météo.
38. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 38
f) L’importance de la coordination drivée par le SI
Maitriser la chaîne de valeur c’est également maîtriser l’interconnexion et la synchronisation de
tous ses maillons, en particulier lorsqu’ils sont nombreux. La coordination des acteurs de la
chaîne est susceptible de consommer une grande partie de la valeur produite et de ralentir les
délais. C’est un poste de charge de plus en plus conséquent, souvent sous-estimé et difficilement
imputable à un produit en particulier. Souvenons-nous que seuls 12% de la valeur est consacrée
à la production et au transport !
Nous avons déjà symbolisé la complexité des flux d’informations dans la chaîne de valeur
générique de la filière (Figure 1). L’objectif ici n’est pas d’entrer dans le détail de chaque
ramification, mais bien de mettre en perspective la nature de plus en plus complexe et raffinée
des systèmes d’informations. Il semble reposer sur ces derniers une part croissante de la
création de valeur et ils sont devenus peu à peu essentiels à la survie de chaque entreprise. En
effet, ces systèmes permettent de coordonner finement les différents acteurs dans les délais les
plus brefs, ainsi que de s’adapter en permanence au rythme effréné des évolutions dictées par le
marché, et ce tant au niveau des produits que des procédés.
En effet, la mode est de plus dynamique et impose son rythme. Aujourd’hui, les marques
produisent jusqu’à 10 collections par an et les modèles de production évoluent rapidement. La
longueur des séries et les stocks sont limités au plus juste, en volume comme dans le temps. La
multiplication des intermédiaires de natures très différentes complexifie davantage encore le
système et alourdit les coûts.
Une entreprise moderne, qu’elle délocalise ou non, se doit donc d’intégrer un système
d’information riche et transversal. Il doit permettre de nourrir les données de bout en bout, afin
de garantir compétitivité, réactivité et flexibilité, et ce, dans des conditions ou le facteur temps
et les signaux faibles sont essentiels à la préservation de son avantage concurrentiel.
Ainsi la parfaite maîtrise des SI et de la coordination des différents acteurs est devenue un
facteur clé de succès (FCS) prépondérant pour les marques de prêt-à-porter. La diversité des
stratégies employées à ce jour, que nous avons évoquées ci-dessus, démontre qu’il n’existe pas
de « recette universelle » pour préserver et renforcer son avantage concurrentiel. Néanmoins, le
modèle « hybride tout intégré » de ZARA démontre une efficacité particulièrement redoutable. Il
nous suggère que l’intégration verticale, le sourcing proche et le contrôle avancé à toutes les
phases sont des outils décisifs pour la réactivité à la demande alors que le sourcing lointain et
l’hétérogénéité des intermédiaires devrait être limités au strict minimum. Sous cet angle, il
semble donc exister un argument considérable qui milite pour les relocalisations en France du
prêt-à-porter. Pour confirmer ces hypothèses, nous explorerons en détails dans la prochaine
partie ce modèle qui pourrait peut-être nous conduire vers une opportunité sérieuse pour un
canal significatif de vêtements relocalisés en France ?
39. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 39
3. Demande : La satisfaction des attentes clients
Quels que soient les modèles d’organisations et les stratégies retenues par les entreprises, il est
souhaitable de garder à l’esprit que toute activité économique n’a de raison d’être que dans la
satisfaction de son client. En effet, une entreprise qui perd ses clients ne survit pas plus qu’une
entreprise qui perd sa rentabilité !
La mode est par définition toujours en mouvement : elle représente les goûts du moment qui
dépendent de phénomènes imprévisibles et irrationnels comme la tendance imposée par
certains leaders d’opinions ou encore même parfois la météo. Cette incertitude permanente et
exigeante impose aux acteurs réactivité, agilité et une maîtrise extrêmement fine de la chaine de
valeur (e.g. distribution, production, chaîne logistique transcontinentale, risques de change).
Dans ce contexte, le risque de stock invendu est majeur. L’expérience client est donc essentielle
(valeur perçue / confort / bien-être / accessibilité / satisfaction d’égo / effet de meute) avec un
vêtement qui au-delà de la fonction d’utilité, est devenu essentiellement un marqueur social
d’apparat et de démarcation.
Comprendre ses clients, c’est comprendre leurs comportements d’achat. Comprendre ce qui les
pousse à agir ! Cette compréhension est la source d’avantage concurrentiel. Elle doit permettre
de construire une proposition de valeur attractive permettant de convaincre et de fidéliser. En
un mot, de satisfaire les attentes de ses clients.
Or la nature humaine est complexe, versatile et duale, partagée sans cesse entre son profit
immédiat et l’anticipation raisonnable d’un avenir incertain et par nature effrayant. En effet,
c’est pour préserver sa famille et son bétail du froid et des prédateurs que le paysan construit
une ferme. Et c’est aussi dans l’espoir de la récolte aux beaux jours qu’il sème et qu’il investit
une partie du fruit de son travail passé. Mais s’il envisage l’avenir et tente de le prévoir ou de
l’influencer, c’est avant tout pour nourrir sa famille ici et maintenant !
L’homme moderne n’échappe pas à ces mécanismes contradictoires entre l’avenir et le présent,
entre la satisfaction du besoin ou de l’envie immédiate vis-à-vis de l’anticipation raisonnable et
raisonnée de l’avenir. Ainsi, après la seconde guerre mondiale, l’élévation du niveau de la vie
donna une part plus grande dans les budgets à la consommation discrétionnaire. Les vêtements
furent alors choisis selon d’autres critères qu’en milieu rural. Ces critères n’étaient plus
seulement qualitatifs mais sont devenus de plus en plus subjectifs et sensibles. Ils dépassaient
désormais, pour le plus grand nombre, le primitif « besoin d’avoir qui protège » afin de satisfaire
une nécessité. Brusquement, ils s’étaient déplacés en masse vers « le besoin d’être et de
paraître qui distingue de ses semblables » et qui symbolise la place que l’on occupe dans la
société (ou que l’on revendique) (Dominique Jacomet, « Mode, Textile et Mondialisation »).
Ce sont donc les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre dans le domaine du prêt-à-porter, entre
nos achats spontanés de T-shirts « sexy » à 5 euros, confectionnés par une éthiopienne mineure,
et « l’investissement » dans une chemise sur mesure « Made in France ». Dès lors, le prix bas
serait plutôt synonyme d’un bénéfice à court terme alors que la qualité représenterait plutôt un
bénéfice et une expérience de qualité attendus à long terme.
40. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 40
a) La « qualité française »
Selon l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique), pour 95% des consommateurs, acheter des
produits fabriqués localement, représente un acte citoyen qui contribue au profit de l’industrie
et de l’économie nationale. Comme nous l’avons vu, l’achat devient un acte social, qui sauve ou
même crée des emplois en France. Plus encore, malgré le contexte économique morose, en
2014, 61% des consommateurs français déclarent être prêts à dépenser au minimum 5% plus
cher pour acquérir un produit d’origine française. Ils n’étaient que 39% à le penser en 1997.
Ainsi, selon ces déclarations d’intention, lorsqu’il est question de choisir un produit, les
consommateurs représentatifs de la population française disent privilégier la « qualité
française » (valeur perçue) plus encore qu’auparavant au prix ou à la quantité. Le Prix n’est
donc pas le seul critère. Les clients s’interrogent de plus en plus sur la provenance d’un produit
acheté, d’où viennent les matières premières, quelles sont les conditions de fabrication et de
travail des ouvriers (respect des normes sociales)15
.
Graphique 12 : La hausse du consentement à payer plus le MIF depuis 1997
Mais dans les faits combien sont-ils vraiment à passer à l’acte ? Il existe en effet, un rapport
complexe entre le prix, la qualité et la valeur perçue par le client.
b) Comprendre la valeur perçue
Dans le langage courant, la qualité tend à désigner ce qui rend quelque chose supérieure à la
moyenne. En ce sens elle s’apparente à la valeur perçue. Mais pour certains, la qualité première
d’un article peut-être celle d’être de bon marché... Ainsi, la qualité est un mot-valise qui conduit
à l’évaluation du produit par le client en fonction d’un certain nombre de critères de jugement
plus ou moins objectifs et personnels. Ces critères d’attractivité concernent en premier lieu les
attributs du vêtement (utilité, mode, matière, style, finition, coupe, origine, compétitivité,
15
Sondage IFOP « Les français et le Made in France - vague 2 » (31/01/2013)
41. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 41
proximité, prix ...) mais également la relation client avec l’entreprise, ou encore l’image de la
marque et sa réputation.
D’ailleurs, selon la norme ISO 9000, la qualité est l'aptitude d'un produit ou d'un service à
satisfaire les exigences. Cette définition confirme le lien direct entre la qualité (ou valeur perçue)
et la satisfaction des attentes clients. Il conviendrait donc de pouvoir lister et pondérer chacun
des critères évalués par le client pour être en mesure de concevoir une offre optimale.
Cependant, il existe pour chacun d’entre nous une subtile grille d’évaluation plus ou moins
complexe, consciente et évolutive, dans laquelle chacun des critères possède une importance
qui nous est propre. Par exemple, les attentes éthiques à long terme (client responsable,
consomm’acteur de MIF) ne sont, bien entendu, qu’une des composantes de cette grille
d’évaluation qui sera plus ou moins (ou pas) importante suivant la sensibilité et la culture de
l’individu ou encore les normes sociales.
c) Les critères d’évaluations les plus influents
Néanmoins, si comme nous l’avons vu, les critères qui permettent d’évaluer la qualité d’un
produit sont très variables d’un individu à l’autre, il est fort probable qu’ils soient très similaires
sur un même segment de marché (adressant donc une même famille de clients). D’ailleurs, selon
l’étude du CREDOC sur l’attachement des français au MIF, les critères (déclarés) qui influencent
le plus leurs achats sont basés à 70% sur la qualité et le prix. Les trois autres critères les plus cités
sont les services, l’origine du produit et la marque. Les autres critères représentent moins de 1%
des réponses.
Graphique 13 : Critères Influants les achats de produits industriels (total des réponses égales à 200 - en%)
Cette étude indique que le rapport qualité/prix est de loin le plus influent. Or, à « qualité » égale,
le rapport qualité/prix d’un produit fabriqué en France serait défavorable dès lors que son prix
42. PRÊT-A-PORTER MADE IN FRANCE
Quels Facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?
Alyona CHARLES - MEMOIRE EXECUTIVE ESC 2015-2016 42
serait supérieur à un produit équivalent fabriqué à l’étranger. Dit autrement, selon nos
estimations, le rapport qualité/prix est approximativement inversement proportionnel au prix
(graphique 14).
Graphique 14 : Evolution de la qualité/prix selon le prix à qualité stable (évolution Q/P en fonction de P en %)
Bien que le contexte soit favorable (qualité perçue meilleure), le retour du MIF reste à ce jour
encore à la marge. C’est donc qu’il existe une grande différence entre les intentions et les
actes. Nous en déduisons que malgré le consentement déclaré à payer plus cher, la réalité tend
à démontrer que l’arbitrage s’effectue in fine sur le prix qui tire la qualité/prix Made in France
vers le bas en faveur des produits importés.
d) Hypothèse
De ce fait, nous formulons l’hypothèse que s’il est possible de vendre à « qualités/attributs »
similaires, des produits de prêt-à-porter MIF au même prix que les produits délocalisés, le MIF
sera compétitif. Il devrait être privilégié par la majorité des consommateurs français et amplifier
ainsi le phénomène Made in France dans la mesure où le pays de fabrication représente plus de
10% dans sa décision d’achat et que, comme nous l’avons vu sur le Graphique 7, la qualité est
perçue meilleure à 60% ou équivalente à 33% pour le MIF. Finalement, la principale difficulté
semble donc être de concevoir une offre MIF compétitive et donc d’agir sur les leviers qui
permettent de réorganiser la chaîne et les inducteurs de coûts, afin de proposer une offre plus
attractive.
e) Lien avec le marketing mix (pull vs push)
Le prix et la valeur perçue (qualité/prix) semblent être les facteurs les plus influents. Cependant,
il existe un troisième facteur lui aussi très influent mais aussi très sensible et interdépendant des
deux premiers. Il est lié à la perception et l’existence même de l’offre pour le client. En effet, il
ne suffit pas de savoir-faire en France au juste prix et avec la bonne qualité, pour atteindre les